From de18da040aacad63979620d740a3322039e2c29b Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: silviaC Date: Sat, 5 Oct 2024 21:54:20 +0200 Subject: [PATCH] corrections victor II.3 --- sections/conclusion.tex | 2 +- sections/partie_2.tex | 471 ++++++++++++++++++---------------------- 2 files changed, 216 insertions(+), 257 deletions(-) diff --git a/sections/conclusion.tex b/sections/conclusion.tex index a72dc01..f7c6f26 100644 --- a/sections/conclusion.tex +++ b/sections/conclusion.tex @@ -103,7 +103,7 @@ De plus, ce qui rend d’expérience humaine unique est sa \gls{sentience}, vue Plus loin, l'\textit{hypothèse du monde vulnérable} ou \gls{vulnerable world hypothesis} de Bostrom promut des recherches en matière des capacités amplifiées, pour mettre en place une police préventive avec une surveillance mondiale de la population\cite{bostrom2019vulnerable}. Cependant, nous avons vu dans l'exemple de Zuboff que recourir délibérément à des algorithmes qui nous surveillent, rendra encore plus confus notre rapport à ces dernières - puisque nous le faisons déjà sans le savoir. Quoi dire alors de leur capacité de nous manipuler alors qu'en 2014 un ordinateur passe le fameux test Touring, lorsqu’un chatbot prétend être un garçon de 13 ans d'Ukraine\footnote{https://chatgpt.com/c/28047e5b-617f-44d9-b42a-f59938177c18}. Nous aurions clairement besoin de comprendre nos intentions et leur raisons, avant de reléguer notre liberté aux machines et leur éthique. Tandis que certains types de propriétés mentales peuvent être modélisables en informatique, d'autres sont seulement propres aux organismes biologiques. Pour le philosophe Steve Torrence, les agents artificiels devront émuler seulement certaines propriétés clés des organismes biologiques. Par exemple les formes d'auto-organisation et d'auto-entretien autonomes propres au vivat disposent de la sensibilité et d'une certain fonctionnement téléologique, ce que Torrence identifié chez les humains comme \textit{conscience de soi}: -\begin{quote} +\begin{quote}1 ``La notion de sensibilité doit être distinguée de celle de la conscience de soi : de nombreux êtres qui possèdent la première peuvent ne pas posséder la seconde. On peut soutenir que de nombreux mammifères possèdent la sensibilité, ou la conscience phénoménale — ils sont capables de ressentir la douleur, la peur, le plaisir sensuel, etc. Néanmoins, il est généralement admis que ces mammifères ne possèdent pas couramment la capacité d'articuler ou d'être conscients, d'une manière de second ordre, de ces états sensibles, et manquent donc de conscience de soi\footnote{``The notion of sentience should be distinguished from that of self-consciousness: many beings, which possess the former may not possess the latter. Arguably, many mammals possess sentience, or phenomenal consciousness—they are capable of feeling pain, fear, sensuous pleasure and so on. Nevertheless it is usually taken that such mammals do not standardly possess the ability to articulate or be aware, in a higher-order way, of such sentient states, and so lack self-consciousness.”}.” \cite{torrance2008ethics} \end{quote} diff --git a/sections/partie_2.tex b/sections/partie_2.tex index 2c23a56..1cf7bf1 100644 --- a/sections/partie_2.tex +++ b/sections/partie_2.tex @@ -103,11 +103,11 @@ La première scène est collective, montrant les avatars correspondants à chaqu A.VOID v1. est une proposition sonore d’isolement graphique. Les utilisateurs se connectent sur une plateforme en bougeant un objet de couleur rouge devant leur caméra. Ce déplacement est traduit sous la forme d'un point de couleur d'un canevas numérique. Sur ce canevas, un point central rouge représentant un mini-robot doit être touché pour lancer une nappe sonore. Nous captons le robot directement dans le plateau de la webradio via une webcam. Il est en train de danser maladroitement accompagné par les bruits faites par des utilisateurs connectés. Lorsque des autres points de couleur se touchent, d'autres sons émergent, le tout forme une nappe de bruitage sonore, doublé par les mouvements des utilisateurs. -La performance diffusée en juillet 2020 est accessible online, sur le site de Radio Galoche\footnote{http://www.galoche.online/emission/31/2020-07-03-10-30-avoid-i} +La performance diffusée en juillet 2020 est accessible en ligne, sur le site de Radio Galoche\footnote{http://www.galoche.online/emission/31/2020-07-03-10-30-avoid-i} A.VOID v2. continue notre questionnement sur la relation son-images-mouvement, dans une perspective synesthésique. Cette fois-ci nous avons imaginé une performance individuelle en plusieurs étapes, dont la durée reste à déterminer pour chaque participant. Nous diffusons la performance en direct à la radio pendant ses premières 15 minutes, mais un algorithme de vie artificielle évolutif continue d’interagir avec les inputs webcam de chaque utilisateur. Il s’agit donc d’une exploration personnelle sur la notion de soi et d’identité numérique. Lors de la dernière scène, une image pixelisée de la webcam de chaque participant est envahie par des agents virtuels évolutifs. Selon sa couleur, chaque pixel devient de la nourriture ou du poison pour ces agents virtuels, déformant l'image de fond qui capte le background de chaque participant. Par cela, notre intention est de questionner l'identité numérique ainsi que la possibilité de performer avec des entités generés par un contexte virtuel. L'interaction ne suit plus règles des systèmes physiques et c'est difficile de distinguer les agents réels des agents virtuels de cet ecosysteme. La présence humaine est traduite par des moyens d'expression propres à l’ordinateur ou au portable qui se connecte à l'application. C’est un type d'interaction re-contextualisée avec des entités autonomes virtuelles qui agissent directement sur l'humain. -La performance diffusée en décembre 2020 est accessible online, sur le site de Radio Galoche\footnote{https://www.galoche.online/emission/307/2020-12-12-12-20-avoid-ii} +La performance diffusée en décembre 2020 est accessible en ligne, sur le site de Radio Galoche\footnote{https://www.galoche.online/emission/307/2020-12-12-12-20-avoid-ii} Parmi les mots-clés qui décrivent la dernière maquette du projet, nous nous sommes arrêtées sur: exploration synesthésique, performance dématérialisée, comportement aléatoire, geste dématérialisé,écosystème virtuel, dédoublement numérique. @@ -154,7 +154,7 @@ fin de l’antenne alors que chaque participant peur continuer l'expérience ind \textit{Comme d’autres avant nous, nous aimerions dire que nous vivons un moment particulier dans l’Histoire de l'humanité. Est-ce que ce moment coïncide - en termes de mutation de l’esprit - avec ce que les humains préhistoriques ont ressenti lorsqu’ils ont créé ce que nous appelons aujourd’hui l’art rupestre? Peut-on dire que l’art numérique d’aujourd’hui sera l’art préhistorique de demain? Nous ne le saurons jamais. Mais ce que nous savons c’est que les possibilités qui se dessinent devant nos yeux sont infinies. Et notre rapport au monde, tel qu’il a été défini par nos ancêtres, est lui aussi en train de s'hybrider avec des machines dont l’existence ordonne la notre.} -\textit{Le dernier repère de cette expérimentation est le reflet d’un visage. Notre propre visage à l'intérieur du dispositif numérique. Sur l'écran de votre ordinateur, ce visage se dédouble dans des matrices de 0 et de 1. Puis un algorithme de vie artificielle s’inscrit dans l'interface pour modifier ce reflet qui change au fur et au mesure que les algorithmes opèrent. Les personnes connectées au serveur- participants à notre expérimentation - peuvent rester regarder cette transformation un temps indéfini. Chaque portrait est modifié d'une façon unique et personne n'a accès au rendu final à part l'utilisateur lui-même.} +\textit{Le dernier repère de cette expérimentation est le reflet d’un visage. Notre propre visage à l'intérieur du dispositif numérique. Sur l'écran de votre ordinateur, ce visage se dédouble dans des matrices de 0 et de 1. Puis un algorithme de vie artificielle s’inscrit dans l'interface pour modifier ce reflet qui change au fur et à mesure que les algorithmes opèrent. Les personnes connectées au serveur- participants à notre expérimentation - peuvent rester regarder cette transformation un temps indéfini. Chaque portrait est modifié d'une façon unique et personne n'a accès au rendu final à part l'utilisateur lui-même.} \textit{Qui regardons-nous dans l'abysse de cette dématérialisation numérique? Est-ce nous, notre propre visage qui est altéré par des \textit{organismes numériques} ou ce sont des sosies d'une vie parallèle ? Sommes-nous ici et ailleurs? Et si oui, est-ce que nos sens se dédoublent, et ainsi se diluent, elles aussi dans l'absolu algorithmique?} @@ -192,7 +192,7 @@ Les participants ont pu observer comment deux technologies différentes peuvent \textbf{Repères techniques} -Pour ce projet, nous avons utilisé le langage de programmation P5.JS, dont les brouillons, en anglais \textit{sketches}, facilitent une connexion multi-utilisateurs pour co-créer ensemble. P5 est une librairie open source JavaScript accésible online pour facilliter le \textit{creative coding}- une façon de programmer simplifiée, propre aux artistes. Ce langage est dérivé de Processing - une solution software imaginé comme façon simplifiée de programmer, grâce au contenu visuel de ses modules. Avec le temps, la communauté à fait évoluer le software dans un outil de création avec multiples applications, dont le P5. +Pour ce projet, nous avons utilisé le langage de programmation P5.JS, dont les brouillons, en anglais \textit{sketches}, facilitent une connexion multi-utilisateurs pour co-créer ensemble. P5 est une librairie open source JavaScript accessible en ligne pour faciliter le \textit{creative coding}- une façon de programmer simplifiée, propre aux artistes. Ce langage est dérivé de Processing - une solution software imaginé comme façon simplifiée de programmer, grâce au contenu visuel de ses modules. Avec le temps, la communauté à fait évoluer le software dans un outil de création avec multiples applications, dont le P5. \smallskip Bien que P5 est accessible dans un browser, pour pouvoir inviter plusieurs utilisateurs se connecter à la même page, nous avons du créer un server qui traite des demandes HTTP avec l'aide de la plateforme \textit{Heroku}\footnote{https://devcenter.heroku.com/categories/nodejs-support} et du code source \textit{Node.js} dédiées aux applications réseau- \textit{JavaScript network applications}. Grâce aux tutoriels open source du module \textit{sockets.io} nous avons pu inviter plusieurs participants accéder simultanément à notre performance. Le principe a été de transmettre les coordonnées mouseX, mouseY du souris de chaque utilisateur, sur une canevas graphique partagée en temps réel. @@ -243,7 +243,7 @@ Dans l'introduction de son livre \textit{Les États modifiés de conscience} (19 \end{quote} Plus tard, l'ethnologue évoque l'importance du dédoublement vu comme une dissociation spontanée entre deux dimensions fondamentales de la conscience modifiée. Pour Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active d’observation par laquelle le sujet prends acte de ce qu'il traverse. Le miroir d'une réalité propre, selon les capacités sensorielles de chacun, illustre ce que le sujet arrive à traduire consciemment. -A leur tour, les invités illustrent ce problème sous la forme d'une paradigme recursive dont l'objectif est la connaissance de soi. Isadora parle d'un cycle d'apprentissage qui passe par plusieurs étapes: ``the more we try to simulate consciousness, the more we understand consciousness. Our actual state of consciousness is too ahead of what we try to simulate. Our trials are a way to understand our own consciousness, a late mirror from a millions of years ago.” Ces observations nous permettent de re-définir le concept de réalité, en nous appuyant sur les concepts théoriques de von Uexkull ou de Dehaene, ainsi que sur nos propres observations. +À leur tour, les invités illustrent ce problème sous la forme d'une paradigme récursive dont l'objectif est la connaissance de soi. Isadora parle d'un cycle d'apprentissage qui passe par plusieurs étapes: ``the more we try to simulate consciousness, the more we understand consciousness. Our actual state of consciousness is too ahead of what we try to simulate. Our trials are a way to understand our own consciousness, a late mirror from a millions of years ago.” Ces observations nous permettent de re-définir le concept de réalité, en nous appuyant sur les concepts théoriques de von Uexkull ou de Dehaene, ainsi que sur nos propres observations. @@ -283,71 +283,69 @@ Dans les exemples de Dehaene, un éléphant est capable de parcourir jusqu'au 50 \subsection{M.I.P. ou comment rendre l'électronique créative} -Une instance intéressante de ma recherche-création a été la préparation, entre décembre 2021 et mai 2022, d'un Module Pédagogique Innovant (M.I.P.) pour l'école doctorale EUR-ArTeC. Cette expérience d'enseignement m'a permis de conceptualiser mes questionements dans un cadre académique et ainsi les confronter et adapter à un contexte général de recherche. +Une instance intéressante de ma recherche-création a été la préparation, entre décembre 2021 et mai 2022, d'un Module Pédagogique Innovant (M.I.P.) pour l'école doctorale EUR-ArTeC. Cette expérience d'enseignement m'a permise de conceptualiser mes questionements dans un cadre académique et ainsi les confronter et adapter à un contexte général de recherche. -De cette façon, l'atelier laboratoire \textit{Interfaces Magiques : objets connectés pour la performance artistique} a été conçu comme un partage des connaissances autour du design et de la création d'accessoires électroniques interactifs et connectés pour des performances artistiques. Proposé comme un espace d’expérimentation mixte entre arts performatives, électronique et création d’objets connectés, ce module m'a permis de réfléchir à comment des interfaces connectées peuvent enrichir la créativité d'un performeur et comment un spectateur intègre cette proposition. +De cette façon, l'atelier laboratoire \textit{Interfaces Magiques : objets connectés pour la performance artistique} a été conçu comme un partage des connaissances autour du design et de la création d'accessoires électroniques interactifs et connectés pour des performances artistiques. Proposé comme un espace d’expérimentation mixte entre arts performatifs, électronique et création d’objets connectés, ce module m'a permis de réfléchir à comment des interfaces connectées peuvent enrichir la créativité d'un performeur et comment un spectateur intègre cette proposition. Le projet a été conçu et animé en collaboration avec Isadora Teles de Castro, dans le cadre du projet ArTeC: \textit{Co-Evolution, Co-Création \& Improvisation H2M (CECCI H2M): Promouvoir une coévolution comportementale durable avec une co-création émergente Homme-Machine} dont j'ai fait mention dans l'introduction de ce travail. -Il a eu lieu du 6 au 9 mai, de 10h à 18h, dans mon studio artistique au DOC! (26 rue du Docteur Potain, 75019 Paris) puis le 27 mai en ligne, pour discussion et retour d'expérience. +Il a eu lieu du 6 au 9 mai, de 10 h à 18 h, dans mon studio artistique au DOC! (26 rue du Docteur Potain, 75019 Paris) puis le 27 mai en ligne, pour discussion et retour d'expérience. Les sept participantes ont été des étudiantes en M1 et M2 de l'école EUR-ArTeC. Puisque l' objectif pédagogique a été l’appropriation des dispositifs électroniques connectés dans un contexte artistique, elles: \begin{itemize} -\item ont acquis des concepts et des références sur les accessoires électroniques interactifs portables, ainsi que sur les objets IoT connectés et leur contexte de création artistique, -\item ont expérimenté une première étape de planification, prototypage et réalisation d'interface pour des fins performatifs et artistiques, -\item ont acquis des bases en électronique et informatique qui leur permettront de s’imaginer leurs propres projets créatifs en interfaçant ensemble des modules électroniques (capteurs, actuateurs, carte contrôleur). -\item ont eu l’occasion de customiser leurs propres outils et accessoires lors d’un exercice dramaturgique en lien avec le féminisme et l’hybridation du corps. +\item ont acquis des concepts et des références sur les accessoires électroniques interactifs portables, ainsi que sur les objets \textit{Internet of Things} (IoT) connectés et leur contexte de création artistique +\item ont expérimenté une première étape de planification, prototypage et réalisation d'interface à des fins performatives et artistiques +\item ont acquis des bases en électronique et informatique qui leur permettront de s’imaginer leurs propres projets créatifs en interfaçant ensemble des modules électroniques (capteurs, actuateurs, carte contrôleur) +\item ont eu l’occasion de personnaliser leurs propres outils et accessoires lors d’un exercice dramaturgique en lien avec le féminisme et l’hybridation du corps \end{itemize} La version intégrale du cahier de bord est disponible en ligne\footnote{https://interfacesmagiques.tumblr.com}. -L'atelier a été structuré en plusieurs étapes. D'abord nous avons mis en place un syllabus contenant un état de l'art des projets créatifs utilisant du matériel électronique et le lien vers des tutoriels de \textit{creative coding} et projets DIY qui nous ont inspiré. Ensuite nous avons présenté notre propre matériel électronique et quelques capteurs avant de commencer le travail pratique de familiarisation et expérimentation avec les boards Arduino et les capteurs. Le troisième temps a été celui de la réalisation d'une maquette collective, pensée comme étude de cas des connaissances acquises. Grâce à l'utilisation de capteurs, des servo-moteurs et de formes textiles plissées et pliées, les participants ont appris à créer une extension corporelle portable connecté aux mouvements d'un autre corps. Dans les semaines qui ont précédé cet atelier, nous avons également organisé un temps d'échange et de retour d'expérience. +L'atelier a été structuré en plusieurs étapes. D'abord nous avons mis en place un syllabus contenant un état de l'art des projets créatifs utilisant du matériel électronique et le lien vers des tutoriels de \textit{creative coding} et projets DIY qui nous ont inspiré. Ensuite nous avons présenté notre propre matériel électronique et quelques capteurs avant de commencer le travail pratique de familiarisation et expérimentation avec les \textit{boards} Arduino et les capteurs. Le troisième temps a été celui de la réalisation d'une maquette collective, pensée comme étude de cas des connaissances acquises. Grâce à l'utilisation de capteurs, des servo-moteurs et de formes textiles plissées et pliées, les participantes ont appris à créer une extension corporelle portable connectée aux mouvements d'un autre corps. Dans les semaines qui ont précédé cet atelier, nous avons également organisé un temps d'échange et de retour d'expérience. -Une partie importante pour les permises du projet, a été le partage des ressources bibliographiques. Parmi les artistes qui nous ont le plus inspiré, il y a le travail de Katie Hartman. Son livre \cite{hartman2014make} présente les bases de l'électronique pour des projets créatifs, ainsi que des exemples de code et d'autres astuces et ressources partagés par la communauté. Artiste, chercheuse et pédagogue basée à Toronto, le travail de Hartman couvre des domaines comme la physique, l'informatique, l'électronique portable et l'art conceptuel. Fondatrice du \textit{Social Body Lab}, elle coordonne une équipe de recherche dédiée à l'exploration de technologies centrées sur le corps dans +Une partie importante pour les prémices du projet, a été le partage des ressources bibliographiques. Parmi les artistes qui nous ont le plus inspiré, il y a le travail de Katie Hartman. Son livre \cite{hartman2014make} présente les bases de l'électronique pour des projets créatifs, ainsi que des exemples de code et d'autres astuces et ressources partagés par la communauté. Artiste, chercheuse et pédagogue basée à Toronto, le travail de Hartman couvre des domaines comme la physique, l'informatique, l'électronique portable et l'art conceptuel. Fondatrice du \textit{Social Body Lab}, elle coordonne une équipe de recherche dédiée à l'exploration de technologies centrées sur le corps dans un contexte social. Pour Hartman, le corps humain est une interface primaire en lien avec le monde extérieur et son projet d'utiliser des dispositifs portables (c'est à dire \textit{wearables}) est pensé en lien avec l'augmentation de nos capacités sensorielles. -Un expriment qu'elle propose, décrit les consignes pour l'écoute et l'amplification des bruits produit par une partie de notre corps. J'ai utilisé ses conseils lors des étapes de recherches ultérieurs, grâce à l'aide des capteurs sonores (microphones piezoéléctriques). Je parlerai de mes observations dans un prochain chapitre. -Cependant il est important de mentionner que cette approche informelle, au caractère ludique de Hartman m'a réconcilié et aidé à mieux comprendre le rapport au corps, par le biais d'une technologie simplifiée (\textit{lowtech}). +Une expérience qu'elle propose décrit les consignes pour l'écoute et l'amplification des bruits produits par une partie de notre corps. J'ai utilisé ses conseils lors des étapes de recherches ultérieurs, grâce à l'aide des capteurs sonores (microphones piézoélectriques). Je parlerai de mes observations dans les prochaines pages. +Cependant il est important de mentionner que cette approche informelle, au caractère ludique de Hartman m'a réconciliée et aidée à mieux comprendre le rapport au corps, par le biais d'une technologie simplifiée (\textit{lowtech}). -Au même titre, Hannah Perner-Wilson et Mika Satomi, dont le travail est répertorié online sur le site \textit{How to get what you want}. -Leur idée est de mettre à disposition des références ``compréhensibles, accessibles et maintenables” qui encouragent les participants à contribuer ultérieurement, une fois les bases acquises. Les deux artistes et chercheuses cherchent à souder la communauté du collectif KOBAKANT\footnote{https://www.kobakant.at} qu'elles ont crée en 2008. Pour cela, elles explorent (souvent avec de l'auto-ironie et de l'humour) l'artisanat textile et l'électronique comme outils critiques des aspects technologiques de notre société. - Sur leur site, elles expriment leur credo de la façon suivante: +Au même titre, Hannah Perner-Wilson et Mika Satomi, dont le travail est répertorié en ligne sur le site \textit{How to get what you want}. +Leur idée est de mettre à disposition des références ``compréhensibles, accessibles et maintenables” qui encouragent les participants à contribuer ultérieurement, une fois les bases acquises. Les deux artistes et chercheuses cherchent à souder la communauté du collectif KOBAKANT\footnote{https://www.kobakant.at} qu'elles ont créé en 2008. Pour cela, elles explorent (souvent avec de l'auto-ironie et de l'humour) l'artisanat textile et l'électronique comme outils critiques des aspects technologiques de notre société. +Sur leur site, elles expriment leur credo de la façon suivante: \begin{quote} ``KOBAKANT croit que la technologie existe pour être piratée, faite à la main et modifiée par tout le monde pour mieux répondre à nos besoins et désirs personnels.” \end{quote} Le travail individuel de Hannah Perner-Wilson s'est constitué en parallèle autour du projet \textit{Wearable Studio Practice} (WSP). WSP représente une collection d'objets portables - \textit{wearables} - qui facilite la création de projets électroniques nomades, comme moyen d'expérimenter le monde. -Pour elle, l'acte de fabriquer - \textit{making} - est une forme d'expression créative en lien avec la nature. +Pour elle, l'acte de fabriquer - \textit{making} - est une forme d'expression créative en lien avec la nature. Je rajoute à cela l'importance de l'héritage de Rosalind Picard et son travail au laboratoire MIT, où elle a développé sa thèse sur l'importance des émotions dans la programmation - \textit{affective computing} où le concept même d'ordinateur est revisité du point de vue de son utilité. Si la plupart des ordinateurs sont utilisés d'une façon identique, son équipe imagine des ordinateurs qui peuvent être portés comme des lunettes ou des vêtements, pour interagir avec l'utilisateur en fonction de son contexte. Son hypothèse est que les technologies peuvent augmenter nos capacités affectives, puisque la communication intermédiée par un ordinateur offre de multiples possibilités d'expression\cite{picard2000affective} par rapport à la communication inter-personnelle. Sa démarche a motivé les prochaines générations des chercheuses à s'affranchir des nouvelles limites et oser penser différemment. Peu à peu, l'accès aux ressources s'est démocratisé et ces projets de recherche sont devenus Open Source pour inspirer le travail de Perner-Wilson ou Hartman, quelque part à la lisière entre l'académique et le \textit{do-it-yourself} (DIY). -Je rajoute à cela l'importance du héritage de Rosalind Picard et son travail au laboratoire MIT, où elle a développé sa thèse sur l'importance des émotions dans la programmation - \textit{affective computing} où le concept même d'ordinateur est revisité du point de vue de son utilité. Si la plupart des ordinateurs sont utilisés d'une façon identique, son équipe imagine des ordinateurs qui peuvent être portés comme des lunettes ou des vêtements, pour interagir avec l'utilisateur en fonction de son contexte. Son hypothèse est que les technologies peuvent augmenter nos capacités affectives, comparatif avec la communication inter-personnelle directe, puisque la communication intermédiée par un ordinateur offre des multiples possibilités d'expression\cite{picard2000affective}. Sa démarche a motivée les prochaines générations des chercheuses à affranchir des nouvelles limites et oser penser différemment. Peu à peu, l'accès aux ressources s'est démocratisé et ces projets de recherche sont devenus Open Source pour inspirer le travail de Perner-Wilson ou Hartman, quelque part à la lisière entre l'académique et le do-it-yourself (DIY). - -En suivant les avancées dans ce type de communauté scientifique, dont les membres sont souvent appelés \textit{makers}, la possibilité de créer des appareils portables ludiques pour amplifier, étendre ou renverser notre langage corporel, reste une activité récréative capable d'inspirer plusieurs domaines plus ``sérieuses”, dont la robotique. La décentralisation des pratiques et le partage des ressources, déterminent une partie de makers à détourner le rôle de ces dispositifs dans les interactions sociales. Ils explorent ainsi les moyens d'étendre physiquement leur propre expressivité par l'intermédiaire de l'électronique portable. Ce qui fait que les roboticiens profitent également de l'invention des nouvelles pratiques ou matériaux, pour affiner leurs prototypes. -Dans notre contexte pédagogique, après cette première phase théorique, nous avons lancé un module pratique avec un petit inventaire des capteurs, breadboards, microcontrôleurs, connectors et le reste des matériaux disponibles pour les participantes. +En suivant les avancées dans ce type de communauté scientifique, dont les membres sont souvent appelés \textit{makers}, la possibilité de créer des appareils portables ludiques pour amplifier, étendre ou renverser notre langage corporel, reste une activité récréative capable d'inspirer plusieurs domaines plus ``sérieux”, dont la robotique. La décentralisation des pratiques et le partage des ressources déterminent une partie de \textit{makers} à détourner le rôle de ces dispositifs dans les interactions sociales. Ils explorent ainsi les moyens d'étendre physiquement leur propre expressivité par l'intermédiaire de l'électronique portable. Ce qui fait que les roboticiens profitent également de l'invention des nouvelles pratiques ou matériaux, pour affiner leurs prototypes. +Dans notre contexte pédagogique, après cette première phase théorique, nous avons lancé un module pratique avec un petit inventaire des capteurs, \textit{breadboards}, microcontrôleurs, \textit{connectors} et le reste des matériaux disponibles pour les participantes. \textbf{Performance collective comme rendu pratique} La synthèse de nos expérimentations a été traduite sous la forme d'un moment performatif collectif. Pour se préparer, les participantes ont du créer un dispositif électronique connecté. Ensuite nous avons fait un travail dramaturgique pour interroger le potentiel scénique de ce dispositif, le message transmis et le rôle du dispositif connecté dans la performance. Dans la liste des capteurs que nous avons utilisé, j'évoque celui qui a le plus inspiré les participantes - le -velostat. Ce type de capteur est utilisé dans beaucoup de projets artistiques DIY à cause de sa conductivité électrique, donnée par le noir de carbone qui imprègne sa structure. Velostat a des propretés piézorésistives, sa résistance diminue avec la flexion ou la pression, ce qui fait de lui un capteur flexible très accessible. Il est par exemple utilisé pour fabriquer les chaussures qui s'allument lorsque le porteur marche. Nous l'avons utilisé comme ``deuxième peau” pour une de nos performeuse, qui s'est collé ce matériel sur plusieurs parties de son corps, notamment la planque de pied. +velostat. Ce type de capteur est utilisé dans beaucoup de projets artistiques DIY à cause de sa conductivité électrique, donnée par le noir de carbone qui imprègne sa structure. Velostat a des propretés piézorésistives, sa résistance diminue avec la flexion ou la pression, ce qui fait de lui un capteur flexible très accessible. Il est par exemple utilisé pour fabriquer les chaussures qui s'allument lorsque le porteur marche. Nous l'avons utilisé comme ``deuxième peau” pour une de nos performeuse, qui s'est collé ce matériel sur plusieurs parties de son corps, notamment la plante du pied. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/velostat_pied} - \caption{détail de la performance - poser son pied par terre modifie la valeur de la tension du velostat} + \caption{détail de la performance - poser son pied par terre modifie la valeur de la tension du Velostat.} \label{fig:velostat-pied} \end{figure} -Une fois qu'elle a posé son pied par terre la résistance a changé. Un petit servo-moteur connecté à distance, partie d'un accessoire porté par une deuxième performeuse, est actionné chaque fois que la résistance du velostat change. +Une fois qu'elle a posé son pied par terre la résistance a changé. Un petit servo-moteur connecté à distance, partie d'un accessoire porté par une deuxième performeuse, est actionné chaque fois que la résistance du Velostat change. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/servo_m} - \caption{détail de la performance - un signal envoyé via une connexion Wifi modifie l'accessoire servo-moteur selon les valeurs récupérés du capteur Velostat} + \caption{détail de la performance - un signal envoyé via une connexion \textit{wifi} modifie l'accessoire servo-moteur selon les valeurs récupérées du capteur Velostat} \label{fig:servom} \end{figure} Parmi les idées qui ont peuplé notre exercice de recherche-création collectif, \textit{la guerrière empêchée} s'est imposé comme une figure matriarcale effigie d'une femme cybrog engagée qui réclame sa place au monde. -Son corps (dédoublé par les accésoirés que nos deux performeuses portaient) disposait d'une tête qui communiquait avec les pieds pour réfléchir. +Son corps (dédoublé par les accessoires que nos deux performeuses portaient) disposait d'une tête qui communiquait avec les pieds pour réfléchir. J'ai partagé avec les participantes le manifeste de Donna Harraway\cite{haraway2010cyborg}, dont l'écriture nous a accompagné tout au long de ce moment de recherche dramaturgique: \begin{quote} ``Les machines modernes sont essentiellement des dispositifs microélectroniques : elles sont omniprésentes et invisibles. La machinerie moderne est un dieu irrévérencieux et insolent, se moquant de l’ubiquité et de la spiritualité du Père. La puce de silicium est une surface pour l’écriture ; elle est gravée à des échelles moléculaires perturbées uniquement par le bruit atomique, l’interférence ultime pour les scores nucléaires. L’écriture, le pouvoir et la technologie sont des partenaires anciens dans les histoires occidentales sur l’origine de la civilisation, mais la miniaturisation a changé notre expérience des mécanismes. La miniaturisation s’est révélée être une question de pouvoir ; ce qui est petit n’est pas tant beau que prééminemment dangereux, comme dans le cas des missiles de croisière... Nos meilleures machines sont faites de lumière ; elles sont toutes légères et propres parce qu’elles ne sont rien d’autre que des signaux, des ondes électromagnétiques, une section du spectre. Et ces machines sont éminemment portables, mobiles — une source de douleur humaine immense à Détroit et Singapour. Les gens ne sont pas aussi fluides, étant à la fois matériels et opaques. Les cyborgs sont éther, quintessence.\footnote{en version originale: ``Modern machines are quintessentially microelectronic devices: they are everywhere and they are invisible. Modern machinery is an irreverent upstart god, mocking the Father’s ubiquity and spirituality. The silicon chip is a surface for writing; it is etched in molecular scales disturbed only by atmoic noise, the ultimate interference for nuclear scores. Writing, power, and technology are old partners in Western stories of the origin of civilization, but miniaturization has changed our experience of mechanism. Miniaturization has turned out to be about power; small is not so much beautiful as pre-eminently dangerous, as in cruise missiles... Our best machines are made of sunshine; they are all light and clean because they are nothing but signals, electromagnetic waves, a section of the spectrum. And these machines are eminently portable, mobile—a matter of immense human pain in Detroit and Singapore. People are nowhere near so fluid, being both material and opaque. Cyborgs are ether, quintessence.”}.” @@ -357,7 +355,7 @@ Lors du processus de création nous avons beaucoup interrogé nos limites et la \textbf{Capter la charge électrique dans les muscles pour la transformer en son}\smallskip -Le module que j'ai pris en charge pour une démonstration pratique utilise un capteur électromyographique (EMG) de surface appelé MyoWare Muscle Sensor Kit. +Le module que j'ai pris en charge pour une démonstration pratique utilise un capteur électromyographique (EMG) de surface appelé \textit{MyoWare Muscle Sensor Kit}. