diff --git a/sections/partie_2.tex b/sections/partie_2.tex index fe2243e..47d3771 100644 --- a/sections/partie_2.tex +++ b/sections/partie_2.tex @@ -1135,7 +1135,7 @@ Dans une instanciation différente de ce projet, l’interprète a interagi en t \end{figure} -La suite de votre expérimentation était une étude de cas proposée à 25 étudiants en danse qui ont testé une séquence de danse conçue pour le robot humanoïde HRP-4 et enseignée par celui-ci, ainsi qu'un bras industriel FRANKA et un performeur humain. Par rapport à la version inspirée des postures de puissance, le robot HRP-4 bougeait ses membres supérieurs, ses hanches, sa tête et son torse, mais cette fois-ci debout. De nouveaux mouvements, correspondant à des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques, ont été ajoutés dans la boucle pour simuler ce que nous avons défini précédemment comme des mouvements parasites. Il était initialement demandé aux participants de reproduire les mouvements puis d'improviser librement en appliquant certains des gestes dont ils se souvenaient. Ils ont été encouragés à explorer cette dimension sensorielle et à oublier toute projection personnelle concernant l'esthétique et l'apparence de la séquence. +La suite de notre expérimentation est une étude de cas proposée à 25 étudiants en danse qui ont testé une séquence de mouvement conçue pour le robot humanoïde HRP-4 et enseignée par celui-ci, ainsi que par un bras industriel FRANKA et par un performeur humain. Par rapport à la version inspirée des postures de pouvoir, le robot HRP-4 bougeait cette fois ses membres supérieurs, ses hanches, sa tête et son torse, mais cette fois-ci debout. De nouveaux mouvements, correspondant à des \gls{mouvements réflexes} et similaires à une \gls{réponse kinesthésique}, ont été ajoutés dans la boucle pour simuler ce que nous avons défini précédemment comme des mouvements parasites. Nous avons initialement demandé aux participants de reproduire les mouvements puis d'improviser librement en appliquant certains des gestes dont ils se souvenaient. Ils ont été encouragés à explorer cette dimension sensorielle et à oublier toute projection personnelle concernant l'esthétique et le rendu de la séquence. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_learning_mercy} @@ -1143,51 +1143,49 @@ La suite de votre expérimentation était une étude de cas proposée à 25 étu \label{fig:isealearningmercy} \end{figure} -Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agentivité à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie de D.C. Dennett sur les \textit{systèmes intentionnels}. Dans les contextes artistiques, outre le comportement cinétique de l’objet, un autre facteur d’influence est la stratégie du spectateur pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité ouvrir notre démarche de recherche-création à des acteurs extérieurs, en organisant une expérimentation pratique avec des étudiants en danse. -Parmi les questions auxquelles devaient répondre les 25 participants à notre étude, certaines concernaient le processus d’apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Concernant la qualité du mouvement, la plupart des participants pensaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) avaient des mouvements intentionnels. Alors que 56\% estiment qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'on a demandé aux participants s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels, 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. Même répartition en considérant si les robots ont ou non une conscience, avec 28\% en quelque sorte en désaccord et 24\% en quelque sorte d'accord. Quant à l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord que ses mouvements étaient naturels, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait leurs émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. La plupart des participants à notre étude (64\%) pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement grâce à l'interaction robotique. +Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agence à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie de D.C. Dennett\cite{dennett1993consciousness} sur les \textit{systèmes intentionnels}. Dans les contextes artistiques, outre le comportement cinétique de l’objet, un autre facteur d’influence est la stratégie du spectateur pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité ouvrir notre démarche de recherche-création à des acteurs extérieurs, en organisant une expérimentation pratique avec des étudiants en danse. + +Parmi les questions auxquelles devaient répondre les participants à notre étude, certaines concernaient le processus d’apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Concernant la qualité du mouvement, la plupart des participants pensaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) avaient des mouvements intentionnels. Alors que 56\% estiment qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'on a demandé aux participants s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels, 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. Même répartition en considérant si les robots ont ou non une conscience, avec 28\% en quelque sorte en désaccord et 24\% en quelque sorte d'accord. Quant à l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord que ses mouvements étaient naturels, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait leurs émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. La plupart des participants à notre étude (64\%) pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement grâce à l'interaction robotique. Un processus d’hybridation a également été observé après la séquence, lorsqu’il a été demandé aux participants d’interpréter librement les mouvements du robot qu’ils avaient expérimentés plus tôt. Cela a facilité l’exploration d’un état où les sens étaient plus présents et où les \gls{mouvements spontanés} apparaissaient plus facilement. Un état que nous définissons comme créatif, dans le sens où il permet une expressivité corporelle inhérente à la spécificité de l'incarnation - où par imitation ils se sont appropriés et transformés la séquence de danse robotique. En bougeant, leurs corps semblaient habités par la présence robotique. -Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} l'essai du robot. +Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} l'essai avec les robots. +Concernant notre intention de modifier légèrement les séquences, de les voir dans un ordre particulier (HRP-4, le Franka puis l'interprète humain), aurait pu influencer leurs réponses. Certains participants connaissaient déjà les mouvements du robot HRP-4 grâce aux précédentes séances de travail organisées plus tôt cette année-là. +Par rapport à un travail fait avec des \gls{digital twin}s, les résultats peuvent également être différents lorsque l’on travaille en temps réel avec des robots physiques. De plus, en appliquant la notion d’anthropologie numérique aux jumeaux numériques des robots utilisés dans nos expériences, nous aurions pu omettre certains résultats intéressants concernant d’autres formes et dimensions des robots. Il ne faut pas non plus oublier que même si les agents artificiels peuvent simuler des intentions et des affects, notre manière de les interpréter – ou la notion de \gls{qualia} évoquée plus haut – est toujours individuelle. Après avoir implémenté la séquence de danse analogue du robot humanoïde sur le bras industriel, nous avons constaté des différences (notamment en ce qui concerne la symétrie de la posture mais aussi la vitesse et les secousses), le bras industriel se révélant plus conforme compte tenu du type d'actionneurs qui exécutaient le mouvement. -Concernant notre intention de modifier légèrement les séquences, de les voir dans un ordre particulier : HRP-4, le Franka puis l'interprète humain, aurait pu influencer le processus ou leurs réponses. Certains participants connaissaient déjà les mouvements du robot HRP-4 grâce aux précédentes séances de travail organisées plus tôt cette année-là. -Par rapport au travail avec des jumeaux