From 582447bb724a3f6314c3eadfa5203c8898945cec Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: silviaC Date: Sun, 2 Jun 2024 17:14:39 +0200 Subject: [PATCH] agencement chapitres --- sections/partie_1.tex | 296 +++++++++++++++++++++--------------------- sections/partie_2.tex | 37 +++--- 2 files changed, 164 insertions(+), 169 deletions(-) diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex index 8b17465..f0a9dbf 100644 --- a/sections/partie_1.tex +++ b/sections/partie_1.tex @@ -23,7 +23,7 @@ Le premier chapitre intitulé \textit{Pratiques somatiques et quête de l’inte est une introduction aux pratiques somatiques que j’ai pu expérimenter depuis 2013, dont \textit{le shaking} intégré comme outil de recherche-création dans ma pratique de danse. Il présente aussi des chorégraphes qui m’inspirent et des systèmes de notation, pour revendiquer une identité plurielle dans mon approche de la danse. Le deuxième chapitre intitulé \textit{Conscience du corps dans la robotique} liste le contexte historique et les dernières tendances dans l’étude de la conscience, avec un focus sur l’approche cognitiviste. Il met en parallèle des principes de robotique et de cognition incarnée. -Le troisième chapitre \textit{Robots sur scène} présente différentes manières d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches chorégraphiques contemporaines. Cela est confronté avec un état d’art d’œuvres d’interaction robotique afin d'identifier des potentiels défis concernant la danse avec les robots. +Le troisième chapitre \textit{Corps performatifs en robotique} présente différentes manières d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches chorégraphiques contemporaines. Cela est confronté avec un état d’art d’œuvres d’interaction robotique afin d'identifier des potentiels défis concernant la danse avec les robots. \chapter{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle} @@ -79,7 +79,7 @@ Dans une autre optique, une préoccupation actuelle rapproche les pratiques soma Des artistes visionnaires, puis des chercheurs en neurosciences, nous aident à mieux comprendre notre rapport au corps. En danse, l'improvisation interroge le mouvement dans sa potentialité artistique pour générer des nouvelles formes d'expressivité. A mon tour, je me concentre sur les mouvements spontanées pour comprendre leur impacte sur une danse avec des robots. Ces mouvements sont issus d'un laboratoire d’expérimentations en lien avec des pratiques somatiques, bien que la définition exacte de cette somatique est sujet à des débats selon la discipline où elle opère. -\section{Cultiver l'intelligence sensorielle plus un plateau: les multiples facettes des pratiques somatiques} +\section{Les multiples facettes des pratiques somatiques} Pour mieux expliquer la dynamique qui opère entre la danse et les pratiques somatiques\cite{eddy2017mindful}, je m'interroge sur la façon dont ces techniques structurent la corporéité ainsi que l'expérience phénoménologique du cors et ses sensations. Lorsqu’elles sont employés comme exercices d'échauffement et d'entraînement régulier, elles facilitent une nouvelle appréhension du corps et de son mouvement. Lorsqu’un danseur apprend une technique de danse, son corps est capable de reproduire les mouvements et de se mouvoir presque de façon automatique, selon les caractéristiques de cette technique. Lorsqu'il s’approprie une pratique somatique, le danseur n’a de preuve à son appui autre que les traces que laissent cette expérience à l’intérieur de son propre corps. Ainsi l’intériorité et l'expérience sensible du danseur sont cultivés grâce à l'\gls{expérience kinesthésique}: \begin{quote} @@ -1008,7 +1008,7 @@ A partir d'une description de l’approche cognitiviste sont passés en revue co \clearpage -\chapter{Robots sur scène} +\chapter{Corps performatifs en robotique} Ce chapitre se concentre sur les enjeux des pratiques artistiques en lien avec le mouvement, dans le contexte des spectacles ou installations avec des robots. Il introduit la biomécanique comme manière d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches scéniques contemporaines, notamment celles qui utilisent des robots. @@ -1026,7 +1026,7 @@ Le terme regroupe la biologie comme science du vivant et la mécanique comme sci D'autres disciplines comme la médecine ou la cinématographie s’appuient sur des principes de biomécanique pour avancer leurs recherches respectives. Dans le domaine du spectacle vivant, des chorégraphes et des artistes numériques, se sont également intéressés à la biomécanique pour développer leurs pratiques en lien avec des robots. -\subsection{Meyerhold et son approche sociologique} +\subsection{L'approche sociologique de Meyerhold} La biomécanique est également le nom d'une discipline enseignée par le metteur en scène russe Vsevolod Emilievitch Meyerhold (1874–1940). Cette discipline fait son apparition au début du XXe siècle pour cultiver une conscience de soi ainsi qu’un travail plastique et rythmique de l’acteur dans l'espace. Inspirée entre autres par la commedia dell’arte et le travail des danseuses Isadora Duncan et Loïe Fuller, cette méthode d’entraînement physique permet aux acteurs de développer leur coordination et leur sens du rythme au plateau. @@ -1054,146 +1054,7 @@ En s’inspirant de ces observations, Meyerhold les applique ainsi à sa méthod lors des spectacles dont le rythme des acteurs est proche d’une chorégraphie. Si le décor est souvent inspiré par le courant constructiviste - dont la philosophie repose sur l’austérité et les motifs non-figuratifs- les déplacements des acteurs dessinent des parcours géométriques à la façon d’une danse contemporaine. Les parcours dépendent du nombre pair ou impair des acteurs qui créent des constellations dans l’espace pour suggérer la mécanisation des processus artistiques. D’une façon avant-gardiste et engagée, Meyerhold a dédié son travail à la lutte des classes, aux problèmes sociaux, en espérant contribuer à la création d’un nouveau type humain. Le culte de personnalité et les dérives du régime totalitaire stalinien ont fait que son théâtre soit fermé en 1938 et le metteur en scène exécuté en 1940, malgré le fait qu’il soutenait pleinement les idées communiste. Presque un siècle après sa mort, ses écrits inspirent des metteurs en scène et chorégraphes contemporains. Entre temps, les robots défient les performances physiques des humains dans le travail industriel. Il nous reste à comprendre leur potentiel dans les domaines artistiques, notamment le spectacle vivant. Sur scène ils sont pour le moment loin de la flexibilité des danseurs par exemple, mais les prochaines années vont déterminer comment ils peuvent acquérir un corps performatif et performant. - - - -\section{Faire danser les robots} - - -Pour comprendre comment mettre en scène les robots, je commence cette analyse avec les problématiques liées à la représentation du corps dans les propositions scéniques contemporaines. La bas une certaine partie de la communauté artistique en danse, semble œuvrer à une compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps -ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité, avec l’émergence des principes neuroscientifiques et somatiques. Le livre \textit{Disjunctive Captures of the Body and -Movement}\cite{cvejic2015disjunctive} interroge les formes de corporéité qui déconstruisant la façon d’habiter le corps. Bojana Cvejic -cite des chorégraphes tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour qui la danse est, avant tout, un lieu d’expérimentation. Ce questionnement de l’expérience subjective du mouvement, est partagée avec la chercheuse Stamatia -Portanova dont Cvejic nous fait découvrir le travail. A son tour, Portanova travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la danse\cite{portanova2013moving}. Dans le chapitre \textit{Can objects be processes?}, elle se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Son analyse se concentre autour du travail du chorégraphe William -Forsythe. Le spectacle \textit{One Flat Thing, reproduced}(2000) a comme contrepoids numérique \textit{Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced} - un outil de visualisation des paramètres chorégraphiques dont l'apparence est proche d'un site vidéo, créé par la -compagnie de danse Forsythe en collaboration avec l’Université d’Ohio. Les paramètres captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie. Cela permets d'explorer sous un autre ongle les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le site \textit{Synchronous Objects}\footnote{https://synchronousobjects.osu.edu/} ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori, malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de représentation, puisque le temps de la performance est unique dans sa temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère. - -Mettre en scène des robots est souvent sujet à des contingences et erreurs de dernière minute. Nous l'avons aussi constaté lors des expérimentations en improvisation présentées dans la deuxième partie de cette thèse. Le caractère imprévisible des robots est aussi catalyseur d'une inspiration artistique, leurs partenaires humains développent une forte capacité d'adaptation et de présence. Souvent un spectacle avec des robots, n'est pas le même d'une représentation à l'autre. Les œuvres que nous allons évoquer dans les prochaines pages en témoignent. - - -\subsection{Défis chorégraphiques dans la représentation du corps} - - -Les œuvres chorégraphiques analysées par Cvejic ne remplacent pas les danseurs par des agents non-humains ou des systèmes numériques comme dans l’étude de Portanova. En échange, elles mettent en scène le corps comme support physique du mouvement. Cvejic insiste -sur la manière dont la relation entre le corps et le mouvement est rendue impersonnelle, \textit{dé-subjectivé}, mais aussi \textit{dé-objectivé} sur la base de celle qu'elle définit comme une perturbation délibérée entre sujet et objet. Pour elle, la subjectivation traite le corps comme une source d’expression de soi. Ainsi par le mouvement jaillit l’envie du corps d’exprimer son expérience émotionnelle intérieure. A l’inverse, l’objectivation restreint le corps à un simple instrument d’articulation physique, dont le mouvement se fait ``en” et ``pour” lui-même. La chercheuse nous introduit au \textit{concept deleuzien de reconnaissance} où le corps et le mouvement se situent dans des relations d’interdépendance. L’identité subjective du danseur est reflétée et représentée -dans l’identité objective du mouvement. Comprendre les facteurs qui facilitent ce processus de symbiose, nous aide à mieux définir un corps en mouvement. Déconstruire le corps humain sur scène signifie également donner l'impression d'une multiplicité de corps à partir de