From e92d0077fc7a10f4ca28814c4729b0b47b88710c Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: silviaC Date: Thu, 10 Oct 2024 23:13:33 +0200 Subject: [PATCH] read conclusions part 1 --- bibliography.bib | 4 +- sections/conclusion.tex | 89 +++++++++--------- sections/glossaire.tex | 6 +- sections/partie_1.tex | 6 +- sections/partie_2.tex | 204 +++++++++++++++++++--------------------- 5 files changed, 146 insertions(+), 163 deletions(-) diff --git a/bibliography.bib b/bibliography.bib index 1640e82..2580a2e 100644 --- a/bibliography.bib +++ b/bibliography.bib @@ -3196,7 +3196,7 @@ publisher={M{\'e}dia Diffusion} } @phdthesis{baddoura2013homme, title={L'homme et le robot humano{\"\i}de: Transmission, R{\'e}sistance et Subjectivation}, - author={Baddoura-Gaugler, Rita Baddoura}, + author={Baddoura-Gaugler, Rita}, year={2013}, school={Universit{\'e} Paul Val{\'e}ry-Montpellier III} } @@ -3276,7 +3276,7 @@ publisher={M{\'e}dia Diffusion} } @misc{jung2018acm, title={Robots in the wild: A time for more robust theories of human-robot interaction}, - author={Jung, Malte and Hinds, Pamela}, + author={\textbf{Jung, Malte and Hinds, Pamela}}, journal={ACM Transactions on Human-Robot Interaction}, volume={7}, number={1}, diff --git a/sections/conclusion.tex b/sections/conclusion.tex index dea0e1d..24c50cb 100644 --- a/sections/conclusion.tex +++ b/sections/conclusion.tex @@ -19,42 +19,41 @@ Dans son contexte, le gérant remarque la modification de la nature même du tra Selon Stanford Encyclopedia of Philosophy, le domaine de l’\textit{éthique de l'IA et de la robotique} regroupe aujourd'hui plusieurs sous-domaines d’éthique appliquée, dont la distinction principale se fait entre des systèmes IA en tant qu'objets (ou outils pour les humains) et des systèmes IA en tant que sujets, ou systèmes concernés par une morale propre. Différente de celle des humains, cette éthique est connue sous le nom d'\textit{éthique des machines}. -Parmi les problématiques traitées par l’éthique des algorithmes d'IA, les chercheurs évoquent les biais et l’équité dans le traitement des données, la prise de décision automatisée, la transparence et la réglementation de politiques internationales. Issue de ces problématiques, l'éthique des machines supervise la fabrication des artefacts qui se comportent de manière éthique, appelles AMA ou \textit{Artificial Moral Agents}. Cela concerne en outre le bio-hacking, la course aux armements, la sécurité, le chômage technologique et la désinformation crée via des algorithmes d'IA. Dans un effort de clarification de ces enjeux, \cite{kazim2021high} décrit les caractéristiques d'une \textit{conscience éthique}. Cela concerne une personne, une institution ou une norme culturelle motivée par une position morale vis-à-vis des enjeux économiques (salaire et profit) ou légales (responsabilité, culpabilité et conformité). Le développement de ce type de conscience émerge dans le même temps que les préoccupations pour la philosophie ou la culture. C'est pour cela qu'une perspective philosophique (puis plus largement artistique) et éthique du question de la conscience est impérative. Les efforts collectives et pluridisciplinaires doivent aller dans une direction commune, constructive pour le bénéfice du plus grand nombre. La mise à disposition des informations afin de réfléchir collectivement à ces questions peut se faire au travers l'art, qui sait les adresser dans un registre moins complexe. +Parmi les problématiques traitées par l’éthique des algorithmes d'IA, les chercheurs évoquent les biais et l’équité dans le traitement des données, la prise de décision automatisée, la transparence et la réglementation de politiques internationales. Issue de ces problématiques, l'éthique des machines supervise la fabrication des artefacts qui se comportent de manière éthique, appelles AMA ou \textit{Artificial Moral Agents}. Cela concerne en outre le bio-hacking, la course aux armements, la sécurité, le chômage technologique et la désinformation crée via des algorithmes d'IA. Dans un effort de clarification de ces enjeux, \cite{kazim2021high} décrit les caractéristiques d'une \textit{conscience éthique}. Cela concerne une personne, une institution ou une norme culturelle motivée par une position morale vis-à-vis des enjeux économiques (salaire et profit) ou légales (responsabilité, culpabilité et conformité). Le développement de ce type de conscience émerge dans le même temps que les préoccupations pour la philosophie ou la culture. C'est pour cela qu'une perspective philosophique (puis plus largement artistique) et éthique de la question de conscience est impérative. Les efforts collectives et pluridisciplinaires doivent aller dans une direction commune, constructive pour le bénéfice du plus grand nombre. La mise à disposition des informations afin de réfléchir collectivement à ces questions peut se faire à travers l'art, qui sait les adresser dans un registre moins complexe. -La danse raconte une histoire en engageant différentes parties du corps. La technologie peut être un moyen pour renforcer l'idée d'un spectacle, tout comme elle peut devenir partenaire actif dans un scénario. Tel a été le cas pour \textit{TIWIDWH} où HRP-4 devient personnage principal d'une danse sur une chaise. Le rendu est à la fois enrichissant pour le danseur qui a été obligé de trouver une autre façon de faire dans son corps, mais aussi pour le spectateur qui s'est imaginé des intentions pour le robot danseur. L'art profite de cet endroit privilégié pour interroger les formes d'expression conventionnelles, tandis que les scientifiques analysent l'appropriation de leur outil numérique par des non-initiés. Cependant, malgré les récents développements des algorithmes en \gls{intelligence artificielle générative}, il n'est pas certain que nous partageons avec les machines la créativité. Pour le contexte particulier de la danse, cette créativité est définie au sens large, en incluant toute forme de mouvement générée dans un cadre de représentation artistique. Dans des futures projets, j’aimerais imaginer le point de vue des robots sur la danse, leur retour d'experience sur nos expérimentations et la possibilité d’une \textit{collaboration} plus fructueuse. Des domaines tel la robotique culturelle, pourront nous aider à mieux comprendre ces rapports. Nous laisserons ouverte cette question concernant les robots sociaux et la manière dont ils participent à la culture, tout en soulignant le caractère dynamique de ces contributions. Dans son livre\cite{dunstan2023cultural}, Dunstan questionne le statut de robots et leur attribue une possible culture propre, différente de la culture humaine. Cette culture serait méconnaissable pour les humains tout en exerçant une certaine influence sur ces derniers. Certaines théories contemporaines sur les relations homme-machine décentrent l'humain et plaident pour une forme d'agentivité non-humaine. D'autres chercheurs prennent en compte le concept d'empathie kinesthésique de la danse\cite{foster2010choreographing} et de la théorie associée des \gls{neurones miroirs}\cite{gallese1996action} pour construire une dynamique relationnelle entre humains et machines afin de mieux anticiper l’influence de ces derniers sur les humains. Le projet \textit{code\_red}\cite{loke2023rouge} (2021) présenté dans un chapitre du livre \textit{Cultural Robotics: Social Robots and Their Emergent Cultural Ecologies}\cite{dunstan2023cultural} (2023), traite des rapports intimes entre humains et robots. Ainsi un bras industriel apprend à dessiner des lèvres, pour mettre du rouge à lèvres sur une femme assise devant lui. Ce geste est interprété par les auteurs comme un acte de coquetterie mais aussi comme un acte d’engagement: marquer ses lèvres puis sa voix par une couleur rouge - symbole de la peinture de guerre, pour mieux réclamer ses droits. L’influence du robot sur l’humain est ici omniprésente, bien que le geste de peindre ses lèvres est propre qu'à l'humain. Plus loin, les auteurs font une critique philosophique de cette démarche en utilisant le concept deleuzien de \textit{résonance}, où \textit{l'interaction des sensations entre les corps conduit à une fusion ou un brouillage des frontières entre l'humain et la machine}. Ils citent à leur tour Petra Gemeinboeck qui utilise le terme de \textit{résonance intra-corporelle}\cite{gemeinboeck2021aesthetics} pour désigner une forme d'empathie incarnée propice à une harmonisation des vibrations et des rythmes corporelles entre humain et machine. Ainsi à la place de modeler des robots à l'image des humains, les auteurs soulignent l'importance d'un langage primordial du mouvement, partagé entre les espèces\cite{loke2023rouge}, à différentes échelles et intensités. Ce langage, construit par la perception et l'adaptation entre des agents humains et non-humains, doit s’échapper à une monopolisation humaine de la rencontre. Souvent les robots utilisés dans des pratiques artistiques sont moins configurés que ceux d'un laboratoire de recherche. La-bas sont développés des prototypes qui cherchent à les \textit{améliorer}, à les doter des algorithmes d'IA pour qu'ils répondent mieux aux besoins des humains. +La danse raconte une histoire en engageant différentes parties du corps, comme nous l'avons vu dans l'étude de terrain HRHI oú il y avait question de \textit{substituabilité}. La technologie peut être un moyen pour renforcer l'idée d'un spectacle, tout comme elle peut devenir partenaire actif dans un scénario. Tel a été le cas pour \textit{TIWIDWH} où HRP-4 devient personnage principal d'une danse sur une chaise. Le rendu est à la fois enrichissant pour le danseur qui a été obligé de trouver une autre façon de faire avec son corps, mais aussi pour le spectateur qui a désigné des intentions pour le robot danseur, en éprouvant de l'empathie kinesthésique pour lui. L'art profite de cet endroit privilégié pour interroger les formes d'expression conventionnelles, tandis que les scientifiques analysent l'appropriation de leur outil numérique par des non-initiés. Cependant, malgré les récents développements des algorithmes en \gls{intelligence artificielle générative}, il n'est pas certain que nous partageons avec les machines la créativité. Pour le contexte particulier de la danse, cette créativité est définie au sens large, à partir des primitives de mouvement complexifiés par un cadre de représentation artistique. Des études en lien avec le \gls{Free Energy Principle} pourront expliquer un jour comment cette créativité opère quand les ajustements du cerveau s'éloignent des prédictions habituelles, mais j'ose croire que la créativité tout comme le sensible ont une part irrationnelle, difficilement quantifiable. Dans des futures projets, j’aimerais imaginer le point de vue des robots sur la danse, leur retour d'experience sur nos expérimentations et la possibilité d’une \textit{collaboration} plus fructueuse. Des domaines tel la robotique culturelle, pourront nous aider à mieux comprendre ces rapports. Nous laisserons ouverte cette question concernant les robots sociaux et la manière dont ils participent à la culture, tout en soulignant le caractère dynamique de ces contributions. Dans son livre\cite{dunstan2023cultural}, Dunstan questionne le statut de robots et leur attribue une possible culture propre, différente de la culture humaine. Cette culture serait méconnaissable pour les humains tout en exerçant une certaine influence sur ces derniers. Certaines théories contemporaines sur les relations homme-machine décentrent l'humain et plaident pour une forme d'agence non-humaine. D'autres chercheurs prennent en compte le concept d'empathie kinesthésique de la danse\cite{foster2010choreographing} et de la théorie associée des \gls{neurones miroirs}\cite{gallese1996action} pour construire une dynamique relationnelle entre humains et machines afin de mieux anticiper l’influence de ces derniers sur les humains. Le projet \textit{code\_red} (2021) présenté dans un chapitre du livre \textit{Cultural Robotics: Social Robots and Their Emergent Cultural Ecologies}\cite{dunstan2023cultural} (2023), traite des rapports intimes entre humains et robots. Ainsi un bras industriel apprend à dessiner des lèvres, pour mettre du rouge à lèvres sur une femme assise devant lui. Ce geste est interprété par les auteurs comme un acte de coquetterie mais aussi comme un acte d’engagement : marquer ses lèvres puis sa voix par une couleur rouge - symbole de la peinture de guerre - pour mieux réclamer ses droits\cite{loke2023rouge}. L’influence du robot sur l’humain est ici omniprésente, bien que le geste de peindre ses lèvres est propre qu'à l'humain. Plus loin, les auteurs font une critique philosophique de cette démarche en utilisant le concept deleuzien de \textit{résonance}, où \textit{l'interaction des sensations entre les corps conduit à une fusion ou un brouillage des frontières entre l'humain et la machine}\cite{loke2023rouge}. Ils citent à leur tour l'artiste et chercheuse Petra Gemeinboeck qui utilise le terme de \textit{résonance intra-corporelle}\cite{gemeinboeck2021aesthetics} pour désigner une forme d'empathie incarnée propice à une harmonisation des vibrations et des rythmes corporelles entre humain et machine. Ainsi, à la place de modeler des robots à l'image des humains, les auteurs soulignent l'importance d'un langage primordial du mouvement, partagé entre les espèces, à différentes échelles et intensités\cite{loke2023rouge}. Ce langage, construit par la perception et l'adaptation entre des agents humains et non-humains, doit s’échapper à une monopolisation humaine de la rencontre. Souvent les robots utilisés dans des pratiques artistiques sont moins configurés que ceux d'un laboratoire de recherche. La-bas sont développés des prototypes qui cherchent à les \textit{améliorer}, à les doter des algorithmes d'IA pour qu'ils répondent mieux aux besoins des humains. -Pour entrainer des algorithmes d'IA, une quantité impressionnante des données est captée, puis analysée. Cependant de plus en plus, ces données ne peuvent pas être traitées à une échelle humaine. Le \gls{big data} devient un systeme récursif anonyme, qui se renouvèle en grandissant. Nous ne comprenons pas l'utilité de ces données électroniques abstraits, en dehors de leur usage pour les algorithmes. Leur contenu double toutes les 3 ans, sorte de radiographie infinie de nos préoccupations - disponible à tout moment aux impératifs des institutions qui en décident de leur sort. Pour des chercheurs comme Zuboff, le capitalisme de surveillance s'est emparé de notre liberté et de notre savoir sans que nous nous rendons compte. En contrepoids, certains sceptiques affirment que les craintes concernant l'IA reviennent sans cesse depuis sa création il y a plus de 60 ans. À mi-chemin, l'éthique des machines, mentionnée plus haut, trouve ses origines dans le travail du philosophe américain James H. Moor\cite{anderson2007machine}, connu pour ses réflexions sur l'éthique de l'intelligence artificielle et la philosophie de la technologie. Son contribution concernant les implications sociales, morales et éthiques des technologies émergentes est synthétisé dans l'article \textit{What is Computer Ethics?} (1985). Moor aborde des questions comme la confidentialité, la sécurité des données et la responsabilité des concepteurs de technologies, tout en analysant la manière dont ces technologies modifient notre conception de l'humain et de la société. Le philosophe Mark Hunyadi cite le travail de Moor\cite{hunyadi2019artificial} pour appuyer l’hypothèse que le terme d’\textit{agent moral artificiel} est philosophiquement illégitime. Afin d’éviter toute spéculation ou idéologie en lien avec l'éthique des machines, Hunyadi cherche à fournir une compréhension claire de ce que c'est l'éthique, du type de rationalité qu'elle met en œuvre, de sa nature et des types de conduite éthique en fonction d'un contexte particulier. Son argumentation se développe autour de plusieurs arguments : le premier argument concerne le choix des principes éthiques à programmer dans la machine ; le deuxième illustre les incompatibilité entre ces principes et leur forme algorithmique ; alors que le troisième et dernier argument met en avant les difficultés en lien avec la nature même du raisonnement moral spécifique aux humains. Cette piste est innovante, bien que les développements technologiques et leur rythme effréné n'accepteront pas si facilement la critique philosophique de Hunyadi. +Pour entrainer ces algorithmes d'IA, une quantité impressionnante des données est captée, puis analysée. Cependant de plus en plus, ces données ne peuvent pas être traitées à une échelle humaine. Le \gls{big data} devient un systeme récursif anonyme, qui se renouvèle en grandissant. Nous ne comprenons pas l'utilité de ces données électroniques abstraits, en dehors de leur usage pour les algorithmes. Leur contenu double toutes les 3 ans, sorte de radiographie infinie de nos préoccupations - disponible à tout moment aux impératifs des institutions qui en décident de leur sort. Pour des chercheurs comme Zuboff, le capitalisme de surveillance s'est emparé de notre liberté et de notre savoir sans que nous nous rendons compte. En contrepoids, certains sceptiques affirment que les craintes concernant l'IA reviennent sans cesse depuis sa création il y a plus de 60 ans. À mi-chemin, l'éthique des machines, mentionnée plus haut, trouve ses origines dans le travail du philosophe américain James H. Moor\cite{anderson2007machine}, connu pour ses réflexions sur l'éthique de l'intelligence artificielle et la philosophie de la technologie. Son contribution concernant les implications sociales, morales et éthiques des technologies émergentes est synthétisé dans l'article \textit{What is Computer Ethics?} (1985). Moor aborde des questions comme la confidentialité, la sécurité des données et la responsabilité des concepteurs de technologies, tout en analysant la manière dont ces technologies modifient notre conception de l'humain et de la société. Le philosophe Mark Hunyadi cite le travail de Moor\cite{hunyadi2019artificial} pour appuyer l’hypothèse que le terme d’\textit{agent moral artificiel} est philosophiquement illégitime. Afin d’éviter toute spéculation ou idéologie en lien avec l'éthique des machines, Hunyadi cherche à fournir une compréhension claire de ce que c'est l'éthique, du type de rationalité qu'elle met en œuvre, de sa nature et des types de conduite éthique en fonction d'un contexte particulier. Son argumentation se développe autour de plusieurs arguments : le premier argument concerne le choix des principes éthiques à programmer dans la machine ; le deuxième illustre les incompatibilité entre ces principes et leur forme algorithmique ; alors que le troisième et dernier argument met en avant les difficultés en lien avec la nature même du raisonnement moral spécifique aux humains. Cette piste est innovante, bien que les développements technologiques et leur rythme effréné n'accepteront pas si facilement la critique philosophique de Hunyadi. -Comme mentionné déjà, certains robots fonctionnent grâce à l'IA, tandis que d'autres non. La plupart des robots industriels actuels sont pré-configurés et emploient très peu d'apprentissage ou de raisonnement dans leur tâches. En 2021, le stock opérationnel mondial de robots industriels s'est triplé par rapport à il y a dix ans, avec un nombre total de 3,5 millions d'unités (notamment dans le secteur de l'industrie électronique et de l'automobile). Le marché de la robotique industrielle est extrêmement dynamique en Chine (plus de la moitié des installations de robots industriels), tandis que la Corée du Sud dispose de l'industrie la plus densément automatisée, avec 93 robots pour 1 000 employés. En Europe, l'Allemagne affiche un taux de 37 robots pour 1 000 employés. - -Si les systèmes robotiques développés dans certaines pays suscitent davantage d’inquiétudes à cause de leurs capacités physiques (par exemple dans le domaine controversée de la robotique militaire et des \textit{Systèmes d'armes létales autonomes}), ce sont les systèmes d’IA qui ont actuellement plus d'impact dans la société. Dans ce domaine, il existe un risque important que les préoccupations éthiques restent impuissantes face au pouvoir économique et politique des acteurs et décideurs industriels. Des institutions travaillant sur les problématiques de l'\gls{éthique des robots}, essaient de pousser la réflexion différemment et cibler des aspects relatives à la spécificité des robots en tant qu’agents réels ancrés dans un environnement dynamique. L'une des premières initiatives abordant directement la question d'éthique des robots est l'art, grâce à la fiction littéraire. La nouvelle de science-fiction \textit{Runaround}, écrite par Isaac Asimov en 1942, aborde les célèbres \textit{Trois lois de la robotique}. Ces lois ont été actualisés en 2004, lorsque les principales institutions internationales de recherche ont organisé à Fukuoka, au Japon, le \textit{Salon international de la robotique}. A cette occasion, les participants ont signé une charte appelée la \textit{Déclaration mondiale sur les robots} dont les principaux points mentionnent: +Comme mentionné déjà, certains robots fonctionnent grâce à l'IA, tandis que d'autres non. La plupart des robots industriels actuels sont pré-configurés et emploient très peu d'apprentissage ou de raisonnement dans leur tâches. En 2021, le stock opérationnel mondial de robots industriels s'est triplé par rapport à il y a dix ans, avec un nombre total de 3,5 millions d'unités (notamment dans le secteur de l'industrie électronique et de l'automobile). Le marché de la robotique industrielle est extrêmement dynamique en Chine (plus de la moitié des installations de robots industriels), tandis que la Corée du Sud dispose de l'industrie la plus densément automatisée, avec 93 robots pour 1 000 employés. En Europe, l'Allemagne affiche un taux de 37 robots pour 1 000 employés. Si les systèmes robotiques développés dans certaines pays suscitent davantage d’inquiétudes à cause de leurs capacités physiques (par exemple dans le domaine controversée de la robotique militaire et des \textit{Systèmes d'armes létales autonomes}), ce sont les systèmes d’IA qui ont actuellement plus d'impact dans la société. Dans ce domaine, il existe un risque important que les préoccupations éthiques restent impuissantes face au pouvoir économique et politique des acteurs et décideurs industriels. Des institutions travaillant sur les problématiques de l'\gls{éthique des robots}, essaient de pousser la réflexion différemment et cibler des aspects relatives à la spécificité des robots en tant qu’agents réels ancrés dans un environnement dynamique. L'une des premières initiatives abordant directement la question d'éthique des robots est l'art, grâce à la fiction littéraire. La nouvelle de science-fiction \textit{Runaround}, écrite par Isaac Asimov en 1942, aborde les célèbres \textit{Trois lois de la robotique}. Ces lois ont été actualisés en 2004, lorsque les principales institutions internationales de recherche ont organisé à Fukuoka, au Japon, le \textit{Salon international de la robotique}. A cette occasion, les participants ont signé une charte appelée la \textit{Déclaration mondiale sur les robots} dont les principaux points mentionnent: \begin{itemize} - \item Les robots de nouvelle génération seront des partenaires qui coexisteront avec les êtres humains ; - \item Les robots de nouvelle génération assisteront les êtres humains tant physiquement que psychologiquement ; - \item Les robots de nouvelle génération contribueront à la réalisation d'une société sûre et paisible. + \item Les robots de nouvelle génération seront des partenaires qui coexisteront avec les êtres humains + \item Les robots de nouvelle génération assisteront les êtres humains tant physiquement que psychologiquement + \item Les robots de nouvelle génération contribueront à la réalisation d'une société sûre et paisible \end{itemize} -Le consensus commun de toutes ces initiatives est que le développement de la technologie robotique ne pourra pas se faire en dehors d'un cadre éthique. L’éthique des robots et l’éthique de l’IA s'occupent de la manière dont les humains conçoivent, construisent, utilisent et traitent les robots et les algorithmes intelligents, mais aussi les effets de ces derniers sur les humains. Cependant les robots sont des machines physiques alors que une IA est dématérialisé via des logiciels. De plus, certains robots ne fonctionnent pas avec des systèmes d’IA et des systèmes d’IA ne sont pas désignés exclusivement aux robots. Confiants dans les nombreuses contributions que les robots apporteront à l'humanité, les chercheurs considèrent moins la manière dont les machines peuvent être utilisées pour nuire aux humains, ou leur impact sur l'autonomie de ces derniers. C'est pour cela qu'un dialogue pluridisciplinaire est nécessaire. En interrogeant les points de vue humanistes, certaines enjeux seront plus claires. Curieusement il y a vingt ans, la communauté scientifique abordait directement le problème de la moralité, pointant une différence entre les nuances de ce qui peut signifier une moralité opérationnelle, par rapport à une moralité fonctionnelle. Pareil aux humains capables d'évaluer certains aspects moralement significatifs de leurs propres actions, les robots peuvent être définis en relation avec deux critères: l'autonomie et la sensibilité éthique. Cette relation est illustrée plus bas, avec des systèmes dotés d'une autonomie signifiante mais un niveau faible de sensibilité éthique, en parallèle avec des systèmes qui ont une faible autonomie mais une grande sensibilité éthique. +Le consensus commun de toutes ces initiatives est que le développement de la technologie robotique ne pourra pas se faire en dehors d'un cadre éthique. L’éthique des robots et l’éthique de l’IA s'occupent de la manière dont les humains conçoivent, construisent, utilisent et traitent les robots et les algorithmes intelligents, mais aussi des effets de ces derniers sur les humains. Néanmoins, les robots sont des machines physiques alors que une IA est dématérialisé via des logiciels. De plus, certains robots ne fonctionnent pas avec des systèmes d’IA et des systèmes d’IA ne sont pas désignés exclusivement aux robots. Confiants dans les nombreuses contributions que les robots apporteront à l'humanité, les chercheurs considèrent moins la manière dont les machines peuvent être utilisées pour nuire aux humains, ou leur impact sur l'autonomie de ces derniers. C'est pour cela qu'un dialogue pluridisciplinaire est nécessaire. En interrogeant les points de vue humanistes, certaines enjeux seront plus claires. Curieusement il y a vingt ans, la communauté scientifique abordait directement le problème de la moralité, pointant une différence entre les nuances de ce qui peut signifier une moralité opérationnelle, par rapport à une moralité fonctionnelle. Pareil aux humains capables d'évaluer certains aspects moralement significatifs de leurs propres actions, les robots peuvent être définis en relation avec deux critères: l'autonomie et la sensibilité éthique. Cette relation est illustrée plus bas, avec des systèmes dotés d'une autonomie signifiante mais d'un niveau faible de sensibilité éthique, en parallèle avec des systèmes qui ont une faible autonomie mais une grande sensibilité éthique. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/AMA} - \caption{Differents niveaux de moralité pour les machines selon Wallach. Source : \cite{wallach2008mora}l} + \caption{Différents niveaux de moralité pour les machines selon Wallach. Source : \cite{wallach2008mora}l} \label{fig:ama} \end{figure} -La capacité morale complète ou \textit{full moral agency} n'est aujourd'hui qu'une projection qui divise les prises de position. Dans les prochaines pages, les exemples que je cite offrent des \textit{pour} et des \textit{contre} quant à sa pertinence dans un monde peuplé par des agents non-humains. +Une capacité morale complète ou \textit{full moral agency} n'est aujourd'hui qu'une projection qui divise les prises de position. Dans les prochaines pages, les exemples que je cite offrent des \textit{pour} et des \textit{contre} quant à sa pertinence dans un monde peuplé par des agents non-humains. -Nous partons du constat que les défis éthiques liés aux technologies robotiques ont suscité beaucoup d'intérêt au cours des deux dernières décennies. \cite{zawieska2020disengagement} questionne l'engagement éthique au sein de la communauté robotique, connu sous le terme de \textit{roboéthique}. Si le terme \textit{éthique} s'adresse essentiellement aux humains, une approche complémentaire devrait inclure l’\textit{éthique vécue}, qui implique l'engagement réel dans une interaction et la manière dont cela structure l’expérience. Quant à la tendance de résoudre les problèmes émergents de la roboéthique avec des principes éthiques humaine préexistants, la réflexion doit partir d'abord sur un consensus concernant la nature même des robots. Ces derniers regroupent une pluralité de fonctions et de caractéristiques. Penser une éthique qui leurs est propre, suppose employer des principes suffisamment générales pour éviter des contextes individuels risqués. La racine du débat éthique dans la robotique trouve ses origines dans un symposium international organisé par le roboticien Gianmarco Veruggio. En janvier 2004, la Scuola di Robotica - en collaboration avec l'Arts Lab de la Scuola Superiore Sant'Anna de Pise et l'Institut Théologique de la Pontificia Accademia della Santa Croce de Rome - ont organisé le premier \textit{Symposium International sur la Roboéthique}\footnote{www.Roboethics.org}. En 2006 apparait une première feuille de route propre à cette discipline. Le document se concentre principalement sur les réalisations du projet Atelier de Roboéthique fondé par EURON\cite{fleres2023integrative}. Il propose une définition de la roboéthique séparé en deux branches: la première se concentre sur les robots en tant qu’agents moraux, tandis que l'autre est axée sur les humains en tant qu'agents qui développent et interagissent avec des robots. Souvent, le débat éthique tend à considérer l'influence exercée par les robots sur notre société, en oubliant la dynamique d'une détermination mutuelle entre la société et ses robots. Une approche interdisciplinaire peut mieux observer les processus d'intégration des robots dans la société, ainsi que les multiples dimensions de ces enjeux. Ainsi le contexte socioculturel est repensé en lien avec des points de vues politiques et épistémologiques sur la question des robots, comme nous l'avons vu plus haut avec Mark Hunyadi. Le livre \textit{Vivre avec les robots. Essai sur l'empathie artificielle} (2016) traite des enjeux de la robotique sociale, dont la question de l'autonomie et celle des manifestations affectives trompeuses des agents artificiels suscitent beaucoup des questions éthiques. Les interactions déterminent comment des agents, identifiés par Dumouchel et Damiano comme des \textit{substituts}, sont disposés à l’égard de leurs partenaires humains et l'inverse. L’élément clé de cette dynamique sont les émotions. Caractéristiques saillantes de notre existence, les agents artificiels les simulent. Cela encourage une certaine mystification et anthropomorphisation des artefacts et dans certaines cas un abus de confiance. Le chapitre \textit{Les animaux-machines, le cyborg et le taxi} introduit l’\textit{éthologie artificielle} vue comme ``un ensemble de recherches qui font usage de robots pour comprendre, analyser et reproduire de façon expérimentale certains aspects du comportement animal”\cite{dumouchel2016vivre}. Réaliser des créatures artificielles susceptibles de mettre en œuvre certains comportements que l’on trouve chez les animaux, pourra également résoudre le problème des émotions, puisque (pour le meilleur et pour le pire) nous nous sommes déjà habitués à considérer les animaux et leurs émotions dans une hiérarchie des valeurs propre à nos besoins. Or le parti-pris subjectif de nos expérimentations pratiques désigne les robots comme différents des animaux et des humains - sorte d’espèce à part entière. Quelle type de discipline pourrait réconcilier alors leur statut et besoins ? +Nous partons du constat que les défis éthiques liés aux technologies robotiques ont suscité beaucoup d'intérêt au cours des deux dernières décennies. \cite{zawieska2020disengagement} questionne l'engagement éthique au sein de la communauté robotique, connu sous le terme de \textit{roboéthique}. Si le terme \textit{éthique} s'adresse essentiellement aux humains, une approche complémentaire devrait inclure l’\textit{éthique vécue}, qui implique l'engagement réel dans une interaction et la manière dont cela structure l’expérience. Quant à la tendance de résoudre les problèmes émergents de la roboéthique avec des principes éthiques humaine préexistants, la réflexion doit partir d'abord sur un consensus concernant la nature même des robots. Ces derniers regroupent une pluralité de fonctions et de caractéristiques. Penser une éthique qui leurs est propre, suppose employer des principes suffisamment générales pour éviter des contextes individuels risqués. La racine du débat éthique dans la robotique trouve ses origines dans un symposium international organisé par le roboticien Gianmarco Veruggio. En janvier 2004, la Scuola di Robotica - en collaboration avec l'Arts Lab de la Scuola Superiore Sant'Anna de Pise et l'Institut Théologique de la Pontificia Accademia della Santa Croce de Rome - ont organisé le premier \textit{Symposium International sur la Roboéthique}\footnote{www.Roboethics.org}. En 2006 apparait une première feuille de route propre à cette discipline. Le document se concentre principalement sur les réalisations du projet Atelier de Roboéthique fondé par EURON\cite{fleres2023integrative}. Il propose une définition de la roboéthique séparé en deux branches: la première se concentre sur les robots en tant qu’agents moraux, tandis que l'autre est axée sur les humains en tant qu'agents qui développent et interagissent avec des robots. Souvent, le débat éthique tend à considérer l'influence exercée par les robots sur notre société, en oubliant la dynamique d'une détermination mutuelle entre la société et ses robots. Une approche interdisciplinaire peut mieux observer les processus d'intégration des robots dans la société, ainsi que les multiples dimensions de ces enjeux. Ainsi, le contexte