numériques, les résultats peuvent également être différents lorsque l’on travaille en temps réel avec des robots physiques. -De plus, en appliquant la notion d’anthropologie numérique aux jumeaux numériques des robots utilisés dans nos expériences, nous aurions pu omettre certains résultats intéressants selon d’autres formes et dimensions. -Il ne faut pas non plus oublier que même si les agents artificiels peuvent simuler des intentions et des affects, notre manière de les interpréter – ou la notion de \gls{qualia} évoquée plus haut – est toujours différente. -Après avoir implémenté la séquence de danse analogue du robot humanoïde sur le bras industriel, nous avons constaté des différences (notamment en ce qui concerne la symétrie de la posture mais aussi la vitesse et les secousses), le bras industriel se révélant plus conforme compte tenu du type d'actionneurs qui exécutaient le mouvement. +\subsection{Perspectives futures pour l'anthropomorphisme en utilisant des technologies robotiques émergentes} +Une prochaine phase de cette recherche consistera à tester les mêmes scénarios avec la version physique des robots. De cette manière, nous pouvons déterminer si la perception de l'interprète, ainsi que sa qualité de mouvement, peuvent être impactées différemment lorsqu'il travaille dans les mêmes conditions, avec le corps réel et mécanique des robots. Cela permettra également de comprendre comment le processus d’hybridation est influencé par les phases d’imitation du mouvement. Nos premiers résultats empiriques nous encouragent à mettre en place une étude scientifique en laboratoire, mesurant l'\gls{empathie kinesthésique}\cite{barrero2019dance} grâce à la détection de \gls{neurones miroirs}, en utilisant le traitement du signal de l'électroencéphalogramme (EEG). -\subsection{Perspectives futures utilisant les technologies robotiques émergentes} -La prochaine phase de nos recherches consistera à tester les mêmes scénarios avec la version physique des robots. De cette manière, nous pouvons déterminer si la perception de l'interprète, ainsi que sa qualité de mouvement, peuvent être impactées différemment lorsqu'il travaille dans les mêmes conditions, avec le corps réel et mécanique des robots. Cela permettra également de comprendre comment le processus d’hybridation est influencé par les phases d’imitation du mouvement. Nos premiers résultats empiriques nous encouragent à mettre en place une étude scientifique en laboratoire, mesurant l'\gls{empathie kinesthésique}\cite{barrero2019dance} grâce à la détection de neurones miroirs, en utilisant le traitement du signal de l'électroencéphalogramme (EEG). - -Apprendre par imitation, puis établir une interaction créative à l'aide de jumeaux numériques nous a permis de rechercher les qualités vécues par chaque participant et d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative impliquait l'hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo, ainsi qu'un type original de matériau de mouvement. -Espérons que nos remarques sur l’anthropomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale robot-humain. +Apprendre par imitation, puis établir une interaction créative à l'aide de \gls{digital twin}s nous a permis de rechercher les qualités vécues par chaque participant et d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative implique l'hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo, ainsi qu'un type original de matériau de mouvement. +Nous espérons que ces remarques sur l’anthropomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale robot-humain. \section{Expérimenter au LIRMM} +La deuxieme étude de terrain que nous avons menée s'est fait au LIRMM, deux ans après mon arrivée au laboratoire et aussi ä la suite des travaux pratiques réalisés au Lycée Mercy. + \begin{figure} - \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip1} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip2} \caption{Captations vidéo de nos expérimentations au laboratoire.} \label{fig:romanmanip1} \end{figure} -En s'interrogeant sur la manière dont les connaissances acquises grâce aux pratiques artistiques \textit{peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance}\cite{gunn2004learning}, les chercheurs défendent l'idée que l'art est un cadre parfait pour la connaissance distribuée. -Les recherches actuelles suggérant que le comportement des individus à l'égard des robots est influencé par l'observation de rencontres entre des robots et d'autres personnes\cite{timmerman2021springer} offrent des informations importantes. Pour autant que nous le sachions, nous sommes les premiers dans la littérature à étudier les interactions de tiers (c'est-à-dire robot - robot - humain) dans un contexte d'imitation de danse. De telles interactions deviendront de plus en plus courantes avec l’avènement du robot. -Selon \cite{jung2018acm}, un robot peut affecter son environnement social au-delà de la personne qui interagit avec lui. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est important d’explorer l’HRI dans des contextes sociaux complexes. Notre étude initiale s'est basée sur une HRI collective réalisée avec des avatars virtuels de robots lors d'un atelier de danse. La prochaine étape de notre recherche nous permet d'aborder de nouvelles possibilités d'interaction et de vérifier une nouvelle hypothèse sur la dynamique sociale homme-robot : du point de vue d'un autre humain interagissant avec une dyade homme-robot, le type d'incarnation influence la façon dont le robot est perçu. et son impact sur l'environnement. Grâce à notre approche, nous examinons l'effet de robots de différentes formes dans un contexte multi-personnes lors de routines de danse, pour comprendre comment la conception du robot améliore le processus artistique. -Dans cet article, motivés par la perspective florissante des robots de mise en scène dans les performances artistiques, nous introduisons une nouvelle méthode tierce -cadre d’interaction homme-robot-humain (HRHI). Traditionnellement, les interactions avec des tiers sont nettement moins étudiées que leurs homologues entre deux parties (voir par exemple les études de médiation en ce qui concerne les études de négociation, etc.). Nous nous limitons à la mise en place de routines de danse collaboratives impliquant des mouvements du haut du corps entre un danseur professionnel, un robot et un humain. A travers ce cadre, nous nous intéressons au potentiel créatif de tels partenaires d'interaction que nous proposons de mesurer par la capacité d'improvisation du spectateur humain. Comme le note \cite{bailin1984creativity}, la créativité dans les œuvres d'art implique une compétence définie comme une certaine \textit{plasticité du contrôle} (c'est-à-dire être capable de voir au-delà du problème spécifique auquel on est confronté et d'avoir une réelle compréhension du problème). méthodes et procédures de la discipline et les principes et objectifs qui les sous-tendent). +En s'interrogeant sur la manière dont les connaissances acquises grâce aux pratiques artistiques peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance\cite{gunn2004learning}, les chercheurs défendent l'idée que l'art est un cadre parfait pour la connaissance distribuée. +Les recherches actuelles suggérant que le comportement des individus à l'égard des robots est influencé par l'observation de rencontres entre des robots et d'autres personnes\cite{timmerman2021springer} offrent des informations importantes. Pour autant que nous le sachions, nous sommes les premiers dans la littérature à étudier les interactions de tiers (c'est-à-dire robot - robot - humain ou HRHI) dans un contexte d'imitation de danse. De telles interactions deviendront de plus en plus courantes avec l’avènement des robots dans nos sociétés. +Selon \cite{jung2018acm}, un robot peut affecter son environnement social au-delà de la personne qui interagit avec lui. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est important d’explorer l’HRI dans des contextes sociaux complexes. Notre étude initiale s'est basée sur une HRI collective, réalisée avec des avatars virtuels de robots lors des atelier de danse. La prochaine étape de notre recherche nous permet d'aborder de nouvelles possibilités d'interaction et de vérifier une nouvelle hypothèse sur la dynamique sociale homme-robot : du point de vue d'un autre humain interagissant avec une dyade homme-robot, le type d'incorporation (\gls{embodiment}) influence la façon dont le robot est perçu et son impact sur l'environnement. Grâce à notre approche, nous examinons l'effet de robots de différentes formes, dans un contexte multi-personnes lors de routines de danse, pour comprendre comment la conception du robot améliore notre processus créatif. +Dans cette expérimentation, motivés par la perspective florissante des robots mis en scène dans les performances artistiques, nous introduisons une nouvelle méthode comme tierce +cadre d’interaction homme-robot-humain (HRHI). Traditionnellement, les interactions avec des tiers sont nettement moins étudiées que leurs homologues entre deux parties. Nous nous limitons à la mise en place de routines de danse collaboratives impliquant des mouvements du haut du corps entre un danseur professionnel, un robot et un humain. A travers ce cadre, nous nous intéressons au potentiel créatif de tels partenaires d'interaction que nous proposons de mesurer par la capacité d'improvisation du spectateur humain. Comme évoqué dans\cite{bailin1984creativity}, la créativité dans les œuvres d'art implique une compétence proche d'une certaine \textit{plasticité du contrôle} (c'est-à-dire être capable de voir au-delà du problème spécifique auquel on est confronté et d'avoir une réelle compréhension du problème). -Lorsqu'ils définissent la créativité, les chercheurs \cite{gaut2009brill, bailin1984creativity} font remonter le débat initial au philosophe grec Platon, qui définit la créativité comme un processus mystérieux impliquant l'inspiration. Nous soutenons que cette vision est erronée, car elle adopte à tort une vision anti-téléologique du processus créatif. De plus, \cite{gaut2009brill} identifie la valeur de la liberté humaine et la valeur du courage en tant que catalyseurs de la créativité. Nous transposons ces arguments à notre contexte de danse HRI, afin d'évaluer les facteurs possibles qui améliorent la créativité des robots. +Lorsqu'ils définissent la créativité, les chercheurs \cite{gaut2009brill, bailin1984creativity} font remonter le débat initial au philosophe grec Platon, pour qui la créativité est un processus mystérieux impliquant de l'inspiration et de l'introspection. Nous soutenons que cette vision est erronée, car elle adopte une vision anti-téléologique du processus créatif. De plus, \cite{gaut2009brill} identifie la valeur de la liberté humaine et la valeur du courage en tant que catalyseurs de la créativité. Nous transposons ces arguments à notre contexte de danse HRI, afin d'évaluer les facteurs possibles qui améliorent la créativité des robots. -Nous proposons ainsi d'analyser la capacité d'improvisation induite par l'état créatif à partir de deux points clés : d'une part la substituabilité\cite{kirsh2010wayne} et d'autre part la conscience kinesthésique\cite{gemeinboeck2016roman} des participants. +Nous proposons ainsi d'analyser la capacité d'improvisation induite par l'état créatif à partir de deux points clés : d'une part la substituabilité\cite{kirsh2010wayne} et d'autre part la \gls{empathie kinesthésique}\cite{gemeinboeck2016roman} des participants. -L'imitation dans la danse interactive des robots humains a fait l'objet de recherches de longue date dans la littérature, en particulier dans le cadre d'une incarnation. Alors que l'improvisation était principalement utilisée pour améliorer la réactivité et l'acceptation sociale des robots \cite{jochum2019moco, hoffman2012impro, weinberg2007impro}, les artistes font improviser des robots sur scène, que ce soit pour danser \cite{demers2016multiple} ou jouer de la musique \cite{hoffman2011stage}. Il est important de préciser que dans notre étude actuelle, plutôt que d’improviser, les robots émulent l’improvisation selon des algorithmes préprogrammés. +L'imitation dans la danse interactive des robots humains a fait l'objet de recherches de longue date dans la littérature, en particulier concernant l'\gls{embodiment}. Alors que l'improvisation est principalement utilisée pour améliorer la réactivité et l'acceptation sociale des robots \cite{jochum2019moco, hoffman2012impro, weinberg2007impro}, les artistes font improviser des robots sur scène, que ce soit pour danser \cite{demers2016multiple} ou jouer de la musique \cite{hoffman2011stage}. Il est important de préciser que dans notre étude actuelle, plutôt que d’improviser, les robots émulent l’improvisation selon des algorithmes préprogrammés. En danse, la mémorisation d'une phrase ou d'un geste implique un processus d'assimilation appelé marquage, où chaque danseur reproduit la matière du mouvement en activant différentes parties du corps. Les observations de\cite{kirsh2010wayne} proposent la technique de marquage comme \textit{un échafaudage pour projeter mentalement une structure plus détaillée que celle qui pourrait autrement être gardée à l'esprit.} Semblable à une stratégie interactive augmentant la cognition, les danseurs marquent avec leur corps, des séquences de danse pour mémoriser et les transmettre. -L'une des propriétés du marquage est la substituabilité, décrivant comment un mouvement dans une partie du corps peut représenter le mouvement dans une autre. Suite aux observations de Kirsh selon lesquelles \textit{les mouvements des mains et les inclinaisons de la tête représentent régulièrement le mouvement de différentes parties du corps}, nous proposons une expérience de danse avec les mains traduite par des robots, qui code différentes parties du corps chez les partenaires humains. +L'une des propriétés du marquage est la substituabilité, décrivant comment un mouvement dans une partie du corps peut représenter le mouvement dans une autre. Suite aux observations de Kirsh selon lesquelles \textit{les mouvements des mains et les inclinaisons de la tête représentent régulièrement le mouvement de différentes parties du corps}, nous proposons une expérience de danse avec les mains traduite par des robots, qui encode différentes parties du corps chez les partenaires humains. Inspirés par le travail de \cite{jochum2019moco}, nous utilisons l'improvisation comme approche ascendante pour analyser l'interaction incarnée dans la danse. Au cours de nos essais en laboratoire, les robots et les personnes se sont spontanément déplacés afin de déterminer quels facteurs renforcent un résultat créatif. À l’origine outil de composition, l’improvisation dansée est devenue une technique de performance live améliorant la conscience kinesthésique des interprètes. Selon\cite{schwartz2000action}, ce type de conscience est également lié à l'incarnation\cite{jochum2019moco} chez les artistes humains. Transposer ces observations aux robots permet de déterminer leur impact sur un processus artistique global et d'analyser comment le type d'incarnation influence les réponses spontanées des humains. -Comme le dit \cite{dautenhahn2018acm}, la conception des robots évolue rapidement tandis que les modèles deviennent obsolètes une fois que les entreprises cessent de les développer davantage. Par conséquent, la communauté robotique a des difficultés à partager un terrain d'entente sur ce que le terme \textit{robot}implique actuellement, y compris un large éventail de formes comme \textit{androïde, humanoïde, mécanoïde, semblable à une machine, zoomorphe ou anthropomorphe}. comprendre les possibilités d'interaction entre humains et robots est un défi complexe, au cœur de plusieurs disciplines impliquant la robotique, les neurosciences, la psychologie, l'éthologie, la philosophie de l'esprit... Le recyclage des pratiques, technologies et protocoles actuels est moins étudié que les modèles innovants, conduisant à à une vision trop simpliste de l'HRI. Dans notre étude, nous cherchons à comprendre et à étendre les paramètres originaux d'un HRI standard à