ses membres. Par le fait d’éviter l’unification d’une seule figure reconnaissable dans sa forme et son image, le corps est objectivé. Comme -Cvejic le souligne dans son livre, partitionner le corps pour recomposer ses parties dans un processus de devenir, laisse apparaître des nouveaux corps différents et méconnaissables. Cette volonté d'effacer le corps, de le déconstruire, anticipe l'apparition des autres corporéités, non-humaines et artificielles sur le plateau. - -En ce qui concerne mon contexte particulier de spectacles avec des robots, je rajoute une dimension dans la dialectique corps-mouvement. Le corps en mouvement doit être en symbiose avec la machine. Là où les danseurs réalisent une synthèse entre leurs corps et le mouvement (ou ils accordent leurs corps à un mouvement spécifique), les machines deviennent la structure qui oriente cette symbiose dans le temps et l'espace. Le robot détermine comment les corps bougent sur un plateau, bien que souvent nous sommes encouragés de croire le contraire. Cette objectivation opère à plusieurs niveaux, physique et phénoménologique, avec pour seul indicateur l’expressivité humaine qui compense là où la machine n'arrive pas (encore) à s'exprimer. Dans l'optique de Cvejic, les philosophes Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps réorganisés, comme un processus perpétuel: -\begin{quote} -``Les objets fragmentés ne dérivent qu'en apparence des personnes(sujets) entiers; -ils sont en réalité produits en étant prélevés d'un flux ou d'une matière non personnelle, avec laquelle ils rétablissent le contact en se re-connectant à d’autres objets fragmentés\footnote{en version originale: ``Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves to other partial objects.”.}” -\cite{cvejic2015disjunctive} - -\end{quote} - - -Cette perspective de la fragmentation perpétuelle, peut représenter un véritables impasse chorégraphique sur le plateau. Pour illustrer, Cvejic évoque le spectacle \textit{Nvsbl}(2006) d’Ester Salomon. L'artiste hongroise met en scène quatre performeuses gravitant à partir de quatre coins de la scène vers le centre- parcourant 5,5 mètres pendant une période d’environ 80 minutes. La trajectoire qu’elles effectuent est si alambiquée et prolongée dans la durée que ni les spectateurs, ni les interprètes n’arrivent à saisir complètement le déplacement dans l’espace. Alors que les spectateurs peuvent enregistrer la transformation rétrospectivement - en détournant le regard puis en regardant en arrière pour vérifier s’il y a eu un avancement, cette expérience reste en dessous du seuil de perception. - - -Pour parler de sa démarche, Salomon cite à son tour la critique d'art Peggy Phelan pour qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement pendant le temps de la représentation: -\begin{quote} -``La vie d'une performance réside seulement dans le présent. Une performance ne peut pas être sauvegardée, enregistrée, documentée; elle ne peut pas participer d’une autre manière à la circulation des représentations de représentations : une fois que cela se produit, elle devient autre chose que de la performance\footnote{en version originale:``Performance's only life is in the present. Performance cannot be saved, recorded, documented, or otherwise participate in the circulation of representations of representations: once it does so, it becomes something other than performance.”.}” -\cite{phelan2003unmarked} -\end{quote} - -Pour créer \textit{Nvsbl}, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre antérieur. Comme le souligne Cvejic, tous les paramètres par lesquels le mouvement est habituellement perçu et reconnu sont suspendus lors de cette représentation. Aucun élément corporel ne peut être distingué comme initiateur du mouvement, puisque chaque performeuse est impliquée dans un mouvement perpétuel qui opère à son intérieur. Certains chercheurs\cite {royo2016mit} évoquent le concept de regard oscillatoire, en anglais \textit{oscillating gaze}, pour faire référence au mouvement d’attention qui sollicité le spectateur pour regarder différemment ce que se déploie devant ses yeux. Lors de cette expérience, des nombreuses parties du corps s’engagent simultanément dans un processus de dépliage des formes, pour devenir objet. Performeur et spectateur vivent ce processus différemment, mais saisissent ses enjeux de la même manière. - -Une analogie plus simple fait référence à la manière d'employer des objets ou dispositifs non technologiques sur un plateau. Cvejic prend comme exemple le spectacle \textit{It’s in the air}(2008) par Ingvartsen and Jefta VanDinther dont il est question de réinventer le corps et ses limites dans un contexte où les lois physiques sont transgressées. Ce spectacle où un homme et une femme performent sur deux trampolines géantes, s’organise autour de plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de -la personne qui subisse le rebond: -\begin{quote} -``Nous ne cherchons pas à savoir ce que nous pouvons faire sur un trampoline, mais plutôt ce qu'un - trampoline peut faire pour nous. En utilisant les trampolines comme contrainte pour - la production du mouvement, nous nous forçons à reconsidérer tout ce que nous savons -sur le corps dansant: en relation avec le poids, la forme, la gravité, la direction, le rythme -et la composition\footnote{en version originale: ``We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a trampoline can do for us. By introducing the trampolines as a resistance -to the movement production, we force ourselves to reconsider everything we know -about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm -and phrasing.”.}” -\cite{cvejic2015disjunctive} -\end{quote} - -Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon d'un étude de mouvement de Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et -mécanique, en compétition avec la gravité. Sa dé-subjectivation en relation avec des trampolines, montre comment des dispositifs techniques moins complexes que les robots peuvent nous interpeller tout autant. - - - -\subsection{Déconstruire la corporéité des robots qui performent} - -Dans notre contexte particulier de la danse, analyser les changements dans la conception et la configuration des projets, interroger les nouvelles formes de corporéité, nous aident à mieux évaluer nos possibilités d’interaction physique avec des robots lors d’une performance. En suivant l’évolution des principes concernant la notion d'incorporation (embodiment)\cite{clark1998being}, \cite{dautenhahn2002csr}, \cite{ziemke2013s}, \cite{ziemke2016body}, les artistes s'inspirent de ces principes pour créer des formes d'art hybrides. - -Au cours des dernières décennies, des chercheurs dans différents domaines de la robotique(notamment la robotique cognitive mentionné auparavant) ont étayé l’importance du mouvement dans la mise en place des interactions avec les robots. Pour la grande majorité d’entre eux, le contrôle optimal est le facteur clé pour améliorer tout travail collaboratif homme-robot. Leur objectif est de générer des commandes motrices adaptées à plusieurs contextes et contraintes. Certaines études mesurent l’effet de l’imitation sur le HRI, alors que d’autres se concentrent sur l’improvisation et l’apprentissage par renforcement. A notre échelle, cette thèse en recherche-création s’attache à comprendre comment la perception du mouvement peut augmenter le sentiment de complicité avec les systèmes artificiels. De manière large, elle interroge la façon dont le comportement et plus particulièrement le mouvement (qu'il soit dansé ou simple geste quotidien) en relation avec des robots, augmentent la créativité et la capacité d'improvisation, concepts que nous allons aborder dans les prochains chapitres consacrés aux observations pratiques de nos expérimentations. - -\begin{figure} - \centering - \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_heart-robot} - \caption{\textit{Heart Robot} (2009), un projet de David McGoran. Source photo:https://journals.openedition.org/gradhiva/2335} - \label{fig:abderheart-robot} -\end{figure} - -Pour programmer des robots qui dansent, trouvons d'abord des analogies entre les symboles abstraits des programmateurs et les signaux physiques des corps en mouvement. Selon le roboticien Jean-Pierre Laumont, ``un mouvement est perçu par les autres dès son achèvement dans l’espace physique”\cite{laumond2016dance}. Pour lui, toute analyse du mouvement humain qui peut être transmise aux robots, se concentre sur la relation entre l’espace physique et l’espace corporel. Les roboticiens sont confrontés à ces questions quand ils modélisent un espace physique comme l'\textit{espace opérationnel} dans lequel les actions du robot sont exprimées, alors que \textit{l’espace du corps} est, pour eux, l’espace de contrôle ou l’espace de configuration du système robotique considéré. Leur travail se concentre sur la prise en compte des informations cinématiques d’un mouvement tout comme sur les informations dynamiques - par exemple les forces de contact avec l’environnement lors d’un mouvement. La dynamique permet entre autres, de contrôler la stabilité du robot pour générer des mouvements fluides et sûrs. Comparativement à la biomécanique, qui permet d’affiner l’interaction du corps humain avec son environnement, la dynamique est un critère important pour observer la qualité d’un mouvement et mesurer sa performance. Ainsi les humains, comme les animaux, utilisent des forces de contact pour générer du mouvement et se tenir debout face à la gravité. Pour cela, ils effectuent des tâches complexes où ils adaptent leur corps à l’environnement de façon spontanée. La communauté scientifique à formalisé ces propriétés innées dans la théorie des primitives de mouvement dynamique\cite{saveriano2023dynamic}, ou en -anglais \gls{Dynamic Movement Primitives} (DMP). Pour programmer des mouvements similaires dans un robot qui danse, il faut décomposer sa séquence dans une série de mouvements élémentaires, basée à son tour sur des primitives de mouvements dynamiques. Lorsqu’il s’agit de modéliser les processus psycho-somatiques ou les émotions qui déterminent une danse, les choses deviennent en général plus compliquées. Des avancées en neurosciences s’intéressent à ce type de défis et j'ai pu découvrir quelques travaux robotiques dans ce sens\cite{damiano2020emotions, stock2022ijsr}. - -De façon pratique, chaque mouvement peut être modélisé sous la forme d’une équation mathématique qui respecte les lois physiques. Cette équation est à son tour traduite en langage de programmation. Des modèles mathématiques susjacents à l’analyse de la dynamique du mouvement humain correspondent à des modèles descriptifs basés sur une multitude de variables mécaniques. Dans ce sens, les équations de mouvement ont une