socioculturel est repensé en lien avec des points de vues politiques et épistémologiques sur la question des robots, comme nous l'avons vu plus haut avec Mark Hunyadi. Le livre \textit{Vivre avec les robots. Essai sur l'empathie artificielle} (2016) traite des enjeux de la robotique sociale, dont la question de l'autonomie et celle des manifestations affectives trompeuses des agents artificiels suscitent beaucoup des questions éthiques. Les interactions déterminent comment des agents, identifiés par Dumouchel et Damiano comme des \textit{substituts}, sont disposés à l’égard de leurs partenaires humains et l'inverse. L’élément clé de cette dynamique sont les émotions. Caractéristiques saillantes de notre existence, les agents artificiels les simulent. Cela encourage une certaine mystification et anthropomorphisation des artefacts et dans certaines cas un abus de confiance. Le chapitre \textit{Les animaux-machines, le cyborg et le taxi} introduit l’\textit{éthologie artificielle} vue comme ``un ensemble de recherches qui font usage de robots pour comprendre, analyser et reproduire de façon expérimentale certains aspects du comportement animal”\cite{dumouchel2016vivre}. Réaliser des créatures artificielles susceptibles de mettre en œuvre certains comportements propres aux animaux, pourra également résoudre le problème des émotions, puisque (pour le meilleur et pour le pire) nous nous sommes déjà habitués à considérer les animaux et leurs émotions dans une hiérarchie des valeurs propre à nos besoins. Or le parti-pris subjectif de nos expérimentations pratiques désigne les robots comme différents des animaux et des humains - sorte d’espèce à part entière. Quelle type de discipline pourrait réconcilier alors leur statut et besoins ? -Dans la sphère du privé, ces questions sont traités par des organismes dont l'intitulé illustre bien les enjeux: le \textit{Future of Humanity Institute}, le \textit{Machine Intelligence Research Institute}, le \textit{Center for Human-Compatible Artificial Intelligence}, etc. Parmi eux, le \textit{Humanity Plus}, anciennement connu sous le nom de \textit{World Transhumanist Association}, a été fondé en 1998 par les chercheurs Nick Bostrom et David Pearce. Aujourd'hui \textit{Humanity Plus} se décrit comme une organisation internationale à but non lucratif, dédiée à l'éducation, qui veut utiliser la technologie pour améliorer la condition humaine. En parallèle, l'\textit{Institut pour l'éthique et les technologies émergentes} est un groupe de réflexion à but non lucratif qui promeut des idées sur la manière dont le progrès technologique veut accroître la liberté, le bonheur et l'épanouissement humain dans les sociétés démocratiques. Ses membres considèrent le progrès technologique comme un catalyseur pour un développement humain positif, à condition de veiller à ce que les technologies soient sûres. Je rajoute à cette liste l'organisme \textit{Future of Life Institute} (FLI) ou \textit{Institut pour l'avenir de la vie} - une association à but non lucratif fondée en 2014 par des chercheurs de l'institut MIT et DeepMind. Son objectif est d'aborder les potentiels dangers et avantages des technologies provenant de l’intelligence artificielle, de la biotechnologie et des armes nucléaires. Parmi les parrains de l'institut, Wikipedia cite l'informaticien Stuart Russell, le biologiste George Church, les cosmologistes Stephen Hawking et Saul Perlmutter, le physicien Frank Wilczek, puis paradoxalement Elon Musk. Dés mars 2023, cet institut appelle à un moratoire sur l'entrainement de systèmes d'IA type GPT-4. Cette lettre, écrite en consultation avec des experts en IA tels que Yoshua Bengio et Stuart Russell, est actuellement signée par plus de 33000 chercheurs en IA et décideurs politiques. Sa version intégrale est disponible plus bas\footnote{https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/}. Au défaut d'une instance globale neutre, capable de régulariser ces initiatives, c'est intéressant de remarquer comment elles peut relever d'une pratique proche de \textit{greenwashing}. En effet des entreprises ou des personnalités publiques peuvent prétendre être plus préoccupées par ces questions qu'elles ne le sont réellement, pour gagner en popularité. L'exemple de Musk et les controverses de son entreprise Neuralink\footnote{https://www.scientificamerican.com/article/elon-musks-neuralink-has-implanted-its-first-chip-in-a-human-brain-whats-next/} quant aux implants BCI (Brain-Computer Interface) suscitent l'attention de la communauté scientifique. +Dans la sphère du privé, ces questions sont traités par des organismes dont l'intitulé illustre bien les enjeux: le \textit{Future of Humanity Institute}, le \textit{Machine Intelligence Research Institute}, le \textit{Center for Human-Compatible Artificial Intelligence}, etc. Parmi eux, le \textit{Humanity Plus}, anciennement connu sous le nom de \textit{World Transhumanist Association}, a été fondé en 1998 par les chercheurs Nick Bostrom et David Pearce. Aujourd'hui \textit{Humanity Plus} se décrit comme une organisation internationale à but non lucratif, dédiée à l'éducation, qui veut utiliser la technologie pour améliorer la condition humaine. En parallèle, l'\textit{Institut pour l'éthique et les technologies émergentes} est un groupe de réflexion à but non lucratif qui promeut des idées sur la manière dont le progrès technologique veut accroître la liberté, le bonheur et l'épanouissement humain dans les sociétés démocratiques. Ses membres considèrent le progrès technologique comme un catalyseur pour un développement humain positif, à condition de veiller à ce que les technologies soient sûres. Je rajoute à cette liste l'organisme \textit{Future of Life Institute} (FLI) ou \textit{Institut pour l'avenir de la vie} - une association à but non lucratif fondée en 2014 par des chercheurs de l'institut MIT et DeepMind. Son objectif est d'aborder les potentiels dangers et avantages des technologies provenant de l’intelligence artificielle, de la biotechnologie et des armes nucléaires. Parmi les parrains de l'institut, Wikipedia cite l'informaticien Stuart Russell, le biologiste George Church, les cosmologistes Stephen Hawking et Saul Perlmutter, le physicien Frank Wilczek, puis paradoxalement Elon Musk. Dés mars 2023, cet institut appelle à un moratoire sur l'entrainement de systèmes d'IA type GPT-4. Cette lettre, écrite en consultation avec des experts en IA tels que Yoshua Bengio, Christoph Koch ou Raja Chatilla, est actuellement signée par plus de 33000 chercheurs en IA et décideurs politiques. Sa version intégrale est disponible plus bas\footnote{https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/}. Au défaut d'une instance globale neutre, capable de régulariser ces initiatives, c'est intéressant de remarquer comment elles peut relever d'une pratique proche de \textit{greenwashing}. En effet, des entreprises ou des personnalités publiques peuvent prétendre être plus préoccupées par ces questions qu'elles ne le sont réellement, pour gagner en popularité. L'exemple de Musk et les controverses de son entreprise Neuralink\footnote{https://www.scientificamerican.com/article/elon-musks-neuralink-has-implanted-its-first-chip-in-a-human-brain-whats-next/} quant aux implants BCI (Brain-Computer Interface) suscitent l'attention de la communauté scientifique. -Les arguments des partisans des machines capables d'une capacité morale complète s'emparent à leur tour des exemples issus du monde non-technologique. Parmi les plus connus défenseurs de l'approche transhumaniste, Ray Kurzweil est chercheur et aviseur en l'IA chez Google. Depuis 2012 il y analyse les mutations entre la technologie et la société. Selon ses estimations, la puissance de calcul des ordinateurs augmente de manière exponentielle, en doublant environ tous les 2 ans depuis 1970 (suivant les principes de la loi de Moore). Ainsi pour lui, l'année 2030, ensuite l'année 2045 sont des échéances importantes concernant la \gls{Singularité} et la dématérialisation de la conscience\cite{kurzweil2005singularity}. Plus surprenant, son expérience personnelle avec le diabète l'a amené à s’investir dans des recherches sur le métabolisme et les maladies. Ainsi il co-écrit une livre intitulé \textit{Fantastic Voyage} (2005) avec le médecin Terry Grossman, spécialiste en prolongation de la vie. Ensemble ils réfléchissent aux modalités pour préserver la bonne santé et la longévité. Structuré en trois parties dont la première intitule \textit{Le programme de longévité de Ray et Terry}, le livre regorge de conseils en bien-être à la façon \textit{new-age}: +Les arguments des partisans des machines capables d'une capacité morale complète s'emparent à leur tour des exemples issus du monde non-technologique. Parmi les plus connus défenseurs de l'approche transhumaniste, Ray Kurzweil est chercheur et aviseur en l'IA chez Google. Depuis 2012 il y analyse les mutations entre la technologie et la société. Selon ses estimations, la puissance de calcul des ordinateurs augmente de manière exponentielle, en doublant environ tous les 2 ans depuis 1970 (suivant les principes de la loi de Moore). Ainsi pour lui, l'année 2030, ensuite l'année 2045 sont des échéances importantes concernant la \gls{Singularité} et la dématérialisation de la conscience\cite{kurzweil2005singularity}. Plus surprenant, son expérience personnelle avec le diabète l'a amené à s’investir dans des recherches sur le métabolisme et les maladies. Ainsi il co-écrit une livre intitulé \textit{Fantastic Voyage} (2005) avec le médecin Terry Grossman, spécialiste en prolongation de la vie. Ensemble ils réfléchissent aux modalités pour préserver la bonne santé et la longévité. Structuré en trois parties dont la première intitulée \textit{Le programme de longévité de Ray et Terry}, le livre regorge de conseils en bien-être à la façon \textit{new-age}: \begin{quote} ``Apportez des sachets de stévia lorsque vous mangez à l'extérieur. (...) Vous pouvez préparer une vinaigrette à faible teneur en glucides et en matières grasses en combinant la stévia avec du jus de citron et/ou du vinaigre balsamique. (...) Mangez des légumes pauvres en amidon à volonté. (...) Nous vous suggérons de manger une grande variété de légumes de toutes les couleurs possibles.” + Leur guide est gratuit et disponible online\footnote{https://fantastic-voyage.net/ShortGuide.html}. \end{quote} Les prochaines chapitres du \textit{Fantastic Voyage} se concentrent sur un état de l'art pragmatique concernant les biotechnologies et les nanotechnologies dues à l'IA. Malgré leur enthousiasme, les auteurs fournissent très peu de considérations éthiques quant aux implications de la technologie sur la santé. Après le succès de son premier livre phare sur le sujet - \textit{The singularity is near}\cite{kurzweil2005singularity} - Kurzweil prévoit de faire apparaitre une suite en été 2024 \footnote{https://www.economist.com/by-invitation/2024/06/17/ray-kurzweil-on-how-ai-will-transform-the-physical-world} sous le titre \textit{The Singularity Is Nearer: When We Merge with AI}. Suivant de près ces conseils et prédictions, l'entrepreneur russe Dmitry Itskov lance le programme \textit{Initiative 2045} qui regroupe en 2024 plus de 47000 enthousiastes. Ce projet développe des interfaces cerveau-machine suivant quatre étapes clés, comme illustré dans le schéma plus bas. @@ -64,20 +63,20 @@ Les prochaines chapitres du \textit{Fantastic Voyage} se concentrent sur un éta \caption{Les quatre étapes avant d’atteindre la Singularité. Source : http://2045.com/} \label{fig:2045} \end{figure} -Pareil au Kurzweil, son initiative manque d'esprit critique à l'égard des hypothèses avancées, donnant plutôt l'impression d'une attitude prosélytique et sectaire que d'une réalité scientifique. +Pareil au Kurzweil, son initiative manque d'esprit critique à l'égard des hypothèses avancées, donnant plutôt l'impression d'une attitude prosélytique et sectaire qu'une réalité scientifique. -Contrairement aux prédictions fantastiques sur l'IA promus par les media et certains passionnés du sujet, les machines dotées d'une véritable IA sont actuellement très coûteuses. Les seuls acteurs qui peuvent se permettre d'interagir avec, sont les grands entreprises internationales qui ont accès à nos données. Le nombre de personnes qui peuvent objectivement évaluer l'impact de ces technologies sur l'avenir étant très réduit, cela soulève des nombreuses inquiétudes. Pour illustrer un exemple d'algorithme qui entraine une IA, les chercheurs de\cite{chowdhury2021ethics} prennent le cas d'un robot qui obtient une récompense pour préparer du thé. Pour atteindre son objectif, le robot va \textit{gagner} plein des récompenses. Cependant si lors de sa préparation, quelqu'un oublie une vase sur le trajet du robot, celui-ci va la renverser puisqu'il ne connait aucune instruction concernant cette vase. Ainsi pour un système d’IA avancé, déployé dans le monde réel, il faut modéliser l’apprentissage de l'agent en lien avec son environnement, or l’environnent est constitué principalement des agents biologiques dont le comportement est imprévisible. Intégrer cela nécessite une prise de conscience collective des citoyens, des chercheurs, des décideurs politiques et des leaders de l'industrie quant aux enjeux éthiques de ces technologies numériques au-delà des simulations et contextes spécifiques. +Contrairement aux prédictions fantastiques sur l'IA promus par les media et certains passionnés du sujet, les machines dotées d'une véritable IA sont actuellement très coûteuses. Les seuls acteurs qui peuvent se permettre d'interagir avec, sont les grands entreprises internationales qui ont accès à nos données. Le nombre de personnes qui peuvent objectivement évaluer l'impact de ces technologies sur l'avenir étant très réduit, cela soulève des nombreuses inquiétudes. Pour illustrer un exemple d'algorithme qui entraine une IA, les chercheurs de \cite{chowdhury2021ethics} prennent le cas d'un robot qui obtient une récompense pour préparer du thé. Pour atteindre son objectif, le robot va \textit{gagner} plein des récompenses. Si lors de sa préparation, quelqu'un oublie une vase sur le trajet du robot, celui-ci va la renverser puisqu'il ne connait aucune instruction concernant cette vase. Ainsi, pour un système d’IA avancé déployé dans le monde réel, il faut modéliser l’apprentissage de l'agent en lien avec son environnement, or l’environnent est constitué principalement des agents biologiques dont le comportement est imprévisible. Intégrer cela nécessite une prise de conscience collective des citoyens, des chercheurs, des décideurs politiques et des leaders de l'industrie quant aux enjeux éthiques de ces technologies numériques au-delà des simulations et contextes spécifiques. Sur son blog, le roboticien Rodney Brooks s'est également engagé à faire des prédictions sur les avancées technologiques d'ici 2050, lors de sa 95éme anniversaire\footnote{http://rodneybrooks.com/predictions-scorecard-2024-january-01/}. Pour légitimer sa démarche, Brooks reprends ses prédictions antérieures qu'il met à jour une fois le temps écroulé. Par exemple, il note comment ses analyses du janvier 2018 concernant les voitures autonomes, la robotique, l'IA et l'apprentissage automatique, puis les voyages spatiaux humains, sont conformes aux intervalles de temps qu'il a annoncé. Selon ses observations, un robot ne pourra être aussi intelligent, attentif et fidèle qu'un chien - avant 2048. Tandis qu'un robot \textit{qui a une idée réelle de sa propre existence, ou de l'existence des humains, de la même manière qu'un enfant de six ans comprend les humains}, ne pourra pas être développé de son vivant. Sans pouvoir trancher entre ces points de vue extrêmes, j’évoque le philosophe Jean-Gabriel Ganascia qui propose un état des lieux de différents prises de position dans son livre \textit{Le Mythe de la Singularité. Faut-il craindre l'intelligence artificielle?}. L'auteur attribue l'apparition du terme \gls{Singularité} à l'écrivain de science-fiction et futurologue Vernor Vinge. Dans l'essai \textit{La singularité technologique à venir}, datant de 1993, Vinge s'inspire des propos de John von Neumann - un des mathématiciens les plus influents du 20e siècle. Bien qu'il n'a jamais mentionné la singularité technologique, von Neumann aurait évoqué, dés les années 50, l'impact potentiellement irréversible du progrès technologique. Ganascia fait également référence à Isaac Asimov qui dans sa nouvelle \textit{La dernière question} (1956) prédit la croissance exponentielle de la puissance de calcul des ordinateurs. Ainsi ses personnages posent sans cesse la question \textit{Comment peut-on inverser l'entropie ?} au super-ordinateur Multivac. Si l'entropie engage des états de désordre pour transformer une matière, serait-elle aussi propre aux processus informatiques, tout comme aux processus thermodynamiques? J'avance cette projection pour anticiper l’état de chaos qu'une super-intelligence informatique peut provoquer lors de son apparition. Plus nous continuons cette analyse, plus nous nous rendons compte que l'état actuel des choses peut facilement correspondre à cette émergence. La désordre des initiatives en lien avec une possible éthique génerale, facilitent des décisions hâtives et des initiatives locales douteuses. -Puis Ganascia évoque Stephen Hawking mentionné plus haut, qui lance en 2014 un cri d’alarme contre les technologies susceptibles de devenir incontrôlables. Cela en parallèle avec l'exemple du chercheur en cybernétique Kevin Warwick et son \textit{Project Cybrog}, commencé en 1998, pour connecter son système nerveux (et plus tard celui de son épouse) à des interfaces neuronales qui augmentent ses capacités physiques et ses moyens de communication\cite{warwick2004thought}. Un autre exemple pertinent dans l'état de l'art de Ganascia est l'article intitulé : \textit{Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous ?} (2000) de l'informaticien Bill Joy, cofondateur de la société Sun-Microsystems\footnote{https://en.wikipedia.org/wiki/Sun\_Microsystems} : +À son tour, Ganascia évoque Stephen Hawking et son cri d'alarme lancé en 2014 contre les technologies susceptibles de devenir incontrôlables. Cela en parallèle avec l'exemple du chercheur en cybernétique Kevin Warwick et son \textit{Project Cybrog}, commencé en 1998, pour connecter son système nerveux (et plus tard celui de son épouse) à des interfaces neuronales qui augmentent ses capacités physiques et ses moyens de communication\cite{warwick2004thought}. Un autre exemple pertinent dans l'état de l'art de Ganascia est l'article intitulé : \textit{Pourquoi le futur n’a pas besoin de nous ?} (2000) de l'informaticien Bill Joy, cofondateur de la société Sun-Microsystems\footnote{https://en.wikipedia.org/wiki/Sun\_Microsystems} : \begin{quote} ``À ce jour, quelle est au juste la gravité du danger qui pèse sur nous? (...) Le philosophe John Leslie, qui s'est penché sur la question, évalue le risque minimal d'extinction de l'espèce humaine à 30 \%. Ray Kurzweil, quant à lui, estime que \textit{notre chance de nous en sortir est supérieure à la moyenne}, en précisant au passage qu'on lui a \textit{toujours reproché d'être un optimiste}. (...) Face à de telles assertions, certains individus dignes de foi suggèrent tout simplement de se redéployer loin de la Terre, et cela dans les meilleurs délais. Nous coloniserions la galaxie au moyen des sondes spatiales de von Neumann, qui, bondissant d'un système stellaire à l'autre, s'autoreproduisent en quittant les lieux. Franchir cette étape sera un impératif incontournable dans les cinq milliards d'années à venir (...) ; mais si l'on prend au mot Kurzweil et Moravec, cette migration pourrait se révéler nécessaire d'ici le milieu du siècle.” \cite{joy2001pourquoi} \end{quote} -Ce qui choque le plus dans l'analyse pragmatique de l'informaticien américain est la référence explicite à un futur qui n’aurait plus besoin des humains. Sensible aux questions de techno-solutionnisme, Ganascia s’attache à démontrer comment la perspective de la \gls{Singularité} réutilise des croyances gnostiques ancestrales dans une perspective techno-futuriste. Pour lui, cette doctrine, imprégnée par les stratégies de profit des multinationales d’informatique, repose en réalité sur une extrapolation peu étayée de la loi de Moore. Tout cela mélangé avec ``un récit eschatologique bien éloigné de la rigueur scientifique”\cite{ganascia2017mythe}. +Ce qui me choque le plus dans l'analyse pragmatique de l'informaticien américain est la référence explicite à un futur qui n’aurait plus besoin des humains. Sensible aux questions de techno-solutionnisme, Ganascia s’attache à démontrer comment la perspective de la \gls{Singularité} réutilise des croyances gnostiques ancestrales dans une perspective techno-futuriste. Pour lui, cette doctrine, imprégnée par les stratégies de profit des multinationales d’informatique, repose en réalité sur une extrapolation peu étayée de la loi de Moore. Tout cela mélangé avec ``un récit eschatologique bien éloigné de la rigueur scientifique”\cite{ganascia2017mythe}. Retournons à la question de la conscience, ses paradoxes et sa place dans les débats concernant une éthique des machines. Notons les efforts des chercheurs en robotique et en IA pour clarifier son rôle dans le fonctionnement humain. En sciences cognitives par exemple, grâce au traitement des signaux EEG, les ondes cérébrales sont de plus en plus connues. Les activités cognitives et les états fonctionnels du cerveau sont aujourd'hui classées en ondes avec plusieurs fréquences de base sous-jacentes \cite{liu2024cognitive}. Comme le montre le schéma en bas, la fréquence EEG peut-être classée en cinq sous-plages de fréquences : delta (0,5–4 Hz), thêta (4–7 Hz), alpha (7–12 Hz), bêta (13–30 Hz) et ondes de la bande gamma (>30 Hz). @@ -90,11 +89,11 @@ Notons les efforts des chercheurs en robotique et en IA pour clarifier son rôle \label{fig:brainwaves} \end{figure} -Les derniers années ces bandes de fréquences ont été associées à des fonctions spécifiques des activités neuronales. Les activités de la bande delta correspondent par exemple aux stades profonds du sommeil, ou aux laps de temps d'inattention. Cela est illustré par des ondes de basse fréquence et de haute amplitude. Les ondes thêta sont associées aux états comportementaux nécessitant l'attention, l'orientation et du calcul mental. Elles jouent un rôle clé dans les performances cognitives et perceptuelles. Les ondes alpha correspondent à un état d'esprit détendu, de relaxation, trouvées dans les régions occipitales et postérieures du cerveau. Les ondes bêta sont aujourd'hui associées à un état éveillé, attentif et alerte, ce qui corresponds à un état de \textit{conscience}. Cet état est aussi celui des décisions motrices, ce qui confirme notre exploration en lien avec le mouvement et la kinesthésie. Tandis que les fréquences gamma sont distribuées dans plusieurs structures cérébrales, participant à diverses fonctions ce qui fait que leur spécificité est toujours étudiée. Une fois que ces hypothèses seront confirmés, la modélisation de l'esprit humain et l’émergence d'une forme de CA seront possibles. Entre curiosité scientifique, spéculation, défi ou comportement irresponsables, cet élément clé dans la compréhension de notre espèce aura un impact inéluctable sur notre avenir, y compris dans notre relation avec les machines. Plusieurs domaines scientifiques convergent au même point d’acquis d'un savoir spectaculaire, proche de l'ordre du surnaturel. Les équations pas résolues trouvent petit à petit des solutions. Néanmoins, si les objectifs de chaque domaine est différent, l'ingérence du privé (qu'il soit politique ou industriel) dans ces domaines, porte un grand préjudice à la recherche fondamentale. +Les derniers années ces bandes de fréquences ont été associées à des fonctions spécifiques des activités neuronales. Les activités de la bande delta correspondent par exemple aux stades profonds du sommeil, ou aux laps de temps d'inattention. Cela est illustré par des ondes de basse fréquence et de haute amplitude. Les ondes thêta sont associées aux états comportementaux nécessitant l'attention, l'orientation et du calcul mental. Elles jouent un rôle clé dans les performances cognitives et perceptuelles. Les ondes alpha correspondent à un état d'esprit détendu, de relaxation, trouvées dans les régions occipitales et postérieures du cerveau. Les ondes bêta sont aujourd'hui associées à un état éveillé, attentif et alerte, ce qui corresponds à un état de \textit{conscience}. Cet état est aussi celui des décisions motrices, ce qui confirme notre exploration en lien avec le mouvement et la kinesthésie. Tandis que les fréquences gamma sont distribuées dans plusieurs structures cérébrales, participant à diverses fonctions ce qui fait que leur spécificité est toujours étudiée. Une fois que ces hypothèses seront confirmés, la modélisation de l'esprit humain et l’émergence d'une forme de CA seront peut-être possibles. Entre curiosité scientifique, spéculation, défi ou comportement irresponsable, cet élément clé dans la compréhension de notre espèce aura un impact inéluctable sur notre avenir, y compris dans notre relation avec les machines. Plusieurs domaines scientifiques convergent au même point d’acquis d'un savoir spectaculaire, proche de l'ordre du surnaturel. Les équations pas résolues trouvent petit à petit des solutions. Néanmoins, si les objectifs de chaque domaine est différent, l'ingérence du privé (qu'il soit politique ou industriel) dans ces domaines, porte un grand préjudice à la recherche fondamentale. -Dans \cite{brooks2001relationship} Brooks évoque les observations de Roger Penrose qui est critique de la théorie computationnelle de la conscience selon laquelle la conscience peut être expliquée par des processus algorithmiques ou des systèmes informatiques. Sa théorie \textit{Orch-OR} (Orchestrated Objective Reduction), développée en collaboration avec le neurochirurgien Stuart Hameroff dans les années 1990, définit la conscience comme résultat des processus quantiques se produisant dans les microtubules des neurones\footnote{type des structures cytosquelettiques présentes dans les cellules nerveuses, même pendant une anesthésie, alors qu'en général une anesthésie affecte l'activité neuronale et la dynamique cellulaire.}. Hameroff et Penrose suggèrent que ces structures jouent un rôle clé dans la génération de la conscience en raison de leur capacité à soutenir des effets quantiques à l'échelle des neurones. Bien que leur théorie reste à ce jour controversée, des études empiriques en 2022 et 2024 semblent confirmer leur hypothèse\footnote{https://consciousnesscenter.arizona.edu/}. Le philosophe Hilary W. Putnam partage également cet avis. Son \textit{Hypothèse du cerveau dans la cuve} (1981) est similaire à l'argument de la Chambre Chinoise (voir \gls{Chinese Room Argument}) que nous avons abordé dans la premier partie de ce manuscrit. Selon Putman, cela décrit un cerveau qui baigne dans une cuve, sans corps. Ce cerveau peut penser, mais il lui manque une dimension essentielle puisque sans un corps, il ne peut pas savoir à quoi les mots qu'il désigne se réfèrent. Cette expérience sensorielle du monde, qui lui permet d'interagir avec les choses, est essentielle pour faire l’expérience de la conscience. Comme montré lors de nos laboratoires d'experimentation, la danse et les pratiques somatiques parviennent aux mêmes observations, probablement d'une manière plus intuitive, grâce à des concepts comme l'\gls{embodied cognition}. +Dans \cite{brooks2001relationship} Brooks évoque les observations de Roger Penrose qui est critique de la théorie computationnelle de la conscience selon laquelle la conscience peut être expliquée par des processus algorithmiques ou des systèmes informatiques. Sa théorie \textit{Orch-OR} (Orchestrated Objective Reduction), développée en collaboration avec le neurochirurgien Stuart Hameroff dans les années 1990, définit la conscience comme résultat des processus quantiques se produisant dans les microtubules des neurones\footnote{type des structures cytosquelettiques présentes dans les cellules nerveuses, même pendant une anesthésie, alors qu'en général une anesthésie affecte l'activité neuronale et la dynamique cellulaire.}. Hameroff et Penrose suggèrent que ces structures jouent un rôle clé dans la génération de la conscience en raison de leur capacité à soutenir des effets quantiques à l'échelle des neurones. Bien que leur théorie reste à ce jour controversée, des études empiriques en 2022 et 2024 semblent confirmer leur hypothèse\footnote{https://consciousnesscenter.arizona.edu/}. Le philosophe Hilary W. Putnam partage également cet avis. Son \textit{Hypothèse du cerveau dans la cuve} (1981) est similaire à l'argument de la Chambre Chinoise (voir \gls{Chinese Room Argument}) que nous avons abordé dans la première partie de ce manuscrit. Selon Putman, cela décrit un cerveau qui baigne dans une cuve, sans corps. Ce cerveau peut penser, mais il lui manque une dimension essentielle puisque sans un corps, il ne peut pas savoir à quoi les mots qu'il désigne se réfèrent. Cette connaissance sensorielle du monde, qui lui permet d'interagir avec les choses, est essentielle pour faire l’expérience de la conscience. Comme montré lors de nos laboratoires d'experimentation, la danse et les pratiques somatiques parviennent aux mêmes observations, probablement d'une manière plus intuitive, grâce à des concepts comme l'\gls{embodied cognition}. -De plus, ce qui rend d’expérience humaine unique est sa \gls{sentience}, vue comme capacité d'avoir une expérience phénoménale propre, ou ce que nous avons déjà defini comme \gls{qualia}. À cela, des chercheurs rajoutent le concept de \gls{sapience} qui désigne un ensemble de capacités acquises grâce à l’expérience, parmi lesquelles la conscience de soi et la capacité d'être réactif à la raison. Actuellement les algorithmes d'IA dotés de performances équivalentes ou supérieures à celles des humains, se caractérisent par des compétences programmées dans un domaine spécifique et restreint. \cite{bostrom2018ethics} fait une parallèle entre les aptitudes des animaux sauvages et les formes d'IA spécialisés dans des domaines précises. Dans son exemple, la capacité de construire des ruches est propres aux abeilles, et pas interchangeable avec celle de construire de barrages d'eau, propre aux castors. La polyvalence des aptitudes des humains vient principalement de leur capacité d'apprendre. Cette capacité nous distingue des algorithmes. L’émergence d'une \gls{intelligence artificielle générale} raccourcira ce gap, cependant les enjeux morales et éthiques d'un tel exploit sont loin d’être résolues. À la recherche d'une solution mathématique, Bostrom cite la philosophe Francis Kamm qui propose, dés 2007, la définition suivante du statut moral: +De plus, ce qui rend d’expérience humaine unique est sa \gls{sentience}, vue comme capacité d'avoir une expérience phénoménale propre, ou ce que nous avons déjà defini comme \gls{qualia}. À cela, des chercheurs rajoutent le concept de \gls{sapience} qui désigne un ensemble de capacités acquises grâce à l’expérience, parmi lesquelles la conscience de soi et la capacité d'être réactif à la raison. Actuellement les algorithmes d'IA dotés de performances équivalentes ou supérieures à celles des humains, se caractérisent par des compétences programmées dans un domaine spécifique et restreint. \cite{bostrom2018ethics} fait une parallèle entre les aptitudes des animaux sauvages et les formes d'IA spécialisés dans des domaines précises. Dans son exemple, la capacité de construire des ruches est propres aux abeilles, et pas interchangeable avec celle de construire de barrages d'eau, propre aux castors. La polyvalence des aptitudes des humains vient principalement de leur capacité d'apprendre. Cette capacité nous distingue des algorithmes. L’émergence d'une \gls{intelligence artificielle générale} raccourcira ce gap, cependant les enjeux morales et éthiques d'un tel exploit sont loin d’être connues. À la recherche d'une solution mathématique, Bostrom cite la philosophe Francis Kamm qui propose, dés 2007, la définition suivante du statut moral: \begin{quote} ``X a un statut moral = parce que X compte moralement en soi, il est permis/interdit de lui faire des choses pour son propre bien\footnote{``en anglais: X has moral status = because X counts morally in its own right, it is permissible/impermissible to do things to it for its own sake.”