commit fb1cff38922e5f923a9629b4dde7bc7807ed1334 Author: msleaveamix Date: Thu May 30 19:53:24 2024 +0200 migration old repo diff --git a/.gitignore b/.gitignore new file mode 100644 index 0000000..691b3ca --- /dev/null +++ b/.gitignore @@ -0,0 +1,294 @@ +## Core latex/pdflatex auxiliary files: +*.aux +*.lof +*.log +*.lot +*.fls +*.out +*.toc +*.fmt +*.fot +*.cb +*.cb2 +.*.lb +*.ist +## Intermediate documents: +*.dvi +*.xdv +*-converted-to.* +# these rules might exclude image files for figures etc. +*.ps +*.eps +*.pdf + + + +## Bibliography auxiliary files (bibtex/biblatex/biber): +*.bbl +*.bcf +*.blg +*-blx.aux +*-blx.bib +*.run.xml + +## Build tool auxiliary files: +*.fdb_latexmk +*.synctex +*.synctex(busy) +*.synctex.gz +*.synctex.gz(busy) +*.pdfsync + +# Svg package + +svg-inkscape + +## Build tool directories for auxiliary files +# latexrun +latex.out/ + +## Auxiliary and intermediate files from other packages: +# algorithms +*.alg +*.loa + +# achemso +acs-*.bib + +# amsthm +*.thm + +# beamer +*.nav +*.pre +*.snm +*.vrb + +# changes +*.soc + +# comment +*.cut + +# cprotect +*.cpt + +# elsarticle (documentclass of Elsevier journals) +*.spl + +# endnotes +*.ent + +# fixme +*.lox + +# feynmf/feynmp +*.mf +*.mp +*.t[1-9] +*.t[1-9][0-9] +*.tfm + +#(r)(e)ledmac/(r)(e)ledpar +*.end +*.?end +*.[1-9] +*.[1-9][0-9] +*.[1-9][0-9][0-9] +*.[1-9]R +*.[1-9][0-9]R +*.[1-9][0-9][0-9]R +*.eledsec[1-9] +*.eledsec[1-9]R +*.eledsec[1-9][0-9] +*.eledsec[1-9][0-9]R +*.eledsec[1-9][0-9][0-9] +*.eledsec[1-9][0-9][0-9]R + +# glossaries +*.acn +*.acr +*.glg +*.glo +*.gls +*.glsdefs +*.lzo +*.lzs + +# uncomment this for glossaries-extra (will ignore makeindex's style files!) +# *.ist + +# gnuplottex +*-gnuplottex-* + +# gregoriotex +*.gaux +*.gtex + +# htlatex +*.4ct +*.4tc +*.idv +*.lg +*.trc +*.xref + +# hyperref +*.brf + +# knitr +*-concordance.tex +# TODO Uncomment the next line if you use knitr and want to ignore its generated tikz files +# *.tikz +*-tikzDictionary + +# listings +*.lol + +# luatexja-ruby +*.ltjruby + +# makeidx +*.idx +*.ilg +*.ind + +# minitoc +*.maf +*.mlf +*.mlt +*.mtc[0-9]* +*.slf[0-9]* +*.slt[0-9]* +*.stc[0-9]* + +# minted +_minted* +*.pyg + +# morewrites +*.mw + +# nomencl +*.nlg +*.nlo +*.nls + +# pax +*.pax + +# pdfpcnotes +*.pdfpc + +# sagetex +*.sagetex.sage +*.sagetex.py +*.sagetex.scmd + +# scrwfile +*.wrt + +# sympy +*.sout +*.sympy +sympy-plots-for-*.tex/ + +# pdfcomment +*.upa +*.upb + +# pythontex +*.pytxcode +pythontex-files-*/ + +# tcolorbox +*.listing + +# thmtools +*.loe + +# TikZ & PGF +*.dpth +*.md5 +*.auxlock + +# todonotes +*.tdo + +# vhistory +*.hst +*.ver + +# easy-todo +*.lod + +# xcolor +*.xcp + +# xmpincl +*.xmpi + +# xindy +*.xdy + +# xypic precompiled matrices and outlines +*.xyc +*.xyd + +# endfloat +*.ttt +*.fff + +# Latexian +TSWLatexianTemp* + +## Editors: +# WinEdt +*.bak +*.sav + +# Texpad +.texpadtmp + +# LyX +*.lyx~ + +# Kile +*.backup + +# gummi +.*.swp + +# KBibTeX +*~[0-9]* + +# TeXnicCenter +*.tps + +# auto folder when using emacs and auctex +./auto/* +*.el + +# expex forward references with \gathertags +*-tags.tex + +# standalone packages +*.sta + +# Makeindex log files +*.lpz + +# xwatermark package +*.xwm + +# REVTeX puts footnotes in the bibliography by default, unless the nofootinbib +# option is specified. 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J. +Piaget + + + + + + + + +2.1 Approche cognitiviste pour la compréhension du corps + +2.1.1a Types de cognition + + +Pour témoigner de la difficulté de nommer les termes qui concernent ce chapitre, +et les appartenances que chaque auteur réclame, nous introduisons la définition +de l’artiste Simon Penny qui dans son anthologie Making sense: cognition, +computing, art and embodiment, énumère les quelques définitions en lien avec la +cognition : + + +“Confusion arises when discussing cognition, because several schools of thought +have quite different interpretations. As noted in part I, the autopoietic +conception of cognition is incompatible with the cognitivist conception (which +is derived from Anglo-American analytic philosophy, though ana­lytic +philosophers have accused cognitivists of being a bit sloppy). Continen­tal +philosophers (phenomenologists) draw distinctions differently. When Lakoff and +Johnson talk about the cognitive unconscious, their conceptions of the conscious +and unconscious diverge from Freudian ideas. One reason for this confusion of +terminology is precisely the condition of the paradigm shift itself. Neologisms +(some of them clunky) and borrowings from other languages abound because +existing language is built around dualist concepts. New language is needed. +Maturana and Varela coine autopoiesis. Gibson invented affordance. Likewise +umwelt and enactivim and other terms are now part of a new vocabulary.”(Penny +Making sense P. 195) + + + + +Au début du XXe siècle, entre un vision matérialiste et son contrepoids marqué +par le dualisme corps-esprit, des chercheurs tels Raymond Ruyer (citer papier +Ruyer) ou Bergson (citer matière et mémoire) expliquent l’activité cognitive +par la réalité physiologique du cerveau et son lien avec le corps. Ainsi Ruyer +affirmait que “c’est du cerveau réel, de sa subjectivité, que naissent les +sensations”, alors que pour Bergson le cerveau est un instrument en relation +avec le corps (citer Andrieu) dont le mouvement est compris par la mécanique. +Toujours pour Ruyer: “Le cerveau n’est pas un instrument, une machine à +fabriquer la conscience, la subjectivité. Comment une machine le pourrait-elle? +Tout l’organisme est, en soi, subjectivité. Le cerveau est un instrument à +transporter, appliquer la conscience primaire de l’organisme à la tâche +d’organisation du monde extérieur…le cerveau est le lieu de l’organisme par où +passent les circuits externes, la fabrication des outils et des machines, la +création des oeuvres d’art, des institutions sociales, l’organisation et +l’entretien de tous les produits de la culture. Le cerveau est en nous comme une +partie embryonnaire conservée. (...) Le “je” psychologique et cortical est le +résultat d’un devenir mais second car il côtoie l’organique de sa mémoire +corporelle. Cette coexistence est une intégration plutot qu’un emboîtement, car +l’activité de la conscience ne peut être séparée de son tissu vivant, se +définissant ainsi comme une conscience sensorielle” (citer Andrieu p.10) + + +Dans notre contexte spécifique, cette conscience du corps, de son vécu immanent +continent un savoir non-réfléchi et involontaire qui peut se cultiver par des +pratiques somatiques et d’éveil corporel. Notre démarche est d’attribuer au +mouvement une place primordiale dans la constitution de la conscience et de +l’être en général. + + +La theorie 4E de la cognition (The 4E cognition theory) + + +https://www.researchgate.net/publication/280447321_Introduction_to_the_Special_Issue_on_4E_Cognition + + +Nous présentons le concept de cognition sous l’angle de la théorie 4E dont les +débats actuels se concentrent sur le lieu où se trouve la cognition et son lien +avec la perception et l’action.Une des prémisses de cette théorie est que +l’activité perceptive-motrice est constitutive pour la cognition (citer). + + +La théorie 4E de la cognition défend l’hypothèse selon laquelle la cognition est +plus qu’un modèle cartésien d’opération dans le cerveau. L’idée que le cerveau +est similaire à un ordinateur, promeut les phénomènes cognitifs entièrement +déterminés par leur rôle fonctionnel. Cependant dans la théorie 4E de la +cognition, les phénomènes cognitifs sont étudiés en lien avec leur +environnement. Des processus comme les détails biologiques et physiologiques du +corps d’un agent, définies comme des processus extra-crâniens, sont analysés +dans son environnement naturel actif. Cela donne suite à deux hypothèses +d’analyse: selon l’hypothèse forte, les processus cognitifs sont essentiellement +produites lors des processus extra-crâniens ; alors que pour l’hypothèse faible, +ils y sont seulement à moitié résultats des processus extra-crâniens. Ces +processus extra-crâniens sont à leur tour corporels (selon la dichotomie +cerveau-corps) ou extracorporels (impliquant un couplage +cerveau-corps-environnement). + + +Le livre offre des précisions concernant les caractéristiques centrales de la +théorie 4E, basée sur: la cognition incarnée ou incorporée (embodied), la +cognition ancrée (embedded),la cognition énactée (enacted) et la cognition +étendue (extended). + + +Dans les prochaines pages, un sub-chapitre de notre étude porte sur la cognition +incarnée, dont les désaccords entre les comportementalistes et les +cognitivistes, la situent au cœur des débats en neurosciences. Dans notre +contexte, cette propriété de la cognition d’être incorporée signifie être +causalement dépendante de processus extracorporels qui ont lieu dans +l’environnement proche du corps. Un autre sous-chapitre traite de l’enaction, +vue par le neurologue Francesco Varela comme thèse sur la continuité entre la +vie et l’esprit. + + + + + + + + + + +L’approche traditionnelle de la cognition se concentre sur les processus +neuronaux, alors que la théorie de la cognition 4E vise plutôt l’action +incarnée dans le corps. Cette théorie amène des nouvelles façons d’intégrer la +complexité des phénomènes cognitifs. Ces phénomènes sont étudiés sous un angle +physiologique, suivant les avancements dans plusieurs domaines connexes. Dans +son introduction au livre dédié à cette théorie (cite Menary), la position +intégrationniste du philosophe Richard Menary offre une nouvelle contribution à +l’approche incarnée et intégrée. Pour lui, les systèmes cognitifs fonctionnent +grâce à l’intégration des fonctions neuronales et corporelles avec les fonctions +de représentation. + + +Cognitivisme + + +La théorie 4E de la cognition marque également une rupture avec la vision +traditionnelle du cognitivisme- centrée autour de représentations et calculs +mentaux. Ce courant apparu dans les années 1950 a été promu entre outre par les +recherches de Jean Piaget sur la biologie du développement et sur les +découvertes en cybernétique, établie comme alternative à une science de l’esprit +selon Varela: + + +“The central intuition behind cognitivism is that intelligence—human +intelligence included—so resembles computation in its essential characteristics +that cognition can actually be defined as computations of symbolic +representations. Clearly this orientation could not have emerged without the +basis laid during the previous decade. The main difference was that one of the +many original, tentative ideas was now promoted to a full-blown hypothesis, with +a strong desire to set its boundaries apart from its broader, exploratory, and +interdisciplinary roots, where the social and biological sciences figured +preeminently with all their multifarious complexity.” (Varela P. 40) + + + + +Les modèles théoriques et pratiques inspirés par cognitivisme, comme le +constructivisme, placent les mécanismes de construction active des savoirs et +l’apprentissage au centre de leur préoccupation. A son tour, le cognitivisme +hérite des approchés précédentes la préoccupation pour le comportement, à la +place des processus internes de cerveau, comme processus d’acquisition de +savoirs. Un des questionnements du cognitivisme est de démontrer comment les +états intentionnels qui ont des propriétés causales (désirs, intentions), sont +physiquement possibles et capables de provoquer un comportement. Pour expliquer +cela, Valera utilise la notion de calcul symbolique où les calculs sont définis +comme opérations sur des symboles qui respectent ou sont contraints par ces +valeurs sémantiques. Cependant il souligne qu’un ordinateur ne fonctionne que +sur la forme physique des symboles qu’il calcule; il n’a pas accès à leur valeur +sémantique. Avec le temps, l’idée que la logique ne suffit pas pour simuler et +comprendre le fonctionnement du cerveau, dont le fonctionnement est distributif, +a fait émerger de points de vue contradictoires sur le cognitivisme. + + + + + + +Dans le livre “4E Cognition: Historical Roots, Key Concepts, and Central +Issues”, Albert Newen, Shaun Gallagher, and Leon De Bruin offrent une +perspective globale de la théorie 4E de la cognition. Leur chapitre +“Brain–Body–Environment Coupling and Basic Sensory” explore le concept +d’intentionnalité propre à cette approche. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle la +perception est orientée vers l’action, conduit à considérer l’intentionnalité +motrice comme facteur qui la facilité : “The notion that perception is +action-oriented leads to a consideration of a very basic motor intentionality —a +concept that derives from phenomenology (e.g., Merleau-Ponty 2012), but that can +also be found in pragmatists such as John Dewey. As Robert Brandom notes, citing +Dewey, the “most fundamental kind of intentionality (in the sense of +directedness toward objects) is the practical involvement with objects exhibited +by a sentient creature dealing skillfully with its world” (2008, p. 178). This +captures a form of intentionality that is built into skillful bodily movement in +tandem with environmental demands.” Pour nous, ce genre d’intentionnalité qui ne +part pas le résultat d’un processus mental, est représentatif pour l’état +d’intentionnalité de geste dansé, mais aussi des robots. Alternativement, la +notion d’incarnation, telle qu’elle est définie dans la théorie 4E, nécessite un +couplage complexe entre le cerveau, le corps et l’environnement. Ce couplage est +la base de tout système robotique où les processus internes sont en lien direct +avec l’environnement. + + +Le role de l’affecte Le concept d’affecte est également au cœur des études sur +la cognition dans la théorie 4E où l’émotion est vue comme une affectivité +située. Dans cette acceptation, la cognition n’est pas un processus +quantifiable, similaire à un modèle informatique. L’affect nécessite une +conception incarnée et située de la cognition. Les processus empathiques de la +petite enfance ou les situations sociales sophistiquées qui caractérisent l’âge +adulte, donnent une dimension plus complexe à ce phénomène. Ainsi nous +remarquons que ce n’est pas seulement le sentiment conscient d’émotion qui est +important. Les processus affectifs inconscients comme la faim ou la fatigue, la +douleur ou le plaisir jouent un rôle tout aussi important, et peuvent biaiser la +perception. + + + + +De façon similaire, la chercheuse Branka Zei Pollermann introduit “le modèle +unifié de cognition” basé sur les théories de Jean Piaget, Ludwig von +Bertalanffy et Louis J. Prieto . Ce modèle stipule que les espaces affectives +(affected spaces) facilitent des comportements adaptatifs lors des processus +cognitifs. + + +La théorie générale des systèmes trouve aujourd’hui de multiples applications. +La modélisation des organismes humains, appelés comme “systèmes ouverts” par +Ludwig von Bertalanffy , intéresse les roboticiens également et nous allons +détailler cela dans les prochaines pages. + + +L.J Prieto (1975) base sa théorie autour du concept de praxis (vu comme action +intentionnelle) et la façon dont cela structure la cognition. Il identifie “une +caractéristique qui semble apparaître toujours dans la connaissance scientifique +et qui ne se retrouve pas, en revanche, dans la connaissance non scientifique, à +savoir l’explicitation des concepts avec lesquels la connaissance en question +opère.” + + +Alors que Jean Piaget identifie deux concepts-clé pour caractériser +l’interaction des systèmes dites intelligentes avec l’environnement. Le premier +est le concept d’ assimilation des schémas de comportement préexistant et +l’autre le concept d’adaptation- considéré comme moment d’équilibre entre deux +états, évoquant un sentiment de plaisir si cet équilibre atteint. + + +Selon la théorie de Piaget, l’intelligence humaine se développe avec l’âge +passant par plusieurs étapes parmi lesquelles: l’intelligence +logico-mathématique, musicale, spatiale, corporelle-kinesthésique, +interpersonnelle et ainsi de suite. Le chercheur Olivier Houdé, specialiste en +developpement cognitif, complète cette théorie (citer Houdé), en situant trois +phases de l’intelligence humaine modélisés dans des algorithmes: l’intelligence +sensori-motrice (avant 6 ans), l’intelligence opérationnelle concrète tel comme +définie par Jean Piaget (entre 7 et 12 ans) et l’intelligence propre à la +résistance cognitive, nommé intelligence opérationnelle formelle (de +l’adolescence à l’âge adulte) permettant le raisonnement scientifique et l’ +apprentissage des valeurs et normes sociales. + + +Dans son analyse “A unified model of cognition, emotion and action”, Pollermann +montre comment le comportement adaptatif d’un système est défini par sa capacité +de correspondre aux cinq critères suivants: “A.sentir l’environnement externe et +interne, interpréter puis stocker l’information B. utiliser la mémoire et les +signaux perceptives pour décider C. réguler les ressources internes( pour les +humains il s’agit d’ ajustements au niveau somatique et neuroendocrin) D. +transformer les actions choisies en modèles de comportement E. evaluer le rendu +(perception, procession de l’information et mémoire)” + + +De façon analogique, ces critères correspondent à des propriétés des émotions, +caractérisées par des attributs comme la valence (critère A et E via des stimuli +extérieurs), la capacité d’activation (critère C et D, selon les feedback de +sous-systèmes) et la potence (correspondant au critère B). Plus loin en parlant +des émotions, Pollermann cite le neuropsychologist Douglas Watt pour qui lorsque +les paramètres de base dépassent les variations connues, l’état est ressenti et +interprété comme émotionnel: “When internal physiological states are outside a +desirable range, both visceral sensations and action dispositions are +activated.” + + + + + + +Les auteurs se questionnent également sur le rôle des représentations mentales +concernant cette théorie. + + +Dans les années 1990, Varela, Thompson et Rosch écrivent “The Embodied Mind- +Cognitive Science and Human Experience” pour faire un état de lieu des +caractéristiques des sciences cognitives, plus précisément la façon dont le +cerveau, le corps et l’environnement sont intégrés dans la cognition. Ils lient +l’avènement de cette discipline à celle de la cybernétique, en lui associant +plusieurs découvertes qui ont influencé à leur tour d’autre domaines parmi +lesquelles nous mentionnons: l’utilisation de la logique mathématique pour +modéliser le système nerveux en neuroscience, l’invention des machines et +algorithmes pour traiter de l’information et définir une intelligence +artificielle, des mises en pratique de la théorie des systèmes en ingénierie +par la théorie du contrôle en robotique, les premiers exemples de systèmes +auto-organisés, etc. + + + + +Concernant les prochaines étapes dans les sciences cognitives, les approches et +directions sont différentes selon le modèle théorique qu’elles réclament comme +point d’origine. Lors des dernières décennies, ces disciplines ont suscité +beaucoup de débats entre les prises de position fonctionnelles des +neurobiologistes qui ignorent le rôle du corps et les phénoménologues et +philosophes qui visent le vécu expérientiel. La théorie de 4E est vue par la +communauté scientifique comme la plus récente tentative de structurer ces +approches et renouveler les avancées théoriques du début de XXe siècle. C’est +également important de remarquer le fait que ces nouveaux paradigmes et concepts +ont également engendré l’apparition des nouvelles disciplines comme la +philosophie de l’esprit (de l’anglais : philosophy of mind) dont la question +centrale est la relation entre corps et esprit et leur ancrage dans +l’environnement, ou la philosophie des sciences (de l’anglais : philosophy of +mind) qui étudie la nature même de l’activité scientifique et ses spécificités +et l’épistémologie (du grec épistemos-”science” et logos “ discours”), dont +l’objet est l’analyse critique d’une science en particulier, du point de vue de +son évolution, sa valeur, et sa portée scientifique et philosophique. C’est +également important de mentionner leur impact sur des disciplines connexes, tels +les études sur la conscience, dont les débats et arguments ont suivi de pret +ceux sur la cognition. + + + + + + +2.1.1b Types de conscience + + + + +Souvent nous disons qu’un organisme vivant est conscient lorsqu’il est éveillé. +Quelle sera alors le qualificatif pour les robots ou d’autres types d’organismes +artificiels? + + +Nous partons de l’hypothèse que pour les organismes vivants, chacun a son +propre ressenti concernant la conscience. Si pour l’intelligence, des propriétés +tels : calcul mental, apprentissage et mémoire arrivent à mieux définir ses +propriétés, nous avons vu plus haut que pour la conscience ce qui est important +c’est l’expérience subjective immédiate- le qualia. En parallèle avec +l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, +la capacité de prédire l’environnement ou de témoigner des comportements +complexes, structurent notre imaginaire autour de cette notion. Étant donné +l’imprécision des concepts et la multiplicité des points de vue selon les +disciplines, il semble peu probable que nous nous mettions d’accord sur une +seule définition de la conscience dans notre étude. Ce qui nous intéresse +cependant est de comprendre dans quelle mesure le dualisme corps-esprit et le +matérialisme trouvent un écho dans l’exercice artistique que nous imaginons Cet +exercice prend appui sur plusieurs concepts propres à chaque vision (dualiste ou +moniste) dans une tentative de les homogénéiser. + + +Puisque les débats sur la conscience, comme ceux sur la cognition se heurtent +toujours à des questions de définition, nous allons tenter définir ce terme +selon différentes disciplines. La plus importante est la vision +neuroscientifique et neurobiologique du terme. + + +Pour cela nous nous appuyons sur la littérature (citer livre Firston et art Anil +Seth). Selon les critères que les chercheurs emploient, il existent différentes +propriétés de la conscience. + + +Un premier critère est celui du niveau de conscience, propre aux créatures +vivantes- ce niveau varie entre plusieurs étapes parmi lesquelles les états +végétatifs, les états de sommeil sans rêve et l’état d’éveil conscient vif)/. +Le deuxième est de se concentrer sur le contenu de la conscience et ainsi avoir +une connaissance réflexive de son propre état mental. Si pour les créatures +vivantes, il existe des sortes de “stimuli autoréférentiels” (citer paper +vanhaudenhuyse) (comme le fait de suivre son reflet dans le miroir) pour +détecter son propre niveau de conscience, pour les machines ce phénomène n’a pas +encore pu être implémenté. L’article (citer paper vanhaudenhuyse) propose un +schéma qui détaille la corrélation entre le niveau d’éveil et la conscience de +soi et de l’environnement. Ainsi nous apprenons qu’il existe des variations +entre l’état végetatif (propre aux patients réveillés d’une coma sans état de +conscience détectée)caractérisé par des mouvements réflexes, et l’état de +conscience minimale ou le patient est capable de comportements incohérents mais +reproductibles et soutenus, montrant de signes clairs de conscience de leur +environnement et d’eux mêmes. Plus loin les auteurs font la distinction entre la +conscience et la conscience de soi, en listant les propriétés de la conscience +de soi: “ la conscience qu’il existe d’autres consciences que la nôtre; notre +capacité de répondre adéquatement à des stimuli de l’environnement; notre +aptitude à reconnaître notre corps comme étant lenôtre; la métaconscience nous +permet de comprendre nos comportements et ceux des autres en terme de désirs +etcroyances; la connaissance que nous avons de nous-mêmes comme le narrateur de +notre propre vie” (paper vanhaudenhuyse p.529) + + +Cependant lorsque identifiés grâce à la neuro-imagerie fonctionnelle, les +processus autoréférentiels semblent présents seulement lors des états d’éveil +actif. Dans la même mesure, lors des états de conscience altérés dont +l’évolution n’est pas linéaire, le rapport à l’environnement est déterminant. +Nous nous demandons alors quelle analogie appliquer sur notre étude de cas ? + + +Il existe ensuite un autre type de classification selon la nature +phénoménologique de la conscience et son accessibilité, suivant les recherches +du philosophe Ned Block qui différencie la conscience phénoménologique (comment +une certaine expérience est perçue par le sujet) de celle définie comme +conscience d’accès (disponible pour des processus cognitifs comme le langage). +Block décrit les deux de la façon suivante: "Phenomenal consciousness is +experience; the phenomenally conscious aspect of a state is what it is like to +be in that state. The mark of access-consciousness, by contrast, is availability +for use in reasoning and rationally guiding speech and action." (citer Block) +Ainsi la conscience phénoménale résulte d’expériences sensorielles et de notre +perception mélangeant de sensations comme l’ouïe ou l’odorat, des sensations +type douleur ou perceptions type proprioception, ainsi que des émotions tel la +peur, parmi autres. A l’opposée, la conscience d’accès est disponible pour une +utilisation dans le raisonnement et pour le contrôle conscient direct de +l’action et de la parole. Pour Block, la « rapportabilité » de la conscience +d’accès est d’une grande importance pratique. Selon lui, la conscience d’accès +doit être « représentative » car seul le contenu représentatif peut figurer dans +le raisonnement. Des exemples de conscience d’accès sont les pensées, les +croyances et les désirs. + + + + +Une conséquence directe de cette classification de Block qui divise la +conscience en deux types, est le fait de considérer l’esprit comme résultant de +processus fondamentalement logiques et ainsi modélisable d’un point de vue +algorithmique. Cette vision computationnelle de l’esprit implique également que +la conscience peut être modélisée par un programme informatique. Pour détailler, +sa tentative de décrire une certaine conscience comme une conscience phénoménale +ne peut pas réussir à identifier une catégorie distincte d’états conscients. +Comme mentionné ci-dessus, Block estime que la conscience phénoménale et la +conscience d’accès interagissent normalement, mais il est possible d’avoir une +conscience d’accès sans conscience phénoménale. En particulier, Block croit +comme Dennet que les zombies (entendu ici comme des androïdes) sont possibles et +qu’un robot qui est de point de vue informatique identique à une personne, +pourrait exister tout en n’ayant aucune conscience phénoménale. Cependant à la +différence de Dannet, Block affirme qu’il