terminologie spécifique, selon leur domaine d’utilisation. De façon générale, elles décrivent le mouvement d’un objet physique selon les lois de la mécanique newtonienne. Ce mouvement peut être représenté sous la forme de coordonnées sphériques, cylindriques ou cartésiennes. Il comprend l’accélération de l’objet en fonction de sa position, de sa vitesse, de sa masse et les variables connexes. \smallskip - -Toujours selon Laumond, une équation de mouvement en robotique est définie comme un moyen de comprendre la relation qui varie entre le temps pour un mouvement spécifique, le moment des forces appliquées sur l’environnement et les forces générées par les muscles et transmises par couples articulaires. Pour les humains, la capacité de combiner et d’adapter des unités de mouvement de base en tâches complexes, se produit par la coordination entre des muscles et des articulations. Puisque le corps humain dispose d’approximativement 700 muscles, 360 articulations et 206 os\cite{tozeren1999human}, le même mouvement peut être réalisé en activant différentes parties du corps. Définir le mouvement à partir des multiples stratégies possibles dévient encore plus compliqué lorsque nous prenons en compte la spécificité de chaque individu. Cette spécificité est souvent observée lors des séances d’éducation somatique comme le Feldenkrais où l’intuition et le ressenti du praticien comptent plus que les statistiques et les équations mathématiques des scientifiques. Néanmoins une fois une hypothèse émise, elle doit être vérifiée scientifiquement pour pouvoir être validée et acceptée par la communauté scientifique. C’est en cela qu’un travail intuitif et instinctif en danse contemporaine est à ce jour difficilement transposée en robotique. - - -En fonction des mesures disponibles et de la partie du corps qui initie le mouvement humain, différentes approches peuvent être envisagées. Certaines chercheurs se concentrent seulement sur le mouvement des extrémités ou du torse, ce que correspond au \gls{task-space} ou l’espace des tâches en robotique\cite{kajita2014springer}, \cite{bouyarmane2018quadratic}. -En effet, la plus grande partie du corps humain est le torse; représentant en moyenne 43\% du poids corporel total alors que les cuisses, le bas des jambes et -les pieds constituent les 37\% restants du poids total - suivis par les membres supérieurs (13\%) et la tête et le cou (7\%)\cite{tozeren1999human}. -Pour les mouvements courants, ces primitives ont l'origine dans notre inconscient et sont pour la plupart des gestes automatiques ou des mouvements réflexes. -Hubert Godard fait appel au concept de pré-mouvement comme langage non conscient de la posture, pour expliquer ce type de mouvement: -\begin{quote} - ``Tout un système de muscles dit gravitaires, dont l’action échappe pour un grande part à la conscience vigile et à la volonté, est chargé d’assurer notre posture; ce sont eux qui maintiennent notre équilibre et qui nous permettent de nous tenir debout sans avoir à y penser. Il se trouve que ces muscles sont aussi ceux qui enregistrent nos changements d’état affectif et émotionnel. Ainsi, toute modification de notre posture aura une incidence sur notre état émotionnel, et réciproquement tout changement affectif entraînera une modification, même imperceptible, de notre posture.”\cite{ginot1998danse} -\end{quote} -A partir de ces postulats théoriques(task space, équations de mouvement, pré-mouvement), j'ai voulu commencer mes propres explorations. Les bras sont la partie de mon corps que je connais le mieux, alors une chorégraphie inspirée par cette partie de mon corps, a peu à peu fait son chemin dans mon imaginaire. Cependant les ressentis acquis à travers des pratiques somatiques sont difficilement traduisibles en robotique. C'est en cela que trouver les notions équivalentes entre neurosciences et pratiques somatiques, représente une clé pour transposer ces concepts dans la robotique. - -Pour illustrer, je mentionne l’expérience du neurologue américain Benjamin Libet (1916-2007) cité par Chalmers dans le chapitre précédent sur la conscience. Liebt a étudié les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu\cite{libet1993brain}. Plus spécifiquement, il a organisé une expérience où il demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, -ils doivent regarder une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter leur mouvement de doigt. -Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \gls{readiness potential} ou potentiel de préparation - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale correspondante au mouvement. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons. Les travaux de Liebt sont au cœur des débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser ce potentiel de préparation, modéliser ce que c'est la conscience reste encore un projet en cours. -Évidement cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Tout cela engage des multiples scenarios de négociation entre les processus et calculs internes et les actions directes: -\begin{quote} - `` - la véritable clé pour comprendre l'incorporation réside dans l'interaction entre les - processus physiques et ce que nous pourrions appeler des processus informationnelles ou d’information. - Pour les agents biologiques, cela représente le lien entre les actions physiques et les processus neuronales – ou, d'une façon plus informelle, entre le corps et le cerveau. Le - équivalent dans un robot serait la relation entre les actions du robot et ses - programmes de contrôle\footnote{en version originale: ``the real importance of embodiment comes from the interaction between physical - processes and what we might want to call information processes. In biological - agents, this concerns the relation between physical actions and neural - processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The - equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its - control program.”}.”\cite{pfeifer2006mit} -\end{quote} - - -Pour illustrer cela, \cite{pfeifer2006mit} font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Cela avance l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas seulement dans le cerveau. - -Dans notre contexte, une approche moins compliquée est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps réel dépend de la fréquence d’enregistrement des données. Les roboticiens utilisent des techniques de \gls{motion capture} ou MoCap, combinées à des technologies comme le \textit{Learning from observation paradigme\cite{nakaoka2007learning}} qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la cinématique inversée ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la dynamique inversée de l’espace opérationnel\cite{ramos2015dancing} ou OSID. L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. - -Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui lui limite les possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS que nous allons présenter dans la partie pratique de notre recherche-création, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement inspirer la communauté artistique.\smallskip - -En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain rencontre l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID développé par le Laboratoire de recherche spécialisé dans l’analyse et l’architecture des systèmes (LAAS) à Toulouse. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de reconnaître un ami de longue date. -\begin{figure} - \centering - \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_laas} - \caption{Captation de la performance au LAAS. Source photo: https://www.dailymotion.com/video/xvl4lo} - \label{fig:abderlaas} -\end{figure} - - -Une fois interpellé, le robot a attendu quelques secondes -probablement dû au délai de traitement de l’information- avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de -l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée et consciente, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé pour répondre à un comportement spécifique.\smallskip -Dans\cite{nakaoka2011synthesiology} Nakaoka et al. avancent l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une technologie de contenu innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques ont été influencés par le feedback des utilisateurs en phase test, afin de mieux comprendre leurs attentes. Lors de cette expérimentation, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, en utilisant l’interface \gls{Choreonoid} pour programmer les mouvements. Tout en mettant en œuvre des mouvements de danse d’un chorégraphe apprécié par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités d'expression corporelle propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la perfection un humain. Tout ceci est évidement loin des projections concernant la spécificité des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront à étudier de plus prêt ce phénomène. - - -Dans \textit{Les corps multiples d’une machine performative}\cite{demers2016multiple} Louis Philippe Demers utilise le terme de ``machine performative” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une ``saveur de vivacité”. Pour lui, les expérimentations artistiques up-close\cite{demers2019up} avec les robots relèvent les défis concernant l’embodiment. Dernièrement, grâce à des concepts comme le ``body- schema\cite{johnson2008makes, de2021body, iscen2014body}” il est possible d'implémenter toute une série d'interactions close-contact. Ces concepts empruntés des sciences cognitives ouvrent des nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art hybride.\smallskip - -Le domaine de Human-Robot-Interaction ou HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en -œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de classification hybrides multimodaux et de l’apprentissage robotique interactif\cite{yu2021robot}. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. Au lieu d’exécuter des mouvements préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet\cite{bouyarmane2018quadratic} pourraient également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent des techniques de \gls{reinforcement learning} sont actuellement en cours de développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux et comportements afférents, tout en interagissant avec les humains. - -\section{Différents formats de présentation} +\section{Robots sur scène} Sur scène, les interactions avec les robots s'orientent rarement vers un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition sur la scène artistique: l’\gls{art robotique}. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Je clôture donc cette partie des principes théoriques interdisciplinaires avec une synthèse d'art robotique. @@ -1224,7 +1085,7 @@ création et comment ils ont été mis en scène. -\subsection{D'où viennent les robots} +\subsection{L'apparition de l'art robotique} L’histoire de la robotique est étroitement liée à celle de l’art\cite{stephens2016we}, le design des robots s'est inspirée de la sculpture anthropomorphe et la marionnette, puis des effets cinématographiques. Lorsque nous pensons à des robots, nous imaginons des dispositifs intelligents, autonomes du point de vue de l’alimentation, programmés pour ressentir et interagir avec nous et l’environnement. En contrepoids, l’art veut faciliter l’accès à une dimension sensorielle de notre existence. D’une manière prédictible, la définition de chacun de ces termes- art ou robotique- est soumise à des évolutions permanentes, prouvant leur importance dans les préoccupations courantes de notre société. Interroger ces transformations dans le contexte de l’art robotique, permet de comprendre leurs trajectoires d'évolution dans les prochaines années. @@ -1283,9 +1144,6 @@ des règles de nature} en contrepoids avec les interprétations des médias de l dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine en élargissant nos horizons intellectuels”\cite{frumer2020short}. Gakutensoku devient notre premier exemple sur la façon dont les robots pourraient devenir un jour une espèce à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de \textit{conscience artificielle}. Comme déjà mentionne dans les pages antérieures, cette thèse analyse les ``pour” et les ``contre” d’une telle projection, avec la scène comme terrain idéal pour des expérimentations. - -\subsection{La fascination pour l'art robotique} - Au début du 20ème siècle, les artistes s'intéressent à la cinétique et les sculptures en mouvement. Après que le public s'habitue aux machines de Jean Tinguely\cite{stephens2016we} et de Marcel Duchamps\footnote{https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/dS9Z3Wr}, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’œuvre \textit{Robot K-456} (1964) - désigné aujourd'hui comme le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique. Son nom vient de l’œuvre de Mozart \textit{Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si bémol majeur}, témoignant des point d'accroche entre la musique et la robotique. Ce prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par Shuya Abe\cite{vidal2012robots} pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New York. \begin{figure} @@ -1664,7 +1522,7 @@ interagissait avec nous? Le craindrons-nous, comme nous continuons à craindre les animaux sauvages que nous n’avons pas réussi à apprivoiser ? Nous nous sommes attachés à ces questions lors de nos expérimentations pratiques en deuxième partie de cette thèse. Par la suite, je présente quelques projets plus récents qui traitent la question des robots sous un angle post-contemporain afin d'identifier des problématiques et enjeux communes à ma démarche. -\subsection{Nouvelles directions ces derniers décennies?} +\subsection{Orientations contemporaines} L’histoire est cyclique et nous avons vu par le passé que des archétypes et des leitmotivs se recyclent dans l’imaginaire collectif. Igor Stravinsky a composé @@ -2138,19 +1996,155 @@ partir de ces bases. Des domaines comme la robotique de développement élargissent notre compréhension de phénomènes importantes pour la danse, tels la synchronie\cite{delaherche2012tac} pour mieux décoder les signaux non verbaux en question. +\section{Nouvelles paradigmes dans la danse avec des robots} + +Pour comprendre quelles sont les possibilités lorsque nous mettons en scène les robots, je commence cette analyse avec les problématiques liées à la représentation du corps dans les propositions scéniques contemporaines. La bas une certaine partie de la communauté artistique en danse, semble œuvrer à une compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps +ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité, avec l’émergence des principes neuroscientifiques et somatiques. Le livre \textit{Disjunctive Captures of the Body and + Movement}\cite{cvejic2015disjunctive} interroge les formes de corporéité qui déconstruisant la façon d’habiter le corps. Bojana Cvejic +cite des chorégraphes tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour qui la danse est, avant tout, un lieu d’expérimentation. Ce questionnement de l’expérience subjective du mouvement, est partagée avec la chercheuse Stamatia +Portanova dont Cvejic nous fait découvrir le travail. A son tour, Portanova travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la danse\cite{portanova2013moving}. Dans le chapitre \textit{Can objects be processes?}, elle se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Son analyse se concentre autour du travail du chorégraphe William +Forsythe. Le spectacle \textit{One Flat Thing, reproduced}(2000) a comme contrepoids numérique \textit{Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced} - un outil de visualisation des paramètres chorégraphiques dont l'apparence est proche d'un site vidéo, créé par la +compagnie de danse Forsythe en collaboration avec l’Université d’Ohio. Les paramètres captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie. Cela permets d'explorer sous un autre ongle les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le site \textit{Synchronous Objects}\footnote{https://synchronousobjects.osu.edu/} ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori, malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de représentation, puisque le temps de la performance est unique dans sa temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère. + +Mettre en scène des robots est souvent sujet à des contingences et erreurs de dernière minute. Nous l'avons aussi constaté lors des expérimentations en improvisation présentées dans la deuxième partie de cette thèse. Le caractère imprévisible des robots est aussi catalyseur d'une inspiration artistique, leurs partenaires humains développent une forte capacité d'adaptation et de présence. Souvent un spectacle avec des robots, n'est pas le même d'une représentation à l'autre. Les œuvres que nous allons évoquer dans les prochaines pages en témoignent. + + +\subsection{Défis chorégraphiques dans la représentation du corps} + + +Les œuvres chorégraphiques analysées par Cvejic ne remplacent pas les danseurs par des agents non-humains ou des systèmes numériques comme dans l’étude de Portanova. En échange, elles mettent en scène le corps comme support physique du mouvement. Cvejic insiste +sur la manière dont la relation entre le corps et le mouvement est rendue impersonnelle, \textit{dé-subjectivé}, mais aussi \textit{dé-objectivé} sur la base de celle qu'elle définit comme une perturbation délibérée entre sujet et objet. Pour elle, la subjectivation traite le corps comme une source d’expression de soi. Ainsi par le mouvement jaillit l’envie du corps d’exprimer son expérience émotionnelle intérieure. A l’inverse, l’objectivation restreint le corps à un simple instrument d’articulation physique, dont le mouvement se fait ``en” et ``pour” lui-même. La chercheuse nous introduit au \textit{concept deleuzien de reconnaissance} où le corps et le mouvement se situent dans des relations d’interdépendance. L’identité subjective du danseur est reflétée et représentée +dans l’identité objective du mouvement. Comprendre les facteurs qui facilitent ce processus de symbiose, nous aide à mieux définir un corps en mouvement. Déconstruire le corps humain sur scène signifie également donner l'impression d'une multiplicité de corps à partir de ses membres. Par le fait d’éviter l’unification d’une seule figure reconnaissable dans sa forme et son image, le corps est objectivé. Comme +Cvejic le souligne dans son livre, partitionner le corps pour recomposer ses parties dans un processus de devenir, laisse apparaître des nouveaux corps différents et méconnaissables. Cette volonté d'effacer le corps, de le déconstruire, anticipe l'apparition des autres corporéités, non-humaines et artificielles sur le plateau. + +En ce qui concerne mon contexte particulier de spectacles avec des robots, je rajoute une dimension dans la dialectique corps-mouvement. Le corps en mouvement doit être en symbiose avec la machine. Là où les danseurs réalisent une synthèse entre leurs corps et le mouvement (ou ils accordent leurs corps à un mouvement spécifique), les machines deviennent la structure qui oriente cette symbiose dans le temps et l'espace. Le robot détermine comment les corps bougent sur un plateau, bien que souvent nous sommes encouragés de croire le contraire. Cette objectivation opère à plusieurs niveaux, physique et phénoménologique, avec pour seul indicateur l’expressivité humaine qui compense là où la machine n'arrive pas (encore) à s'exprimer. Dans l'optique de Cvejic, les philosophes Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps réorganisés, comme un processus perpétuel: +\begin{quote} + ``Les objets fragmentés ne dérivent qu'en apparence des personnes(sujets) entiers; + ils sont en réalité produits en étant prélevés d'un flux ou d'une matière non personnelle, avec laquelle ils rétablissent le contact en se re-connectant à d’autres objets fragmentés\footnote{en version originale: ``Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves to other partial objects.”.}” + \cite{cvejic2015disjunctive} + +\end{quote} + + +Cette perspective de la fragmentation perpétuelle, peut représenter un véritables impasse chorégraphique sur le plateau. Pour illustrer, Cvejic évoque le spectacle \textit{Nvsbl}(2006) d’Ester Salomon. L'artiste hongroise met en scène quatre performeuses gravitant à partir de quatre coins de la scène vers le centre- parcourant 5,5 mètres pendant une période d’environ 80 minutes. La trajectoire qu’elles effectuent est si alambiquée et prolongée dans la durée que ni les spectateurs, ni les interprètes n’arrivent à saisir complètement le déplacement dans l’espace. Alors que les spectateurs peuvent enregistrer la transformation rétrospectivement - en détournant le regard puis en regardant en arrière pour vérifier s’il y a eu un avancement, cette expérience reste en dessous du seuil de perception. + + +Pour parler de sa démarche, Salomon cite à son tour la critique d'art Peggy Phelan pour qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement pendant le temps de la représentation: +\begin{quote} + ``La vie d'une performance réside seulement dans le présent. Une performance ne peut pas être sauvegardée, enregistrée, documentée; elle ne peut pas participer d’une autre manière à la circulation des représentations de représentations : une fois que cela se produit, elle devient autre chose que de la performance\footnote{en version originale:``Performance's only life is in the present. Performance cannot be saved, recorded, documented, or otherwise participate in the circulation of representations of representations: once it does so, it becomes something other than performance.”