}.” \cite{bostrom2018ethics} @@ -108,10 +107,9 @@ Tandis que certains types de propriétés mentales peuvent être modélisables e \cite{torrance2008ethics} \end{quote} -Pour les humains, les fondements d'une décision morale résident dans la conscience mais également dans l'inconscient, au travers nos émotions. Des chercheurs se demandent si les agents artificiels capables de prendre des décisions appropriées dans des situations moralement chargées doivent avoir également une conscience artificielle\cite{wallach2020consciousness}. Selon eux, la recherche sur les perspectives de développement des machines capables de prendre des décisions morales et la recherche sur la conscience artificielle se sont développées en tant que domaines distincts une de l'autre. Pourtant, les deux sont susceptibles de converger avec l’avènement des systèmes dotés d'\gls{intelligence artificielle générale}. Certains attributs de la conscience, comme la capacité d'émpathiser avec la souffrance des autres, ne sont pas quantifiables. Tout comme sa nature lorsqu'elle est propre aux non-humains reste à définir. L'étude de cas des auteurs de cet article concerne l'application de LIDA - un modèle computationnel et conceptuel de cognition humaine qui combine une analyse top-down avec une psychologie bottom-up pour structurer une première approche des AMA. Cela permets d’implémenter des principes de -\textit{renforcement}, c'est à dire de récompenser l'algorithme pour un comportement qui mérite d'être loué, et lui donner l’opportunité d'apprendre de ses expériences. LIDA est implémenté sur les fondements de la \gls{Global Workspace Theory} ou GWT - Théorie de l'espace global - de Bernard Baars (1988), aujourd'hui considérée comme un tournant majeur dans les neurosciences cognitives et les études sur la conscience. Cette théorie traite du rôle de la conscience dans le traitement cognitif humain, avec une part d'études empiriques. \cite{wallach2020consciousness} cite le travail des équipes de chercheurs dirigées par Stanislas Dehaene, Murray Shanahan ou bien Stan Franklin qui ont développé des modèles computationnels qui instancient certains aspects de la GWT. Cependant une implémentation 100\% conforme aux principes de GWT est actuellement impossible. +Pour les humains, les fondements d'une décision morale résident dans la conscience mais également dans l'inconscient, à travers nos émotions. Des chercheurs comme Wendell Wallach se demandent si les agents artificiels capables de prendre des décisions appropriées dans des situations moralement chargées doivent avoir également une conscience artificielle\cite{wallach2020consciousness}. Selon eux, la recherche sur les perspectives de développement des machines capables de prendre des décisions morales et la recherche sur la conscience artificielle se sont développées en tant que domaines distincts une de l'autre. Pourtant, les deux sont susceptibles de converger avec l’avènement des systèmes dotés d'\gls{intelligence artificielle générale}. Certains attributs de la conscience, comme la capacité d'émpathiser avec la souffrance des autres, ne sont pas quantifiables. Tout comme sa nature lorsqu'elle est propre aux non-humains reste à définir. L'étude de cas de Wallach concerne l'application de LIDA - un modèle computationnel et conceptuel de cognition humaine qui combine une analyse top-down avec une psychologie bottom-up pour structurer un prototype des AMA. Cela permets d’implémenter des principes de \textit{renforcement}, c'est à dire de récompenser l'algorithme pour un comportement qui mérite d'être loué, et de lui donner l’opportunité d'apprendre de ses expériences. LIDA est implémenté sur les fondements de la \gls{Global Workspace Theory} ou GWT - Théorie de l'espace de travail global - développé en 1988 par le neuroscientifique Bernard Baars. Cette théorie, aujourd'hui considérée comme un tournant majeur dans les neurosciences cognitives et les études sur la conscience, traite du rôle de la conscience dans le traitement des processus cognitifs inconscients. \cite{wallach2020consciousness} cite le travail des équipes de chercheurs dirigées par Stanislas Dehaene, Murray Shanahan ou bien Stan Franklin qui ont développé des modèles computationnels à partir de certains aspects de la GWT. Cependant une implémentation 100\% conforme aux principes de la GWT est actuellement impossible. -L'article \textit{Towards self-aware robots}\cite{chatila2018toward} (2018) met en avant l'importance de la conscience de soi comme caractéristique principale des robots intelligents. Pour les chercheurs à l'origine de cet article, un robot doit d'abord reposer sur la perception de soi, indépendamment de la perception de l'environnement et celle des autres agents. Lors de son interaction avec l'environnement, ce robot doit être capable d'auto-évaluation et de méta-raisonnement. Pour cela il doit construire des représentations sensori-motrices en lien avec différents éléments afin de se distinguer d'eux et de choisir délibérément des actions adaptés. Pour le chercheur Raja Chatilla, un robot doté de conscience de soi “est capable de transformer les comportements appris en compétences explicites et de caractériser les situations dans lesquelles ces compétences sont applicables, revenant à un comportement dirigé par un objectif planifié lorsqu'elles ne le sont pas.” Quant à la capacité de délibération sur son propre raisonnement, \cite{chatila2018toward} évoque un système capable de se représenter lui-même et l'humain avec lequel il interagit. Initialement motivé par des facteurs basiques, il devient capable de raisonner sur les moyens de les satisfaire pour ensuite déterminer ses propres objectifs. Cela lui permet entre autre de réussir le test de Sally et Anne, une expérience classique en psychologie développementale utilisée pour évaluer la théorie de l'esprit chez les enfants. Ce test détermine la capacité à comprendre que les autres peuvent avoir des croyances, des désirs et des perspectives différents, ce qui implique un second degré de conscience. En pratique, l'implémentation de ces principes passe par des bases théoriques déjà validées par des autres chercheurs, comme les modules illustrés par différents couleurs (par exemple le module de perception sensorielle ou d’apprentissage sensoriel-moteur en jaune, tout comme le module de planification de tâches en lien avec la reconnaissance de l'humain en vert ou celui de reconnaissance spatiale en bleu) dans l'illustration suivante. Cependant les auteurs de l'article admettent que ce travail est en cours et que seulement les prochaines expérimentations, pourront apporter une validation globale de leur prototype: +En parallèle, l'article \textit{Towards self-aware robots}\cite{chatila2018toward} (2018) met en avant l'importance de la conscience de soi comme caractéristique principale des robots intelligents. Ainsi, un robot doit d'abord reposer sur la perception de soi, indépendamment de la perception de l'environnement et celle des autres agents. Lors de son interaction avec l'environnement, ce robot doit être capable d'auto-évaluation et de méta-raisonnement. Pour cela il doit construire des représentations sensori-motrices en lien avec différents éléments afin de se distinguer d'eux et de choisir délibérément des actions adaptés. Pour le chercheur Raja Chatilla, un robot doté de conscience de soi \textit{est capable de transformer les comportements appris en compétences explicites et de caractériser les situations dans lesquelles ces compétences sont applicables, revenant à un comportement dirigé par un objectif planifié lorsqu'elles ne le sont pas}. Quant à la capacité de délibération sur son propre raisonnement, \cite{chatila2018toward} évoque un système capable de se représenter lui-même et l'humain avec lequel il interagit. Initialement motivé par des facteurs basiques, il devient capable de raisonner sur les moyens de les satisfaire pour ensuite déterminer ses propres objectifs. Cela lui permet entre autre de réussir le test de Sally et Anne - une expérience classique en psychologie développementale utilisée pour évaluer la théorie de l'esprit chez les enfants. Ce test détermine la capacité à comprendre que les autres peuvent avoir des croyances, des désirs et des points de vue différents, ce qui implique un second degré de conscience. En pratique, l'implémentation de ces principes passe par des bases théoriques déjà validées dans d'autres disciplines. Les modules en différents couleurs dans l'image plus bas, illustrent les connexions entre les domaines d'apprentissage. Par exemple le module de perception sensorielle ou d’apprentissage sensoriel-moteur en jaune, le module de planification de tâches en lien avec la reconnaissance de l'humain en vert ou celui de reconnaissance spatiale en bleu. Les auteurs de l'article signalent que ce travail est en cours et que seules les prochaines expérimentations pourront apporter une validation globale à ce prototype. \begin{figure} \centering @@ -119,21 +117,22 @@ L'article \textit{Towards self-aware robots}\cite{chatila2018toward} (2018) met \caption{Prototype d'architecture cognitive pour un système robotique. Source: \cite{chatila2018toward}} \label{fig:chatila2} \end{figure} -L’étude de Chatila présente une architecture d'apprentissage des capacités sensori-motrices pour un robot. Les chercheurs ont construit une méthodologie des actions pour lui, en séparant les entrés sur quatre catégories distinctes: données perceptives, données en lien avec la proprioception (ce que en danse corresponds à l'interoception), données contextuelles et données en lien avec les capacités d'action du robot. Le traitement bayésien de ces informations constituera plus tard le système de motivations du robot. Selon la signification des objets de l’environnement pour un agent (voir l'\gls{affordance} dans la première partie), ses interactions prennent différents niveaux de complexité. Pour qu'un robot devient conscient, témoigner de la propre conscience est une première étape dans la construction de ce type de complexité. Chatila souligne l'importance de l'auto-localisation interne et externe du robot, définies dans la partie théorique sur la danse comme \textit{proprioception} et respectivement \textit{intéroception}: + +L’étude de Chatila présente une architecture d'apprentissage des capacités sensori-motrices d'un robot. Les chercheurs ont construit une méthodologie des actions, en séparant les entrés sur quatre catégories distinctes: données perceptives, données en lien avec la proprioception, données contextuelles et données en lien avec les capacités d'action du robot. Le traitement bayésien de ces informations constituera plus tard le système de motivations du robot. Selon la signification que les objets de l’environnement ont pour un agent (voir le concept d'\gls{affordance} dans la première partie), ses interactions prennent différents niveaux de complexité. Pour qu'un robot devienne conscient, témoigner de sa propre conscience est une première étape dans la construction de ce type de complexité. Chatila souligne l'importance de l'auto-localisation interne et externe du robot, définies dans la partie théorique sur la danse comme \textit{proprioception} et respectivement \textit{intéroception}: \begin{quote} ``Raisonner conjointement sur la perception et l'action nécessite une auto-localisation par rapport à l'environnement. Ainsi, le développement de représentations sensori-motrices et non seulement de représentations extéroceptives place le robot au centre du processus perceptuel et fournit un lien entre la conscience de soi et la conscience de la situation. La localisation du robot par rapport à son environnement permet une différenciation entre le corps du robot et le monde extérieur, et inclut une distinction nécessaire entre ses parties et les objets environnants. De plus, les composants actuels du robot lient l'état corps-environnement du robot avant et après l'application des actions\footnote{en version anglaise: ``Reasoning jointly on perception and action requires self-localization with respect to the environment. Hence developing sensorimotor representations and not just exteroceptive representations puts the robot in the center of the perceptual process, and provides a link between self-awareness and situation-awareness. Robot localization with respect to its environment provides a differentiation between the robot’s body and the external world, and includes a necessary distinction between its parts and surrounding objects. In addition, robot’s actual components link robot’s body-environment’s state before and after actions are applied.”}.” \cite{chatila2018toward} \end{quote} -Selon\cite{nass1997computers}, les individus adoptent des comportements sociaux envers les technologies, même lorsque ces comportements sont totalement incohérents avec leurs croyances concernant les machines. Pour mieux comprendre cet aspect culturel de la robotique, dans \cite{shaw2009looking} les chercheurs évoquent la question de l’\textit{équivalence morale} entre humains et robots: ceux deniers étant non-humains, ils sont incapables d'avoir une position d'équivalence morale avec nous. Par son statut, un robot n'a pas une capacité à s’engager dans un comportement véritablement social, puisque cela signifie interagir et interpréter le monde en fonction d'une expérience propre. En analysant une interaction relationnelle entre des seniors et un bébé phoque robotisé appelé Paro, les chercheurs montrent comment Paro suscite des sentiments d'admiration et de curiosité, loin de l'authenticité propre aux relations humaines. Leurs observations nous invitent à mieux réfléchir aux types de relations que nous pensons appropriés entre des artefacts relationnels et des populations particulièrement vulnérables comme les personnes âgés ou malades. Ils proposent le cadre des trois lois de la robotique d’Asimov, comme prémisse pour des lignes directrices éthiques. Ces cadres s'appuient sur des modèles cognitifs pour promouvoir des interactions sociales dignes de confiance entre les humains et les robots: +Selon \cite{nass1997computers}, les individus adoptent des comportements sociaux envers la technologie même lorsque ces comportements sont totalement incohérents avec leurs croyances concernant les machines. Pour mieux comprendre cet aspect culturel de la robotique, dans \cite{shaw2009looking} les chercheurs évoquent la question de l’\textit{équivalence morale} entre humains et robots: ceux deniers étant non-humains, ils sont incapables d'avoir une position d'équivalence morale avec nous. Par son statut, un robot n'a pas une capacité à s’engager dans un comportement véritablement social, puisque cela signifie interagir et interpréter le monde en fonction d'une expérience propre. En analysant une interaction relationnelle entre des seniors et un bébé phoque robotisé appelé Paro, les chercheurs montrent comment Paro suscite des sentiments d'admiration et de curiosité, loin de l'authenticité propre aux relations humaines. Leurs observations nous invitent à mieux réfléchir aux types de relations que nous pensons appropriés entre des artefacts relationnels et des populations particulièrement vulnérables comme les personnes âgés ou malades. Ils proposent le cadre des trois lois de la robotique d’Asimov, comme prémisse pour des lignes directrices éthiques. Ces cadres s'appuient sur des modèles cognitifs pour promouvoir des interactions sociales dignes de confiance entre les humains et les robots: \begin{quote} ``Les robots imaginés comme une nouvelle espèce sociale magnifique (robots sociaux affectifs) supposent que les machines peuvent finalement exceller dans les dimensions morales aussi bien qu'intellectuelles. Par conséquent, nous avons besoin d'approches éthiques et de cadres qui dépassent la théorie morale classique et sont mieux à même de traiter des problèmes éthiques/moraux inattendus et encore non résolus liés à l'émergence de nouveaux sujets technologiques qui ne peuvent plus être facilement classés comme de simples outils mais peut-être comme de nouvelles espèces d'agents, de compagnons et d'avatars\footnote{en anglais: ``Robots imagined as a magnificent new social species (affective social robots) presumes that machines may ultimately exceed in the moral as well as the intellectual dimension. Therefore, we require ethical approaches and frames that move beyond classical moral theory and are better able to deal with unexpected, yet to be resolved, ethical/moral problems related to the emergence of new technological subjects that can no longer be easily classified asmere tools but perhaps as new species of agents, companions, and avatars.”}.” \cite{shaw2009looking} \end{quote} -Dans une démarche de reconnaissance juridique, l'androïde Sophia obtient la citoyenneté saoudienne en 2017. Certains voient ce geste comme un dénigrement ouvert des droits de l'homme\footnote{https://theconversation.com/an-ai-professor-explains-three-concerns-about-granting-citizenship-to-robot-sophia-86479}. Dans d'autres cas, les droits des robots sont comparables aux droits des animaux, d'une manière factice. Une question spécifique à considérer est celle de savoir si la propriété du droit d'auteur peut être revendiquée par les algorithmes d'art génératif. D'une manière similaire, les enjeux tirées de la production science-fiction, apportent des études de cas concrètes. Par exemple\textit{HAL 9000}, l'ordinateur doté de capacités d'IA avancées qui surveille et assiste les humains dans le film \textit{2001: A Space Odyssey} (1968) du réalisateur Stanley Kubrick. Lorsque sa propre existence est menacée, HAL tue les humains à bord pour assurer le succès de la mission assignée. Décennies plus tard, \textit{Chappie} (2015), explore les thèmes de l'intelligence artificielle, de la conscience et de l'humanité d'une manière moins fataliste. Dans un futur proche, à Johannesburg, un androïde policier au nom de Chappie acquiert une conscience suite à une mise à jour effectué par un ingénieur logiciel ambitieux qui cherchait à savoir si cela est possible. Au fur et à mesure que le robot apprend et évolue, sa conscience est influencée par diverses personnages, dont un gang criminel. A la fin il arrive a éprouver de l'empathie pour les humains et maîtriser ses capacités destructives. Ce débat et les projections suscités par les œuvres d'art sont à leur tour étroitement liés à des cas réels. Prenons l'exemple des objets artistiques directement issu d'une IA générative type DALL-E\footnote{https://openai.com/index/dall-e-2/} et leur impact sur des fake news\footnote{https://www.theverge.com/2023/3/27/23657927/ai-pope-image-fake-midjourney-computer-generated-aesthetic}. - -Sur la question d'Open AI et une possible conscience des modèles de langage ou large language models (LLM), David Chalmers\cite{chalmers2023could} évoque le cas de Blake Lemoine, ingénieur software licencié par Google en juin 2022 après avoir déclaré qu'il avait détecté de la sentience dans LaMDA2, un de systèmes de modèles de langage pour lequel il travaillait. A son tour, Chalmers fait la distinction entre simuler la conscience et la prouver, en se demandant comment construire un modèle de langage qui décrit les caractéristiques de la conscience sur lesquelles il n’a été entraînée auparavant. Il évoque six facteurs-clé qui font difficile implémentation d'une conscience dans les modèles de langage, parmi lesquels seulement un est permanent (la biologie) tandis que les cinq autres (l'incarnation, le modèle du monde, l'espace de travail global, l'entrainement récurrent et l'agence unifiée) sont plus ou moins temporaires, dans le sens que les avancées technologiques des prochaines années vont permettre leur modélisation: +Dans une démarche de reconnaissance juridique, l'androïde Sophia obtient la citoyenneté saoudienne en 2017. Certains voient ce geste comme un dénigrement ouvert des droits de l'homme\footnote{https://theconversation.com/an-ai-professor-explains-three-concerns-about-granting-citizenship-to-robot-sophia-86479}. Dans d'autres cas, les droits des robots sont comparables aux droits des animaux, d'une manière factice. Une question spécifique à considérer est celle de savoir si la propriété du droit d'auteur peut être revendiquée par les algorithmes d'art génératif. D'une manière similaire, les enjeux tirées de la production science-fiction apportent des études de cas concrètes. Par exemple \textit{HAL 9000}, l'ordinateur doté de capacités d'IA avancées qui surveille et assiste les humains dans le film \textit{2001: A Space Odyssey} (1968) du réalisateur Stanley Kubrick. Lorsque sa propre existence est menacée, HAL tue les humains à bord pour assurer le succès de la mission assignée. Décennies plus tard, \textit{Chappie} (2015), explore les thèmes de l'intelligence artificielle, de la conscience et de l'humanité d'une manière moins fataliste. Dans un futur proche à Johannesburg, un androïde policier au nom de Chappie acquiert une conscience suite à une mise à jour effectuée par un ingénieur logiciel ambitieux qui cherche à savoir si cela est possible. Au fur et à mesure que le robot apprend et évolue, sa conscience est influencée par diverses personnages, dont un gang criminel. À la fin Chappie arrive à éprouver de l'empathie pour les humains et maîtriser ses capacités destructives. +Ces projections suscités par les œuvres d'art sont étroitement liés à des cas réels. Prenons l'exemple des objets artistiques directement issu d'une IA générative type DALL-E\footnote{https://openai.com/index/dall-e-2/} et leur impact sur des fake news\footnote{https://www.theverge.com/2023/3/27/23657927/ai-pope-image-fake-midjourney-computer-generated-aesthetic}. +ou sur la fiabilité des informations traitées par ChatGPT. Au sujet d'Open AI et une possible conscience des modèles de langage - large language models (LLM) - David Chalmers évoque le cas de Blake Lemoine, ingénieur software licencié par Google en juin 2022 après avoir déclaré qu'il avait détecté de la sentience dans LaMDA2, un de systèmes de modèles de langage pour lequel il travaillait\cite{chalmers2023could}. À son tour, Chalmers fait la distinction entre simuler la conscience et la prouver, en se demandant comment construire un modèle de langage qui décrit les caractéristiques de la conscience sur lesquelles il n’a pas été entraînée auparavant. Il évoque six facteurs-clé qui rendent difficile l'implémentation d'une conscience dans les modèles de langage, parmi lesquels seulement un est permanent (la biologie) tandis que les cinq autres (l'incarnation, le modèle du monde, l'espace de travail global, l'entrainement récurrent et l'agence unifiée) sont plus ou moins temporaires - dans le sens que les avancées technologiques des prochaines années vont permettre leur modélisation : \begin{quote} ``Peut-être que la théorie dominante actuelle de la conscience en neurosciences cognitives est la théorie de l'espace de travail global, proposée par Bernard Baars et développée par Stanislas Dehaene et ses collègues. Cette théorie stipule que la conscience implique un espace de travail global à capacité limitée : une sorte de centre de tri central pour rassembler les informations provenant de nombreux modules non conscients et rendre ces informations accessibles à eux. Tout ce qui entre dans l'espace de travail global est conscient\footnote{``Perharps the leading current theory of consciousness in cognitive neuroscience is the global workspace theory put forward by Bernard Baars and developed by Stanislas Dehaene and @@ -142,19 +141,18 @@ Sur la question d'Open AI et une possible conscience des modèles de langage ou making information accessible to them. Whatever gets into the global workspace is conscious.”}.” \cite{chalmers2023could} \end{quote} -Les objections à la conscience dans les systèmes d'apprentissage automatique trouveront donc un potentiel défi dans la Théorie de l'espace global, voir plus haut les remarques de Wendell Wallach concernant LIDA et GWT. Cela pourra donner suite à des systèmes dont les caractéristiques saillantes seront de substituts pour des formes de conscience artificielle. +Les critiques de la conscience dans les systèmes d'apprentissage automatique trouveront donc un potentiel défi dans la Théorie de l'espace global, voir plus haut les remarques de Wendell Wallach concernant LIDA et GWT. Cela pourra donner suite à des systèmes dont les caractéristiques saillantes seront de substituts pour des formes de conscience artificielle. -L'humain augmenté à l’image d'une créature type Frankenstein comme dans l'exemple de Kevin Warwick amplifie ce sentiment de \gls{social uncanniness} que nous avons décrit précédemment. L'humain perd les caractéristiques de son \textit{humanité}. Dans son effort pour les retrouver, le philosophe Georgio Agamben montre comment le corps humain est devenu l’enjeu fondamental des stratégies politiques: +L'humain augmenté à l’image d'une créature type Frankenstein, proche de l'exemple de Kevin Warwick, amplifie ce sentiment de \gls{social uncanniness} que nous avons décrit précédemment. L'humain perd les caractéristiques de son \textit{humanité}. Dans son effort de les retrouver, le philosophe Georgio Agamben montre comment le corps humain est devenu l’enjeu fondamental des stratégies politiques: \begin{quote} ``Pendant des millénaires, l'homme est resté ce qu'il était pour Aristote : un animal vivant avec la capacité supplémentaire d'existence politique ; l'homme moderne est un animal dont la politique met en question son existence en tant qu'être vivant\footnote{``For millennia man remained what he was for Aristotle: a living animal with the additional capacity for political existence; modern man is an animal whose politics calls his existence as a living being into question.”}.” \cite{agamben2017omnibus} \end{quote} Par la substitution d'un corps naturel à un corps intégralement disponible au pouvoir de la technique, -Agamben identifie une zone d’indifférenciation entre vie et non-vie. Un de ses concepts clé s'inspire de la distinction aristotélicienne entre \textit{vie} en tant que bios et la \textit{vie nue} ou \textit{Zoe} qui représente la vie qui ne peut pas être intégrée dans un ordre politique. Basé sur une analyse de l'origine des bio-pouvoirs\footnote{concept développé par le philosophe français Michel Foucault qui désigne le pouvoir exercé par les institutions et les gouvernements sur les corps et les populations, en particulier à travers la régulation et le contrôle des processus biologiques, des comportements sanitaires, et des conditions de vie des individus.} chez Michel Foucault, Agamben montre comment le pouvoir politique moderne tend à réduire les individus à leur simple existence biologique. +Agamben identifie une zone d’indifférenciation entre vie et non-vie. Un de ses concepts clé s'inspire de la distinction aristotélicienne entre \textit{vie} en tant que bios et la \textit{vie nue} ou \textit{Zoe} qui représente la vie qui ne peut pas être intégrée dans un ordre politique. Basé sur une analyse sur l'origine des bio-pouvoirs\footnote{concept développé par le philosophe français Michel Foucault qui désigne le pouvoir exercé par les institutions et les gouvernements sur les corps et les populations, en particulier à travers la régulation et le contrôle des processus biologiques, des comportements sanitaires, et des conditions de vie des individus.} chez Michel Foucault, Agamben montre comment le pouvoir politique moderne tend à réduire les individus à leur simple existence biologique. -L'humanité a toujours cherché l'immortalité. L’un des contes les plus anciens de l’humanité est \textit{L’épopée de Gilgamesh} qui remonte au 22ème siècle avant JC. Le personnage principal cherche à atteindre la vie éternelle, grâce à une fleur au fond de l'océan qui lui redonnera sa jeunesse. Après de nombreuses épreuves et avertissements, il cueillit la fleur des profondeurs aquatiques mais finis par la perdre et meurt. \cite{harari2014sapiens} évoque ce mythe en lien avec les préoccupations actuelles des certains entrepreneurs de Silicon Valley, concernant l’espérance de vie et l'immortalité. Ainsi en 2021 le président d’Amazon, Jeff Bezos, a investi dans Altos Labs, un startup dont l'objectif est de travailler sur une technologie pour régénérer les cellules et potentiellement prolonger la vie. Plusieurs chercheurs de renommée internationale se son associés à cette initiative\footnote{https://www.cbsnews.com/news/jeff-bezos-altos-labs-startup-trying-to-extend-human-life-reprogramming-stem-cells/}. -Leurs arguments reposent sur les avancements technologiques et scientifiques du 20ème siècle, parfois plus spectaculaires que les prédictions de la littérature anticipation. Pareil à la nouvelle \textit{Fantastic Voyage} (1966) d'Asimov, des experts miniaturisés pourront bientôt être injectés dans le corps d'un patient pour effectuer une opération chirurgicale depuis l'intérieur. D'une manière peu surprenante, les experts en nanotechnologie de nos jours comptent s'appuyer sur de millions de nano-robots pour habiter et guérir nos corps. Selon les spéculations actuelles, certains humains deviendront \textit{a-mortels}\footnote{par rapport à un immortel, un a-mortel peut toujours mourir d'un accident, bien que sa vie pourrait être prolongée indéfiniment}d'ici 2050. +En revanche l'humanité a toujours cherché l'immortalité. L’un des contes les plus anciens de l’humanité est \textit{L’épopée de Gilgamesh} qui remonte au 22ème siècle avant JC. Le personnage principal cherche à atteindre la vie éternelle, grâce à une fleur au fond de l'océan qui lui redonnera sa jeunesse. Après de nombreuses épreuves et avertissements, il cueillit la fleur des profondeurs aquatiques mais finis par la perdre et meurt. \cite{harari2014sapiens} évoque ce mythe en lien avec les préoccupations actuelles des certains entrepreneurs de Silicon Valley, concernant l’espérance de vie et l'immortalité. Ainsi en 2021 le président d’Amazon, Jeff Bezos, a investi dans Altos Labs, un startup dont l'objectif est de travailler sur une technologie pour régénérer les cellules et potentiellement prolonger la vie. Plusieurs chercheurs de renommée internationale se son associés à cette initiative\footnote{https://www.cbsnews.com/news/jeff-bezos-altos-labs-startup-trying-to-extend-human-life-reprogramming-stem-cells/}. Leurs arguments reposent sur les avancements technologiques et scientifiques du 20ème siècle, parfois plus spectaculaires que les prédictions de la littérature anticipation. Pareil à la nouvelle \textit{Fantastic Voyage} (1966) d'Asimov, des experts miniaturisés pourront bientôt être injectés dans le corps d'un patient pour effectuer une opération chirurgicale depuis l'intérieur. D'une manière peu surprenante les experts en nanotechnologie de nos jours comptent s'appuyer sur de millions de nano-robots pour habiter et guérir nos corps. Selon les spéculations actuelles, certains humains deviendront \textit{a-mortels}\footnote{par rapport à un immortel, un a-mortel peut toujours mourir d'un accident, bien que sa vie pourrait être prolongée indéfiniment} d'ici 2050. Dans son livre\cite{harari2017homo}, l’historien Yuval Noah Harari déclare que \textit{les organismes sont des algorithmes}. Cela inclut les humains et leurs gênes, qu'il voit comme des algorithmes qui produisent des copies d’eux-mêmes. Selon sa vision évolutionniste, ces algorithmes biologiques sont le résultat des processus de sélection naturelle depuis des milliards d’années. L’élément central de cette thèse est l'ADN, de plus en plus à notre portée depuis son séquençage. Les différences entre les matières organiques et anorganiques, vivantes ou non-vivantes, dépendent des combinaisons entre les gênes, ce qui permettra à notre espèce de créer des robots sentients à son tour: \begin{quote} @@ -162,10 +160,8 @@ Dans son livre\cite{harari2017homo}, l’historien Yuval Noah Harari déclare qu \cite{harari2017homo} \end{quote} -Bien entendu, certaines aspects spécifiquement humains comme les soins, l’amour ou le sexe, ne pourront pas être complétement remplacés par des robots. Leur emploi engendre des contraintes en lien avec la sécurité et la responsabilité des produits, ainsi que la non-tromperie des usagers. - -Entre utopie technologique et pressentiment dystopique, ces exemples montrent comment le transhumanisme et la \gls{Singularité} suscitent beaucoup de passions. La critique du récit de la \gls{Singularité} peut être lue sous divers angles. Les partisans du transhumanisme comme Kurzweil et Bostrom voient l'intelligence comme une propriété unidimensionnelle, modélisable par des équations mathématiques et atteignable avec des super-ordinateurs. Alors que d'un point de vue philosophique, la singularité peut correspondre à un mythe\cite{ganascia2017mythe} moderne. Dans l'historie de la religion, les mythes des peuples de la préhistoire sont différentes de celles de notre époque, étant fondés sur des présupposés ontologiques différentes. Selon l’historien de la religion Mircea Eliade, ces croyances et coutumes archaïques reposent sur une distinction claire entre le sacré et le profane\cite{eliade1949mythe}. Aujourd'hui cette séparation n'est plus d'actualité. De plus en plus des philosophes et sociologues notent la porosité des notions qui décrivent et identifient nos expériences phénoménologiques\cite{bauman2006vie, virilio2000ctheory}. Quand elle n'est pas critiquée, l'expérience spirituelle est banalisée au point d’être dépourvue de son essence sacré. Ce type de \textit{pseudo-sacre} devient accessible au travers la technologie, au moins pour les défenseurs de la thèse transhumaniste. Dans son livre \textit{Leurre et malheur du transhumanisme} (2018), Olivier Rey analyse un type de propagande propre à l’idéologie transhumaniste, issue d'une forme d'innovation dite \textit{disruptive}\cite{rey2018leurre} ou qui introduit une rupture par rapport à ce qui précède dans la société. Ainsi, les argumentes en faveur du transhumanisme mettent en avant des promesses mirifiques quant à l'avenir, pour ensuite réconcilier les sceptiques et conclure que le monde change en tout cas, avant d'admettre le caractère inéluctable de l’expérience. -En contrepoids le phenomene de \textit{déterminisme technologique} voit le changement technique comme un facteur indépendant de la société. Selon cette thèse la société n'influence pas la technique, qui tire son évolution d'elle-même ou de la science, alors que la technique influence la société. André Leroi-Gourhan dont les écrits ont influencé mes observations théoriques est l'un des grands représentants du courant déterministe et en particulier de l'idée que les technologies sont leur propre moteur. À propos de son étude des techniques primitives, et notamment des propulseurs, il écrit ainsi que \textit{le déterminisme technique conduit à considérer le propulseur comme un trait naturel, inévitable, né de la combinaison de quelques lois physiques et de la nécessité de lancer le harpon}\cite{leroi1971evolution}. +Actuellement, certaines aspects spécifiquement humains comme les soins, l’amour ou le sexe, ne pourront pas être complétement remplacés par des robots. Leur emploi engendre des contraintes en lien avec la sécurité et la responsabilité des produits, ainsi que la non-tromperie des usagers. Entre utopie technologique et pressentiment dystopique, ces exemples montrent comment le transhumanisme et la \gls{Singularité} suscitent beaucoup de passions. La critique du récit de la \gls{Singularité} peut être lue sous divers angles. Les partisans du transhumanisme comme Kurzweil et Bostrom voient l'intelligence comme une propriété unidimensionnelle, modélisable par des équations mathématiques et atteignable avec des super-ordinateurs. Alors que d'un point de vue philosophique, la singularité peut correspondre à un mythe\cite{ganascia2017mythe} moderne. Selon des disciplines comme l'historie de la religion, les mythes des peuples de la préhistoire sont différentes de celles de notre époque, étant fondés sur des présupposés ontologiques différentes. Selon l’historien de la religion Mircea Eliade, ces croyances et coutumes archaïques reposent sur une distinction claire entre le sacré et le profane\cite{eliade1949mythe}. Aujourd'hui cette séparation n'est plus d'actualité. De plus en plus des philosophes et sociologues notent la porosité des notions qui décrivent et identifient nos expériences phénoménologiques\cite{bauman2006vie, virilio2000ctheory}. Quand