existe des expériences conscientes +difficilement traduisibles par des algorithmes. Pour lui, l’existence de ces +expériences relève « du problème difficile » de la conscience. + + + + + + +Parmi les théories des sciences cognitives qui identifient les états +psychologiques à des processus neurophysiologiques, la théorie de l’identité +esprit-cerveau est apparue dans les années 1960. Pour les partisans de cette +hypothèse, les états mentaux et les états du cerveau sont numériquement +identiques. L’idée que les pensées et notre esprit résident exclusivement dans +des processus neurophysiologiques étant une perspective naturaliste, les +neurosciences nous permettent de comprendre en quoi certaines structures et +certains processus neurophysiologiques du cerveau sont prédictibles par des +machines. Cependant, les phénomènes mentaux sont multiples et chaque individu +les traduit différemment dans sa personnalité. Nos perceptions, sensations, +désirs, et croyances sont influencés par notre contexte socio-culturel. Pour les +anticiper par des prédictions, les scientifiques doivent faire appel à d’ autres +méthodes et théories. Un courant dérivé de cette théorie de l’identité +esprit-cerveau est l’instrumentalisme, mis en place par le philosophe et penseur +Daniel Dannett. Cette théorie considère les modèles scientifiques comme des +instruments, nous permettant d’analyser et modéliser les phénomènes pour ensuite +les devancer par des prédictions. Ses positions concernant le libre arbitre et +la conscience ont suscité beaucoup de controverses. Ainsi dans son livre +“Consciousness Explained” (1991) il explique comment la conscience est le +résultat des processus cognitives et physiologiques dans le cerveau. Son +analogie de la conscience vue comme un article académique coécrit par une +poignée de scientifiques explique comment plusieurs processus mentaux peuvent +exister simultanément dans le cerveau, sans forcément se connaître l’ un +l’autre. Ce principe correspond à un état où plusieurs brouillons coexistent +simultanément et indépendamment de chaque contribution- attestant l’existence +du papier principal. En extrapolant ces principes au terme de conscience, il nie +cependant l’existence de qualia, vu comme expérience subjective directe et +personnelle. Des philosophes tels John Searle ont suggéré qu’il y a quelque +chose de fondamental dans l’expérience subjective qui ne peut pas être capturé +par les programmes informatiques conventionnels. Dans une de leurs +correspondances, Searle réponds à ses arguments de la façon suivante: + + +“To make explicit the differences between conscious events and, for example, +mountains and molecules, I said consciousness has a first-person or subjective +ontology. By that I mean that conscious states only exist when experienced by a +subject and they exist only from the first-person point of view of that subject. +Such events are the data which a theory of consciousness is supposed to explain. +In my account of consciousness I start with the data; Dennett denies the +existence of the data. To put it as clearly as I can: in his book, Consciousness +Explained, Dennett denies the existence of consciousness. He continues to use +the word, but he means something different by it. For him, it refers only to +third-person phenomena, not to the first-person conscious feelings and +experiences we all have. For Dennett there is no difference between us humans +and complex zombies who lack any inner feelings, because we are all just complex +zombies.” + + +Un des arguments le plus fameux que Searle avance dans leur débat est celui +appelé the ‘Chinese Room Argument’, où une personne enfermée dans une chambre +communique avec l’extérieur en chinois, sans comprendre les symboles chinois. Ce +fonctionnement est similaire aux algorithmes de traduction qui exécutent des +équivalences entre des mots, sans saisir leur sens. + + + + + + + + + + + + +The hard problem of consciousnes + + +Dans son article, “Facing Up to the Problem of Consciousness” le philosophe +David J. Chalmers affirme qu’il n’y a pas qu’un seul problème lorsque nous +essayons de définir la conscience. Pour lui il s’agit d’un terme ambigu en +référence à des phénomènes différents, et propose de diviser les objectifs en +deux catégories- le problème facile de la conscience et le problème difficile de +la conscience. Le problème facile de la conscience continent les hypothèses qui +pourront trouver leurs solutions dans l’avenir immédiat- notamment les processus +neurophysiologiques dans le cerveau et l’intelligence sensorielle du corps qui +donnent accès à des explications des capacités et des fonctions cognitives. +Chalmers illustre les phénomènes qui correspondent à cet état. Pour lui un état +mental est conscient lorsqu’il est décrit par des mots, ou lorsqu’il est +accessible comme ressenti interne. Un système est conscient de certaines +informations lorsqu’il traite et intègre cette information, puis modifie son +comportement en conséquence. De la même façon, une action est consciente quand +elle est délibérée. Alors que le problème difficile de la conscience atteste de +l’incapacité de modéliser certaines expériences subjectives et leur vécu. Pour +citer Chalmers: “Is undeniable that some organisms are subjects of experience. +But the question of how it is that these systems are subjects of experience is +perplexing. Why is it that when our cognitive systems engage in visual and +auditory information-processing, we have visual or auditory experience: the +quality of deep blue, the sensation of middle C? How can we explain why there is +something it is like to entertain a mental image, or to experience an emotion? +It is widely agreed that experience arises from a physical basis, but we have no +good explanation of why and how it arises. Why should physical processing give +rise to a rich inner life at all? It seems objectively unreasonable that it +should, and yet it does.”(Chalmers p.3) Son argumentation va plus loin, en +donnant l’exemple de la perception visuelle. Il décrit comment les formes +d’ondes électromagnétiques empiétant sur la rétine, sont discriminées et +catégorisées par un système visuel pour que cette catégorisation est vécue comme +la sensation de vif rouge. Ensuite, il montre comment l’expérience consciente +qui survient lorsque ces fonctions sont exécutées, est difficile à expliquer et +vérifier - correspondant à ce que la communauté philosophique a défini comme une +sorte de “lacune explicative entre les fonctions et l’expérience”. Il propose +que les théories sur la conscience traitent l’expérience comme partie +intégrante: “I suggest that a theory of consciousness should take experience as +fundamental. We know that a theory of consciousness requires the addition of +something fundamental to our ontology, as everything in physical theory is +compatible with the absence of consciousness. We might add some entirely new +nonphysical feature, from which experience can be derived, but it is hard to see +what such a feature would be like. More likely, we will take experience itself +as a fundamental feature of the world, alongside mass, charge, and +space-time.”(Chalmers p.14) En anglais le terme de conscience permet une +déclinaison en deux instances, celle de conscience comme vécu expérientiel et +celui d’awareness ou forme de réceptivité caractérisé par le principe de la +cohérence: “Various specific hypotheses have been put forward. For example, +Crick and Koch (1990) suggest that 40-Hz oscillations may be the neural +correlate of consciousness, whereas Libet (1993) suggests that +temporally-extended neural activity is central.If we accept the principle of +coherence, the most direct physical correlate of consciousness is awareness: the +process whereby information is made directly available for global control. The +different specific hypotheses can be interpreted as empirical suggestions about +how awareness might be achieved. For example, Crick and Koch suggest that 40-Hz +oscillations are the gateway by which information is integrated into working +memory and thereby made available to later processes. Similarly, it is natural +to suppose that Libet’s temporally extended activity is relevant precisely +because only that sort of activity achieves global availability.” Pareil au +Chalmers, Block croit que nous pouvons avoir des expériences conscientes qui ne +sont pas traduisibles par des algorithmes de calcul. Un exemple de conscience +phénoménale discuté par Block est un bruit fort que nous ne remarquons pas +consciemment parce que nous faisons attention à autre chose. Dans sa +classification, le fait d’entendre le bruit (puisque nous ne pouvons pas couvrir +notre oreille comme la paupière) relève de la conscience phénoménale alors que +le fait de ne pas s’en rendre compte relève de la conscience d’accès. Cela +suggère que ce type de conscience phénoménale décrite par Block, est basée sur +une activité cérébrale classifiée comme inconsciente donc difficilement +modélisable par des algorithmes de calcul. + + +Le rôle de l’introspection L’introspection peut nous permettre d’être conscients +des processus mentaux qui semblent avoir une séquence linéaire comme la +production de la parole ou des lignes de raisonnement. Elle agit également lors +des actes artistiques. Pendant la phase de création, un artiste sonde son +imaginaire pour clarifier ses intuitions. Lorsque nous faisons référence à +l’exemple de Block, c’est intéressant de mentionner un possible scénario où la +personne aurait prêté attention au bruit auparavant ignoré, comme un type +d’expérience subjective, à la limite de la conscience d’accès, pour ensuite +déterminer à partir de quand le bruit est devenu conscient. Cette introspection +liée à un stimulus extérieur, trouve son équivalent dans l’acte d’introspection +de l’artiste qui veut mieux comprendre sa démarche. La distinction de Block +entre conscience phénoménale et conscience d’accès a des implications +importantes pour les neuroscientifiques et les informaticiens qui cherchent à +modéliser une conscience artificielle dans des dispositifs tels les robots. Mais +une fois cette intention exprimée, comment pouvons-nous savoir si l’algorithme +a produit une conscience semblable à celle de l’homme? Dans la même mesure, +produire ces expériences subjectives de la conscience phénoménale dans des +robots implique des considérations éthiques. Heureusement le moyen pour doter +rationnellement les machines de nos expériences personnelles, parfois +irrationnelles, n’est pas encore à notre portée. Selon les avancées des sciences +cela pourra se faire par des mécanismes non informatiques. Même si la communauté +scientifique est divisée et de nombreux neuro-biologistes et informaticiens +estiment que les philosophes sont trop pessimistes quant aux capacités des +algorithmes à modéliser la conscience humaine, il est important de comprendre +nos motivations et intentions face à cela. Peu importe ce que nous identifions +comme processus physiques qui génèrent la conscience, tant que nous ne pouvons +pas comprendre comment ils se manifestent dans chaque individualité nous ne +comprendrons pas leur impacte une fois réalisée. Mais une fois cela fait, il +reste toujours un problème de vérification car en construisant des machines qui +fonctionnent comme nous, nous n’avons aucun moyen de savoir si le rendu +biologique suffit pour une expérience intérieure interne. En d’autre termes, +comment pouvons-nous savoir si un robot a une conscience phénoménale alors que +notre moyen actuel pour déterminer cela dans les humains passe par le vécu +expérientiel? + + +D’autres philosophes tels Thomas Nagel affirment qu’il est impossible de +déterminer les points communs entre une expérience directe, évoquée à la +première personne et les descriptions à la troisième personne des expériences +passées qui forment à leur tour des modèles. Dans son article "What Is It Like +to Be a Bat?" (1974) traduit en français par “ Qu’est-ce que cela veut dire +d’être un chauve-souri?”, le philosophe décrit la conscience comme un phénomène +partagé par beaucoup des organismes vivants (notamment les mammifères dont le +chauve-souris), dans le même temps faisant une distinction entre conscience et +perception sensorielle. Pour lui, ce que tous les organismes partagent, c’est ce +qu’il appelle le « caractère subjectif de l’expérience ». Cette nature +subjective bloque toute tentative d’expliquer la conscience par des moyens +objectifs comme les neurosciences ou la robotique. L’auteur a choisi la +métaphore des chauves-souris en raison de leur appareil sensoriel originel. En +effet, les chauves-souris utilisent l’écholocalisation pour naviguer et +percevoir des objets, cette méthode de perception étant similaire à la vision +des humains. L’auteur affirme que les humains dotés de sens similaires ne +peuvent pas cependant expérimenter l’état d’esprit d’une chauve-souris, puisque +leur cerveau ne s’est pas développé comme celui d’une chauve-souris dès sa +naissance. En échange des comportements de type voler, naviguer en sonar ou se +suspendre à l’envers comme une chauve-souris, faciliteront des expériences +similaires à ce qu’une chauve-souris peut vivre. Cette hypothèse est évoqué avec +des autres mots par Penny qui mentionne l’origine du concept de spécificité des +capacités sensorielles, dans son chapitre “The biology of cognition”. Ainsi +Penny