un modèle d'interaction avec des tiers, afin de développer d'autres concepts émergents liés aux arts et à la créativité qui pourraient accroître l'acceptation sociale chez les robots. Les auteurs de\cite{fdili2019acm, fdili2017moco, jochum2019moco} citent l'informaticien Paul Dourish pour qui \textit{l'incarnation n'est pas une propriété de systèmes, de technologies ou d'artefacts ; c'est une propriété d'interaction }. Le type d'interaction incarnée que nous étudions vise \textit{la création et le partage de sens} tel que défini par Dourish. Selon lui, le concept d'incarnation ne se limite pas à la manifestation physique des personnes et des objets, \textit{mais s'étend également aux interactions sociales, relations et participation entre les personnes et les choses}. À notre tour, nous étudions comment l’interaction entre un danseur et un robot peut déclencher du sens et une conscience kinesthésique chez les participants. Nous analysons les types de modèles d'interaction générés par deux contraintes - l'imitation et l'improvisation - en demandant aux participants de remplir un formulaire de vingt-neuf questions. Nous identifions les matériaux originaux du mouvement et analysons comment le type d'incarnation du robot peut être un catalyseur de cette expérience. +Comme le dit \cite{dautenhahn2018acm}, la conception des robots évolue rapidement tandis que les modèles deviennent obsolètes une fois que les entreprises cessent de les développer davantage. Par conséquent, la communauté robotique a des difficultés à partager un terrain d'entente sur ce que le terme \textit{robot}implique actuellement, y compris un large éventail de formes comme \textit{androïde, humanoïde, mécanoïde, semblable à une machine, zoomorphe ou anthropomorphe}. comprendre les possibilités d'interaction entre humains et robots est un défi complexe, au cœur de plusieurs disciplines impliquant la robotique, les neurosciences, la psychologie, l'éthologie, la philosophie de l'esprit... Le recyclage des pratiques, technologies et protocoles actuels est moins étudié que les modèles innovants, conduisant à à une vision trop simpliste de l'HRI. Dans notre étude, nous cherchons à comprendre et à étendre les paramètres originaux d'un HRI standard à un modèle d'interaction avec des tiers, afin de développer d'autres concepts émergents liés aux arts et à la créativité qui pourraient accroître l'acceptation sociale chez les robots. Les auteurs de\cite{fdili2019acm, fdili2017moco, jochum2019moco} citent l'informaticien Paul Dourish pour qui \textit{l'incorporation n'est pas une propriété de systèmes, de technologies ou d'artefacts ; c'est une propriété d'interaction }. Le type d'interaction incorporée que nous étudions vise \textit{la création et le partage de sens} tel que défini par Dourish. Selon lui, le concept d'incorporation ne se limite pas à la manifestation physique des personnes et des objets, \textit{mais s'étend également aux interactions sociales, relations et participation entre les personnes et les choses}. À notre tour, nous étudions comment l’interaction entre un danseur et un robot peut déclencher du sens et une \gls{empathie kinesthésique} chez les participants. Nous analysons les types de modèles d'interaction générés par deux contraintes - l'imitation et l'improvisation - en demandant aux participants de remplir un formulaire de vingt-neuf questions à la fin de l'expérience. Nous identifion des matériaux du mouvement original et analysons comment le type d'incorporation du robot peut être un catalyseur de cette expérience. Dans ce contexte, sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, nous avons obtenu les principaux résultats suivants : @@ -1202,6 +1200,7 @@ Dans ce contexte, sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, nous avo \item Durant la phase d'improvisation, les participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée. \end{itemize} + \subsection{Configuration expérimentale HRHI} @@ -1209,8 +1208,8 @@ Notre expérience motivante s'est déroulée à l'extérieur du laboratoire, lor Les vingt-cinq étudiants participants ont eu pour mission d'imiter puis d'improviser avec les versions virtuelles d'un robot industriel et d'un robot humanoïde, puis de remplir un formulaire comportant des questions sur une échelle de notation de 1 à 5. L'apprentissage par imitation, pour commencer par établir une interaction créative, a permis d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. La plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. La majorité des participants - (68\%) - ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d’accord sur le fait que le robot HRP-4 communiquait des émotions par la danse, avec une majorité (64\%) en désaccord. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n’étaient pas d’accord sur le fait qu’il exprimait ses émotions à travers la danse. Notre modèle d'interaction suit l'amélioration de l'étude précédente mentionnée ci-dessus, basée sur des simulations virtuelles et adressée à des participants familiers avec la danse. -Afin de comprendre comment les robots sont perçus et quel est leur impact sur leur environnement, l’autonomie est un facteur clé. Les observations de\cite{stubbs2007iee} suggèrent qu'à mesure que l'autonomie d'un robot augmente, ``l'incapacité des humains à comprendre les raisons des actions du robot perturbe la création d'un terrain d'entente”. Suite à cette remarque, nous avons décidé d'organiser notre expérience au laboratoire, l'environnement originel des robots. -Pour questionner la notion de créativité en HRI, nous avons personnalisé notre expérience à l'aide de premiers essais impliquant majoritairement des collègues chercheurs de notre laboratoire. Nous leur avons demandé de comparer deux contextes : interagir seuls avec un robot et interagir simultanément avec un robot et un danseur humain. Leurs retours ont clarifié l’hypothèse de travail selon laquelle les humains devraient s’habituer à la présence d’autres humains lorsqu’ils interagissent avec des robots. +Afin de comprendre comment les robots sont perçus et quel est leur impact sur leur environnement, l’autonomie est un facteur clé. Les observations de\cite{stubbs2007iee} suggèrent qu'à mesure que l'autonomie d'un robot augmente, ``l'incapacité des humains à comprendre les raisons des actions du robot perturbe la création d'un terrain d'entente”. +Suite à cette remarque, nous avons décidé d'organiser notre expérience au laboratoire, l'environnement de prédilection des robots. Pour questionner la notion de créativité en HRI, nous avons personnalisé notre expérience à l'aide de premiers essais impliquant majoritairement des collègues chercheurs de notre laboratoire. Nous leur avons demandé de comparer deux contextes : interagir seuls avec un robot et interagir simultanément avec un robot et un danseur humain. Leurs retours ont clarifié l’hypothèse de travail selon laquelle les humains devraient s’habituer à la présence d’autres humains lorsqu’ils interagissent avec des robots. L'un de nos objectifs était d'identifier quel cadre (avec ou sans médiateur humain) est le plus utile et inspirant pour déclencher la créativité pendant l'HRI. Parmi nos observations, nous avons noté que la place du robot au sein de l’expérience dépend de son degré de familiarité avec le sujet (c’est-à-dire que le participant a déjà interagi avec ce type de robot ou non). La majorité des roboticiens préféraient interagir directement avec le robot, sans que le danseur humain n'intervienne comme intermédiaire dans cette interaction. Parmi les raisons qui ont motivé cette préférence : la présence de l'humain devient plus importante que celle du robot, une fois la phase d'improvisation de l'expérience effectuée. De la même manière, les chercheurs qui n’avaient jamais interagi avec un robot auparavant ont estimé que la présence du médiateur humain les a encouragés à s’inscrire à l’expérience et à développer davantage leurs compétences créatives. Un autre fait important, une fois l'instruction d'improviser donnée, les attentes et les réactions rendent les participants confus