elle n'est pas critiquée, l'expérience spirituelle est banalisée au point d’être dépourvue de son essence sacré. Ce type de \textit{pseudo-sacre} devient accessible au travers la technologie, au moins pour les défenseurs de la thèse transhumaniste. Dans son livre \textit{Leurre et malheur du transhumanisme} (2018), Olivier Rey analyse un type de propagande propre à l’idéologie transhumaniste, issue d'une forme d'innovation dite \textit{disruptive}\cite{rey2018leurre} ou qui introduit une rupture par rapport à ce qui précède dans la société. Ainsi, les argumentes en faveur du transhumanisme mettent en avant des promesses mirifiques quant à l'avenir, pour ensuite réconcilier les sceptiques et conclure que le monde change en tout cas, avant d'admettre le caractère inéluctable de l’expérience. +En contrepoids le phenomene de \textit{déterminisme technologique} voit le changement technique comme un facteur indépendant de la société. Selon cette thèse, la société n'influence pas la technique, qui tire son évolution d'elle-même ou de la science, alors que la technique influence la société. André Leroi-Gourhan, dont les écrits ont influencé mes observations théoriques, est l'un des grands représentants du courant déterministe et en particulier de l'idée que les technologies sont leur propre moteur. À propos de son étude des techniques primitives, et notamment des propulseurs, il écrit que \textit{le déterminisme technique conduit à considérer le propulseur comme un trait naturel, inévitable, né de la combinaison de quelques lois physiques et de la nécessité de lancer le harpon}\cite{leroi1971evolution}. Si les découvertes et applications de l'IA et de la robotique sont inscrites dans une course effrénée de l'innovation, nous pouvons observer clairement le rythme exponentiel de ces découvertes. D'ailleurs le terme \gls{dromologie} du philosophe français Paul Virilio souligne la manière dont la vitesse à laquelle quelque chose se produit peut changer la nature même d'une expérience. Il lie le progrès à la notion de progression (comme déplacement des personnes et des produits dans l’espace et le temps) et à la vitesse de cette progression, pour expliquer sa thèse basé sur l'accident et la catastrophe. Si l'invention de l'avion a suivi de prêt celle du crash, Virilio se demande quelles seront les conséquences du progrès technologique de notre décennie. Une alternative à la rhétorique du transhumanisme et de la \gls{Singularité} est également le livre \textit{Our Final Invention: Artificial Intelligence and the End of the Human Era} (2013) du réalisateur américain James Barrat. Pour tracer une histoire de l'IA et peser les pour et les contres de ses applications, Barrat organise des entretiens avec les experts dans la matière, dont Kurweil. Son avis est tranchant, comparant notre rapport à l'IA, à celui des humains face à un ouragan: @@ -174,25 +170,24 @@ Une alternative à la rhétorique du transhumanisme et de la \gls{Singularité} \cite{barrat2023our} \end{quote} -Dans une tentative de clarifier les enjeux de l'IA dans les décennies à venir, l'Université de Stanford à initié récemment le projet scientifique d’envergure \textit{One Hundred Year Study on Artificial Intelligence}. Ainsi il est prévu que chaque cinq ans, un comité indépendant des chercheurs publie un rapport sur l'état de lieux de l'IA, cela durant le 21e siècle. Le premier étude a eu lieu en 2016 et le suivant en 2021. Pour le grand public, ce type d'étude cherche une représentation accessible, scientifiquement et technologiquement précise de l’état actuel de l’IA et de son potentiel. Tandis que pour l'industrie, le rapport pourra aider à orienter l’allocation des ressources et anticiper l'évolution du marché dans les années à venir. Il s'adresse également aux gouvernements locaux, nationaux et internationaux pour une meilleure gouvernance de l'IA dans la société. Tout comme aux chercheurs en IA et à la communauté scientifique, afin de prendre en compte les aspects éthiques et enjeux juridiques soulevés par les analyses de terrain. Parmi les domaines analysés, nous retrouvons le transport, les robots de service, les soins de santé, l'éducation, la sûreté et la sécurité publiques, l'emploi ainsi que le divertissement. Dans chacun de ces domaines, les chercheurs ont relevé certains défis et réserves associées aux applications de l'IA: +Dans une tentative de clarifier les enjeux de l'IA dans les décennies à venir, l'Université de Stanford à initié récemment le projet scientifique d’envergure \textit{One Hundred Year Study on Artificial Intelligence}. Ainsi il est prévu que chaque cinq ans, un comité indépendant des chercheurs publie un rapport sur l'état de lieux de l'IA, cela durant le 21e siècle. Le premier étude a eu lieu en 2016 et le suivant en 2021. Pour le grand public, ce type d'étude cherche une représentation accessible, scientifiquement et technologiquement précise de l’état actuel de l’IA et de son potentiel. Tandis que pour l'industrie, le rapport pourra aider à orienter l’allocation des ressources et anticiper l'évolution du marché dans les années à venir. Il s'adresse également aux gouvernements locaux, nationaux et internationaux pour une meilleure gouvernance de l'IA dans la société. Tout comme aux chercheurs en IA et à la communauté scientifique, afin de présenter les aspects éthiques et enjeux juridiques soulevés par les analyses de terrain. Parmi les domaines analysés, nous retrouvons le transport, les robots de service, les soins de santé, l'éducation, la sûreté et la sécurité publiques, l'emploi ainsi que le divertissement. Dans chacun de ces domaines, les chercheurs ont relevé certains défis et réserves associées aux applications de l'IA: \begin{itemize} - \item la difficulté de créer du matériel sûr et fiable dans le transport et les robots de service, + \item la difficulté de créer du matériel sûr et fiable dans le transport et les robots de service \item la difficulté d’interagir en douceur avec des experts humains dans les soins de santé et - d'éducation, + d'éducation \item le défi de gagner la confiance du public et de surmonter les craintes de marginalisation des humains - dans l'emploi et lieu de travail, - \item le risque social et sociétal de diminution des relations interpersonnelles dans les interactions liés au divertissement. - etc. + dans l'emploi et lieu de travail + \item le risque social et sociétal de diminution des relations interpersonnelles dans les interactions liés au divertissement \end{itemize} -Le premier rapport, rédigé par un panel de 17 auteurs et publié le 1er septembre 2016, a été largement couvert dans la presse populaire est aujourd'hui connu pour avoir influencé les discussions au sein des conseils consultatifs gouvernementaux et des ateliers dans plusieurs pays. Il commence sur une note constructive. Le panel d'étude trouve peu des raisons de s'inquiéter quant aux prédictions de la presse populaire concernant l'IA. Selon les chercheurs, il est peu probable qu'une machine dotée d'objectifs et d'intentions propres sera développée dans un avenir proche. En contrepoids, ils soulignent les applications de plus en plus pratiques de l'IA, dont l'impact sur notre société et notre économie se ressentira plus profondément à partir de 2030 quand les humains pourront \textit{enseigner} directement aux robots leurs principes et valeurs: +Le premier rapport, rédigé par un panel de 17 auteurs et publié le 1er septembre 2016, a été largement couvert dans la presse et est aujourd'hui connu pour avoir influencé les discussions au sein des conseils consultatifs gouvernementaux et des ateliers dans plusieurs pays. Il commence sur une note constructive. Le panel d'étude trouve peu des raisons de s'inquiéter quant aux prédictions des média concernant l'IA. Selon les chercheurs, il est peu probable qu'une machine dotée d'objectifs et d'intentions propres sera développée dans un avenir proche. En contrepoids, ils soulignent les applications de plus en plus pratiques de l'IA, dont l'impact sur notre société et notre économie se ressentira plus profondément à partir de 2030 quand les humains pourront \textit{enseigner} directement aux robots leurs principes et valeurs : \begin{quote} ``La société se trouve maintenant à un moment crucial pour déterminer comment déployer les technologies basées sur l'IA de manière à promouvoir plutôt qu'à entraver les valeurs démocratiques telles que la liberté, l'égalité et la transparence. (...) Le domaine de l'IA évolue vers la construction de systèmes intelligents capables de collaborer efficacement avec les humains, y compris par des moyens créatifs pour développer des méthodes interactives et évolutives permettant aux personnes d'enseigner directement aux robots.\footnote{``Society is now at a crucial juncture in determining how to deploy AI-based technologies in ways that promote rather than hinder democratic values such as freedom, equality, and transparency. (...)The field of AI is shifting toward building intelligent systems that can collaborate effectively with people, including creative ways to develop interactive and scalable ways for people to teach robots.”}.” \cite{stone2022artificial} \end{quote} -En 2016 les avancées en robotique visaient améliorer les formes de perception d'une machine, comme la fiabilité de la vision par ordinateur. Cette forme de perception artificielle la plus répandue à cette époque a prouvé depuis son impact dans le secteur médical. Quant aux transports autonomes, le rapport décrit une ville nord-américaine typique en 2030 où des camions, des véhicules volants et des véhicules personnels sont pilotés grâce aux robots ou à l'IA. De plus, les robots livreront les colis, nettoieront les bureaux et amélioreront la sécurité des événements. Le rapport anticipe également le progrès dans les LLM (modèles de langage de grande taille), la traduction et la reconnaissance vocale automatique. A la place des robots conscients, le rapport souligne les efforts concernant le développement du apprentissage automatique à grande échelle. Cela implique la conception d’algorithmes d’apprentissage, ainsi que la mise à l'échelle des algorithmes existants, pour fonctionner avec des ensembles de données extrêmement volumineux. Quant à l'apprentissage profond et à l'apprentissage par renforcement, le monde universitaire s'efforce toujours à partager des réussites pratiques et concrètes qui en réalité séduisent moins les GAFA. Presque 10 ans après ces observations, les \textit{travailleurs du clic}\cite{casilli2019attendant} fournissent un travail important de classification de procédures d'apprentissage, par l’étiquetage d'objets, lieux et visages ou par la reconnaissance d'activités dans les images et les vidéo. Aujourd'hui, travailler pour AmazonMechanical Turk\footnote{https://www.mturk.com/worker} pour des renumérotions dérisoires, permet en réalité d'entrainer des réseaux neuronales sophistiques avec des data set sur mesure. +En 2016 les avancées en robotique visaient d'améliorer les formes de perception d'une machine, comme la fiabilité de la vision par ordinateur. Cette forme de perception artificielle la plus répandue à cette époque a prouvé depuis son impact dans le secteur médical. Quant aux transports autonomes, le rapport décrit une ville nord-américaine typique en 2030 où des camions, des véhicules volants et des véhicules personnels sont pilotés grâce aux robots ou à l'IA. De plus, les robots livreront les colis, nettoieront les bureaux et amélioreront la sécurité des événements. Le rapport anticipe également le progrès dans les LLM (modèles de langage de grande taille), la traduction et la reconnaissance vocale automatique. A la place des robots conscients, le rapport souligne les efforts concernant le développement du apprentissage automatique à grande échelle. Cela implique la conception d’algorithmes d’apprentissage, ainsi que la mise à l'échelle des algorithmes existants, pour fonctionner avec des ensembles de données extrêmement volumineux. Quant à l'apprentissage profond et à l'apprentissage par renforcement, le monde universitaire s'efforce toujours à partager des réussites pratiques et concrètes qui en réalité séduisent moins les GAFA. Presque 10 ans après ces observations, les \textit{travailleurs du clic}\cite{casilli2019attendant} fournissent un travail important de classification de procédures d'apprentissage, par l’étiquetage d'objets, lieux et visages ou par la reconnaissance d'activités dans les images et les vidéo. Aujourd'hui, travailler pour AmazonMechanical Turk\footnote{https://www.mturk.com/worker} pour des renumérotions dérisoires, permet en réalité d'entrainer des réseaux neuronales sophistiques avec des data set sur mesure. Le deuxième rapport, datant de 2021, amende les prévisions annoncés dans le premier et décrit quelques préoccupations susceptibles de changer nos perspectives pour les années à venir. Le ton est cette fois plus inquiet. Concernant le cadre éthique et les efforts de régularisation de l'IA, les chercheurs notent d'abord l'effort de l'UE qui vote en 2016 le \textit{Règlement Général sur la Protection des Données Règlement} (RGPD). Ils analysent certains aspects concernant la création d'organismes nationaux de contrôle des technologies à haut risque, comme celui des \textit{Système d'armes létales autonomes} dont ils publient une étude de cas concernant l’ouverture du feu qui devra rester conditionnée à une décision humaine. Ils évoquent également l'augmentation de l'influence des lobbies privés sur la recherche fondamentale, par la mise en place de plus en plus des études et des projets de recherche en partenariat avec les industriels. Cette mixité accrue entre la recherche académique et la recherche industrielle suscite des préoccupations éthiques. Les acteurs clé de ces transformations, les GAFA, ne font rien pour clarifier le contexte. diff --git a/sections/glossaire.tex b/sections/glossaire.tex index eb9c6a2..d31b7e1 100644 --- a/sections/glossaire.tex +++ b/sections/glossaire.tex @@ -510,9 +510,9 @@ enablef={true}, } -\newglossaryentry{Finite Sate Machine}{ - name={\textit{Finite Sate Machine}}, - description={Le terme \textit{Finite Sate Machine} (FSM), en français \textit{automate fini ou automate avec un nombre fini d'états}, est un modèle mathématique de calcul, susceptible d'être dans un nombre fini d'états, mais étant un moment donné dans un seul état à la fois ; l'état dans lequel il se trouve alors est appelé l'état courant. Le passage d'un état à un autre est activé par un événement ou une condition ; ce passage est appelé une transition. Les automates finis peuvent modéliser un grand nombre de problèmes, parmi lesquels la conception assistée par ordinateur pour l'électronique, la conception de protocoles de communication, l'analyse syntaxique de langages. Dans la recherche en biologie et en intelligence artificielle, les automates finis ou des hiérarchies de telles machines ont été employés pour décrire des systèmes neurologiques.}, +\newglossaryentry{Finite-State Machine}{ + name={\textit{Finite-State Machine}}, + description={Le terme \textit{Finite-State Machine} ou FSM, en français \textit{automate fini ou automate avec un nombre fini d'états}, est un modèle mathématique de calcul, susceptible d'être dans un nombre fini d'états, mais étant un moment donné dans un seul état à la fois ; l'état dans lequel il se trouve alors est appelé l'état courant. Le passage d'un état à un autre est activé par un événement ou une condition ; ce passage est appelé une transition. Les automates finis peuvent modéliser un grand nombre de problèmes, parmi lesquels la conception assistée par ordinateur pour l'électronique, la conception de protocoles de communication, l'analyse syntaxique de langages. Dans la recherche en biologie et en intelligence artificielle, les automates finis ou des hiérarchies de telles machines ont été employés pour décrire des systèmes neurologiques.}, enablef={true}, } diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex index 92a291f..aabd831 100644 --- a/sections/partie_1.tex +++ b/sections/partie_1.tex @@ -642,7 +642,7 @@ doit être capable de \textit{représentations} mentales, car seul un contenu re Une conséquence directe de cette classification de Block est le fait de considérer l’esprit comme résultant de processus fondamentalement logiques et ainsi \textit{modélisables} d’un point de vue algorithmique. Cette vision computationnelle de l’esprit implique également que la conscience peut être modélisée par un programme informatique. -En regardant de plus près ce que Block décrit comme conscience phénoménale ne suppose pas une catégorie distincte d’états conscients. Comme mentionné ci-dessus, il estime que la conscience phénoménale et la conscience d’accès interagissent normalement, mais il est possible d’avoir une conscience d’accès sans conscience phénoménale. Cette position rejoint celle du philosophe américain Daniel Dennet\cite{dennett1993consciousness} pour qui \textit{les androïdes ne sont ni pus ni moins que des zombies}. Selon lui les androïdes sont, du point de vue informatique, identiques à une personne - qui pourrait exister tout en n’ayant aucune conscience phénoménale. Cependant, à la différence de Dennett, Block affirme qu’il existe des expériences conscientes difficilement traduisibles par des algorithmes. Pour lui, l’existence de ces expériences relève ``du problème difficile” de la conscience, dont nous allons détailler plus bas les enjeux. +En regardant de plus près ce que Block décrit comme conscience phénoménale ne suppose pas une catégorie distincte d’états conscients. Comme mentionné ci-dessus, il estime que la conscience phénoménale et la conscience d’accès interagissent normalement, mais il est possible d’avoir une conscience d’accès sans conscience phénoménale. Cette position rejoint celle du philosophe américain Daniel Clement Dennet\cite{dennett1993consciousness} pour qui \textit{les androïdes ne sont ni pus ni moins que des zombies}. Selon lui les androïdes sont, du point de vue informatique, identiques à une personne - qui pourrait exister tout en n’ayant aucune conscience phénoménale. Cependant, à la différence de Dennett, Block affirme qu’il existe des expériences conscientes difficilement traduisibles par des algorithmes. Pour lui, l’existence de ces expériences relève ``du problème difficile” de la conscience, dont nous allons détailler plus bas les enjeux. \textbf{La théorie de l’identité esprit-cerveau} @@ -1418,7 +1418,7 @@ l’interaction avec un humain. Pour faciliter une synchronisation du couple, les études actuelles - se concentrant sur la qualité des mouvements corporels - soulignent l’importance d’une analyse poussée des capteurs de mouvement\cite{de2019thms}. Une autre approche\cite{granados2017ral} est construite autour d'un robot enseignant la danse, -pour évaluer les compétences nécessaires lors des processus d’apprentissage HRI, +pour évaluer les compétences nécessaires lors des processus d’apprentissage d’interaction entre robots et humains (ou human-robot-interaction abrévié en HRI), basés sur le contrôle de l’impédance adaptative et le retour haptique. Le robot effectue un mouvement continu d’adaptation à la dynamique de l’interaction, tandis que l’humain assume le rôle de suiveur. Dans ce contexte particulier, @@ -1895,7 +1895,7 @@ dans les rues et divers espaces non-conventionnels) pour 9\% des cas et moins de 5 m2 pour 56\% d’entre eux. Pour la majorité de robots mobiles la zone d’interaction varie de plusieurs centimètres (dans le cas du \textit{The Blind Robot} par exemple) à plusieurs milliers de milles lorsque le robot voyage avec des gens (comme dans le cas de \textit{HitchBot}) - révélant la -proxémie, en anglais \gls{proxemics} comme un facteur important qui pourrait influencer, à l’avenir, les interactions H2R. +proxémie, en anglais \gls{proxemics} comme un facteur important qui pourrait influencer, à l’avenir, les interactions entre les robots et les humains. Pour l’instant les androïdes hyperréalistes ont une base fixe et ne peuvent pas encore se déplacer, en attendant que les technologies émergentes impliquant de diff --git a/sections/partie_2.tex b/sections/partie_2.tex index b0ca6e8..ebad6d0 100644 --- a/sections/partie_2.tex +++ b/sections/partie_2.tex @@ -31,7 +31,7 @@ En prenant état de ces observations contradictoires, notre objectif principal e Dans ces expérimentations, nous employons un \textbf{modèle d'intelligence distribuée} en lien avec des principes de robotique cognitive. Cela s'approche d'une sorte d'\textit{Umwelt improvisé}\cite{penny2016improvisation} où des agents peuvent cohabiter le même espace (la scène) sans se connaître, puisque leurs \gls{umwelt} (c’est-à-dire leurs environnements sensoriels) ne se croisent pas. Cette cohabitation pourrait être suivie d'un état de co-création, à condition qu’un langage commun émerge entre ces entités humaines et artificielle. -Afin de comprendre la complexité du comportement du robot HRP-4, nous considérons des principes de la cognition incarnée\cite{ziemke2016body}, comme le modèle d’intelligence distribuée présenté dans la première partie. Cela peut être décrit par des caractéristiques en lien avec l’incarnation, la capacité d'action (ou agentivité), l’émergence et l'extension de la machine dans son environnement. Dans notre cas particulier, l’émergence peut concerner plus directement la créativité, au sens où un comportement nouveau et complexe du robot peut être un source d'inspiration pour des expérimentations en danse. Alors que la capacité d'action, l'incarnation et l'extension se traduisent différemment pour des agents virtuels ou physiques. Les danseurs sont habitués à exprimer leur maîtrise de ces éléments sur scène, peu importe leur environnement. Les possibilités d’interaction que nous étudions renouvellent plusieurs expériences Human-to-Robot (H2R), sur scène. Dans cette recherche, nous nous intéressons davantage à un état d'inconfort ou d'adaptation à des comportements peu incontrôlés du robot. Certains artistes appellent cela des \textit{petits gestes incohérents}\cite{zaven2014effets}. En les mettant en avant, à la place des comportements précises et gestes maitrisés, les artistes recherchent un \textit{effet de présence}\cite{zaven2014effets} chez les robots. Sur scène, cet effet est déjà perçu chez les humains, reste à voir comment le convoquer chez les robots. +Afin de comprendre la complexité du comportement du robot HRP-4, nous considérons des principes de la cognition incarnée\cite{ziemke2016body}, comme le modèle d’intelligence distribuée présenté dans la première partie. Cela peut être décrit par des caractéristiques en lien avec l’incarnation, la capacité d'action (ou agence), l’émergence et l'extension de la machine dans son environnement. Dans notre cas particulier, l’émergence peut concerner plus directement la créativité, au sens où un comportement nouveau et complexe du robot peut être un source d'inspiration pour des expérimentations en danse. Alors que la capacité d'action, l'incarnation et l'extension se traduisent différemment pour des agents virtuels ou physiques. Les danseurs sont habitués à exprimer leur maîtrise de ces éléments sur scène, peu importe leur environnement. Les possibilités d’interaction que nous étudions renouvellent plusieurs expériences Human-to-Robot (H2R), sur scène. Dans cette recherche, nous nous intéressons davantage à un état d'inconfort ou d'adaptation à des comportements peu incontrôlés du robot. Certains artistes appellent cela des \textit{petits gestes incohérents}\cite{zaven2014effets}. En les mettant en avant, à la place des comportements précises et gestes maitrisés, les artistes recherchent un \textit{effet de présence}\cite{zaven2014effets} chez les robots. Sur scène, cet effet est déjà perçu chez les humains, reste à voir comment le convoquer chez les robots. Une fois acquises, ces gestes peuvent stimuler l’attention de l’interprète et maintenir un effet de surprise lors des improvisations. Leur rôle est de renforcer les points de croisement entre un corps expérientiel, un corps en état de représentation et un corps technologique, mentionnés plus haut. Les effets de cette hybridation impliquent également des considérations éthiques que nous allons décrire en fin de cette partie. @@ -789,8 +789,8 @@ Les modélisations mathématiques résolues grâce à la QP traduisent ensuite d \label{fig:admittance} \end{figure} -Une autre approche de programmation mcrtc implique des diagrammes d'états, également appelés F.S.M.(Finite State Machines). Ces états peuvent être programmés en cpp ou Python et extensibles dans des fichiers YAML. Ils ont de type imbriqués ou en anglais \textit{nested} (un état est lui-même un F.S.M.) ou parallèles (plusieurs états sont exécutés en parallèle). Lors d'une visualisation dans l'interface rviz, un curseur affiche la valeur de chaque joint. -Pour passer d'un état F.S.M. à l'autre, une carte de transition est détaillée dans le fichier YAML de configuration du contrôleur. L’interface mcrtc permet ainsi une optimisation du contrôle de l'espace de travail. Cela se produit par l'exécution du même code autant en simulation que sur le robot réel. Grâce au travail de développement des roboticiens de l'équipe I.D.H. il est possible de modifier les tâches et les contraintes, ainsi que les états F.S.M. et leurs ordres d’exécution également dans le fichier YAML. +Une autre approche de programmation mcrtc implique des diagrammes d'états, également appelés \gls{Finite-State Machine} (ou FSM). Ces états peuvent être programmés en cpp ou Python et extensibles dans des fichiers YAML. Ils ont de type imbriqués ou en anglais \textit{nested} (un état est lui-même un FSM) ou parallèles (plusieurs états sont exécutés en parallèle). Lors d'une visualisation dans l'interface rviz, un curseur affiche la valeur de chaque joint. +Pour passer d'un état FSM à l'autre, une carte de transition est détaillée dans le fichier YAML de configuration du contrôleur. L’interface mcrtc permet ainsi une optimisation du contrôle de l'espace de travail. Cela se produit par l'exécution du même code autant en simulation que sur le robot réel. Grâce au travail de développement des roboticiens de l'équipe I.D.H. il est possible de modifier les tâches et les contraintes, ainsi que les états FSM et leurs ordres d’exécution également dans le fichier YAML. Selon \cite{kajita2014springer} un robot est un système articulé constitué de plusieurs corps rigides. Par l’analyse et le regroupement des mouvements de chaque corps, les roboticiens obtiennent la dynamique d'un système complet. Avant cela, la cinématique étudie comment les différentes parties du robot se mettent en marche pour qu'il bouge. Les capteurs des robots sont l'équivalent de sens des humains. Les accéléromètres et les gyroscopes par exemple, servent à préciser les accélérations linéaires et angulaires des articulations du robot. Parallèlement, les capteurs d'effort déterminent les forces et les moments des points de contact avec l’extérieur. Un robot humanoïde ayant \textit{n} articulations, possède \textit{n + 6} degrés de liberté car sa base est un corps libre dans l’espace 3D\cite{kajita2014springer}. Le mouvement des articulations du robot est décrit par des rotations dans l’espace en trois dimensions (X, Y, Z correspondant aux mouvements de \textit{Pitch}, \textit{Yawn} et \textit{Roll} (qui représentent en aviation les trois axes-latéral, vertical et longitudinal). En connaissant une de ces coordonnées, les roboticiens calculent les vitesses angulaires et leur relation avec les dérivées des matrices de rotation. Dans le livre\cite{kajita2014springer}, les auteurs décrivent les principes de la cinématique directe - en anglais \gls{direct kinematics} - qui permet de trouver la position et l’orientation d’un segment (par exemple la main) à partir de ses angles articulaires. Il explique également comment déterminer les angles articulaires à partir de la position et de l'orientation d’un segment donné. Cela correspond à une équation inversée de la précédente, appelée cinématique inversée - en anglais \gls{inverse kinemactis}. @@ -849,7 +849,7 @@ En parallèle avec ces recherches sur l'équilibre et les postures, les chercheu \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/kajita_tomber} - \caption{Illustration des mouvements pour se redresser de la chute. Source: le livre\cite{kajita2014springer}} + \caption{Illustration des mouvements pour se redresser d'une chute. Source: le livre\cite{kajita2014springer}} \label{fig:kajitatomber} \end{figure} @@ -915,7 +915,7 @@ J'ai abandonné cette façon de travailler avec HRP-4, parce que cela se rapproc ``La marionnette est un art frère de l'animation de performance, semblable à une pratique alchimique, avec une longue histoire de transformation du bois, du tissu et de la ficelle en êtres humains, animaux ou fantastiques. En écrivant sur le théâtre de marionnettes en 1811, Heinrich von Kleist a réfléchi à la grâce démontrée par les humains, les animaux et les marionnettes, et il a situé l'âme au centre de gravité. Le danseur humain ne s'en est pas bien sorti dans la comparaison, car la grâce était considérée comme existant en plus grande quantité chez les marionnettes et les animaux en raison de l'impact obstructif que le pouvoir de réflexion humain avait sur le chemin du flux pur du mouvement. Il a tiré cette conclusion sur la base de deux duos conceptuels : une comparaison du mouvement d'un danseur avec celui d'une marionnette à ficelles, suivie d'une anecdote d'un duel d'escrime entre un homme et un ours. Ce n'est pas tant la suggestion qu'un danseur est une simple marionnette qui est intéressante, mais plutôt la façon dont les observations sur la localisation de l'âme sont obtenues à travers les relations intercorporelles, bien que hypothétiques, entre les entités\footnote{en version originale: ``Puppetry is a sister art of performance animation, akin to an alchemical practice, with a long history of transforming wood, cloth, and string into human, animal, or fantastical beings. Writing on the puppet theater in 18 11 , Heinrich von Kleist reflected upon grace as demonstrated by humans, animals, and marionettes, and he located the soul in the center of gravity. The human dancer did not fare well in the comparison, for grace was seen to exist in greater quantities in puppets and animals due to the obstructive impact the human power of reflection had on the path of the pure flow of movement. He drew this conclusion on the basis of two conceptual duets: a comparison of the movement of a dancer with that of a string puppet, followed by an anecdote of a fencing duel between a man and a bear. It is less the suggestion that a dancer is a mere puppet that is of interest than the way observations on the location of the soul are arrived at through the intercorporeal relations, albeit hypothetical, between entities.”}.” \end{quote} -Après quelques mois de travail et errance, toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H., j'ai mis en place des transitions F.S.M. pour mieux travailler le rythme de la séquence. Les mouvements du robot sont beaucoup plus restreints, notamment car j'ai pu le faire croiser ses jambes. Cette contrainte m'a fait explorer différemment le mouvement des bras et d’engager également la tête dans ces séquences. +Après quelques mois de travail et errance, toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H., j'ai mis en place des transitions FSM pour mieux travailler le rythme de la séquence. Les mouvements du robot sont beaucoup plus restreints, notamment car j'ai pu le faire croiser ses jambes. Cette contrainte m'a fait explorer différemment le mouvement des bras et d’engager également la tête dans ces séquences. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/hrp_chair} @@ -925,8 +925,7 @@ Après quelques mois de travail et errance, toujours avec l'aide de l'ingénieu Une fois la boucle de mouvements mise au point, j'ai passé du temps à tester différentes simulations et enchaînements avant de faire \textit{danser} le robot réel. -Le 17 septembre 2022, lors de la soirée d'ouverture de la saison 2022-2023 d'Enghien-les-Bains, nous avons présenté la performance \textit{Le mythe de l'Immorta} dans le cadre du projet CECCI-H2M. Le \gls{digital twin} du robot HRP-4 est intervenu, en contraste avec un écosystème virtuel qui interagissait avec des performeuses. L’enchaînement de ses postures a suivi des itérations inspirées par l’algorithme de la courbe du Dragon\footnote{Cet algorithme provient des systèmes de règles génératives et est à la base un système de Lindenmayer (ou système de réécriture ou grammaire formelle inventé en 1968 par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer)}. Ce système reproduit les processus de développement et de prolifération de plantes ou de bactéries. Pour l'équipe de projet, cette façon de combiner l'organicité du monde vivant avec l'expression des machines est intuitive. Le choix de projeter le robot sur une image de 2 m sur 3 m, en contraste avec les performeuses en taille réelle, marque une distance entre l'humain et la machine. De plus, cette configuration scénique évoque l'image d'un artefact devenu totem. La représentation centrale du robot humanoïde transforme le mouvement dansé en vecteur d'influence pour un monde centré sur la technologie et ses obsessions. -Mon objectif lors de ce travail a été de comprendre comment une corporalité ``dématérialisée” du robot pourrait stimuler une réponse décalée de la part du performeur. +Le 17 septembre 2022, lors de la soirée d'ouverture de la saison 2022-2023 d'Enghien-les-Bains, nous avons présenté la performance \textit{Le mythe de l'Immorta} dans le cadre du projet CECCI-H2M. Le \gls{digital twin} du robot HRP-4 est intervenu, en contraste avec un écosystème virtuel qui interagissait avec des performeuses. L’enchaînement de ses postures a suivi des itérations inspirées par l’algorithme de la courbe du Dragon\footnote{Cet algorithme provient des systèmes de règles génératives et est à la base un système de Lindenmayer (ou système de réécriture ou grammaire formelle inventé en 1968 par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer)}. Ce système reproduit les processus de développement et de prolifération de plantes ou de bactéries. Pour l'équipe de projet, cette façon de combiner l'organicité du monde vivant avec l'expression des machines est intuitive. Le choix de projeter le robot sur une image de 2 m sur 3 m, en contraste avec les performeuses en taille réelle, marque une distance entre l'humain et la machine. De plus, cette configuration scénique évoque l'image d'un artefact devenu totem. La représentation centrale du robot humanoïde transforme le mouvement dansé en vecteur d'influence pour un monde centré sur la technologie et ses obsessions. Mon objectif lors de ce travail a été de comprendre comment une corporalité ``dématérialisée” du robot pourrait stimuler une réponse décalée de la part du performeur. Cela s'inscrit dans mes intentions premières pour établir un dialogue non verbal où homme et machine déploient leur vulnérabilité sur scène. Des extraits de cette performance sont disponibles ici\footnote{https://vimeo.com/755637977}. \begin{figure} \centering @@ -972,41 +971,44 @@ Ces expérimentations préliminaires nous montrent comment le sentiment de compl Dans les prochaines phases de ma recherche-création, nous allons travailler sur d'autres scénarios d'interaction afin de comprendre la différence entre le fait d'improviser avec un HRP-4 réel et son double virtuel. Valoriser son mouvement implique identifier la séquence la plus appropriée de mouvements dont il est capable sur scène. Par conséquent, apprivoiser l'\textit{Autre} représenté par HRP-4 et mon intention de co-créer avec lui, dépend de mes capacités de programmation mais aussi du contexte actuel de ses développements technologiques. \section*{Conclusion} -Une partie de cette recherche sur le mouvement de HRP-4 s'est déroulée lors de plusieurs semaines de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, dans le cadre du projet CECCI-H2M du dispositif Artec. En juillet 2021, lors d'une première phase de ce projet, nous avons travaillé avec une version simplifiée du robot - une animata Arduino construite pour des déplacements aléatoires dans l’espace. Cette étape nous a permis de tester l’interaction avec un prototype doté d’un comportement involontaire. Lors des improvisations sur le plateau, nous avons cherché un terrain d’entente entre l’\gls{intelligence du corps} humain, la réponse du corps machinal de l’animata et la réactivité de l’environnement virtuel. L’influence de ces éléments artificiels sur l’expression corporelle du performeur, ainsi que les mouvements du \gls{dispositif animatronique}, sa fragilité et sa dimension réduite, ont provoqué une interaction instinctive, en marge d’une construction rationnelle basée sur de la réciprocité. +Une partie de ma recherche sur le mouvement de HRP-4 s'est déroulée lors de plusieurs semaines de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, dans le cadre du projet CECCI-H2M du dispositif Artec. En juillet 2021, lors d'une première phase de ce projet, nous avons travaillé avec une version simplifiée du robot - une animata Arduino construite pour des déplacements aléatoires dans l’espace. Cette étape nous a permis de tester l’interaction avec un prototype doté d’un comportement involontaire. Lors des improvisations sur le plateau, nous avons cherché un terrain d’entente entre l’\gls{intelligence du corps} humain, la réponse du corps machinal de l’animata et la réactivité de l’environnement virtuel. L’influence de ces éléments artificiels sur l’expression corporelle du performeur, ainsi que les mouvements du \gls{dispositif animatronique}, sa fragilité et sa dimension réduite, ont provoqué une interaction instinctive, en marge d’une construction rationnelle basée sur de la réciprocité. Quelques mois plus tard, lors d'une deuxième phase du projet nous avons projeté les mouvements du robot virtuel HRP-4 sur la performeuse afin de tester une forme de mimétisme gestuel. Cela nous a également permis d’approfondir les concepts d’altérité et d’autonomie des dispositifs robotiques\cite{jochum2013deus}. Les qualités de \textit{sauvage} ainsi que la notion d’\gls{umwelt} ont accompagné cette résidence artistique. Après quelques tests avec le robot virtuel, nous avons pu constater à quel point le virtuel reste une manifestation mystérieuse qui suscite l’imagination des artistes. Cela n’est possible qu’à partir de l’interprétation du virtuel comme un organisme différent, en manifestant une autonomie sensible à la perception du performeur. Cela nous a également permis de réfléchir aux contraintes issus de l’intégration des éléments virtuels et réels dans un projet performatif. Comme une négociation entre les solutions software et les dispositifs hardware, l’illusion du réel versus l’imaginaire virtuel et la place que chacune de ces dimensions occupe sur le plateau, représentent une phase importante de ce projet. -Lors de la suite du travail pour CECCI-H2M fait toujours avec l'avatar virtuel de HRP-4, nous avons partagé des questionnements autour de l’altérité de sa figure mécanique et le concept d'\textit{uncanny} produit par ses mouvements remarquablement naturels. Les différences entre l’organicité du corps humain et l’artificialité du robot ont ainsi devenu une source d’inspiration, comme une matière à détourner. En 2022, pour imaginer de nouvelles formes d’écriture corporelle en vue d’une improvisation performative, le travail de programmation du robot HRP-4 a été réalisé en deux temps. D’abord une familiarisation avec les systèmes MoCap utilisés par l’équipe du laboratoire et l’installation de plugins qui nous ont permis de simuler en temps réel les séquences de mouvement de l'humain sur le robot virtuel. Ensuite, des tests avec le robot HRP réel ont été réalisés en mars 2022. Ces tests ont facilité la mise en place d’une séquence de mouvements sur une chaise. Ce choix de faire s’asseoir le robot sur la chaise vient comme un résultat de nos réflexions sur les contraintes d’équilibre du robot, lors des séances d’improvisation. La mise en place la plus simple, pensée avec les ingénieurs de l’équipe de prof. Kheddar, a été l’organisation de ces séquences dans des programmes de type F.S.M (Finite State Machines) qui permettent une meilleure organisation des transitions entre différentes postures. +Lors de la suite du travail pour CECCI-H2M, fait toujours avec l'avatar virtuel de HRP-4, nous avons partagé des questionnements autour de l’altérité de sa figure mécanique et le concept d'\textit{uncanny} produit par ses mouvements remarquablement naturels. Les différences entre l’organicité du corps humain et l’artificialité du robot ont ainsi devenu une source d’inspiration, comme une matière à détourner. En 2022, pour imaginer de nouvelles formes d’écriture corporelle en vue d’une improvisation performative, le travail de programmation du robot HRP-4 a été réalisé en plusieurs étapes. D’abord une familiarisation avec les systèmes MoCap utilisés par l’équipe du laboratoire et l’installation de plugins qui nous ont permis de simuler en temps réel les séquences de mouvement de l'humain sur le robot virtuel. Ensuite, des tests avec le robot HRP réel ont été réalisés en mars 2022. Dans un premier temps, j’ai décidé d'associer la figure du robot à celle d’un danseur de slow, réalisant quelques tests d’interaction réelle avec la version physique du HRP-4. Ensuite j’ai effectué un travail de gestes inspirés par les postures de dirigeants politiques, pour voir dans quelle mesure les postures de pouvoir sont incarnées par des gestuelles et non par des attitudes. Le pouvoir que nous leur désignons est parfois le pouvoir de fascination que leur potentiel exerce sur nous, sans s’en rendre compte. Dans cette configuration centrée sur la fascination d’un objet inanimé, nous avons voulu comprendre dans quelle mesure le mouvement et les gestes dansés deviennent vecteurs d’influence. -Comme hypothèse de recherche pour une chorégraphie mimétique, j’ai pu créer des simulations de séquences de mouvement sur le robot virtuel. Dans un premier temps, j’ai décidé d'associer la figure du robot à celle d’un danseur de slow, réalisant quelques tests d’interaction réelle avec la version physique du HRP-4. Ensuite j’ai effectué un travail de gestes inspirés par les postures de dirigeants politiques, pour voir dans quelle mesure les postures de pouvoir sont incarnées par des gestuelles et non par des attitudes. Le pouvoir que nous leur désignons est parfois le pouvoir de fascination que leur potentiel exerce sur nous, sans s’en rendre compte. Dans cette configuration centrée sur la fascination d’un objet inanimé, nous avons voulu comprendre dans quelle mesure le mouvement et les gestes dansés deviennent vecteurs d’influence. +Ces premiers tests ont facilité la mise en place d’une séquence de mouvements sur une chaise. Le choix de faire s’asseoir le robot sur une chaise s'impose d'abord comme résultat de nos réflexions sur les contraintes d’équilibre du robot, observées lors des séances d’improvisation. La mise en place la plus simple, pensée avec les ingénieurs de l’équipe de prof. Kheddar, a été l’organisation de ces séquences dans des programmes de type \gls{Finite-State Machine} (ou FSM) qui permettent une meilleure organisation des transitions entre différentes postures. -Une autre séquence de mouvements a été préparée pour une troisième et dernière résidence de création au Centre des Arts d’Enghien Les Bains en septembre 2022. Pour cela, j’ai codé une séquence de mouvement sur la chaise qui dure approximativement 2 minutes. -À l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisies initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du Dragon et les états F.S.M. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produits par Hui-Tin Hong a été fait sur place. Une autre séquence de code, cette fois en montrant le robot applaudir, a été rajoutée ultérieurement. Ainsi le robot virtuel est apparu dans deux moments différents de la performance - au départ sur une chaise pour présenter sa danse et à la fin debout pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre avec la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt: le robot virtuel tourne sa tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une façon d’évaluer la danse des performeuses. +Une autre séquence de mouvements a été préparée pour une troisième et dernière résidence de création au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains en septembre 2022. À l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisies initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du Dragon et les états FSM. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produits par Hui-Tin Hong a été fait sur place. Une autre séquence de code, cette fois montrant le robot en train d'applaudir, a été ajoutée ultérieurement. Ainsi, le robot virtuel est apparu à deux moments différents de la performance : d'abord assis sur une chaise pour présenter sa danse, puis debout à la fin pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre à la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt : le robot virtuel tourne la tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une manière d’évaluer la danse des performeuses. -En parallèle avec le projet CECCI-H2M, d'autres moments de recherche et d'écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des techniques de shaking, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. J'ai pu effectuer une exploration sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique de mes muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro, en mai 2022, toujours pour CECCI-H2M. +En parallèle avec le projet CECCI-H2M, d'autres moments de recherche et d'écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des outils comme le \textit{Shaking}, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. J'ai également pu effectuer une exploration sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique de mes muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro, en mai 2022, toujours pour le projet CECCI-H2M. \chapter{Étude(s) de terrain} \section{Expérimenter l'anthropomorphisme au Lycée Notre Dame de la Merci} -Lorsque le corpus des œuvres et des articles nous l'a permis, nous avons commencé hiérarchiser nos observations dans des hypothèses de recherche à étudier sur le terrain. Le premier de ces études s'est fait à l’extérieur du laboratoire, en collaboration avec une classe de danse du Lycée Merci, à Montpellier en automne 2022. Je suis allée pour quelques ateliers de danse, partager ma recherche et faire leur connaissance dans le studio. Je les ai ensuite sollicités pour participer à une de mes expériences pratiques, dont le thème est l'anthropomorphisme. +Lorsque le corpus des œuvres et des articles me l'a permis, j'ai commencé à hiérarchiser mes observations en hypothèses de recherche à étudier sur le terrain. Le premier de ces études s'est fait à l’extérieur du laboratoire, en collaboration avec une classe de danse du Lycée Merci, en automne 2022 à Montpellier. Je suis allée donner quelques ateliers de danse, partager ma recherche et faire la connaissance des élèves dans le studio. Je les ai ensuite sollicités pour participer à l'une de mes expériences pratiques, dont le thème est l'anthropomorphisme. +Les vingt-cinq élèves qui ont participé à cette étude ont eu pour mission d'imiter puis d'improviser avec les versions virtuelles d'un robot industriel et d'un robot humanoïde, puis de remplir un formulaire comportant des questions sur une échelle de notation de 1 à 5. Lors de cette interaction créative, l'apprentissage par imitation a permis d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. -Pour cette première expérience de recherche-création en art robotique, j'ai imaginé des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d’anthropomorphisme\cite{spatola2019cairn} chez les \gls{digital twin}s ou les jumeaux numériques des robots du laboratoire. En considérant le terme d'interactivité pour mieux définir leur interaction, nous observons comment différents matériaux de mouvement stimulent la créativité à travers un processus d'hybridation entre l'humain et la machine. Dans cette perspective, nous déterminons comment les utilisateurs vivent des expériences proche de \gls{qualia} en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par un robot humanoïde, un bras industriel et un humain. Leurs retours et nos propres expérimentations pratiques nous permettent de mieux comprendre l’impact de l’anthropomorphisme numérique dans la réalisation d’une interaction homme-robot durable. -Depuis le 6e siècle avant notre ère, lorsque le terme a été utilisé pour la première fois pour décrire des phénomènes religieux\cite{demers2015playmouth}, l'anthropomorphisme a accompagné l'intention de l'humanité de reproduire ses caractéristiques dans différents environnements. L'anthropomorphisme (du mot grec \textit{anthropos} signifiant ``humain” et \textit{morphe} signifiant ``forme”) est décrit dans\cite{duffy2003anthropomorphism} comme: +Pour cette première expérience de recherche-création in situ, j'ai imaginé des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d’anthropomorphisme\cite{spatola2019cairn} chez les \gls{digital twin}s - ou les jumeaux numériques des robots du laboratoire. Les robots impliqués dans cet étude de terrain ont des dimensions similaires, bien qu’initialement conçus pour des missions différentes. Comme point de départ, nous utilisons le matériel de mouvement implémenté dans le robot HRP-4 pour la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot humanoïde et un bras industriel sont programmés dans une série de mouvements analogues, basés principalement sur la rotation des membres supérieurs et de la tête du robot humanoïde. En considérant le terme d'interactivité pour mieux définir leur interaction, nous observons comment différents matériaux de mouvement stimulent la créativité à travers un processus d'hybridation entre l'humain et la machine. Dans cette perspective, nous déterminons comment les danseurs vivent des expériences sensibles et se sentent inspirés en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par un robot humanoïde, un bras industriel et un humain. Leurs retours me permettent de mieux comprendre l’impact de l’anthropomorphisme dans la réalisation d’une interaction homme-robot durable. + +Avant de passer au travail pratique avec les élèves, nous avons échangé sur les concepts théoriques qui animent cette expérimentation. Tout d'abord le concept d'anthropomorphisme que je prendrai le temps d'expliciter pour faciliter la compréhension des autres études que nous avons pu faire par la suite. Depuis le 6e siècle avant notre ère, lorsque le terme a été utilisé pour la première fois pour décrire des phénomènes religieux\cite{demers2015playmouth}, l'anthropomorphisme a accompagné l'intention de l'humanité de reproduire ses caractéristiques dans différents environnements. L'anthropomorphisme (du mot grec \textit{anthropos} signifiant ``humain” et \textit{morphe} signifiant ``forme”) est décrit dans\cite{duffy2003anthropomorphism} comme: \begin{quote} ``la tendance à attribuer des caractéristiques humaines à des objets inanimés, des animaux et d'autres entités dans le but de nous aider à rationaliser leurs actions. C'est attribuer des états cognitifs ou émotionnels à quelque chose sur la base de l'observation afin de rationaliser le comportement d'une entité dans un environnement social donné\footnote{en version originale: ``the tendency to attribute human characteristics to inanimate objects, animals and others with a view to helping us rationalize their actions. It is attributing cognitive or emotional states to something based on observation in order to rationalize an entity’s behavior in a given social environment.”}.” \end{quote} -Il s’agit d’attribuer des états cognitifs ou émotionnels à quelque chose en se basant sur l’observation afin de rationaliser le comportement d’une entité dans un environnement social donné. Comme discuté dans\cite{tisseron2011animal}, une composante essentielle de l'esprit humain est de prêter certaines caractéristiques de notre vie psychique, en projetant notre fonctionnement physique et psychologique dans des objets. Selon\cite{baddoura2013homme}: +Il s'agit donc d'attribuer des états cognitifs ou émotionnels à quelque chose en se basant sur l'observation, afin de rationaliser le comportement d'une entité dans un environnement social donné. Comme discuté dans\cite{tisseron2011animal}, une composante essentielle de l'esprit humain est de prêter certaines caractéristiques de notre vie psychique, en projetant notre fonctionnement physique et psychologique dans des objets. Selon le travail de recherche fait par Rita Baddoura : \begin{quote} ``les humains attribuent, souvent sans le savoir, des traits de personnalité aux machines en fonction non seulement de leur apparence extérieure, mais aussi de leur fonctionnement et de leurs compétences.” + \cite{baddoura2013homme} \end{quote} -Nous faisons ici référence à l’anthropomorphisme dans une perspective humaniste plus large, en tant que propriété d’un système autonome qui permet d’attribuer des caractéristiques et des intentions humaines à des entités non humaines comme les robots. Récemment, la littérature a intégré une interprétation proposée par le philosophe français Bruno Latour - où le sens de l'anthropomorphisme est défini par \textit{ce qui a une forme humaine} et \textit{ce qui donne forme aux humains} \cite{stojnic2015digital} - encourageant les chercheurs à envisager l'anthropomorphisme numérique comme concept qui intègre les deux points de vue. En utilisant ces bases, nous explorons des notions clés comme l'agentivité\cite{jochum2017computation} et l'autonomie\cite{bisig2022generative, jochum2013deus} pour notre cas particulier de danse avec des robots, afin de mieux souligner le lien de ces notions avec l'anthropomorphisme numérique dans l'établissement d'une société humaine durable. interaction avec le robot (HRI). -Dernièrement, la robotique a amélioré ces perspectives, en développant des artefacts qui remettent en question l'idée d'humanité\cite{romic2021ijsr}. Nous nous appuyons sur les chercheurs\cite{breazeal2004social, breazeal2005robot} pour définir la place que les robots peuvent occuper dans notre étude, en les considérant comme des outils (aider l'humain à accomplir une tâche - dans notre cas développer une chorégraphie), comme des avatars (puisque le robot s'engage dans une certaine présence sociale avec d'autres personnes - dans notre cas les spectateurs d'un spectacle de danse) et surtout en tant que partenaires (établir un processus de co-working avec un collaborateur - dans notre cas co-créer un spectacle de danse). -De\cite{duffy2003anthropomorphism} nous remarquons qu'un robot social \textit{peut être perçu comme l'interface entre l'homme et la technologie}. C’est l’utilisation de fonctionnalités socialement acceptables dans un système robotique qui contribue à briser la barrière entre l’espace d’information numérique et les personnes. Alors que la conception des robots devient modulaire\cite{siedel2011concept} et que les extensions corporelles inspirent des performances artistiques qui remettent en question les capacités humaines\cite{jochum2018becoming}, une étude anthropologique\cite{vidal2007anthropomorphism} compare l'HRI au type de connexion exprimée dans les rituels religieux antérieurs entre dieux et humains - soulignant l'influence que les robots pourraient avoir sur nous dans un avenir proche. Alors que nous évoluons actuellement vers une ère technologisée post-humaniste, où les humains étendent leurs capacités à l’aide d’exosquelettes et de divers appareils connectés, la définition du corps humain et la façon dont il interagit avec son environnement change en conséquence. Notre étude s'intéresse à la manière dont ces paradigmes affectent notre créativité et leur impact sur les pratiques sociales collaboratives comme la danse. -\cite{villard2016propos} évoque l'analogie étymologique entre la danse (de l'indo européen dix, racine de tension) et les émotions (du latin émovere : ou mise en mouvement). Dans notre quête d’une interactivité significative entre performeurs et robots, nous analysons l’impact de ces projections anthropologiques sur la danse. Dans les pages suivantes, nous décrivons comment nous créons notre séquence de mouvements en discutant de nos hypothèses de travail et de notre méthodologie et en expliquant nos phases de travail menant au concept d'hybridation humain-robot (H2R). Nous adaptons et testons ensuite la séquence sur plusieurs interprètes humains. Nous discutons ensuite des résultats et des perspectives de cette expérimentation et de ses implications dans les pratiques de danse actuelles. -Notre approche se concentre sur le processus de création d'un langage chorégraphique original inspiré des robots, influencé par les pratiques somatiques et l'\gls{intelligence du mouvement}. Selon l'artiste Louis Philippe Demers, toute forme abstraite et inerte \textit{peut devenir fluide, organique et éventuellement anthropomorphe par les seuls moyens de contextualisation et de mouvement}\cite{demers2015playmouth}. Notre objectif est de vérifier dans quelle mesure le concept d’anthropomorphisme renforce la créativité en HRI et influence la recherche artistique. Parmi nos hypothèses de travail, nous étudions comment la forme d'un robot peut influencer l'interprète en générant des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques\cite{bogart2004viewpoints}\footnote{une réaction spontanée à un mouvement qui se produit en dehors de vous ; le moment dans lequel vous réagissez aux événements externes tels que le mouvement ou le son ; le mouvement impulsif qui résulte d'une stimulation des sens : c'est-à-dire. quelqu'un applaudit devant vos yeux et vous clignez des yeux en réponse ; ou quelqu'un claque une porte et vous vous levez impulsivement de votre chaise., Bogart, Anne, Landau, Tina. Le livre des points de vue, p. 11} ? Comment reproduire plus facilement une séquence de danse selon le type de robot ? Le retour de l’interprète change-t-il une fois que le type de robot a changé ? +Je souligne que nous faisons ici référence à l’anthropomorphisme dans une perspective humaniste plus large, en tant que propriété d’un système autonome qui permet d’attribuer des caractéristiques et des intentions humaines à des entités non humaines, comme les robots. La robotique semble être intéressée par ces perspectives, en développant des artefacts qui remettent en question l'idée même d'humanité\cite{romic2021ijsr}. Nous nous appuyons sur les chercheurs\cite{breazeal2004social, breazeal2005robot} pour définir la place que les robots peuvent occuper dans notre étude, en les considérant comme des outils (aider l'humain à accomplir une tâche - dans notre cas développer une chorégraphie), comme des avatars (puisque le robot s'engage dans une certaine présence sociale avec d'autres personnes - dans notre cas les spectateurs d'un spectacle de danse) et surtout en tant que partenaires (établir un processus de co-working avec un collaborateur - dans notre cas co-créer avec un robot une séquence de mouvements proche de la danse). + +Une autre interprétation proposée par le philosophe français Bruno Latour donne à l'anthropomorphisme des définitions complémentaires : \textit{ce qui a une forme humaine} et \textit{ce qui donne forme aux humains}. En prenant appui sur cela \cite{stojnic2015digital} encourage les chercheurs à envisager l'\textit{anthropomorphisme numérique} comme un concept qui intègre ces points de vue de Latour. À mon tour, je rajoute à cela des notions clés comme l'agence de l'anglais \textit{agency}\cite{jochum2017computation} et l'autonomie\cite{bisig2022generative, jochum2013deus}, pour notre contexte particulier de danse avec des robots. Pour le chercheur Brian Duffy un robot social \textit{peut être perçu comme l'interface entre l'homme et la technologie}\cite{duffy2003anthropomorphism}. L’utilisation de fonctionnalités socialement acceptables dans un système robotique contribue à briser la barrière entre l’espace de l’information numérique et les personnes qui s'engagent dans des interactions avec ces systèmes. Alors que le design des robots devient modulaire\cite{siedel2011concept} et que les extensions corporelles inspirent des performances artistiques qui remettent en question les capacités humaines\cite{jochum2018becoming}, une étude anthropologique\cite{vidal2007anthropomorphism} compare l'HRI au type de connexion exprimée dans les anciens rituels religieux entre dieux et humains. Cela souligne l'influence des robots sur nos sociétés dans les décennies à venir. +Alors que nous évoluons actuellement vers une ère post-humaniste, où les humains augmentent leurs capacités à l’aide d’exosquelettes et de divers appareils connectés, la définition du corps humain et la façon dont il interagit avec son environnement changent en conséquence. Mes études de terrain s'intéressent à la manière dont ces paradigmes affectent la créativité et leur impact sur les pratiques sociales collaboratives comme la danse. La chercheuse Marie-Aline Villard évoque l'analogie étymologique entre la danse (de l'indo européen dix, racine de tension) et les émotions (du latin émovere : ou mise en mouvement)\cite{villard2016propos}. À la recherche d'une forme qualitative d'interaction entre des performeurs et des robots, nous analysons l’impact de ces projections anthropologiques sur la danse. Dans les pages suivantes, je décris comment nous avons crée cette séquence de mouvements au lycée, en expliquant nos phases de travail menant au concept d'hybridation H2R. Nous discutons ensuite les résultats et les perspectives de cette expérimentation avec ses implications pour les prochaines étapes de ma recherche-création. + +Pour analyser le processus de création d'un langage chorégraphique original inspiré des robots, nous nous appuyions sur les pratiques somatiques et l'\gls{intelligence du mouvement}. Selon l'artiste Louis Philippe Demers, toute forme abstraite et inerte \textit{peut devenir fluide, organique et éventuellement anthropomorphe par les seuls moyens de contextualisation et de mouvement}\cite{demers2015playmouth}. Un des objectifs de cette étude de terrain est de vérifier dans quelle mesure le concept d’anthropomorphisme renforce la créativité en interaction homme-robot (HRI) et influence la création artistique. Nous étudions en outre comment la forme d'un robot peut influencer l'interprète en générant des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques\footnote{selon \cite{bogart2004viewpoints} une réponse kinesthésique implique ``une réaction spontanée à un mouvement qui se produit en dehors de vous ; le moment dans lequel vous réagissez aux événements externes tels que le mouvement ou le son ; le mouvement impulsif qui résulte d'une stimulation des sens : c'est-à-dire quelqu'un applaudit devant vos yeux et vous clignez des yeux en réponse ; ou quelqu'un claque une porte et vous vous levez impulsivement de votre chaise.”}. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_panda} @@ -1014,23 +1016,27 @@ Notre approche se concentre sur le processus de création d'un langage chorégra \label{fig:iseapanda} \end{figure} -Une autre observation confronte l’idée selon laquelle travailler avec l'avatar d’un robot, peut favoriser un état d’hybridation entre le corps ou l’interprète et le corps virtuel du robot. Nous soulignons ainsi le processus par lequel le rôle du robot passe du rôle d’outil à celui de compagnon de travail. Plus loin, on se demande si cette nouvelle individuation symbiotique entre robot et humain peut influencer la production de performances artistiques. -Les robots impliqués dans notre étude ont des dimensions similaires, bien qu’initialement conçus pour des résultats différents. Comme point de départ, nous utilisons le matériel de mouvement implémenté dans le robot HRP-4 pour le projet de performance \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot humanoïde et un bras industriel sont programmés dans une série de mouvements analogues basés principalement sur la rotation des membres supérieurs et de la tête du robot humanoïde. Nous testons ensuite les séquences de danse à travers une étude de cas au sein d'un groupe d'étudiants en danse. +Une autre piste d'exploration confronte l’idée selon laquelle travailler avec l'avatar d’un robot, peut favoriser un état d’hybridation entre le corps de l’interprète et le corps virtuel du robot. Nous soulignons ainsi le processus par lequel le rôle du robot passe de l’outil à celui de compagnon de travail. Plus tard je me demande comment cette individuation symbiotique entre un robot et un humain peut influencer la production de performances artistiques. +Comment reproduire plus facilement une séquence de danse selon le type de robot ? Le retour de l’interprète change-t-il une fois que le type de robot a changé ? -\subsection{Des digital twins comme facilitateurs d'interactivité} -Les élèves sont invités à mémoriser, puis à improviser la séquence de mouvements analogues indiquée par projection vidéo par différents partenaires de danse. Les séquences filmées ont le même format et la même durée (environ 1min). La première séquence est enseignée par un robot humanoïde, la seconde par un bras industriel et la dernière par un interprète humain. Les séquences ont la même structure mais diffèrent par la qualité du mouvement, selon le professeur. Ensuite, les danseurs sont invités à interpréter librement les mouvements et à improviser collectivement une séquence de danse libre, recyclant les mouvements qu'ils considéraient comme les plus inspirants. La méthode d'analyse est une forme de questions de 23 questions que les participants sont invités à remplir à la fin de l'expérience. -En Occident, les robots sont souvent conçus pour imiter le comportement humain, principalement comme outils [14] remplaçant le travail humain ou aidant les humains dans des tâches complexes. Cependant, dans des contextes créatifs, leur fonction est plus ontologique dans le sens où ils pourraient contribuer à une certaine création de sens en inférence avec le processus artistique qui les contient. Pour l’artiste et chercheur Simon Penny, la cognition ne se produit pas exclusivement dans le cerveau, étant \textit{loin d’être une manipulation logique de jetons symboliques} \cite{penny2015emergence, penny2022sensorimotor}. Faisant valoir que les processus mentaux comme l’inspiration sont incarnés, intégrés dans des tissus corporels non neuronaux (donc étendus en artefacts, systèmes sociaux et réseaux culturels), il souligne également sa nature dynamique. A travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d'anthropomorphisme chez les robots interactifs intelligents. La scène, médiatrice de leur rencontre, apporte de nouvelles possibilités d'expression, et par conséquent d'interaction. Dans notre cas particulier, nous appliquons le terme d'interactivité\cite{bret2005interacting, bret2015creation} pour définir la relation entre humains et robots. Initialement inspirée par l'interaction humaine, l'interactivité s'est complexifiée avec le développement des nouvelles technologies et des nouveaux médias, ouvrant la voie à un processus de transformation continu. Mélangeant le vivant et le non-vivant, la réalité et les simulations, le physique et le virtuel, l'interactivité facilite une perméabilité entre l'humain et la technologie. Comme l'indique \cite{baddoura2013homme}: +\subsection{Des digital twins comme facilitateurs de l'interactivité} + +Les élèves sont invités à mémoriser, puis à improviser la séquence de mouvements analogues indiquée par différents partenaires de danse virtuels. Les séquences filmées ont le même format et la même durée (environ 1min). La première séquence est enseignée par un robot humanoïde, la seconde par un bras industriel et la dernière par un interprète humain. Les séquences ont la même structure mais diffèrent par la qualité du mouvement, selon le professeur. Ensuite, les danseurs sont invités à interpréter librement les mouvements et à improviser collectivement une séquence de danse libre, recyclant les mouvements qu'ils considéraient comme les plus inspirants. La méthode d'analyse est une enquête de 23 questions que les participants sont invités à remplir à la fin de l'expérience. + +En Occident, les robots sont souvent conçus pour imiter le comportement humain, principalement en tant qu'outils de travail ou pour assister les humains dans des tâches complexes. Cependant, dans des contextes créatifs, leur fonction est plus ontologique, dans la mesure où ils peuvent contribuer à la création de sens en interaction avec le processus artistique qui les intègre. Pour