mentionne le travail du biologiste Jacob Von Uexkull, au début du XXe +siècle : “Von Uexkull argued that the experiential world of a creature is +specific to that species, given to it by virtue of its particular suite of +sensorimotor capabilities. He called this the creature’s umwelt, which we might +translate as life-world or experience-world. Put simply, in sensory experience, +there is no objective world "out there." By this logic, mind and world are +simultaneously cocreated. (...)Different species do not share umwelts, even if +they happen to be physi­cally colocated. Umwelts may intersect, like Venn +diagrams, in which case different species can identify similar things. Creatures +may cohabit the same "place" and be unaware of each other because their umwelts +do not inter­sect, due to differences of scale, sensory capability, and so on. +Some animals construct their umwelts via senses others do not have—such as the +infra­red sensing of some snakes, the echolocation of bats, the electro-sensing +of platypus and some weakly electric fish, and the magneto-sensing of the +hammerhead shark.” (penny making sense p. 17 + + +Ainsi selon les capacités sensorielles de chacun, il est possible d’avoir une +conscience phénoménale et d’accéder à la conscience d’accès indépendamment, bien +qu’en général, les deux interagissent. + + +Le papier (citer friston p. 195) liste également les propriétés de la +conscience: avoir un contenu phénoménal spécifique, être en contact direct avec +la réalité et pas ses représentations, être instantanée. La conscience dévient +alors un aspect direct et privé de la vie mentale de chacun, puisque cela nous +est impossible de faire l’expérience d’une autre conscience que la nôtre. Nous +pouvons faire cependant l’expérience d’une subjectivité, en écoutant le ressenti +d’une autre personne. + + +Dans son article, “Consciousness: The last 50 years.” le neuroscientifique Anil +K. Seth souligne le caractère interdisciplinaire des études sur la conscience et +la volonté de tisser des ponts entre les expériences phénoménologiques et le +fonctionnement neuronal. Pour lui, l’expérience phénoménologique ne peut pas +exister sans l’ancrage du corps dans son environnement - en anglais “ an +environment embedded embodiment processes”. Seth trace l’histoire des études sur +la conscience , en tant que phénomène neurologique identifiant une première +étape entre 1960 et 1990. Ainsi, après un intérêt particulier pour des études +comportementales, les scientifiques mettent les bases d’une nouvelle science +cognitive. Cette science atteste l’existence d’un état mental interne qui fait +la médiation entre réponse et stimulation et qui fait beaucoup de polémique à +son époque. Seth cite entre autres le psychologue Stuart Sutherland qui +affirmait en 1989 : “Consciousness is a fascinating but elusive phenomenon. It +is impossible to specify what it is, what it does, or why it evolved. Nothing +worth reading has been written on it. “ Tandis que des autres chercheurs qu’il +cite, se heurtent aux limites de leurs recherches respectives quant à l’unité de +la conscience. Il note la contribution de Michael Gazzaniga sur le fait que +possiblement la conscience se manifeste à travers plusieurs processus selon les +hémisphères cérébraux (alternant des processus cognitifs entre l’hémisphère +droit et gauche). Aussi celle de Benjamin Libert qui fait des expériences en +lien avec le libre arbitre et les mouvements volontaires. + + +La deuxième étape dans l’évolution des études sur la conscience commence dans +les années 1990 jusqu’au moment présent. Cette période est marqué par les études +de Christoph Koch dont le papier “Towards a neurobiological theory of +consciousness” inspirent la voie de ce qu’aujourd’hui s’appelle “the hard +problem of consciousness” ou la simulation neurobiologique de la conscience +comme processus purement physiologique. Seth mentionne également Karl Friston +dont le principe d’énergie libre (Free Energy Principle- FEP) renforce +l’hypothèse que la perception est influencée par l’action, au niveau neuronal. +Devenu entre-temps principe normatif qui décrit les systèmes adaptatifs capables +d’auto-organisation, le FEP est sujet à des nombreux débats dans la communauté +scientifique, notamment en lien avec le concept de représentation ou +modification interne propre aux organismes vivants (cite pezzulo et sims) . + + + + +Relation conscience-action + + +Dans le chapitre “What’s the use of consciousness” du livre The Pragmatic Turn +Toward Action-Oriented Views in Cognitive Science, résultat d’une semaine de +débats entre neurologues, psychologues et philosophes, Anil Seth décrit une +nouvelle approche dans les sciences cognitives qui vise le rôle de l’action dans +les processus cognitives et implicitement la conscience. A l’opposé des +représentations internes suite au calcul mental, l’action favorise une vision +énactée (enacted), ancrée (embedded) et incorporée (embodied) de systèmes +cognitifs. Pour Seth, cela marque une tournure pragmatique dans l’évolution de +ces sciences et leur vécu expérientiel associé. Avec ses collègues, ils +établissent quatre approche théoriques clé, pour mieux définir leur cadre: 1/ le +cerveau Baesyian (Baesyian brain) - cette approche définit la perception comme +un processus d’inférence des signaux sensorielles; elle définit aussi le rôle +des erreurs comme moyen d’affiner cette inférence 2/ la contingence +sensori-motrice (sensorimotor contingency- SMC)- pour cette approche, la +perception est une capacité d’engagement dans l’environnement qui s’améliore +avec le temps 3/ le système de control adaptatif-distributif(distributed +adaptive control- DAC)- envisage le cerveau comme outil incorporé en relation +avec l’environnement 4/ l’autonomie énactée est un principe qui stipule +l’importance de l’autonomie et de l’auto-organisation pour la cognition, en lien +avec le travail du neurologue Francesco Varela. + + +Une de leurs questions principales est “Comment l’action structure la conscience +et qu’est ce que détermine la cognition de l’action?”(cite page 262) + + +Schema of theoretical frameworks qui ont servi comme discussions pour la +relation action-conscience. P 266 Frist + + + + + + +La boucle perception-action-cognition + + +Toujours dans le même chapitre, les chercheurs Chris D. Frith et Thomas +Metzinger partent de l’idée que la conscience en tant qu’expérience subjective, +influence certains comportements. Ainsi ils abordent la question de la +conscience du point de vue de la théorie de l’évolution, en précisant que sa +présence, détectée chez certains animaux et humains, implique un “certain +avantage évolutif”. Ils identifient la relation perception-action-cognition +comme cadre d’exploration pour les expériences subjectives: “conscious +experience could then be a single, generative model of reality including a mode +of the self as currently acting, perceiving, and thinking.” (friston, p.194) + + + + +Dans le monde des machines, les résultats les plus concluants pour illustrer des +processus mentaux sont dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avant de +comprendre ce qu’est la conscience artificielle, nous nous appuyons sur les +résultats et les problématiques propres à ce domaine. + + + + + + +Homéostasie physiologique, IA et autopoièse + + +Le philosophe et psychologue Zoltan Torey, décrit dans son livre “The crucible +of consciousness” la difficulté des scientifiques d’argumenter l’existence de +la conscience, au-delà du formalisme mathématico-logique. Pour lui le formalisme +est seulement une spécification des opérations et transactions neuronales dans +le cerveau. Ces opérations deviennent des instances de protocoles pour des +machines. Mais, comme le remarque Roger Penrose, que Torey cite: “Algorithms +themselves never ascertain truths. It would be as easy to make an algorithm +produce nothing but falsehood as it would be to make it produce truths. One +needs external insights to decide the validity or otherwise of an algorithm.” +Ces “discriminants externes” sont pour Torey, la preuve même que les systèmes +gouvernés par ce formalisme sont incomplets. De plus, il extrapole sa +démonstration à tout système formel- mathématique, logique ou philosophie +analytique, en précisant que le cerveau qui a généré ces formalismes par des +opérations mentales ne peut pas être modélisé par un ordinateur- puisque que cet +ordinateur ne génère pas des autres systemes à son tour. + + +Cela rejoint, au moins en partie, la visions de Michel Bitbol pour qui +l’expérience phénoménologique de la conscience ne peut pas être vérifié par des +critères: + + +“ nous n’avons rigoureusement aucun critère nous permettant de savoir, ni même +de deviner, qu’un artéfact fabriqué par nous est ou n’est pas doté de conscience +phénoménale. Il est vrai que nous pourrions tomber dessus par hasard, et mettre +en place les conditions d’une conscience phénoménale sans le faire exprès; mais +dans ce cas, nul signe, pas le plus petit indice, ne nous permettrait de savoir +que nous avons réussi (ou de savoir le contraire). C’est ce que signale à juste +titre le neurobiologiste Jesse Prinz : « À quel degré de proximité avec le +cerveau humain un ordinateur doit-il parvenir, avant que nous puissions dire +qu’il est probablement conscient ? Il n’y a aucune manière de répondre à cette +question. »” La conscience artificielle : Une critique pensée et vécue. Michel +Bitbol Archives Husserl, France Chroniques Phénoménologiques, 2018 + + +Pour aller plus loin, des chercheurs (citer art multitudes) sintérrogent sur la +façon dont notre société s’est emparé du phénomène de l’intelligence +artificielle, notamment sa branche connexionniste avec ses prédictions calculées +et des ouvriers à la tâche qui nourrissent des algorithmes de machine learning. +Puisque cela se répercute dans toutes les domaines de nos vies, ils prônent une +culture critique de l’IA, et les biais statistiques que cela engendre, en +prenant conscience du fait que “nous sommes les sens et la conscience des +machines”. Ainsi la perspective d’une “weak AI” (où les programmes simulent et +modélisent la pensée humaine), prédomine celle de “strong AI”(où les programmes +“pensent” par elles-mêmes). + + +De la même manière, le neurologue Stanislas Dehaene considère que les processus +inconscients, sont la preuve que la conscience ne peut-pas être modélisée: “We +cannot be conscious of what we are not conscious of”. This truism has deep +consequences. Because we are blind to our unconscious processes, we tend to +underestimate their role in our mental life. However, cognitive neuroscientists +developed various means of presenting images or sounds without inducing any +conscious experience and then used behavioral and brain imaging to probe their +processing depth(...) Subliminal digits, words, faces, or objects can be +invariantly recognized and influence motor, semantic, and decision levels of +processing. Neuroimaging methods reveal that the vast majority of brain areas +can be activated nonconsciously.” What is consciousness, and could machines have +it? Stanislas Dehaene, Lau H, Kouider S, revue Science, 2017 + + + + +Pour mieux illustrer le concept d’intelligence artificielle, nous faisons +référence aux raisonnements de la philosophe Catherine Malabou. Pour elle, il +s’agit d’une relation de coopération entre humain et machine: + + + + +“J’ai refusé dès le début de me placer dans l’optique d’une compétition entre +homme et machine. C’est la façon de voir la plus courante, je la laisse à +d’autres et préfère tenter d’ouvrir une autre voie. En effet, choisir la +compétition, c’est perdre à tous les coups. Car la mise en concurrence +homme/machine est un faux problème. Pour de multiples raisons. J’en évoquerai +une seule ici. Croire qu’il existe une réalité humaine intacte de toute +aliénation technologique est une illusion qui s’effondre facilement dès que l’on +prend en compte le fait que le cerveau humain – parlons de lui puisque c’est +bien de lui qu’il s’agit – s’est développé épigénétiquement dans son interaction +avec les artefacts. Leroi-Gourhan l’explique magnifiquement. Du silex à la +cybernétique, le mécanisme de l’interaction est le même. Notre cerveau ne peut +fonctionner qu’à se mettre au dehors, à prolonger son système par des prothèses +(cf. « l’exorganologie » de Bernard Stiegler), au point qu’il est impossible de +faire la part, dans l’évolution cérébrale des hommes depuis la préhistoire, +entre nature et technique. Un cerveau qui ne serait pas prolongé par des +artifices serait un cerveau mort.” + + +Malabou souligne la distinction entre le concept philosophique d’intellect et +celui d’intelligence, dont l’apparition est plutôt liée au Bergson et au +développement de la psychologie expérimentale en fin de XIXe siècle. Elle +défend un point de vue matérialiste selon lequel: “l’esprit, l’entendement, +disons toutes les fonctions intellectuelles, comme on voudra les appeler, sont +étroitement dépendantes des bases matérielles et organiques sur lesquelles elles +reposent. Ayant beaucoup travaillé sur le cerveau, je suis convaincue qu’il +n’existe pas de lieu séparé qui abriterait les opérations mentales et +cognitives, elles dérivent toutes de processus neuronaux. Il est donc impossible +de ne pas associer intelligence et cerveau.” Cependant, réduire l’intelligence +humaine a du calcul mathématique et des termes quantitatifs, n’a pas de sens +pour elle, sauf si ce calcul invente les concepts sur lesquels il résonne. Plus +spécifiquement, elle propose comme définition minima de l’intelligence +“l’invention de son objet”. + + +Dans un entretien avec Catherine Malabou, le cinéaste Ariel Kyrou cite le livre +“Cerveau augmenté, homme diminué” du philosophe Miguel Benasayag pour qui « la +pensée n’est pas déposée dans les réseaux de neurones comme un software figé +installé dans le hardware. Elle est distribuée dans le corps et dans le milieu, +dans l’échange entre l’un et l’autre, ainsi que dans l’histoire – s’inscrivant +ainsi dans une évolution complexe qui n’a aucun rapport avec celle des versions +successives de logiciels enrichis de nouvelles lignes de code informatique (2.0, +2.1, 2.12, etc.). » Pour Kyrou l’aboutissement de tout cela sera une IA qui +arrive par elle-même à définir son sujet de recherche. Puis il évoque ce qu’il +identifie comme différences entre sa pensée et celle de Malabou, notamment du +point de vue des conséquences que les avancées de la recherche en IA +apporteront. Il évoque également ce qu’ils partagent comme opinions autour de +trois axes: “la façon dont les « techniques », du silex à l’écriture et +dorénavant au monde numérique, contribuent à fabriquer et à faire évoluer notre +cerveau, comme l’ont montré l’archéologue et ethnologue André Leroi-Gourhan et +sur un registre philosophique selon moi déterminant Bernard Stiegler ; la +nécessité d’éviter tout réductionnisme, d’où qu’il vienne, qu’il se veuille +scientifique, psychologique ou philosophique ; et enfin l’importance cruciale de +laisser grandes ouvertes les portes du futur, c’est-à-dire de ne jamais réduire +l’avenir à une voie unique, qui serait connue d’avance des « sachant » de toutes +obédiences.”