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/myoware} @@ -366,8 +364,8 @@ Le module que j'ai pris en charge pour une démonstration pratique utilise un ca \end{figure} L'électromyographie est une technique qui mesure l'activité électrique musculaire à l'aide d'électrodes placées sur la peau, au-dessus du muscle. Cette mesure est prise lors d'une contraction musculaire et vise son amplitude maximale ou sa fréquence médiane. Certaines EMG captent également l'activité involontaire des muscles. Dans le domaine médical, un examen EMG est fait lorsqu’une personne présente des symptômes d’un trouble musculaire ou nerveux. Cette procédure évalue l’état de santé des muscles et des motoneurones qui les contrôlent. Je me suis intéressée à ce type de capteur parce que les muscles sont les véritables déclencheurs du mouvement humain. -A leur tour, ils sont contrôlés par des cellules nerveuses (motoneurones) qui transmettent les signaux électriques au cerveau pour provoquer des mouvements de contraction et de relaxation. Ces deux phases, provoquent une différence de potentiel dans le signal électrique. Grâce aux tendons qui les fixent sur des os, les muscles actionnent le squelette et le font bouger articulation par articulation, suivant différentes angles de rotation. Cette mécanique de calcul et perpétuel ajustement se produit de façon autonome. Si elle est étudié par les ingénieurs bio-mécaniciens pour être modélisée, elle me fascine en tant que artiste apr son opacité quand à la conversion entre les signaux électriques et la pensée. Parfois quand je danse je verbalise une action pour un de mes membres - par exemple \textit{Leve ta main}, alors que des autres fois je m'oublie. C'est qui ce \textit{je} qui s'adresse à mon corps à la deuxième personne? Où disparaît il quand cela se produit de manière automatique? -A l'écart de ces questions ontologiques, un capteur EMG traduit la différence de potentiel en graphiques ou en chiffres qui sont ensuite nettoyés par l'intermédiaire des filtres. Ces données représentent un input pour générer du son, des images ou contrôler à distance des dispositif électroniques comme les robots. +À leur tour, ils sont contrôlés par des cellules nerveuses (motoneurones) qui transmettent les signaux électriques au cerveau pour provoquer des mouvements de contraction et de relaxation. Ces deux phases provoquent une différence de potentiel dans le signal électrique. Grâce aux tendons qui les fixent sur des os, les muscles actionnent le squelette et le font bouger articulation par articulation, suivant différents angles de rotation. Cette mécanique de calcul et perpétuel ajustement se produit de façon autonome. Si elle est étudiée par les ingénieurs bio-mécaniciens pour être modélisée, elle me fascine en tant que artiste par son opacité quant à la conversion entre les signaux électriques et la pensée. Parfois quand je danse je verbalise une action pour un de mes membres - par exemple \textit{Lève ta main}, alors que des autres fois j'oublie mon corps. Qui est ce \textit{je} s'adressant à mon corps à la deuxième personne ? Où disparaît-il quand cela se produit de manière automatique ? +Loin de ces questions ontologiques, un capteur EMG traduit la différence de potentiel électrique entre deux muscles. Cela se traduit par des graphiques ou des chiffres qui sont ensuite nettoyés par l'intermédiaire de filtres. Ces données représentent un \textit{input} pour générer du son, des images ou contrôler à distance des dispositifs électroniques comme les robots. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/signal_emg} @@ -376,7 +374,7 @@ A l'écart de ces questions ontologiques, un capteur EMG traduit la différence \end{figure} -Dans la démonstration que j'ai préparé, l'EMG était connecté à un board Arduino Uno et à mon bras. Le signal capté a été ensuite transformé en son grâce à un contrôleur midi simulé avec le logiciel PureData. Le code Arduino qui a permis la configuration du capteur et la transformation du signal: +Dans la démonstration que j'ai préparée, l'EMG était connecté à un \textit{board} Arduino Uno et à mon bras. Le signal capté a été ensuite transformé en son grâce à un contrôleur midi simulé avec le logiciel PureData. Le code Arduino qui a permis la configuration du capteur et la transformation du signal est disponible plus bas. \begin{lstlisting} @@ -452,20 +450,20 @@ byte garbage = Serial.read(); \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/PD} - \caption{implementation des filtres qui processent de manière synthethique le son} + \caption{L’implémentation des filtres qui traitent de manière synthétique le son.} \label{fig:pd} \end{figure} Le lien pour suivre cette démonstration est disponible en bas de page\footnote{https://vimeo.com/855601666?share=copy}. -Lors de mes résidence artistiques dans le studio de Mathilde Monnier à Montpellier j'ai eu l'occasion d'améliorer ce prototype et le tester avec plusieurs mouvements, pour mieux comprendre mon écriture corporelle à l'aide du son. +Lors de mes résidences artistiques dans le studio de Mathilde Monnier à Montpellier j'ai eu l'occasion d'améliorer ce prototype et le tester avec plusieurs mouvements, pour mieux comprendre mon écriture corporelle à l'aide du son. Plus bas, un extrait vidéo d'un des moments de recherche-création\footnote{https://vimeo.com/718376555?share=copy}. -Au travers ces essais et maquettes j'ai pu mieux éduquer mes sens et ma perception à une présence active où mon corps se dilue pour mieux apparaître. -Me perdre dans ce mélange de présence. Comme Kozel le remarque dans son livre\cite{kozel2008closer}, nous avons besoin des machines pour objectiver notre présence-absence. La technologie devient un repère pour l'humain, qui se retrouve au-delà de son propre subjectivité: +À travers ces essais et maquettes j'ai pu mieux éduquer mes sens et ma perception à une présence active où mon corps se désorganise pour mieux apparaître. Me perdre dans ce mélange de présence(s). Comme Kozel le remarque dans son livre \textit{Closer: performance, technologies, phenomenology}, nous avons besoin des machines pour objectiver notre présence-absence. La technologie devient un repère pour l'humain, qui se retrouve au-delà de sa propre subjectivité: \begin{quote} -``The examples of sight, touch, and movement reveal that the relation of reversibility is \textit{always imminent and never realized in fact} (Merleau-Ponty 1968, 147). It is impossible to over-exaggerate the + +``Les exemples de la vue, du toucher et du mouvement révèlent que la relation de réversibilité est "toujours imminente et jamais réalisée en fait" (Merleau-Ponty, 1968, p. 147). Il est impossible de surestimer l'importance de la dynamique de la réversibilité dans la pensée tardive de Merleau-Ponty. Il l'a pensée de fond en comble et revenait toujours à cette vérité troublante : je vois et je suis vu. L'importance de cela réside dans une instabilité fondamentale au sein de notre insertion corporelle dans le monde, un démantèlement des notions fermement établies de subjectivité et d'identité, voire de signification. Le corps "n'est pas un soi par transparence, comme la pensée, qui ne pense son objet qu'en l'assimilant, en le constituant, en le transformant en pensée. Il est un soi par confusion" (Merleau-Ponty, 1964a, p. 163). Sans cette dynamique incertaine et superposée, nous ne serions pas vraiment chair, nous n'aurions pas un corps humain, il "n'y aurait pas d'humanité" (ibid.). L'humanité est, paradoxalement, réalisée par une distance incorporée dans le soi à travers une émigration vers l'extérieur\footnote{``The examples of sight, touch, and movement reveal that the relation of reversibility is \textit{always imminent and never realized in fact} (Merleau-Ponty 1968, 147). It is impossible to over-exaggerate the importance of the dynamic of reversibility in Merleau-Ponty’s late thought. He thought it inside and out, and always returned to the unsettling truth that I see and am seen. The significance of this is a fundamental lack of stability within our corporeal insertion in the world, a dismantling of firmly set @@ -474,10 +472,11 @@ like thought, which only thinks its object by assimilating it, by constituting i into thought. It is a self through confusion} (Merleau-Ponty 1964a, 163). Without this overlapping, uncertain dynamic we would not really be flesh, we would not have the body of a human being, there \textit{would be no humanity} (ibid.). The humanity is, paradoxically, achieved through a distance -being incorporated into the self through the emigration into the outside.” +being incorporated into the self through the emigration into the outside.”}.” +\cite{kozel2008closer} \end{quote} -Nous nous sommes appuyées sur ses observations pour comprendre ce rapport à la corporéité et aux dispositifs connectés dans notre cadre d'improvisation sociale créative. Ainsi leur influence et les possibles dérives éthiques en lien avec la question du corps et ses limites, deviennent moins critiques du point de vue des \textit{wearables} DIY. Comparé à la robotique ces dispositifs sont plus accessibles, car moins compliqués et moins chers. Ils constituent un première étape dans la co-habitation avec une technologie accessible, ludique et non-invasive, pensée en lien avec l'humain. Pour moi cela se constitue dans une sorte de low-tech expérimental et expérientiel, qui m'aide à mieux structurer la relation avec la technologie. +Avec Isadora, nous nous sommes appuyées sur ses observations pour comprendre ce rapport à la corporéité et aux dispositifs connectés dans notre cadre d'improvisation sociale créative. Ainsi leur influence et les possibles dérives éthiques en lien avec la question du corps et ses limites, deviennent moins critiques du point de vue des \textit{wearables} DIY. Comparé à la robotique, ces dispositifs sont plus accessibles car moins compliqués et moins chers. Ils constituent une première étape dans la cohabitation avec une technologie accessible, ludique et non-invasive, pensée en lien avec l'humain. Pour moi cela se constitue dans une sorte de \textit{low-tech} expérimental et expérientiel qui m'aide à mieux structurer la relation avec la technologie. \begin{figure} \centering @@ -490,16 +489,10 @@ Nous nous sommes appuyées sur ses observations pour comprendre ce rapport à la Cette bande de fréquences fait référence à des fréquences audio qui se situent en dehors de la gamme d'audition humaine (20 kHz). Les capteurs à ultrasons se reposent sur ces fréquences pour détecter la présence d'un obstacle ou pour calculer la distance d'un objet distant. \subsection{L'animata qui anticipe le robot} -Dans une autre expérimentation, j'ai traité cette question de la low-tech et son importance dans ma recherche sur les robots, en travaillant avec un \gls{dispositif animatronique} ou animata. Cette fois il s'agissait d'un dispositif électronique autonome, similaire à un \textit{animal électronique}. La structure d'une animata dépends de son utilité. Pour mon processus de recherche-création j'ai eu besoin de comprendre comment l'improvisation dansée peut-être influencé par un déplacement spatial aléatoire. J'ai ainsi construit un dispositif dotée d'un capteur ultrasons HC-SR04 dont la seule contrainte était d'éviter les obstacles. -\begin{figure} - \centering - \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/capteur-de-distance-ultrason} - \caption{Exemple de capteur ultrason de 5V utilisé pour des projets Arduino} - \label{fig:capteur-de-distance-ultrason} -\end{figure} +Dans une autre expérimentation, j'ai traité cette question de la \textit{low-tech} et son importance dans ma recherche sur les robots, en travaillant avec un \gls{dispositif animatronique} ou animata. Cette fois il s'agissait d'un dispositif électronique autonome, similaire à un \textit{animal électronique}. La structure d'une animata dépend de son utilité. Pour mon processus de recherche-création j'ai eu besoin de comprendre comment l'improvisation dansée peut être influencée par un déplacement spatial aléatoire. J'ai ainsi construit un dispositif dotée d'un capteur ultrasons HC-SR04 dont la seule contrainte était d'éviter les obstacles. Cette bande de fréquences fait référence à des fréquences audio qui se situent en dehors de la gamme d'audition humaine (20 kHz). Les capteurs à ultrasons se reposent sur ces fréquences pour détecter la présence d'un obstacle ou pour calculer la distance d'un objet distant. -Le fonctionnement de base de ce type de capteur est semblable à la manière dont les chauves-souris utilisent l'écholocation pour se repérer en vol: +Le fonctionnement de base de ce type de capteur est semblable à la manière dont les chauves-souris utilisent l'écholocation pour se repérer en vol : \begin{itemize} \item un émetteur envoie une rafale d'ondes sonores à haute fréquence (entre 23 kHz et 40 kHz) \item lorsque l'impulsion sonore frappe un objet, une partie des ondes sonores est réfléchie vers un récepteur @@ -507,82 +500,77 @@ Le fonctionnement de base de ce type de capteur est semblable à la manière don \begin{equation}\label{key} d = 0.5*c*t \end{equation} -où \textit{d} répresente la distance en mètres, \textit{c} la vitesse du son (343 mètre per seconde) et \textit{t} le temps en secondes entre l'émission et la réception. +où \textit{d} représente la distance en mètres, \textit{c} la vitesse du son (343 mètre par seconde) et \textit{t} le temps en secondes entre l'émission et la réception \end{itemize} -Cette schéma représente le monde de fonctionnement du capteur : +Le schéma plus bas représente le monde de fonctionnement du capteur. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/schema_ultrason} \caption{Exemple de calcul de la distance entre un émetteur et un récepteur à ultrasons. Source de l'image: CUI Devices} \label{fig:schema-capteur-de-distance-ultrason} \end{figure} -Plus tard, j'ai decidé de remplacer le capteur sonore HC-SR04 avec un capteur laser TOF10120. +Plus tard, j'ai décidé de remplacer le capteur sonore HC-SR04 avec un capteur laser TOF10120. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/capteur_tof} - \caption{Capteur TOF10120, dont la distance couverte est entre 5cm et 180cm.} + \caption{Capteur TOF10120, dont la distance couverte est entre 5 cm et 180 cm.} \label{fig:capteurtof} \end{figure} -Parmi les caractéristiques de ce capteur, je mentionne une distance de portée précise avec une mise au point automatique, à grande vitesse. Cette technologie innovante de \textit{Time of Flight} - en français ``temps de vol” - a été d'abord la base du fonctionnement des radar. Avec le temps, la fréquence plus élevée d'un émetteur ToF basé sur la lumière, permet au signal de prendre divers modèles d'ondes, y compris les ondes carrées d'un oscillateur (differente des signaux sinusoïdaux analogiques que l'on trouve plus couramment des systèmes radar) et ainsi etre plus réactif et précis. La technologie ToF fonctionne d'une manière similaire aux capteurs ultrasons. Une source (émeteur) émette de courtes impulsions infrarouges pour ensuite mesurer le temps nécessaire à la lumière d'être réfléchie (réceptionné). Actuellement les capteurs Tof sont utilisés dans la robotique, à l'œuvre pour diverses applications de vision qui utilisent des algorithmes de ML. +Parmi les caractéristiques de ce capteur, je mentionne une distance de portée précise avec une mise au point automatique, à grande vitesse. Cette technologie innovante de \textit{Time of Flight} (ToF) - en français ``temps de vol” - a été d'abord la base du fonctionnement des radars. Avec le temps, la fréquence plus élevée d'un émetteur ToF basé sur la lumière, permet au signal de prendre divers modèles d'ondes, y compris les ondes carrées d'un oscillateur (différente des signaux sinusoïdaux analogiques que l'on trouve plus couramment des systèmes radar) et ainsi être plus réactif et précis. La technologie ToF fonctionne d'une manière similaire aux capteurs ultrasons. Une source (émetteur) émette de courtes impulsions infrarouges pour ensuite mesurer le temps nécessaire à la lumière pour être réfléchie (réceptionnée). Actuellement les capteurs Tof sont utilisés dans la robotique, à l'œuvre pour diverses applications de vision qui utilisent des algorithmes de \gls{machine learning}. -Une fois que cette question de comportement d'animata a été réglé et ses arrêts et déplacements sont devenus plus nettes, je me suis concentré sur nos possibilités d’interaction. Après quelques prototypages et retouches l'animait rassemblait à cela: +Une fois que cette question de comportement d'animata a été réglée et ses arrêts et déplacements sont devenus plus nets, je me suis concentrée sur nos possibilités d’interaction. Après quelques prototypages et retouches l'animata ressemblait à une sorte d'insecte avec des roues. \begin{figure} \includegraphics[width=0.5\linewidth]{images/tof_bureau} \includegraphics[width=0.5\linewidth]{images/tof_bureau2} - \caption{La dérniere phase du prototype, avant la résidence pratique} + \caption{La dernière phase du prototype, avant la résidence pratique} \label{fig:tofbureau} \end{figure} -Pour mon imaginaire artistique, je me suis dite à l'époque qu'il avait perdu son ouïe mais gagné de la vision en échange. Cela a également influencé ma façon d'imaginer sa présence lors des improvisations. Au premier abord j'ai fermé mes yeux, en pensant à sa cécité induite. Sur les photos que j'ai montré plus haut, le capteur ultrasons ressemble à une paire des yeux, bien qu'en réalité il opère avec du son. En échange le capteur infrared est plus petit et son apparence peut suggérer des oreilles à la place des yeux. Fermer donc les yeux pour mieux entendre, à été une de mes premiers explorations sensorielles. -\textbf{Fermer les yeux pour mieux entendre} +Pour mon imaginaire artistique, je me suis dit à l'époque qu'il avait perdu son ouïe mais gagné de la vision en échange. Cela a également influencé ma façon d'imaginer sa présence lors des improvisations. Au premier abord j'ai fermé mes yeux, en pensant à sa cécité induite. Sur les photos que j'ai montré plus haut, le capteur ultrasons ressemble à une paire d'yeux, bien qu'en réalité il opère avec du son. En échange le capteur \textit{infrared} est plus petit et son apparence peut suggérer des oreilles à la place des yeux. \textit{Fermer donc les yeux pour mieux entendre} à été une de mes premiers explorations sensorielles avec un non-humain. -En avril 2021 lors d'une de mes premieres résidences de plateau dans le studio de Mathilde Monnier, j'ai commencé par des exercices somatiques qui impliquent pas la vue. Immobile, je choisissais un endroit dans l'espace puis je laissais mon corps se repose pour capturer son empreinte dans l'espace. J'imaginais mon enveloppe corporelle, je visualisais la position spatiale de chacun de mes membres, j’écoutais le son de ma respiration puis les bruits autour de moi - du plus proche au plus lointain. Au fur et au mesure des mois, j'ai adapté cet exercice à plusieurs versions. J'ai arrivé à le faire début, les yeux fermes en bougeant. Beaucoup de fois la trajectoire que j'imaginais était pas la même avec celle de mes déplacements réels dans l'espace. -Cet endroit d'incertitude, l'écart entre ce que je visualisais et là où mon corps m'amenait représentait une sorte d’errance joyeuse. -\textbf{dessin avec la trajectoire dans l'espace} -Restait à voir comment une animata, qui à mon sens avait un comportement similaire, pourrait interagir avec moi. Plus concrètement la question se posait inversement - comment moi dans cette joyeuse errance j'ai pu interagir avec \textit{lui}. +En avril 2021 lors d'une de mes premières résidences de recherche dans le studio de Mathilde Monnier, j'ai commencé par des exercices somatiques qui n'impliquent pas la vue. Immobile, je choisissais un endroit dans l'espace puis je laissais mon corps se reposer pour capturer son empreinte dans l'espace. J'imaginais mon enveloppe corporelle, je visualisais la position spatiale de chacun de mes membres, j’écoutais le son de ma respiration puis les bruits autour de moi - de plus proche au plus lointain. Au fur et à mesure des mois, j'ai adapté cet exercice à plusieurs versions. Je suis arrivée à le faire début, les yeux fermes, en bougeant. Souvent la trajectoire que j'imaginais n'était pas la même que celle de mes déplacements réels dans l'espace. Cet endroit d'incertitude, l'écart entre ce que je visualisais et là où mon corps m'amenait représentait une sorte d’errance joyeuse. Il restait à voir comment une animata, qui à mon sens avait un comportement similaire, pouvait interagir avec moi. Plus concrètement la question se posait inversement - comment moi dans cette joyeuse errance, j'ai pu interagir avec \textit{Autre} chose, dont le comportement était aléatoire. -Parmi les scénarios d'interaction que j'ai imaginé, j'ai voulu comprendre l'incidence de son mouvement aléatoire sur mon improvisation spatiale ou l'impact de ses arrêts sur mon propre déplacement. Au sens plus large, cela m'intéressait la manière dont une improvisation dansée avec ce type de partenaire est différente d'une séance d'improvisation avec un humain. +Parmi les scénarios d'interaction que j'ai imaginé, j'ai voulu comprendre l'incidence de son mouvement aléatoire sur mon improvisation spatiale ou l'impact de ses arrêts sur mon propre déplacement. Au sens plus large, la manière dont une improvisation dansée avec ce type de partenaire est différente d'une séance d'improvisation avec un humain, m’intéressait. La mise en pratique de ces scénarios s'est produite lors d'une résidence d'essai en juillet 2021, comme expérimentation préliminaire du projet CECCI-H2M. Des vidéos de séances d'improvisation sont accessibles intégralement. Le premier exemple\footnote{https://vimeo.com/855838173} montre une danse avec le capteur ultrasons, -le deuxieme est une démonstration du capteur infrarouge \footnote{ https://vimeo.com/856034468}, alors que le dernier vidéo est d'une maquette présentée lors d'une résidence de création\footnote{https://vimeo.com/856039742}. Cette maquette est le résultat de l’interaction entre moi en tant que performeuse, l'animata et une projection des algorithmes visuels d'Isadora Teles de Castro. +le deuxième est une démonstration du capteur infrarouge \footnote{ https://vimeo.com/856034468}, alors que la dernière vidéo montre une maquette présentée lors d'une résidence de création\footnote{https://vimeo.com/856039742}. Cette maquette est le résultat de l’interaction entre moi en tant que performeuse, l'animata et une projection des algorithmes visuels d'Isadora Teles de Castro. -Le choix de commencer mon exploration avec un exemple physique simplifié, vient du besoin de construire un substitut au robot. Ce substitut est un Arduino avec des roues, dont le corps est en carton. Les seuls attributs de cet appareil sont : sa capacité de détection de mouvements et d’obstacles. Utilisant peu les capacités comportementales, j'ai poursuivi un point commun entre l’intelligence inhérente au corps humain et la réaction d'un \textit{autre}, proche d'un animal ou insecte dont le corps est mécanique. Cette approche de l'animata postule qu'il est possible d'étudier la cognition humaine à travers une approche bottom-up qui part d'architectures de contrôle minimales et d'environnements simples et les réalise ensuite progressivement plus complexe\cite{bret2005interacting}. Lors de cet essai, l'influence de la présence de l'animata sur mon expression corporelle, m'a fait reconsidérer mon approche lors d'une possible interaction avec HRP-4 sur scène. +Le choix de commencer mon exploration avec un exemple physique simplifié, vient du besoin de construire un substitut au robot. Ce substitut est un Arduino avec des roues, dont le corps est en carton. Les seuls attributs de cet appareil sont sa capacité de détection de mouvements et d’obstacles. Utilisant peu les capacités comportementales, j'ai poursuivi un point commun entre l’intelligence inhérente au corps humain et la réaction d'un \textit{Autre}, proche d'un animal ou insecte dont le corps est mécanique. Cette approche de l'animata s'inspire du fait qu'il est possible d'étudier la cognition humaine à travers une approche \textit{bottom-up}. Cette approche part d'architectures de contrôle minimales et d'environnements simples pour les rendre ensuite progressivement plus complexes\cite{bret2005interacting}. Lors de cet essai, l'influence de la présence de l'animata sur mon propre expression corporelle m'a fait reconsidérer mes objectifs lors d'une possible interaction avec HRP-4 sur scène. -Comparés aux robots industriels très puissants et rapides, les robots collaborateurs sont plus conformes, avec des performances plus lentes, mouvements élastiques inspirés de la nature. Leur capacité à complexifier leur propre comportement est directement liée à leur capacité à interagir avec l’environnement\cite{brooks1990elephants}. Le robot HRP-4 n'a pas été conçu en utilisant contraintes industrielles. Il est une plateforme de recherche, capable de résoudre des problèmes complexes comme conduire une voiture\cite{paolillo2018autonomous} ou avoir des compétences de fabrication\cite{kheddar2019humanoid}. Puisque son fonctionnement repose sur un contrôle de l'espace des tâches\cite{bolotnikova2019multi}, nous avons pensé tester sa capacité d'incarnation\cite{aymerich2016second}, pour l'adapter à un contexte d'interaction avec les humains plus intuitif et peut-être primitif, comme la danse improvisée. +Comparés aux robots industriels très puissants et rapides, les robots collaborateurs sont plus conformes, avec des performances plus lentes, mouvements élastiques inspirés de la nature. Leur capacité à complexifier leur propre comportement est directement liée à leur capacité à interagir avec l’environnement\cite{brooks1990elephants}. Le robot HRP-4 n'a pas été conçu en utilisant des contraintes industrielles. Il est une plateforme de recherche, capable de résoudre des problèmes complexes comme conduire une voiture\cite{paolillo2018autonomous} ou avoir des compétences de fabrication\cite{kheddar2019humanoid}. Puisque son fonctionnement repose sur un contrôle de l'espace des tâches\cite{bolotnikova2019multi}, nous avons pensé tester sa capacité d'incarnation\cite{aymerich2016second}, pour l'adapter à un contexte d'interaction avec les humains plus intuitif et peut-être primitif, comme la danse improvisée. Cet objectif d’une relation H2R interdépendante et co-créative, a été abordé à travers les étapes suivantes : \begin{itemize} - \item étudier le comportement autonome des humanoïdes ; - \item concevoir des modèles élémentaires Arduino qui simulent un type de comportement autonome humanoïde ; - \item improviser des séquences de danse/mouvements avec le modèle élémentaire ; - \item analyser l’impact du comportement de la machine sur les mouvements de l’interprète ; - \item identifier les mouvements réflexes chez l'interprète ; - \item adapter puis appliquer certains d'entre eux au HRP-4 virtuel, en utilisant des statistiques et des fonctions aléatoires ; - \item créer un scénario de mouvement pour HRP-4 virtuel combinant des mouvements réflexes et intentionnels ; - \item improviser avec HRP-4 virtuel en utilisant ce scénario ; - \item analyser l'effet de ce geste sur l'interprète ; + \item étudier le comportement autonome des humanoïdes + \item concevoir des modèles élémentaires Arduino qui simulent un type de comportement autonome humanoïde + \item improviser des séquences de danse/mouvements avec le modèle élémentaire + \item analyser l’impact du comportement de la machine sur les mouvements de l’interprète + \item identifier les mouvements réflexes chez l'interprète + \item adapter puis appliquer certains d'entre eux au HRP-4 virtuel, en utilisant des statistiques et des fonctions aléatoires + \item créer un scénario de mouvement pour HRP-4 virtuel combinant des mouvements réflexes et intentionnels + \item improviser avec HRP-4 virtuel en utilisant ce scénario + \item analyser l'effet de ce geste sur l'interprète \end{itemize} \section{Des robots sauvages} -Des hybridations homme-machine que le professeur Masahiro Mori a étudié dans son graphique de la \textit{vallée de l'étrangeté} mentionnée dans la première partie de cette thèse, croisent les regards féministes de Donna Haraway\cite{haraway2016staying}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2019posthuman} et Karen Barad\cite{barad2003posthumanist} pour évoquer des nouveaux types d'humanités et humanismes. La place de la femme, entre techno-chamane et sorcière, rejoint la critique de Zigmunt Bauman sur la liquéfaction de nos identités\cite{bauman2006vie}. Dans ce contexte, la danse apparaît comme une forme de \textit{des-identification}, dernier rempart avant la fin du monde. Mais de quelle danse pouvons-nous parler lorsque nous évoquons les robots? +Des hybridations homme-machine que le professeur Masahiro Mori a étudié dans son graphique de la \textit{vallée de l'étrangeté}, mentionnée dans la première partie de cette thèse, croisent les regards féministes de Donna Haraway\cite{haraway2016staying}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2019posthuman} et Karen Barad\cite{barad2003posthumanist} pour évoquer de nouveaux types d'humanités et humanismes. La place de la femme, entre techno-chamane et sorcière, rejoint la critique de Zigmunt Bauman sur la liquéfaction de nos identités\cite{bauman2006vie}. Dans ce contexte, la danse apparaît comme une forme de \textit{des-identification}, dernier rempart avant la fin du monde. Mais de quelle danse pouvons-nous parler lorsque nous évoquons les robots? -Travailler à partir de leurs mouvements peut paraître une double mise en abyme du mouvement humain et animal, dont la robotique s’inspire pour créer ses modèles. Cependant je vois cette danse comme un endroit de liberté, face à l’automatisation des machines. Bien qu’ils arrivent petit à petit à exécuter des mouvements techniques, les robots ne sont pas dotés des intentions, d’un vécu expérientiel qui nourrit leur geste. Ni de la créativité, malgré ce que les media ne laissent croire. +Travailler à partir de leurs mouvements peut paraître une double mise en abyme du mouvement humain et animal, dont la robotique s’inspire pour créer ses modèles. Cependant je vois cette danse comme un endroit de liberté, face à l’automatisation des machines. Bien qu’ils arrivent petit à petit à exécuter des mouvements techniques, les robots ne sont pas dotés d'intentions, d’un vécu expérientiel qui nourrit leur geste. Ni de la créativité, malgré ce que les médias nous laissent croire. -Pour ce que me concerne, la danse m'a appris beaucoup de choses sur l'intelligence de mon corps, sur mon instinct, sur le fait d’être présente. Elle fait partie intégrante de ma vie depuis mon enfance. Au début cela à été un moyen d’évacuer mes émotions et de faire la fête. Avec le temps c'est devenu un médium pour interroger des autres pratiques et domaines d'activité comme la robotique et les neurosciences. La pratique chorégraphique est pour moi étroitement liée à l'improvisation, puisque c'est là que je retrouve ce plaisir spontané de danser, d'inventer des mondes. -Dans le cadre de cette recherche-création, j’ai fait des analogies entre les robots et les ours sauvages, puis les robots et les vampires dans le projet \textit{TIWIDWH} (2023). La façon dont j’improvise et je m’empare des outils chorégraphiques en lien avec les robots, est un processus en cours de développement. Mes observations théoriques, trouvent ou pas une expression propre lors de rendus pratiques. Je trouve intéressant de mettre ces deux perspectives en tension, puis de partager les conclusions. +En ce qui me concerne, la danse m'a appris beaucoup de choses sur l'intelligence de mon corps, sur mon instinct, sur le fait d’être présente. Elle fait partie intégrante de ma vie depuis mon enfance. Au début cela à été un moyen d’évacuer mes émotions et de faire la fête. Avec le temps c'est devenu un médium pour interroger d'autres pratiques et domaines d'activité comme la robotique et les neurosciences. La pratique chorégraphique est pour moi étroitement liée à l'improvisation, puisque c'est là que je retrouve ce plaisir spontané de danser, d'inventer des mondes. +Dans le cadre de cette recherche-création, j’ai fait des analogies entre les robots et les ours sauvages, puis entre les robots et les vampires dans le projet \textit{TIWIDWH} (2023). La façon dont j’improvise et je m’empare des outils chorégraphiques en lien avec les robots est un processus en cours de développement. Mes observations théoriques trouvent ou ne trouvent pas une expression propre lors de rendus pratiques. Je trouve intéressant de mettre ces deux perspectives en tension, puis de partager les conclusions. -Ma pratique quotidienne est un mélange des exercices de prise de conscience des sensations, de yoga et des étirements. Lorsque je danse, j'essaie de suivre presque automatiquement l'enchaînement des mouvements. Idéalement j'aimerais avoir plus de technique, bien que j’apprécie cette corporalité \textit{autre}, façonnée par des rencontres en laboratoire, programmation des robots, mise en place des ateliers pluridisciplinaires et techniques de danse. Le fait d'émuler des mouvements des robots est une occasion de relativiser ma manière de danser. -Ce que m’intéresse est de travailler à partir d'autres physicalités, notamment celles des robots. Pour cela, j'accorde une importance particulière à la manière dont l'enchaînement des mouvements s'organise, son origine, sa vitesse et la capacité de rotation de l'articulation en question. J'accompagne cela par des sensations internes, en m'imaginant que mon corps se transforme selon l’équation de mouvement du robot. Le plus important c'est de saisir mon intention derrière ce mouvement, bien que dans le cas du robot cela n'existe pas réellement. +Ma pratique quotidienne est un mélange d'exercices de prise de conscience des sensations, de yoga et d'étirements. Lorsque je danse, j'essaie de suivre presque automatiquement l'enchaînement des mouvements. Idéalement j'aimerais avoir plus de technique, bien que j’apprécie cette corporalité \textit{autre}, façonnée par des rencontres en laboratoire, programmation des robots, mise en place d'ateliers pluridisciplinaires et techniques de danse. Le fait d'émuler des mouvements des robots est une occasion de relativiser ma manière de danser. +Ce qui m’intéresse est de travailler à partir d'autres physicalités, notamment celles des robots. Pour cela j'accorde une importance particulière à la manière dont l'enchaînement des mouvements s'organise, son origine, sa vitesse et la capacité de rotation de l'articulation en question. J'accompagne cela par des sensations internes, en m'imaginant que mon corps se transforme selon l’équation de mouvement du robot. Le plus important est de saisir mon intention derrière ce mouvement, bien que dans le cas du robot cela n'existe pas réellement. -Je travaille en accordant plus d'importance au processus, qu'au résultat final. L'articulation entre mon intuition et la forme que cela puisse prendre, se fait par l’écriture. Mon approche est inspirée entre autres par les écrits des dramaturges de la danse comme Guy Cools\cite{cools2021dance}, Jonathan Burrows dont je me suis beaucoup appuie sur le cahier de bord\cite{burrows2010choreographer}, puis des chorégraphes comme Deborah Hay et Anna Halprin que j'ai déjà évoqué dans la partie théorique. En suivant leurs observations, j’intègre à mon tour la prise de notes comme une pratique incorporée, dont la danse s'inspire pour mieux clarifier le processus de composition et d'improvisation. Je conçois tout cela comme un processus de réflexion où l'improvisation est une sorte de négociation entre ce que mon corps m'apprends et l'évolution de mes opinions vis à vis des robots dans ce contexte. Interroger leur figure pour voir ce que cela renvoie par rapport à mes craintes et peurs quant à l’avenir. L’utilisation de l’improvisation comme outil pour trouver du matériel est étroitement lié des processus chorégraphiques type collage ou \textit{copy-paste}, pour citer Burrows. Pour mon premier spectacle \textit{En attendant que la vie passe} (2019) j'ai d'abord trouvé les tableaux, puis décidé ensuite de l'ordre dans lequel ils s’enchainent. Lors des improvisations, beaucoup des trouvailles n'ont pas pu être reproduites, c'est en cela que les notes de Burrows m'ont pu consoler quant à la suite. J’ai pu comprendre que ce qui ne peut pas être reproduit, laisse de l'espace pour déployer des nouvelles choses. C’est ainsi que j'espère trouver une manière de danser qui n’est pas une imitation des mouvements des robots, mais plutôt une manière de danse propre à ce type d’interaction. - -La place que le corps prends à l’intérieur de ce projet concerne sa des-identification, ou pour citer Cools, une forme de confusion que l’expérience somatique de la danse puisse produire lors d'un processus de création. Le dramaturge utilise comme point de référence le travail du praticien somatique Stanley Keleman dont j'ai découvert le travail à l'occasion. Pour Kelman l’une des fonctions de l’art est de créer des images évocatrices, qui touchent et résonnent profondément dans notre système d’impulsions, pour nous aider mieux explorer notre propre qualité de mouvement. J'adapte à mon tour des outils de Cools, comme le \textit{Repeating Distance}, concernant l'exploration de l'espace de la performance et du paysage environnant, en tant que témoin. Imaginer la vie des robots sans les humains et les incarner ou danser à leur place, est une sorte de détour pour mieux comprendre l’actualité qui m’entoure. Ce projet de thèse est devenu un sorte de traduction d’une \textit{vie secrète des robots}, tels des jouets qui s’animent, une fois la lumière du magasin éteinte. Probablement la phrase qui résume le mieux ce défi, est celle de Pina Bausch, évoquée lors de son discours du remerciements pour le prix Kyoto (une de plus importantes distinctions dans le domaine de l'art\footnote{https://www.pinabausch.org/en/post/what-moves-me}) à la fondation Inamori au Japon: +Je travaille en accordant plus d'importance au processus, qu'au résultat final. L'articulation entre mon intuition et la forme que cela peut prendre se fait par l’écriture. Mon approche est inspirée entre autres par les écrits des dramaturges de la danse comme Guy Cools\cite{cools2021dance} et Jonathan Burrows dont je me suis beaucoup appuyée sur le cahier de bord\cite{burrows2010choreographer}, puis des chorégraphes comme Deborah Hay et Anna Halprin que j'ai déjà évoquées dans la partie théorique. En suivant leurs observations j’intègre à mon tour la prise de notes comme une pratique incorporée, dont la danse s'inspire pour mieux clarifier le processus de composition et d'improvisation. Je conçois tout cela comme un processus de réflexion où l'improvisation est une sorte de négociation entre ce que mon corps m'apprend et l'évolution de mes opinions vis à vis des robots dans ce contexte. Interroger leur figure pour voir ce que cela renvoie par rapport à mes craintes et peurs quant à l’avenir. L’utilisation de l’improvisation comme outil pour trouver du matériel est étroitement liée aux processus chorégraphiques type collage ou \textit{copy-paste}, pour citer Burrows. Pour mon premier spectacle \textit{En attendant que la vie passe} (2019) j'ai d'abord trouvé les tableaux, puis décidé ensuite de l'ordre dans lequel ils s’enchaînent. Lors des improvisations, une grande partie des trouvailles n'ont pas pu être reproduites, c'est en cela que les notes de Burrows ont pu me consoler quant à la suite. J’ai pu comprendre que ce qui ne peut pas être reproduit laisse de l'espace pour déployer de nouvelles choses. Ainsi j'espère trouver une manière de danser qui n’est pas une imitation des mouvements des robots, mais plutôt une manière de danse propre à ce type d’interaction. +La place que le corps prends à l’intérieur de ce projet concerne sa des-identification, ou pour citer Cools, une forme de confusion que l’expérience somatique de la danse peut produire lors d'un processus de création. Le dramaturge utilise comme point de référence le travail du praticien somatique Stanley Keleman dont j'ai découvert le travail à cette occasion. Pour Kelman l’une des fonctions de l’art est de créer des images évocatrices qui touchent et résonnent profondément dans notre système d’impulsions, pour nous aider mieux explorer notre propre qualité de mouvement. J'adapte à mon tour des outils de Cools, comme le \textit{Repeating Distance}, concernant l'exploration de l'espace de la performance et du paysage environnant, en tant que témoin. Imaginer la vie des robots sans les humains et les incarner ou danser à leur place est un détour pour mieux comprendre l’actualité qui m’entoure. Ce projet de thèse est devenu une sorte de traduction d’une \textit{vie secrète des robots}, tels des jouets qui s’animent, une fois la lumière du magasin éteinte. Probablement la phrase qui résume le mieux ce défi est celle de Pina Bausch, évoquée lors de son discours de remerciements pour le prix Kyoto (une de plus importantes distinctions dans le domaine de l'art\footnote{https://www.pinabausch.org/en/post/what-moves-me}) à la Fondation Inamori, au Japon: \textit{I’m not interested in how people move. I’m interested in what makes them move.