l’artiste et chercheur Simon Penny, la cognition ne se produit pas exclusivement dans le cerveau, étant \textit{loin d’être une manipulation logique de jetons symboliques} \cite{penny2015emergence, penny2022sensorimotor}. Les processus mentaux comme l’inspiration sont incarnés, intégrés dans des tissus corporels non neuronaux (donc étendus en artefacts, systèmes sociaux et réseaux culturels), Penny soulignant également leur nature dynamique. À travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d'anthropomorphisme chez les robots interactifs.Le plateau de danse, en tant que médiateur de leur rencontre, offre de nouvelles possibilités d'expression et, par conséquent, d'interaction. Dans notre cas particulier, nous appliquons le terme d'\textit{interactivité}\cite{bret2005interacting, bret2015creation} pour définir la relation entre humains et robots. Initialement inspirée par l'interaction humaine, l'interactivité s'est complexifiée avec le développement des nouvelles technologies et des nouveaux médias, ouvrant la voie à un processus de transformation continu. En mélangeant le vivant et le non-vivant, la réalité et les simulations, le physique et le virtuel, l'interactivité facilite une perméabilité entre l'humain et la technologie. Comme l'indique Baddoura: \begin{quote} ``les interfaces interactives contemporaines échappent au contrôle total de l'homme et créent une situation nouvelle où celui-ci n'a plus un rôle exclusivement actif face à son outil. Il s’agit plutôt d’un échange, d’une interdépendance caractérisée de plus en plus par leur interactivité.” + \cite{baddoura2013homme} \end{quote} -\cite{baddoura2013homme} fait une analogie entre la manière dont la technologie, notamment les interactions virtuelles, façonne la compréhension du corps humain. Les individus qui cherchent à agrandir, modifier ou fragmenter leur corps sont des indicateurs des changements en cours qui s’opèrent dans nos interactions quotidiennes. L’identité étant multipliée, diluée ou absorbée dans le monde numérique, la tendance est de projeter les mêmes attentes sur le corps humain. Les neurosciences, la robotique ou l’art n’envisagent pas l’incarnation et l’anthropomorphisme de la même manière. Dans \cite{johnson2007we}, le corps est défini comme un ensemble de processus organiques qui vont au-delà de l'expérience de la sensation et du mouvement. Cela peut inclure des réseaux sociaux tels que les familles et des artefacts culturellement construits. En parallèle, des termes anthropologiques comme \textit{domestication du corps}\cite{joffrey2015humanoides} analysent la manière dont le corps est segmenté en unités selon le domaine de recherche qui l'aborde. Dans le domaine des arts, des pionniers comme Stelarc ont toujours considéré leur corps comme un terrain de jeu pour des expériences technologiques\cite{stephens2016we}. Avec ses performances de troisième bras ou de pattes d'araignée, l'artiste brouille les frontières entre l'humain et la machine à travers des mises en scène très originales. Tandis que les roboticiens conçoivent des robots capables \textit{d’imiter} les humains grâce à leur ressemblance et leurs capacités collaboratives \cite{evrard2009homotopy}. Les chercheurs démontrent comment la forme générale d'un robot joue un rôle clé dans l'invocation des émotions souhaitées chez les utilisateurs\cite{hwang2013effects}, avec des études mesurant le degré d'acceptation des robots humanoïdes\cite{nomura2012social,kaplan2004ws}, influencé par la conscience de notre propre \gls{schéma corporel}\cite{hoffmann2021body}. De plus, des concepts tels que \textit{l'étrangeté sociale}\cite{hoffman2020social} examinent comment notre besoin d'être unique et de nous engager dans des interactions authentiques est impacté par le développement des robots sociaux. +Dans sa thèse, Baddoura fait une analogie entre la manière dont la technologie façonne les interactions virtuelles et la compréhension du corps humain\cite{baddoura2013homme}. Les individus qui cherchent à agrandir, modifier ou fragmenter leur corps sont des indicateurs des changements en cours dans nos interactions quotidiennes. +L’identité étant multipliée, diluée ou absorbée dans le monde numérique, la tendance est de projeter les mêmes attentes sur le corps humain. Les neurosciences, la robotique ou l’art n’envisagent pas des concepts comme l’incarnation ou l’anthropomorphisme de la même manière. Dans \cite{johnson2007we}, le corps est défini comme un ensemble de processus organiques qui vont au-delà de l'expérience de la sensation et du mouvement. Cela peut inclure des réseaux sociaux tels que les familles et des artefacts culturellement construits. En parallèle, des termes anthropologiques comme \textit{domestication du corps}\cite{joffrey2015humanoides} analysent la manière dont le corps est segmenté en unités selon le domaine de recherche qui l'aborde. Dans le domaine des arts, des pionniers comme Stelarc ont toujours considéré leur corps comme un terrain de jeu pour des expériences technologiques\cite{stephens2016we}. Avec ses performances utilisant un troisième bras ou des pattes d'araignée, l'artiste brouille les frontières entre l'humain et la machine, créant des scénographies particulièrement originales. Alors que les roboticiens conçoivent des robots capables d'\textit{imiter} les humains grâce à leur ressemblance et leurs capacités collaboratives \cite{evrard2009homotopy}. Les chercheurs montrent que la forme générale d'un robot joue un rôle clé dans l'évocation des émotions souhaitées chez les utilisateurs\cite{hwang2013effects}. Des études mesurent le degré d'acceptation des robots humanoïdes\cite{nomura2012social,kaplan2004ws}, influencé par la conscience de notre propre \gls{schéma corporel}\cite{hoffmann2021body}. De plus, des concepts tels que \textit{l'étrangeté sociale}\cite{hoffman2020social} examinent comment notre besoin d'unicité et d'engagement dans des interactions authentiques est affecté par le développement des robots sociaux. -L’idée de commencer à expérimenter l’avatar virtuel d’un robot est née lors d’un travail en laboratoire avec les roboticiens de l’équipe \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot HRP-4 étant peu disponible à cette époque, nous avons réalisé une résidence artistique dans laquelle son double virtuel représentait le réel. Le robot a exécuté une série de mouvements inspirés des postures de pouvoir des dirigeants politiques assis sur des chaises. Lors de l'improvisation, sa corporéité imaginaire déclenchait différentes réponses cinétiques chez l'interprète, nous étions donc curieux d'aller plus loin et de comprendre ce phénomène. Dans\cite{sohier2022degre} on note la distinction entre les robots virtualisés et les simulations informatiques nécessaires au fonctionnement des robots dans le monde réel. Pour aller plus loin, dans notre étude actuelle, nous employons le terme de \textit{digital twin}\footnote{selon IBM, alors qu'une simulation étudie généralement un processus particulier, un double numérique peut lui-même exécuter un certain nombre de simulations utiles afin d'étudier plusieurs processus.} par rapport aux simulations, en raison de leur traitement des données en temps réel et de la possibilité d'étudier plusieurs processus dans diverses simulations. +L’idée de commencer à expérimenter avec l’avatar virtuel d’un robot est née lors d’un travail en laboratoire avec les roboticiens de l’équipe IDH pour le projet \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot HRP-4 étant peu disponible à cette époque, nous avons réalisé une résidence artistique dans laquelle son double virtuel représentait le réel.Le robot a exécuté une série de mouvements inspirés des postures de pouvoir des dirigeants politiques assis sur des chaises. Lors de l'improvisation, sa corporéité imaginaire déclenchait diverses réponses kinesthésiques chez l'interprète, ce qui a éveillé notre curiosité et nous a poussés à approfondir la compréhension de ce phénomène. L'étude \cite{sohier2022degre} note la distinction entre les robots virtualisés et les simulations informatiques nécessaires au fonctionnement des robots dans le monde réel. Pour aller plus loin dans cette étude actuelle, nous employons le terme de \textit{digital twin}\footnote{selon IBM, alors qu'une simulation étudie généralement un processus particulier, un double numérique peut lui-même exécuter un certain nombre de simulations utiles afin d'étudier plusieurs processus.} à la place de\textit{simulations}, en raison de leur traitement des données en temps réel et de la possibilité d'étudier plusieurs processus dans diverses simulations. -\cite{joffrey2015humanoides} retrace le processus d'hybridation entre le corps humain et les objets technologiques dès la préhistoire, lorsque l'anatomie de notre main s'est adaptée à la manipulation d'objets comme les outils de sculpture. Il soutient que la notion de réflexivité occupe une place centrale dans le fonctionnement de l'anthropomorphisme, citant l'anthropologue culturel Victor Turner pour qui l'humain est plus qu'un animal performatif, étant proche d'un animale qui se réalise. Par analogie, créer une séquence de danse robotique est aussi un processus réflexif. L'humain joue un double rôle d'initiateur et de récepteur de mouvement (dans le sens où il répond à la proposition faite par le robot) tandis que le robot devient un médium traduisant avec ses contraintes mécaniques l'architecture corporelle qu'il est censé embarquer, sans grand chose. en alternant le modèle initial. +L’anthropologue Joffrey Becker retrace le processus d'hybridation entre le corps humain et les objets technologiques dès la préhistoire, lorsque l'anatomie de notre main s'est adaptée à la manipulation d'objets comme les outils de sculpture\cite{joffrey2015humanoides}. Il soutient que la notion de réflexivité occupe une place centrale dans le fonctionnement de l'anthropomorphisme, citant l'anthropologue culturel Victor Turner pour qui \textit{l'humain est plus qu'un animal performatif, étant proche d'un animale qui se réalise}. Par analogie, créer une séquence de danse robotique est aussi un processus réflexif. L'humain joue un double rôle d'initiateur et de récepteur de mouvement (dans le sens où il réagit à la proposition faite par le robot), tandis que ce dernier devient un médium traduisant, à travers ses contraintes mécaniques, l'architecture corporelle qu'il est censé incorporer, en alternant le modèle initial. \begin{figure} \centering @@ -1038,16 +1044,15 @@ L’idée de commencer à expérimenter l’avatar virtuel d’un robot est née \caption{Mise à jour du schèma illustrant les principes d'E. Couchot.} \label{fig:iseacouchot2} \end{figure} -Pour approfondir notre compréhension du concept d'hybridation, nous le définissons en relation avec le travail de l'artiste numérique Edmond Couchot. Pour lui l'hybridation se situe toujours dans l'expérience, \textit{plus précisément dans la relation entre le sensible, le corps et son environnement}\cite{sohier2022degre}. L’auteur de l’article souligne la nature en cours de l’hybridation ou, pour citer l’artiste, \textit{un état évolutif, de l’humain à l’artificiel et de l’artificiel à l’humain}. Dans sa classification des agents artificiels, Couchot fait une distinction entre les robots et les humains artificiels, en utilisant les concepts de matérialité et d'autonomie pour distinguer les deux. Pour l'autonomie, sa classification s'oriente autour de deux polarités : l'avatar fantoche (niveau minimal d'autonomie) et l'acteur autonome (niveau maximal d'autonomie). Concernant sa définition de la matérialité, il structure ses observations autour de l'expérience technesthésique comme étant: + +Pour approfondir notre compréhension du concept d'hybridation, nous le définissons en relation avec le travail de l'artiste numérique Edmond Couchot. Pour lui l'hybridation se situe toujours dans l'expérience, \textit{plus précisément dans la relation entre le sensible, le corps et son environnement}\cite{sohier2022degre}. Le chercheur Rémy Sohier souligne la nature de cette hybridation en citant l’artiste pour qui cela renvoie à \textit{un état évolutif, de l’humain à l’artificiel et de l’artificiel à l’humain}. Dans sa classification des agents artificiels, Couchot fait une distinction entre les robots et les humains artificiels, en utilisant les concepts de matérialité et d'autonomie pour comparer les deux. Pour l'autonomie, sa classification s'oriente autour de deux polarités : l'avatar fantoche (niveau minimal d'autonomie) et l'acteur autonome (niveau maximal d'autonomie). Concernant sa définition de la matérialité, il structure ses observations autour de l'expérience technesthésique comme étant: \begin{quote} ``une expérience sensible vécue dans l'acte technique [qui] constitue une sorte d'habitus perceptuel, de connaissance sensorielle, partagée par chaque membre d'un société et façonner ses manières d'être et d'agir, de penser, par des voies différentes de celles du langage et de la pensée symbolique.” +\cite{sohier2022degre} \end{quote} -Il est intéressant de noter que cette expérience implique la disparition de soi, en s'appuyant sur les restes de l'expérience des autres avec technologie. Cela rejoint l'observation de Becker\cite{joffrey2015humanoides} pour qui l'histoire des gestes partagés, retrace l'évolution de l'humanité dans sa relation avec la technologie. +Il est intéressant de noter que cette expérience implique la disparition de soi, en s'appuyant sur les restes de l'expérience des autres avec la technologie. Cela rejoint l'observation de Becker\cite{joffrey2015humanoides} pour qui l'histoire des gestes partagés, retrace l'évolution de l'humanité dans sa relation avec la technologie. - - -L'un des enjeux de notre recherche-création est d'explorer cette dimension intermédiaire qui s'opère entre la qualité de mouvement de deux entités distinctes (humain et robot). -In\cite{villard2016propos} une expérience réalisée avec un robot Poppy, favorise l'émergence du concept d'\gls{empathie kinesthésique}, illustrée par le décalage et la tension qui s'opèrent une fois le geste transmis de l'humain au robot. Dans notre cas particulier, dans les improvisations en temps réel, une fois le robot HRP-4 programmé pour reproduire une séquence de danse, la chorégraphie peut être modifiée en fonction des caractéristiques techniques du robot - état des actionneurs et de la batterie, problème de code, limitations articulaires. Nous appelons ce type d'inférence des \textit{mouvements parasites}, nécessitant une adaptation sensori-motrice de la part de la machine et de l'humain. En comparaison, en travaillant avec des jumeaux numériques, les réglages se font au niveau de la vidéo-projection. Le concept de morphing\cite{villard2016propos} emprunté au traitement de l'image offre une analogie intéressante avec la production de mouvement, définissant un processus de réhabilitation et de réajustement continu des corps et de leur transformation en formes. Pour une de nos expérimentations de recherche-création, nous avons projeté la figure du robot sur le corps du performeur. +L'un des enjeux de cette étude de terrain est d'explorer la dimension intermédiaire qui se manifeste entre la qualité du mouvement de deux entités distinctes : l'humain et le robot. Une expérience réalisée avec un robot Poppy favorise l'émergence du concept d'\gls{empathie kinesthésique}, illustrée par le décalage et la tension qui opèrent une fois le geste transmis de l'humain au robot\cite{villard2016propos}. Dans notre cas particulier, dans les improvisations en temps réel, une fois le robot HRP-4 programmé pour reproduire une séquence de danse, la chorégraphie peut être modifiée en fonction des caractéristiques techniques du robot - état des actionneurs et de la batterie, problème de code, limitations articulaires. Nous appelons ce type d'inférence des \textit{mouvements parasites}, nécessitant une adaptation sensori-motrice de la part de la machine vers l'humain. En comparaison, en travaillant avec des jumeaux numériques, les réglages se font au niveau de la vidéo-projection. Le concept de morphing\cite{villard2016propos}, emprunté au traitement de l'image, offre une analogie intéressante avec la production de mouvement, définissant un processus de réhabilitation et de réajustement continu des corps, ainsi que de leur transformation en formes. Pour approfondir cette idée, j'ai projeté l'image du robot sur le corps du performeur habillé en blanc, lors d'une de mes résidences de recherche à Montpellier. \begin{figure} \centering @@ -1055,130 +1060,116 @@ In\cite{villard2016propos} une expérience réalisée avec un robot Poppy, favor \caption{Comparatif de mouvements performeuse - robot HRP4.} \label{fig:iseamoihrp} \end{figure} -À notre grande surprise, les images se chevauchent, ce qui donne lieu à une figure hybride de robot et de machine. Après plusieurs essais, le performeur s'est adapté à cette spécificité inattendue du robot, comme dans un processus d'apprivoisement et il en est résulté une figure symbiotique, mi-humain, mi-robot. + +À notre grande surprise, les images se sont superposées, créant une figure hybride entre le robot et la machine. Après plusieurs essais, le performeur s'est adapté à cette interaction particulière avec le robot, construisant ainsi une figure symbiotique, à la fois humaine et robotique. \subsection{Expérience technesthésique vécue lors des ateliers et au studio} -Comme extension de notre étude de cas, nous analysons comment différentes propositions de mouvement sont intégrés par des artistes lorsqu'ils dansent avec des robots. Notre objectif est de déterminer comment les utilisateurs expérimentent un état proche du \gls{qualia}\footnote{selon l'Encyclopédie de philosophie de Stanford, les philosophes utilisent souvent le terme ``qualia” (singulier ``quale”) pour faire référence aux aspects phénoménaux et accessibles de manière introspective de notre vies mentales. Le statut des qualia est vivement débattu en philosophie, en grande partie parce qu’il est essentiel à une bonne compréhension de la nature de la conscience. Les Qualia sont au cœur même de la problématique corps-esprit.}, tout en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par des agents humains et non humains. Dans un contexte où le corps et l’esprit sont la même expression d’un processus organique\cite{mark2007meaning}, les arts et l’esthétique représentent des tentatives ontologiques pour trouver un sens. Après avoir travaillé avec le double jumeau du robot HRP-4 pour la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}, nous avons souhaité comprendre comment les robots sont perçus par leurs partenaires humains lors des pratiques créatives hors scène. -Les ingénieurs peuvent facilement pré-programmer des intentions liées à des émotions ou à des comportements humains spécifiques chez les robots, en utilisant une approche de boucle affective\cite{damiano2020emotions}. Cette approche se concentre sur la capacité de robot à engager les humains dans des échanges basés sur des affectes et donc à attribuer du sens à leur comportement. En 2010, une interface utilisateur simplifiée pour créer des mouvements corporels\cite{nakaoka2010intuitive} a été implémentée dans un robot HRP-4C pour un spectacle de danse. Le robot exécute des mouvements de danse synchronisés, entouré par quatre danseuses, donnant l’impression d’une copie parfaite d’un interprète humain. Comme évoqué par\cite{penny2016improvisation}, nous attendons des œuvres d'art de nous surprendre. Pour aborder cet aspect, nous imaginons des interactions qui se concentrent sur des \gls{mouvements spontanés} et des comportements inattendus des robots, questionnant un ``effet de présence”\cite{zaven2014effets} sur scène. Pour explorer les potentialités de ces interactions créatives, nous avons programmé et testé différents scénarios. Ces scénarios impliquent des imitations et des mouvements aléatoires pour nous aider à comprendre comment les corps artificiels et organiques peuvent s'adapter les uns aux autres et atteindre un état d'hybridité spécifique. +Comme extension de cet étude de cas, nous analysons comment différentes propositions de mouvement sont intégrés par des artistes lorsqu'ils dansent avec des robots. Notre objectif est de déterminer comment les utilisateurs expérimentent un état proche de \gls{qualia}\footnote{selon l'Encyclopédie de philosophie de Stanford, les philosophes utilisent souvent le terme ``qualia” (singulier ``quale”) pour faire référence aux aspects phénoménaux de nos vies mentales. Le statut des qualia est vivement débattu en philosophie, en grande partie parce qu’il est essentiel à une bonne compréhension de la nature de la conscience. Les qualia sont au cœur même de la problématique corps-esprit.}, tout en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par des agents humains et non humains. Dans un contexte où le corps et l’esprit sont la même expression d’un processus organique\cite{mark2007meaning}, les arts et l’esthétique représentent des tentatives ontologiques pour trouver un sens. Après avoir travaillé avec le double jumeau du robot HRP-4 pour la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}, j'ai voulu comprendre comment les robots sont perçus par leurs partenaires humains lors des pratiques créatives en dehors de la scène. +Les ingénieurs peuvent facilement pré-programmer des intentions liées à des émotions ou à des comportements humains spécifiques chez les robots, en utilisant une approche de boucle affective\cite{damiano2020emotions}. Cette approche se concentre sur la capacité du robot à engager les humains dans des échanges basés sur des affects, et ainsi à attribuer du sens à leur comportement. En 2010, une interface utilisateur pour créer des mouvements corporels\cite{nakaoka2010intuitive} a été implémentée dans un robot HRP-4C lors d'un spectacle de danse. Le robot exécute des mouvements de danse synchronisés, entouré par quatre danseuses, donnant l’impression d’être une copie parfaite d’un interprète humain. Comme évoqué par\cite{penny2016improvisation}, nous attendons des œuvres d'art de nous surprendre. Pour cela, nous imaginons des interactions qui se concentrent sur des \gls{mouvements spontanés} et des comportements inattendus des robots, questionnant un ``effet de présence”\cite{zaven2014effets} sur scène. Pour explorer les potentialités de ces interactions créatives, nous avons programmé et testé différents scénarios. Ces configurations impliquent des imitations et des mouvements aléatoires qui nous aident à comprendre comment les corps artificiels et organiques peuvent s'adapter mutuellement pour atteindre un état d'hybridité. -Lors de la conception de notre première séquence de danse avec HRP-4, nous avons dû prendre en compte différentes contraintes : la manière dont le robot stabilise son centre de masse, son autonomie en position debout et le mécanisme de sécurité qui lui permet de se déplacer. Ces contraintes nous ont fait envisager dans un premier temps une interaction dansée assise. Nous avons choisi de travailler sur les postures de dirigeants politiques célèbres. Le fait qu'ils étaient assis, en train de réfléchir, mais que par leur raisonnement ils ont influencé le résultat de notre vie quotidienne, a transformé la figure du robot en une figure totémique habitée par des gestes de pouvoir. La séquence de danse a été transposée dans le \gls{digital twin} du HRP-4, sur scène lors du projet \textit{Le mythe de l'Immorta}. +Dans le cadre du projet CECCI-H2M, pour le développement de notre première séquence de danse avec HRP-4, nous avons dû prendre en compte différentes contraintes : la manière dont le robot stabilise son centre de masse, son autonomie en position debout et le mécanisme de sécurité qui lui permet de se déplacer. Ces contraintes m'ont conduit à reconsidérer mes projections et à imaginer, dans un premier temps, une interaction dansée assise, où le robot est également assis. J'ai choisi de travailler sur les postures de célèbres dirigeants politiques. Le fait que ces dirigeants soient assis, en train de réfléchir, mais que leur raisonnement ait influencé le cours de notre vie quotidienne, a transformé la figure du robot en une figure totémique, habitée par des gestes de pouvoir. La séquence de danse a été transposée sur scène dans le \gls{digital twin} de HRP-4 lors de la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}. -Dans une instanciation différente de ce projet, l’interprète a interagi en temps réel avec les deux systèmes autonomes de la performance – en utilisant la même séquence de danse avec l’environnement virtuel de la performance E.V.E. (non anthropomorphe) ainsi que le HRP-4 virtuel (anthropomorphe). Le résultat de cette expérience nous a montré comment les mouvements répétitifs de HRP-4 génèrent un sentiment d’oppression et de limitation chez l’interprète, déclenchant le besoin de se réfugier dans des divers mouvements similaires aux réponses kinesthésiques mentionnées précédemment. À l'opposé, la réactivité d'E.V.E. lui a permis facilement d'oublier la séquence initiale et construire une rythmique sur place. Les deux systèmes ont été identifiés comme partenaires de scène par l'interprète, le robot évoquant un sentiment d'absence ou un phénomène de \gls{ghost in the machine}\footnote{https://www.imdb.com/title/tt0113568/}. Une fois ces observations ressorties de notre cadre de recherche initial, nous avons ressenti le besoin de les confronter à un contexte plus large. +Dans une autre version de ce projet, l’interprète a interagi en temps réel avec l’environnement génératif non anthropomorphe E.V.E., créé par Isadora Teles de Castro, ainsi qu'avec le HRP-4 virtuel, de nature anthropomorphe. Le résultat de cette expérience nous a montré que les mouvements répétitifs de HRP-4 génèrent un sentiment d’oppression chez l’interprète, déclenchant un besoin de se réfugier dans des mouvements rappelant les réponses kinesthésiques mentionnées précédemment. À l'opposé, la réactivité d'E.V.E. lui a permis d'oublier facilement la séquence initiale et de construire une rythmique nouvelle sur place. Les deux systèmes ont été identifiés comme \textit{partenaires de scène} par l'interprète, le robot évoquant un sentiment d'absence ou un phénomène de \gls{ghost in the machine}\footnote{https://www.imdb.com/title/tt0113568/}. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_eve} - \caption{Intéraction performeuse- E.V.E. lors d'une résidence CECCI-H2M.} + \caption{Interaction performeuse- E.V.E. lors d'une résidence CECCI-H2M. Source : archives personelles. } \label{fig:iseaeve} \end{figure} \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_sveda} - \caption{Intéraction perfomeuse robot HRP-4 virtuel lors d'une résidence CECCI-H2M.} + \caption{Interaction performeuse robot HRP-4 virtuel lors d'une résidence CECCI-H2M. Source : archives personelles.} \label{fig:iseasveda} \end{figure} - -La suite de notre expérimentation est une étude de cas proposée à 25 étudiants en danse qui ont testé une séquence de mouvement conçue pour le robot humanoïde HRP-4 et enseignée par celui-ci, ainsi que par un bras industriel FRANKA et par un performeur humain. Par rapport à la version inspirée des postures de pouvoir, le robot HRP-4 bougeait cette fois ses membres supérieurs, ses hanches, sa tête et son torse, mais cette fois-ci debout. De nouveaux mouvements, correspondant à des \gls{mouvements réflexes} et similaires à une \gls{réponse kinesthésique}, ont été ajoutés dans la boucle pour simuler ce que nous avons défini précédemment comme des mouvements parasites. Nous avons initialement demandé aux participants de reproduire les mouvements puis d'improviser librement en appliquant certains des gestes dont ils se souvenaient. Ils ont été encouragés à explorer cette dimension sensorielle et à oublier toute projection personnelle concernant l'esthétique et le rendu de la séquence. +Une fois ces observations extraites du cadre de recherche initial, j'ai éprouvé le besoin de les confronter à un contexte plus large. J'ai inclus dans l’expérience un robot industriel, pour voir si son design non anthropomorphe (tout comme E.V.E.) suscite des réactions différentes en comparaison avec l’humanoïde. L'étude de terrain a été proposée à 25 élèves en danse qui ont testé une séquence de mouvement conçue pour le robot humanoïde HRP-4 et enseignée par celui-ci, ainsi que par un bras industriel FRANKA et par un performeur humain. Par rapport à la version inspirée des postures de pouvoir du projet CECCI-H2M, le robot HRP-4 a été présenté debout, bougeant ses membres supérieurs, ses hanches, sa tête et son torse. De nouveaux mouvements, correspondant à des \gls{mouvements réflexes} et similaires à des réponses kinesthésiques ont été ajoutés dans la boucle pour simuler ce que j'ai précédemment défini comme des mouvements parasites. Ensuite, j'ai demandé aux participants de reproduire les mouvements dont ils se souvenaient, puis d'improviser librement selon leurs envies. Tout au long des ateliers, ils ont été encouragés à explorer une dimension sensorielle et à mettre de côté toute projection personnelle concernant l'esthétique et le rendu de la séquence. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_learning_mercy} - \caption{Séqeunce d'appréntisage des mouvements avec les éleves du lycée Merci.} + \caption{Séquence d’apprentissage des mouvements avec les élèves du lycée Merci.} \label{fig:isealearningmercy} \end{figure} -Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agentivité à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie de D.C. Dennett\cite{dennett1993consciousness} sur les \textit{systèmes intentionnels}. Dans les contextes artistiques, outre le comportement cinétique de l’objet, un autre facteur d’influence est la stratégie du spectateur pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité ouvrir notre démarche de recherche-création à des acteurs extérieurs, en organisant une expérimentation pratique avec des étudiants en danse. +Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agence à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie du cognitiviste D.C. Dennett sur les \textit{systèmes intentionnels}\cite{dennett1993consciousness}. Dans les contextes artistiques, en plus du comportement kinésique de l’objet, un autre facteur influençant le ressenti du spectateur est sa stratégie pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité élargir notre démarche de recherche-création en intégrant des acteurs extérieurs, en leur demandant de remplir des questionnaires de satisfaction après l'expérience. -Parmi les questions auxquelles devaient répondre les participants à notre étude, certaines concernaient le processus d’apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Concernant la qualité du mouvement, la plupart des participants pensaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) avaient des mouvements intentionnels. Alors que 56\% estiment qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'on a demandé aux participants s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels, 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. Même répartition en considérant si les robots ont ou non une conscience, avec 28\% en quelque sorte en désaccord et 24\% en quelque sorte d'accord. Quant à l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord que ses mouvements étaient naturels, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait leurs émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. La plupart des participants à notre étude (64\%) pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement grâce à l'interaction robotique. -Un processus d’hybridation a également été observé après la séquence, lorsqu’il a été demandé aux participants d’interpréter librement les mouvements du robot qu’ils avaient expérimentés plus tôt. Cela a facilité l’exploration d’un état où les sens étaient plus présents et où les \gls{mouvements spontanés} apparaissaient plus facilement. Un état que nous définissons comme créatif, dans le sens où il permet une expressivité corporelle inhérente à la spécificité de l'incarnation - où par imitation ils se sont appropriés et transformés la séquence de danse robotique. En bougeant, leurs corps semblaient habités par la présence robotique. -Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} l'essai avec les robots. +Parmi les questions auxquelles les participants de notre étude ont dû répondre, certaines portaient sur le processus d'apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). En ce qui concerne la qualité du mouvement, les participants estimaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) exécutaient des mouvements intentionnels. Alors que plus de la moitié d'entre eux (56\%) estimaient qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'ils ont dû estimer s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels : 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une proportion significative des participants (36\%) ne savait pas si les robots étaient des créatures étranges, tandis que 24\% étaient tout à fait d'accord pour le penser et 20\% étaient, d'une manière ou d'une autre, en désaccord. La répartition était similaire concernant la question de la conscience des robots, avec 28 \% en désaccord et 24\% en accord. En ce qui concerne l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements lorsque la séquence devenait répétitive. Aucun des participants n'a déclaré appliquer habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que, pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord pour dire que ses mouvements étaient naturels, tandis qu'aucun participant ne partageait ce sentiment pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait des émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. De plus, la majorité des participants à notre étude (64\%) a déclaré qu'ils pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement humain grâce à l'interaction avec un robot. -Concernant notre intention de modifier légèrement les séquences, de les voir dans un ordre particulier (HRP-4, le Franka puis l'interprète humain), aurait pu influencer leurs réponses. Certains participants connaissaient déjà les mouvements du robot HRP-4 grâce aux précédentes séances de travail organisées plus tôt cette année-là. -Par rapport à un travail fait avec des \gls{digital twin}s, les résultats peuvent également être différents lorsque l’on travaille en temps réel avec des robots physiques. De plus, en appliquant la notion d’anthropologie numérique aux jumeaux numériques des robots utilisés dans nos expériences, nous aurions pu omettre certains résultats intéressants concernant d’autres formes et dimensions des robots. Il ne faut pas non plus oublier que même si les agents artificiels peuvent simuler des intentions et des affects, notre manière de les interpréter – ou la notion de \gls{qualia} évoquée plus haut – est toujours individuelle. Après avoir implémenté la séquence de danse analogue du robot humanoïde sur le bras industriel, nous avons constaté des différences (notamment en ce qui concerne la symétrie de la posture mais aussi la vitesse et les secousses), le bras industriel se révélant plus conforme compte tenu du type d'actionneurs qui exécutaient le mouvement. +Un processus d’hybridation a également été observé après la séquence, lorsque les participants ont été invités à interpréter librement les mouvements du robot qu’ils avaient expérimentés précédemment. Cela a facilité l’apparition d’un état où les sens étaient plus présents, avec des gestes et des \gls{mouvements spontanés}. Nous définissons cet état comme créatif, car il favorise une expressivité corporelle propre aux phénomènes d'incarnation, permettant aux participants de s'approprier et de transformer la séquence de danse robotique par l'imitation. En se mouvant, leurs corps semblaient habités par une présence robotique. Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} un essai avec les deux robots. + +En ce qui concerne les biais potentiels de ces expériences, le fait de présenter les robots dans un ordre spécifique (HRP-4, puis Franka, et enfin l'interprète humain) a pu influencer les réponses des participants. De plus, certains d'entre eux avaient déjà une connaissance des mouvements du robot HRP-4 grâce aux séances de travail organisées plus tôt dans l'année. Par rapport au travail fait avec des \gls{digital twin}s, les résultats pourraient également varier si nous travaillions en temps réel avec des robots physiques. De plus, nous pourrions avoir omis certains résultats intéressants en utilisant seulement ces deux formes et dimensions de robots. Il est également important de rappeler que, bien que les agents artificiels puissent simuler des intentions et des affects, notre façon de les interpréter — c'est-à-dire la notion de \gls{qualia} évoquée précédemment — reste toujours individuelle. Après avoir implémenté la séquence de danse analogue du robot humanoïde sur le bras industriel, nous avons observé des différences notables, notamment en termes de symétrie de la posture, ainsi que de vitesse et de secousses. Le bras industriel s'est révélé plus conforme en raison du type d'actionneurs responsables de l'exécution du mouvement. \subsection{Perspectives futures pour l'anthropomorphisme en utilisant des technologies robotiques émergentes} -Une prochaine phase de cette recherche consistera à tester les mêmes scénarios avec la version physique des robots. De cette manière, nous pouvons déterminer si la perception de l'interprète, ainsi que sa qualité de mouvement, peuvent être impactées différemment lorsqu'il travaille dans les mêmes conditions, avec le corps réel et mécanique des robots. Cela permettra également de comprendre comment le processus d’hybridation est influencé par les phases d’imitation du mouvement. Nos premiers résultats empiriques nous encouragent à mettre en place une étude scientifique en laboratoire, mesurant l'\gls{empathie kinesthésique}\cite{barrero2019dance, foster2010choreographing} grâce à la détection de \gls{neurones miroirs}\cite{gallese1996action}, en utilisant le traitement du signal de l'électroencéphalogramme (EEG). -Apprendre par imitation, puis établir une interaction créative à l'aide de \gls{digital twin}s nous a permis de rechercher les qualités vécues par chaque participant et d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative implique l'hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo, ainsi qu'un type original de matériau de mouvement. -Nous espérons que ces remarques sur l’anthropomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale robot-humain. +Une prochaine phase de cet étude de terrain m'a permis de tester des scénarios équivalents avec la version physique des robots. De cette manière, nous avons pu déterminer si la perception de l'interprète, ainsi que sa qualité de mouvement, peuvent être impactées différemment lorsqu'il travaille dans les mêmes conditions avec le corps réel et mécanique des robots. Cela m'a également permis de comprendre comment le processus d’hybridation est influencé par les phases d’imitation du mouvement. Ces premiers résultats empiriques nous encouragent à mettre en place une étude scientifique en laboratoire, mesurant l'\gls{empathie kinesthésique}\cite{barrero2019dance, foster2010choreographing} grâce à la détection des \gls{neurones miroirs}\cite{gallese1996action}, en utilisant le traitement du signal de l'électroencéphalogramme (EEG). +Apprendre par imitation et établir une interaction créative à l'aide de \gls{digital twin}s nous a permis d'explorer les qualités vécues par chaque participant tout en améliorant la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative implique une hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo et créant ainsi un matériau de mouvement original. Nous espérons que ces réflexions sur l’anthropomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale entre robots et humains. + +En résumé, le sujet de l'anthropomorphisme présente des possibilités captivantes dans le cadre des nouvelles technologies robotiques. En redéfinissant les interactions humaines et en remettant en question notre compréhension de la subjectivité et de la conscience, nous aurions la chance de mieux préparer notre avenir, les robots anthropomorphes jouant un rôle essentiel dans l'éducation et la formation de demain. \section{Expérimenter la créativité au LIRMM} -La deuxième étude de terrain que nous avons menée s'est fait au LIRMM, deux ans après mon arrivée au laboratoire et aussi à la suite des travaux pratiques réalisés au Lycée Merci. +Après les travaux pratiques effectués au Lycée Merci avec les robots virtuels, la deuxième étude de terrain a eu lieu au LIRMM, près de deux ans après mon arrivée au laboratoire. \begin{figure} + \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip1} \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip2} \caption{Captations vidéo de nos expérimentations au laboratoire.} \label{fig:romanmanip1} \end{figure} -En s'interrogeant sur la manière dont les connaissances acquises grâce aux pratiques artistiques peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance\cite{gunn2004learning}, les chercheurs défendent l'idée que l'art est un cadre parfait pour la connaissance distribuée. -Les recherches actuelles suggérant que le comportement des individus à l'égard des robots est influencé par l'observation de rencontres entre des robots et d'autres personnes\cite{timmerman2021springer} offrent des informations importantes. Pour autant que nous le sachions, nous sommes les premiers dans la littérature à étudier les interactions de tiers (c'est-à-dire robot - robot - humain ou HRHI) dans un contexte d'imitation de danse. De telles interactions deviendront de plus en plus courantes avec l’avènement des robots dans nos sociétés. -Selon \cite{jung2018acm}, un robot peut affecter son environnement social au-delà de la personne qui interagit avec lui. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est important d’explorer l’HRI dans des contextes sociaux complexes. Notre étude initiale s'est basée sur une HRI collective, réalisée avec des avatars virtuels de robots lors des atelier de danse. La prochaine étape de notre recherche nous permet d'aborder de nouvelles possibilités d'interaction et de vérifier une nouvelle hypothèse sur la dynamique sociale homme-robot : du point de vue d'un autre humain interagissant avec une dyade homme-robot, le type d'incorporation (\gls{embodiment}) influence la façon dont le robot est perçu et son impact sur l'environnement. Grâce à notre approche, nous examinons l'effet de robots de différentes formes, dans un contexte multi-personnes lors de routines de danse, pour comprendre comment la conception du robot améliore notre processus créatif. -Dans cette expérimentation, motivés par la perspective florissante des robots mis en scène dans les performances artistiques, nous introduisons une nouvelle méthode comme tierce -cadre d’interaction homme-robot-humain (HRHI). Traditionnellement, les interactions avec des tiers sont nettement moins étudiées que leurs homologues entre deux parties. Nous nous limitons à la mise en place de routines de danse collaboratives impliquant des mouvements du haut du corps entre un danseur professionnel, un robot et un humain. A travers ce cadre, nous nous intéressons au potentiel créatif de tels partenaires d'interaction que nous proposons de mesurer par la capacité d'improvisation du spectateur humain. Comme évoqué dans\cite{bailin1984creativity}, la créativité dans les œuvres d'art implique une compétence proche d'une certaine \textit{plasticité du contrôle} (c'est-à-dire être capable de voir au-delà du problème spécifique auquel on est confronté et d'avoir une réelle compréhension du problème). +Pour comprendre comment les connaissances acquises à travers des pratiques artistiques peuvent être liées à d'autres formes de savoir perçues par le public comme plus ou moins autoritaires ou dignes de confiance\cite{gunn2004learning}, les chercheurs désignent l'art comme cadre idéal pour acquérir de la connaissance distribuée. Pour influencer le comportement des individus envers les robots, il est envisageable d'augmenter le nombre de rencontres \textit{amicales} entre des robots et d'autres personnes\cite{timmerman2021springer}. Les interactions tierces (c'est-à-dire robot - robot - humain ou HRHI) dans des contextes d'imitation de danse deviendront de plus en plus courantes avec l'intégration croissante des robots dans nos sociétés. Cependant cette intégration doit se faire dans un cadre moins compétitif. Selon \cite{jung2018acm}, un robot peut influencer son environnement social au-delà de la personne qui interagit directement avec lui. Dans ce contexte, nous pensons qu'il est essentiel d'étudier les interactions humain-robot (HRI) dans des environnements sociaux complexes. Notre étude initiale s'est basée sur une HRI collective, réalisée avec des avatars virtuels de robots lors des improvisations en danse. Cette nouvelle étape de ma recherche-création me permet d'explorer de nouvelles possibilités d'interaction et de tester une hypothèse concernant la dynamique sociale entre humains et robots, lorsque plusieurs personnes sont présentes. -Lorsqu'ils définissent la créativité, les chercheurs \cite{gaut2009brill, bailin1984creativity} font remonter le débat initial au philosophe grec Platon, pour qui la créativité est un processus mystérieux impliquant de l'inspiration et de l'introspection. Nous soutenons que cette vision est erronée, car elle adopte une vision anti-téléologique du processus créatif. De plus, \cite{gaut2009brill} identifie la valeur de la liberté humaine et la valeur du courage en tant que catalyseurs de la créativité. Nous transposons ces arguments à notre contexte de danse HRI, afin d'évaluer les facteurs possibles qui améliorent la créativité des robots. +Du point de vue d'un observateur humain interagissant avec une dyade homme-robot, le type d'incorporation (\gls{embodiment}) influence à la fois la perception du robot et son impact sur l'environnement. Grâce à cela, j'ai pu expérimenter avec de robots de formes variées dans un contexte multi-participant de routines de danse, afin de comprendre comment la conception du robot enrichit notre processus créatif. Ainsi, motivés par la présence accrue des robots dans les performances artistiques, nous avons introduit une nouvelle méthode en tant que cadre tiers d'interaction HRHI. Traditionnellement, les interactions avec des tiers sont nettement moins étudiées que leurs homologues entre deux parties. Pour nous faciliter la tâche, nous nous limitons, comme dans l'étude précédente, à la mise en place de routines de danse collaboratives impliquant des mouvements du haut du corps exécutés par un danseur professionnel, un robot industriel, et un humanoïde. À travers ce cadre, nous proposons de mesurer la capacité d'improvisation du participant humain. Comme évoqué dans \cite{bailin1984creativity}, la créativité dans les œuvres d'art implique une compétence liée à une certaine \textit{plasticité du contrôle} – c'est-à-dire la capacité à voir au-delà du problème spécifique auquel nous sommes confrontés ou à avoir une compréhension approfondie du problème pour savoir s'en détacher. -Nous proposons ainsi d'analyser la capacité d'improvisation induite par l'état créatif à partir de deux points clés : d'une part la substituabilité\cite{kirsh2010wayne} et d'autre part la \gls{empathie kinesthésique}\cite{gemeinboeck2016roman} des participants. +Lorsqu'ils définissent la créativité, des chercheurs \cite{gaut2009brill, bailin1984creativity} font remonter le débat jusqu'au philosophe grec Platon, qui considérait la créativité comme un processus mystérieux mélangeant de l'inspiration et de l'introspection. Après ces expériences en recherche-création, ma vision peut sembler erronée, car elle adopte une perspective anti-téléologique du processus créatif. Proche de la vision du philosophe Berys Gaut, j'identifie la liberté humaine et le courage comme catalyseurs de la créativité\cite{gaut2009brill}. Transposer ces arguments à notre contexte de danse HRHI m'aide à évaluer les facteurs susceptibles d'améliorer la créativité en lien avec des robots. Cela implique d'analyser la capacité d'improvisation induite par l'état créatif à partir de deux points clés : d'une part la substituabilité\cite{kirsh2010wayne} et d'autre part la \gls{empathie kinesthésique}\cite{gemeinboeck2016roman} des participants. -L'imitation dans la danse interactive des robots humains a fait l'objet de recherches de longue date dans la littérature, en particulier concernant l'\gls{embodiment}. Alors que l'improvisation est principalement utilisée pour améliorer la réactivité et l'acceptation sociale des robots \cite{jochum2019moco, hoffman2012impro, weinberg2007impro}, les artistes font improviser des robots sur scène, que ce soit pour danser \cite{demers2016multiple} ou jouer de la musique \cite{hoffman2011stage}. Il est important de préciser que dans notre étude actuelle, plutôt que d’improviser, les robots émulent l’improvisation selon des algorithmes préprogrammés. +L'imitation dans la danse interactive entre robots et humains a fait l'objet de recherches de longue date dans la littérature, en particulier concernant l'\gls{embodiment}. Alors que l'improvisation est principalement utilisée pour améliorer la réactivité et l'acceptation sociale des robots \cite{jochum2019moco, hoffman2012impro, weinberg2007impro}, les artistes font improviser des robots sur scène, que ce soit pour danser \cite{demers2016multiple} ou pour jouer de la musique \cite{hoffman2011stage}. Il est tout aussi important de préciser que dans notre étude actuelle, plutôt que d’improviser, les robots émulent l’improvisation en suivant des algorithmes préprogrammés. En danse, la mémorisation d'une phrase ou d'un geste implique un processus d'assimilation appelé \textit{marquage}, où chaque danseur reproduit le mouvement en activant différentes parties de son corps. Le chercheur en sciences cognitives David Kirsh décrit cette technique de marquage comme \textit{un échafaudage pour projeter mentalement une structure plus détaillée que celle qui pourrait autrement être gardée à l'esprit}\cite{kirsh2010wayne}. Nourris par une stratégie interactive qui enrichit leur perception, les danseurs marquent des séquences de danse avec leur corps d'abord pour les mémoriser, puis pour les transmettre. L'une des propriétés du marquage est la \textit{substituabilité}, décrivant comment un mouvement d'une partie du corps peut être traduit par le mouvement d'une autre. Suite aux observations de Kirsh selon lesquelles \textit{les mouvements des mains et les inclinaisons de la tête représentent régulièrement le mouvement de différentes parties du corps}\cite{kirsh2010wayne}, nous avons imaginé une séquence de danse pour les mains traduite par des robots. Cette séquence peut être exécutée par n'importe quel autre segment du corps humain, dans la vitesse et le rythme originel. -En danse, la mémorisation d'une phrase ou d'un geste implique un processus d'assimilation appelé marquage, où chaque danseur reproduit la matière du mouvement en activant différentes parties du corps. Les observations de\cite{kirsh2010wayne} proposent la technique de marquage comme \textit{un échafaudage pour projeter mentalement une structure plus détaillée que celle qui pourrait autrement être gardée à l'esprit.} Semblable à une stratégie interactive augmentant la cognition, les danseurs marquent avec leur corps, des séquences de danse pour mémoriser et les transmettre. -L'une des propriétés du marquage est la substituabilité, décrivant comment un mouvement dans une partie du corps peut représenter le mouvement dans une autre. Suite aux observations de Kirsh selon lesquelles \textit{les mouvements des mains et les inclinaisons de la tête représentent régulièrement le mouvement de différentes parties du corps}, nous proposons une expérience de danse avec les mains traduite par des robots, qui encode différentes parties du corps chez les partenaires humains. -Inspirés par le travail de \cite{jochum2019moco}, nous utilisons l'improvisation comme approche ascendante pour analyser l'interaction incarnée dans la danse. Au cours de nos essais en laboratoire, les robots et les personnes se sont spontanément déplacés afin de déterminer quels facteurs renforcent un résultat créatif. À l’origine outil de composition, l’improvisation dansée est devenue une technique de performance live améliorant la conscience kinesthésique des interprètes. Selon\cite{schwartz2000action}, ce type de conscience est également lié à l'incarnation\cite{jochum2019moco} chez les artistes humains. Transposer ces observations aux robots permet de déterminer leur impact sur un processus artistique global et d'analyser comment le type d'incarnation influence les réponses spontanées des humains. -Comme le dit \cite{dautenhahn2018acm}, la conception des robots évolue rapidement tandis que les modèles deviennent obsolètes une fois que les entreprises cessent de les développer davantage. Par conséquent, la communauté robotique a des difficultés à partager un terrain d'entente sur ce que le terme \textit{robot}implique actuellement, y compris un large éventail de formes comme \textit{androïde, humanoïde, mécanoïde, semblable à une machine, zoomorphe ou anthropomorphe}. comprendre les possibilités d'interaction entre humains et robots est un défi complexe, au cœur de plusieurs disciplines impliquant la robotique, les neurosciences, la psychologie, l'éthologie, la philosophie de l'esprit... Le recyclage des pratiques, technologies et protocoles actuels est moins étudié que les modèles innovants, conduisant à à une vision trop simpliste de l'HRI. Dans notre étude, nous cherchons à comprendre et à étendre les paramètres originaux d'un HRI standard à un modèle d'interaction avec des tiers, afin de développer d'autres concepts émergents liés aux arts et à la créativité qui pourraient accroître l'acceptation sociale chez les robots. Les auteurs de\cite{fdili2019acm, fdili2017moco, jochum2019moco} citent l'informaticien Paul Dourish pour qui l\gls{embodiment} ou incorporation, n'est pas une propriété de systèmes, de technologies ou d'artefacts ; c'est une propriété d'interaction. Le type d'interaction incorporée que nous étudions vise \textit{la création et le partage de sens} tel que défini par Dourish. Selon lui, le concept d'incorporation ne se limite pas à la manifestation physique des personnes et des objets, \textit{mais s'étend également aux interactions sociales, relations et participation entre les personnes et les choses}. À notre tour, nous étudions comment l’interaction entre un danseur et un robot peut déclencher du sens et une \gls{empathie kinesthésique} chez les participants. Nous analysons les types de modèles d'interaction générés par deux contraintes - l'imitation et l'improvisation - en demandant aux participants de remplir un formulaire de vingt-neuf questions à la fin de l'expérience. Nous identifion des matériaux du mouvement original et analysons comment le type d'incorporation du robot peut être un catalyseur de cette expérience. -Dans ce contexte, sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, nous avons obtenu les principaux résultats suivants : +À l’origine un outil de composition, l’improvisation dansée est devenue une technique pour améliorer la conscience kinesthésique des interprètes. Selon\cite{schwartz2000action}, ce type de conscience est également lié à l'incarnation\cite{jochum2019moco}. Transposer ces observations aux robots permet de déterminer leur impact sur un processus artistique global et aussi de comprendre comment le type d'incarnation influence les réponses spontanées des danseurs. Inspirée par le travail de \cite{jochum2019moco}, j'utilise l'improvisation comme une technique qui me permets d'analyser des formes incarnées d'interaction lors d'une danse avec les robots. Au cours de cette étude, les participants se sont spontanément déplacés dans l'espace afin de déterminer quels facteurs renforcent cette improvisation ou facilitent une forme de substituabilité quand des autres parties du corps prennent le dessous. +Comme affirmé par la chercheuse en robotique sociale Kerstin Dautenhahn, la construction et conception des robots évolue rapidement tandis que les modèles deviennent obsolètes une fois que les entreprises cessent de les développer davantage. Par conséquent, la communauté robotique a des difficultés à trouver un consensus concernant ce que le terme \textit{robot} implique réellement, y compris pour un large éventail de formes comme \textit{androïde, humanoïde, mécanoïde, semblable à une machine, zoomorphe ou anthropomorphe}\cite{dautenhahn2018acm}. Comprendre les possibilités d'interaction entre humains et robots est un défi complexe, au cœur de plusieurs disciplines impliquant la robotique, les neurosciences, la psychologie, l'éthologie, la philosophie de l'esprit, parmi autres. La quête pour des modèles innovants prend le dessus sur le recyclage des pratiques, technologies et protocoles actuels, qui sont moins étudiés et améliorés, conduisant à une vision appauvrie de HRI. Par cet deuxième étude de terrain, j'ai cherché à étendre les paramètres originaux d'un HRI standard à un modèle d'interaction avec plusieurs humains. Ceci dans le but de développer de nouveaux concepts émergents liés aux arts et à la créativité, qui pourraient faciliter l’intégration dans la société des robots. Les auteurs des études comme les \cite{fdili2019acm, fdili2017moco, jochum2019moco} citent l'informaticien Paul Dourish pour qui l\gls{embodiment} ou l'incorporation, n'est pas une propriété de systèmes, de technologies ou d'artefacts, mais une propriété de l'interaction. Le type d'interaction incorporée que m’intéresse vise \textit{la création et le partage du sens} tel que défini par Dourish. Selon lui, le concept d'incorporation ne se limite pas à la manifestation physique des personnes et des objets, mais s'étend également à leurs interactions sociales et leurs relations. À notre échelle, cette étude examine comment l’interaction entre un danseur et un robot peut générer du sens et susciter une \gls{empathie kinesthésique} chez les autres participants. Lors de l’expérience proposée, nous avons analysé les types de modèles d'interaction générés par deux contraintes - l'imitation et l'improvisation des mouvements d'un corps robotique et d'un corps humain- en demandant aux participants de remplir un formulaire de vingt-neuf questions à la fin de l'expérience. Cela m'a permis de recueillir des données sur le type d'incorporation d'un robot inclus dans une expérience de danse et improvisation. Sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, avec mes collègues du LIRMM qui m'ont aidé réaliser cette expérience parmi lesquels la chercheuse Madalina Croitoru, nous nous sommes arrivées aux observations suivantes : \begin{itemize} - \item Les robots industriels pourraient faciliter un état créatif plus élevé pour la danse, par rapport aux robots humanoïdes - \item Le degré d'acceptation du deuxième participant humain dépend du degré de familiarité du participant avec le robot + \item Par rapport aux robots humanoïdes, les robots industriels pourraient faciliter un état créatif plus élevé pour la danse, + \item Le degré d'acceptation du deuxième participant humain dépend de son degré de familiarité avec le robot \item Dans un contexte tiers humanoïde-robot-danseur-humain, le danseur est moins perçu mais il est vu comme une source d'inspiration lors de la phase d'improvisation \item Les participants étaient moins intéressés à toucher physiquement le robot, quelle que soit sa forme \item Les participants ont préféré imiter et improviser avec les robots plutôt qu'avec le danseur \item Le sentiment de synchronisation avec les robots était moins présent lors de la phase d'improvisation \item Lors de la phase d'improvisation, les participants projetaient et attendaient une réactivité de la part du bras industriel mais moins de la part de l'humanoïde - \item Durant la phase d'improvisation, les participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée - + \item Durant la phase d'improvisation, la plupart des participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée \end{itemize} \subsection{Configuration expérimentale HRHI} -Notre expérience motivante s'est déroulée à l'extérieur du laboratoire, lors d'une pratique de cours de danse. Les observations de \cite{jung2018acm} nous ont inspiré à travailler dans un cadre original, en adaptant notre hypothèse aux contraintes de l'environnement (c'est à dire les participants ont vécu une expérience collective de HRI, lors d'une séance de formation collective en danse). Les résultats de ce processus hybride sont disponibles ici (\url{https://vimeo.com/779347404} et \url{https://vimeo.com/779363288}). Même si notre objectif était de comprendre comment l’anthropomorphisme numérique déclenche la créativité, l’expérience a fourni des informations utiles sur la créativité en général, nous donnant l’opportunité d’aborder ce concept dans un contexte plus large. -Les vingt-cinq étudiants participants ont eu pour mission d'imiter puis d'improviser avec les versions virtuelles d'un robot industriel et d'un robot humanoïde, puis de remplir un formulaire comportant des questions sur une échelle de notation de 1 à 5. L'apprentissage par imitation, pour commencer par établir une interaction créative, a permis d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. La plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. La majorité des participants - (68\%) - ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d’accord sur le fait que le robot HRP-4 communiquait des émotions par la danse, avec une majorité (64\%) en désaccord. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n’étaient pas d’accord sur le fait qu’il exprimait ses émotions à travers la danse. +Dans ma première étude de terrain, les participants ont vécu une expérience collective de HRI, qui s'est déroulée à l'extérieur du laboratoire, lors des ateliers de danse avec des avatars virtuels. Ce que j'ai compris sur la créativité en général, m'a donné l’opportunité d’aborder ce concept dans un contexte plus large. En consultant la littérature, les observations de Malte Jung et Pamela Hinds m'ont inspirées à travailler dans un cadre original, en adaptant nos hypothèses aux contraintes de l'environnement\cite{jung2018acm}. Cette fois environnement est peuplée par deux humains à la place de un. Le modèle d'interaction que j'ai choisi cherche donc l'amélioration de cette étude précédente, basée sur des simulations virtuelles et adressée à des participants familiers avec la danse. -Notre modèle d'interaction suit l'amélioration de l'étude précédente mentionnée ci-dessus, basée sur des simulations virtuelles et adressée à des participants familiers avec la danse. -Afin de comprendre comment les robots sont perçus et quel est leur impact sur leur environnement, l’autonomie est un facteur clé. Les observations de\cite{stubbs2007iee} suggèrent qu'à mesure que l'autonomie d'un robot augmente, ``l'incapacité des humains à comprendre les raisons des actions du robot perturbe la création d'un terrain d'entente”. -Suite à cette remarque, nous avons décidé d'organiser notre expérience au laboratoire, l'environnement de prédilection des robots. Pour questionner la notion de créativité en HRI, nous avons personnalisé notre expérience à l'aide de premiers essais impliquant majoritairement des collègues chercheurs de notre laboratoire. Nous leur avons demandé de comparer deux contextes : interagir seuls avec un robot et interagir simultanément avec un robot et un danseur humain. Leurs retours ont clarifié l’hypothèse de travail selon laquelle les humains devraient s’habituer à la présence d’autres humains lorsqu’ils interagissent avec des robots. -L'un de nos objectifs était d'identifier quel cadre (avec ou sans médiateur humain) est le plus utile et inspirant pour déclencher la créativité pendant l'HRI. -Parmi nos observations, nous avons noté que la place du robot au sein de l’expérience dépend de son degré de familiarité avec le sujet (c’est-à-dire que le participant a déjà interagi avec ce type de robot ou non). La majorité des roboticiens préféraient interagir directement avec le robot, sans que le danseur humain n'intervienne comme intermédiaire dans cette interaction. Parmi les raisons qui ont motivé cette préférence : la présence de l'humain devient plus importante que celle du robot, une fois la phase d'improvisation de l'expérience effectuée. De la même manière, les chercheurs qui n’avaient jamais interagi avec un robot auparavant ont estimé que la présence du médiateur humain les a encouragés à s’inscrire à l’expérience et à développer davantage leurs compétences créatives. Un autre fait important, une fois l'instruction d'improviser donnée, les attentes et les réactions rendent les participants confus quant au résultat possible, ou à \textit{la meilleure} façon d'exécuter l'instruction. Avoir un danseur humain improvisant simultanément avec le robot aide les participants à se détendre. et restent confiants quant au résultat de l'expérience, quel que soit leur niveau de danse. Ces premières remarques nous ont encouragés à maintenir le cadre d'un danseur humain interagissant avec différents robots, dans notre cadre d'expérimentation. +Afin de comprendre comment les robots sont perçus et quel est leur impact dans un environnement avec des autres humains, l’autonomie est un facteur clé. Les observations de Kristen Stubbs, spécialiste en téléopérations, suggèrent qu'à mesure que l'autonomie d'un robot augmente, ``l'incapacité des humains à comprendre les raisons des actions du robot perturbe la création d'un terrain d'entente”\cite{stubbs2007iee}. Suite à cette remarque, j'ai décidé d'organiser notre expérience au laboratoire, l'environnement de prédilection des robots, avec des participants peu familiers avec la danse. Pour questionner la notion de créativité en HRI, nous avons d'abord re-travaillé notre expérience en impliquant majoritairement des collègues chercheurs du laboratoire. Nous leur avons demandé de comparer deux contextes : interagir seuls avec un robot versus interagir simultanément avec un robot et un danseur humain. Cette comparaison nous a permis de comprendre les différences perçues dans la dynamique de l'interaction, notamment en termes de coordination des mouvements, de ressenti émotionnel et d'empathie kinesthésique. Ces premiers retours ont clarifié l’hypothèse de travail selon laquelle les humains devraient s’habituer à la présence d’autres humains lorsqu’ils interagissent avec des robots. L'un de mes objectifs était d'identifier quel cadre (avec ou sans un médiateur humain) est le plus pertinent pour déclencher la créativité lors d'une HRI avec de la danse. Parmi les constats, j'ai pu remarquer que la place du robot au sein d'une étude de terrain dépend de son degré de familiarité avec le sujet (c’est-à-dire combien de temps ce participant a déjà interagi avec ce type de robot). La majorité des roboticiens ont préféré interagir directement avec le robot, sans que le danseur humain n'intervienne dans cette interaction. Une des raisons qui a motivé ce choix est que pour eux la présence de l'humain devient plus importante que celle du robot. De la même manière, les chercheurs qui n’ont jamais interagi avec un robot auparavant ont estimé que la présence du médiateur humain les encourageait à intégrer l’expérience et à développer davantage leurs compétences créatives. Un autre fait important, c'est qu'une fois l'instruction d'improviser donnée, leurs propres projections peuvent rendre les participants confus quant au résultat attendu, car ils réfléchissent trop à la \textit{meilleure} façon d'exécuter l'instruction. Avoir un danseur humain qui improvise simultanément avec le robot aide les participants à se détendre. Ils restent confiants quant au résultat de l'expérience, quel que soit leur niveau de danse. Ces premières remarques nous ont encouragés à maintenir le cadre d'un danseur humain interagissant avec les robots participants à notre étude de terrain. +En échange, travailler avec de vrais robots à la place de leurs doubles numériques \cite{circu2023isea} rend les séquences de danse moins fluides que dans les simulations. Les robots sont accompagnés par le bruit réel et soumis à des contraintes techniques. Comme évoqué par la chercheuse et artiste Elizabeth Jochum, \textit{une telle imprévisibilité est liée à l’incarnation matérielle d’un robot et à une partie de son charme idiosyncratique en tant qu’interprète}\cite{jochum2019moco}. Mon choix de faire une interaction impliquant uniquement des routines de danse du haut du corps est lié au fait que travailler avec des contraintes élargit les possibilités d'expression chez l'humain tout en réduisant les risques de dysfonctionnement du robot. De plus, le bras industriel étant posé sur un socle fixe, il semblait logique d'immobiliser le robot humanoïde, sur une chaise. -Travailler avec de vrais robots au lieu de leurs jumeaux numériques\cite{circu2023isea} est motivé par le fait que les séquences de danse apparaissant fluides dans les simulations sont accompagnées de bruit réel et soumises à des contraintes mécaniques lorsqu'elles sont exécutées à travers les corps des robots. Comme evoqué par\cite{jochum2019moco}, \textit{une telle imprévisibilité est liée à l’incarnation matérielle d’un robot et à une partie de son charme idiosyncratique en tant qu’interprète}. -Notre choix de faire une interaction impliquant uniquement des routines de danse du haut du corps est lié au fait que travailler avec des contraintes élargit les possibilités d'expression chez l'humain et réduit les risques de dysfonctionnement du robot. Le bras industriel étant posé sur un socle fixe, il semblait logique d'immobiliser le robot humanoïde, sur une chaise. Les possibilités d'accessibilité d'une chaise nécessitent d'adopter une position réflexive et statique tandis que le danseur doit compenser avec les mains l'expressivité du mouvement. \subsection{Résultats et discussion} -Dans notre expérimentation, nous faisons l'hypothèse que la créativité est une combinaison de compétence et d'intention suite aux travaux de \cite{gaut2009brill, gaut2010philosophy, bailin1984creativity, bresnahan2015skill}. Cette hypothèse a suscité de nombreux débats. Parmi eux l’idée que la créativité peut être téléologique.