.}” + \cite{phelan2003unmarked} +\end{quote} + +Pour créer \textit{Nvsbl}, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre antérieur. Comme le souligne Cvejic, tous les paramètres par lesquels le mouvement est habituellement perçu et reconnu sont suspendus lors de cette représentation. Aucun élément corporel ne peut être distingué comme initiateur du mouvement, puisque chaque performeuse est impliquée dans un mouvement perpétuel qui opère à son intérieur. Certains chercheurs\cite {royo2016mit} évoquent le concept de regard oscillatoire, en anglais \textit{oscillating gaze}, pour faire référence au mouvement d’attention qui sollicité le spectateur pour regarder différemment ce que se déploie devant ses yeux. Lors de cette expérience, des nombreuses parties du corps s’engagent simultanément dans un processus de dépliage des formes, pour devenir objet. Performeur et spectateur vivent ce processus différemment, mais saisissent ses enjeux de la même manière. + +Une analogie plus simple fait référence à la manière d'employer des objets ou dispositifs non technologiques sur un plateau. Cvejic prend comme exemple le spectacle \textit{It’s in the air}(2008) par Ingvartsen and Jefta VanDinther dont il est question de réinventer le corps et ses limites dans un contexte où les lois physiques sont transgressées. Ce spectacle où un homme et une femme performent sur deux trampolines géantes, s’organise autour de plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de +la personne qui subisse le rebond: +\begin{quote} + ``Nous ne cherchons pas à savoir ce que nous pouvons faire sur un trampoline, mais plutôt ce qu'un + trampoline peut faire pour nous. En utilisant les trampolines comme contrainte pour + la production du mouvement, nous nous forçons à reconsidérer tout ce que nous savons + sur le corps dansant: en relation avec le poids, la forme, la gravité, la direction, le rythme + et la composition\footnote{en version originale: ``We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a trampoline can do for us. By introducing the trampolines as a resistance + to the movement production, we force ourselves to reconsider everything we know + about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm + and phrasing.”.}” + \cite{cvejic2015disjunctive} +\end{quote} + +Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon d'un étude de mouvement de Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et +mécanique, en compétition avec la gravité. Sa dé-subjectivation en relation avec des trampolines, montre comment des dispositifs techniques moins complexes que les robots peuvent nous interpeller tout autant. + + + +\subsection{Déconstruire la corporéité des robots qui performent} + +Dans notre contexte particulier de la danse, analyser les changements dans la conception et la configuration des projets, interroger les nouvelles formes de corporéité, nous aident à mieux évaluer nos possibilités d’interaction physique avec des robots lors d’une performance. En suivant l’évolution des principes concernant la notion d'incorporation (embodiment)\cite{clark1998being}, \cite{dautenhahn2002csr}, \cite{ziemke2013s}, \cite{ziemke2016body}, les artistes s'inspirent de ces principes pour créer des formes d'art hybrides. + +Au cours des dernières décennies, des chercheurs dans différents domaines de la robotique(notamment la robotique cognitive mentionné auparavant) ont étayé l’importance du mouvement dans la mise en place des interactions avec les robots. Pour la grande majorité d’entre eux, le contrôle optimal est le facteur clé pour améliorer tout travail collaboratif homme-robot. Leur objectif est de générer des commandes motrices adaptées à plusieurs contextes et contraintes. Certaines études mesurent l’effet de l’imitation sur le HRI, alors que d’autres se concentrent sur l’improvisation et l’apprentissage par renforcement. A notre échelle, cette thèse en recherche-création s’attache à comprendre comment la perception du mouvement peut augmenter le sentiment de complicité avec les systèmes artificiels. De manière large, elle interroge la façon dont le comportement et plus particulièrement le mouvement (qu'il soit dansé ou simple geste quotidien) en relation avec des robots, augmentent la créativité et la capacité d'improvisation, concepts que nous allons aborder dans les prochains chapitres consacrés aux observations pratiques de nos expérimentations. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_heart-robot} + \caption{\textit{Heart Robot} (2009), un projet de David McGoran. Source photo:https://journals.openedition.org/gradhiva/2335} + \label{fig:abderheart-robot} +\end{figure} + +Pour programmer des robots qui dansent, trouvons d'abord des analogies entre les symboles abstraits des programmateurs et les signaux physiques des corps en mouvement. Selon le roboticien Jean-Pierre Laumont, ``un mouvement est perçu par les autres dès son achèvement dans l’espace physique”\cite{laumond2016dance}. Pour lui, toute analyse du mouvement humain qui peut être transmise aux robots, se concentre sur la relation entre l’espace physique et l’espace corporel. Les roboticiens sont confrontés à ces questions quand ils modélisent un espace physique comme l'\textit{espace opérationnel} dans lequel les actions du robot sont exprimées, alors que \textit{l’espace du corps} est, pour eux, l’espace de contrôle ou l’espace de configuration du système robotique considéré. Leur travail se concentre sur la prise en compte des informations cinématiques d’un mouvement tout comme sur les informations dynamiques - par exemple les forces de contact avec l’environnement lors d’un mouvement. La dynamique permet entre autres, de contrôler la stabilité du robot pour générer des mouvements fluides et sûrs. Comparativement à la biomécanique, qui permet d’affiner l’interaction du corps humain avec son environnement, la dynamique est un critère important pour observer la qualité d’un mouvement et mesurer sa performance. Ainsi les humains, comme les animaux, utilisent des forces de contact pour générer du mouvement et se tenir debout face à la gravité. Pour cela, ils effectuent des tâches complexes où ils adaptent leur corps à l’environnement de façon spontanée. La communauté scientifique à formalisé ces propriétés innées dans la théorie des primitives de mouvement dynamique\cite{saveriano2023dynamic}, ou en +anglais \gls{Dynamic Movement Primitives} (DMP). Pour programmer des mouvements similaires dans un robot qui danse, il faut décomposer sa séquence dans une série de mouvements élémentaires, basée à son tour sur des primitives de mouvements dynamiques. Lorsqu’il s’agit de modéliser les processus psycho-somatiques ou les émotions qui déterminent une danse, les choses deviennent en général plus compliquées. Des avancées en neurosciences s’intéressent à ce type de défis et j'ai pu découvrir quelques travaux robotiques dans ce sens\cite{damiano2020emotions, stock2022ijsr}. + +De façon pratique, chaque mouvement peut être modélisé sous la forme d’une équation mathématique qui respecte les lois physiques. Cette équation est à son tour traduite en langage de programmation. Des modèles mathématiques susjacents à l’analyse de la dynamique du mouvement humain correspondent à des modèles descriptifs basés sur une multitude de variables mécaniques. Dans ce sens, les équations de mouvement ont une terminologie spécifique, selon leur domaine d’utilisation. De façon générale, elles décrivent le mouvement d’un objet physique selon les lois de la mécanique newtonienne. Ce mouvement peut être représenté sous la forme de coordonnées sphériques, cylindriques ou cartésiennes. Il comprend l’accélération de l’objet en fonction de sa position, de sa vitesse, de sa masse et les variables connexes. \smallskip + +Toujours selon Laumond, une équation de mouvement en robotique est définie comme un moyen de comprendre la relation qui varie entre le temps pour un mouvement spécifique, le moment des forces appliquées sur l’environnement et les forces générées par les muscles et transmises par couples articulaires. Pour les humains, la capacité de combiner et d’adapter des unités de mouvement de base en tâches complexes, se produit par la coordination entre des muscles et des articulations. Puisque le corps humain dispose d’approximativement 700 muscles, 360 articulations et 206 os\cite{tozeren1999human}, le même mouvement peut être réalisé en activant différentes parties du corps. Définir le mouvement à partir des multiples stratégies possibles dévient encore plus compliqué lorsque nous prenons en compte la spécificité de chaque individu. Cette spécificité est souvent observée lors des séances d’éducation somatique comme le Feldenkrais où l’intuition et le ressenti du praticien comptent plus que les statistiques et les équations mathématiques des scientifiques. Néanmoins une fois une hypothèse émise, elle doit être vérifiée scientifiquement pour pouvoir être validée et acceptée par la communauté scientifique. C’est en cela qu’un travail intuitif et instinctif en danse contemporaine est à ce jour difficilement transposée en robotique. + + +En fonction des mesures disponibles et de la partie du corps qui initie le mouvement humain, différentes approches peuvent être envisagées. Certaines chercheurs se concentrent seulement sur le mouvement des extrémités ou du torse, ce que correspond au \gls{task-space} ou l’espace des tâches en robotique\cite{kajita2014springer}, \cite{bouyarmane2018quadratic}. +En effet, la plus grande partie du corps humain est le torse; représentant en moyenne 43\% du poids corporel total alors que les cuisses, le bas des jambes et +les pieds constituent les 37\% restants du poids total - suivis par les membres supérieurs (13\%) et la tête et le cou (7\%)\cite{tozeren1999human}. +Pour les mouvements courants, ces primitives ont l'origine dans notre inconscient et sont pour la plupart des gestes automatiques ou des mouvements réflexes. +Hubert Godard fait appel au concept de pré-mouvement comme langage non conscient de la posture, pour expliquer ce type de mouvement: +\begin{quote} + ``Tout un système de muscles dit gravitaires, dont l’action échappe pour un grande part à la conscience vigile et à la volonté, est chargé d’assurer notre posture; ce sont eux qui maintiennent notre équilibre et qui nous permettent de nous tenir debout sans avoir à y penser. Il se trouve que ces muscles sont aussi ceux qui enregistrent nos changements d’état affectif et émotionnel. Ainsi, toute modification de notre posture aura une incidence sur notre état émotionnel, et réciproquement tout changement affectif entraînera une modification, même imperceptible, de notre posture.”