quant au résultat possible, ou à \textit{la meilleure} façon d'exécuter l'instruction. Avoir un danseur humain improvisant simultanément avec le robot aide les participants à se détendre. et restent confiants quant au résultat de l'expérience, quel que soit leur niveau de danse. Ces premières remarques nous ont encouragés à maintenir le cadre d'un danseur humain interagissant avec différents robots, dans notre cadre d'expérimentation. @@ -1219,7 +1218,7 @@ Travailler avec de vrais robots au lieu de leurs jumeaux numériques\cite{circu2 Notre choix de faire une interaction impliquant uniquement des routines de danse du haut du corps est lié au fait que travailler avec des contraintes élargit les possibilités d'expression chez l'humain et réduit les risques de dysfonctionnement du robot. Le bras industriel étant posé sur un socle fixe, il semblait logique d'immobiliser le robot humanoïde, sur une chaise. Les possibilités d'accessibilité d'une chaise nécessitent d'adopter une position réflexive et statique tandis que le danseur doit compenser avec les mains l'expressivité du mouvement. \subsection{Résultats et discussion} -Dans cet article, nous faisons l'hypothèse que la créativité est une combinaison de compétence et d'intention suite aux travaux de \cite{gaut2009brill, gaut2010philosophy, bailin1984creativity, bresnahan2015skill}. Cette hypothèse a suscité de nombreux débats. Parmi eux l’idée que la créativité peut être téléologique.\cite{gaut2010philosophy} donne l'exemple d'un chimpanzé brossant de la peinture : si le dresseur enlève la peinture lorsqu'il le juge approprié, le résultat pourrait être créatif ; alors que si le chimpanzé est laissé seul avec son papier, il finira par le recouvrir de couleurs ou tout simplement le détruire. Pour Gaut: +Dans notre expérimentation, nous faisons l'hypothèse que la créativité est une combinaison de compétence et d'intention suite aux travaux de \cite{gaut2009brill, gaut2010philosophy, bailin1984creativity, bresnahan2015skill}. Cette hypothèse a suscité de nombreux débats. Parmi eux l’idée que la créativité peut être téléologique.\cite{gaut2010philosophy} donne l'exemple d'un chimpanzé brossant de la peinture : si le dresseur enlève la peinture lorsqu'il le juge approprié, le résultat pourrait être créatif ; alors que si le chimpanzé est laissé seul avec son papier, il finira par le recouvrir de couleurs ou tout simplement le détruire. Pour Gaut: \begin{quote} ``les types d'actions qui sont créatives sont celles qui présentent au moins un objectif pertinent (en n'étant pas purement accidentelles), un certain degré de compréhension (en n'utilisant pas simplement des procédures de recherche mécaniques), un degré de jugement (dans la manière de appliquer une règle, si une règle est impliquée) et une capacité d'évaluation orientée vers la tâche à accomplir. En raccourci pour ces caractéristiques, nous pouvons dire que les actions créatives doivent faire preuve de flair.” \end{quote} @@ -1255,7 +1254,7 @@ De plus, ``la dynamique qualitative inhérente pour animer des formes de vie (mo \section*{Conclusion} -Ces deux expériences de terrain m'ont offert la possibilité de mettre en œuvre des observation théoriques, des envies et des intuitions quant au potentiel scénique des robots. L’expérience avec des \gls{digital twin}s au Lycée Mercy m'a permis de tester mon dispositif à l’extérieur de laboratoire, ou \textit{into the wild}/cite{sabanovic2006iwamc} pour citer la littérature. Suite à cette première immersion, j'ai pu affiner l’étude HRHI au LIRMM, avec des non danseurs. Dans les deux cas, robots virtuels puis robots réels, les humains ont ressenti plus de liberté en interagissant avec une entité non-anthropomorphe. D'ailleurs la consigne d'imiter des mouvements s'est avérée contre-productive, en suscitant des réactions de rire ou des blocages de la part des participants, puisque dans leur imaginaire les robots sont associés à un type de mouvement propre aux récits SciFi: mouvements mécaniques et saccadés, lenteur et lourdeur. Ayant plus ou moins réussi à interroger et parfois même défier certaines attentes, je considère ces études de terrain réussis malgré leurs contraintes. Lors 'une session au LIRMM, une participante est restée immobile, après la consigne en m'expliquant que elle ne sait pas quel type de danse est adéquat dans la compagnie d'un robot. Somme toute, cela m'a permis de réfléchir collectivement aux implications d'une danse créative avec des robots et de questionner des éventuels préjugés liés à ce type d’interaction artistique. +Ces deux expériences de terrain nous ont offert la possibilité de mettre en œuvre des observation théoriques, des envies et des intuitions quant au potentiel scénique des robots. L’expérience avec des \gls{digital twin}s au Lycée Mercy m'a permis de tester mon dispositif à l’extérieur de laboratoire, ou \textit{into the wild}/cite{sabanovic2006iwamc} pour citer la littérature. Suite à cette première immersion, j'ai pu affiner l’étude HRHI au LIRMM, avec des non danseurs. Dans les deux cas, robots virtuels puis robots réels, les humains ont ressenti plus de liberté en interagissant avec une entité non-anthropomorphe. D'ailleurs la consigne d'imiter des mouvements s'est avérée contre-productive, en suscitant des réactions de rire ou des blocages de la part des participants, puisque dans leur imaginaire les robots sont associés à un type de mouvement propre aux récits SciFi: mouvements mécaniques et saccadés, lenteur et lourdeur. Ayant plus ou moins réussi à interroger et parfois même défier certaines attentes, je considère ces études de terrain réussis malgré leurs contraintes. Lors 'une session au LIRMM, une participante est restée immobile, après la consigne en m'expliquant que elle ne sait pas quel type de danse est adéquat dans la compagnie d'un robot. Somme toute, cela m'a permis de réfléchir collectivement aux implications d'une danse créative avec des robots et de questionner des éventuels préjugés liés à ce type d’interaction artistique. \chapter{Robots, danse et \textit{conscience art.ificielle}} @@ -1292,7 +1291,7 @@ J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me dema \subsection{Présentation publique} -Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail publique avec le robot HRP-4 le 31 mars 2023, au studio de danse La Nef à Montpellier. Entre communication scientifique et proposition artistique, notre idée à été de confronter ce format expérimental devant les spectateurs, pour avoir leurs impressions et échanger sur la potentialité artistique des robots. Sous la forme d'une conférence performative, à la croisée des disciplines comme la cognition incarnée, l’improvisation dansée et la robotique, nous avons alterné entre des moments explicatifs et des moments performatifs de danse. Au cours de 40 minutes de musique live, d'interaction de danse H2R et démonstrations des pratiques somatiques, le public a découvert un format expérimental entre communication scientifique et performance artistique avec des robots. Sur scène trois humains (Arnaud Tanguy comme ingénieur de recherche du robot HRP4, Maxime Aleves pour la création sonore et moi-même en tant que performeuse) plus le robot HRP4. En dehors de la scène, Thomas Guillot en tant que collaborateur artistique de la compagnie Desiderate. +Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail publique avec le robot HRP-4 le 31 mars 2023, au studio de danse La Nef à Montpellier. Entre communication scientifique et proposition artistique, notre idée à été de confronter ce format expérimental devant les spectateurs, pour avoir leurs impressions et échanger sur la potentialité artistique des robots. Sous la forme d'une conférence performative, à la croisée des disciplines comme la cognition incarnée, l’improvisation dansée et la robotique, nous avons alterné entre des moments explicatifs et des moments performatifs de danse. Au cours de 40 minutes de musique live, d'interaction de danse H2R et démonstrations des pratiques somatiques, le public a découvert un format expérimental entre communication scientifique et performance artistique avec des robots. Sur scène trois humains (Arnaud Tanguy comme ingénieur de recherche du robot HRP-4, Maxime Aleves pour la création sonore et moi-même en tant que performeuse) plus le robot HRP-4. En dehors de la scène, Thomas Guillot en tant que collaborateur artistique de la compagnie Desiderate. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/nef_intro} @@ -1471,20 +1470,21 @@ N'ayant pas de réponse à sa question, nous savons que vivre c'est précieux, c \chapter*{Conclusion de la partie II} \addcontentsline{toc}{chapter}{Conclusion} -Les conclusions de cette deuxieme partie des expérimentations pratiques, nous renvoient à l'importance d'une méthodologie propre aux projets pluridisciplinaires. Pour le chercheur Louis-Claude Paquin, que nous avons déjà évoqué, ``la problématique de la recherche-création se construit par raffinement successif, dans un aller-retour entre le désir consigné dans l’énoncé de projet produit précédemment à partir d’une amorce et le résultat de recherches”\cite{paquin2014methodologie}. En ce que concerne cette these et son exercice de création par la recherche, je peux dire avec le recul que nos problématiques fonctionnent dans un cadre théorique, mais ont des difficultés lors de leur mise en œuvre. De plus cette mise en œuvre implique une grande capacité adaptation, tout comme un réajustement continuel des moyens et des temporalités. Des autres chercheurs avant nous comme Sarah Truman, décrivent comment leur recherche est guidée par certains principes et théories au détriment des autres, et comment ceux-ci influencent la manière dont la base théorique se concrétise au fil du temps: +Les conclusions de cette deuxieme partie des expérimentations pratiques, nous renvoient à la nécessite d'une méthodologie propre aux projets pluridisciplinaires en \gls{art robotique}. Pour le chercheur Louis-Claude Paquin, que nous avons déjà évoqué, ``la problématique de la recherche-création se construit par raffinement successif, dans un aller-retour entre le désir consigné dans l’énoncé de projet produit précédemment à partir d’une amorce et le résultat de recherches”\cite{paquin2014methodologie}. En ce que concerne cette these et son exercice de création par la recherche, je peux dire avec le recul que nos problématiques fonctionnent dans un cadre théorique, mais ont des difficultés lors de leur mise en œuvre. De plus cette mise en œuvre implique une grande capacité adaptation, tout comme un réajustement continuel des moyens et des temporalités. Des autres chercheurs avant nous comme Sarah Truman, décrivent comment leur recherche est guidée par certains principes et théories au détriment des autres, et comment ceux-ci influencent la manière dont la base théorique se concrétise au fil du temps: \begin{quote} ``Par ‘méthodologie’ j’entends la logique, l’éthique, les théories et la perspective qui guident mon approche de la recherche et influencent les méthodes que je peux utiliser. Cela explique les théories qui sous-tendent ma compréhension du fonctionnement de la recherche-création. \footnote{en version originale: ``By ‘methodology’ I mean the logic, ethics, theories, and angle of approach that guide how I approach research and inform the various methods that I might use. This is me talking through the theories that inform how I think research-creation operates.”}.” \cite{truman2021feminist} \end{quote} -Lorsque j'ai parlé du \textit{glanage}, de l'\gls{exaptation} et du \textit{slow science} dans les chapitres précédents, j'ai fait appel à des formes de validation par de identification avec et de l'appartenance à des écoles de pensée déjà confirmés. Ces expérimentateurs, j'ai envie de dire sorte de prestidigitateurs à la manière de Brian Eno, qui fabriquent de la science approximative, m'ont rassuré pendant mes moments de doute. Ma base théorique est en permanente mise à jour, ou \textit{work in progress} et contient un mélange des références scientifiques en robotique, sciences cognitives, tout comme des notes sur la danse et les pratiques somatiques, évoqués dans la première partie de cette these. La partie robotique considère des principes comme celles de la théorie 4E de la cognition- \gls{The 4E Cognition Theory}, ou celles du principe de l'énergie libre-\gls{Free Energy Principle} (FEP), pour questionner la possibilité des hypothèses de recherche en lien avec la \gls{conscience artificielle} et la créativité. Dans le cadre théorique inspiré par les neurosciences et l'intelligence artificielle, décrit dans le deuxieme chapitre de la première partie de cette these, le FEP propose une explication unifiée de divers aspects des systèmes biologiques, notamment la perception, l'action, l'apprentissage et l'homéostasie. Il repose sur l’idée que les systèmes biologiques, comme le cerveau, s’efforcent de minimiser une quantité d'énergie disponible pour calculer l'écart entre les états internes et l'environnement externe. Cela nous permets de vérifier si le modèle interne du cerveau correspond aux entrées sensorielles réelles qu'il reçoit de l'environnement, l’objectif du cerveau étant de minimiser cette énergie libre en mettant à jour son modèle interne afin de mieux prédire les entrées sensorielles. De façon concrète, ce processus de minimisation de l’énergie est réalisé par la perception, l’action et l’apprentissage. Comme ces processus sont également propres à des actes de création artistique, nous élargissons la projection en évoquant l'\gls{exaptation} comme possible conséquence méthodologique d'une danse propre aux robots, preuve d'une forme de \gls{conscience artificielle}. Dans ce nouveau contexte proche du \gls{posthumanisme}, nourri par des observations propres au \gls{matérialisme féministe}, les robots sont à leur tour considérés comme des espèces à part entière, en co-évolution avec des humains à la recherche d'une nouvelle manière de danser. Cette projection tient plus du spectre de la robotique culturelle, que de la robotique cognitive ou développementale. +Lorsque j'ai parlé du \textit{glanage}, de l'\gls{exaptation} et du \textit{slow science} dans les chapitres précédents, j'ai fait appel à des formes de validation par de l'identification et de l'appartenance à des écoles de pensée déjà confirmés. Ces expérimentateurs, proche des prestidigitateurs à la manière de Brian Eno, qui fabriquent de la science sans objet comme Aurélien Bory, m'ont rassuré pendant mes moments de doute. Ma base théorique reste en permanente mise à jour, ou \textit{work in progress} et contient un mélange des références scientifiques en robotique, sciences cognitives, tout comme des notes sur la danse et les pratiques somatiques, évoqués dans la première partie de cette these. La partie robotique s'attache aux principes de robotique cognitive développementale, tout en s'inspirant des exemples de la \gls{robotique culturelle} et sociale. Les chercheurs que je cite font appel à des avancées théoriques comme celles de la théorie 4E de la cognition- \gls{The 4E Cognition Theory}, ou celles du principe de l'énergie libre-\gls{Free Energy Principle} (FEP), pour m'aider questionner des hypothèses de recherche en lien avec la \gls{conscience artificielle} et la créativité. Dans le cadre théorique inspiré par les neurosciences et l'intelligence artificielle, décrit dans le deuxieme chapitre de la première partie de cette these, le FEP propose une explication unifiée de divers aspects des systèmes biologiques. Selon cette théorie, le cerveau humain s’efforce de minimiser une quantité d'énergie disponible pour calculer l'écart entre les états internes et l'environnement externe. Cela permets de vérifier si le modèle interne du cerveau correspond aux entrées sensorielles réelles qu'il reçoit de l'environnement, son objectif étant de minimiser cette énergie libre en mettant à jour son modèle interne afin de mieux prédire les entrées sensorielles. De façon concrète, ce processus de minimisation de l’énergie est réalisé par la perception, l’action et l’apprentissage. Comme ces processus sont également propres à des actes de création artistique, nous