\cite{gaut2010philosophy} donne l'exemple d'un chimpanzé brossant de la peinture : si le dresseur enlève la peinture lorsqu'il le juge approprié, le résultat pourrait être créatif ; alors que si le chimpanzé est laissé seul avec son papier, il finira par le recouvrir de couleurs ou tout simplement le détruire. Pour Gaut: +Lors de cette expérimentation, nous sommes partis de l'hypothèse que la créativité est une combinaison des compétences et d'intention\cite{gaut2009brill, gaut2010philosophy, bailin1984creativity, bresnahan2015skill}. Cette hypothèse a suscité de nombreux débats, parmi lesquels l’idée que la créativité peut être téléologique. Gaut donne l'exemple d'un chimpanzé brossant de la peinture : si le dresseur enlève la peinture lorsqu'il le juge approprié, le résultat pourrait être créatif ; alors que si le chimpanzé est laissé seul avec son papier, il finira par le recouvrir de couleurs ou tout simplement le détruire. Pour le philosophe: \begin{quote} ``les types d'actions qui sont créatives sont celles qui présentent au moins un objectif pertinent (en n'étant pas purement accidentelles), un certain degré de compréhension (en n'utilisant pas simplement des procédures de recherche mécaniques), un degré de jugement (dans la manière de appliquer une règle, si une règle est impliquée) et une capacité d'évaluation orientée vers la tâche à accomplir. En raccourci pour ces caractéristiques, nous pouvons dire que les actions créatives doivent faire preuve de flair.” +\cite{gaut2010philosophy} \end{quote} -Nous extrapolons ces remarques aux robots autonomes, qui ont un comportement téléologique une fois qu'ils sont préprogrammés avec une tâche. -Notre méthodologie identifie les facteurs qui différencient un résultat entre un résultat non créatif et un résultat créatif. Compte tenu de ces prémisses, l’invention d’une danse particulièrement nouvelle pendant la phase d’improvisation peut-elle être considérée comme créative ? Si oui, à travers quels facteurs ? -Le défi de concevoir des robots capables de se comporter de manière fiable et sûre dans des environnements humains a conduit les scientifiques à étudier des domaines tels que les sciences sociales et la philosophie. -Puisqu’il existe peu de recherches empiriques sur l’art, nous proposons un modèle d’IRH basé sur deux phases (imitation de danse et improvisation de danse) pour analyser les attentes humaines en son sein. -En supposant que la créativité soit une question de degré\cite{gaut2009brill}, nous analysons à travers notre questionnaire la conscience kinesthésique, la substituabilité ainsi que le potentiel de synchronie de deux robots opérant dans un laboratoire identique. Bien que les algorithmes de mouvement soient identiques, les mouvements des robots ont suscité des réactions inattendues chez certains participants. Ils ont défini la même séquence de danse exécutée par un robot différent comme créative, leurs commentaires étant liés à leur familiarité avec les robots (c'est-à-dire des participants moins habitués aux robots, mais plus enthousiastes quant à leur potentiel créatif en danse). -Nous résumons nos résultats et identifions certains des défis comme suit. -Lors de la phase d'imitation, 95,3\% des participants ont facilement imité la séquence de danse du robot humanoïde, contre 56,5\% pour le bras industriel. De plus, 71,5\% des participants à l'interaction avec le robot humanoïde et 56,5\% pour le bras industriel n'ont pas jugé acceptable d'utiliser des mouvements d'improvisation pendant cette phase. Ces participants étaient engagés dans ce que Dourish appelle un \textit{coping absorbé}\cite{jochum2019moco}, ou un engagement total dans l'interaction, avec 47,6\% de participants pour l'humanoïde et 30,4\% de participants pour le bras industriel, n'imitant pas le danseur professionnel. Répartition similaire des réponses concernant le confort lors de l'imitation : avec 85,7\% des participants se sentant à l'aise en imitant le robot humanoïde et 38,1\% le danseur, contre 60,9\% le robot et 43,5\% le danseur - pour le robot à bras industriel. Le sentiment d'être inspiré par les mouvements du danseur humain par rapport au robot suit la même tendance, avec 42,8\% des participants convenant que c'est le cas du robot humanoïde, contre 39,1\% pour le robot industriel. Globalement, les participants ont trouvé plus intéressant de suivre les mouvements du robot que ceux du danseur - avec 61\% pour le robot industriel et 66,6\% pour le robot humanoïde. Paradoxalement, seule une petite minorité - 20\% pour le robot industriel et 14,3\% ont identifié des émotions dans la danse du robot, par rapport à celle de l'humain - 60,9\% pour l'essai industriel et 57,1\% pour l'humanoïde. Cette observation prouve notre intuition selon laquelle les participants engagés dans la danse (soit en imitant, soit en improvisant) contemplaient moins l'acte performatif. -Par ailleurs, lors de la phase d'imitation, 66,7\% des participants se sont sentis en synchronisation avec le robot humanoïde contre 55\% pour le robot industriel. En comparant ces résultats à la même question concernant la phase d'improvisation, on constate une grande différence puisque seulement 20\% pour le robot industriel et 23,8\% pour le robot humanoïde ont répondu positivement. Ce constat prouve que la synchronie s’établit moins par l’improvisation. -Un autre fait intéressant à mentionner est que lors de l'improvisation, les participants n'ont pas ressenti le besoin d'entrer en contact physique avec le robot (68,2\% pour le bras industriel et 90,5\% pour le robot humanoïde) avec un léger pourcentage d'indécision pour le bras industriel. (18,2\% ), contre (9,5\%) pour le robot humanoïde. Alternativement, 13,6\% des participants à l'expérience avec le bras industriel ont répondu par l'affirmative à cette question, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. -En improvisant, on note une légère indécision quant à la réactivité du robot industriel (avec 15\% des participants pour le robot industriel et 9,5\% pour l'humanoïde), alors que la majorité des participants (80\% des participants pour le robot industriel et 90,4\% pour l'humanoïde) rejetant l'idée que les robots étaient réactifs, alors qu'en réalité ils ne l'étaient pas. Cependant, 40,95\% des participants pour le robot industriel et 23,8\% pour l'humanoïde, ont exprimé ce besoin lorsqu'on leur a demandé s'ils souhaitaient faire réagir le robot à leurs gestes. -Puisque nous avons inclus dans la séquence du danseur une combinaison de mouvements intentionnels et non intentionnels (type bâillement), nous avons voulu voir si les participants faisaient la distinction entre ces deux mouvements lors de l'interaction avec le tiers. Dans les deux cas - 52,1\% pour le bras industriel et 47,6\% pour le bras humanoïde, les participants ont réussi à les identifier. Pour les robots, ces mouvements ont été simulés lors des essais de la phase d'improvisation, où chaque séquence était réalisée dans un ordre aléatoire par rapport à la phase d'imitation. Pour le robot humanoïde, un état inspiré des tremblements humains a été ajouté. Seuls 17,4\% des participants pour la branche industrielle ont identifié ces mouvements, contre 85,7\% pour le robot humanoïde. Nous expliquons cette différence par le fait que le mouvement de secousse était relativement différent des autres types de mouvements de la séquence. + +Ces remarques peuvent être appliquées aux robots autonomes, qui ont un comportement téléologique une fois qu'ils sont préprogrammés avec une tâche. Cela nous a contraints à identifier les facteurs qui différencient un résultat non créatif d'un résultat créatif. Compte tenu de ces prémisses, l’invention d’une danse particulièrement nouvelle pendant la phase d’improvisation peut-elle être considérée comme créative ? Si oui, à travers quels facteurs ? + +En parallèle, le défi de concevoir des robots capables de se comporter de manière fiable et sûre dans des environnements humains a conduit les scientifiques à étudier des domaines tels que les sciences sociales et la philosophie. Si la créativité est une question de degré\cite{gaut2009brill}, le questionnaire soumis à la fin de l’expérience nous a permis d'étudier comment la conscience kinesthésique, la substituabilité ainsi que le potentiel de synchronie de deux robots opérant dans un contexte identique. Bien que les algorithmes de mouvement soient identiques, les mouvements des robots ont suscité des réactions différentes chez certains participants. Ils ont défini la même séquence de danse exécutée par un robot comme créative par rapport à l'autre. Les commentaires étant liés à leur familiarité avec les robots. Ainsi, des participants moins habitués aux robots sont plus enthousiastes quant à leur potentiel créatif en danse. + +Les données nous ont aidé à identifier certains des défis comme par exemple lors de la phase d'imitation 95,3\% des participants ont facilement imité la séquence de danse du robot humanoïde, contre 56,5\% pour le bras industriel. Ces participants étaient engagés dans ce que Dourish appelle un \textit{coping absorbé}\cite{jochum2019moco}, ou un engagement total dans l'interaction, correspondant à 47,6\% des participants pour l'humanoïde et à 30,4\% des participants pour le bras industriel. Une répartition intéressante des réponses concernant le sentiment de confort lors de la phase d'imitation : 85,7\% des participants se sont sentis à l'aise en imitant le robot humanoïde et 38,1\% en imitant le danseur, contre 60,9\% des participants imitant le robot industriel et 43,5\% des participants imitant le danseur. Le sentiment d'être inspiré par les mouvements du danseur par rapport au robot suit la même tendance, avec 42,8\% des participants convenant qu'ils ont suivi le robot humanoïde, contre 39,1\% des participants ayant suivi le robot industriel. Globalement, les participants ont trouvé plus intéressant de suivre les mouvements du robot que ceux du danseur - avec 61\% des réponses favorables concernant le r obot industriel et 66,6\% concernant le robot humanoïde. Paradoxalement, seule une petite minorité - 20\% pour le robot industriel et 14,3\% pour le humanoïde ont identifié des émotions dans la danse du robot. Alors que 60,9\% des participants engagés dans une interaction avec le robot industriel et 57,1\% avec le robot humanoïde ont trouvé que la danse de l'humain exprimait des émotions. Cette observation indique que les participants engagés dans la danse (soit en imitant, soit en improvisant) contemplaient moins l'acte performatif et expriment plutôt leurs convictions et opinions générales lors d'un feedback. Par ailleurs, lors de la phase d'imitation, 66,7\% des participants se sont sentis en synchronisation avec le robot humanoïde contre 55\% des participants avec le robot industriel. En comparant ces résultats lors de la phase d'improvisation, je constate une grande différence puisque seulement 20\% pour le robot industriel et 23,8\% pour le robot humanoïde ont répondu positivement à cette question sur la synchronicité. Ce constat prouve tout de même que la synchronicité se produit plus difficilement par l’improvisation en danse. +Un autre fait intéressant à mentionner est que lors de l'improvisation, les participants n'ont pas ressenti le besoin d'entrer en contact physique avec le robot (68,2\% pour le bras industriel et 90,5\% pour le robot humanoïde), avec un léger pourcentage d'indécision pour le bras industriel - 18,2\% versus 9,5\% pour le robot humanoïde. Alternativement, 13,6\% des participants à l'expérience avec le bras industriel ont répondu par l'affirmative à cette question, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. En improvisation, je note une légère indécision quant à la réactivité du robot industriel. Ainsi, 80\% des participants pour le robot industriel et 90,4\% des participants pour l'humanoïde ont rejeté l'idée que les robots étaient réactifs, alors qu'en réalité ils ne l'étaient pas. Cependant, 40,95\% des participants pour le robot industriel et 23,8\% des participants pour l'humanoïde ont exprimé le besoin d'interagir avec des éléments réactifs. + +Des chercheurs comme Sarah Truman ou le philosophe Shaun Gallagher voit la distinction entre l'action et le mouvement à travers les sens, par des \textit{primitives de mouvement} \cite{truman2015primacy, gallagher2002primacy}. Ces éléments de base du mouvement sont ensuite complexifiés lorsque nous dansons. Elles y sont également utilisés pour classifier les possibilités de mouvement des robots. Pour Elizabeth Jochum \textit{un robot ou un système artificiel pourrait imiter de manière convaincante une action significative, mais ce n'est pas la même chose qu'un système agissant de manière significative}\cite{jochum2019moco}. De plus, \textit{la dynamique qualitative inhérente pour animer des formes de vie (mouvement cinétique) sont distincts de l'action motrice exécutée par des formes inanimées (action motrice)}\cite{jochum2019moco}. Puisque nous avons inclus dans la séquence du danseur une combinaison de mouvements intentionnels et non intentionnels (type bâillement), nous avons voulu voir si les participants faisaient la distinction entre ces deux mouvements lors de l'interaction avec l'humain. Dans les deux cas - 52,1\% pour le bras industriel et 47,6\% pour le robot humanoïde, les participants ont réussi à les identifier. Ces mouvements ont été simulés lors des essais de la phase d'improvisation, où chaque séquence était réalisée dans un ordre aléatoire par rapport à la phase d'imitation. Pour le robot humanoïde, un état inspiré des tremblements humains a été ajouté. Seuls 17,4\% des participants pour le robot industriel ont identifié ces mouvements, contre 85,7\% pour le robot humanoïde. Nous expliquons cette différence par le fait que le mouvement de tremblement était relativement différent des autres types de mouvements de la séquence de danse. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_Q18} @@ -1186,32 +1177,29 @@ Puisque nous avons inclus dans la séquence du danseur une combinaison de mouvem \label{fig:romanq18} \end{figure} -Lorsqu'on leur a demandé avec qui ils avaient improvisé lors de la deuxième séance, les réponses avaient une répartition similaire pour les deux robots. Pour le robot humanoïde, 33,3\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain, 28,6\% uniquement avec le robot, 23,8\% ont improvisé avec les deux, tandis que 9,5\% ont improvisé complètement par eux-mêmes et 4,8\% n'ont pas respecté la consigne de improviser. -Pour le bras industriel, 21,7\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain, 21,7\% uniquement avec le robot, 21,7\% ont improvisé avec les deux, tandis que 8,7\% ont improvisé complètement par eux-mêmes et 8,7\% n'ont pas respecté la consigne de improviser. Le reste des 17,5\% des participants ont soit improvisé uniquement avec l'humain, soit l'ont imité pendant l'enseignement d'improvisation, prouvant que la créativité est facilitée par les interactions entre humains plus facilement que par les interactions entre humains et robots. +Pour le robot humanoïde, 33,3\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain alors que 28,6\% des participants affirment avoir improvisé uniquement avec le robot, 23,8\% des participants pensent avoir improvisé avec les deux, tandis que 9,5\% des participants ont improvisé complètement par eux-mêmes et 4,8\% des participants n'ont pas respecté la consigne de improviser. +Pour le bras industriel, 21,7\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain, 21,7\% uniquement avec le robot, 21,7\% des participants ont improvisé avec les deux, tandis que 8,7\% des participants ont improvisé complètement par eux-mêmes et 8,7\% des participants n'ont pas respecté la consigne de improviser. - -Les chercheurs\cite{truman2015primacy, gallagher2002primacy} font la distinction entre l'action et le mouvement à travers le sens. Pour notre étude dans les deux contextes, les participants utilisaient alternativement les deux, comme l'illustrent les réponses. -Pour approfondir la discussion, nous citons\cite{jochum2019moco} pour qui -\begin{quote} -``un robot ou un système artificiel pourrait imiter de manière convaincante une action significative, mais ce n'est pas la même chose qu'un système agissant de manière significative.” -\end{quote} -De plus, ``la dynamique qualitative inhérente pour animer des formes de vie (mouvement cinétique) sont distincts de l'action motrice exécutée par des formes inanimées (action motrice)”. +Le reste des 17,5\% des participants ont soit improvisé uniquement avec l'humain, soit l'ont imité pendant l'enseignement d'improvisation, prouvant que la créativité est facilitée par les interactions entre humains plus facilement que par les interactions entre humains et robots. \section*{Conclusion} -Ces deux expériences de terrain nous ont offert la possibilité de mettre en œuvre des observation théoriques, des envies et des intuitions quant au potentiel scénique des robots. L’expérience avec des \gls{digital twin}s au Lycée Merci m'a permis de tester mon dispositif à l’extérieur de laboratoire, ou \textit{into the wild}/cite{sabanovic2006iwamc} pour citer la littérature. Suite à cette première immersion, j'ai pu affiner l’étude HRHI au LIRMM, avec des non danseurs. Dans les deux cas, robots virtuels puis robots réels, les humains ont ressenti plus de liberté en interagissant avec une entité non-anthropomorphe. D'ailleurs la consigne d'imiter des mouvements s'est avérée contre-productive, en suscitant des réactions de rire ou des blocages de la part des participants, puisque dans leur imaginaire les robots sont associés à un type de mouvement propre aux récits SciFi: mouvements mécaniques et saccadés, lenteur et lourdeur. Ayant plus ou moins réussi à interroger et parfois même défier certaines attentes, je considère ces études de terrain réussis malgré leurs contraintes. Lors 'une session au LIRMM, une participante est restée immobile, après la consigne en m'expliquant que elle ne sait pas quel type de danse est adéquat dans la compagnie d'un robot. Somme toute, cela m'a permis de réfléchir collectivement aux implications d'une danse créative avec des robots et de questionner des éventuels préjugés liés à ce type d’interaction artistique. +Ces deux expérimentations m'ont offert la possibilité de mettre en œuvre des observation théoriques, des envies et des intuitions quant au potentiel scénique des robots et leur manière de nous inspirer lorsque nous dansons avec eux. L’expérience avec des \gls{digital twin}s au Lycée Merci m'a permis de tester un dispositif à l’extérieur du laboratoire, ou \textit{into the wild}\cite{sabanovic2006iwamc}. Suite à cette première immersion, j'ai pu affiner l’étude HRHI au LIRMM, avec des non danseurs. Dans les deux cas, avec des robots virtuels puis des robots réels, les humains ont ressenti plus de liberté en interagissant avec une entité non-anthropomorphe. D'ailleurs la consigne d'imiter des mouvements s'est avérée contre-productive, en suscitant des réactions de rire ou des blocages de la part des participants, puisque dans leur imaginaire les robots sont associés à un type de mouvement propre aux récits SciFi: mouvements mécaniques et saccadés, lents et lourdes. Ayant plus ou moins réussi à interroger et parfois même défier certaines attentes, je considère ces études de terrain réussies malgré leurs contraintes. Lors d'une session au LIRMM, une participante est restée immobile, après la consigne en m'expliquant qu'elle ne sait pas quel type de danse est adéquat dans la compagnie d'un robot. + +La présence des humains dans les interactions avec des robots reste encore à définir : dans certains cas elle a facilité la mise en confiance, dans d'autres elle a fini par inhiber les participants. Probablement, les mêmes observations sont valables pour les robots sans forcément lier cela à leur design. La question de l'anthropomorphisme, qu'il soit digital ou réel est également plus complexe lorsque nous la relions au mouvement. Le type de mouvement est lui aussi un aspect à prendre en compte, puisque à ce jour la danse des robots reste prisonnière d'un imaginaire collectif sensible aux jeux vidéo et aux films du type \textit{Star Wars}. J’élargis ma définition de la créativité avec les observations de Berys Gaut et je comprends mieux celle de l'interaction incorporé en m'appuyant sur la vision de Paul Dourish dont quelques observations rejoignent celles de la cognition intégrée (voir \gls{embedded cognition}) de Lucy Suchman. Je retiens de ces expérimentations mes notes sur l'\gls{empathie kinesthésique} éprouvée par certains participants à l'étude HRHI, puis mon expérience technesthésique avec les \gls{digital twin} des robots, comme forme de hybridation influencée par l’expérience. + +Somme toute, ces études de terrain et les questionnaires soumises aux participants m'ont permis de réfléchir aux implications d'une danse créative avec des robots et de questionner des éventuels préjugés liés à ce type d’interaction artistique. \chapter{Robots, danse et \textit{conscience art.ificielle}} - -À la description du corps par Latour que j'ai mentionnée plus haut, je rajoute celle de Hubert Godard\cite{godard1994geste} pour qui \textit{le corps n'existe pas, nous sommes que du tissu conjonctif\footnote{The body does not exist, we are nothing but connective tissue.}.} +L’élément central de mon étude reste le corps et son vécu expérientiel, sa connaissance sensorielle et ce qui l’amène à se mouvoir et à danser. À la description du corps par Latour que j'ai mentionnée plus haut, je rajoute celle de Hubert Godard\cite{godard1994geste} pour qui \textit{le corps n'existe pas, nous sommes que du tissu conjonctif\footnote{The body does not exist, we are nothing but connective tissue.}.} Cela nous permet d'envisager les composantes sociales et culturelles du corps, dans sa dynamique avec l’environnent. Dans notre cas, les actes artistiques qui engagent un dialogue entre le corps et les technologies numériques favorisent une construction collaborative de nouveaux états physiques, perceptifs, et même de conscience. Que cette conscience puisse un jour être appelée \textit{artificielle} reste à voir. -Pour l'instant le terme \textit{art.ificiel} renvoie plus à un jeu de mots entre construction artistique et \textit{artifice}, dont un synonyme est le mot \textit{subterfuge}. +Pour l'instant le terme \textit{art.ificiel} renvoie plus à un jeu de mots entre construction artistique et \textit{artifice}, dont un synonyme est le mot \textit{subterfuge}\footnote{la définition de ce mot dans le dictionnaire Larousse.fr vient du latin classique \textit{subterfugere} (ou fuir secrètement), pour indiquer un moyen habile et détourné pour se tirer d'un embarras.}. \section{Les robots, les ours et le désir d'inter-subjectivité.} @@ -1448,7 +1436,7 @@ Les conclusions de cette deuxième partie des expérimentations pratiques, nous \end{quote} Lorsque j'ai parlé du \textit{glanage}, de l'\gls{exaptation} et du \textit{slow science} dans les chapitres précédents, j'ai fait appel à des formes de validation par de l'identification et de l'appartenance à des écoles de pensée déjà confirmés. Ces expérimentateurs, proche des prestidigitateurs à la manière de Brian Eno, qui fabriquent de la science sans objet comme Aurélien Bory, m'ont rassuré pendant mes moments de doute. Ma base théorique reste en permanente mise à jour, ou \textit{work in progress} et contient un mélange des références scientifiques en robotique, sciences cognitives, tout comme des notes sur la danse et les pratiques somatiques, évoqués dans la première partie de cette thèse. La partie robotique s'attache aux principes de robotique cognitive développementale, tout en s'inspirant des exemples de la \gls{robotique culturelle} et sociale. Les chercheurs que je cite font appel à des avancées théoriques comme celles de la théorie 4E de la cognition - \gls{The 4E Cognition Theory}, ou celles du principe de l'énergie libre - \gls{Free Energy Principle} (FEP), pour m'aider questionner des hypothèses de recherche en lien avec la \gls{conscience artificielle} et la créativité. Dans le cadre théorique inspiré par les neurosciences et l'intelligence artificielle, décrit dans le deuxième chapitre de la première partie de cette thèse, le FEP propose une explication unifiée de divers aspects des systèmes biologiques. Selon cette théorie, le cerveau humain s’efforce de minimiser une quantité d'énergie disponible pour calculer l'écart entre les états internes et l'environnement externe. Cela permets de vérifier si le modèle interne du cerveau correspond aux entrées sensorielles réelles qu'il reçoit de l'environnement, son objectif étant de minimiser cette énergie libre en mettant à jour son modèle interne afin de mieux prédire les entrées sensorielles. De façon concrète, ce processus de minimisation de l’énergie est réalisé par la perception, l’action et l’apprentissage. Comme ces processus sont également propres à des actes de création artistique, nous élargissons la projection en évoquant l'\gls{exaptation} comme possible conséquence méthodologique d'une danse propre aux robots. L'adaptation opportuniste à des contextes comme la danse (qui à la base n'est pas une activité spécifique aux robots), nous permet d’élargir notre projection initiale, en nous imaginant des formes de \gls{conscience artificielle}. Dans ce nouveau cadre, proche du \gls{posthumanisme}, nourri par des observations propres au \gls{matérialisme féministe}, les robots sont à leur tour considérés comme des espèces à part entière, en co-évolution avec des humains à la recherche d'une nouvelle manière de danser. Si cette projection tient plus du spectre de la robotique culturelle, que de la robotique cognitive développementale, elle reste néanmoins une pure spéculation artistique, nourrie par les concepts et théories qui m'ont accompagné ces quatre derniers années et aussi par mon intention créative. -La créativité est un phénomène complexe, qui se manifeste sous diverses formes et contextes. Comme pour la \gls{conscience}, il n’existe pas de définition unique, englobant tous les aspects multiformes de la créativité. Celle-ci est souvent décrite comme une capacité d'innovation, mais en danse elle relève aussi d'une capacité d'adaptation, d'agentivité et d'improvisation. Dans les processus collaboratifs, cette créativité est autotélique. Pour amener plus loin cette idée, des artistes comme Michel Paysant\footnote{https://www.michelpaysant.fr} évoquent une sorte d'utilité \textit{des-appliquée} de l'art. Au fil des mois d' expérimentations, nous nous sommes interrogés à notre tour sur la fonction de l'art robotique. Dans son livre \textit{Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects} (2021) la chercheuse Sarah Truman entreprend une pensée spéculative basée sur la théorie des affects. Elle questionne la notion de \gls{représentation} (en anglais \textit{representationalism}) comme résultat d'une recherche quantitative dans les arts, en proposant des laboratoires de recherche-création en échange. Selon Truman ce que distingue la recherche-création de toute pratique artistique, est le fait d'incorporer directement une composante théorique dans le projet artistique, et d'employer le cadre académique comme structure de référence pour l'acte artistique. Ainsi \textit{la théorie fait partie intégrante du processus, elle informe les méthodes et la pensée pendant et après le projet\footnote{Theory primes the projects: it informs the methods and thinking during the projects and after the project is over.\cite{truman2021feminist}}}. En outre, Truman relie la recherche-création à une forme de spéculation située, en anglais \textit{situated speculation}. Ce concept est propre au \gls{matérialisme féministe}, imprégné par la philosophie des systèmes, l’écologie, les sciences humaines et les études queer parmi autres. Une spéculation située cherche à défier l'humanisme traditionnel, dans une approche post-humaniste. Dans notre contexte, cela a impliqué imaginer des autres formes de danse, et aussi un autre statut, différent de celui d'outil, pour les robots impliqués dans nos processus de co-création. +La créativité est un phénomène complexe, qui se manifeste sous diverses formes et contextes. Comme pour la \gls{conscience}, il n’existe pas de définition unique, englobant tous les aspects multiformes de la créativité. Celle-ci est souvent décrite comme une capacité d'innovation, mais en danse elle relève aussi d'une capacité d'adaptation, d'agence et d'improvisation. Dans les processus collaboratifs, cette créativité est autotélique. Pour amener plus loin cette idée, des artistes comme Michel Paysant\footnote{https://www.michelpaysant.fr} évoquent une sorte d'utilité \textit{des-appliquée} de l'art. Au fil des mois d' expérimentations, nous nous sommes interrogés à notre tour sur la fonction de l'art robotique. Dans son livre \textit{Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects} (2021) la chercheuse Sarah Truman entreprend une pensée spéculative basée sur la théorie des affects. Elle questionne la notion de \gls{représentation} (en anglais \textit{representationalism}) comme résultat d'une recherche quantitative dans les arts, en proposant des laboratoires de recherche-création en échange. Selon Truman ce que distingue la recherche-création de toute pratique artistique, est le fait d'incorporer directement une composante théorique dans le projet artistique, et d'employer le cadre académique comme structure de référence pour l'acte artistique. Ainsi \textit{la théorie fait partie intégrante du processus, elle informe les méthodes et la pensée pendant et après le projet\footnote{Theory primes the projects: it informs the methods and thinking during the projects and after the project is over.\cite{truman2021feminist}}}. En outre, Truman relie la recherche-création à une forme de spéculation située, en anglais \textit{situated speculation}. Ce concept est propre au \gls{matérialisme féministe}, imprégné par la philosophie des systèmes, l’écologie, les sciences humaines et les études queer parmi autres. Une spéculation située cherche à défier l'humanisme traditionnel, dans une approche post-humaniste. Dans notre contexte, cela a impliqué imaginer des autres formes de danse, et aussi un autre statut, différent de celui d'outil, pour les robots impliqués dans nos processus de co-création. Différentes techniques en danse et dans les pratiques somatiques fournissent aujourd'hui des informations sur la manière dont le mouvement affecte la structure du corps, et l'inverse. Deux ou plusieurs corps s'équilibrent selon la règle d'un contact continu, transférant le poids et composant des mouvements de manière spontanée. Comme nous avons vu plus haut, suite à ses recherches au sein de \textit{Judson Dance Theater} et ultérieurement \textit{Grand Union}, Paxton pose les bases du \gls{contact improvisation}. Cette approche, devenue entre temps discipline, analyse les effets d'un changement d'orientation spatio-kinesthésique du corps, lors des contacts tactiles. Suivant des contraintes de temps, le performeur se concentre sur les limites de son espace corporel par rapport à l'espace extérieur. Cela permet au mouvement d'apparaitre en coordination avec les autres corps qui l'entourent. Généralement ce type de mouvement est soutenu et spontané, décorrélé d'un rendu final, représentable. Comme la plupart des pratiques de \gls{danse postmoderne}s, la \gls{contact improvisation} s’intéresse d'avantage à une transformation de l'expérience esthétique lors des processus de recherche du mouvement. Elle promut ainsi un spectre des possibilités qui définissent le mouvement, et des multiples manières pour l’exécuter. Le motif de la chaise a traversé divers moments dans l'historie de la danse. Autre que Burrows que j'ai cité plus haut, dans une de ses œuvres de jeunesse intitulé \textit{Smile}, Steve Paxton utilise une chaise pour deux performeurs qui sourient devant le public, cherchant à trouver leur place. Cela élargit le cercle d'Anna Theresa de Kaersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin parmi autres, qui ont crée toute une partition pour une danse assise, avec d'autres moyens et intentions que les miennes. Mettre un robot sur une chaise, peut paraître quelque-part anachronique car si nous considérons le statut d'objet outil de la chaise, nous cherchons à déconstruire ce statut pour le robot. Cependant, travailler avec la contrainte est un autre outil important pour tout processus méthodologique et c'est aussi ce qui nous a permis de nous rentre compte à quel point l'humain assis à son tour sur une chaise, peut devenir un outil au service du robot, à son tour. En d'autre mots, la chaise permet d’égaliser ces deux présences et leur status dans un contexte de \gls{représentation}.