} - Pina Bausch @@ -592,23 +580,22 @@ La place que le corps prends à l’intérieur de ce projet concerne sa des-iden \subsection{Laboratoire d'expérimentation sur le lâcher-prise} -Début 2023, après trois ans de travail individuel, j'ai eu l'occasion d'ouvrir ma pratique aux membres du collectif OpenSource. Crée en 2014, ce collectif propose un espace de rencontre, de réflexion et d’échange artistiques fondé sur la pratique de la mise en scène, dans une optique de mutualisation, de partage et de décloisonnement. Leur intérêt pour la recherche pratique en mise en scène, met en avant son caractère solitaire et individualiste. Cela faisait écho à ma recherche doctorale, puisque la recherche-création autour des robots m'a contraint a moins travailler en collectif ces derniers années. +Début 2023, après trois ans de travail individuel, j'ai eu l'occasion d'ouvrir ma pratique aux membres du collectif OpenSource. Créé en 2014, ce collectif propose un espace de rencontre, de réflexion et d’échange artistiques fondé sur la pratique de la mise en scène, dans une optique de mutualisation, de partage et de décloisonnement. Leur intérêt pour la recherche pratique en mise en scène met en avant son caractère solitaire et individualiste. Cela faisait écho à ma recherche doctorale, puisque la recherche-création autour des robots m'a contrainte a moins travailler en collectif ces dernières années. -J'ai ainsi proposé une séance de travail sur le lâcher-prise, dans le cadre d'une session d’expérimentation à Anis Gras-le lieu de l'autre à Arcueil, du 16 au 20 janvier 2023. -Cette séance a été co-dirigé avec Erika Guillouzouic, comédienne et metteuse en scène, membre active du collectif. -Son titre - \textit{Le lâcher-prise : Pensée du corps et intelligence sensorielle} - laisse deviner le postulat de départ de ce laboratoire collectif. Mon idée était de questionner la possibilité d'un restart au travers le corps, à l'intérieur d'un processus créatif intense et contraignant. Comme si je rêvais inconsciemment trouver une recette magique à mes propres tourments. +J'ai ainsi proposé une séance de travail sur le lâcher-prise, dans le cadre d'une session d’expérimentation à Anis Gras Le lieu de l'autre à Arcueil, du 16 au 20 janvier 2023. +Cette séance a été co-dirigée avec Erika Guillouzouic, comédienne et metteuse en scène, membre active du collectif. +Son titre - \textit{Le lâcher-prise : Pensée du corps et intelligence sensorielle} - laisse deviner le postulat de départ de ce laboratoire collectif. Mon idée était de questionner la possibilité d'un mise à jour de l’imagination, récurrente et facilement accessible à travers le corps, à l'intérieur d'un processus créatif intense et contraignant. Comme si je rêvais inconsciemment de trouver une recette magique à mes propres tourments. -Ainsi cette session d’expérimentation a été orientée autour des processus de recherche-création en lien avec des pratiques somatiques\cite{jay2014pratiques} et des notions telles l'\gls{intelligence sensorielle}. J'avais auparavant participé à des sessions de recherche d'Open Source, proposés par des autres. Cette fois il s'agissait pour moi, d'ouvrir ma recherche aux autres metteurs en scène peu familiers avec la danse, la somatique et la robotique. Puis de voir comment cela s'articule avec leurs profiles, avec leurs besoins et expériences. Chaque participant avait son background, sa manière de faire puis aussi ses résistances quant au thème. +Ainsi cette session d’expérimentation a été orientée autour des processus de recherche-création en lien avec des pratiques somatiques\cite{jay2014pratiques} et des notions telle l'\gls{intelligence sensorielle}. J'avais auparavant participé à des sessions de recherche d'Open Source, proposées par d'autres membres du collectif. Cette fois il s'agissait pour moi d'ouvrir ma recherche aux autres metteurs en scène peu familiers avec la danse, la somatique ou même les notions de robotique dont je m'inspire. Puis de voir comment cela s'articule avec leurs profil, avec leurs besoins et expériences. Chaque participant avait sa manière de faire puis aussi ses résistances quant au thème choisie. -J'ai constitué le cadre de la session autour des exercices pratiques et des échanges théoriques, avec comme focus un autre type d'intelligence - celle qu'opère lorsque nos sens et notre perception s’activent - l'intelligence de l'instinct. -Nous avons expérimenté des mouvements différentes de la danse contemporaine, notamment des mouvements produits de façon automatique. Cela nous a fait comprendre comment les émotions peuvent influencer les caractéristiques physiques d'un corps en mouvement, comment les articulations se mettent en marche quand on écoute le vécu du corps. +J'ai constitué le cadre de la session autour des exercices pratiques et des échanges théoriques, avec comme focus un autre type d'intelligence - celle qu'opère lorsque nos sens et notre perception s’activent - l'intelligence sensorielle. Nous avons expérimenté des mouvements peu intéressants pour la danse contemporaine, notamment des mouvements produits de façon automatique sans chercher un rendu esthétique. Cela nous a fait comprendre comment les émotions peuvent influencer les caractéristiques physiques d'un corps en mouvement, comment les articulations se mettent en marche quand on écoute le vécu du corps. -En s'appuyant sur des repères dans des disciplines comme la philosophie, la robotique ou les neurosciences parmi d’autres, nous avons tenté définir ce que pourrait correspondre à une \gls{intelligence du mouvement} propre au corps et son vécu, dans un contexte artistique. Ainsi nous nous sommes concentrés sur ce qui échappe à notre quotidien, sur ce qui met l’intelligence analytique à l'arrêt pour faire place au spontané et à l’inattendu. En d'autre mots, nous avons cherché à laisser les corps s'exprimer. +En s'appuyant sur des repères dans des disciplines comme la philosophie, la robotique ou et les neurosciences, entre autres, nous avons tenté de définir ce que pourrait correspondre à une \gls{intelligence du mouvement} propre au corps et son vécu, dans un contexte artistique. Ainsi nous nous sommes concentrés sur ce qui échappe à notre quotidien, sur ce qui met l’intelligence analytique à l'arrêt pour faire place au spontané et à l’inattendu. En d'autres mots, nous avons cherché à laisser les corps s'exprimer. -En amont de la séance, nous avons demandé aux participants de nous faire parvenir un récit en lien avec une expérience de lâcher-prise, sous la forme d’un enregistrement audio entre 3 et 10 minutes. Parmi les exemples reçues, il y avait la question d'abandon lors d’une représentation en tant qu’interprète, puis en tant que spectateur, mélangés avec des exemples de la vie privée. Nous avons mis en place des ressources collectives pour encourager le partage des sensibilités, des goûts et des expériences. Cela a pris la forme des repères bibliographiques, fichiers audio, supports vidéo et images. Les participants ont du réfléchir à une musique, une image ou un objet qui leur évoque le sentiment de lâcher-prise. Un coin détente et aussi une enceinte audio ont été mises à disposition pendant toute la session, pour que chacun puisse lancer un fichier sonore et interrompre le rythme des échanges, à tout moment. +En amont de la séance, nous avons demandé aux participants de nous faire parvenir un récit en lien avec une expérience de lâcher-prise, sous la forme d’un enregistrement audio entre 3 et 10 minutes. Parmi les exemples reçus, il y avait la question d'abandon lors d’une représentation en tant qu’interprète, puis en tant que spectateur, mélangés avec des exemples de la vie privée. Nous avons mis en place des ressources collectives pour encourager le partage des sensibilités, des goûts et des expériences. Cela a pris la forme des repères bibliographiques, fichiers audio, supports vidéo et images. Les participants ont du réfléchir à une musique, une image ou un objet qui leur évoque le sentiment de lâcher-prise. Un coin détente et aussi une enceinte audio ont été mis à disposition pendant toute la session, pour que chacun puisse lancer un fichier sonore et interrompre le rythme des échanges, à tout moment. -Afin d’encourager les débats et les échanges sur les disciplines transversales, j'ai mis à disposition une liste des articles scientifiques. Bien que parfois leur contenu était trop ciblé ou spécifique, cela a inspiré notre processus de travail. Selon les échos et les discussions, cette liste s'est étouffé avec des extraits des livres, vidéos et articles partagés collectivement. +Afin d’encourager les débats et les échanges sur les disciplines transversales, j'ai mis à disposition une liste d' articles scientifiques. Bien que parfois leur contenu était trop ciblé ou spécifique, cela a inspiré notre processus de travail. Selon les échos et les discussions, cette liste s'est étoffée avec des extraits des livres, vidéos et articles partagés collectivement. Plus bas une liste de questions soulevées pendant la session, ainsi que des réflexions et observations quant à l'idée de d'abandon de soi: @@ -621,29 +608,28 @@ Plus bas une liste de questions soulevées pendant la session, ainsi que des ré \item Comment un acteur s’adapte à son public ? -\item L’expérimentation fait apprentissage. +\item L’expérimentation fait apprentissage. \item Comment ré-injecter du silence ? -\item Comment laisser la place à l’imaginaire du spectateurice ? +\item Comment laisser la place à l’imaginaire du ou de la spectateur•trice ? \item Est-ce que le lâcher-prise c’est un ``T’as qu’à t’en foutre ?” -\item Comment le regard se travaille ? +\item Comment le regard se travaille-t-il ? -\item Quelle est l’expérience de l’intelligence sensorielle, perçue personnellement, que j’ai vécu ? +\item Quelle est l’expérience de l’intelligence sensorielle, perçue personnellement, que j’ai vécue ? \item Pourquoi cherche-t-on à lâcher-prise ? -\item Comment tu fais pour ? +\item Comment fais-tu pour arriver à un état de lâcher-prise ? -\item Que laissons-nous lorsque nous cherchons le lâcher-prise? +\item Que laissons-nous derrière lorsque nous cherchons le lâcher-prise ? \end{itemize} -Le fait de traiter ces thèmes collectivement, d'ouvrir sa boite aux outils et sa méthodologie quant aux défis et objectifs, implique une mise en commun des ressources, des objectifs et des envies. - -Concernant ce sentiment d'abandon de soi ou de lâcher-prise, si le thème m'intéresse depuis longtemps, la pratique de la danse a été un des premiers moyens pour y accéder. Avec le temps, j’ai combiné et adapté certains exercices et échauffements afin de ``faire baisser ma résistance” ou enlever mes éventuels attentes orientés résultat. Par le biais de cette session de recherche, j’ai pensé les partager avec d'autres personnes pour avoir un retour d’expérience. Parmi les membres du collectif, très peu ont une expérience avancée en dance. Il y a eu certains qui ont avoué n'aimer pas du tout cette pratique, ou pas se sentir à l'aise danser en publique. Aborder le lâcher-prise par la danse leur est paru contre-intuitif au premier abord. -Mon défi a été de voir s’il y a, en danse, une façon de convoquer un abandon de soi de façon directe, puis retrouver une dimension somatique dedans, indépendamment du rapport à la danse des participants. Alors que les processus Open Source sont collaboratives, le cadre proposé initialement s'est beaucoup élargi au fil et à mesure que nous avons avancé dans l'exploration. +Le fait de traiter ces thèmes collectivement, d'ouvrir sa boite à outils et sa méthodologie quant aux défis et objectifs d'un groupe de recherche éphémère, implique une mise en commun des ressources, des objectifs et des envies. +Si le thème de l'abandon de soi et de lâcher-prise m'intéresse depuis longtemps, la pratique de la danse a été un des premiers moyens pour y accéder. J'ai commencé par combiner et adapter certains exercices d'échauffement afin de moins me concentrer sur le résultat d'une improvisation. Par le biais de cette session de recherche, j’ai pu les partager avec d'autres personnes pour avoir un premier retour d’expérience. Parmi les membres du collectif, très peu ont une expérience avancée en danse. Il y a eu certains qui ont avoué ne pas aimer cette pratique, ou ne pas se sentir à l’aise pour danser en public. Aborder le lâcher-prise par la danse leur est paru contre-intuitif au premier abord. +Mon défi a été de voir s’il y a, en danse, une façon de convoquer un abandon de soi de façon directe, puis retrouver une dimension somatique dedans, indépendamment du rapport à la danse des participants. Alors que les processus Open Source sont collaboratifs, le cadre proposé initialement s'est beaucoup élargi au fur et à mesure que nous avons avancé dans l'exploration. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_3} @@ -654,12 +640,11 @@ Mon défi a été de voir s’il y a, en danse, une façon de convoquer un aband Les quatre dernières années j’ai peu travaillé collectivement en dehors de mon projet de thèse. La rencontre avec Open Source à Anis Gras, lieu qui m'a accueilli plusieurs fois en résidence, a été un retour à l'effervescence du terrain, aux sources. -J’avais préparé un planning et imaginé des portes d'entrée selon les niveaux d’intérêt de chacun. Cela s'est fait en lien avec mes recherches scientifiques sur l'\gls{intelligence sensorielle}. J'ai même pris quelques unes de mes hypothèses de recherche concernant les robots comme exemple. Comme souvent dans ce groupe de travail, une synergie collective s’est installée et je me suis retrouvée à devoir littéralement ``lâcher” certains objectifs initiaux et surtout accueillir des besoins nouveaux, autres que ceux anticipés par moi. Notamment la question du lâcher-prise collectif et la question du groupe qui s'auto-organise par inertie. +J’avais préparé un planning et imaginé des portes d'entrée selon les niveaux d’intérêt de chacun. Cela s'est fait en lien avec mes recherches scientifiques sur l'\gls{intelligence sensorielle} en interaction avec des robots. J'ai même pris quelques unes de mes hypothèses de recherche concernant les robots comme exemple. Comme souvent dans ce groupe de travail, une synergie collective s’est installée et je me suis retrouvée à devoir littéralement ``lâcher” certains objectifs initiaux et surtout accueillir des besoins nouveaux, autres que ceux que javais moi-même anticipés. Notamment la question du lâcher-prise collectif et la question du groupe qui s'auto-organise par inertie. -Dès lundi, les quelques définitions du mot lâcher-prise, puis les extraits sonores avec les expériences de chacun m’ont confirmé que cela sera une exploration propre à l’énergie de chacun des participants. Un processus hétérogène entre les initiés à la danse, les curieux et les paniqués, entre regard critique et auto-dérision. Le retour méfiant quant aux rapprochements entre la technologie et l'\gls{intelligence sensorielle} que vous pouvez lire \textbf{dans les annexes de ce travail de thèse}, m’ont fait comprendre que le groupe trouvera son cheminement et moi mon apprentissage avec, comme une sorte de ``méta” lâcher-prise à l’intérieur d’un processus de recherche collaboratif. +Dès lundi, les quelques définitions du mot lâcher-prise, puis les extraits sonores avec les expériences de chacun m’ont permis de comprendre que cela sera une exploration propre à l’énergie de chacun des participants. Un processus hétérogène entre les initiés à la danse, les curieux et les paniqués, entre regard critique et auto-dérision. Leur retour méfiant quant aux rapprochements entre la technologie et l'\gls{intelligence sensorielle} m’ont fait comprendre que le groupe trouvera son cheminement et moi mon apprentissage avec, comme une sorte de ``méta” lâcher-prise à l’intérieur d’un processus de recherche collaboratif. -Mercredi, le troisième jour de travail lors d’un moment d’échange collectif, certains participants ont voulu mettre de côté la question du corps, comme un sorte de rébellion quant au dictat de la sensorialité. Ils prônait un retour aux textes, à la pensée critique, loin du vécu expérientiel. J'ai interprété cette réaction comme une sorte de panique quant à la perte de repères que ce type de travail peut provoquer. Comme si quelque part, ils aimeraient toucher de la terre, du solide après s'avoir laissés porté par les courants. Retrouver leur repères. J'ai pensé que mon travail en tant que co-directrice de la session était d'aider le groupe clarifier son cheminement, le guider sans le diriger. Comme je l'avais fait plusieurs fois pour mes projets de théâtre...une metteuse en scène finalement. J'étais donc prête à abandonner. A ma surprise, des autres participants ont proposé faire juste une pause pour y revenir vendredi en fin de séance. Signe que notre travail préoccupait bien les esprits, nous avons eu un débat sur ce que c’est une \gls{intelligence sensorielle} dans le train de retour d'Anis Gras. Un de membres du collectif me rappelle que les objectifs de la session ne sont pas forcément ceux d’une recherche académique, qu'il faut accepter la nouvelle direction que la session puisse prendre. Cette idée de proposer un cadre puis le laisser se transformer collectivement m'était claire en début de session. Cependant je n'arrivais pas à trouver les arguments pour exprimer mon ressenti émotionnel. Pour moi, ce moment de remise en question faisait partie du processus. Il devenait tout aussi important de repréciser le cadre et ses permutations que de se mettre d'accord sur ce que peut provoquer une \gls{intelligence sensorielle} se manifester. Savoir reconnaitre ``ses symptômes”. -Le lendemain, suite à une greve RER nous avons travaillé chez un des participants. Nous avons décidé faire une improvisation collective in situ. Nous avions visité la Gare du Nord en tant que touristes en repérant bien l’environnent sensoriel de ce lieu - les odeurs, les images, les son et la texture de choses. +Mercredi, le troisième jour de travail lors d’un moment d’échange collectif, certains participants ont voulu mettre de côté la question du corps, comme un sorte de rébellion quant au dictat de la sensorialité. Ils prônaient un retour aux textes, à la pensée critique, loin du vécu expérientiel. J'ai interprété cette réaction comme une sorte de panique quant à la perte de repères que ce type de travail peut provoquer. Comme si quelque part ils aimeraient toucher de la terre, du solide, après s’être laissés porter par les courants d'une recherche fondamentale sur l'abandon de soi. Retrouver leurs repères propres à chacun. J'ai pensé que mon travail en tant que co-directrice de la session était d'aider le groupe à clarifier son cheminement, le guider sans le diriger. Proche de ce que j'avais fait plusieurs fois pour mes projets de théâtre...une metteuse en scène, finalement. J'étais donc prête à abandonner. À ma surprise, d'autres participants ont proposé faire juste une pause pour y revenir vendredi en fin de séance. Signe que notre travail préoccupait bien les esprits, nous avons eu un débat sur ce qu'est une \gls{intelligence sensorielle} dans le train de retour d'Anis Gras. Un de membres du collectif me rappelle que les objectifs de la session ne sont pas forcément ceux d’une recherche académique, qu'il faut accepter la nouvelle direction que la session peut prendre. Cette idée de proposer un cadre puis le laisser se transformer collectivement m'était claire en début de session. Cependant je n'arrivais pas à trouver les arguments pour exprimer mon ressenti émotionnel. Pour moi, ce moment de remise en question faisait partie du processus. Il devenait tout aussi important de repréciser le cadre et ses permutations pour comprendre comment une \gls{intelligence sensorielle} peut se manifester par le lâcher-prise. Le lendemain, suite à une grève du RER nous avons travaillé chez un des participants. Nous avons décidé de faire une improvisation collective in situ. Nous avions visité la Gare du Nord en tant que touristes en repérant bien l’environnent sensoriel de ce lieu - les odeurs, les images, les sons et la texture des objets. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_6} @@ -667,27 +652,27 @@ Le lendemain, suite à une greve RER nous avons travaillé chez un des participa \label{fig:lp6} \end{figure} -Cela a déplacé les limites du jeu ailleurs, encore une fois. J’ai eu plusieurs moments où j’ai joué avec la consigne, pour voir ce que cela produit si je lâche le cadre. Tout en observant les autres faire pareil. Cela m’a renvoyé à des expériences similaires faites en marge d’un projet inspiré par le film \textit{Idioterne} de Lars von Trier. J'ai retrouvé cet extrait de mes notes +Cela a déplacé les limites du jeu ailleurs, encore une fois. J’ai eu plusieurs moments où j’ai joué avec la consigne, pour voir ce que cela produisait si je lâchais le cadre. Tout en observant les autres faire pareil. Cela m’a renvoyée à des expériences similaires faites en marge d’un projet inspiré par le film \textit{Idioterne} de Lars von Trier. J'ai retrouvé cet extrait de mes notes: \begin{quote} ``Il y a quelque chose de jubilatoire dans le fou rire, lorsqu’il est honnête. Comme une relâche, probablement la respiration, le sommeil ont beaucoup à voir avec le lâcher-prise. Cependant j’entend par intelligence quelque chose d’adaptatif, qui se met en œuvre pour faire émerger du nouveau. Comme voir quelque chose qu’on a déjà vu, mais sentir qu’on le voit différemment.” \end{quote} -Puisque le terme de lâcher-prise a été très présent dés le début de la session, il nous a fallu du temps pour comprendre comment evaquer les attentes envers une possible définition universelle de ce terme. Pour certains participants la question du corps et de l'\gls{intelligence sensorielle} a été vécue en lisière de cette question du lâcher-prise, parfois sans une prise de conscience directe. Cependant la question de la robotique et même plus large celle du numérique à effleuré à peine l'esprit des membres du collectif. Alors que cela fait partie des problématiques sociétales où chacun donne un avis et s'y intéresse (d'autant plus mes collègues d'Open Source). Avec le temps, j'ai compris pourquoi cela s'est produit. Si pour moi le lien entre la robotique et le corps ou la sensorialité est évident, pour certains cela peut paraître tiré par les cheveux justement parce qu'un robot est l'opposé d'un corps vivant, sensoriel. -Parmi les retours d’expérience, le danseur et chorégraphe Gerry Quévreux évoquait l'exercice de sieste volontaire pratiqué ensemble, pour témoigner de la rapidité avec laquelle son esprit s'est remis en marche après: ``je parvenais à raccrocher les wagons ensuite, à me relier d’une manière à ce qui s’est joué sans moi pendant un moment.” Curieusement il reliait cela à un autre exercice pratique, celui d'écriture automatique que j'avais proposé le premier jour d'exploration et qui est devenu ensuite un sorte d'exercice préféré du groupe: ``la pratique de l’écriture spontanée a été une vraie retrouvaille et je décèle là-dedans quelque chose qui me fait toucher un lâcher prise créatif. Je veille moins au sens, il y a la présence du rythme, la scansion.” Je déduis de son témoignage à quel point la créativité est dissocié de l'exactitude et de la précision. Alors que les robots sont justement conçus pour cela - être précis et exacts dans leurs actions. Probablement si nous aurions cherché plus les antonymes de l'état de lâcher-prise, nous aurions tombé d'accord que le mot ``concentration” en fait partie. Tout en ne faisant pas partie proprement. Puisque dans un autre témoignage Gerry parle d'état modifié de conscience pour illustrer le lâcher-prise. Alors peut-être un autre type de concentration? +Puisque le terme de lâcher-prise a été très présent dès le début de la session, il nous a fallu du temps pour comprendre comment évoquer les attentes envers une possible définition universelle de ce terme. Pour certains participants la question du corps et de l'\gls{intelligence sensorielle} a été vécue en lisière de cette question du lâcher-prise, parfois sans une prise de conscience directe. Comme imaginé, la question de la robotique et même plus largement celle du numérique ont effleuré à peine l'esprit des membres du collectif. Alors que cela fait partie des problématiques sociétales où chacun donne un avis et s'y intéresse (d'autant plus mes collègues d'Open Source). Avec le temps, je pense avoir compris pourquoi cela s’était produit. Si pour moi le lien entre la robotique et le corps ou la sensorialité est évident, pour certains cela peut paraître tiré par les cheveux justement parce qu'un robot est l'opposé d'un corps vivant, sensoriel. +Parmi les retours d’expérience, le danseur et chorégraphe Gerry Quévreux évoquait l'exercice de sieste volontaire pratiqué ensemble, pour témoigner de la rapidité avec laquelle son esprit s'est remis en marche après: ``je parvenais à raccrocher les wagons ensuite, à me relier d’une manière à ce qui s’est joué sans moi pendant un moment.” Curieusement il reliait cela à un autre exercice pratique, celui d'écriture automatique que j'avais proposé le premier jour d'exploration et qui est devenu ensuite une sorte d'exercice préféré du groupe: ``la pratique de l’écriture spontanée a été une vraie retrouvaille et je décèle là-dedans quelque chose qui me fait toucher un lâcher-prise créatif. Je veille moins au sens, il y a la présence du rythme, la scansion.” Je déduis de son témoignage à quel point la créativité est dissociée de l'exactitude et de la précision. Alors que les robots sont justement conçus pour cela - être précis et exacts dans leurs actions. Probablement si nous avions cherché plus les antonymes de l’état de lâcher-prise, nous serions tombés d’accord sur le fait que le mot “concentration” en fait partie. Tout en n'en faisant pas partie proprement. Puisque dans un autre témoignage Gerry parle d'état modifié de conscience pour illustrer le lâcher-prise. Alors peut-être s'agit-il d’un autre type de concentration ? \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_1} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_4} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_5} - \caption{Mouvements automatiques pendant les exercices d'improvisation corporelle} + \caption{Mouvements automatiques pendant nos exercices d'improvisation corporelle.} \label{fig:lp1} \end{figure} -Cela rejoint l’intervention du chercheur en musique et science cognitives Luc Pererra que j'avais invité pour nous parler de son travail sur le rythme. Selon lui, le rythme structure la connaissance: ``même inconscient le cerveau peut enregistrer des choses, par le rythme, de manière rythmique. Le fœtus fait ça dès 4 mois.” L'intervention de Luc, ainsi que les extraits musicaux qu'ils a partagé ont beaucoup éveillé notre sensibilité. Au tel point que cela risque de devenir le souvenir le plus marquant de notre semaine de travail. Presque tous, nous gardons aujourd'hui un souvenir précieux de la voix de la chanteuse indienne Nina Burmi dont le chant, indéchiffrable au niveau de paroles, à résonné en nous à un autre niveau d'entente\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=kfBvz2rG-NI}. -Cette expérience collective d'adhésion à une musique inconnue a été pour moi, une belle preuve de notre synergie en tant que groupe. Je n'ai pas les arguments pour analyser cela d'un point de vue neuro-scientifique, mais probablement quelque chose du caractère imprévu de cette proposition, sa fréquence sonore et son rythmique a su induire en nous, au moment de l'écoute, un état de concentration et d'éveil sensoriel. Pendant ce moment nous nous sommes sortis de notre cadre de recherche et probablement vécu un véritable lâcher-prise collectif. Est-cela a cause du caractère imprévu de la situation? Est-cela plutôt du au niveau d'investissement de la performeuse dans son chant? Ou plutôt à cause de la fréquence du chant? -Ces questions ont continué nourrir ma recherche bien après la session Open Source. \smallskip +Cela rejoint l’intervention du chercheur en musique et sciences cognitives Luc Pererra que j'avais invité pour nous parler de son travail sur le rythme. Selon lui, le rythme structure la connaissance: ``même inconscient le cerveau peut enregistrer des choses, par le rythme, de manière rythmique. Le fœtus fait ça dès 4 mois.” L'intervention de Luc, ainsi que les extraits musicaux qu'ils a partagé ont beaucoup éveillé notre sensibilité. À tel point que cela risque de devenir le souvenir le plus marquant de notre semaine de travail. Presque tous, nous gardons aujourd'hui un souvenir précieux de la voix de la chanteuse indienne Nina Burmi dont le chant, indéchiffrable au niveau des paroles, à résonné en nous à un autre niveau d'entente sensorielle\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=kfBvz2rG-NI}. +Cette expérience collective d'adhésion à une musique inconnue a été pour moi une belle preuve de notre synergie en tant que groupe. Je n'ai pas les arguments pour analyser cela d'un point de vue neuro-scientifique, mais probablement quelque chose du caractère imprévu de cette proposition, sa fréquence sonore et sa rythmique a su induire en nous, au moment de l'écoute, un état de concentration et d'éveil sensoriel. Pendant ce moment nous nous sommes sortis de notre cadre de recherche et probablement avons vécu un véritable lâcher-prise collectif. Est-ce là à cause du caractère imprévu de la situation ? Est-ce là plutôt dû au niveau d'investissement de l’interprète dans son chant? Ou plutôt à cause de la fréquence du chant ? +Ces questions ont continué de nourrir ma recherche bien après la session Open Source. -Au moment de ces observations rétrospectives, je ne peux pas m’empêcher de considérer le témoignage des deux autres participants à la session. Pour des raisons éthiques et personelles, je préfère garder leur anonymat. Le hasard à fait que deux metteurs en scène avec de maladies impliquant des sérieux problèmes locomoteurs et neurologiques, ont exprimé leur intérêt pour la session. Un d'entre eux est un ami, âgé d'une soixantaine d'années qui suite à une maladie auto-immune s'est retrouvé en incapacité motrice pendant une période de temps. Depuis il a retrouvé une certaine mobilité mais reste dépendant de son traitement. L'autre a la trentaine, mais en proie d'une maladie neurodégénérative sérieuse avec des soins hospitaliers récurrents. Il m'avait fait part, lors de nos échanges par Whatsapp, des expériences de réveil de coma, puis de sa vie actuelle avec une dilatabilité qui conditionne son travail lourdement. Les deux ont intégré la session de façon ponctuelle. L'un d'entre eux n'a pas pu être finalement présent qu'en distanciel, tandis que l'autre a participé à une de nos expérimentations collectives. Leur attitude envers le travail, leur contribution et engagement (même à distance) m'ont beaucoup touché. Les mots ``somatique” et ``thérapie” ont eu tout d'un coup une autre portée pour moi. Malgré son dis-confort physique, mon ami s'est coordonné admirablement, comme si rien n'était. Il était là, actif et tonique, engagé avec son travail corporel, à l'écoute de ses partenaires. Il avait envie d'essayer, de se mettre en jeu collectivement. De ``jouer” au sens que les enfants donnent à ce terme. Tout comme les autres participants avait envie qu'il soit là, que nous explorons ensemble nos différences dans un état d’ingénuité et nativité. A un moment donné, quelqu'un a donné la consigné d'oublier une partie de son corps. J'ai pensé à lui, à nos échanges auparavant et au fait qu'il y a quelques années c'était son corps qui a oublié de répondre, comme si une partie de lui s'est mise en veille volontairement. Je l'ai regardé et vu qu'il était ailleurs, à l'écoute de son exploration sensorielle. Je me suis sentie l'observer pendant que nous nous deplaceons dans l'espace et j'ai senti que c'était moi celle qui n'était pas là. Il était dedans. Dedans lui-même si je puisse le dire. Je ne sais pas si ce type d'encontre que nous faisons avec nous-même est quelque chose dont nous nous apercevrons lorsque cela se produit. Probablement que non. Cependant cet état, j'ose dire ``de grâce” devient moteur de l'énergie dont nous disposons pour toutes nos actions qui le précédent. Probablement, la fréquence avec laquelle nous pouvons faire cet aller-retour de reconnexion avec nous-mêmes, détermine notre tonus ou degré de fatigue. Les plus lointaines ces moments de reconnexion, le plus fatigués nous devenons. Comme si en puissant au plus profonde for de nous-mêmes, nous activons une énergie propre sous-jacente. Je me rends compte que cette façon de parler, d'évoquer des observations, des impressions perceptives peut s’apprêter à un registre ambigu, proche de la ``thérapie”. Le jour d'avant alors qu'il n'était pas là, nous avons lu le premier chapitre du livre de Peter Levine\cite{levine2010unspoken} où il évoque son accident de voiture et la perte de contrôle de son propre corps. J'avais découvert ce livre alors que je cherchais à comprendre d'où vient mon intérêt pour les tremblements. Je vais repréciser cela dans un autre chapitre, alors que je décrirai plus en détail ma recherche en danse. Le travail de Levine faisait partie des ressources de l'atelier sur le lâcher-prise, bien avant que je connaisse la volonté de participer à la séance de mon ami. +Au moment de ces observations rétrospectives, je ne peux pas m’empêcher de considérer le témoignage des deux autres participants à la session. Pour des raisons éthiques et personelles je préfère garder leur anonymat. Le hasard a fait que deux metteurs en scène avec de maladies impliquant des problèmes locomoteurs et neurologiques ont exprimé leur intérêt pour la session. Un d’entre eux est un ami âgé d’une soixantaine d’années qui, suite à une maladie auto-immune, s’est retrouvé en incapacité motrice pendant une période de temps. Depuis il a retrouvé une certaine mobilité mais reste dépendant de son traitement. L'autre a la trentaine, mais en proie d'une maladie neurodégénérative sérieuse avec des soins hospitaliers récurrents. Il m'avait fait part, lors de nos échanges par Whatsapp, des expériences de réveil de coma, puis de sa vie actuelle avec une dilatabilité qui conditionne son travail lourdement. Les deux ont intégré la session de façon ponctuelle. L’un d’entre eux n’a pu être finalement présent qu’en distanciel, tandis que l'autre a participé à une de nos expérimentations collectives. Leur attitude envers le travail, leur contribution et engagement (même à distance) m'ont beaucoup touchée. Les mots ``somatique” et ``thérapie” ont eu tout d'un coup une autre portée pour moi. Malgré son dis-confort physique, mon ami s'est coordonné admirablement, comme si rien n'était. Il était là, actif et tonique, engagé dans son travail corporel, à l'écoute de ses partenaires. Il avait envie d'essayer, de se mettre en jeu collectivement. De ``jouer” au sens que les enfants donnent à ce terme. Nous avons exploré ensemble nos différences dans un état d’ingénuité et de nativité. À un moment donné, quelqu'un a donné la consigne d'oublier une partie de son corps. J'ai pensé à lui, à nos échanges auparavant et au fait qu'il y a quelques années c'était son corps qui a ``oublié” de répondre, comme si une partie de lui s’était mise en veille volontairement. Je l'ai regardé et vu qu'il était ailleurs, à l'écoute de son exploration sensorielle. Je me suis surprise à l'observer pendant que nous nous déplacions dans l’espace et j'ai senti que c'était moi celle qui n'était pas là. Lui, il était dedans. Dedans lui-même, si je peux dire. Je ne sais pas si ce type de rencontre que nous faisons avec nous-même est quelque chose dont nous nous apercevons lorsque cela se produit. Probablement que non. Cependant cet état, j'ose dire ``de grâce”, devient moteur de l'énergie dont nous disposons pour toutes nos actions qui le précédent. Probablement, la fréquence avec laquelle nous pouvons faire cet aller-retour de reconnexion avec nous-mêmes, détermine notre tonus ou degré de fatigue. Plus ces moments de reconnexion sont lointains plus nous devenons fatigués. Comme si en puisant au plus profond de nous-mêmes, nous activons une énergie propre sous-jacente. Je me rends compte que cette façon de parler, d'évoquer des observations, des impressions perceptives peut s’apprêter à un registre ambigu, proche de la ``thérapie”. Le jour d’avant, alors qu’il n’était pas là, nous avons lu le premier chapitre du livre de Peter Levine\cite{levine2010unspoken} où il évoque son accident de voiture et la perte de contrôle de son propre corps. J'avais découvert ce livre alors que je cherchais à comprendre d’où venait mon intérêt pour les tremblements et \textit{le shaking} décrit dans le premier chapitre de cette these. Le travail de Levine faisait partie des ressources de l'atelier sur le lâcher-prise, bien avant que je connaisse la volonté de participer à la séance de mon ami. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_2} @@ -695,9 +680,9 @@ Au moment de ces observations rétrospectives, je ne peux pas m’empêcher de c \label{fig:lp2} \end{figure} -Dans ce contexte, je préfère préciser mon positionnement quant aux dérives dues à la confusion entre des pratiques et des expertises en danse. Les concepts somatiques que j'applique en danse n'ont rien avoir avec une dimension thérapeutique. Elles ont pour objectif une meilleure appréhension de soi-même et facilitent des prises de conscience, mais autant moi que les gens avec qui j'ai pu travailler jusqu'au là, n'avons pas de compétences en médecine. L'art se veut un endroit d’exploration et par sa dimension critique elle peut amener à des observations ou des constats personelles en lien avec des soins. N'est-ce un des objectifs de l'art de soigner le monde? D'autant plus quand il s'agit de la danse, et du corps. Pour revenir au corps, c'est peut-être le moment d’évoquer la manière dont Bruno Latour le décrit. Cette façon de considérer le corps a été édifiante pour mon travail avec les robots, mais elle s'élargit de plus en plus, alors que j’interagis collectivement avec des humains: +Dans ce contexte, je préfère préciser mon positionnement quant aux dérives dues à la confusion entre des pratiques et des expertises en danse. Les concepts somatiques que j’applique en danse n’ont rien à voir avec une dimension thérapeutique. Elles ont pour objectif une meilleure appréhension de soi-même et facilitent des prises de conscience, mais autant moi que les gens avec qui j'ai pu travailler jusqu'à là, n'avons pas de compétences en médecine. L'art se veut un endroit d’exploration et par sa dimension critique il peut amener à des observations ou des constats personnels en lien avec des soins. N’est-ce pas un des objectifs de l'art de soigner le monde ? D'autant plus quand il s'agit de la danse et du corps. Pour revenir au corps, le moment est peut-être venu d’évoquer la manière dont Bruno Latour le décrit. Cette façon de considérer le corps a été édifiante pour mon travail avec les robots, mais elle s'élargit de plus en plus, alors que j’interagis collectivement avec des humains et des non-humains: \begin{quote} -``Avoir un corps, c'est apprendre à être affecté, c'est-à-dire « effectué », déplacé, mis en mouvement par d'autres entités, humaines ou non humaines. Si vous ne vous engagez pas dans cet apprentissage, vous devenez insensible, stupide, vous tombez raide mort. Équipé d'une telle définition patho-logique du corps, on n'est pas obligé de définir une essence, une substance (ce qu'est le corps par nature), mais plutôt, je soutiendrai, une interface qui devient de plus en plus descriptible à mesure qu'elle apprend à être affectée par de plus en plus d'éléments. Le corps n'est donc pas une résidence provisoire de quelque chose de supérieur – une âme immortelle, l'universel ou la pensée – mais ce qui laisse une trajectoire dynamique par laquelle nous apprenons à enregistrer et à devenir sensibles à ce dont le monde est fait. Telle est la grande vertu de cette définition : il n'y a aucun sens à définir directement le corps, mais seulement à rendre le corps sensible à ce que sont ces autres éléments. En se concentrant sur le corps, on est immédiatement – ou plutôt, médiatement – dirigé vers ce dont le corps a pris conscience. C'est ma façon d'interpréter la phrase de James : Notre corps lui-même est l'exemple éclatant de l'ambiguïté\footnote{ +``Avoir un corps, c'est apprendre à être affecté, c'est-à-dire \textit{effectué}, déplacé, mis en mouvement par d'autres entités, humaines ou non humaines. Si vous ne vous engagez pas dans cet apprentissage, vous devenez insensible, stupide, vous tombez raide mort. Équipé d'une telle définition pathologique du corps, on n'est pas obligé de définir une essence, une substance (ce qu'est le corps par nature), mais plutôt, je soutiendrai, une interface qui devient de plus en plus descriptible à mesure qu'elle apprend à être affectée par de plus en plus d'éléments. Le corps n'est donc pas une résidence provisoire de quelque chose de supérieur – une âme immortelle, l'universel ou la pensée – mais ce qui laisse une trajectoire dynamique par laquelle nous apprenons à enregistrer et à devenir sensibles à ce dont le monde est fait. Telle est la grande vertu de cette définition : il n'y a aucun sens à définir directement le corps, mais seulement à rendre le corps sensible à ce que sont ces autres éléments. En se concentrant sur le corps, on est immédiatement – ou plutôt, médiatement – dirigé vers ce dont le corps a pris conscience. C'est ma façon d'interpréter la phrase de James : Notre corps lui-même est l'exemple éclatant de l'ambiguïté\footnote{ ``To have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead. Equipped with such a patho-logical definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be affected by more and more elements. The body is thus not a provisional residence of something superior – an immortal soul, the universal or thought – but what leaves a dynamic trajectory by which we learn to register and become sensitive @@ -705,17 +690,16 @@ to what the world is made of. Such is the great virtue of this definition: there \cite{latour2004talk} \end{quote} -Alors je souligne ici l'importance de cette perspective du corps-interface que Bruno Latour a su anticiper bien avant les avancements du numérique. Comprendre par quoi nous sommes agis, avec quoi nous sommes en lien, nous aide à mieux nous connaitre. Comme Anna Halprin l’évoque mieux que moi, ce type d'introspection est individuelle et a beaucoup plus à voir avec des chemins de vie et des personnalités qu'avec de thérapies. En d'autre mots, l'art peut etre une thérapie pour soi-même, mais elle ne peut pas faire du prosélytisme pour une solution universelle. Peut-etre que cela se réduit à ce que le metteur en scène Mathieu Hout a partagé avec nous à la fin d'une journée d'exploration. Pour lui le fait de s'appliquer et d’être honnête dans cette recherche collective est ce qui compte le plus, au delà des résultats de la session. En cherchant ce qui peut-être un lâcher-prise collectif, il nous partage ses notes de la journée, parmi lesquelles figurent ces mots: ``Je suis avec toi. Peut-être qu’il ne s’agit que de ça. Être avec.” +Alors je souligne ici l'importance de cette perspective du corps-interface que Bruno Latour a su anticiper bien avant les avancements du numérique. Comprendre par quoi nous sommes agis, avec quoi nous sommes en lien, nous aide à mieux nous connaître. Comme Anna Halprin l’évoque mieux que moi, ce type d'introspection est individuelle et a beaucoup plus à voir avec des chemins de vie et des personnalités qu'avec des thérapies. En d'autre mots, l'art peut être une thérapie pour soi-même, mais elle ne peut pas faire du prosélytisme pour une solution universelle. Peut-être que cela se réduit à ce que le metteur en scène Mathieu Hout a partagé avec nous à la fin d'une journée d'exploration Open Source. Pour lui le fait de s'appliquer et d’être honnête dans cette recherche collective est ce qui compte le plus, au delà des résultats de la session. En cherchant ce qui peut être un lâcher-prise collectif, il nous partage ses notes de la journée, parmi lesquelles figurent ces mots: ``Je suis avec toi. Peut-être qu’il ne s’agit que de ça. Être avec.” -J'aimerais revenir à l'impact que cette session d’expérimentation a eu sur mon propre laboratoire de recherche-création, en quatriéme année de thèse. Cela m'a aidé à comprendre que le cheminement n'est jamais fini, qu'il s'agit d'un travail qui s'affine au fur et à mesure que j'avance. J'ai pu également confirmer mes motivations, mieux accepter mes doutes quant aux risques d'une appropriation thérapeutique de ma démarche en danse. Puisqu'il s'agit des notions vagues, j'ai mis cette fois à l'écart les robots, pour mieux comprendre comment travailler cela entre humains. J'ai cultivé une sorte d'écoute polymorphe, en pensant toujours que cela m'aidera à mieux comprendre les robots. Puis l'écart entre le mode de penser des metteurs en scène, comparatif à celui des roboticiens fait encore ressentir ses ondes de choc. D'autant plus que pour moi quand le corps est en veille, loin du plateau c'est compliqué de s'écouter, de se comprendre entre humains. Intégrer une pluralité de points de vue, des interrogations et des critiques m'a fait du bien, car cela m'a rappelé que l'art est l'endroit qui peut intégrer toutes ces différences. Cela m'a également aidé à mieux structurer les cadres conceptuels et méthodologiques de ma recherche quant à la danse et à la robotique. -Les mots d'Erika m'accompagnent encore, bien après que cette séance de travail s'est achevée: +J'aimerais revenir à l'impact que cette session d’expérimentation a eu sur mon propre laboratoire de recherche-création, en quatrième année de thèse. Cela m’a aidée à comprendre que le cheminement n'est jamais fini, qu'il s'agit d'un travail qui s'affine au fur et à mesure que j'avance. J'ai pu également confirmer mes motivations, mieux accepter mes doutes quant aux risques d'une appropriation thérapeutique de ma démarche en danse. Puisqu'il s'agit de notions vagues, j'ai mis cette fois à l'écart les robots, pour mieux comprendre comment travailler cela entre humains. J'ai cultivé une sorte d'écoute polymorphe, en pensant toujours que cela m'aidera à mieux comprendre les robots. Puis l'écart entre le mode de pensée des metteurs en scène, en comparaison de celui des roboticiens fait encore ressentir ses ondes de choc. D'autant plus que pour moi quand le corps est en veille, loin du plateau, c'est compliqué de s'écouter, de se comprendre collectivement. Intégrer une pluralité de points de vue, des interrogations et des critiques m'a fait du bien, car cela m'a rappelé que l'art est l'endroit qui peut intégrer toutes ces différences. Cela m'a également aidée à mieux structurer les cadres conceptuels et méthodologiques de ma recherche quant à la danse et à la robotique. +Les mots d'Erika résonnent encore, bien après que cette séance de travail s'est achevée: \begin{quote} ``Cette recherche infuse encore beaucoup en moi. J’ai comme l’impression que quelque chose a bougé, qu’un nouveau voyage a commencé et qu’il sera toujours temps d’ouvrir le cahier où j’ai posé des mots pendant la session pour y revenir. Le cahier comme un retour aux sources, retour à la compréhension, aux expériences et aux rebonds, pour appréhender le voyage avec sérénité.” \end{quote} - -Pour exprimer le lien entre la conscience et la danse, Kozel évoque la couleur rouge\cite{kozel2008closer}, tout comme David Chalmers l'a fait lorsqu’il a donné des exemples de la problème difficile de la conscience. Ainsi l'incapacité d'expliquer une expérience perceptive est tout autant opaque, que l’expérience phénoménologique de la couleur rouge décrite par Merleau-Ponty: +Je pense, comme elle, que cette session m'a aidé à mieux intégrer l’écriture dans mon processus de recherche-création en danse, mieux expliciter mes besoins pour pouvoir les traduire selon le contexte. Comme une sorte de double-regard d'un moi celle qui agit, puis moi celle qui observe l'action et ses retentissements. Pour exprimer le lien entre la conscience et la danse, Kozel évoque la couleur rouge\cite{kozel2008closer}, tout comme David Chalmers l'a fait lorsqu’il a donné des exemples du problème difficile de la conscience. Ainsi l'incapacité d'expliquer une expérience perceptive est tout autant opaque, que l’expérience phénoménologique de la couleur rouge décrite par Merleau-Ponty: \begin{quote} ``La chorégraphie concerne la variation et les relations, entre les corps dans l'espace et le temps. La description de la couleur rouge par Merleau-Ponty révèle une compréhension de la chorégraphie qui peut être appliquée à l'échange de données : ce rouge est ce qu'il est seulement en se connectant de sa place avec d'autres rouges autour de lui, avec lesquels il forme une constellation, et il attire ou est attiré par d'autres couleurs, les repousse ou est repoussé par elles, les domine ou est dominé par elles, existant comme un nœud dans les modalités temporelles du simultané et du successif (ibid., 13 2). Cette dynamique d'attraction et de répulsion, de partage et de confinement, formant une constellation changeante à travers le temps, est une manière de comprendre la chorégraphie des données favorisée par les dispositifs portables. Mon corps peut ne pas exister, en faisant un clin d'œil à la provocation de Godard, mais en tant que tissu conjonctif, je vis un espace de potentiel encore plus grand, une corporalité élargie qui est imprégnée d'espaces interstitiels que j'atteins dans l'espoir et la vulnérabilité, parfois dans le désir et la colère, ou que je cherche à étirer dans la peur ou la douleur. Je suis comme la couleur rouge habitant des zones élastiques d'interface entre moi et moi-même, ou entre moi et les autres. La performance se produit dans ces espaces interstitiels, à la fois les performances quotidiennes et les performances artistiques\footnote{en version originale: ``Choreography is about variation and relations, between bodies in space and time. Merleau-Ponty’s description of the color red reveals an understanding of choreography that can be @@ -728,27 +712,25 @@ nodding to Godard’s provocation, but as connective tissue I live an even great \subsection{La rencontre avec HRP-4} -Une des raisons pour laquelle j'ai commencé ce projet de thèse est pour comprendre d'où vient ma fascination pour les robots. Si je remonte au temps de mon enfance, j'associe à la figure du robot celle d'une poupée. Je précise que si aujourd'hui j’associe robots et poupées, je fais cela avec le plus grand sérieux. Un enfant considère son compagnon de jeu son égal. Mes poupées n'étaient jamais ``des jouets”, mais d'êtres à part entière, autant mystérieuses et intrigantes que ma \textit{compréhension} des adultes qui m'entouraient. Si à l'époque je ne partageais pas des dilemmes ontologiques quant au sens de la vie ou de l'art, les choses n'étaient pas moins compliqués. Petite, j'attendais que les poupées réagissent à mes propositions de jeu. Au défaut d'une réaction de leur part, je compensais avec beaucoup de scénarios et des propositions de jeu, pendant notre ``interaction”. Autant que nécessaire pour que je n'observe pas leur immobilité. Serait-il aussi le cas aujourd'hui avec les robots? J'attends d'eux des véritables partenaires d’interaction artistique, des co-créateurs? Au-défaut d'une réponse concrète, j'avance des proposition et d’esquisses pour que mon terrain de jeu est moins ``déserte”? +J'ai commencé ce projet de thèse probablement pour comprendre d'où vient ma fascination pour les robots. Si je remonte au temps de mon enfance, j'associe à la figure du robot celle d'une poupée. Je précise que si aujourd'hui j’associe robots et poupées, je fais cela avec le plus grand sérieux. Un enfant considère son compagnon de jeu comme son égal. Mes poupées n'étaient jamais ``des jouets”, mais des êtres à part entière, autant mystérieuses et intrigantes que ma \textit{compréhension} des adultes qui m'entouraient. Si à l'époque je ne partageais pas des dilemmes ontologiques quant au sens de la vie ou de l'art, les choses n'étaient pas moins compliquées. Petite, j'attendais que les poupées réagissent à mes propositions de jeu. Au défaut d'une réaction de leur part, je compensais avec beaucoup de scénarios et des propositions de jeu, pendant notre ``interaction”. Autant que nécessaire pour que je n'observe pas leur immobilité. Serait-il aussi le cas aujourd'hui avec les robots ? Est-ce que j’attends d’eux qu'ils soient de véritables partenaires, des co-créateurs ? À défaut d'une réponse concrète, j'avance des propositions et des esquisses pour que mon terrain de jeu soit moins ``désert” ? -En contrepoids, les ingénieurs sont animés par d'autres motivations pour construire ces robots. Au premier abord, ils cherchent réconcilier le besoin des compagnons aimables et empathiques, mais qui réalisent en même temps des tâches qui nous ennuient ou qui sont dangereuses. Pour faire cela, ces robots doivent pouvoir travailler dans l’environnement humain tel qu’il est actuellement conçu et utiliser les outils des humains tels que les humains les utilisent\cite{kajita2014springer}. Si les êtres humains ont besoin de multiples outils pour faire avancer leur travail, il en va de même pour les robots. Cependant ces outils sont intégrés dans le corps d'un robot. L'effecteur final (en anglais \textit{End Effector} représente son dernier joint - la paume de la main, la tête sont des exemples d'end effectors. Cet effecteur est aussi l'endroit où le robot saisit au plus précis son environement. C'est là, par exemple, que se produit le contact entre le robot et un objet. Ainsi l'end effector est un outil dont la forme peut changer pour chaque tâche spécifique, modifiant la morphologie du robot et son apparence. -Pour ces raisons pratiques, les robots humanoïdes sont ceux dont la communauté scientifique se préoccupe actuellement le plus. +En contrepoids, les ingénieurs sont animés par d'autres motivations pour construire ces robots. Au premier abord, ils cherchent à réconcilier le besoin des compagnons aimables et empathiques, mais qui réalisent en même temps des tâches qui nous ennuient ou qui sont dangereuses. Pour faire cela, ces robots doivent pouvoir travailler dans l’environnement humain tel qu’il est actuellement conçu et utiliser les outils des humains tels que les humains les utilisent\cite{kajita2014springer}. Si les êtres humains ont besoin de multiples outils pour faire avancer leur travail, il en va de même pour les robots. Cependant ces outils sont intégrés dans le corps d'un robot. L'effecteur final (en anglais \textit{End Effector}) représente son dernier joint - la paume de la main, la tête sont des exemples d'end effectors. Cet effecteur est aussi l'endroit où le robot saisit au plus précis son environement. C'est là, par exemple, que se produit le contact entre un robot et un objet. Ainsi l'end effector est un outil dont la forme peut changer pour chaque tâche spécifique, modifiant la morphologie du robot et son apparence. Pour ces raisons pratiques, les robots humanoïdes sont ceux dont la communauté scientifique se préoccupe actuellement le plus. -C'est ainsi que commence mon aventure avec l'humanoïde HRP-4. Un matin d'hiver, arrivée pour la première fois seule en face à face avec lui, j’enlève la housse de protection qui le cache et je l'observe dans son immobilité. Un tas de ferrailles et de plastique qui condense de la technologie de pointe, résultat de plus de vingt ans de recherches et expérimentations. -Au Japon, le savoir-faire développé par Kawada Industries et l'Institut national des sciences et technologies industrielles avancées (ASIT) a été mis au service des robots HRP dés les années '90. De cette façon, le HRP-4 s'est positionné parmi les robots le plus avancés du marche, lors de son apparition en 2009. Son poids léger (39kg et 1 514 mm), ses 34 DOF, le choix de matériaux et moteurs (avec une puissance maximale de 80W) plus le solver QP integré dans l’interface mcrtc\cite{bouyarmane2018quadratic}, lui ont permis d’exécuter des mouvements précises et fluides, gagnant son statut de robot ``à l’image d’un athlète mince mais bien musclé\footnote{https://spectrum.ieee.org/hrp4-hides-it-all-somewhere}.” -Arrivée au LIRMM en mars 2021, mon objectif était de \textit{faire} cet athlète danser. Au grand désespoir de mon encadrant, je ne savais pas à l'époque quelle forme cette danse prendra. Je savais juste qu'il y aura une étape d’apprivoisement entre nous, pour comprendre ensemble ce que nous dévons faire. Pour faire cela j'ai plongé dans la littérature scientifique, un peu comme en découvrant une langue étrangère. Malgré mes études d'ingénieur auparavant, la façon de concevoir les robots au LIRMM a peu à voir avec mes connaissances en ingénierie de systèmes. Quelques mois après mon arrivée, en tombant sur le paragraphe suivant, je me rends compte de la difficulté de ma situation: +C'est ainsi que commence mon aventure avec l'humanoïde HRP-4. Un matin d'hiver, arrivée pour la première fois seule en face à face avec lui, j’enlève la housse de protection qui le cache et je l'observe dans son immobilité. Un tas de ferraille et de plastique qui condense de la technologie de pointe, résultat de plus de vingt ans de recherches et expérimentations. Au Japon, le savoir-faire développé par Kawada Industries et l'Institut national des sciences et technologies industrielles avancées (ASIT) a été mis au service des robots HRP dès les années 1990. De cette façon, le HRP-4 s'est positionné parmi les robots le plus avancés du marché, lors de son apparition en 2009. Son poids léger (39 kg et 1 514 mm), ses 34 DOF (degrees of freedom ou articulations actives), le choix de matériaux et moteurs (avec une puissance maximale de 80W) plus le solver QP integré dans l’interface mcrtc\cite{bouyarmane2018quadratic}, lui ont permis d’exécuter des mouvements précis et fluides, gagnant son statut de robot ``à l’image d’un athlète mince mais bien musclé\footnote{https://spectrum.ieee.org/hrp4-hides-it-all-somewhere}.” +Arrivée au LIRMM en mars 2021, mon objectif était de \textit{faire} danser cet athlète. Au grand désespoir de mon encadrant, je ne savais pas à l'époque quelle forme cette danse prendrait. Je savais juste qu'il y aurait une étape d’apprivoisement entre nous, pour comprendre ensemble ce que nous devions faire. Pour faire cela j'ai plongé dans la littérature scientifique, un peu comme en découvrant une langue étrangère. Malgré mes études d'ingénieur auparavant, la façon de concevoir les robots au LIRMM a peu à voir avec mes connaissances en ingénierie de systèmes. Quelques mois après mon arrivée, en tombant sur le paragraphe suivant, je me rends compte de la difficulté de ma situation: \begin{quote} ``Lorsque nous disons \textit{marcher}, nous entendons \textit{avancer par appuis successifs des pieds sur le sol, sur un sol irrégulier et peut-être en pente, comportant des obstacles et des inconnues, tout en conservant notre équilibre vertical}. Or, le robot brut que vous récupérez est semblable à une casserole articulée. Vous aurez beau transmettre cette définition à votre casserole –aussi articulée et élaborée soit-elle–, elle ne marchera pas si elle ne la \textit{comprend} pas. Il faut donc traduire cette définition en un langage qui soit \textit{compris} par le robot, et qui lui permette de bouger comme nous le désirons.” \end{quote} -Alors éclot dans mon imagination le besoin de reconsidérer cette idée de \textit{danse}. J’envisage la danse comme quelque chose plus intime, sorte de mouvement interne nourri par des doutes et envies, par de l'instinct. Cela prendra la forme des gestes, afin de voir si ce qu'il y a de l'organique dedans, peut être modélisé par des équations et algorithmes. D'un trait simplifié, cette exploration peut se traduire par la phrase suivante: -\textit{Do androids dream of electrical sheeps?}\cite{rhee2013hopkins}. -Si je résume peut être trop facilement le sens du livre de Philippe K. Dick, \cite{benesch1999jstor} apporte une interprétation intéressante à cette notion de subjectivité. L'auteur s'appuie sur la thèse de la chercheuse américaine Kathleen Woodward concernant les émotions, pour faire une parallèle avec l'essai de Jacques Lacan sur la construction de soi. Le psychanalyste français identifie le stade du miroir comme étape primordiale dans la formation et l'assurance de soi. Selon lui la construction d’un \textit{Autre} à travers l’imagerie, commence par l’identification à un double reflété dans le miroir. Pour\cite{benesch1999jstor} les androïdes remplacent à une échelle sociale ce double, l’anxiété des humains à l’égard des androïdes exprimant en réalité une anxiété relative à l’identité humaine en tant qu’espèce. Alors il me restait d'imaginer une danse pour un robot humanoïde, conçu à partir des mouvements des humains mais sans leur \textit{conscience}. Ces mouvements, limités par des contraintes matérielles, sont à leur tour imitées par un humain (moi). Une sorte de boucle réflexive ou le point de départ devient le point d'arrivée, en décalage. C'est justement ce décalage qui représente, à mon sens, ce qu'il y a d’incompréhensible entre moi et le robot. La peur d'un\textit{Autre} plus performant, inconnu et distant qui n'arrive pas à se reconnaitre (ou reconnaitre son potentiel) dans un miroir. +Alors éclot dans mon imagination le besoin de reconsidérer cette idée de \textit{danse}. J’envisage la danse comme quelque chose de plus intime, sorte de mouvement interne nourri par de doutes et des envies, par de l'instinct. Dans un premier temps cela prendra la forme de gestes, afin de voir si ce qu'il y a de l'organique dedans peut être modélisé par des équations et algorithmes. D'un trait simplifié, cette exploration peut se traduire par la phrase suivante : +\textit{Do androids dream of electrical sheeps ?}\cite{rhee2013hopkins}, ou dans notre cas \textit{Les androïdes rêvent-ils de la danse à la place des moutons électriques ? } +Si je résume peut être trop facilement le sens du livre de Philippe K. Dick, l’étude\cite{benesch1999jstor} apporte une interprétation intéressante à cette notion de subjectivité. L'auteur s'appuie sur la thèse de la chercheuse américaine Kathleen Woodward concernant les émotions, pour faire un parallèle avec l'essai de Jacques Lacan sur la construction de soi. Le psychanalyste français identifie le stade du miroir comme étape primordiale dans la formation et l'assurance de soi. Selon lui la construction d’un \textit{Autre} à travers l’imagerie commence par l’identification à un double reflété dans le miroir. Pour les chercheurs de\cite{benesch1999jstor} les androïdes remplacent à une échelle sociale ce double, l’anxiété des humains à l’égard des androïdes exprimant en réalité une anxiété relative à l’identité humaine en tant qu’espèce. Alors il me restait à imaginer une danse pour un robot humanoïde, conçu à partir des mouvements des humains mais sans leur \textit{conscience}. Ces mouvements, limités par des contraintes matérielles, sont à leur tour imités par un humain (moi). Une sorte de boucle réflexive où le point de départ devient le point d'arrivée, en décalage. C'est justement ce décalage qui représente, à mon sens, ce qu'il y a d’incompréhensible entre moi et le robot. La peur d'un\textit{Autre} plus performant, inconnu et distant qui n'arrive pas à se reconnaitre (ou reconnaitre son potentiel) dans un miroir. Pour contrecarrer cette peur, les standards et normes de sécurité qui valident sa mise en marche sont parmi les aspects les plus importants dans le fonctionnement d'un robot. Des tests doivent être effectués en permanence pour vérifier la bonne connectivité de ses circuits électroniques et les limites des articulations du robot. C'est pour cela que HRP-4 est calibré chaque fois à son démarrage\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=wqdCfBpnBWA}. -Comme pour les animaux, plus un robot est grand et lourd, plus il peut s’avérer ``dangereux”. Selon le contexte, les protocoles de sécurité utilisent des sensors laser (comme celui que j'ai utilisé pour le projet avec l'animata) ou des délimitations (en led ou même des grilles en métal) qui entourent le robot. Pour un robot industriel par exemple, sa vitesse peut être adapté selon les distances de proximité détectés par le sensor laser. De cette manière, les délimitations en lumière peuvent représenter un périmètre de sécurité. Une fois ce périmètre de sécurité affranchi, le robot peut s’arrêter en urgence. -Au LIRMM j'ai eu l'opportunité de programmer et interagir avec un robot industriel Franka KUKA. La base de ce robot est fixée au sol, ce qui fait que son système mécanique est libre, dans la limite de ses actuateurs. En comparaison avec le robot HRP-4, son fonctionnement est assez intuitif. CE robot dispose d'un mode de configuration basé sur un code couleurs, où chaque couleur décrit l'état interne de la machine. +Comme pour les animaux, plus un robot est grand et lourd, plus il peut s’avérer ``dangereux”. Selon le contexte, les protocoles de sécurité utilisent des \textit{sensors} laser (comme celui que j'ai utilisé pour le projet avec l'animata) ou des délimitations (en led ou même des grilles en métal) qui entourent le robot. Pour un robot industriel par exemple, sa vitesse peut être adaptée selon les distances de proximité détectés par le \textit{sensor} laser. De cette manière, les délimitations en lumière peuvent représenter un périmètre de sécurité. Une fois ce périmètre de sécurité franchi, le robot va s’arrêter automatiquement. +Au LIRMM j'ai eu l'opportunité de programmer et interagir avec un robot industriel Franka KUKA. La base de ce robot est fixée au sol, ce qui fait que son système mécanique est libre, dans la limite de ses actuateurs. En comparaison avec le robot HRP-4, son fonctionnement est assez intuitif. Ce robot dispose d'un mode de configuration basé sur un code couleur, où chaque couleur décrit l'état interne de la machine. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/color_code_panda} @@ -756,7 +738,7 @@ Au LIRMM j'ai eu l'opportunité de programmer et interagir avec un robot industr \label{fig:color-code-panda} \end{figure} -Son manuel d'utilisation donne des instruction quant à la distance de sécurité et la manière d’interagir avec: +Son manuel d'utilisation donne des instructions quant à la distance de sécurité et la manière d’interagir avec. \begin{figure} \centering @@ -765,7 +747,7 @@ Son manuel d'utilisation donne des instruction quant à la distance de sécurit \label{fig:schema-manual-panda-utilisation} \end{figure} -Dans le mode apprentissage, il n'est pas nécessaire de programmer le robot dans l'interface mcrtc. L'utilisateur exécute une série de mouvements que le robot va reproduire une fois ce mode désactivé. Cependant son utilisation est limitée à des tâches ponctuelles, pour un meilleur contrôle du robot l’interface de programmation état la solution. +Dans le mode apprentissage, il n'est pas nécessaire de programmer le robot dans l'interface mcrtc. L'utilisateur exécute une série de mouvements que le robot va reproduire une fois ce mode désactivé. Cependant son utilisation est limitée à des tâches ponctuelles, pour un meilleur contrôle du robot l’interface de programmation étant la solution optimale. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/schema_manual_panda} @@ -773,19 +755,18 @@ Dans le mode apprentissage, il n'est pas nécessaire de programmer le robot dans \label{fig:schema-manual-panda-fonctionnement} \end{figure} -Une fois les questions de sécurité traitées, la rapidité avec laquelle un robot réagit à un événement externe détermine son dégrée ``d'intelligence”. -Pour faire preuve de cette intelligence, les contrôleurs d'un robot assurent le contrôle de son mouvement ainsi que sa ``communication” avec le monde physique. Décrits comme des systèmes à deux niveaux, ils comprennent des aspects mécaniques et informatiques. En pratique, ils visent à commander électriquement les actionneurs d'un robot pour lui faire rejoindre une position ou lui faire suivre une trajectoire. Ainsi le contrôle de robots nécessite l'intégration de deux typées de problèmes différentes. Pour illustrer cela, les roboticiens parlent de deux niveaux. Le niveau ``haut” est associé aux problèmes de calcul et des logiciels, alors que le niveau ``bas” est associé aux aspects d'exécution (plus précisément au fonctionnement des actionneurs). Une architecture de contrôle est nécessaire, pour déterminer la communication entre les différentes modules et interfaces. Son rôle est de déterminer ce qui fonctionne en temps réel et quel type d’hiérarchie est la meilleure pour faire communiquer ces modules. La planification de trajectoire est un exemple de module pour l'architecture de contrôle. +Une fois les questions de sécurité traitées, la rapidité avec laquelle un robot réagit à un événement externe détermine son degré ``d'intelligence”. +Pour faire preuve de cette intelligence, les contrôleurs d'un robot assurent le contrôle de son mouvement ainsi que sa ``communication” avec le monde physique. Décrits comme des systèmes à deux niveaux, ils comprennent des aspects mécaniques et informatiques. En pratique, ils visent à commander électriquement les actionneurs d'un robot pour lui faire rejoindre une position ou lui faire suivre une trajectoire. Ainsi le contrôle de robots nécessite l'intégration de types de problèmes différents. Pour illustrer cela, les roboticiens parlent de deux niveaux. Le niveau ``haut” est associé aux problèmes de calcul et des logiciels, alors que le niveau ``bas” est associé aux aspects d'exécution (plus précisément au fonctionnement des actionneurs). Une architecture de contrôle est nécessaire, pour déterminer la communication entre les différents modules et interfaces. Son rôle est de déterminer ce qui fonctionne en temps réel et quel type de hiérarchie est la meilleure pour faire communiquer ces modules. La planification de trajectoire est un exemple de module pour l'architecture de contrôle. -Pour modéliser un robot, les chercheurs établissent d'abord son modèle mathématique avec des matrices de transformation pour représenter les coordonnées de ses articulations. Ce modèle, basé sur des équations de mouvement, permettra l'incorporation, ou \gls{embodiment}, du robot dans des simulations informatiques. -Un robot humanoïde peut être aussi vu comme une plateforme d’intégration pour de nombreuses technologies robotiques. Son contrôle se réalise grâce aux tâches, développées pour des interfaces de calcul. L’environnement de développement intégrée (en anglais \textit{unified computer interface}) mcrtc utilise des algorithmes de programmation quantique (en anglais \textit{quadratic programming ou QP}). Ce type de programmation non linéaire a été crée au début des années '50. Il vise l'optimisation, par une valeur minimale, de certaines fonctions quadratiques multivariées soumises à des contraintes linéaires. +Pour modéliser un robot, les chercheurs établissent d'abord son modèle mathématique avec des matrices de transformation pour représenter les coordonnées de ses articulations. Ce modèle, basé sur des équations de mouvement, permettra l'incorporation, ou l'\gls{embodiment}, du robot dans des simulations informatiques. +Un robot humanoïde peut être aussi vu comme une plateforme d’intégration pour de nombreuses technologies robotiques. Son contrôle se réalise grâce aux tâches développées pour des interfaces de calcul. L’environnement de développement intégré (en anglais \textit{unified computer interface}) \textit{mcrtc} utilise des algorithmes de programmation quantique (en anglais \textit{quadratic programming ou QP}). Ce type de programmation non linéaire a été créé au début des années 1950. Il vise l'optimisation, par une valeur minimale, de certaines fonctions quadratiques multivariées soumises à des contraintes linéaires. Parmi les paquets de données disponibles dans l'interface mcrtc, mc-hrp4 fournit une implémentation RobotModule pour le robot HRP-4 et ses différentes versions. En tant qu'interface graphique dynamique, mcrtc prend comme entrée les informations des capteurs du HRP-4 (optiques, d'unité de mesure inertielle, de force ou de couple selon le cas) ainsi que la description de ses surfaces de contact. Ses sorties visent la position souhaitée, l'accélération, la vitesse de couple. -La librairie Task permets l'optimisation du corps entier. -Parmi les types de tâches que le robot est programmé de faire il y a: +La librairie Task permet l'optimisation du corps entier. Parmi les types de tâches pour lesquelles le robot est programmé on trouve : \begin{itemize} \item la tâche de regard pour garder les sujets en vue - \item la tâche PBVS qui lui permets de déplacer la main gauche selon la vision + \item la tâche PBVS qui lui permet de déplacer la main gauche selon la vision \item la tâche de stabilisation qui implique le CoM et la position ou la force des joints pour maintenir l'équilibre \end{itemize} La stabilisation peut absorber des perturbations inattendues comme les forces dynamiques non modélisées, du bruit. Elle vise à réduire la différence de valeurs entre le système de contrôle et le système réel. @@ -795,11 +776,11 @@ Parmi ses contraintes, il est possible de configurer en mcrtc: \item les limites de la rotation des joints \item les dynamiques (limites de couple) et les contacts (force-friction et géométrie) \end{itemize} -Un solver est un programme informatique autonome destiné à calculer les solutions d'un problème mathématique. Il peut regrouper une bibliothèque de logiciels pour optimiser ses solutions. +Un \textit{solver} est un programme informatique autonome destiné à calculer les solutions d'un problème mathématique. Il peut regrouper une bibliothèque de logiciels pour optimiser ses solutions. Les contrôleurs basés sur un solveur QP facilitent l’exécution de tâches complexes, lors de la programmation en temps réel de leurs contraintes. -Le solveur QP est pondéré ou hiérarchique, en modifiant ses paramètres de \textit{weights} ou \textit{stifness} de chaque tache. +Le solveur QP est pondéré ou hiérarchique, en modifiant ses paramètres de \textit{weights} ou \textit{stifness} de chaque tâche. -Les modélisations mathématiques résolues grâce à la QP, traduisent ensuite des commandes pour les moteurs. Selon le voltage reçu, les actionneurs vont tourner avec des vitesses et rotations spécifiques. L'impédance électrique mesure l'opposition d'un circuit électrique au passage d'un courant alternatif sinusoïdal. À son opposé, l'admittance détermine dans quelle mesure le courant traverse un circuit électronique. Le contrôle d'admittance, à l'instar du contrôle d'impédance, vise à imposer un comportement dynamique au robot. Ce robot est soumis à des forces de contact externes, comme l'inertie, la rigidité ou l'amortissement. Le livre\cite{natale2020springer} propose une schéma qui résume ce fonctionnement: +Les modélisations mathématiques résolues grâce à la QP traduisent ensuite des commandes pour les moteurs. Selon le voltage reçu, les actionneurs vont tourner avec des vitesses et rotations spécifiques. L'impédance électrique mesure l'opposition d'un circuit électrique au passage d'un courant alternatif sinusoïdal. À son opposé, l'admittance détermine dans quelle mesure le courant traverse un circuit électronique. Le contrôle d'admittance, à l'instar du contrôle d'impédance, vise à imposer un comportement dynamique au robot. Ce robot est soumis à des forces de contact externes, comme l'inertie, la rigidité ou l'amortissement. Le livre \cite{natale2020springer} propose un schéma qui résume ce fonctionnement. \begin{figure} \centering @@ -808,24 +789,19 @@ Les modélisations mathématiques résolues grâce à la QP, traduisent ensuite \label{fig:admittance} \end{figure} -Une autre approche de programmation mcrtc implique des diagrammes d'états, également appelés F.S.M.(Finite State Machines). Ces états peuvent être programmées en cpp ou Python et extensibles dans des fichiers YAML. Elles ont de type imbriqués ou en anglais \textit{nested} (un état est lui-même un F.S.M.) ou parallèles (plusieurs états sont exécutées en parallèle). -Lors d'une visualisation dans l'interface rviz, un curseur affiche la valeur de chaque joint. -Pour passer d'un état F.S.M. à l'autre, une carte de transition est détaillée dans le fichier de configuration du contrôleur -(yaml). -L’interface mcrtc permet ainsi une optimisation du contrôle de l'espace de travail. Cela se produit par l'exécution du même code autant en simulation que sur le robot réel. -Grace au travail de développement des roboticiens de l'équipe I.D.H. il est possible de modifier les tâches et les contraintes, ainsi que les états F.S.M. et leurs ordres d’exécution également dans le fichier YAML. +Une autre approche de programmation mcrtc implique des diagrammes d'états, également appelés F.S.M.(Finite State Machines). Ces états peuvent être programmés en cpp ou Python et extensibles dans des fichiers YAML. Ils ont de type imbriqués ou en anglais \textit{nested} (un état est lui-même un F.S.M.) ou parallèles (plusieurs états sont exécutés en parallèle). Lors d'une visualisation dans l'interface rviz, un curseur affiche la valeur de chaque joint. +Pour passer d'un état F.S.M. à l'autre, une carte de transition est détaillée dans le fichier YAML de configuration du contrôleur. L’interface mcrtc permet ainsi une optimisation du contrôle de l'espace de travail. Cela se produit par l'exécution du même code autant en simulation que sur le robot réel. Grâce au travail de développement des roboticiens de l'équipe I.D.H. il est possible de modifier les tâches et les contraintes, ainsi que les états F.S.M. et leurs ordres d’exécution également dans le fichier YAML. -Selon\cite{kajita2014springer} un robot est un système articulé constitué de plusieurs corps rigides. Par l’analyse et le regroupement des mouvements de chaque corps, les roboticiens obtiennent la dynamique d'un système complet. Avant cela, la cinématique étudie comment les différentes parties du robot se mettent en marche pour qu'il bouge. Les capteurs des robots sont l'équivalent de sens des humains. Les accéléromètres et les gyroscopes par exemple, servent à préciser les accélérations linéaires et angulaires des articulations du robot. Parallèlement, les capteurs d'effort déterminent les forces et les moments des points de contact avec l’extérieur. Un robot humanoïde ayant \textit{n} articulations, possède \textit{n + 6} degrés de liberté car sa base est un corps libre dans l’espace 3D\cite{kajita2014springer}. -Le mouvement des articulations du robot est décrit par des rotations dans l’espace en trois dimensions (X, Y, Z correspondant aux mouvements de \textit{Pitch}, \textit{Yawn} et \textit{Roll} (qui représentent en aviation les trois axes-latéral, vertical et longitudinal). En connaissant une de ces coordonnées, les roboticiens calculent les vitesses angulaires et leur relation avec les dérivées des matrices de rotation. Dans le livre\cite{kajita2014springer}, les auteurs décrivent les principes de la cinématique directe - en anglais \gls{direct kinematics} - qui permet de trouver la position et l’orientation d’un segment (par exemple la main) à partir de ses angles articulaires. Il explique également comment déterminer les angles articulaires à partir de la position et de l'orientation d’un segment donné. Cela corresponds à une équation inversée de la précédente, appelée cinématique inversée - en anglais \gls{inverse kinemactis}. +Selon \cite{kajita2014springer} un robot est un système articulé constitué de plusieurs corps rigides. Par l’analyse et le regroupement des mouvements de chaque corps, les roboticiens obtiennent la dynamique d'un système complet. Avant cela, la cinématique étudie comment les différentes parties du robot se mettent en marche pour qu'il bouge. Les capteurs des robots sont l'équivalent de sens des humains. Les accéléromètres et les gyroscopes par exemple, servent à préciser les accélérations linéaires et angulaires des articulations du robot. Parallèlement, les capteurs d'effort déterminent les forces et les moments des points de contact avec l’extérieur. Un robot humanoïde ayant \textit{n} articulations, possède \textit{n + 6} degrés de liberté car sa base est un corps libre dans l’espace 3D\cite{kajita2014springer}. +Le mouvement des articulations du robot est décrit par des rotations dans l’espace en trois dimensions (X, Y, Z correspondant aux mouvements de \textit{Pitch}, \textit{Yawn} et \textit{Roll} (qui représentent en aviation les trois axes-latéral, vertical et longitudinal). En connaissant une de ces coordonnées, les roboticiens calculent les vitesses angulaires et leur relation avec les dérivées des matrices de rotation. Dans le livre\cite{kajita2014springer}, les auteurs décrivent les principes de la cinématique directe - en anglais \gls{direct kinematics} - qui permet de trouver la position et l’orientation d’un segment (par exemple la main) à partir de ses angles articulaires. Il explique également comment déterminer les angles articulaires à partir de la position et de l'orientation d’un segment donné. Cela correspond à une équation inversée de la précédente, appelée cinématique inversée - en anglais \gls{inverse kinemactis}. \begin{quote} ``Quoi qu’il en soit, la relation entre les dérivées de la position et de l’orientation d’un segment, et celles des angles articulaires, peut être représentée par des équations linéaires. Ainsi, le problème de la cinématique inverse peut être résolu par la détermination des solutions d’un système d’équations linéaires, puis en intégrant ces solutions. La matrice des coefficients du système d’équations linéaires est appelée \textit{Jacobienne des vitesses}. Elle représente un concept important dans beaucoup de domaines, la robotique comprise.” \end{quote} -La fonction principale d'un contrôleur est d'interpréter le programme d'application du robot puis de convertir cela en actions physiques. Chaque contrôleur possède un modèle interne de la structure cinématique et dynamique du robot. Selon les algorithmes et les équations de mouvement utilisées, cela est traduit par des capacités avancées de planification et de synchronisation de trajectoire. De cette manière, un robot peut synchroniser de manière précise les mouvements de chaque articulation. Selon les objectifs de chaque tache, des milliers de paramètres sont pris en compte pour le configurer. Parmi les contrôleurs de base du HRP-4, les plus courants sont le contrôleur basée sur son Centre de Masse, en anglais \textit{Center of Mass} ou tout simplement CoM, ainsi que le contrôleur qui détermine sa posture ou \textit{Posture task}. +La fonction principale d'un contrôleur est d'interpréter le programme d'application du robot puis de convertir cela en actions physiques. Chaque contrôleur possède un modèle interne de la structure cinématique et dynamique du robot. Selon les algorithmes et les équations de mouvement utilisés, cela est traduit par des capacités avancées de planification et de synchronisation de trajectoire. De cette manière, un robot peut synchroniser de manière précise les mouvements de chaque articulation. Selon les objectifs de chaque tâche, des milliers de paramètres sont pris en compte pour le configurer. Parmi les contrôleurs de base du HRP-4, les plus courants sont le contrôleur basé sur son Centre de Masse, en anglais \textit{Center of Mass} ou tout simplement CoM, ainsi que le contrôleur qui détermine sa posture ou \textit{Posture task}. -\smallskip -Me voilà en train d'imaginer (ou rêver comme les androïdes de Dick) une danse pour un robot humanoïde pas (encore) conscient.Rien que pour rester débout, nous les humains devons faire preuve d'équilibre et d'auto-gestion de nos capacités motrices. Une posture debout normale est souvent comparée à la mouvement d'un pendule inversé dont la base est -fixe. Bien que la position debout semble statique -pour un observateur extérieur, elle se caractérise par de légères oscillations dans lequel le corps se balance en avant, en arrière et sur le côté. Le centre de masse est ainsi situé proche de la première vertèbre sacrée du corps humain. + +Me voilà en train d'imaginer (ou rêver comme les androïdes de Dick) une danse pour un robot humanoïde pas (encore) conscient. Rien que pour rester debout, nous les humains devons faire preuve d'équilibre et d'auto-gestion de nos capacités motrices. Une posture debout normale est souvent comparée au mouvement d'un pendule inversé dont la base est +fixe. Bien que la position debout semble statique pour un observateur extérieur, elle se caractérise par de légères oscillations par lesquelles le corps se balance en avant, en arrière ou sur le côté. Le centre de masse, situé proche de la première vertèbre sacrée du corps humain, change avec ces oscillations. \begin{figure} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/Pendulum} @@ -833,10 +809,9 @@ pour un observateur extérieur, elle se caractérise par de légères oscillatio \label{fig:pendulum} \end{figure} -Lorsque nous répartissons nos forces ou changeaons de point de contact avec le sol, notre équilibre s'ajuste de façon automatique. Comme décrit dans le livre de \cite{nakaoka2010intuitive}, une partie de ce travail \textit{pas conscient} est réalisé par des automatismes dans la perception. +Lorsque nous répartissons nos forces ou changeons de point de contact avec le sol, notre équilibre s'ajuste de façon automatique. Comme décrit dans le livre de \cite{nakaoka2010intuitive}, une partie de ce travail \textit{pas conscient} est réalisée par des automatismes dans la perception humaine. \begin{quote} - ``En l’occurrence, lorsque vous désirez saisir une bouteille sur une table, votre attention se porte sur la main qui doit assurer la saisie. Lorsque vous désirez vous asseoir, vous vous concentrez sur le positionnement de votre bassin par rapport à la chaise. Pour taper dans une balle, vous portez votre attention sur le pied qui doit frapper la balle. La partie sur laquelle nous fixons notre attention ne nécessite que quelques degrés de liberté pour être déplacée. (...) De l’autre côté, les parties qui ne nécessitent pas une attention consciente peuvent être utilisées pour conserver l’équilibre.” @@ -847,19 +822,19 @@ Lorsque nous répartissons nos forces ou changeaons de point de contact avec le \caption{Le changement de la posture influence sur le CoM. Source: https://www.quora.com/What-part-is-the-center-of-gravity-in-our-body} \label{fig:ccog} \end{figure} -Le centre de masse se déplace de manière automatique pour assurer notre stabilité. Comment tenir début un robot en prenant compte de toutes ces contraintes? +Le centre de masse se déplace de manière automatique pour assurer notre stabilité. Lorsque nous dansons, il se déplace d'une manière encore plus instable. Comment faire tenir debout un robot en prenant compte de toutes ces contraintes? -Pour lui, une erreur liée à la Com, est constituée de la différence entre la valeur souhaitée de la CoM et sa valeur équivalente en simulation. Pour mieux anticiper ces erreurs, le livre\cite{kajita2014springer} décrit la méthode Zero Movement Point (ZMP). Ce concept joue un rôle primordial dans l’équilibre en position verticale des robots humanoïdes, lorsqu’ils se déplacent. Puisqu’un robot humanoïde n'est pas fixé au sol, il doit maintenir un contact entre ses semelles et le sol quand il se déplace. Lorsque la semelle du pied de support perd le contact avec le sol, le robot tombe. Pour qu'il reste début, son CoM doit faire partie du ZMP. Cette méthode est généralement utilisée pour déterminer la possibilité ou l’impossibilité de maintenir ce contact, sans utiliser des équations du mouvement. +Pour lui, une erreur liée à la CoM est constituée de la différence entre la valeur souhaitée de la CoM et sa valeur équivalente en simulation. Pour mieux anticiper ces erreurs, le livre\cite{kajita2014springer} décrit la méthode Zero Movement Point (ZMP). Ce concept joue un rôle primordial dans l’équilibre en position verticale des robots humanoïdes, lorsqu’ils se déplacent. Puisqu’un robot humanoïde n'est pas fixé au sol, il doit maintenir un contact entre ses semelles et le sol quand il se déplace. Lorsque la semelle du pied de support perd le contact avec le sol, le robot tombe. Pour qu'il reste debout, son CoM doit faire partie du ZMP. Cette méthode est généralement utilisée pour déterminer la possibilité ou l’impossibilité de maintenir ce contact, sans utiliser des équations du mouvement. \begin{quote} ``Le ZMP peut être considéré comme l’extension dynamique du principe de projection. Il est utilisé pour planifier des modèles de mouvements qui permettent au robot de marcher tout en conservant le contact entre la semelle du pied de support et le sol.” \end{quote} -Le concept du ZMP appliqué à un système en mouvement est illustré plus bas: +Le concept du ZMP appliqué à un système en mouvement est illustré plus bas. \begin{figure} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/ZMP} - \caption{Relation ZMP-CoM.Source: le livre \cite{kajita2014springer}} + \caption{Relation ZMP-CoM. Source: le livre \cite{kajita2014springer}} \label{fig:zmp} \end{figure} \begin{figure} @@ -868,10 +843,8 @@ Le concept du ZMP appliqué à un système en mouvement est illustré plus bas: \label{fig:zmpcom} \end{figure} +Une autre notion importante à considérer est le centre de gravité. Celui-ci peut se déplacer en fonction de la posture de l'individu et de la position de ses membres, tout comme le CoM. Son rôle est d'aider le corps ne pas s'écraser contre la gravité. Quand un humain se retrouve en position assise, son centre de gravité se situe à la base de sa colonne vertébrale, au niveau du sacrum. La majorité du poids de son corps est répartie dans la moitié inférieure, le bassin et les jambes supportant la majorité de cette charge. -Une autre notion importante à considérer est le centre de gravité. Celui-ci peut se déplacer en fonction de la posture de l'individu et de la position de ses membres, tout comme le CoM. -Son rôle est d'aider le corps ne pas s'écraser contre la gravité. Quand un humain se retrouve en position assise son centre de gravité se situe à la base de sa colonne vertébrale, au niveau du sacrum. La majorité du poids de son corps est répartie dans la moitié inférieure, le bassin et les jambes supportant la majorité de cette charge. -\textbf{dance slow} En parallèle avec ces recherches sur l'équilibre et les postures, les chercheurs de l'équipe AIST ont considéré utile d'investiguer les autres possibilités d'expression physique du robot HRP-4. Ainsi ils ont développé un modèle de comportement utilisant les mouvements de l’ensemble de son corps - le premier robot humanoïde de taille humaine pouvant s’allonger et se relever. Ce mouvement est illustré par la figure suivante: \begin{figure} \centering @@ -880,27 +853,25 @@ En parallèle avec ces recherches sur l'équilibre et les postures, les chercheu \label{fig:kajitatomber} \end{figure} -En voyant ces images, nous ne pouvons pas nous empêcher de \textit{voir} un humain. La plupart de ses gestes et mouvements sont faciles à identifier, car elles appartiennent aux humains qui se relèvent ou qui tombent. Ces observations notés dans mes cahiers de bord, m'ont fait considérer l'option d'assoir le robot sur une chaise. Choix radicale, émergée probablement d'un désir de pousser la limite de la convention. Lorsqu'ils sont assis les humains réfléchissent, ou attendent. Il y a donc une forte activité mentale, alors que le corps se repose. Des chorégraphes qui m'inspirent ont déjà traité cette question en danse. Anna Teresa de Keersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin, dont j'ai cité le travail dans la première partie de cette thèse, ont su mettre au défi les stéréotypes en lien avec la chaise, l'immobilité et la danse. A mon tour, j'ai pensé intéressante l'idée de faire danser HRP-4, assis sur une chaise. -D'abord parce que, avec quelques exceptions dans le monde animal, s'assoir est propre (seulement) aux humains. Ensuite parce que cet acte de s'assoir impose un état réflexif. Dernièrement parce que la chaise en tant qu'objet scénique inanimé, a un statut particulier dans l'histoire de la danse et ce statut je vais le détailler dans le prochain chapitre. Avant d'introduire les arguments qui appuient une dialectique de la disparition, de parler des objets en tat que processus - comme dans l’œuvre de Bojana Cvejic\cite{cvejic2015disjunctive} mentionné dans le chapitre 1.3 - j'aimerais présenter l'objet chaise en contraste avec l'objet robot. -Déjà en 1913, Marcel Duchamp propose son premier Ready Made - \textit{La Roue de bicyclette}. Cette sculpture est composée de deux objets du quotidien en opposition l’un à l’autre: une roue de bicyclette fixée sur un tabouret\footnote{https://www.wikiart.org/en/marcel-duchamp/bicycle-wheel-1913}. Si la roue représente la vitesse, la chaise s'appose à cette dynamique en imposant un arrêt. -En 1964, Joseph Beuys présente une chaise couverte d'un bloc de graisse dans son œuvre \textit{Chaise de graisse}. Le récit qui accompagne son installation évoque un épisode en Crimée, pendant la deuxième guerre mondiale, lorsque Beuys perd le contrôle de son avion. Il se fait sauver la vie par des Tatars qui l'enveloppent de graisse animale et de feutre pour le maintenir au chaud. Ce souvenir facilite une prise de conscience pour l'artiste, qui va dédier sa vie aux actions artistiques engagés et à la spiritualité. La métaphore de la graisse\footnote{https://www.tate.org.uk/art/artworks/beuys-fat-chair-ar00088}, empêche quelqu'un s'assoir, ou bien le présente comme un bloc de graisse. Dans les deux cas, la chaise est un élément actif de la proposition artistique dont la présence impose un moment d'observation. -Assoir un robot humanoïde sur une chaise invite à une déconstruction du regard. Lorsque le robot est inactif, c'est un objet inanimé. Pareil à une rue de bicyclette, il peut se mettre en marche ou pas. Si ce robot aurait eu une forme non-anthropomorphe, la question de s'assoir pour réfléchir aurait été moins présente. Cependant dans le cas du robot humanoïde, nous voyons \textit{quelque chose} se reposer sur une chaise. Est-ce que cela veut dire qu'une action physique vient d'avoir eu lieu? -En parallèle avec ma démarche dramaturgique, j'ai programmé ce robot. C'était une étape contraignante et fatigante durant mon initiation à la robotique humanoïde au LIRMM. -Les premiers esquisses de ce processus montrent bien comment le robot, tel la série photographique du designer italien Bruno Munari\footnote{https://www.ideabooks.nl/9788875703899-bruno-munari-seeking-comfort-in-an-uncomfortable-chair}s'assoit plutôt à cote de la chaise, que correctement dedans: +En voyant ces images, nous ne pouvons pas nous empêcher de \textit{voir} un humain. La plupart de ses gestes et mouvements sont faciles à identifier, car ils appartiennent aux humains qui se relèvent ou qui tombent. Ces observations notées dans mes cahiers de bord, m'ont fait considérer l'option d'assoir le robot sur une chaise. Choix radical, émergé probablement d'un désir de pousser la limite de la convention artistique de la danse. Lorsqu'ils sont assis les humains réfléchissent ou attendent. Il y a donc une forte activité mentale, alors que le corps se repose. Des chorégraphes qui m'inspirent ont déjà traité cette question en danse. Anna Teresa de Keersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin, dont j'ai cité le travail dans la première partie de cette thèse, ont su mettre au défi les stéréotypes en lien avec la chaise, l'immobilité et la danse. À mon tour, j'ai pensé intéressante l'idée de faire danser HRP-4, assis sur une chaise. +D'abord parce que, avec quelques exceptions dans le monde animal, s'assoir est propre (seulement) aux humains. Ensuite parce que cet acte de s'assoir impose un état réflexif. Dernièrement parce que la chaise, en tant qu'objet scénique inanimé, a un statut particulier dans l'histoire de la danse et ce statut je vais le détailler dans les prochaines pages. Avant d'introduire les arguments qui appuient une dialectique de la disparition, de parler des objets en tant que processus - comme dans l’œuvre de Bojana Cvejic\cite{cvejic2015disjunctive} mentionnée dans le chapitre 1.3 - j'aimerais présenter l'objet chaise en contraste avec l'objet robot. +Déjà en 1913, Marcel Duchamp propose son premier Ready Made - \textit{La Roue de bicyclette}. Cette sculpture est composée de deux objets du quotidien en opposition l’un à l’autre: une roue de bicyclette fixée sur un tabouret\footnote{https://www.wikiart.org/en/marcel-duchamp/bicycle-wheel-1913}. Si la roue représente la vitesse, la chaise s'oppose à cette dynamique en imposant un arrêt. +En 1964 Joseph Beuys présente une chaise couverte d'un bloc de graisse dans son œuvre \textit{Chaise de graisse}. Le récit qui accompagne son installation évoque un épisode en Crimée, pendant la seconde guerre mondiale, lorsque Beuys perd le contrôle de son avion. Il se fait sauver la vie par des Tatars qui l'enveloppent de graisse animale et de feutre pour le maintenir au chaud. Ce souvenir facilite une prise de conscience pour l'artiste, qui va dédier sa vie aux actions artistiques engagées et à la quête de la spiritualité. La métaphore de la graisse\footnote{https://www.tate.org.uk/art/artworks/beuys-fat-chair-ar00088} empêche quelqu'un s'assoir, ou bien le présente comme un bloc de graisse. Dans les deux cas, la chaise est un élément actif de la proposition artistique dont la présence impose un moment d'introspection. Assoir un robot humanoïde sur une chaise invite à une déconstruction du regard. Lorsque le robot est inactif, c'est un objet inanimé. Pareil à une roue de bicyclette, il peut se mettre en marche ou pas. Si ce robot avait eu une forme non-anthropomorphe, la question de s'assoir pour réfléchir aurait été moins présente. Cependant, dans le cas du robot humanoïde, nous voyons \textit{quelque chose} se reposer sur une chaise. Est-ce que cela veut dire qu'une action physique vient d'avoir eu lieu? +En parallèle avec ma démarche dramaturgique, j'ai du programmer ce robot. C'était une étape contraignante et fatigante durant mon initiation à la robotique humanoïde au LIRMM. Les premiers esquisses de ce processus montrent bien comment le robot, telle la série photographique du designer italien Bruno Munari\footnote{https://www.ideabooks.nl/9788875703899-bruno-munari-seeking-comfort-in-an-uncomfortable-chair}s'assoit plutôt à côté de la chaise, que correctement dessus. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/err_chair} \caption{Scénario du robot sur la chaise: erreurs de programmation.} \label{fig:err-chair} \end{figure} -Après des mois d'erreurs et d’errance dans le monde de roboticiens, pas loin des 700 heures que Marina Abramovic à passée assise sur une chaise à MoMa\footnote{hhttps://www.moma.org/audio/playlist/243/3133}, me voilà plus proche d'un résultat. Le robot reste assis sur la chaise, bien qu'il n'arrive toujours pas faire des gestes expressifs. +Après des mois d'erreurs et d’errance dans le monde de roboticiens, pas loin des 700 heures que Marina Abramovic à passée assise sur une chaise dans le musée MoMa\footnote{hhttps://www.moma.org/audio/playlist/243/3133}, me voilà plus proche d'un résultat. Le robot reste assis sur une chaise, bien qu'il n'arrive toujours pas à faire des gestes expressifs. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/sit_fall} - \caption{Scénario du robot sur la chaise: premieres ébauches.} + \caption{Scénario du robot sur la chaise: premières ébauches.} \label{fig:sit-fall} \end{figure} -Les mouvements du robot et mes capacités de programmation ne sont pas encore au point. Les mains de HRP-4 n'ont pas des doigts articulés pour l'instant, pour pouvoir travailler des gestes comme dans le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} de Keersmaeker. Néanmoins, je me suis beaucoup rapporté au travail de la chorégraphe belge pour préparer cette phase. Son approche du rythme et de la répétition m'a aidé comprendre comment mieux structurer les enchainements des gestes du HRP-4. J'ai choisi comme repère des gestes faites avec les deux mains que j'ai repris par des variations en changeant la place de mes pieds. +Les mouvements du robot, tout comme mes capacités de programmation ne sont pas encore au point. Les mains de HRP-4 n'ont pas des doigts articulés pour l'instant, pour pouvoir travailler des gestes comme dans le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} de Keersmaeker. Néanmoins, je me suis beaucoup rapportée au travail de la chorégraphe belge pour préparer cette phase. Son approche du rythme et de la répétition m'a aidée comprendre comment mieux structurer les enchainements des gestes du HRP-4. J'ai choisi comme repère des gestes faits avec les deux mains que j'ai repris par des variations en changeant la place de mes pieds. \begin{figure} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/rosas} @@ -908,7 +879,7 @@ Les mouvements du robot et mes capacités de programmation ne sont pas encore au \label{fig:rosas} \end{figure} -Des états avec des bras et des jambes qui se succèdent selon une durée déterminée, m'ont permis de mieux \textit{composer} la danse du HRP-4. +Des états avec des bras et des jambes qui se succèdent selon une durée déterminée m'ont permis de mieux \textit{composer} la danse du HRP-4. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/chaise_silvia} @@ -916,7 +887,7 @@ Des états avec des bras et des jambes qui se succèdent selon une durée déter \label{fig:chaisesilvia} \end{figure} -Une autre étape dans ma recherche a été de chercher les mouvements du robot par l’intermédiaire de la \gls{motion capture}. L'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H. a développé un plugin pour relier 34 DOF de HRP-4 et les 17 capteurs inertiels XSENS. +Une autre étape dans ma recherche a été de chercher les mouvements du robot par l’intermédiaire de la \gls{motion capture}. L'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H. a développé un plugin pour relier les 34 DOF de HRP-4 et les 17 capteurs inertiels XSENS. \begin{figure} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/xens} @@ -928,23 +899,23 @@ Le \gls{digital twin} du robot suit les mouvements de l'humain lors d'une premi \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/mocap_demo} - \caption{Still de la simulation avec le costume XSens dans RviZ.} + \caption{Captation de la simulation avec le costume XSens dans RviZ.} \label{fig:mocap-demo} \end{figure} -Des exemples de mouvements que j'ai fait pendant les simulations, n'arrivent pas être réalisées sur le robot réel. En effet les mouvements qui dépassent les limites des articulations et l'angle de rotation des actuateurs sont adaptés à la version réelle. Les mouvements deviennent plus \textit{conventionnelles} pour respecter l'intégrité du système physique du robot. +Des exemples de mouvements que j'ai fait pendant les simulations n'arrivent pas être réalisés sur le robot réel. En effet les mouvements qui dépassent les limites des articulations et l'angle de rotation des actuateurs sont automatiquement corrigés ou adaptés à la version réelle du robot pour pas l’endommager. Les mouvements deviennent plus \textit{conventionnels} pour respecter l'intégrité du système physique du robot. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/still_mocap} \caption{Exemple de postures lors de la simulation avec le costume XSens.