élargissons la projection en évoquant l'\gls{exaptation} comme possible conséquence méthodologique d'une danse propre aux robots. L'adaptation opportuniste à des contextes comme la danse (qui à la base n'est pas une activité spécifique aux robots), nous permet d’élargir notre projection initiale, en nous imaginant des formes de \gls{conscience artificielle}. Dans ce nouveau cadre, proche du \gls{posthumanisme}, nourri par des observations propres au \gls{matérialisme féministe}, les robots sont à leur tour considérés comme des espèces à part entière, en co-évolution avec des humains à la recherche d'une nouvelle manière de danser. Si cette projection tient plus du spectre de la robotique culturelle, que de la robotique cognitive développementale, elle reste néanmoins une pure spéculation artistique, nourrie par les concepts et théories qui m'ont accompagné ces quatre derniers années et aussi par mon intention créative. -Différentes techniques de danse et des pratiques somatiques fournissent aujourd'hui des informations sur la manière dont le mouvement affecte la structure du corps, et l'inverse. Deux ou plusieurs corps s'équilibrent selon la règle d'un contact continu, transférant le poids et composant des mouvements de manière spontanée. Comme nous avons vu plus haut, suite à ses recherches au sein de \textit{Judson Dance Theater} et ultérieurement \textit{Grand Union}, Paxton met les bases du \gls{contact improvisation}. Cette approche, devenue entre temps discipline, analyse les effets d'un changement d'orientation spatio-kinesthésique du corps, lors des contacts tactiles. Suivant des contraintes de temps, le performeur se concentre sur les limites de son espace corporel par rapport à l'espace extérieur. Cela permet au mouvement d'apparaitre en coordination avec les autres corps qui l'entourent. Généralement ce type de mouvement est soutenu et spontané, décorrélé d'un rendu final, représentable. Comme la plupart des pratiques de danse postmodernes, la \gls{contact improvisation} s’intéresse d'avantage à une transformation de l'expérience esthétique lors des processus de recherche du mouvement. Il existe ainsi un spectre des possibilités qui définissent le mouvement, et des multiples manières pour l’exécuter. Le motif de la chaise a traversé divers moments dans l'historie de la danse. Dans une de ses œuvres de jeunesse, Steve Paxton utilise une chaise pour deux performeurs qui sourient devant le public, cherchant à trouver leur place. Ensuite Anna Theresa de Kaersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin parmi autres, ont crée toute une partition pour une danse assise dans \textit{Rosas dans Rosas} (1983), \textit{Echad mi Yodea} (1998), respectivement \textit{Seniors Rocking} (2005) que nous avons déjà mentionnés. Mettre un robot sur une chaise, peut paraitre quelque-part anachronique car si on considère le staut de objet outil de la chaise, nous espérons transcendre ce statut pour le robot. Cependant, travailler avec la contrainte est un autre outil important pour notre processus méthodologique et c'est aussi ce qui nous a permis de nous rentre compte à quel point l'humain assis à son tout sur une chaise, peut devenir à son tour, un outil au service du robot. En tout cas, la chaise permet d’égaliser ces deux présences et leur status dans un contexte de \gls{représentation}. +La créativité est un phénomène complexe, qui se manifeste sous diverses formes et contextes. Comme pour la \gls{conscience}, il n’existe pas de définition unique, englobant tous les aspects multiformes de la créativité. Celle-ci est souvent décrite comme une capacité d'innovation, mais en danse elle relève aussi d'une capacité d'adaptation, d'agence et d'improvisation. Dans les processus collaboratifs, cette créativité est autotélique. Pour amener plus loin cette idée, des artistes comme Michel Paysant\footnote{https://www.michelpaysant.fr} évoquent une sorte d'utilité \textit{des-appliquée} de l'art. Au fil des mois d' expérimentations, nous nous sommes interrogés à notre tour sur la fonction de l'art robotique. Dans son livre \textit{Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects} (2021) la chercheuse Sarah Truman entreprend une pensée spéculative basée sur la théorie des affects. Elle questionne la notion de \gls{représentation} (en anglais \textit{representationalism}) comme résultat d'une recherche quantitative dans les arts, en proposant des laboratoires de recherche-création en échange. Selon Truman ce que distingue la recherche-création de toute pratique artistique, est le fait d'incorporer directement une composante théorique dans le projet artistique, et d'employer le cadre académique comme structure de référence pour l'acte artistique. Ainsi \textit{la théorie fait partie intégrante du processus, elle informe les méthodes et la pensée pendant et après le projet\footnote{Theory primes the projects: it informs the methods and thinking during the projects and after the project is over.\cite{truman2021feminist}}}. Entre outre, Truman relie la recherche-création à une forme de spéculation située, en anglais \textit{situated speculation}. Ce concept est propre au \gls{matérialisme féministe}, imprégné par la philosophie des systèmes, l’écologie, les sciences humaines et les études queer parmi autres. Une spéculation située cherche à défier l'humanisme traditionnel, dans une approche post-humaniste. Dans notre contexte, cela a impliqué imaginer des autres formes de danse, et aussi un autre statut, différent de celui d'outil, pour les robots impliqués dans nos processus de co-création. -La créativité est un phénomène complexe et multiforme qui se manifeste sous diverses formes et contextes. Comme pour la \gls{conscience} il n’existe pas de définition unique, englobant tous les aspects de la créativité. Celle-ci est souvent décrite comme une capacité d'innovation, mais en danse elle relève aussi d'une capacité d'adaptation, d'agence et d'improvisation. Dans les processus collaboratifs, cette créativité est autotélique. Pour amener plus loin cette idée, des artistes comme Michel Paysant\cite{https://www.michelpaysant.fr} évoquent une sorte d'utilité des-appliqué de l'art. Nous nous sommes interrogés à notre tour sur la fonction de l'art robotique. Dans son livre \textit{Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects} (2021) la chercheuse Sarah Truman entreprend une pensée spéculative basée sur la théorie des affects. Elle questionne la notion de \gls{représentation} (en anglais \textit{representationalism}) comme résultat d'une recherche quantitative dans les arts, en proposant des laboratoires de recherche-création en échange. Selon Truman ce que distingue la recherche-création de toute pratique artistique est le fait d'incorporer directement une composante théorique dans le projet artistique, et d'employer le cadre académique comme structure de référence pour l'acte artistique. Ainsi \textit{la théorie fait partie intégrante du processus, elle informe les méthodes et la pensée pendant et après le projet\footnote{Theory primes the projects: it informs the methods and thinking during the projects and after the project is over.