(citer Kyrou) La perspective théorique que dans un futur plus ou +moins lointain, un autre type d’intelligence- plurielle, imprévisible et +complémentaire à l’intelligence humaine- verra le jour. Ainsi l’intelligence +artificielle connexionniste transpose le modèle des réseaux de neurones et leur +façon de traiter l’information basée sur des calculs à des machines, tandis que +l’intelligence artificielle symbolique traite cette information par la +manipulation de symboles en explorant des données massives sur le comportement +humain. + + +Hémisphère droite comme symbole de la créativité Hémisphère gauche comme symbole +de la pensée analytique + + + + + + +2.1.2 Embodiment. Body schema vs. Body image + + + + +Le début des années 1990 est marqué par la publication de plusieurs ouvrages +comme celles de Brooks, Dreyfus et Varela, Thompson & Rosch. Plusieurs de ces +ouvrages mentionnent le terme de cognition incarnée- Embodied Cognition qui +englobe des notions en sciences cognitives, informatique et phénoménologie mais +aussi linguistique et mysticisme oriental parmi autres. TRente ans plus tard, +l’artiste et chercheur Simon Penny va plus loin dans l’appréhension du phénomène +de la conscience en le liant à celui de la cognition: + + +“Cognition is held not to occur (exclusively) in the head or necessarily in some +immaterial space of logical manipulation of symbolic tokens. These approaches +propose, in different ways, that cognition is embodied; integrated with +non-neural bodily tissues; or extends into artifacts, the designed +environment,social systems, and cultural networks (...) We cannot meaningfully +speak of intelligence as occurring exclusively inside the skull, connecting to +the body and the world via mechanistic sensors and effectors. On the contrary, +cognition is biologically material and embodied, and discussing it outside such +contexts is of dubious value. Furthermore, cognition is dynamic; it occurs as a +temporally ongoing relational engagement with architectures, artifacts, tools, +language, human (and interspecies) relationships, and social systems. (...) The +computer is a machine for manipulating symbols. The world is not symbols; we +turn the world into symbols for the computer. Humans are the analog to digital +interface between the world and the internet. The world remains outside the +computer and outside the symbolic, but under the hegemony of the digital, the +conflation of the products of computing with the world, bizarrely, goes +unremarked.” Simon Penny in Making Sense: Cognition, Computing, Art, and +Embodiment (2019) + + + + + + + + + + + + + + +How the body shapes the mind + + + + + + + + + + +Dans son livre, Gallagher présente le rôle du schéma corporel dans une gamme de +fonctions cognitives perceptives, parmi lesquelles la différenciation de soi et +des autres. “In the beginning, that is, at the time of our birth, our human +capacities for perception and behavior have already been shaped by our movement. +Prenatal bodily movement has already been organized along the lines of our own +human shape, in proprioceptive and cross-modal registrations, in ways that +provide a capacity for experiencing a basic distinction between our own embodied +existence and everything else. As a result, when we first open our eyes, not +only can we see but also our vision, imperfect as it is, is already attuned to +those shapes that resemble our own shape. More precisely and quite literally, we +can see our own possibilities in the faces of others. The infant, minutes after +birth, is capable of imitating the gesture that it sees on the face of another +person. It is thus capable of a certain kind of movement that foreshadows +intentional action, and that propels it into a human world. “ (p.1) + + +Dans son livre “How the body shapes the mind”, le philosophe Shaun Gallagher +avance l’idée que la compréhension scientifique et phénoménologique du corps +est essentielle pour comprendre des phénomènes tels que la conscience ou la +cognition. Son approche vise à développer un vocabulaire commun inspiré par +“les processus cérébraux en neurosciences, les expressions comportementales en +psychologie, les préoccupations de conception en intelligence artificielle et en +robotique, et les débats sur l’expérience incarnée dans la phénoménologie et la +philosophie de l’esprit”. Entre outre, son livre traite des phénomènes tels +l’apprentissage de nouveau-nés par l’imitation, la conscience de soi, le libre +arbitre, la cognition sociale et l’intersubjectivité, la perception intermodale +pour en citer quelques-unes des thématiques abordées. Gallagher aborde ces +sujets au travers des concepts comme l’’image corporelle et le schéma corporel, +la proprioception et la théorie de l’enactivisme. Une de ses hypothèses est la +théorie de l’ancrage physique ou the physical grounding hypothesis (PGH) en +anglais. Cette théorie stipule que le contenu et le fonctionnement de l’esprit +sont fondés sur les propriétés physiques et l’expérience incarnée de l’agent. +Loin de promouvoir l’influence du physique sur le mental, Gallagher souligne la +complexité des facteurs impliquées dans toute explication adéquate de la +cognition. + + +Plus loin, le chercheur décrit le concept de schéma corporel et sa différence +par rapport à l’image corporelle. Ainsi dans son acceptation le schéma corporel +est un système de capacités sensori-motrices, englobant tous les aspects +non-conscients du contrôle moteur, y compris les processus sous-corticaux, +pré-moteurs et moteurs dans le cerveau. Il mentionne également les systèmes +d’information nécessaires au bon fonctionnement de ces processus. Il distingue +le concept de schéma corporel de celui d’’image corporelle vu comme résultat +des expériences perceptives du corps. Gallagher distingue les différences entre +les deux termes au niveau conceptuel, mais aussi au niveau empirique donnant +l’exemple d’un patient qui dans un état de négligence ne se préoccupe de son +image de soi pour se laver ou s’habiller. Cependant ses capacités motrices +telles que la marche ou les tâches bimanuelles telles restent intactes et il les +exerce. Cela montre que même si l’image corporelle est altérée ou endommagée, le +schéma corporel reste intact. + + +De même, les sujets qui ont perdu un membre ont la capacité de le ressentir +(citer the limb phanom theory). Plus loin, Gallagher illustre le cas des +malformations congénitales, où le membre fantôme est signalé quelques années +après la naissance, d’habitude après une intervention chirurgicale, un accident +ou un autre événement corporel important. Ainsi la probabilité qu’un schéma +corporel ou une image corporelles soient innés, est très réduite. Dans les cas +de membres fantômes, des informations contradictoires entre la proprioception +(qui pourrait indiquer la présence d’un membre) et la vision (qui l’infirme) se +basent sur la vision. + + + + + + +2.1.3 Théories sur l’enaction + + + + +Les paradigmes sur l’énaction (enactive theory) ont émergé avec la publication +du livre The Embodied Mind que nous avons déjà mentionné plus haut. Cette +théorie stipule que les expériences perceptives ne sont pas des événements +internes dans notre tête, mais plutôt des actions que nous produisons à travers +notre exploration sensorimotrice de l’ environnement. Dernièrement les sciences +cognitives se sont orientées vers l’autonomie biologique et la subjectivité +comme concepts clés de la cognition incarnée (cite Ziemke AI). + + + + + + +2.1.4 Anthropomorphism. Animacy and animacy + + +Pourquoi l’intelligence a besoin d’un corps ? + + +Dans leur livre “How the body shapes the way we think, Rolf Pfeifer et Josh +Bongard soulignent l’importance de la morphologie du corps et ainsi de +l’embodiment sur l’intelligence d’un système. Leur point de départ est le +fonctionnement humain qu’ils extrapolent aux machines, avec l’idée que pour être +intelligent, nous avons besoin d’un corps physiques: + + +“One of the most elementary capacities of any creature is categorization: the +ability to make distinctions in the real world. If we cannot distinguish food +from nonfood, dangerous from safe objects and situations, our parents from other +people, or our home from the rest of the world, we are not going to survive for +very long. Likewise, robots incapable of making basic distinctions, e.g., a +household robot that cannot distinguish garbage from antiques, a vacuum cleaner +from a dishwasher, or pets from babies will not be very useful. We will attempt +to demonstrate that the formation of such categories is very directly determined +by our embodiment, i.e., our morphology and the material properties of our body. +Morphology includes the shape of the body, the kinds of limbs and where they are +attached, the kinds of sensors (eyes, ears, nose, skin for touch and +temperature, mouth for taste) and where on the body they are found. By material +properties we mean, for example, the deformability of the fingertips and of the +skin, or the elasticity of the muscle-tendon system. When interacting with the +real world, the body is stimulated in very particular ways, and this stimulation +provides, in a sense, the raw material for the brain to work with. As we will +see later, this raw material can be used to create categories—cups, apples, +pets, people—that describe the environment in a natural way.” (How the body, +p.2) Indépendamment des multiples perspectives et définitions impliquées dans le +concept d’ intelligence, ce que Pfeifer et Bongard considèrent intuitivement +comme intelligent est investi par deux caractéristiques: la capacité +d’adaptation et la diversité. Plus concrètement, les agents intelligents se +conforment toujours aux exigences physiques et les règles sociales de leur +environnement, et exploiter ces règles pour produire différents comportements +selon le contexte: + + +“All animals, humans, and robots have to comply with the fact that there is +gravity and friction, and that locomotion requires energy: there is simply no +way out of it. But adapting to these constraints and exploiting them in +particular ways opens up the possibility of walking, running, drinking from a +cup, putting dishes on a table, playing soccer, or riding a bicycle. Diversity +means that the agent can perform many different types of behavior so that he—or +she or it—can react appropriately to a given situation. An agent that only +walks, or only plays chess, or only runs is intuitively considered less +intelligent than one that can also build toy cars out of a Lego kit, pour beer +into a glass, and give a lecture in front of a critical audience. Learning, +which is mentioned in many definitions of intelligence, is a powerful means for +increasing behavioral diversity over time.” (Rolf Pfeifer et Josh Bongard p.16) + + + + +Le libre arbitre vs “the readiness potential” + + +Pour aller plus loin et illustrer leur point de vue sur la dualité corps-esprit, +ils citent l’expérience du neurologue Benjamin Libet qui, avec ses collègues, +investigue les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action +intentionnelle a lieu. Plus spécifiquement, l’expérience demande aux +participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, +ils regardent une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer +l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision +consciente de vouloir exécuter un mouvement de doigt. Pendant ces +instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des +capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des +doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent +que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le +mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent +conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de +“readiness potential” (potentiel de préparation) - pour illustrer le fait que +la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif +après le début de l’activité cérébrale pertinente. Cette expérience démontre que +le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous +entendons par “décisions consciente” et influe sur les débats actuels concernant +l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est +toujours difficile de modéliser le facteur de “readiness potential” , rendre des +robots capables de prendre des décisions “conscientes” reste un défi. Cependant +cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes +d’exploration et hypothèses de recherche. + + +Une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec +l’environnement. Si un agent ou un système à un corps physique (is embedded), il +est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et +aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. +Ainsi cela pose de nouveaux défis pour ce qu’il y a de capacité d’adaptation et +des multiples négociations entre les calculs internes et des actions directes: +“the real importance of embodiment comes from the interaction between physical +processes and what we might want to call information processes. In biological +agents, this concerns the relation between physical actions and neural +processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The +equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its +control program.” (Rolf Pfeifer et Josh Bongard p.18) + + +Pour illustrer cela, ils font une comparaison entre l’action d’attraper un verre +par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts +s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en +conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas +cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force +appliquée n’est pas la bonne. Ainsi ils argumentent l’hypothèse que +l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas que dans le +cerveau. + + +Concernant la capacité de robots d’entreprendre des actions, traduit ici comme +détermination de l’anglais agency, Ziemke affirme: + + +“The idea behind this approach can be summarized by the slogan that ‘perceiving +is a way of acting’; or more precisely, “what we perceive is determined by what +we do (or what we know how to do)” . In other words, it is claimed that +perception is a skillful mode of exploration of the environment which draws on +an implicit understanding of sensorimotor regularities, that is, perception is +constituted by a kind of bodily know-how. In general, the sensorimotor account +emphasizes the importance of action in perception. The capacity for action is +not only needed in order to make use of sensorimotor skills, it is also a +necessary condition for the acquisition of such skills since “only through self +-movement can one test and so learn the relevant patterns of sensorimotor +dependence” . Accordingly, for perception to be constituted it is not sufficient +for a system to simply undergo an interaction with its environment, since the +exercise of a skill requires an intention and an agent (not necessarily a +‘homunculus’) that does the intending. In other words, the dynamic sensorimotor +approach needs a notion of selfhood or agency which is the locus of intentional +action in the world.” (Ziemke IA p. 473) + + +Pour continuer cette idée, le chercheur se demande si les boucles +sensorimotrices disposent des moyens conceptuels pour distinguer les actions +intentionnelles d’un agent autonome des mouvements accidentels . + + +2.2 L’Effet du mouvement et du toucher sur l’acceptation des robots + + + + + + +Qu’il s’agisse d’un objet mobile avec une source d’énergie, programmé pour « +sentir » et « interagir » avec son environnement (cite A. Mayor, Gods and +robots: myths, machines) ou d’un agent capable de percevoir son environnement +par des capteurs et agissant sur cet environnement par l’intermédiaire +d’effecteurs (selon la définition de Russell et Norvig dans leur sur papier +l’intelligence artificielle citée par Pfeifer et Bongard), les robots ont fait +immersion dans notre réalité depuis quelques décennies déjà. Indépendamment du +fait qu’ils exécutent du travail utile pour les humains comme imaginé +initialement par l’écrivain tcheque qui a donné leur nom (cite kopek), leur +place dans notre société est désormais acquise. Cependant, nous attendons de ces +robots qu’ils fassent précisément ce que nous voulons qu’ils fassent, avec +l’espoir qu’un jour ils seront capables de nous surprendre en proposant des +idées ou des comportements inattendus par eux-mêmes. + + + + + + +2.2.1 La robotique basée sur le comportement. Behavior-based robotics (BBR) + + + + + + +La robotique basée sur le comportement s’inspire des systèmes biologiques et +souvent du monde animal (comportement des insectes) pour construire des +dispositifs réactifs à l’environnement. Un des caractéristiques les plus +importantes de cette discipline est l’adaptabilité des systèmes qui en font +partie. Ainsi, les robots basés sur le comportement (BBR) sont moins dotés avec +de la puissance de calcul pour réaliser des des actions et leur comportement +émerge des interactions qu’ils ont avec l’environnement. Le type d’intelligence +artificielle qui opère dans ces systèmes est inspiré par la branche faible de +l’AI. Leur programmation contient un set de base de comportements spécifiques, +selon l’environnement où ils opèrent et les problèmes qu’ils doivent résoudre. +Quand un comportement n’est pas adapté à un contexte particulier, ils +s’appuient sur des erreurs pour améliorer leur modèle interne. + + +Le fondateur de cette discipline est Rodney Brooks, qui par ses expérimentations +au Massachusetts Institute of Technology, dans les années 1980, a mis les bases +de la robotique basée sur le comportement. Ses premiers robots, construits à +roues et à pattes, ont été construits suite à ses observations des +comportements anthropomorphiques - éviter un obstacle, s’approcher d’une source +de lumière, chercher à économiser sa batterie lors de longs trajets etc. + + +Une des influences de Brooks est le travail de neurophysiologiste et pionnier de +la robotique W. Gray Walter. Fin des années 1940, Gray Walter a développé un +certain nombre de robots simples basés sur des comportements ressemblant à des +animaux. Ces prototypes de robots ont aidé Gray Walter à mieux comprendre le +fonctionnement du cerveau des animaux, par des modèles simples de leurs +opérations de base. Les plus connus sont Elmer et Elsie (abréviation de ELectro +MEchanical Robots, Light Sensitive), recouverts d’une coque en plastique +transparent similaire aux tortues. Enfant, Brooks a lu son livre- The Living +Brain, pour ensuite construire ses propres prototypes. + + +Connu pour sa critique de l’IA symbolique, Brooks voit la logique et le +raisonnement comme des processus mentaux propres aux humains. Au lieu de se +focaliser sur le traitement des symboles, les représentations internes et la +cognition, il propose de construire des modèles basés sur l’interaction avec le +monde réel. Ces modèles ont inspiré les théories sur l’incorporation +(embodiment) et l ’intelligence incarnée. +Schema distributed intelligence Brooks; À leur tour, ces théories ont donné +suite à des innovations dans le domaine de l’intelligence artificielle au cours +des trois dernières décennies. Selon (cite Ziemke), l’approche de l’intelligence +incarnée (embodied AI) s’est imposée comme une méthodologie fiable pour +comprendre la cognition et ainsi résoudre les problèmes fondamentaux et +paradoxes de l’IA traditionnelle tels The Chinese Room Argument mentionné plus +haut. + + + + + + + + + + + + +2.2.2 Cognitive developmental robotics + + +“Ce processus de reconnaissance de soi est de plus en plus étudié en robotique +pour mimer le développement des capacités motrices et d’interaction sociale chez +l’enfant. Mais de telles corrélations statistiques entre ce qui est perçu par +les caméras du robot et ses ordres moteurs peuvent être calculées sans une +quelconque notion de conscience de soi. Ici, la mesure du degré d’information +intégrée dans le programme informatique du robot apporterait une réponse +quantitative et précise sur le degré de conscience attendu en lien avec un tel +processus.” prof. Raja Chatila, ISIR et le test du miroir, 2016 + + +Prof. Asada supervise également des études sur le développement de l’empathie +artificielle et le rôle de la “contagion émotionnelle” dans la mimique motrice. +Il implémente des processus de cognition que les bébés développent dans leurs +premiers mois, à des robots artificiels. L’évolution corporelle et la croissance +des humains est pour lui un des concepts clé de la robotique cognitive. + + +“Cognitive Developmental Robotics aims at understanding human cognitive +developmental process by synthetic or constructive approaches. Its core ideas +are "physical embodiment" and "social interaction" that enable information +structuring through interactions with the environment, including other agents.” +prof. Minoru Asada, SISReCPost-cognitivisme + + + + + + + + + + + + +2.2.3 Artificial emotions and sociable robots 2.2.4 Symmetry and synchrony Le +rôle du mouvement sur la conscience de soi Le chercheur Tom Ziemke, professeur +en cognitive system spécialiste dans la recherche de formes incarnées de +conscience ou embodied cognition parle de la relation entre l’IA incarnée dans +des dispositifs physiques et la biologie synthétique. Selon lui, un programme +qui assure une relation entre le robot et son environnement via des capteurs et +actionneurs, représente une forme d’IA incarnée. Son travail, inspiré par F.J. +Varela, lie l’intelligence à l’état d’ autopoiese comme façon d’organiser la +vie. Ziemke se demande si la conscience est essentiellement liée au domaine du +vivant, ou si tout système autonome auto-référentiel est capable d’une forme de +conscience. +>>>>>>> 80af162 ([txt] Unix line endings) diff --git a/Makefile b/Makefile new file mode 100644 index 0000000..d817e8d --- /dev/null +++ b/Makefile @@ -0,0 +1,23 @@ +IMAGEDIR := images +IMAGES := $(foreach image,$(filter %.jpeg %.jpg %.png, $(wildcard $(IMAGEDIR)/*)),$(addsuffix .ps, $(basename $(image)))) + +target: thesis.pdf + +thesis.pdf: thesis.tex bibliography.bib $(images) + latex -file-line-error -draftmode thesis.tex + bibtex8 thesis + latex -file-line-error -output-format pdf thesis + +$(IMAGEDIR)/%.ps : $(IMAGEDIR)/%.jpeg + convert $< $@ +$(IMAGEDIR)/%.ps : $(IMAGEDIR)/%.jpg + convert $< $@ +$(IMAGEDIR)/%.ps : $(IMAGEDIR)/%.png + convert $< $@ + +.SECONDARY: %.ps + +images: $(IMAGES) + +clean: + rm -f *.aux *.lof *.log *.fls *.out *.toc *.fmt *.fot *.cb *.cb2 .*.lb *.ist *.dvi *.xdv *.run.xml *.bcf *.blg *.acr *.glg *.bbl *.glsdefs *.acn *.glo *.lot *.alg *.pdf diff --git a/README.md b/README.md new file mode 100644 index 0000000..75b5d8c --- /dev/null +++ b/README.md @@ -0,0 +1,3 @@ +# Thesis latex template + + diff --git a/annexes/interview_moufassa.tex b/annexes/interview_moufassa.tex new file mode 100644 index 0000000..482ecf0 --- /dev/null +++ b/annexes/interview_moufassa.tex @@ -0,0 +1,12 @@ +\chapter[Interview de Roni Chadash]{Interview de Moufassa, chorégraphe en danse contemporaine, 28/03/2024, online} +\label{appendix:interview-totoime} +\begin{drama} + \Character{Silvia}{Silvia} + \Character{Moufassa}{Moufassa} + + \Silviaspeaks: + \Moufassaspeaks: + + +\end{drama} + diff --git a/annexes/interview_toto.tex b/annexes/interview_toto.tex new file mode 100644 index 0000000..cd676b8 --- /dev/null +++ b/annexes/interview_toto.tex @@ -0,0 +1,43 @@ +\chapter[Interview de Roni Chadash]{Interview de Roni Chadash, chorégraphe en danse contemporaine, 17/07/2021, online} +\label{appendix:interview-totoime} +\begin{drama} + \Character{Silvia}{Silvia} + \Character{Roni}{Roni} + + \Silviaspeaks: Hello Roni, thank you for accepting my inviation. I am an artist and researcher working between dance and robotics. As I followed and discovered your work, I am interested to learn more about you, see how do you work and how do you define yourself as a dancer and choregrapher. + + \Ronispeaks: Well, I guess my identity is always changing and I do not have a permanent one, so it's a hard question for me. I can maybe describe the things that attract me to dance. I believe in sensual communication that is not based on words, I believe that we can go deeper to the mistery of the world through non verbal language - including dance. I believe that dance is a way to heal and a way to connect to the truth of our being and the truth of the body, taking over the mind. When I create, I try to put the body first, create from it, dance from it; try to think less about everything and allow myself to feel more everything. I find the body possibilities together with music, among the most enjoyable and the main reason for me to dance. The pleasure in it. + + \Silviaspeaks: One of the main topics of my research is embodiment and how we are aware of our body and inner sensations through dance. Can you relate to sensorial experiences like seeing, hearing, smelling while dancing? Is this area of research important for you? + + \Ronispeaks: Well yes, actually a lot. When I create, I