} \label{fig:still-mocap} \end{figure} -J'ai abandonnée cette façon de travailler avec HRP-4, parce que cela se rapprochait trop de l'idée de marionnette. Bien que c'est une discipline à part entière avec une longue tradition en Orient où HRP-4 a été développé, je rajoute ici le point de vue de Kozel\cite{kozel2008closer} qui mentionne Kleist et sa vision de la marionnette. La danse peut s'y inspirer et des autres projets ont présenté des dispositifs assez impressionnantes. Cependant mon intérêt est de considérer le robot comme partenaire de danse, de respecter les contraintes liés à sa physicalité. +J'ai abandonné cette façon de travailler avec HRP-4, parce que cela se rapprochait trop de l'idée de marionnette. Bien que c'est une discipline à part entière avec une longue tradition en Orient où HRP-4 a été développé, je rajoute ici le point de vue de Kozel\cite{kozel2008closer} qui mentionne Kleist et sa vision de la marionnette. La danse peut s'y inspirer et d’autres projets ont présentés des dispositifs assez impressionnants. Cependant mon intérêt est de considérer le robot comme partenaire de danse, tout en respectant les contraintes liées à sa physicalité. \begin{quote} ``La marionnette est un art frère de l'animation de performance, semblable à une pratique alchimique, avec une longue histoire de transformation du bois, du tissu et de la ficelle en êtres humains, animaux ou fantastiques. En écrivant sur le théâtre de marionnettes en 1811, Heinrich von Kleist a réfléchi à la grâce démontrée par les humains, les animaux et les marionnettes, et il a situé l'âme au centre de gravité. Le danseur humain ne s'en est pas bien sorti dans la comparaison, car la grâce était considérée comme existant en plus grande quantité chez les marionnettes et les animaux en raison de l'impact obstructif que le pouvoir de réflexion humain avait sur le chemin du flux pur du mouvement. Il a tiré cette conclusion sur la base de deux duos conceptuels : une comparaison du mouvement d'un danseur avec celui d'une marionnette à ficelles, suivie d'une anecdote d'un duel d'escrime entre un homme et un ours. Ce n'est pas tant la suggestion qu'un danseur est une simple marionnette qui est intéressante, mais plutôt la façon dont les observations sur la localisation de l'âme sont obtenues à travers les relations intercorporelles, bien que hypothétiques, entre les entités\footnote{en version originale: ``Puppetry is a sister art of performance animation, akin to an alchemical practice, with a long history of transforming wood, cloth, and string into human, animal, or fantastical beings. Writing on the puppet theater in 18 11 , Heinrich von Kleist reflected upon grace as demonstrated by humans, animals, and marionettes, and he located the soul in the center of gravity. The human dancer did not fare well in the comparison, for grace was seen to exist in greater quantities in puppets and animals due to the obstructive impact the human power of reflection had on the path of the pure flow of movement. He drew this conclusion on the basis of two conceptual duets: a comparison of the movement of a dancer with that of a string puppet, followed by an anecdote of a fencing duel between a man and a bear. It is less the suggestion that a dancer is a mere puppet that is of interest than the way observations on the location of the soul are arrived at through the intercorporeal relations, albeit hypothetical, between entities.”}.” \end{quote} -Après quelques mois encore et toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H., j'ai mis en place des transitions F.S.M. pour mieux travailler le rythme de la séquence. Les mouvements du robot sont beaucoup plus restreints, notamment car j'ai pu le faire croiser ses jambes. Cette contrainte m'a fait explorer différemment le mouvement des bras et éngaer aussi la tête dans des séquences. +Après quelques mois de travail et errance, toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H., j'ai mis en place des transitions F.S.M. pour mieux travailler le rythme de la séquence. Les mouvements du robot sont beaucoup plus restreints, notamment car j'ai pu le faire croiser ses jambes. Cette contrainte m'a fait explorer différemment le mouvement des bras et d’engager également la tête dans ces séquences. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/hrp_chair} @@ -952,82 +923,67 @@ Après quelques mois encore et toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche \label{fig:hrpchair} \end{figure} -Une fois la boucle de mouvements mise au point, j'ai passé du temps à tester différentes simulations et enchaînements avant de faire danser le robot réel. +Une fois la boucle de mouvements mise au point, j'ai passé du temps à tester différentes simulations et enchaînements avant de faire \textit{danser} le robot réel. -Le 17 septembre 2022, lors de la soirée d'ouverture de la saison 2022-2023 d'Enghien-les-Bains, nous avons présenté la performance \textit{Le mythe de l'Immorta} dans le cadre du projet CECCI-H2M. Le \gls{digital twin} du robot HRP-4 est intervenu, en contraste avec un écosystème virtuel qui interagissait avec des performeuses. L’enchaînement de ses postures a suivi des itérations inspirées par l’algorithme de la courbe du Dragon\footnote{Cet algorithme provient des systèmes de règles génératives et est à la base un système de Lindenmayer (ou système de réécriture ou grammaire formelle inventé en 1968 par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer)}. Ce système reproduit les processus de développement et de prolifération de plantes ou de bactéries. Pour l'équipe de projet, cette façon de combiner l'organicité du monde vivant avec l'expression des machines est intuitive. Le choix de projeter le robot sur une image de 2m sur 3m, en contraste avec les performeuses en taille réelle, marque une distance entre l'humain et la machine. De plus, cette configuration scénique évoque l'image d'un artefact devenu totem. La représentation centrale du robot humanoïde transforme le mouvement dansé en vecteur d'influence pour un monde centré sur la technologie et ses obsessions. +Le 17 septembre 2022, lors de la soirée d'ouverture de la saison 2022-2023 d'Enghien-les-Bains, nous avons présenté la performance \textit{Le mythe de l'Immorta} dans le cadre du projet CECCI-H2M. Le \gls{digital twin} du robot HRP-4 est intervenu, en contraste avec un écosystème virtuel qui interagissait avec des performeuses. L’enchaînement de ses postures a suivi des itérations inspirées par l’algorithme de la courbe du Dragon\footnote{Cet algorithme provient des systèmes de règles génératives et est à la base un système de Lindenmayer (ou système de réécriture ou grammaire formelle inventé en 1968 par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer)}. Ce système reproduit les processus de développement et de prolifération de plantes ou de bactéries. Pour l'équipe de projet, cette façon de combiner l'organicité du monde vivant avec l'expression des machines est intuitive. Le choix de projeter le robot sur une image de 2 m sur 3 m, en contraste avec les performeuses en taille réelle, marque une distance entre l'humain et la machine. De plus, cette configuration scénique évoque l'image d'un artefact devenu totem. La représentation centrale du robot humanoïde transforme le mouvement dansé en vecteur d'influence pour un monde centré sur la technologie et ses obsessions. Mon objectif lors de ce travail a été de comprendre comment une corporalité ``dématérialisée” du robot pourrait stimuler une réponse décalée de la part du performeur. -Cela s'inscrit dans mes intentions premières pour établir un dialogue non verbal où homme et machine déploient leur vulnérabilité sur scène. - -\textbf{Photo de notes de mon cahier avec les itérations}. - -Des extraits de cette performance sont disponibles ici\footnote{https://vimeo.com/755637977}. +Cela s'inscrit dans mes intentions premières pour établir un dialogue non verbal où homme et machine déploient leur vulnérabilité sur scène. Des extraits de cette performance sont disponibles ici\footnote{https://vimeo.com/755637977}. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/immorta} \caption{Extraits de la captation vidéo de la performance ``Le mythe de l'Immorta”.} \label{fig:immorta} \end{figure} - -\textbf{ Rechercher un état de créativité par l'empathie} - -Pour évaluer la complicité H2R, nous nous appuyons sur le sentiment d'empathie\cite{ziemke2008role} - vu comme une capacité à comprendre émotionnellement ce que ressentent les autres et nous imaginer à leur place. En danse, Susan Foster propose une analyse sociologique de la danse et de l'empathie kinesthésique perçue par le spectateur\cite{foster2010choreographing}. Dans notre cadre d'art et sciences, les robots ne ressentent pas, bien que la littérature scientifique\cite{asada2015towards, belkaid2016interactions} indique comment les robots s'appuient sur des émotions artificielles (c'est-à-dire des structures algorithmiques symboliquement considérées comme jouant le rôle et l'action des émotions) pour générer des mouvements. Ils analysent leur environnement à l'aide de capteurs et y réagissent selon les lois de l'utilisateur définies par l'utilisateur. L'interprète imagine ce que ressent le robot (c'est-à-dire son \textit{umwelt}), puis +Cela renvoie également à la quête d'un état de créativité par l'empathie. Pour évaluer la complicité H2R, nous nous appuyons sur le sentiment d'empathie\cite{ziemke2008role} - vu comme une capacité à comprendre émotionnellement ce que ressentent les autres et nous imaginer à leur place. En danse, Susan Foster propose une analyse sociologique de la danse et de l'empathie kinesthésique perçue par le spectateur\cite{foster2010choreographing}. Dans notre cadre d'art et sciences, les robots ne ressentent pas, bien que la littérature scientifique\cite{asada2015towards, belkaid2016interactions} indique comment les robots s'appuient sur des émotions artificielles (c'est-à-dire des structures algorithmiques symboliquement considérées comme jouant le rôle et l'action des émotions) pour générer des mouvements. Ils analysent leur environnement à l'aide de capteurs et y réagissent selon les lois de l'utilisateur définies par l'utilisateur. L'interprète imagine ce que ressent le robot (c'est-à-dire son \textit{umwelt}), puis utilise cette projection comme source d'inspiration pour son improvisation dansée. Plus on comprend la technique -caractéristiques du HRP-4, plus on peut imaginer comment il devrait \textit{ressentir} et cultiver des intentions artistiques en lien avec cela. +caractéristique du HRP-4, plus on peut imaginer comment il devrait \textit{ressentir} et cultiver des intentions artistiques en lien avec cela. À première vue, HRP-4 m'induit un sentiment de malaise et de curiosité. Proche d'un Daft Punk -androïde, impressionnant par sa mobilité physique, je me suis demandée ce qui pouvait bien résider sous sa carrosserie en plastique. A l'occasion j'ai pu découvrir, lors qu'un de ses actuateurs est tombée en panne\footnote{captation vimeo Arnaud qui répare les fils} -La complexité de ses algorithmes et interfaces d'utilisation le rendent inaccessible et mystérieux. Mon rêve était de le démonter pour découvrir sa carcasse électrique : ses servomoteurs, ses fils et ses microcontrôleurs, comme une sorte d’exploration en dessous de sa deuxieme peau. -A l'origine un jouet exquis à taille humaine, HRP-4 est devenu davantage un \textit{Autre} indompté, au sens de différent et d'inconnu, que j'ai du apprendre lentement à utiliser. +androïde, impressionnant par sa mobilité physique, je me suis demandée ce qui pouvait bien résider sous sa carrosserie en plastique. À l'occasion j'ai pu découvrir, lors qu'un de ses actuateurs est tombée en panne\footnote{captation vimeo Arnaud qui répare les fils}. La complexité de ses algorithmes et interfaces d'utilisation le rendent inaccessible et mystérieux. Mon rêve était de le démonter pour découvrir sa carcasse électrique : ses servomoteurs, ses fils et ses microcontrôleurs, comme une sorte d’exploration en dessous d'une deuxième peau. D'un jouet exquis à taille humaine, HRP-4 est devenu davantage un \textit{Autre} indompté, au sens de différent et d'inconnu, que j'ai dû apprendre lentement à configurer et engager dans mes pratiques artistiques. -Nos expériences antérieurs m'ont aidé à comprendre comment un \gls{dispositif animatronique} suscitait chez l'interprète une réaction instinctive, sorte de réponse empathique. En tant qu’interprète je me suis facilement imaginé à la place de la petite animata. Probablement le facteur qui a contribué à cette projection est son apparence petite (environ 30 cm) et fragile (en carton). En comparaison, l’apparence physique du HRP-4 est le résultat de principes de conception ergonomique mais aussi de l’influence de la littérature SF sur la robotique. Cela pourrait donc ne pas induire un sentiment de vulnérabilité, malgré sa taille (151 cm) et son poids (39 kg) similaires à ceux d'un humain. Dans ce contexte, un contact physique\cite{aymerich2017object, bolotnikoval2018compliant} sur scène, pourrait renforcer +Nos expériences antérieures m'ont aidé à comprendre comment un \gls{dispositif animatronique} suscitait chez l'interprète une réaction instinctive, sorte de réponse empathique. En tant qu’interprète je me suis facilement imaginée à la place de la petite animata. Probablement le facteur qui a contribué à cette projection est son apparence petite (environ 30 cm) et fragile (en carton). En comparaison, l’apparence physique du HRP-4 est le résultat de principes de conception ergonomique mais aussi de l’influence de la littérature SF sur la robotique. Cela pourrait donc ne pas induire un sentiment de vulnérabilité, malgré sa taille (151 cm) et son poids (39 kg) similaires à ceux d'un humain. Dans ce contexte, un contact physique\cite{aymerich2017object, bolotnikoval2018compliant} sur scène, pourrait renforcer le sentiment d'empathie que nous recherchons. -Puisqu'il s'agit de un spectacle de danse, il ne faut pas oublier que parfois le mouvement peut renforcer un sentiment d'étrangeté lors d'une interaction physique. Un sentiment de \textit{conscience de la conscience}\cite{jochum2016cultivating}, pourrait détourner l'attention des +Puisqu'il s'agit d'un spectacle de danse, il ne faut pas oublier que parfois le mouvement peut renforcer un sentiment d'étrangeté lors d'une interaction physique. Un sentiment de \textit{conscience de la conscience}\cite{jochum2016cultivating}, pourrait détourner l'attention des mouvements et gestes incohérents. C'est pourquoi nous avons voulu examiner plus en profondeur le rôle que joue le mouvement dans nos propres scénarios interactifs de danse. Le cadre de nos premières improvisations de mouvements est basique : musique et séquences de mouvement expressives donnant l'illusion d'une communication, entre l'interprète et le robot. Ce dernier n'est pas programmé pour réagir à la musique. Des mouvements instables ou des arrêts peu nets -sont interprétés comme des hésitations de la part de l’interprète. De plus le caractère imprévisible de son comportement génèrent une complicité ludique, centrée autour de la spontanéité de la machine capable de transgresser les lois des interactions sociales. Cela nous rappelle les improvisations avec l'animata, où le fait de s'arrêter très près de l'artiste ( car c'était le seul point en mouvement sur -scène) donnent l'impression d'une intimité avec la performeuse. De plus, lorsque le performeur proposait un geste et que l'animata l'ignorait, le performer s'est concentré sur l'attribution d'un autre sens à cette réaction pour continuer l'improvisation au lieu d'interpréter cela comme un refus. De même, lorsque le robot donne l'impression de suivre ou d'imiter le rythme de l'interprète, l'interprète profite de cette opportunité pour s'accorder avec le nouveau mouvement du robot, afin de maintenir une continuité du mouvement. De cette façon, la réponse subjective de l'interprète contribué à entretenir l’illusion d'une complicité sur scène. +sont interprétés comme des hésitations de la part de l’interprète. De plus, le caractère imprévisible de son comportement génèrent une complicité ludique, centrée autour de la spontanéité de la machine capable de transgresser les lois des interactions sociales. Cela nous rappelle les improvisations avec l'animata, où le fait de s'arrêter très près de l'artiste (car c'était le seul point en mouvement sur +scène) donnent l'impression d'une intimité avec la performeuse. De plus, lorsque le performeur proposait un geste et que l'animata l'ignorait, le performeur s'est concentré sur l'attribution d'un autre sens à cette réaction pour continuer l'improvisation au lieu d'interpréter cela comme un refus. De même, lorsque le robot donne l'impression de suivre ou d'imiter le rythme de l'interprète, l'interprète profite de cette opportunité pour s'accorder avec le nouveau mouvement du robot, afin de maintenir une continuité du mouvement. De cette façon, la réponse subjective de l'interprète contribue à entretenir l’illusion d'une complicité sur scène. Avant de réaliser des improvisations avec HRP-4, nous avons travaillé avec son avatar virtuel, en utilisant l'interface de contrôleur unifiée mcrtc. Nos premiers essais d'improvisation -sont loin des \textit{comportements imprévus ou non explicitement programmés}\cite{bret2005interacting}. Comme le confirme la littérature\cite{chandrasekharan2000software}, un agent virtuel utilise +sont loin des \textit{comportements imprévus ou non explicitement programmés}\cite{bret2005interacting}. Comme le confirme la littérature \cite{chandrasekharan2000software}, un agent virtuel utilise une représentation du monde inspirée d'un modèle réel, alors qu'un robot utilise le monde réel comme modèle. Nous sommes partis au départ de l'hypothèse que les robots collaboratifs (de par leur niveau de complexité et -conformité des mouvements de leur corps) peut stimuler l’imagination de l’interprète et atteindre un certain sentiment d'\textit{empathie} indépendamment d'une modification de distance entre les deux. Plus précisément, puisque ses mouvements et ses gestes s'inspirent des mouvements du corps humain, il est plus facile pour l’interprète de leur donner un sens, lorsque la distance entre lui et le robot est constante. C'est pourquoi nous nous sommes imaginées un scenario d'interaction basé sur ces principes. +conformité des mouvements de leur corps) peuvent stimuler l’imagination de l’interprète et atteindre un certain sentiment d'\textit{empathie} indépendamment d'une modification de distance entre les deux. Plus précisément, puisque ses mouvements et ses gestes s'inspirent des mouvements du corps humain, il est plus facile pour l’interprète de leur donner un sens, lorsque la distance entre lui et le robot est constante. C'est pourquoi nous nous sommes imaginées un scenario d'interaction basé sur ces principes. -Dans une de nos premiers expériences, le robot virtuel HRP-4 est préprogrammé pour rester immobile et alternativement équilibrer ses mouvements. Son Centre de masse (CoM) se déplace de droite à gauche sur l'axe y, crée une séquence rythmique similaire à une danse lente. -L'interprète imite cette fréquence pour donner l'impression d'une danse lente dématérialisée entre elle et -l'avatar du robot. Lorsque nécessaire, l'interprète propose des séquences d'improvisation en -réponse. Dans une autre expérience, le double virtuel du HRP-4 est manipulé par un opérateur humain, +Dans une de nos premières expériences, le robot virtuel HRP-4 est préprogrammé pour rester immobile et alternativement équilibrer ses mouvements. Son centre de masse (CoM) se déplace de droite à gauche sur l'axe y, crée une séquence rythmique similaire à une danse lente. L'interprète imite cette fréquence pour donner l'impression d'une danse corps à corps dématérialisée entre elle et l'avatar du robot. Lorsque nécessaire, l'interprète propose des séquences d'improvisation en réponse. Dans une autre expérience, le double virtuel du HRP-4 est manipulé par un opérateur humain, lors des exercices d'improvisation. Cela contraint l'interprète à réagir spontanément. L’opérateur humain n’a pas préparé la séquence de mouvements à l’avance, pour pouvoir réagir aux propositions de l’interprète. Cette expérience pourrait littéralement correspondre à une séquence d'improvisation de danse entre humains, mediée par le corps d’un robot virtuel. Cette situation a été abordée dans un contexte différent par Zaven Paré qui a fait une expérience de téléopération robotique en interaction avec Geminoid3 dans son ouvrage \textit{Le Robot et la Pomme}\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=HqP9kBPEtMQ} (2009). Des modèles d'interactivité similaires sont mis en œuvre dans le laboratoire INREV mettant l'accent sur importance de l’humain comme moteur et traducteur de l’interaction homme-machine\cite{plessiet2019mitmi}. -Nos observations actuelles nous amènent à conclure que le sentiment de complicité et d'empathie avec une machine est renforcé par le mouvement, le mimétisme et les similitudes dans la conception ou l’apparence. -Lors d'une improvisation virtuelle avec HRP-4, l'interprète peut facilement anticiper quelles articulations bougent, sans qu'il connait la séquence des mouvements. Dans une certaine mesure, lorsque notre vision périphérique est activée, nous pouvons ressentir la présence du robot virtuel sans vraiment le regarder. C'est une condition essentielle pour l'improvisation dansée. Reste à déterminer si cela peut être qualifié de réaction empathique, puis à comprendre comment cette condition déclenche la créativité. Entre les deux, nous souhaitons souligner le rôle de l'adaptation aux moments inattendus et contraintes techniques. Il est important de considérer les contingences comme des catalyseurs pour ce type d’interaction. En échangeant avec -des roboticiens, l’interprète doit avoir une connaissance préalable des fonctionnalités et des comportements des robots afin de stimuler tout son potentiel sur scène. Il doit également être prêt à improviser lorsque des événements inattendus se produisent et les intègrent dans le processus de co-création. +Ces expérimentations préliminaires nous montrent comment le sentiment de complicité et d'empathie avec une machine est renforcé par le mouvement, le mimétisme et les similitudes dans la conception ou l’apparence. Lors d'une improvisation avec le double virtuel de HRP-4, l'interprète peut facilement anticiper quelles articulations bougent, sans qu’il connaisse la séquence des mouvements du robot. Dans une certaine mesure, lorsque notre vision périphérique est activée, nous pouvons ressentir la présence du robot virtuel sans vraiment le regarder. C'est une condition essentielle pour l'improvisation dansée. Reste à déterminer si cela peut être qualifié de réaction empathique, puis à comprendre comment cette condition déclenche la créativité. Entre les deux, il est important souligner le rôle de l'adaptation aux moments inattendus et contraintes techniques. Considérer les contingences comme des catalyseurs pour ce type d’interaction, augmente le spectre possibilités de collaboration. En échangeant avec des roboticiens, l’interprète va avoir une connaissance préalable des fonctionnalités et des comportements d'un robot afin de stimuler tout son potentiel sur scène. Cela lui permettra également d'être prêt à improviser lorsque des événements inattendus se produisent, pour les intègrent dans le processus de co-création. -Dans les prochaines phases de notre projet, nous prévoyons de travailler sur d'autres scénarios d'interaction afin de comprendre la différence entre le fait d'improviser en temps réel avec un HRP-4, pour valoriser son mouvement. Cela signifie identifier la séquence la plus appropriée de mouvements combinés réflexes-intentionnels et -améliorer notre modèle scénique. Par conséquent, apprivoiser l' -\textit{Autre} représenté par HRP-4 et notre intention de co-créer avec lui, est toujours un travail en cours et nous comptons sur les évolutions technologiques futures pour améliorer nos modèles d’interaction. +Dans les prochaines phases de ma recherche-création, nous allons travailler sur d'autres scénarios d'interaction afin de comprendre la différence entre le fait d'improviser avec un HRP-4 réel et son double virtuel. Valoriser son mouvement implique identifier la séquence la plus appropriée de mouvements dont il est capable sur scène. Par conséquent, apprivoiser l'\textit{Autre} représenté par HRP-4 et mon intention de co-créer avec lui, dépend de mes capacités de programmation mais aussi du contexte actuel de ses développements technologiques. \section*{Conclusion} -Une partie de cette recherche sur le mouvement de HRP-4 s'est déroulée lors de plusieurs semaines de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, dans le cadre du projet CECCI-H2M du dispositif Artec. En juillet 2021, lors d'une première phase de ce projet, nous avons travaillé avec une version simplifiée du robot -une animata Arduino construite pour des déplacements aléatoires dans l’espace. Cette étape nous a permis de tester l’interaction avec un prototype doté d’un comportement involontaire. Lors des improvisations sur le plateau, nous avons cherché un terrain d’entente entre l’\gls{intelligence du corps} humain, la réponse du corps machinal de l’animata et la réactivité de l’environnement virtuel. L’influence de ces éléments artificiels sur l’expression corporelle du performeur, ainsi que les mouvements du \gls{dispositif animatronique}, sa fragilité et sa dimension réduite, ont provoqué une interaction instinctive, en marge d’une construction rationnelle basée sur de la réciprocité. +Une partie de cette recherche sur le mouvement de HRP-4 s'est déroulée lors de plusieurs semaines de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, dans le cadre du projet CECCI-H2M du dispositif Artec. En juillet 2021, lors d'une première phase de ce projet, nous avons travaillé avec une version simplifiée du robot - une animata Arduino construite pour des déplacements aléatoires dans l’espace. Cette étape nous a permis de tester l’interaction avec un prototype doté d’un comportement involontaire. Lors des improvisations sur le plateau, nous avons cherché un terrain d’entente entre l’\gls{intelligence du corps} humain, la réponse du corps machinal de l’animata et la réactivité de l’environnement virtuel. L’influence de ces éléments artificiels sur l’expression corporelle du performeur, ainsi que les mouvements du \gls{dispositif animatronique}, sa fragilité et sa dimension réduite, ont provoqué une interaction instinctive, en marge d’une construction rationnelle basée sur de la réciprocité. Quelques mois plus tard, lors d'une deuxième phase du projet nous avons projeté les mouvements du robot virtuel HRP-4 sur la performeuse afin de tester une forme de mimétisme gestuel. Cela nous a également permis d’approfondir les concepts d’altérité et d’autonomie des dispositifs robotiques\cite{jochum2013deus}. Les qualités de \textit{sauvage} ainsi que la notion d’\gls{umwelt} ont accompagné cette résidence artistique. Après quelques tests avec le robot virtuel, nous avons pu constater à quel point le virtuel reste une manifestation mystérieuse qui suscite l’imagination des artistes. Cela n’est possible qu’à partir de l’interprétation du virtuel comme un organisme différent, en manifestant une autonomie sensible à la perception du performeur. Cela nous a également permis de réfléchir aux contraintes issus de l’intégration des éléments virtuels et réels dans un projet performatif. Comme une négociation entre les solutions software et les dispositifs hardware, l’illusion du réel versus l’imaginaire virtuel et la place que chacune de ces dimensions occupe sur le plateau, représentent une phase importante de ce projet. -Lors la suite du travail pour CECCI-H2M fait toujours avec l'avatar virtuel de HRP-4, nous avons partagé des questionnements autour de l’altérité de sa figure mécanique et le concept d' \textit{uncanny} produit par ses mouvements remarquablement naturels. Les différences entre l’organicité du corps humain et l’ artificialité du robot ont ainsi devenu une source d’inspiration, comme une matière à détourner. En 2022, pour imaginer de nouvelles formes d’écriture corporelle en vue d’une improvisation performative, le travail de programmation du robot HRP-4 a été réalisé en deux temps. D’abord une familiarisation avec les systèmes MoCap utilisés par l’équipe du laboratoire et l’installation de plugins qui nous ont permis de simuler en temps réel les séquences de mouvement de l'humain sur le robot virtuel. Ensuite, des tests avec le robot HRP réel ont été réalisés en mars 2022. Ces tests ont facilité la mise en place d’une séquence de mouvements sur une chaise. Ce choix de faire s’asseoir le robot sur la chaise vient comme un résultat de nos réflexions sur les contraintes d’équilibre du robot, lors des séances d’improvisation. La mise en place la plus simple, pensée avec les ingénieurs de l’équipe de prof. Kheddar, a été l’organisation de ces séquences dans de programmes de type F.S.M (Finite State Machines) qui permettent une meilleure organisation des transitions entre différentes postures. +Lors de la suite du travail pour CECCI-H2M fait toujours avec l'avatar virtuel de HRP-4, nous avons partagé des questionnements autour de l’altérité de sa figure mécanique et le concept d'\textit{uncanny} produit par ses mouvements remarquablement naturels. Les différences entre l’organicité du corps humain et l’artificialité du robot ont ainsi devenu une source d’inspiration, comme une matière à détourner. En 2022, pour imaginer de nouvelles formes d’écriture corporelle en vue d’une improvisation performative, le travail de programmation du robot HRP-4 a été réalisé en deux temps. D’abord une familiarisation avec les systèmes MoCap utilisés par l’équipe du laboratoire et l’installation de plugins qui nous ont permis de simuler en temps réel les séquences de mouvement de l'humain sur le robot virtuel. Ensuite, des tests avec le robot HRP réel ont été réalisés en mars 2022. Ces tests ont facilité la mise en place d’une séquence de mouvements sur une chaise. Ce choix de faire s’asseoir le robot sur la chaise vient comme un résultat de nos réflexions sur les contraintes d’équilibre du robot, lors des séances d’improvisation. La mise en place la plus simple, pensée avec les ingénieurs de l’équipe de prof. Kheddar, a été l’organisation de ces séquences dans des programmes de type F.S.M (Finite State Machines) qui permettent une meilleure organisation des transitions entre différentes postures. Comme hypothèse de recherche pour une chorégraphie mimétique, j’ai pu créer des simulations de séquences de mouvement sur le robot virtuel. Dans un premier temps, j’ai décidé d'associer la figure du robot à celle d’un danseur de slow, réalisant quelques tests d’interaction réelle avec la version physique du HRP-4. Ensuite j’ai effectué un travail de gestes inspirés par les postures de dirigeants politiques, pour voir dans quelle mesure les postures de pouvoir sont incarnées par des gestuelles et non par des attitudes. Le pouvoir que nous leur désignons est parfois le pouvoir de fascination que leur potentiel exerce sur nous, sans s’en rendre compte. Dans cette configuration centrée sur la fascination d’un objet inanimé, nous avons voulu comprendre dans quelle mesure le mouvement et les gestes dansés deviennent vecteurs d’influence. -Une autre séquence de mouvements a été préparée pour une troisième et dernière résidence de création au Centre des Arts d’Enghien Les Bains en septembre 2022. Pour cela, j’ai codé une séquence de mouvement sur la chaise qui dure approximativement 2 minutes. A l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisis initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du dragon et les états F.S.M. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produites par Hui-Tin Hong a été fait sur place. Une autre séquence de code, cette fois en montrant le robot applaudir a été rajoutée ultérieurement. Ainsi le robot virtuel est apparu dans deux moments différents de la performance- au départ sur une chaise pour présenter sa danse et à la fin début pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre avec la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt: le robot virtuel tourne sa tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une façon d’évaluer la danse des performeuses. +Une autre séquence de mouvements a été préparée pour une troisième et dernière résidence de création au Centre des Arts d’Enghien Les Bains en septembre 2022. Pour cela, j’ai codé une séquence de mouvement sur la chaise qui dure approximativement 2 minutes. +À l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisies initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du Dragon et les états F.S.M. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produits par Hui-Tin Hong a été fait sur place. Une autre séquence de code, cette fois en montrant le robot applaudir, a été rajoutée ultérieurement. Ainsi le robot virtuel est apparu dans deux moments différents de la performance - au départ sur une chaise pour présenter sa danse et à la fin debout pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre avec la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt: le robot virtuel tourne sa tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une façon d’évaluer la danse des performeuses. -En parallèle avec le projet CECCI-H2M, d'autres moments de recherche et d'écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des techniques de shaking, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. J'ai pu effectuer une exploration sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique de mes muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro, en mai 2022 toujours pour CECCI-H2M. +En parallèle avec le projet CECCI-H2M, d'autres moments de recherche et d'écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des techniques de shaking, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. J'ai pu effectuer une exploration sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique de mes muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro, en mai 2022, toujours pour CECCI-H2M. \chapter{Étude(s) de terrain} @@ -1184,10 +1140,10 @@ Dans ce contexte, sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, nous avo \item Le degré d'acceptation du deuxième participant humain dépend du degré de familiarité du participant avec le robot \item Dans un contexte tiers humanoïde-robot-danseur-humain, le danseur est moins perçu mais il est vu comme une source d'inspiration lors de la phase d'improvisation \item Les participants étaient moins intéressés à toucher physiquement le robot, quelle que soit sa forme - \item Les participants ont préféré imiter et improviser avec les robots plutôt qu'avec le danseur. + \item Les participants ont préféré imiter et improviser avec les robots plutôt qu'avec le danseur \item Le sentiment de synchronisation avec les robots était moins présent lors de la phase d'improvisation - \item Lors de la phase d'improvisation, les participants projetaient et attendaient une réactivité de la part du bras industriel mais moins de la part de l'humanoïde. - \item Durant la phase d'improvisation, les participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée. + \item Lors de la phase d'improvisation, les participants projetaient et attendaient une réactivité de la part du bras industriel mais moins de la part de l'humanoïde + \item Durant la phase d'improvisation, les participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée \end{itemize} @@ -1251,9 +1207,11 @@ Ces deux expériences de terrain nous ont offert la possibilité de mettre en œ -A la description du corps par Latour que j'ai mentionné plus haut, je rajoute celle de Hubert Godard\cite{godard1994geste} pour qui \textit{le corps n'existe pas, nous sommes que du tissu conjonctif\footnote{The body does not exist, we are nothing but connective tissue.}.