\cite{ginot1998danse} +\end{quote} +A partir de ces postulats théoriques(task space, équations de mouvement, pré-mouvement), j'ai voulu commencer mes propres explorations. Les bras sont la partie de mon corps que je connais le mieux, alors une chorégraphie inspirée par cette partie de mon corps, a peu à peu fait son chemin dans mon imaginaire. Cependant les ressentis acquis à travers des pratiques somatiques sont difficilement traduisibles en robotique. C'est en cela que trouver les notions équivalentes entre neurosciences et pratiques somatiques, représente une clé pour transposer ces concepts dans la robotique. + +Pour illustrer, je mentionne l’expérience du neurologue américain Benjamin Libet (1916-2007) cité par Chalmers dans le chapitre précédent sur la conscience. Liebt a étudié les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu\cite{libet1993brain}. Plus spécifiquement, il a organisé une expérience où il demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, +ils doivent regarder une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter leur mouvement de doigt. +Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \gls{readiness potential} ou potentiel de préparation - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale correspondante au mouvement. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons. Les travaux de Liebt sont au cœur des débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser ce potentiel de préparation, modéliser ce que c'est la conscience reste encore un projet en cours. +Évidement cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Tout cela engage des multiples scenarios de négociation entre les processus et calculs internes et les actions directes: +\begin{quote} + `` + la véritable clé pour comprendre l'incorporation réside dans l'interaction entre les + processus physiques et ce que nous pourrions appeler des processus informationnelles ou d’information. + Pour les agents biologiques, cela représente le lien entre les actions physiques et les processus neuronales – ou, d'une façon plus informelle, entre le corps et le cerveau. Le + équivalent dans un robot serait la relation entre les actions du robot et ses + programmes de contrôle\footnote{en version originale: ``the real importance of embodiment comes from the interaction between physical + processes and what we might want to call information processes. In biological + agents, this concerns the relation between physical actions and neural + processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The + equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its + control program.”}.”\cite{pfeifer2006mit} +\end{quote} + + +Pour illustrer cela, \cite{pfeifer2006mit} font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Cela avance l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas seulement dans le cerveau. + +Dans notre contexte, une approche moins compliquée est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps réel dépend de la fréquence d’enregistrement des données. Les roboticiens utilisent des techniques de \gls{motion capture} ou MoCap, combinées à des technologies comme le \textit{Learning from observation paradigme\cite{nakaoka2007learning}} qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la cinématique inversée ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la dynamique inversée de l’espace opérationnel\cite{ramos2015dancing} ou OSID. L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. + +Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui lui limite les possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS que nous allons présenter dans la partie pratique de notre recherche-création, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement inspirer la communauté artistique.\smallskip + +En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain rencontre l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID développé par le Laboratoire de recherche spécialisé dans l’analyse et l’architecture des systèmes (LAAS) à Toulouse. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de reconnaître un ami de longue date. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_laas} + \caption{Captation de la performance au LAAS. Source photo: https://www.dailymotion.com/video/xvl4lo} + \label{fig:abderlaas} +\end{figure} + + +Une fois interpellé, le robot a attendu quelques secondes -probablement dû au délai de traitement de l’information- avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de +l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée et consciente, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé pour répondre à un comportement spécifique.\smallskip +Dans\cite{nakaoka2011synthesiology} Nakaoka et al. avancent l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une technologie de contenu innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques ont été influencés par le feedback des utilisateurs en phase test, afin de mieux comprendre leurs attentes. Lors de cette expérimentation, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, en utilisant l’interface \gls{Choreonoid} pour programmer les mouvements. Tout en mettant en œuvre des mouvements de danse d’un chorégraphe apprécié par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités d'expression corporelle propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la perfection un humain. Tout ceci est évidement loin des projections concernant la spécificité des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront à étudier de plus prêt ce phénomène. + + +Dans \textit{Les corps multiples d’une machine performative}\cite{demers2016multiple} Louis Philippe Demers utilise le terme de ``machine performative” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une ``saveur de vivacité”. Pour lui, les expérimentations artistiques up-close\cite{demers2019up} avec les robots relèvent les défis concernant l’embodiment. Dernièrement, grâce à des concepts comme le ``body- schema\cite{johnson2008makes, de2021body, iscen2014body}” il est possible d'implémenter toute une série d'interactions close-contact. Ces concepts empruntés des sciences cognitives ouvrent des nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art hybride.\smallskip + +Le domaine de Human-Robot-Interaction ou HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en +œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de classification hybrides multimodaux et de l’apprentissage robotique interactif\cite{yu2021robot}. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. Au lieu d’exécuter des mouvements préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet\cite{bouyarmane2018quadratic} pourraient également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent des techniques de \gls{reinforcement learning} sont actuellement en cours de développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux et comportements afférents, tout en interagissant avec les humains. \section*{Conclusion} Ce chapitre présente plusieurs manières d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches chorégraphiques contemporaines. Cela est confronté avec un état d’art d’œuvres d’interaction robotique. -Son titre \textit{Robots sur scène}, introduit des notions en biomécanique comme façon d’appréhender le corps, proche de robots. Une fois la question de la corporalité traitée, il est nécessaire d’aborder les défis chorégraphiques dans la représentation du corps dans les spectacles postmodernes. Puis mettre en parallèle cela avec les observations des roboticiens comme J.P. Laumond concernant les robots qui performent. La dernière section de ce chapitre présente différents formats de présentation, faisant un court historique des robots, des automata et de l'art robotique. +Son titre \textit{Corps performatifs en robotique}, introduit des notions en biomécanique comme façon d’appréhender le corps, proche de robots. Une fois la question de la corporalité traitée, il est nécessaire d’aborder les défis chorégraphiques dans la représentation du corps dans les spectacles postmodernes. Puis mettre en parallèle cela avec les observations des roboticiens comme J.P. Laumond concernant les robots qui performent. La dernière section de ce chapitre présente différents formats de présentation, faisant un court historique des robots, des automata et de l'art robotique. Elle se conclut avec une panorama des tendances de ces dernières décennies, pour anticiper la suite dans les expérimentations pratiques présentées dans la deuxieme partie de cette thèse. \clearpage \chapter*{Conclusion de la partie I} \addcontentsline{toc}{chapter}{Conclusion} Dans cette première partie, je pose les bases théoriques des disciplines qui ont inspiré les recherches-créations détaillés par la suite. -Robots sur scène + + +Corps performatifs et robots sur scène Conscience du corps dans la robotique Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle diff --git a/sections/partie_2.tex b/sections/partie_2.tex index d811942..f62cb66 100644 --- a/sections/partie_2.tex +++ b/sections/partie_2.tex @@ -1042,10 +1042,12 @@ Comme hypothèse de recherche pour une chorégraphie mimétique, j’ai pu crée Une autre séquence de mouvements a été préparée pour la troisième résidence de création au Centre des Arts d’Enghien Les Bains en septembre 2022. Pour cela, j’ai codé une séquence de mouvement sur la chaise qui dure approximativement 2 minutes. A l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisis initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du dragon et les états F.S.M. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produites par Hui-Tin Hong a été fait ultérieurement. Une autre séquence de code, cette fois en montrant le robot applaudir a été rajoutée ultérieurement. Ainsi le robot virtuel est apparu dans deux moments différents de la performance- au départ sur une chaise pour présenter sa danse et à la fin début pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre avec la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt: le robot virtuel tourne sa tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une façon d’évaluer la danse des performeuses. En parallèle, des autres moments de recherche en écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. J'ai pu effectuer une recherche sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique des muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro pour le projet CECCI-H2M dans le cadre du dispositif Artec. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des techniques de shaking, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. -\chapter{Etude(s) de terrain} -\section{Experiment Lycée Mercy} -À travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d’anthropomorphisme chez les robots jumeaux numériques. En considérant le terme d'interactivité pour mieux définir leur interaction, nous observons comment différents matériaux de mouvement stimulent la créativité à travers un processus d'hybridation entre l'humain et la machine. Dans cette perspective, nous déterminons comment les utilisateurs vivent Qualia en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par un robot humanoïde, un bras industriel et un humain. Leurs retours et nos propres expérimentations pratiques nous permettent de mieux comprendre l’impact de l’anthropomorphisme numérique dans la réalisation d’une interaction homme-robot durable. -\subsection{Introduction} +\chapter{Étude(s) de terrain} + +\section{Expérimenter au Lycée Mercy} + +À travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d’anthropomorphisme\cite{spatola2019cairn} chez les \gls{digital twin}s ou les jumeaux numériques des robots présents au laboratoire. En considérant le terme d'interactivité pour mieux définir leur interaction, nous observons comment différents matériaux de mouvement stimulent la créativité à travers un processus d'hybridation entre l'humain et la machine. Dans cette perspective, nous déterminons comment les utilisateurs vivent Qualia en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par un robot humanoïde, un bras industriel et un humain. Leurs retours et nos propres expérimentations pratiques nous permettent de mieux comprendre l’impact de l’anthropomorphisme numérique dans la réalisation d’une interaction homme-robot durable. + Depuis le VIe siècle avant notre ère, lorsque le terme a été utilisé pour la première fois pour décrire des phénomènes religieux\cite{demers2015machine}, l'anthropomorphisme a accompagné l'intention de l'humanité de reproduire ses caractéristiques dans différents environnements. L'anthropomorphisme (du mot grec \textit{anthropos} signifiant ``humain” et \textit{morphe} signifiant ``forme”) est décrit dans\cite{duffy2003anthropomorphism} comme: \begin{quote} ``the tendency to attribute human characteristics to inanimate objects, animals and others with a view to helping us rationalize their actions. It is attributing cognitive or emotional states to something based on observation in order to rationalize an entity’s behavior in a given social environment.” @@ -1058,7 +1060,7 @@ Dans le présent article, nous faisons référence à l’anthropomorphisme dans Dernièrement, la robotique a amélioré ces perspectives, en développant des artefacts qui remettent en question l'idée d'humanité\cite{romic2021ijsr}. Nous nous appuyons sur les chercheurs\cite{breazeal2004social, breazeal2005robot} pour définir la place que les robots peuvent occuper dans notre étude, en les considérant comme des outils (aider l'humain à accomplir une tâche - dans notre cas développer une chorégraphie), comme des avatars (puisque le robot s'engage dans une certaine présence sociale avec d'autres personnes - dans notre cas les spectateurs d'un spectacle de danse) et surtout en tant que partenaires (établir un processus de co-working avec un collaborateur - dans notre cas co-créer un spectacle de danse). De\cite{duffy2003anthropomorphism} nous remarquons qu'un robot social \textit{peut être perçu comme l'interface entre l'homme et la technologie}. C’est l’utilisation de fonctionnalités socialement acceptables dans un système robotique qui contribue à briser la barrière entre l’espace d’information numérique et les personnes. Alors que la conception des robots devient modulaire\cite{siedel2011concept} et que les extensions corporelles inspirent des performances artistiques qui remettent en question les capacités humaines\cite{jochum2018becoming}, une étude anthropologique\cite{vidal2007anthropomorphism} compare l'HRI au type de connexion exprimée dans les rituels religieux antérieurs entre dieux et humains- soulignant l'influence que les robots pourraient avoir sur nous dans un avenir proche. Alors que nous évoluons actuellement vers une ère technologisée post-humaniste, où les humains étendent leurs capacités à l’aide d’exosquelettes et de divers appareils connectés, la définition du corps humain et la façon dont il interagit avec son environnement change en conséquence. Notre article étudie comment ces paradigmes affectent notre créativité et leur impact sur les pratiques sociales collaboratives comme la danse. \cite{villard2016propos} évoque l'analogie étymologique entre la danse (de l'indo européen dix, racine de tension) et les émotions (du latin émovere : ou mise en mouvement). Dans notre quête d’une interactivité significative entre performeurs et robots, nous analysons l’impact de ces projections anthropologiques sur la danse. Dans les pages suivantes, nous décrivons comment nous créons notre séquence de mouvements en discutant de nos hypothèses de travail et de notre méthodologie et en expliquant nos phases de travail menant au concept d'hybridation humain-robot (H2R). Nous adaptons et testons ensuite la séquence sur plusieurs interprètes humains. Nous discutons ensuite des résultats et des perspectives de cette expérimentation et de ses implications dans les pratiques de danse actuelles. -\subsection{Questions et méthodologie} + Notre approche se concentre sur le processus de création d'un langage chorégraphique original inspiré des robots, influencé par les pratiques somatiques et l'intelligence incarnée. Selon l'artiste Louis Philippe Demers, toute forme abstraite et inerte \textit{peut devenir fluide, organique et éventuellement anthropomorphe par les seuls moyens de contextualisation et de mouvement}\cite{demers2015machine}. Notre objectif est de vérifier dans quelle mesure le concept d’anthropomorphisme renforce la créativité en HRI et influence la recherche artistique. Parmi nos hypothèses de travail, nous étudions comment la forme d'un robot peut influencer l'interprète en générant des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques\cite{bogart2004viewpoints}\footnote{une réaction spontanée à un mouvement qui se produit en dehors de vous ; le moment dans lequel vous réagissez aux événements externes tels que le mouvement ou le son ; le mouvement impulsif qui résulte d'une stimulation des sens : c'est-à-dire. quelqu'un applaudit devant vos yeux et vous clignez des yeux en réponse ; ou quelqu'un claque une porte et vous vous levez impulsivement de votre chaise., Bogart, Anne, Landau, Tina. Le livre des points de vue, p. 11} ? Comment reproduire plus facilement une séquence de danse selon le type de robot ? Le retour de l’interprète change-t-il une fois que le type de robot a changé ? \begin{figure} \centering @@ -1069,19 +1071,18 @@ Notre approche se concentre sur le processus de création d'un langage chorégra Un autre domaine d’investigation concerne le processus créatif, confortant l’idée selon laquelle travailler avec un avatar substitut d’un robot que nous définirons plus tard comme son jumeau numérique, peut favoriser un état d’hybridation entre le corps ou l’interprète et le corps virtuel du robot. Nous soulignons ainsi le processus par lequel le rôle du robot passe du rôle d’outil à celui de compagnon de travail. Plus loin, on se demande si cette nouvelle individuation symbiotique entre robot et humain peut influencer la production de performances artistiques. Les robots impliqués dans notre étude ont des dimensions similaires, bien qu’initialement conçus pour des résultats différents. Comme point de départ, nous utilisons le matériel de mouvement implémenté dans le robot HRP-4 pour le projet de performance \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot humanoïde et un bras industriel sont programmés dans une série de mouvements analogues basés principalement sur la rotation des membres supérieurs et de la tête du robot humanoïde. Nous testons ensuite les séquences de danse à travers une étude de cas au sein d'un groupe d'étudiants en danse. -\subsection{Des digital twins comme facilitateurs d'interactivité } +\subsection{Des digital twins comme facilitateurs d'interactivité} Les élèves sont invités à mémoriser, puis à improviser la séquence de mouvements analogues indiquée par projection vidéo par différents partenaires de danse. Les séquences filmées ont le même format et la même durée (environ 1min). La première séquence est enseignée par un robot humanoïde, la seconde par un bras industriel et la dernière par un interprète humain. Les séquences ont la même structure mais diffèrent par la qualité du mouvement, selon le professeur. Ensuite, les danseurs sont invités à interpréter librement les mouvements et à improviser collectivement une séquence de danse libre, recyclant les mouvements qu'ils considéraient comme les plus inspirants. La méthode d'analyse est une forme de questions de 23 questions que les participants sont invités à remplir à la fin de l'expérience. -\subsection{Quand l'outil devient partenaire} + En Occident, les robots sont souvent conçus pour imiter le comportement humain, principalement comme outils [14] remplaçant le travail humain ou aidant les humains dans des tâches complexes. Cependant, dans des contextes créatifs, leur fonction est plus ontologique dans le sens où ils pourraient contribuer à une certaine création de sens en inférence avec le processus artistique qui les contient. Pour l’artiste et chercheur Simon Penny, la cognition ne se produit pas exclusivement dans le cerveau, étant \textit{loin d’être une manipulation logique de jetons symboliques} \cite{penny2015emergence, penny2022sensorimotor}. Faisant valoir que les processus mentaux comme l’inspiration sont incarnés, intégrés dans des tissus corporels non neuronaux (donc étendus en artefacts, systèmes sociaux et réseaux culturels), il souligne également sa nature dynamique. A travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d'anthropomorphisme chez les robots interactifs intelligents. La scène, médiatrice de leur rencontre, apporte de nouvelles possibilités d'expression, et par conséquent d'interaction. Dans notre cas particulier, nous appliquons le terme d'interactivité\cite{bret2005interacting, bret2015creation} pour définir la relation entre humains et robots. Initialement inspirée par l'interaction humaine, l'interactivité s'est complexifiée avec le développement des nouvelles technologies et des nouveaux médias, ouvrant la voie à un processus de transformation continu. Mélangeant le vivant et le non-vivant, la réalité et les simulations, le physique et le virtuel, l'interactivité facilite une perméabilité entre l'humain et la technologie. Comme l'indique \cite{baddoura2013homme}: \begin{quote} ``les interfaces interactives contemporaines échappent au contrôle total de l'homme et créent une situation nouvelle où