always start from the body and never from concepts. I let the concepts appear from the body. I believe the body can be much more intelligent than everything. And I really trust the body more than everything. When I create, I search for ways to allow my body, nervous system and emotions to come up without thinking too much about what does it mean. When I move or imporvise, I feel very much connected to the nervous system of different body parts, as if each one has its own desire, need, passion and I’m just there to observe them, play and listen to them. This helps me to understand myself better and to know more deeply how I feel in the moment. In order to give more control to the senses, I also use a lot of music in the studio. I believe musicality is what creates dancing and sometimes the easiest way for me to create material or to improvise, is to search the right tune/music that helps me observe my body more attentively, \textit{listen} to it. + + \Silviaspeaks: Another topic that I am interested in is emotions and I was curious to know how do you relate to emotions while dancing? What is the place of emotions in your work? + + \Ronispeaks: Yes, actually its part of what I already answered above. I’m always connected emotionally to the material I create and it’s one of the biggest engines for me to create. I believe without this strong connection to how I feel and what I create, I would just stop creating. But I have to be touched in the body first, and this experience will later touch my heart. It is not only about the brain or the aestetihcs. + + \Silviaspeaks: I see. Do you have an emotion that you try to recycle through your work or the other way around ? I mean what come first for you: an emotion then the body reacts through dance? Or the body and then you find the emotion ? + + \Ronispeaks: mmm its hard to tell.. a bit like the egg and the chicken myth. I think they are very mixed for me sometimes.. and usually when I say that I start from the body, it already includes a lot of emotions in it. Emotions for me are something I can feel in the body itself.. not in the mind. + + \Silviaspeaks: While seeing your work oline, I was triggered by the way you're deconstructing movement, with anthorpomorphing figures emerging from your own body. This is very different from robotic movement and I am curious how do you prepare this, how your own body awareness influences it? How and where does the movement appear in this process? + + \Ronispeaks: Well yes its a very interesting question I am always asking myself. I think about it mainly when I teach other dancers my material. I find that there is a big difference between how I dance and how other people dance, not about how it looks like but the difference in the source of the movement. I think most dancers have a lot of mind critics and noise while they dance and they try to really design the body to be beautiful or the right thing and not a lot of dancers allow their body to take over, working from the sensual influences that are happening in present time, like music influence and so on. So when I teach, I try to really talk about those topics and bring the dancers to a state where they are carried away with the body, so they are more into the physical /emotional experience and not thinking about what it creates or who are they in it.. it is very interesting to try to release these, in dancers and to see how it changes the way they dance. + Also very funny the topic of robots, because my boyfriend deals with it a lot and we had a lot of arguments about it. He loves the idea and I hate it. I think art and creativity is the only thing left for the heart, which is real and it is very hard for me to imagine that someone could teach a machine how to have a heart. I don't think we will ever get to the level of nature (and by that I mean also the body, the human mind, the feelings) and I think it is also a crime to do so. + + \Silviaspeaks: This is a big debate for myself as well, but what i try to say is about emotions is that they are very opaque, neurosciences still tries to figure out how they work. Since creativity manifests itself spontanely and the body has its way of expression, maybe a robot body can also have it somehow... + + \Ronispeaks: I think robots will never get to the complexity of the human mind/heart/sensations, the human spirit. + + \Silviaspeaks: Yes and emotions are the key to it, but I am not sure the emotions, we understand them with the brain or just live them in the body or both as you said. + + \Ronispeaks: It is how you feel things, not what kind of feeling or what or why. + \textit{How} is very hard for computers... + + \Silviaspeaks: This brings in the topic of imitation and emulation. By imitating something you appropriate it and transform it. It's common in visual arts but the body is alive and as you said a choreography depends on the dancer. I've started this quest but is more to understand myself than the robots i think. So it's an ongoing investigation...Thank you again for your time, I will update you on the follow-up of this echange and hope to get to see your work in Europe soon ! + + \Ronispeaks: Great, thank you, I look forward very interesting topic. + + +\end{drama} + diff --git a/bibliography.bib b/bibliography.bib new file mode 100644 index 0000000..4423d4c --- /dev/null +++ b/bibliography.bib @@ -0,0 +1,3579 @@ +@article{wen2022agency, + title={The sense of agency in perception, behaviour and human-machine interactions}, + author={Wen, Wen and Imamizu, Hiroshi}, + journal={Nature Reviews Psychology}, + volume={1}, + number={4}, + pages={211-222}, + year={2022}, + publisher={Nature Publishing Group US New York} +} +@article{haraway2015anthropocene, + title={Anthropocene, capitalocene, plantationocene, chthulucene: Making kin}, + author={Haraway, Donna}, + journal={Environmental humanities}, + volume={6}, + number={1}, + pages={159-165}, + year={2015}, + publisher={Duke University Press} +} +@book{burrows2010choreographer, + title={A choreographer's handbook}, + author={Burrows, Jonathan}, + year={2010}, + publisher={Routledge} +} +@article{cools2021dance, + title={On dance dramaturgy}, + author={Cools, Guy}, + journal={Maska}, + volume={36}, + number={203-204}, + pages={44-55}, + year={2021}, + publisher={Intellect} +} +@book{bauman2006vie, + title={La vie liquide}, + author={Bauman, Zygmunt}, + year={2006}, + publisher={Le Rouergue/Chambon Arles} +} +@book{dick2014androids, + title={Do Androids Dream of Electric Sheep?}, + author={Dick, Philip K}, + year={2014}, + publisher={Simon and Schuster} +} +@misc{joffrey2015humanoides, + title={Humano{\"\i}des, Exp{\'e}rimentations crois{\'e}es entre arts et sciences}, + author={Joffrey, Becker}, + year={2015}, + publisher={Presses Universitaires de Paris Ouest Nanterre} +} +@article{latour2004talk, + title={How to talk about the body? The normative dimension of science studies}, + author={Latour, Bruno}, + journal={Body and society}, + volume={10}, + number={2-3}, + pages={205-229}, + year={2004}, + publisher={Sage Publications London} +} +@book{gallagher2006body, + title={How the body shapes the mind}, + author={Gallagher, Shaun}, + year={2006}, + publisher={Clarendon Press} +} +@book{hay2000my, + title={My body, the Buddhist}, + author={Hay, Deborah}, + year={2000}, + publisher={Wesleyan University Press} +} +@INPROCEEDINGS{circu2021lausanne, + title={Towards a dance co-creation with robots}, + author={Circu, Sorina-Silvia and Chen, Chu-Yin and Teles de Castro, Isadora and Kheddar, Abderrhamane}, + booktitle={International Symposium "Limits of the human, machines without limits?"}, + year={2021} +} +@article{chatila2016conscience, + title={La conscience d'une machine}, + author={Chatila, Raja and Khamassi, Mehdi}, + journal={Interstices}, + year={2016} +} +@book{haraway2018modest, + title={Modest\_Witness@ Second\_Millennium. FemaleMan\_Meets\_OncoMouse: feminism and technoscience}, + author={Haraway, Donna J and Goodeve, Thyrza}, + year={2018}, + publisher={routledge} +} +@book{portanova2013moving, + title={Moving without a Body: Digital Philosophy and Choreographic Thoughts}, + author={Portanova, Stamatia}, + year={2013}, + publisher={MIT Press} +} +@article{gunn2004learning, + title={Learning as understanding in practice: Exploring interrelations between perception, creativity and skill}, + author={Gunn, Wendy}, + journal={Sensuous Knowledge: Creating a Tradition, Solstrand, Norway}, + pages={26-28}, + year={2004} +} +@article{riskin2003defecating, + title={The defecating duck, or, the ambiguous origins of artificial life}, + author={Riskin, Jessica}, + journal={Critical inquiry}, + volume={29}, + number={4}, + pages={599-633}, + year={2003}, + publisher={The University of Chicago Press} +} +@book{edelman2000comment, + title={Comment la mati{\`e}re devient conscience}, + author={Edelman, Gerald M and Tononi, Giulio}, + year={2000}, + publisher={Odile Jacob} +} +@article{keyes2021review, + title={A Review of Legacy Russell’s Glitch Feminism: A Manifesto}, + author={Keyes, OK}, + journal={Studies in Art Education}, + volume={62}, + number={3}, + pages={296-301}, + year={2021}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@article{cuan2021frontiers, + title={Output: Choreographed and Reconfigured Human and Industrial Robot Bodies across Artistic Modalities}, + author={Cuan, Catie}, + journal={Frontiers in Robotics and AI}, + volume={7}, + pages={576790}, + year={2021}, + publisher={Frontiers} +} +@article{gomez2021frontiers, + title={The robot is present: Creative approaches for artistic expression with robots}, + author={Gomez Cubero, Carlos and Pekarik, Maros and Rizzo, Valeria and Jochum, Elizabeth}, + journal={Frontiers in Robotics and AI}, + volume={8}, + pages={233}, + year={2021}, + publisher={Frontiers} +} +@book{dunstan2023cultural, + title={Cultural Robotics: Social Robots and Their Emergent Cultural Ecologies}, + author={Dunstan, Belinda J and Koh, Jeffrey Tzu Kwan Valino and Tillman, Deborah Turnbull and Brown, Scott Andrew}, + year={2023}, + publisher={Springer} +} +@book{koh2016roman, + title={Cultural Robotics: First International Workshop, CR 2015, Held as Part of IEEE RO-MAN 2015, Kobe, Japan, August 31, 2015. Revised Selected Papers}, + author={Koh, Jeffrey TKV and Dunstan, Belinda J and Silvera-Tawil, David and Velonaki, Mari}, + volume={9549}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@article{ornelas2023springer, + title={Redefining culture in cultural robotics}, + author={Ornelas, Mark L and Smith, Gary B and Mansouri, Masoumeh}, + journal={AI \& SOCIETY}, + volume={38}, + number={2}, + pages={777-788}, + year={2023}, + publisher={Springer} +} +@article{wong2022thms, + author={Wong, Christopher Yee and Samadi, Saeid and Suleiman, Wael and Kheddar, Abderrahmane}, + journal={IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + title={Touch Semantics for Intuitive Physical Manipulation of Humanoids}, + year={2022}, + pages={1-11}, + doi={10.1109/THMS.2022.3207699} +} +@article{kolykhalova2020thms, + title={Automated analysis of the origin of movement: An approach based on cooperative games on graphs}, + author={Kolykhalova, Ksenia and Gnecco, Giorgio and Sanguineti, Marcello and Volpe, Gualtiero and Camurri, Antonio}, + journal={IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + volume={50}, + number={6}, + pages={550-560}, + year={2020} +} +@article{de2019thms, + title={Evaluating movement quality through intrapersonal synchronization}, + author={De Giorgis, Nikolas and Puppo, Enrico and Alborno, Paolo and Camurri, Antonio}, + journal={IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + volume={49}, + number={4}, + pages={304-313}, + year={2019} +} +@article{hara2015thms, + title={A novel rubber hand illusion paradigm allowing active self-touch with variable force feedback controlled by a haptic device}, + author={Hara, Masayuki and Nabae, Hiroyuki and Yamamoto, Akio and Higuchi, Toshiro}, + journal={IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + volume={46}, + number={1}, + pages={78-87}, + year={2015} +} +@article{henkel2014thms, + title={Evaluation of proxemic scaling functions for social robotics}, + author={Henkel, Zachary and Bethel, Cindy L and Murphy, Robin Roberson and Srinivasan, Vasant}, + journal={IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + volume={44}, + number={3}, + pages={374-385}, + year={2014} +} +@article{peng2015thms, + title={Robotic dance in social robotics—a taxonomy}, + author={Peng, Hua and Zhou, Changle and Hu, Huosheng and Chao, Fei and Li, Jing}, + journal={IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + volume={45}, + number={3}, + pages={281-293}, + year={2015} +} +@inproceedings{kahn2011hri, + title={The new ontological category hypothesis in human-robot interaction}, + author={Kahn, Peter H and Reichert, Aimee L and Gary, Heather E and Kanda, Takayuki and Ishiguro, Hiroshi and Shen, Solace and Ruckert, Jolina H and Gill, Brian}, + booktitle={ACM/IEEE International Conference on Human-Robot Interaction}, + pages={159-160}, + year={2011} +} +@inproceedings{kahn2012hri, + title={Do people hold a humanoid robot morally accountable for the harm it causes?