} +À la description du corps par Latour que j'ai mentionnée plus haut, je rajoute celle de Hubert Godard\cite{godard1994geste} pour qui \textit{le corps n'existe pas, nous sommes que du tissu conjonctif\footnote{The body does not exist, we are nothing but connective tissue.}.} -Cela nous permets d'envisager les composantes sociales et culturelles du corps, dans sa dynamique avec l’environnent. Dans notre cas, les actes artistiques qui engagent un dialogue entre le corps et les technologies numériques favorisent une construction collaborative de nouveaux états physiques, perceptives, et même de conscience. Est-ce que cette conscience pourra un jour être appelée \textit{artificielle}, reste à voir. Pour l'instant le terme \textit{art.ificiel} renvoie plus à un jeu de mots entre construction artistique et \textit{artifice} dont un synonyme renvoie au \textit{subterfuges}. +Cela nous permet d'envisager les composantes sociales et culturelles du corps, dans sa dynamique avec l’environnent. Dans notre cas, les actes artistiques qui engagent un dialogue entre le corps et les technologies numériques favorisent une construction collaborative de nouveaux états physiques, perceptifs, et même de conscience. +Que cette conscience puisse un jour être appelée \textit{artificielle} reste à voir. +Pour l'instant le terme \textit{art.ificiel} renvoie plus à un jeu de mots entre construction artistique et \textit{artifice}, dont un synonyme est le mot \textit{subterfuge}. \section{Les robots, les ours et le désir d'inter-subjectivité.} @@ -1261,9 +1219,10 @@ Cela nous permets d'envisager les composantes sociales et culturelles du corps, Cette section présente la relation entre la danse improvisée et la robotique, dans le contexte de la performance \textit{This is where I differ with Herzog} (TIWIDWH). Considérant des concepts comme la figuration, l'intention, l'\gls{exaptation}, nous mettons en avant une inter-subjectivité entre la figure d’un ours sauvage et celle d’un robot, comme métaphore des considérations féministes d'un nouveau type de matérialisme. -\textit{TIWIDWH} est d'abord une mise en abyme de mon processus de recherche-création, revu dans l'optique du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Rapprocher la figure du robot à celle du vampire puis de l'ours sauvage m'a aidé clarifier le statut qu'un robot peut avoir, à l'intérieur de mon expérience artistique. Par ce biais, j'ai pu également approfondir mes intuitions quant au potentiel scénique des robots - en tant que source d'inspiration pour une expressivité corporelle qui cherche à déconstruire le rapport au corps. J'ai aussi pu parler ouvertement des peurs et incertitudes quant à mes ambitions de traiter le sujet de \gls{conscience artificielle} lors de cette thèse. En contrepoids de ces projections artistiques, j'ai mis en avant le réalisme excentrique de Herzog, artiste visionnaire qui a passé des années à poursuivre des projets impossibles à réaliser. Dans son journal \textit{Conquest of the Useless: Reflections from the Making of Fitzcarraldo}\cite{herzog2009conquest} - qui m'a accompagné tel un livre de bord dans plusieurs projets artistiques - Herzog évoque les difficultés qu'il a rencontré pour réaliser le film \textit{Fitzcarraldo} (1982) où il tourne en plein milieu de la forêt péruvienne. L'historie suit les aventures d'un personnage original, parti construire une opéra pour inviter Enrico Caruso et Sarah Bernhardt se produire dans la jungle. Lorsqu'un de ses plans initiaux échouent à cause de la météo, il décide de poursuivre son voyage, en faisant tirer le bateau, avec des cordes sur une montagne. Pour réaliser ce projet, Herzog s'est investi au point de mettre en danger sa vie, en tombant gravement malade sur le tournage, ou en négociant avec des chefs de tribu de la jungle péruvienne. Loin d’être proche de ses exploits, je m'inspire de ce journal pour trouver le juste milieu entre engagement, ambition, lâcher-prise et auto-dérision. +\textit{TIWIDWH} est d'abord une mise en abyme de mon processus de recherche-création, revu dans l'optique du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Rapprocher la figure du robot à celle du vampire puis de l'ours sauvage m'a aidée à clarifier le statut qu'un robot peut avoir, à l'intérieur de mon expérience artistique. Par ce biais, j'ai pu également approfondir mes intuitions quant au potentiel scénique des robots - en tant que source d'inspiration pour une expressivité corporelle qui cherche à déconstruire le rapport au corps. J'ai aussi pu parler ouvertement des peurs et incertitudes quant à mes ambitions de traiter le sujet de \gls{conscience artificielle} lors de cette thèse. En contrepoids de ces projections artistiques, j'ai mis en avant le réalisme excentrique de Herzog, artiste visionnaire qui a passé des années à poursuivre des projets impossibles à réaliser. Dans son journal \textit{Conquest of the Useless: Reflections from the Making of Fitzcarraldo}\cite{herzog2009conquest} - qui m'a accompagné tel un livre de bord dans plusieurs projets artistiques - Herzog évoque les difficultés qu'il a rencontré pour réaliser le film \textit{Fitzcarraldo} (1982) où il tourne en plein milieu de la forêt péruvienne. L'historie suit les aventures d'un personnage original, parti construire un opéra pour inviter Enrico Caruso et Sarah Bernhardt à se produire dans la jungle. Lorsqu'un de ses plans initiaux échouent à cause de la météo, il décide de poursuivre son voyage, en faisant tirer le bateau, avec des cordes sur une montagne. Pour réaliser ce projet, Herzog s'est investi au point de mettre en danger sa vie, en tombant gravement malade sur le tournage, ou en négociant avec des chefs de tribu de la jungle péruvienne. Loin d’être proche de ses exploits, je m'inspire de ce journal pour trouver le juste milieu entre engagement, ambition, lâcher-prise et auto-dérision. \begin{figure} + \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/fizzcaraldo} \caption{Poster du film \textit{Fizzcaraldo}. Source: https://www.themoviedb.org/movie/9343-fitzcarraldo.} \label{fig:fizzcaraldo} @@ -1274,13 +1233,13 @@ Lorsqu'il parle de \textit{Fitzcarraldo}, Herzog impressionne par son honnêtet ``Une vision m'avait saisi, comme la fureur démente d'un chien qui a enfoncé ses dents dans la patte d'une carcasse de cerf et qui secoue et tire le gibier abattu si frénétiquement que le chasseur renonce à essayer de le calmer. C'était la vision d'un grand bateau à vapeur escaladant par ses propres moyens une colline, gravissant une pente raide dans la jungle, tandis qu'au-dessus de ce paysage naturel, qui brise les faibles et les forts avec une égale férocité, s'élève la voix de Caruso, faire taire toute la douleur et toutes les voix de la forêt primitive et noyer tous les chants d'oiseaux. Pour être plus précis : l'oiseau crie, car dans ce décor laissé inachevé et abandonné par Dieu dans sa colère, les oiseaux ne chantent pas ; ils hurlent de douleur, et les arbres confus s'entremêlent comme des Titans en guerre, d'un horizon à l'autre, dans une création fumante encore en formation. Haletants et épuisés, ils se trouvent dans cette misère irréelle - et moi, comme une strophe dans un poème écrit dans une langue étrangère inconnue, je suis profondément secoué\footnote{en anglais: ``A vision had seized hold of me, like the demented fury of a hound that has sunk its teeth into the leg of a deer carcass and is shaking and tugging at the downed game so frantically that the hunter gives up trying to calm him. It was the vision of a large steamship scaling a hill under its own steam, working its way up a steep slope in the jungle, while above this natural landscape, which shatters the weak and the strong with equal ferocity, soars the voice of Caruso, silencing all the pain and all the voices of the primeval forest and drowning out all birdsong. To be more precise: bird cries, for in this setting, left unfinished and abandoned by God in wrath, the birds do not sing; they shriek in pain, and confused trees tangle with one another like battling Titans, from horizon to horizon, in a steaming creation still being formed. Fog-panting and exhausted they stand in this unreal misery - and I, like a stanza in a poem written in an unknown foreign tongue, am shaken to the core.”}.”\cite{herzog2009conquest} \end{quote} Le rapport que Herzog a vis à vis de son propre travail, a toujours été un exemple pour moi. Son humilité, tout comme son ambition démesuré, touchent à quelque chose de primitif, qui contrarie. Il se désigne plutôt témoin que créateur, dont la mission est d'articuler les rêves qui peuplent notre époque. Pour lui, chaque humain aspire au fond de lui aux mêmes idéaux, il a les mêmes angoisses, parfois sans le savoir, et le travail d'un artiste est de mettre en place les conditions pour que cela se manifeste. Dans ses films, il part du particulier et de l'intime pour parler de l’universel. -A mon tour, j'ai essayé d'appliquer ces principes, observer et laisser le corps s’exprimer au travers la danse, plutôt que de \textit{le faire danser} telle une marionnette. J'ai passé du temps à me connecter avec mes sens, trouver une écoute du corps pour mieux renouer avec mon intention de créer. Cela m'a permis de me sentir plus disponible dans mon interaction avec des robots. J'ai vécu cet apprentissage comme un sorte d'encrage dans un avenir possible, où les machines envahissent notre quotidien et nous absorbent dans leur monde. Je me rends compte à quel point cela est vecteur d'une disruption. L’altérité des machines, tout ce qu'il y a de non-dit et caché dans une \textit{relation} avec eux, ont fortement perturbé ma liberté artistique. Danser avec des robots reste une expérience singulière, à l'opposé d'une immersion dans la nature, ou d'une expérience sensorielle partagée avec un humain. -Dans le même temps, bien qu'ils sont inanimés, leur fonctionnement s'inspire des lois biologiques, ils simulent l'autonomie, l'intelligence et dernièrement l'émotion humaine. Grace à leur présence accrue dans nos sociétés, nous commençons les envisager comme des êtres à part entière. -J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me demander si cela est juste ou pas. J'ai voulu mieux les connaitre, sans que cela soit très clair ce qu'ils représentent pour moi, ou pour notre société, une fois que leur performance et fonctionnalité passent en second plan. Évidemment dans ce type de projection, il n'y a pas de meilleure façon de faire. Mon expérience au laboratoire est peu à peu devenue proche d'une expérience anthropologique, qui m'a permis de rencontrer une autre culture- celle des robots et des roboticiens. +À ma façon, j'ai essayé d'appliquer ces principes, observer et laisser le corps s’exprimer à travers la danse, plutôt que de \textit{le faire danser} telle une marionnette. J'ai passé du temps à me connecter avec mes sens, trouver une écoute du corps pour mieux renouer avec mon intention de créer. Cela m'a permis de me sentir plus disponible dans mon interaction avec des robots. J'ai vécu cet apprentissage comme une sorte d’ancrage dans un avenir possible, où les machines envahissent notre quotidien et nous absorbent dans leur monde. Je me rends compte à quel point cela est vecteur d'une disruption. L’altérité des machines, tout ce qu'il y a de non-dit et caché dans une \textit{relation} avec eux, ont fortement perturbé ma liberté artistique. Danser avec des robots reste une expérience singulière, à l'opposé d'une immersion dans la nature, ou d'une expérience sensorielle partagée avec un humain. +Dans le même temps, bien qu'ils sont inanimés, leur fonctionnement s'inspire des lois biologiques, ils simulent l'autonomie, l'intelligence et dernièrement l'émotion humaine. Grâce à leur présence accrue dans nos sociétés, nous commençons à les envisager comme des êtres à part entière. +J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me demander si cela est juste ou pas. J’ai voulu mieux les connaître, sans que ce qu’ils représentent soit très clair ni pour moi ni pour notre société, une fois que leur performance et fonctionnalité passent en second plan. Évidemment dans ce type de projection, il n'y a pas de meilleure façon de faire. Mon expérience au laboratoire est peu à peu devenue proche d'une expérience anthropologique, qui m'a permis de rencontrer une autre culture - celle des robots et des roboticiens. \subsection{Présentation publique} -Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail publique avec le robot HRP-4 le 31 mars 2023, au studio de danse La Nef à Montpellier. Entre communication scientifique et proposition artistique, notre idée à été de confronter ce format expérimental devant les spectateurs, pour avoir leurs impressions et échanger sur la potentialité artistique des robots. Sous la forme d'une conférence performative, à la croisée des disciplines comme la cognition incarnée, l’improvisation dansée et la robotique, nous avons alterné entre des moments explicatifs et des moments performatifs de danse. Au cours de 40 minutes de musique live, d'interaction de danse H2R et démonstrations des pratiques somatiques, le public a découvert un format expérimental entre communication scientifique et performance artistique avec des robots. Sur scène trois humains (Arnaud Tanguy comme ingénieur de recherche du robot HRP-4, Maxime Aleves pour la création sonore et moi-même en tant que performeuse) plus le robot HRP-4. En dehors de la scène, Thomas Guillot en tant que collaborateur artistique de la compagnie Desiderate. +Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail public avec le robot HRP-4 le 31 mars 2023, au studio de danse La Nef à Montpellier. Entre communication scientifique et proposition artistique, notre idée à été de confronter ce format expérimental devant les spectateurs, pour avoir leurs impressions et échanger sur la potentialité artistique des robots. Sous la forme d'une conférence performative, à la croisée des disciplines comme la cognition incarnée, l’improvisation dansée et la robotique, nous avons alterné entre des moments explicatifs et des moments performatifs de danse. Au cours de 40 minutes de musique live, d'interaction de danse H2R et démonstrations des pratiques somatiques, le public a découvert un format expérimental entre communication scientifique et performance artistique avec des robots. Sur scène il y avait trois humains (Arnaud Tanguy comme ingénieur de recherche du robot HRP-4, Maxime Aleves pour la création sonore et moi-même en tant que performeuse) plus le robot HRP-4. En dehors de la scène se trouvait Thomas Guillot, le collaborateur artistique de longue date de la compagnie Desiderate. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/nef_intro} @@ -1292,21 +1251,21 @@ Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail publique avec le robot HRP \begin{itemize} \item une table centrale et deux chaises où sont assis le robot et le performeur \item un endroit pour la musique live en arrière-plan, côté gauche du public - \item un endroit pour la maintenance technique avec les équipements et ordinateurs du robot et l'ingénieur de recherche, côté droite du public. + \item un endroit pour la maintenance technique avec les équipements et ordinateurs du robot et l'ingénieur de recherche, côté droit du public \end{itemize} -La présentation se déroule elle aussi en trois temps. Le public est d'abord invité à intégrer une expérience somatique collective pendant que le robot calibre, puis le performer et le robot prennent place à la table, tandis que le performeur entame une conférence ponctuée de notes théoriques et anecdotes personnelles, d'enregistrements et des vidéos d'archive ainsi que de quelques moments d'interruption spontanés pour des démonstrations pratiques. Le dernier moment est une improvisation dansée sur des chaises, inspirée par le spectacle \textit{Rosas dans Rosas} de Keersmaeker. +La présentation se déroule elle aussi en trois temps. Le public est d'abord invité à intégrer une expérience somatique collective pendant que le robot calibre, puis le performer et le robot prennent place à la table, tandis que le performeur entame une conférence ponctuée de notes théoriques et anecdotes personnelles, d'enregistrements et de vidéos d'archive ainsi que de quelques moments d'interruption spontanés pour des démonstrations pratiques. Le dernier moment est une improvisation dansée sur des chaises, inspirée par le spectacle \textit{Rosas dans Rosas} de De Keersmaeker. -Ce projet transdisciplinaire a vu le jour grâce au soutien de l’équipe IDH du LIRMM, de la coopérative artistique La Nef et du studio de la compagnie de danse Mathilde Monnier à Montpellier. Le cadre théorique inclut des observations quant à des interactivités possibles entre des danseurs et un robot humanoïde, ainsi que mes hypothèses de recherche sur la créativité et une possible \gls{conscience artificielle} en relation avec des robots. L'interactivité est vue ici comme une forme d’échange entre des agents vivants et non-vivants. Depuis l’avènement des interfaces numériques, la question de la répartition hiérarchisée des rôles n'est plus d'actualité. L’humain n’a plus une part exclusivement active, étant en interdépendance avec les appareils qu’il utilise. Comme le montre \cite{circu2023isea}, dans la danse HRI, le lien entre l'hybridation et l'\gls{expérience technesthétique} passe par des cycles récurrents d'imitation de la danse et d'expression improvisée de la danse. Par le mouvement, notre proposition artistique met en place les permises d'une relation d'interdépendance entre l'humain et la machine. Cette relation peut évoluer dans une forme d'\gls{intersubjectivité} entre danseurs et robots qui improvisent sur scène. +Ce projet transdisciplinaire a vu le jour grâce au soutien de l’équipe IDH du LIRMM, de la coopérative artistique La Nef et du studio de la compagnie de danse Mathilde Monnier à Montpellier. Le cadre théorique inclut des observations quant à des interactivités possibles entre des danseurs et un robot humanoïde, ainsi que mes hypothèses de recherche sur la créativité et une possible \gls{conscience artificielle} en relation avec des robots. L'interactivité est vue ici comme une forme d’échange entre des agents vivants et non-vivants. Depuis l’avènement des interfaces numériques, la question de la répartition hiérarchisée des rôles n'est plus d'actualité. L’humain n’a plus une part exclusivement active, étant en interdépendance avec les appareils qu’il utilise. Comme le montre \cite{circu2023isea}, dans la danse qui implique une HRI le lien entre l'hybridation et l'\gls{expérience technesthétique} passe par des cycles récurrents d'imitation de la danse et d'expression improvisée de la danse. Par le mouvement, notre proposition artistique met en place les permises d'une relation d'interdépendance entre l'humain et la machine. Cette relation peut évoluer dans une forme d'\gls{intersubjectivité} entre danseurs et robots qui improvisent sur scène. Les outils d'évaluation de la créativité comme les tests Torrance pour la pensée créative\footnote{https://neurosciencenews.com/ai-creativity-23585} peinent à suivre le rythme des projets artistiques, depuis l'apparition des outils comme ChatGPT\footnote{https://chat.openai.com/auth/login}. Dans le domaine de la performance, les nouveaux médias emploient des technologies comme les robots industriels, en dehors de leur contexte d'origine. L’environnement scénique transforme tous les acteurs en contributeurs égaux de la proposition artistique, quel que soit leur symbole social. -Nous défendons cette piste du mouvement et son lien avec la conscience car l'intelligence corporelle (tout comme la mimesis dans la danse), est un facteur clé pour comprendre les origines de la cognition sociale. L'émergence de l'imitation, de l'\gls{intersubjectivité} et des gestes chez les primates\cite{zlatev2008proto}, tout comme la réflexion sur l'héritage de la danse à partir des rituels et comportements sociaux, traitent la question de l'improvisation avec beaucoup d’intérêt. En générant des nouvelles matières de mouvement, l'improvisation propose une nouvelle organisation du corps. Cette organisation peut-être influencée par l'environnement ou par les artefacts qui l'accompagnent. De plus, la danse improvisée est un mouvement intentionnel qui nécessite de l'inspiration et un certain état d'intention. C'est pourquoi co-créer une performance avec un robot social\cite{duffy2003anthropomorphism} et comprendre le rôle qu'il joue dedans, est un phenomene complexe. +Nous défendons cette piste du mouvement et son lien avec la conscience car l'intelligence corporelle (tout comme la mimesis dans la danse), est un facteur clé pour comprendre les origines de la cognition sociale. L'émergence de l'imitation, de l'\gls{intersubjectivité} et des gestes chez les primates\cite{zlatev2008proto}, tout comme la réflexion sur l'héritage de la danse à partir des rituels et comportements sociaux, traitent la question de l'improvisation avec beaucoup d’intérêt. En générant de nouvelles matières de mouvement, l'improvisation propose une nouvelle organisation du corps. Cette organisation peut être influencée par l'environnement ou par les artefacts qui l'accompagnent. De plus, la danse improvisée est un mouvement intentionnel qui nécessite de l'inspiration et un certain état d'intention. C'est pourquoi co-créer une performance avec un robot social\cite{duffy2003anthropomorphism} et comprendre le rôle qu'il joue dedans, est un phénomène complexe. Lorsqu’ils interagissent avec un non-humain sur scène, les humains interprètent le sens des ses actions et s'adaptent en conséquence. Cependant l'action d'un robot est actuellement le résultat des algorithmes de calcul. Si un jour les robots auront une conscience, la question de l'intention et de l'adaptation devrait être incluse dans des considérations éthiques co-écrites par des humains et des robots. Dans le sillage de l'\gls{intelligence artificielle générale} (AGI), les entités, y compris les œuvres d'art ou les robots, peuvent devenir des objets de préoccupation morale, une fois qu'elles ont acquis une expérience en lien avec la conscience\cite{mosakas2021moral}. -Des recherches concernant l’éthique des machines mettent en parallèle le cas des animaux artistes\cite{trentesaux2020ethique}. L'exemple de l'éléphant Yumeka\footnote{https://www.chinadaily.com.cn/a/201806/06/WS5b173a52a31001b82571e6a0.html} soulève des questions quant à la paternité et l'appartenance de ces nouvelles compétences artistiques. Nous pouvons l'extrapoler à des robots dotés d'une \gls{intelligence artificielle générative}. +Des recherches concernant l’éthique des machines mettent en parallèle le cas des animaux artistes\cite{trentesaux2020ethique}. L'exemple de l'éléphant Yumeka\footnote{https://www.chinadaily.com.cn/a/201806/06/WS5b173a52a31001b82571e6a0.html} soulève des questions quant à la paternité et l'appartenance de ces nouvelles compétences artistiques. Nous pouvons l'extrapoler à des robots dotés d'une \gls{intelligence artificielle générative}, mais leur créativité et intention artistique nous échappent. -Influencés par\cite{penny2013art}, nous considérons l'inspiration comme un processus incarné et dynamique qui peut être étendu aux artefacts. Lors du développement de l'intelligence artificielle centrée sur l'humain et d'autres types d'intelligence hybride, il existe ``un besoin urgent d'enrichir ces applications avec les connaissances sur la créativité obtenues au cours des dernières décennies dans les sciences psychologiques”\cite{rafner2023creativity}. Tout au long de ce projet de thèse, je cherche à comprendre comment les robots danseraient s’ils étaient conscients et comment nous travaillerions ensemble dans une improvisation \textit{close-contact} ou en contact étroit. Mes interrogations se formulent par rapport à la notion d'\gls{intersubjectivité} vue comme une forme de transfert entre robots capables de \gls{conscience artificielle} (AC)\footnote{comme déjà précisé dans le 2éme chapitre, le terme de conscience artificielle que nous appliquons n'est qu'une supposition de ce qu'il pourrait signifier dans un contexte de danse avec les robots et comment cela pourrait influencer un processus de co-création. Pour illustrer, nous faisons un parallèle entre les robots et les animaux sauvages. Un robot ressemble peut-être à un ours en raison de sa force et de son poids, ainsi que du fait qu'il passe beaucoup de temps en état d'hibernation ou d'inactivité. Autrefois, dans les pays d'Europe de l'Est, les ours étaient utilisés pour divertir la foule, avec des dresseurs qui leur enseignaient des acrobaties rudimentaires et des danses afin d'imiter les humains. De plus, un ours qui peint n'exprime pas sa sensibilité à travers son acte, mais un observateur percevrait le résultat comme créatif et réagirait avec sensibilité à son sujet.} et les danseurs. Cette dynamique peut entrainer des processus de co-création, où l'intention de la machine est tout autant importante que celle de l'humain. Ainsi, nous considérons la notion d'\gls{exaptation}\cite{la2020understanding} comme un contrepoids de l'inspiration, comprise ici comme l'émergence d'une fonctionnalité latente dans des artefacts. Ce mécanisme de nouveauté et d'innovation reprends nos hypothèses de recherche-création en début de ce manuscrit. Il est résumé auprès des spectateurs de la manière suivante : +Influencés par \cite{penny2013art}, nous considérons l'inspiration comme un processus incarné et dynamique qui peut être étendu aux artefacts. Lors du développement de l'intelligence artificielle centrée sur l'humain et d'autres types d'intelligence hybride, il existe ``un besoin urgent d'enrichir ces applications avec les connaissances sur la créativité obtenues au cours des dernières décennies dans les sciences psychologiques”\cite{rafner2023creativity}. Tout au long de ce projet de thèse, je cherche à comprendre comment les robots danseraient s’ils étaient conscients et comment nous travaillerions ensemble dans une improvisation \textit{close-contact} ou en contact étroit. Mes interrogations se formulent par rapport à la notion d'\gls{intersubjectivité} vue comme une forme de transfert entre robots capables de \gls{conscience artificielle} (AC)\footnote{comme déjà précisé dans le 2éme chapitre, le terme de conscience artificielle que nous appliquons n'est qu'une supposition de ce qu'il pourrait signifier dans un contexte de danse avec les robots et comment cela pourrait influencer un processus de co-création. Pour illustrer, nous faisons un parallèle entre les robots et les animaux sauvages. Un robot ressemble peut-être à un ours en raison de sa force et de son poids, ainsi que du fait qu'il passe beaucoup de temps en état d'hibernation ou d'inactivité. Autrefois, dans les pays d'Europe de l'Est, les ours étaient utilisés pour divertir la foule, avec des dresseurs qui leur enseignaient des acrobaties rudimentaires et des danses afin d'imiter les humains. De plus, un ours qui peint n'exprime pas sa sensibilité à travers son acte, mais un observateur percevrait le résultat comme créatif et réagirait avec sensibilité à son sujet.} et les danseurs. Cette dynamique peut entrainer des processus de co-création, où l'intention de la machine est tout autant importante que celle de l'humain. Ainsi, nous considérons la notion d'\gls{exaptation}\cite{la2020understanding} comme un contrepoids de l'inspiration, comprise ici comme l'émergence d'une fonctionnalité latente dans des artefacts. Ce mécanisme de nouveauté et d'innovation reprend nos hypothèses de recherche-création présentées au début de ce manuscrit. Il est résumé auprès des spectateurs de la manière suivante : \begin{itemize} @@ -1318,60 +1277,60 @@ Influencés par\cite{penny2013art}, nous considérons l'inspiration comme un pro \end{itemize} -Puis repris comme indication dramaturgique et comme contrainte d'improvisation pour la danseuse et le robot. Ce processus de retranscription des questionnements théoriques en thèmes et motifs de danse est abstrait. Autre que le ressenti intime de la performeuse puis l'expression que cela a produit lors de sa danse, le robot n'a pas su répondre autrement qu'en exécutant à son tour l'algorithme qui mettait en action ses actuateurs et moteurs. Ces trois questions sont restées ouvertes à la fin de la représentation. Elles ont servi comme propos pour une interrogation collective, dont les observations théoriques sont présentées dans ces pages. +Ces questions sont reformulées comme indication dramaturgique et comme contrainte d'improvisation lorsque la danseuse interagit avec le robot. Ce processus de retranscription ou de traduction des questionnements théoriques en thèmes et motifs de danse reste abstrait. Autre que le ressenti intime de la performeuse puis l'expression que cela a produit lors de sa danse, il n'y a pas de dialogue possible. Le robot ne peut pas répondre à ces questions autrement qu'en exécutant à son tour l'algorithme qui mettait en action ses actuateurs et moteurs. C'est pour cela que nos trois questions sont restées ouvertes à la fin de la représentation. Elles ont servi comme propos pour une interrogation collective, dont les observations théoriques sont présentées dans ces pages. \subsection{Les robots et leurs métaphores} -Lors de ses propres expérimentations, Simon Penny souligne l'importance du langage pour définir les nouveautés technologiques. Des termes comme \textit{conscience} existent dans notre langage depuis moins de cents ans, ses implications doivent être appliqués à des contextes spécifiques. Paralellement, pour le chercheur Tom Ziemke, la conscience ``naît de la maîtrise des connaissances sensorimotrices résultant de l'interaction entre l'agent et l'environnement, dans l'optique que la régulation homéostatique du corps vivant est cruciale pour le soi et la conscience\cite{ziemke2007embodied}”. Le schéma présentée ci-dessous représente mon cadre théorique, synthétisant la relation entre un agent (représenté par son environnement sensoriel ou \textit{umwelt}) et son monde ou environnement expérientiel, suivant l'autorégulation interne (\gls{autopoiesis}) spécifique aux processus cognitifs incarnés: +Lors de ses propres expérimentations, Simon Penny souligne l'importance du langage pour définir les nouveautés technologiques. Des termes comme \textit{conscience} existent dans notre langage depuis moins de cent ans, ses implications doivent être appliquées à des contextes spécifiques. Parallèlement, pour le chercheur Tom Ziemke, la conscience ``naît de la maîtrise des connaissances sensorimotrices résultant de l'interaction entre l'agent et l'environnement, dans l'optique que la régulation homéostatique du corps vivant est cruciale pour le soi et la conscience\cite{ziemke2007embodied}”. Le schéma présenté ci-dessous représente mon cadre théorique, synthétisant la relation entre un agent (représenté par son environnement sensoriel ou \textit{umwelt}) et son monde ou environnement expérientiel, suivant l'autorégulation interne (\gls{autopoiesis}) spécifique aux processus cognitifs incarnés. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.5\linewidth]{schema_umwelt.png} - \caption{Relation between an agent and its environment, based on the notes of\cite{penny2013art}. Source: personal archive} + \caption{Relation entre un agent et son environnement, basée sur les notes de\cite{penny2013art}. Source: archive personnelle} \end{figure} -Il décrit également le lien entre la matière et l'environnement, revisité dans la perspective du \gls{matérialisme féministe} que nous avons déjà mentionné. Sous une forme simplifiée, cela met en avant les principes d'un matérialisme influencé par l’expérience cognitive. Cette nouvelle vision du matérialisme est revisitée par des penseuses féministes comme Karen Barad \cite{barad2003posthumanist}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2017four}, Donna Haraway\cite{haraway2016staying} et Sarah Truman\cite{truman2015primacy, truman2021feminist}, entre autres. +Il décrit également le lien entre la matière et l'environnement, revisité dans la perspective du \gls{matérialisme féministe} que nous avons déjà mentionné. Sous une forme simplifiée, cela met en avant les principes d'un matérialisme influencé par l’expérience cognitive. Cette nouvelle vision du matérialisme est revisitée par des penseuses féministes comme Karen Barad\cite{barad2003posthumanist}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2017four}, Donna Haraway\cite{haraway2016staying} et Sarah Truman\cite{truman2015primacy, truman2021feminist}, entre autres. Selon ces autrices tous les êtres (vivants ou non-vivants) sont en égale mesure concernés par l'Art, la Science et leurs potentialités pour mieux façonner notre avenir. Le concept de \textit{Zoe} de Braidotti soutient l'idée de \textit{matérialisme vital}, issu de la philosophie de Baruch Spinoza selon laquelle le monde est constitué d'une seule et même matière, intelligente et auto-organisée. Cette matière est la base d'un processus continu de transformation pour créer et dissoudre des formes. Donna Haraway avance le concept de Chthulucene\footnote{une époque dans laquelle l’humain et le non-humain sont inextricablement liés, différente de l'Anthropocène, le Plantationocène ou le Capitalocène qui sont définies selon elle, par des concepts comme rythme ou vitesse, synchronicité et complexité; à la place de ces changements de degré, le Chthulucene vise des changements de nature, comprenant des forces biotiques et abiotiques}\cite{haraway2015anthropocene}, pour défendre un compostage féministe inclusif, basé sur la \gls{sympoiesis} (entendu comme \textit{création avec}). Ce processus restructure le fonctionnement auto-producteur, homéostatique et prévisible de l'autopoiesis affirmant une fois de plus les potentialités de la diversité et de l'inclusion : \begin{quote} - ``Les créatures sont en jeu les unes dans les autres à chaque mélange et retournement d'un tas de compost terrien. Nous sommes en réalité du compost, pas des posthumains; nous habitons les humusités, pas les humanités. Philosophiquement et matériellement parlant, je suis compostiste, pas posthumaniste. Les créatures, humaines ou non, se transforment les uns avec les autres, se composent et se décomposent, dans toutes les échelles et registres du temps, par un enchevêtrement sympoïétique, dans une perspective développementaliste écologique du monde et en dehors de celui-ci\footnote{en anglais: ``Critters are at stake in each other in every mixing and turning of the terran compost pile. We are compost, not posthuman; we inhabit the humusities, not the humanities. Philosophically + ``Les créatures sont en jeu les unes dans les autres à chaque mélange et retournement d'un tas de compost terrien. Nous sommes en réalité du compost, pas des posthumains; nous habitons les humusités, pas les humanités. Philosophiquement et matériellement parlant, je suis compostiste, pas posthumaniste. Les créatures, humaines ou non, se transforment les unes avec les autres, se composent et se décomposent, dans toutes les échelles et registres du temps, par un enchevêtrement sympoïétique, dans une perspective développementaliste écologique du monde et en dehors de celui-ci\footnote{en anglais: ``Critters are at stake in each other in every mixing and turning of the terran compost pile. We are compost, not posthuman; we inhabit the humusities, not the humanities. Philosophically and materially, I am a compostist, not a posthumanist. Critters – human and not – become- with each other, compose and decompose each other, in every scale and register of time and stuff in sympoietic tangling, in ecological evolutionary developmental earthly worlding and unworlding.”}.”