celui-ci n'a plus un rôle exclusivement actif face à son outil. Il s’agit plutôt d’un échange, d’une interdépendance caractérisée de plus en plus par leur interactivité.” \end{quote} -\subsection{Confronter les paradigmes concernant l'incarnation} \cite{baddoura2013homme} fait une analogie entre la manière dont la technologie, notamment les interactions virtuelles, façonne la compréhension du corps humain. Les individus qui cherchent à agrandir, modifier ou fragmenter leur corps sont des indicateurs des changements en cours qui s’opèrent dans nos interactions quotidiennes. L’identité étant multipliée, diluée ou absorbée dans le monde numérique, la tendance est de projeter les mêmes attentes sur le corps humain. Les neurosciences, la robotique ou l’art n’envisagent pas l’incarnation et l’anthropomorphisme de la même manière. Dans \cite{johnson2007we}, le corps est défini comme un ensemble de processus organiques qui vont au-delà de l'expérience de la sensation et du mouvement. Cela peut inclure des réseaux sociaux tels que les familles et des artefacts culturellement construits. En parallèle, des termes anthropologiques comme \textit{domestication du corps}\cite{joffrey2015humanoides} analysent la manière dont le corps est segmenté en unités selon le domaine de recherche qui l'aborde. Dans le domaine des arts, des pionniers comme Stelarc ont toujours considéré leur corps comme un terrain de jeu pour des expériences technologiques\cite{stephens2016we}. Avec ses performances de troisième bras ou de pattes d'araignée, l'artiste brouille les frontières entre l'humain et la machine à travers des mises en scène très originales. Tandis que les roboticiens conçoivent des robots capables \textit{d’imiter} les humains grâce à leur ressemblance et leurs capacités collaboratives \cite{evrard2009homotopy}. Les chercheurs démontrent comment la forme générale d'un robot joue un rôle clé dans l'invocation des émotions souhaitées chez les utilisateurs\cite{hwang2013effects}, avec des études mesurant le degré d'acceptation des robots humanoïdes\cite{nomura2012social,kaplan2004ws}, influencé par la conscience de notre propre \textit{schéma corporel}\cite{hoffmann2021body}. De plus, des concepts tels que \textit{l'étrangeté sociale}\cite{hoffman2020social} examinent comment notre besoin d'être unique et de nous engager dans des interactions authentiques est impacté par le développement des robots sociaux. L’idée de commencer à expérimenter l’avatar virtuel d’un robot est née lors d’un travail en laboratoire avec les roboticiens de l’équipe \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot HRP-4 étant peu disponible à cette époque, nous avons réalisé une résidence artistique dans laquelle son double virtuel représentait le réel. Le robot a exécuté une série de mouvements inspirés des postures de pouvoir des dirigeants politiques assis sur des chaises. Lors de l'improvisation, sa corporéité imaginaire déclenchait différentes réponses cinétiques chez l'interprète, nous étions donc curieux d'aller plus loin et de comprendre ce phénomène. Dans\cite{sohier2022degre} on note la distinction entre les robots virtualisés et les simulations informatiques nécessaires au fonctionnement des robots dans le monde réel. Pour aller plus loin, dans notre étude actuelle, nous employons le terme de \textit{digital twin}\footnote{selon IBM, alors qu'une simulation étudie généralement un processus particulier, un double numérique peut lui-même exécuter un certain nombre de simulations utiles afin d'étudier plusieurs processus.} par rapport aux simulations, en raison de leur traitement des données en temps réel et de la possibilité d'étudier plusieurs processus dans diverses simulations. -\subsection {L'hybridation résultant de l'interactivité créative } + \cite{joffrey2015humanoides} retrace le processus d'hybridation entre le corps humain et les objets technologiques dès la préhistoire, lorsque l'anatomie de notre main s'est adaptée à la manipulation d'objets comme les outils de sculpture. Il soutient que la notion de réflexivité occupe une place centrale dans le fonctionnement de l'anthropomorphisme, citant l'anthropologue culturel Victor Turner pour qui l'humain est plus qu'un animal performatif, étant proche d'un animale qui se réalise. Par analogie, créer une séquence de danse robotique est aussi un processus réflexif. L'humain joue un double rôle d'initiateur et de récepteur de mouvement (dans le sens où il répond à la proposition faite par le robot) tandis que le robot devient un médium traduisant avec ses contraintes mécaniques l'architecture corporelle qu'il est censé embarquer, sans grand chose. en alternant le modèle initial. \begin{figure} @@ -1096,7 +1097,7 @@ Pour approfondir notre compréhension du concept d'hybridation, nous le définis \end{quote} Il est intéressant de noter que cette expérience implique la disparition de soi, en s'appuyant sur les restes de l'expérience des autres avec technologie. Cela rejoint l'observation de Becker\cite{joffrey2015humanoides} pour qui l'histoire des gestes partagés, retrace l'évolution de l'humanité dans sa relation avec la technologie. -\subsection{L'humain dans la boucle} + L'un des enjeux de notre recherche-création est d'explorer cette dimension intermédiaire qui s'opère entre la qualité de mouvement de deux entités distinctes (humain et robot). In\cite{villard2016propos} une expérience réalisée avec un robot Poppy, favorise l'émergence du concept d'empathie kinesthésique- illustré par le décalage et la tension qui s'opèrent une fois le geste transmis de l'humain au robot. Dans notre cas particulier, dans les improvisations en temps réel, une fois le robot HRP-4 programmé pour reproduire une séquence de danse, la chorégraphie peut être modifiée en fonction des caractéristiques techniques du robot - état des actionneurs et de la batterie, problème de code, limitations articulaires. . Nous appelons ce type d'inférence des \textit{mouvements parasites}, nécessitant une adaptation sensori-motrice de la part de la machine et de l'humain. En comparaison, en travaillant avec des jumeaux numériques, les réglages se font au niveau de la vidéo-projection. Le concept de morphing\cite{villard2016propos} emprunté au traitement de l'image offre une analogie intéressante avec la production de mouvement, définissant un processus de réhabilitation et de réajustement continu des corps et de leur transformation en formes. Pour une de nos expérimentations de recherche-création, nous avons projeté la figure du robot sur le corps du performeur. @@ -1137,12 +1138,12 @@ La suite de votre expérimentation était une étude de cas proposée à 25 étu \caption{Séqeunce d'appréntisage des mouvements avec les éleves du lycée Mercy.} \label{fig:isealearningmercy} \end{figure} -\subsection{Discussion} + Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agentivité à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie de D.C. Dennett sur les \textit{systèmes intentionnels}. Dans les contextes artistiques, outre le comportement cinétique de l’objet, un autre facteur d’influence est la stratégie du spectateur pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité ouvrir notre démarche de recherche-création à des acteurs extérieurs, en organisant une expérimentation pratique avec des étudiants en danse. Parmi les questions auxquelles devaient répondre les 25 participants à notre étude, certaines concernaient le processus d’apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Concernant la qualité du mouvement, la plupart des participants pensaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) avaient des mouvements intentionnels. Alors que 56\% estiment qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'on a demandé aux participants s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels, 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. Même répartition en considérant si les robots ont ou non une conscience, avec 28\% en quelque sorte en désaccord et 24\% en quelque sorte d'accord. Quant à l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord que ses mouvements étaient naturels, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait leurs émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. La plupart des participants à notre étude (64\%) pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement grâce à l'interaction robotique. Un processus d’hybridation a également été observé après la séquence, lorsqu’il a été demandé aux participants d’interpréter librement les mouvements du robot qu’ils avaient expérimentés plus tôt. Cela a facilité l’exploration d’un état où les sens étaient plus présents et où les mouvements spontanés apparaissaient plus facilement. Un état que nous définissons comme créatif, dans le sens où il permet une expressivité corporelle inhérente à la spécificité de l'incarnation - où par imitation ils se sont appropriés et transformés la séquence de danse robotique. En bougeant, leurs corps semblaient habités par la présence robotique. Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} l'essai du robot. -\subsection{Limitations} + Concernant notre intention de modifier légèrement les séquences, de les voir dans un ordre particulier : HRP-4, le Franka puis l'interprète humain, aurait pu influencer le processus ou leurs réponses. Certains participants connaissaient déjà les mouvements du robot HRP-4 grâce aux précédentes séances de travail organisées plus tôt cette année-là. Par rapport au travail avec des jumeaux numériques, les résultats peuvent également être différents lorsque l’on travaille en temps réel avec des robots physiques. @@ -1155,16 +1156,16 @@ La prochaine phase de nos recherches consistera à tester les mêmes scénarios \subsection{Conclusion} Apprendre par imitation, puis établir une interaction créative à l'aide de jumeaux numériques nous a permis de rechercher les qualités vécues par chaque participant et d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative impliquait l'hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo, ainsi qu'un type original de matériau de mouvement. -Espérons que nos remarques sur l’anthorpomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale robot-humain. -\subsection{Anthropomorphism} -\cite{spatola2019cairn} -\section{Experiment LIRMM} -\textbf{manip madalina dans seafile mic 6GB} +Espérons que nos remarques sur l’anthropomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale robot-humain. + + +\section{Expérimenter au LIRMM} + \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip1} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip2} - \caption{Captations vidéo de nos expérimentations au labratoire.} + \caption{Captations vidéo de nos expérimentations au laboratoire.} \label{fig:romanmanip1} \end{figure}