\cite{truman2021feminist}}}. Entre outre, Truman relie la recherche-création à une forme de spéculation située, en anglais \textit{situated speculation}- concept propre au \gls{matérialisme féministe} imprégné par la philosophie des systèmes, l’écologie, les sciences humaines et les études queer parmi autres. Une spéculation située cherche à défier l'humanisme traditionnel, dans une approche post-humaniste. Dans notre contexte, cela a impliqué imaginer des autres formes de danse, et aussi un autre statut, différent de celui d'outil pour les robots impliqués dans un processus de co-création. +Différentes techniques en danse et dans les pratiques somatiques fournissent aujourd'hui des informations sur la manière dont le mouvement affecte la structure du corps, et l'inverse. Deux ou plusieurs corps s'équilibrent selon la règle d'un contact continu, transférant le poids et composant des mouvements de manière spontanée. Comme nous avons vu plus haut, suite à ses recherches au sein de \textit{Judson Dance Theater} et ultérieurement \textit{Grand Union}, Paxton met les bases du \gls{contact improvisation}. Cette approche, devenue entre temps discipline, analyse les effets d'un changement d'orientation spatio-kinesthésique du corps, lors des contacts tactiles. Suivant des contraintes de temps, le performeur se concentre sur les limites de son espace corporel par rapport à l'espace extérieur. Cela permet au mouvement d'apparaitre en coordination avec les autres corps qui l'entourent. Généralement ce type de mouvement est soutenu et spontané, décorrélé d'un rendu final, représentable. Comme la plupart des pratiques de danse postmodernes, la \gls{contact improvisation} s’intéresse d'avantage à une transformation de l'expérience esthétique lors des processus de recherche du mouvement. Elle promut ainsi un spectre des possibilités qui définissent le mouvement, et des multiples manières pour l’exécuter. Le motif de la chaise a traversé divers moments dans l'historie de la danse. Autre que Burrows que j'ai cité plus haut, dans une de ses œuvres de jeunesse intitulé \textit{Smile}, Steve Paxton utilise une chaise pour deux performeurs qui sourient devant le public, cherchant à trouver leur place. Cela élargit le cercle d'Anna Theresa de Kaersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin parmi autres, qui ont crée toute une partition pour une danse assise, avec d'autres moyens et intentions que les miennes. Mettre un robot sur une chaise, peut paraitre quelque-part anachronique car si nous considérons le statut d'objet outil de la chaise, nous cherchons à déconstruire ce statut pour le robot. Cependant, travailler avec la contrainte est un autre outil important pour tout processus méthodologique et c'est aussi ce qui nous a permis de nous rentre compte à quel point l'humain assis à son tour sur une chaise, peut devenir un outil au service du robot, à son tour. En d'autre mots, la chaise permet d’égaliser ces deux présences et leur status dans un contexte de \gls{représentation}. -En tant que danseuse et chercheuse, j'ai proposé un cadre pour adresser des questions relatives aux nouvelles technologies: des HRI sur mesure qui se focalisent sur l’expérience d'incorporation, ou d'\gls{embodiment} en danse et leurs représentations contingentes. Mes questions théoriques sont encrées dans des expérimentations pratiques qui visent des compétences sensori-motrices multimodales. Certaines pages de ces chapitres ont traité des paradigmes actuelles sur la cognition et la conscience, des espaces de projection hybrides, des environements ou des agents peuvent traverser différentes écologies du corps. Dans ce contexte marqué par la robotique et les neurosciences, il est important de comprendre quels moyens nous avons pour développer un langage chorégraphique innovant. Couramment, les chercheurs nous encouragent à porter notre attention sur la meilleure manière de comprendre et nourrir la co-créativité avec les machines. Lorsque la \gls{robotique culturelle} s’intéresse à des processus créatifs, elle s'approche de quelque chose d'immuable, propre à l’espèce humaine. Des sous-domaines adjacents émergent, ouvrant à des possibilités passionnantes pour l’avenir. Ces possibilités remettent actuellement en question notre compréhension de ce que signifie être créatif, notamment par l’avènement de l'art génératif du GAI et des robots comme Ai-Da. Si la robotique peut améliorer la créativité humaine en automatisant les tâches répétitives, les humains peuvent tout autant améliorer le cadre de cette collaboration. Les artistes et les ingénieurs travaillent aux côtés des robots pour repousser les limites de l’expression créative, grâce à de nouveaux médiums et techniques qui créent des expériences dynamiques et immersives en temps réel. Leurs considérations éthiques et philosophiques, ainsi que les échanges avec d'autres professionnels, amènent une réflexion plus profonde sur notre avenir ensemble. + +En tant que danseuse et chercheuse, j'ai proposé un cadre pour adresser des questions relatives aux nouvelles technologies: des HRI sur mesure qui se focalisent sur l’expérience d'incorporation, ou d'\gls{embodiment}, en danse et leurs représentations contingentes. Mes questions théoriques, encrées dans des expérimentations pratiques visant des compétences sensori-motrices multimodales, ont du être revisités plusieurs fois. Certaines pages de ces chapitres ont traité des paradigmes actuelles dans la cognition et la conscience, des espaces de projection hybrides, des environnements ou des agents capables de traverser différentes écologies du corps. Dans ce contexte marqué par la robotique et les neurosciences, il a été important de comprendre de quels moyens nous disposons pour développer un langage chorégraphique innovant. Couramment, les chercheurs nous encouragent à porter notre attention sur la meilleure manière de comprendre et nourrir la co-créativité avec des machines. Il ne faut pas oublier cependant, que lorsque la \gls{robotique culturelle} s’intéresse à des processus créatifs, elle s'approche de quelque chose d'immuable, propre à l’espèce humaine. Des sous-domaines adjacents émergent, ouvrant à des possibilités passionnantes pour l’avenir. Ces possibilités remettent en question notre compréhension de l'état créatif, notamment par l’avènement de l'art génératif du GAI et des robots comme Ai-Da. Si la robotique peut améliorer la créativité humaine en automatisant les tâches répétitives, les humains doivent améliorer le cadre de cette collaboration. Les artistes et les ingénieurs travaillent aux côtés des robots pour repousser les limites de l’expression créative, grâce à de nouveaux médiums et techniques qui créent des expériences dynamiques et immersives en temps réel. Leurs considérations éthiques et philosophiques, ainsi que les échanges avec d'autres professionnels, amènent une réflexion plus profonde sur notre avenir ensemble. En attendant, les perspectives post-humanistes nous permettent de recontextualiser le corps, dans une optique d’échange et d'\gls{intersubjectivité}s: \begin{quote} ``Je comprends le corps comme un point de convergence de forces interreliées qui ont des durées et des taux de changement différents, et qui émergent constamment en relation avec d'autres corps, héritages, situations sociales et affects géopolitiques plus larges. Les corps ne sont jamais statiques (même une fois matérialisés), mais sont plutôt ontogénétiques. Cela a des répercussions sur les méthodes de recherche-création et l'apprentissage en milieu scolaire, car cela nous amène à considérer les corps (et les espaces dans lesquels ils se déplacent) comme étant toujours en excès d'eux-mêmes et pleins de potentiel virtuel, tout en reconnaissant comment la race, le genre, la sexualité et la capacité sont également constamment co-produits et affirmés dans ces échanges relationnels\footnote{en version originelle: ``I understand the body as a nexus of @@ -1498,7 +1498,7 @@ while still recognizing how race, gender, sexuality, and ability are also consta co-produced and asserted in these relational exchanges.”}.” \cite{truman2021feminist} \end{quote} -Ces perspectives émergentes, nous encouragent à continuer notre spéculation sur des éventuelles mutations concernant l'\gls{intelligence du corps}, y compris la place que les représentations artistiques avec des robots peuvent avoir dedans et les nouvelles modalités de création qu'elles impliquent. +Dans un monde où les définitions et les théories se renouvellent et se recontextualisent constamment, l'art peut paraitre un medium qui peine à suivre le rythme. Son fonction indirecte est celle d'un archivage de ces changements. Les quelques retours d'experience, nous encouragent à continuer notre spéculation sur des éventuelles mutations concernant l'\gls{intelligence du corps} tout comme l'\gls{intelligence du mouvement}. Cela nous permettra de réfléchir à la place que les représentations artistiques avec des robots peuvent avoir dedans et aux nouvelles modalités de création qu'elles impliquent.