\cite{haraway2016staying} \end{quote} -\textit{TIWIDWH} est avant tout une mise en abyme d'un processus de recherche-création, revisitée dans la perspective du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Le réalisme excentrique de Herzog\cite{herzog2009conquest} est une source d'inspiration pour mon processus de travail, au même titre que les œuvres chorégraphiques d'Anna Halprin ou d'Anne Teresa de Keersmaeker. Faire une analogie entre la figure d'un robot de celle d'un l’ours sauvage, est un détour pour clarifier le statut du robot au sein de notre processus de co-création artistique. Si dans l'Introduction de ce travail, j'ai rapproché les robots de la catégorie des danseurs piéton\cite{ginot2014penser} d'Isabelle Ginot, l'utilisation de la nature sauvage comme catalyseur dans l’improvisation dansée, nous permets d’élargir le débat, en abordant des sujets controversés comme la \gls{conscience artificielle} dans une perspective anthropologique. +\textit{TIWIDWH} est avant tout une mise en abyme d'un processus de recherche-création, revisitée dans la perspective du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Le réalisme excentrique de Herzog\cite{herzog2009conquest} est une source d'inspiration pour mon processus de travail, au même titre que les œuvres chorégraphiques d'Anna Halprin ou d'Anne Teresa de Keersmaeker. Faire une analogie entre la figure d'un robot de celle d'un l’ours sauvage est un détour pour clarifier le statut du robot au sein de notre processus de co-création artistique. Si dans l'introduction de ce travail, j'ai rapproché les robots de la catégorie des danseurs piétons\cite{ginot2014penser} d'Isabelle Ginot, l'utilisation de la nature sauvage comme catalyseur dans l’improvisation dansée nous permet d’élargir le débat, en abordant des sujets controversés comme la \gls{conscience artificielle} dans une perspective anthropologique. -Une des citations de Herzog qui m'a beaucoup accompagnée ces mois, parle de la nécessité d'articuler les rêves: +Une des citations de Herzog, qui m’a beaucoup accompagnée ces mois, parle de la nécessité d’articuler les rêves \begin{quote} -``Ce ne sont pas seulement mes rêves, je crois que tous ces rêves sont aussi les vôtres. La seule différence entre moi et vous est que je peux les articuler. La poésie, la peinture, la littérature ou le cinéma se résument à cela… et c’est un devoir car cela pourrait être une chronique intérieure de ce que nous sommes. Nous devons articuler notre pensée, au défaut de nous transformer dans des vaches au pâturage\footnote{en anglai: ``It is not only my dreams, my belief is that all these dreams are yours as well. The only distinction between me and you is that I can articulate them. And that is what poetry or painting or literature or filmmaking is all about... and it is my duty because this might be the inner chronicle of what we are. We have to articulate ourselves, otherwise we would be cows in the field.”}.”\cite{herzog2009conquest} +``Ce ne sont pas seulement mes rêves, je crois que tous ces rêves sont aussi les vôtres. La seule différence entre moi et vous est que je peux les articuler. La poésie, la peinture, la littérature ou le cinéma se résument à cela… et c’est un devoir car cela pourrait être une chronique intérieure de ce que nous sommes. Nous devons articuler notre pensée, à défaut de nous transformer en vaches du pâturage\footnote{en anglai: ``It is not only my dreams, my belief is that all these dreams are yours as well. The only distinction between me and you is that I can articulate them. And that is what poetry or painting or literature or filmmaking is all about... and it is my duty because this might be the inner chronicle of what we are. We have to articulate ourselves, otherwise we would be cows in the field.”}.”\cite{herzog2009conquest} \end{quote} -Les vaches qui broutent ou les ours qui dansent sont mentionnés ici comme contre-exemples parodiques. Réduire les animaux à des substituts qui manquent de volonté ou de conscience, est plus révélateur de notre ignorance et désir de domination, que de leurs capacités psychiques. Quant aux robots, comme pour les observations de la première partie de cette thèse concernant les chauves souris, les singes et leur \text{umwelt}, nous espérons qu'un jour nous arriverons à mieux clarifier nos intentions envers eux. La conscience écologique et la pensée eco-féministe dont je me suis inspirée pour ce projet, représentent des alternatives pour un avenir plus inclusif. Ainsi l’idée d'imaginer une conscience pour des robots qui dansent devient un sorte de défi ludique, néanmoins auto-ironique, pour mon propre condition d'artiste. Loin d'un parc en Alaska, loin d'un studio de montage, nous nous retrouvons entre artistes et roboticiens dans une studio de danse ouvert au public. Le jour de la conférence des curieux, des collègues du LIRMM puis des danseurs, se demandent quelle place va prendre cet humanoïde suspendu à son cadre de sécurité. +Les vaches qui broutent ou les ours qui dansent sont mentionnés ici comme contre-exemples parodiques. Réduire les animaux à des substituts qui manquent de volonté ou de conscience est plus révélateur de notre ignorance et désir de domination que de leurs capacités psychiques. Quant aux robots, comme pour les observations de la première partie de cette thèse concernant les chauves-souris, les singes et leur \text{umwelt}, nous espérons qu'un jour nous arriverons à mieux clarifier nos intentions envers eux. La conscience écologique et la pensée eco-féministe, dont je me suis inspirée pour ce projet, représentent des alternatives pour un avenir plus inclusif. Ainsi l’idée d'imaginer une conscience pour des robots qui dansent devient une sorte de défi ludique, néanmoins auto-ironique, pour ma propre condition d'artiste. Loin d'un parc en Alaska, loin d'un studio de montage, nous nous retrouvons entre artistes et roboticiens dans un studio de danse ouvert au public. Le jour de la conférence des curieux, des collègues du LIRMM puis des danseurs se demandent quelle place va prendre cet humanoïde suspendu à son cadre de sécurité. -\subsection{Quelle type de créature est un robot qui danse?} +\subsection{Quel type de créature est un robot qui danse?} -Pour répondre à cette question, nous déconstruisons la figure du robot et la considérons sous un angle anthropologique, en la comparant à un animal sauvage. Bien qu’inanimés, les robots simulent l’autonomie, l’action et les émotions. Les faire danser implique d'atteindre un terrain d'entente, où la pratique de la danse humaine est également déconstruite ou dés-identifiée\cite{braidotti2017four}, comme l'explique Rosi Braidotti. Notre résidence en laboratoire est progressivement devenue une expérience immersive, permettant à notre équipe artistique de s'adapter à une autre culture – celle des robots et des roboticiens – dans le contexte de la création artistique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le concept de \textit{figuration}\cite{suchman2007human, suchman2021talk} de Lucy Suchman, pensé en lien avec l’interactivité. Ce concept, tiré des notes de Haraway\cite{haraway2018modest}, souligne l'importance des métaphores dans l'analyse de la dynamique des humains et des machines. En contrepartie des auteurs féministes que nous avons mentionnés, l'ouvrage de Suchman \textit{Human-Machine Reconfigurations} (2007) ajoute une perspective anthropologique aux frontières entre humain et non-humain. Pour elle, le problème non résolu des machines informatiques vient du fait de ne pas pouvoir considérer des étiquettes comme ``humain”, ``non-humain”, ``social” ou ``matériel”, en tant que réalités ontologiques : +Pour répondre à cette question nous déconstruisons la figure du robot et la considérons sous un angle anthropologique, en la comparant à un animal sauvage. Bien qu’inanimés, les robots simulent l’autonomie, l’action et les émotions. Les faire danser implique d'atteindre un terrain d'entente, où la pratique de la danse humaine est également déconstruite ou dés-identifiée\cite{braidotti2017four}, comme l'explique Rosi Braidotti. Notre résidence en laboratoire est progressivement devenue une expérience immersive, permettant à notre équipe artistique de s'adapter à une autre culture – celle des robots et des roboticiens – dans le contexte de la création artistique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le concept de \textit{figuration}\cite{suchman2007human, suchman2021talk} de Lucy Suchman, pensé en lien avec l’interactivité. Ce concept, tiré des notes de Haraway\cite{haraway2018modest}, souligne l'importance des métaphores dans l'analyse de la dynamique des humains et des machines. En contrepartie des auteurs féministes que nous avons mentionnés, l'ouvrage de Suchman \textit{Human-Machine Reconfigurations} (2007) ajoute une perspective anthropologique aux frontières entre humain et non-humain. Pour elle, le problème non résolu des machines informatiques vient du fait de ne pas pouvoir considérer des étiquettes comme ``humain”, ``non-humain”, ``social” ou ``matériel”, en tant que réalités ontologiques : \begin{quote} - ``L’idée d’un artefact auto-explicatif s’accorde bien avec l’idée selon laquelle l’utilisation d’une machine pourrait s’apparenter à une interaction. La machine interactive, en ce sens, représente la dernière solution au problème de longue date consistant à fournir à l'utilisateur d'un outil, des instructions sur son utilisation. Cependant, il existe également un sentiment d’\textit{interactivité} des machines, plus récent et uniquement lié à l’avènement de l’informatique. La nouvelle idée est que l’intelligibilité des artefacts pourrait être non seulement une question de disponibilité pour l’utilisateur des intentions du concepteur concernant l’utilisation de l’artefact, mais aussi des intentions de l’artefact lui-même. Le projet du concepteur en ce sens est d’imprégner la machine de motifs lui permettant de se comporter de manière responsable et rationnelle ; c’est-à-dire raisonnable ou intelligible pour les autres, y compris, dans le cas d’une interaction, des moyens qui répondent aux actions des autres\footnote{ en anglais: ``The idea of a self-explicating artifact accords well with the notion that using a machine could be like interaction. The interactive machine, in this sense, represents the latest solution to the longstanding problem of providing the user of a tool with instruction in its use. There is also, however, a sense of machine interactivity that is more recent, and is uniquely tied to the advent of computing. The new idea is that the intelligibility of artifacts could be not just a matter of the availability to the user of the designer’s intentions for the artifact’s use, but of the intentions of the artifact itself. The designer’s project in this sense is to imbue the machine with grounds for behaving in ways that are accountably rational; that is, reasonable or intelligible to others including, in the case of interaction, ways that are responsive to the others’ actions.”}.”\cite{suchman2007human} + ``L’idée d’un artefact auto-explicatif s’accorde bien avec l’idée selon laquelle l’utilisation d’une machine pourrait s’apparenter à une interaction. La machine interactive, en ce sens, représente la dernière solution au problème de longue date consistant à fournir à l'utilisateur d'un outil, des instructions sur son utilisation. Cependant, il existe également un sentiment d’\textit{interactivité} des machines, plus récent et uniquement lié à l’avènement de l’informatique. La nouvelle idée est que l’intelligibilité des artefacts pourrait être non seulement une question de disponibilité pour l’utilisateur des intentions du concepteur concernant l’utilisation de l’artefact, mais aussi des intentions de l’artefact lui-même. Le projet du concepteur en ce sens est d’imprégner la machine de motifs lui permettant de se comporter de manière responsable et rationnelle ; c’est-à-dire raisonnable ou intelligible pour les autres, y compris, dans le cas d’une interaction, des moyens qui répondent aux actions des autres\footnote{en anglais: ``The idea of a self-explicating artifact accords well with the notion that using a machine could be like interaction. The interactive machine, in this sense, represents the latest solution to the longstanding problem of providing the user of a tool with instruction in its use. There is also, however, a sense of machine interactivity that is more recent, and is uniquely tied to the advent of computing. The new idea is that the intelligibility of artifacts could be not just a matter of the availability to the user of the designer’s intentions for the artifact’s use, but of the intentions of the artifact itself. The designer’s project in this sense is to imbue the machine with grounds for behaving in ways that are accountably rational; that is, reasonable or intelligible to others including, in the case of interaction, ways that are responsive to the others’ actions.”}.”\cite{suchman2007human} \end{quote} -Pour la création de cette performance, je me suis inspirée des passages du film \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog, dont quelques éléments se rapprochent de \textit{Fitzcarraldo}. Le documentaire a été réalisé à partir des prises de vue des ours grizzly, filmés par Timothy Treadwell lors de ses expéditions dans le Katmai National Park en Alaska. Début d'octobre 2003 ce dernier et sa copine sont retrouvés morts, attaqués par un ours après avoir campé délibérément dans une zone de passage, qu'ils jugeait dangereuse. En s’appuyant sur le matériel de Treadwell et les témoignages de ses proches, Herzog peint sa personnalité et les raisons complexes qui l'ont poussé à se mettre en danger pour mieux comprendre les ours grizzly. Il propose une analyse très fine entre ce qu'il y a la compréhension d'une espèce, par une autre, puis l'échec de cet exploit trop ambitieux. Si l’héros du film passe son temps à vouloir \textit{devenir ours}, nous ne savons pas comment voient cela les ours mêmes. Treadwell les anthropomorphise au point oú nous le voyons s'approcher pour leur adresser la parole avec une voix mielleuse. Certains gardes forestières jugent son comportement dangereux, tandis que Herzog laisse les spectateurs faire la part entre irresponsabilité ou naïveté. Cette démarche mi-chemin entre éthologie et désir d’émancipation puis l’incompréhension qui en résulte sont quelque part proches de mon expérience de deux ans parmi des robots et des roboticiens. J'ai voulu mieux les comprendre, puis débattre sur l'art avec eux. Cela a plus ou moins marché. +Pour la création de cette performance, je me suis inspirée des passages du film \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog, dont quelques éléments se rapprochent de \textit{Fitzcarraldo}. Le documentaire a été réalisé à partir des prises de vue des ours grizzly, filmés par Timothy Treadwell lors de ses expéditions dans le Katmai National Park en Alaska. Au début du mois d’octobre 2003, ce dernier et sa copine sont retrouvés morts, attaqués par un ours après avoir campé délibérément dans une zone de passage, qu'ils jugeaient dangereuse. En s’appuyant sur le matériel de Treadwell et les témoignages de ses proches, Herzog peint sa personnalité et les raisons complexes qui l'ont poussé à se mettre en danger pour mieux comprendre les ours grizzly. Son fine analyse met en avant l'échec de cet exploit jugé trop ambitieux et parfois infantile. Si le héros du film passe son temps à vouloir \textit{devenir ours}, nous ne savons pas comment les ours eux-mêmes voient cela. Treadwell les anthropomorphise au point oú nous le voyons s'approcher pour leur adresser la parole avec une voix mielleuse. Certains gardes forestiers jugent son comportement dangereux, tandis que Herzog laisse les spectateurs faire la part entre irresponsabilité ou naïveté. Cette démarche à mi-chemin entre éthologie et désir d’émancipation puis l’incompréhension qui en résulte, est quelque part proche de mon expérience de deux ans parmi des robots et des roboticiens. J'ai voulu mieux les comprendre, puis débattre sur l'art avec eux. Cela a plus ou moins marché. -Auparavant j'ai mentionné\cite{kozel2008closer} qui reliait danse, marionnettes et ours. Je trouve son analogie intéressante pour être appliquée également aux robots. Un robot peut-être similaire à un ours par sa force et son poids, aussi par le fait qu'il passe beaucoup de temps en état de hibernation ou d'inactivité. Jadis dans les pays d'Europe d'Est, les ours étaient utilisés pour entretenir la foule, avec des dresseurs qui les enseignait des acrobaties rudimentaires où ils imitaient les humains. Plus un numéro de foire était réussi, plus l'ours était aimé et admiré par les humains. Si nous tenons en compte les observations sur \textit{la valée de l'étrange} de Mori, nous allons à l'encontre de cette tendance pour les robots. Plus un robot est proche d'un humain, plus qu'il provoque un sentiment de malaise. Est-ce cela du aux complexes d'infériorité que les humains développent envers les robots? Par leur nature, les robots paraissent immortels, or cette immortalité n'a rien à voir avec les projections sur la vie après la mort des humains. Un robot n'a pas de vie, bien qu'il la simule. Un ours est vivant et cette condition finie est partagée avec l'humain. L'admiration pour un être dont nous partageons la condition, réside probablement dans ce sentiment de rapprochement. Si dans les captations vidéo les robots sont mis en avant avec beaucoup de grâce (car le montage post-production est toujours possible), l’épreuve du réel est sans pitié. Je pense à Treadwell lorsque les ours sauvages faisaient apparition dans son cadre. Il avait une chance sur deux qu'un d'entre eux, va lui endommager la camera, pour le moins qu'il reste en vie lors de cet exploit. -Deux semaines auparavant un des actuateurs du robot a pris feu. L’ingénieur de recherche du laboratoire l'a ouvert pour voir s'il peut-être réparé. Pour mon grand bonheur, j'ai pu voir en dessous de sa carcasses, ses câbles electriques et micro-contrôleurs. Cette expérience de proximité, à mon sens poétique et intime, s'est passé sans spectateurs, autre que ma camera qui filmait ce que j'imaginais être une opération à cœur ouvert sur une machine. Je dis bien \textit{cœur ouvert} car si un de moteurs du robot se casse et une fausse manipulation endommage un de ses circuits centraux, le robot reste inactif le temps que le moteur en question est trouvé. Pour les plateformes de recherche, plus un robot est \textit{vieux}, plus les chances de trouver les pièces pour le réparer sont petites. Il n'y a pas d’équivalent pour faire la différence entre un robot en attente de réparation, un robot en arrêt de fonctionnement et un robot dont les technologies sont devenues obsolètes. +Auparavant j'ai mentionné\cite{kozel2008closer} qui reliait danse, marionnettes et ours. Je trouve son analogie intéressante pour être appliquée également aux robots. Un robot peut-être similaire à un ours par sa force et son poids, aussi par le fait qu'il passe beaucoup de temps en état de hibernation ou d'inactivité. Jadis dans les pays d'Europe de l'Est, les ours étaient utilisés pour entretenir la foule, avec des dresseurs qui leur enseignaient des acrobaties rudimentaires où ils imitaient les humains. Plus un numéro de foire était réussi, plus l'ours était aimé et admiré par les humains. Si nous tenons en compte les observations sur \textit{la valée de l'étrange} de Mori, nous allons à l'encontre de cette tendance pour les robots. Plus un robot est proche d'un humain, plus il provoque un sentiment de malaise. Est-ce dû aux complexes d'infériorité que les humains développent envers les robots? Par leur nature, les robots paraissent immortels, or cette immortalité n'a rien à voir avec les projections sur la vie après la mort des humains. Un robot n'a pas de vie, bien qu'il la simule. Un ours est vivant et cette condition finie est partagée avec l'humain. L'admiration pour un être dont nous partageons la condition réside probablement dans ce sentiment de rapprochement. Si dans les captations vidéo les robots sont mis en avant avec beaucoup de grâce (car le montage post-production est toujours possible), l’épreuve du réel est sans pitié. Je pense à Treadwell lorsque les ours sauvages faisaient apparition dans son cadre. Il avait une chance sur deux qu'un d'entre eux, aille lui endommager la camera, pour le moins qu'il reste en vie lors de cet exploit. +Deux semaines auparavant un des actuateurs du robot avait pris feu. L’ingénieur de recherche du laboratoire l'a ouvert pour voir s'il pouvait être réparé. Pour mon grand bonheur, j'ai pu voir en dessous de sa carcasse, ses câbles electriques et micro-contrôleurs. Cette expérience de proximité, à mon sens poétique et intime, s'est passée sans spectateurs, en dehors ma camera qui filmait ce que j'imaginais être une opération à cœur ouvert sur une machine. Je dis bien \textit{cœur ouvert} car si un des moteurs du robot se casse et une fausse manipulation endommage un de ses circuits centraux, le robot reste inactif le temps que le moteur en question soit trouvé. Pour les plateformes de recherche, plus un robot est \textit{vieux}, plus les chances de trouver les pièces pour le réparer sont petites. Il n'y a pas d’équivalent pour faire la différence entre un robot en attente de réparation, un robot en arrêt de fonctionnement et un robot dont les technologies sont devenues obsolètes. -Le pari de mes expériences artistiques est quelque part simple ou même naïf. Autant qu'ils ne connaissent pas les limites d'une machine, les humains projettent leurs ambitions dessous. Prenons l'exemple du joueur d'échec de Wolfgang von Kempelen mentionné dans le chapitre 1.3.3 de la première partie. Sans savoir la vérité, les spectateurs l'ont considéré une prouesse technologique. Avec l’avènement de l'informatique, dans l’équation humain-animal-artefact, le cadre d'autre fois est transgressé. Pour quelqu’un avec peu de connaissances en informatique, même en voyant les algorithmes à la base de son programme, le résultat reste opaque. La machine parait omnipotente car elle dépasse les capacités humaines de compréhension. Pour l'informaticien qui les développe, il y a un part de curiosité quant à la potentialité des algorithmes. Cependant il a peu de regard critique quant aux conséquences éthiques de cette course contre le montre concernant les limites de la science. Il va toujours relativiser son processus et trouver des argumentes pour se dé-responsabiliser de l'impacte que cela aura sur la société. +Le pari de mes expériences artistiques est quelque part simple ou même naïf. Autant qu'ils ne connaissent pas les limites d'une machine, les humains y projettent leurs ambitions. Prenons l'exemple du joueur d'échec de Wolfgang von Kempelen mentionné dans le chapitre 1.3.3 de la première partie. Sans savoir la vérité, les spectateurs l'ont considéré comme une prouesse technologique. Avec l’avènement de l'informatique, dans l’équation humain-animal-artefact, le cadre d'autrefois est transgressé. Pour quelqu’un avec peu de connaissances en informatique, même en voyant les algorithmes à la base de son programme, le résultat reste opaque. La machine parait omnipotente car elle dépasse les capacités humaines de compréhension. Pour l'informaticien qui les développe, il y a une part de curiosité quant à la potentialité des algorithmes. Cependant il a peu de regard critique quant aux conséquences éthiques de cette course contre la montre concernant les limites de la science. Il va toujours relativiser son processus et trouver des arguments pour se dé-responsabiliser de l'impact que cela aura sur la société. \subsection{L'exaptation comme conséquence méthodologique} -Quel que soit le caractère autotélique d'une performance artistique avec des robots, mon objectif est de comprendre comment les connaissances acquises grâce à la pratique artistique, ``peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance”\cite{gunn2004learning}. Pour cela, une première étape consiste à créer une méthodologie in situ et sur mesure, inspirée des travaux de\cite{paquin2014methodologie}, \cite{citton2012theory} et \cite{truman2015primacy}. -Le terme de \textit{glanage} (en anglais to glean\footnote{à cet égard voir le documentaire \textit{Les Glaneurs et la Glaneuse} (1999) de la cinéaste française Agnès Varda}, principalement utilisé dans un contexte agricole) implique la collecte des données de façon sporadique, en fonction de ce qui est disponible. Cette vision est également appuyé par Yves Citton qui analyse la dimension politique des gestes, lors des expériences esthétiques. Citton utilise le terme français \textit{bricolage} (traduit par do-it-yourself ou crafting en anglais) pour critiquer une idéalisation irréaliste de la science moderne et son besoin des preuves empiriques. +Quel que soit le caractère autotélique d'une performance artistique avec des robots, mon objectif est de comprendre comment les connaissances acquises grâce à la pratique artistique ``peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance”\cite{gunn2004learning}. Pour cela, une première étape consiste à créer une méthodologie in situ et sur mesure, inspirée des travaux de \cite{paquin2014methodologie}, \cite{citton2012theory} et \cite{truman2015primacy}. +Le terme de \textit{glanage} (en anglais to glean\footnote{à cet égard voir le documentaire \textit{Les Glaneurs et la Glaneuse} (1999) de la cinéaste française Agnès Varda}, principalement utilisé dans un contexte agricole) implique la collecte des données de façon sporadique, en fonction de ce qui est disponible. Cette vision est également appuyée par Yves Citton qui analyse la dimension politique des gestes, lors des expériences esthétiques. Citton utilise le terme français \textit{bricolage} (traduit par \textit{do-it-yourself} ou \textit{crafting}, en anglais) pour critiquer une idéalisation irréaliste de la science moderne et son besoin de preuves empiriques. -A ce procédé du glanage, je rajouterai une pratique ludique utilisée lors de mes résidences artistiques: le set de cartes \textit{Oblique Strategies} de Brian Eno. +À ce procédé du glanage, je rajouterais une pratique ludique utilisée lors de mes résidences artistiques: le jeu de cartes \textit{Oblique Strategies} de Brian Eno. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/eno} @@ -1379,9 +1338,9 @@ A ce procédé du glanage, je rajouterai une pratique ludique utilisée lors de \label{fig:eno} \end{figure} -Eno et son ami artiste Peter Schmidt ont sorti ces cartes en 1975, pour partager leur processus de travail, mais aussi pour aider des autres artistes trouver des solutions lors de blocages liés au travail. L’adoption de ces cartes, s'inscrit dans une tradition où John Cage faisait appel à l’ancien système de divination chinois, le I Ching\footnote{https://johncage.org/pp/John-Cage-Work-Detail.cfm?work\_ID=134}, pour introduire de l'hasard dans sa manière de composer dés 1951. A mon tour, j'ai appliqué plus ou moins les consignes. Ce qui m'a le plus aidé je pense, c'est le moment de mise en place de cette stratégie par la décision de sortir les cartes, comme une sorte de temporalité propre à une mise en abyme de la recherche. Souvent lors de temps morts ou des doutes concernant le rendu artistique de mes explorations, piocher une de ces cartes m'a aidé déconnecter de mes questions en boucle, pour relativiser et avancer autrement que prévu. +Eno et son ami artiste Peter Schmidt ont sorti ces cartes en 1975, pour partager leur processus de travail, mais aussi pour aider des autres artistes trouver des solutions lors de blocages liés au travail. L’adoption de ces cartes, s'inscrit dans une tradition où John Cage faisait appel à l’ancien système de divination chinois, le I Ching\footnote{https://johncage.org/pp/John-Cage-Work-Detail.cfm?work\_ID=134}, pour introduire du hasard dans sa manière de composer. À mon tour, j'ai appliqué plus ou moins les consignes. Ce qui m'a le plus aidée, je pense, est le moment de mise en place de cette stratégie par la décision de sortir les cartes, comme une sorte de temporalité propre à une mise en abyme de la recherche. Souvent lors de temps morts ou des doutes concernant le rendu artistique de mes explorations, piocher une de ces cartes m'a aidée à déconnecter de mes questions qui tournaient en boucle, pour relativiser et avancer autrement que prévu. -Un autre repère dans la mise en place de mon processus de composition en danse, à été le cahier d'exercices pratiques \cite{burrows2010choreographer} de Jonathan Burows. L'artiste m'aide à me situer par rapport à une multiplicité de techniques de représentation en danse (physique, d'improvisation, compositionnelle et performative). Il revendique une liberté des formes et techniques en danse contemporaine, à l'opposé d'une forme d'art minoritaire, difficile à comprendre et à communiquer. Pour son duo avec le compositeur Matteo Fargion, intitulé \textit{Both Sitting Duet}\footnote{https://vimeo.com/showcase/6691019/video/361765765}, ils ont reçu le prix New York Dance et Performance Bessie Award en 2004. Les deux performeurs restent assis sur des chaises, en exécutant une série de danses très courtes. Leur intention est de transmettre une traduction directe entre son et image. Pour cela ils reprennent note pour note, la pièce pour violon et piano \textit{For John Cage} (1984) de Morton Feldman. Sa technique intitulé \textit{cut and paste} est largement utilisée dans les processus de composition issues de la \gls{contact improvisation}. Son principe de base est de trouver d'abord les mouvements et décider ensuite de l'ordre dans lequel les mettre. Selon Burrows, cette technique peut vite nous faire oublier que des autres modalités de travail existent. Il cite également l'emprunt ou la référence à des partitions existants comme moyen de générer du contenu original, lorsque cela est fait de manière consciente: \textit{généralement, lorsque vous volez quelque chose consciemment, cela ne ressemble en rien à la chose que vous avez volée. (...) La référence ne fera pas votre travail à votre place, mais si vous l'utilisez pour les bonnes raisons dans le bon contexte, elle pourrait faire le travail que vous souhaitez qu'elle fasse\footnote{ en original: usually when you steal something consciously it looks nothing like the thing you’ve stolen. (...) The reference will not do your work for you, but if you use it for the right reasons in the right context then it might do the work which you want it to do.}}. +Un autre repère dans la mise en place de mon processus de composition en danse a été le cahier d'exercices pratiques \cite{burrows2010choreographer} de Jonathan Burows. L'artiste m'aide à me situer par rapport à une multiplicité de techniques de représentation en danse (physique, d'improvisation, compositionnelle et performative). Il revendique une liberté des formes et techniques en danse contemporaine, à l'opposé d'une forme d'art minoritaire, difficile à comprendre et à communiquer. Pour son duo avec le compositeur Matteo Fargion, intitulé \textit{Both Sitting Duet}\footnote{https://vimeo.com/showcase/6691019/video/361765765}, ils ont reçu le prix New York Dance et Performance Bessie Award en 2004. Les deux performeurs restent assis sur des chaises, en exécutant une série de danses très courtes. Leur intention est de transmettre une traduction directe entre son et image. Pour cela ils reprennent, note pour note, la pièce pour violon et piano \textit{For John Cage} (1984) de Morton Feldman. Sa technique intitulée \textit{cut and paste} est largement utilisée dans les processus de composition issues de la \gls{contact improvisation}. Son principe de base est de trouver d'abord les mouvements et décider ensuite de l'ordre dans lequel les mettre. Selon Burrows, cette technique peut vite nous faire oublier que d'autres modalités de travail existent. Il cite également l'emprunt ou la référence à des partitions existantes comme moyen de générer du contenu original, lorsque cela est fait de manière consciente: \textit{généralement, lorsque vous volez quelque chose consciemment, cela ne ressemble en rien à la chose que vous avez volée. (...) La référence ne fera pas votre travail à votre place, mais si vous l'utilisez pour les bonnes raisons dans le bon contexte, elle pourrait faire le travail que vous souhaitez qu'elle fasse\footnote{ en original: usually when you steal something consciously it looks nothing like the thing you’ve stolen. (...) The reference will not do your work for you, but if you use it for the right reasons in the right context then it might do the work which you want it to do.}}. J'ai traité cette question de l'emprunt en faisant hommage à des artistes que j'admire ou en voulant continuer dans leur lignée de recherche. Ce leitmotiv de la chaise comme objet scénographique, les @@ -1447,7 +1406,7 @@ comme tentative de valorisation de ce qui est en marge. Dans ce contexte, le tremblement de mains est signe d’émotions fortes telles la peur ou l'angoisse, comme si ce que le cerveau exprime est traduit par le corps. En échange, les maladies neurodégénératives typent Parkinson modifient notre rapport aux membres supérieurs et à la coordination, et génèrent des tremblements involontaires. Si ces maladies sont apparus à notre époque, c'est peut-être aussi parce que la relation entre le corps et l'esprit s'est modifiée avec l'arrivée du numérique. Dans mon interprétation artistique, par des exercices somatiques comme le Shaking décrit dans le premier chapitre, le tremblement perçu comme perturbation de la fluidité du mouvement - devient un refus du corps de se soumettre à l’esprit. -Donner à voir, mettre en scène, un élément propre à notre quotidien à coté d'un robot, nous permet d'interroger l' impact du numérique dans nos vies. Cela représente également l'occasion d'ouvrir un espace de réflexion plus large, autour de notre devenir prochain en tant qu’espèce. Nous mettons l'accent sur des interactions gestuelles et leur signification pour voir comment une possible co-création avec des robots peut avoir lieu. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle, la seule possibilité réelle d'une CA pour HRP-4, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais cela doit se produire pour générer une expression crédible d'un \textit{effet de conscience}. +Donner à voir, mettre en scène, un élément propre à notre quotidien à coté d'un robot, nous permet d'interroger l'impact du numérique dans nos vies. Cela représente également l'occasion d'ouvrir un espace de réflexion plus large, autour de notre devenir prochain en tant qu’espèce. Nous mettons l'accent sur des interactions gestuelles et leur signification pour voir comment une possible co-création avec des robots peut avoir lieu. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle, la seule possibilité réelle d'une CA pour HRP-4, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais cela doit se produire pour générer une expression crédible d'un \textit{effet de conscience}. Dans \textit{TIWIDWH} le robot et la performeuse sont assis face à face à une table et improvisent une série des mouvementes de bras inspirées par le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} (1983) d'Anne Teresa de Keersmaeker. Ce contexte de danse indique un type de cognition qui influe sur des actions, qui est donc incarnée, \gls{embodied cognition}. D'habitude les gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients comme les réflexes. Dans notre exploration artistique, nous avons choisi d’examiner ce dernier cas et questionner les \gls{mouvements spontanés} et les \gls{mouvements réflexes} propre aux pratiques somatiques. Quelques mois auparavant, notre performeuse s'est emparée d'une série des mouvements de bras, dont l’enchainement est devenu réflexe. En le répétant, ces gestes ont été déformés. Cela nous a donné l'opportunité de vérifier dans quelle mesure ils peuvent être recontextualisés et identifiés lorsqu’ils sont programmés pour correspondre à des robots. Ensuite nous avons programmé cet ensemble de mouvements dans une sorte de base données. Cela a permis a HRP-4 de générer deux types de mouvements : \begin{itemize}