}, + author={Kahn Jr, Peter H and Kanda, Takayuki and Ishiguro, Hiroshi and Gill, Brian T and Ruckert, Jolina H and Shen, Solace and Gary, Heather E and Reichert, Aimee L and Freier, Nathan G and Severson, Rachel L}, + booktitle={ACM/IEEE International Conference on Human-Robot Interaction}, + pages={33-40}, + year={2012} +} +@article{wolf2018tac, + title={Look! It's Moving! Is It Alive? How Movement Affects Humans' Affinity Living and Non-Living Entities}, + author={Wolf, Oliver Olsen and Wiggins, Geraint A}, + journal={IEEE Transactions on Affective Computing}, + volume={11}, + number={4}, + pages={669-683}, + year={2018} +} +@article{delaherche2012tac, + title={Interpersonal synchrony: A survey of evaluation methods across disciplines}, + author={Delaherche, Emilie and Chetouani, Mohamed and Mahdhaoui, Ammar and Saint-Georges, Catherine and Viaux, Sylvie and Cohen, David}, + journal={IEEE Transactions on Affective Computing}, + volume={3}, + number={3}, + pages={349-365}, + year={2012} +} +@article{alarcao2017tac, + title={Emotions recognition using EEG signals: A survey}, + author={Alarcao, Soraia M and Fonseca, Manuel J.}, + journal={IEEE Transactions on Affective Computing}, + volume={10}, + number={3}, + pages={374-393}, + year={2017} +} +@article{bickmore2010tac, + title={Empathic touch by relational agents}, + author={Bickmore, Timothy W and Fernando, Rukmal and Ring, Lazlo and Schulman, Daniel}, + journal={IEEE Transactions on Affective Computing}, + volume={1}, + number={1}, + pages={60-71}, + year={2010} +} +@article{sefidgar2015tac, + title={Design and evaluation of a touch-centered calming interaction with a social robot}, + author={Sefidgar, Yasaman S and MacLean, Karon E and Yohanan, Steve and Van der Loos, HF Machiel and Croft, Elizabeth A and Garland, E Jane}, + journal={IEEE Transactions on Affective Computing}, + volume={7}, + number={2}, + pages={108-121}, + year={2015} +} +@article{lin2016ar, + title={Digital performance in twenty-first century taiwan: Huang Yi \& Kuka, a new form of sino-corporeality}, + author={Lin,Ya-Tin}, + journal={Art Rev}, + volume={31}, + pages={1-39}, + year={2016} +} +@phdthesis{schiphorst1993asssa, + title={A case study of {M}erce {C}unningham's use of the lifeforms computer choreographic system in the making of trackers}, + author={Schiphorst, Thecla}, + year={1993}, + school={Arts and Social Sciences: Special Arrangements} +} +@book{littlejohn2009sage, + title={Encyclopedia of communication theory}, + author={Littlejohn, Stephen W and Foss, Karen A}, + volume={1}, + pages={690-695}, + year={2009}, + publisher={Sage} +} +@inproceedings{sabanovic2006iwamc, + title={Robots in the wild: Observing human-robot social interaction outside the lab}, + author={Sabanovic, Selma and Michalowski, Marek P and Simmons, Reid}, + booktitle={9th International Workshop on Advanced Motion Control}, + pages={596-601}, + year={2006}, + organization={IEEE} +} +@article{patompak2020ijsr, + title={Learning proxemics for personalized human-robot social interaction}, + author={Patompak, Pakpoom and Jeong, Sungmoon and Nilkhamhang, Itthisek and Chong, Nak Young}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={12}, + number={1}, + pages={267-280}, + year={2020}, + publisher={Springer} +} +@phdthesis{yu2021ipp, + title={Robot Behavior Generation and Human Behavior Understanding in Natural Human-Robot Interaction}, + author={Yu, Chuang}, + year={2021}, + school={Institut Polytechnique de Paris} +} +@article{vidal2007jrai, + title={Anthropomorphism or sub-anthropomorphism? An anthropological approach to gods and robots}, + author={Vidal, Denis}, + journal={Journal of the Royal Anthropological Institute}, + volume={13}, + number={4}, + pages={917-933}, + year={2007}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@inproceedings{evrard2009whc, + author = {Paul Evrard and Abderrahmane Kheddar}, + title = {Homotopy switching model for dyad haptic interaction in physical collaborative tasks}, + booktitle = {WorldHaptics}, + year = {2009}, + month={18-20 March}, + address = {Salt Lake City} +} +@inproceedings{evrard2009roman, + author = {Paul Evrard and Abderrahmane Kheddar}, + title = {Homotopy-based controller for physical human-robot interaction}, + booktitle = {IEEE International Conference on Robot and Human Interactive Communication}, + year = {2009}, + pages = {1-6}, + month = {Sep. 27-Oct. 2}, + address={Toyama, Japan} +} +@article{bouyarmane2019tro, + author={Karim Bouyarmane and Kevin Chappellet and Joris Vaillant and Abderrahmane Kheddar}, + journal={IEEE Transactions on Robotics}, + title={Quadratic Programming for Multirobot and Task-Space Force Control}, + year={2019}, + volume={35}, + number={1}, + pages={64-77}, + doi={10.1109/TRO.2018.2876782}, + ISSN={1552-3098}, + month={Feb} +} +@book{penny2019mit, + title={Making sense: Cognition, computing, art, and embodiment}, + author={Penny, Simon}, + year={2019}, + publisher={MIT Press} +} +@book{reilly2011springer, + title={Automata and mimesis on the stage of theatre history}, + author={Reilly, Kara}, + year={2011}, + publisher={Springer} +} +@INPROCEEDINGS{goto2007roman, + author={Goto, Suguru and Yamasaki, Fuminori}, + booktitle={IEEE International Symposium on Robot and Human Interactive Communication}, + title={Integration of percussion robots "RobotMusic" with the Data-Suit "BodySuit": Technological Aspects and Concepts}, + year={2007}, + volume={}, + number={}, + pages={775-779}, + doi={10.1109/ROMAN.2007.4415190} +} +@ARTICLE{ramos2015ram, + author={Ramos, Oscar E. and Mansard, Nicolas and Stasse, Olivier and Benazeth, Christophe and Hak, Sovannara and Saab, Layale}, + journal={IEEE Robotics Automation Magazine}, + title={Dancing Humanoid Robots: Systematic Use of {OSID} to Compute Dynamically Consistent Movements Following a Motion Capture Pattern}, + year={2015}, + volume={22}, + number={4}, + pages={16-26}, + doi={10.1109/MRA.2015.2415048} +} +@article{parietti2016tro, + title={Supernumerary robotic limbs for human body support}, + author={Federico Parietti and Harry Asada}, + journal={IEEE Transactions on Robotics}, + volume={32}, + number={2}, + pages={301-311}, + year={2016} +} +@article{granados2017ral, + title={Dance teaching by a robot: Combining cognitive and physical human-robot interaction for supporting the skill learning process}, + author={Diego Felipe Paez Granados and Breno A Yamamoto and Hiroko Kamide and Jun Kinugawa and Kazuhiro Kosuge}, + journal={IEEE Robotics and Automation Letters}, + volume={2}, + number={3}, + pages={1452-1459}, + year={2017} +} +@article{wang2012toh, + title={Control of a robot dancer for enhancing haptic human-robot interaction in {W}altz}, + author={Hongbo Wang and Kazuhiro Kosuge}, + journal={IEEE transactions on haptics}, + volume={5}, + number={3}, + pages={264-273}, + year={2012} +} +@inproceedings{hirata2005robio, + title={Step estimation method for dance partner robot ``{MS} {D}ance{R}" using neural network}, + author={Yasuhisa Hirata and Tomohiro Hayashi and Takahiro Takeda and Kazuhiro Kosuge and Zhi-Dong Wang}, + booktitle={IEEE International Conference on Robotics and Biomimetics}, + pages={523-528}, + year={2005} +} +@article{takeda2007tie, + title={Dance step estimation method based on {HMM} for dance partner robot}, + author={Takahiro Takeda and Yasuhisa Hirata and Kazuhiro Kosuge}, + journal={IEEE Transactions on Industrial Electronics}, + volume={54}, + number={2}, + pages={699-706}, + year={2007} +} +@article{nakaoka2007ijrr, + author={Shin'ichiro Nakaoka and Atsushi Nakazawa and Fumio Kanehiro and Kenji Kaneko and Mitsuharu Morisawa and Hirohisa Hirukawa and Katsushi Ikeuchi}, + journal={International Journal of Robotics Research}, + title={Learning from observation paradigm: Leg {T}ask {M}odels for enabling a biped humanoid robot to imitate human dances}, + year={2007}, + volume={26}, + number={8}, + month={August}, + pages={829-844} +} +@inproceedings{bolotnikova2018roman, + author = {Anastasia Bolotnikova and S{\'e}bastien Courtois and Abderrahmane Kheddar}, + booktitle = {IEEE International Conference on Robot and Human Interactive Communication}, + pages = {29-34}, + title = {Contact observer for humanoid robot {P}epper based on tracking joint position discrepancies}, + address = {Nanjing, China}, + month = {August 27-31}, + year = {2018} +} +@article{aymerich-franch2016cc, + title={The second me: Seeing the real body during humanoid embodiment produces an illusion of bi-location}, + author={Laura Aymerich-Franch and Damien Petit and Gowrishankar Ganesh and Abderrahmane Kheddar}, + journal={Consciousness and Cognition}, + pages={99-109}, + month={November}, + number={46}, + year={2016} +} +@article{aymerich-franch2017jcmc, + title={Touch through an embodied humanoid robot induces haptic sensation from vision alone}, + author={Laura Aymerich-Franch and Damien Petit and Gowrishankar Ganesh and Abderrahmane Kheddar}, + journal={Journal of Computer-Mediated Communication}, + pages={215-230}, + month={July}, + volume={22}, + number={4}, + year={2017} +} +@article{aymerich-franch2017ijsr, + title={Non-human looking robot arms produce illusion of embodiment}, + author={Laura Aymerich-Franch and Damien Petit and Gowrishankar Ganesh and Abderrahmane Kheddar}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + pages={479-490}, + month={September}, + volume={9}, + number={4}, + year={2017} +} +@inproceedings{nomura2012ieee, + title={Social acceptance of humanoid robots in {J}apan: A survey for development of the {F}rankenstein syndrome questionnaire}, + author={Nomura, Tatsuya and Sugimoto, Keisuke and Syrdal, Dag Sverre and Dautenhahn, Kerstin}, + booktitle={RAS International Conference on Humanoid Robots}, + pages={242-247}, + year={2012}, + organization={IEEE} +} +@inproceedings{iscen2014springer, + title={Body image and body schema: Interaction design for and through embodied cognition}, + author={Iscen, Ozgun Eylul and Gromala, Diane and Mobini, Maryam}, + booktitle={International Conference on Human-Computer Interaction}, + pages={556-566}, + year={2014}, + organization={Springer} +} +@article{de2021oxford, + title={What is the body schema?}, + author={de Vignemont, Fr{\'e}d{\'e}rique and Pitron, Victor and Alsmith, Adrian JT}, + journal={Body Schema and Body Image: New Directions}, + pages={1}, + year={2021}, + publisher={Oxford University Press} +} +@book{gallagher2006clarendon, + title={How the body shapes the mind}, + author={Gallagher, Shaun}, + pages = {17-107}, + year={2006}, + publisher={Clarendon Press} +} +@article{hoffmann2021oxford, + title={Body models in humans, animals, and robots: mechanisms and plasticity}, + author={Hoffmann, Matej}, + journal={Body Schema and Body Image: New Directions}, + pages={152}, + year={2021}, + publisher={Oxford University Press} +} +@article{whitby2008ic, + author = {Whitby, Blay}, + year = {2008}, + month = {05}, + pages = {326-333}, + title = {Sometimes it’s hard to be a robot: A call for action on the ethics of abusing artificial agents}, + volume = {20}, + journal = {Interacting with Computers}, + doi = {10.1016/j.intcom.2008.02.002} +} +@inproceedings{wainer2006roman, + author = {Wainer, Joshua and Feil-Seifer, David and Shell, Dylan and Mataric, Maja}, + year = {2006}, + month = {10}, + pages = {117-122}, + title = {The role of physical embodiment in human-robot interaction}, + booktitle = {IEEE International Workshop on Robot and Human Interactive Communication}, + doi = {10.1109/ROMAN.2006.314404} +} +@article{hwang2013appliedergonomics, + title = {The effects of overall robot shape on the emotions invoked in users and the perceived personalities of robot}, + journal = {Applied Ergonomics}, + volume = {44}, + number = {3}, + pages = {459-471}, + year = {2013}, + doi = {https://doi.org/10.1016/j.apergo.2012.10.010}, + author = {Jihong Hwang and Taezoon Park and Wonil Hwang} +} +@inproceedings{siegel2009iros, + author = {Siegel, Mikey and Breazeal, Cynthia and Norton, Michael}, + year = {2009}, + pages = {2563-2568}, + title = {Persuasive Robotics: The Influence of Robot Gender on Human Behavior}, + booktitle = {IEEE/RSJ International Conference on Intelligent Robots and Systems}, + doi = {10.1109/IROS.2009.5354116} +} +@incollection{ishiguro2018gs, + author = {Ishiguro, Hiroshi and Nishio, Shuichi}, + editor = {Hiroshi Ishiguro and Fabio Dalla Libera}, + title = {Building Artificial Humans to Understand Humans}, + booktitle = {Geminoid Studies: Science and Technologies for Humanlike Teleoperated Androids}, + publisher = {Springer}, + address = {Singapore}, + year = {2018}, + pages = {21-37} +} +@inproceedings{beck2010acm, + author = {Beck, Aryel and Hiolle, Antoine and Mazel, Alexandre and Ca\~{n}amero, Lola}, + title = {Interpretation of Emotional Body Language Displayed by Robots}, + booktitle={International workshop on Affective interaction in natural environments}, + month={October}, + year = {2010}, + pages = {37-42} +} +@incollection{turkle2010jb, + title={In good company?: On the threshold of robotic companions}, + author={Turkle, Sherry}, + booktitle={Close engagements with artificial companions}, + pages={3-10}, + year={2010}, + publisher={John Benjamins} +} +@article{broadbent2017ar, + title={Interactions with robots: The truths we reveal about ourselves}, + author={Broadbent, Elizabeth}, + journal={Annual review of psychology}, + volume={68}, + pages={627-652}, + year={2017}, + publisher={Annual Reviews} +} +@article{leite2013ijhcs, + title={The influence of empathy in human-robot relations}, + author={Leite, Iolanda and Pereira, Andr{\'e} and Mascarenhas, Samuel and Martinho, Carlos and Prada, Rui and Paiva, Ana}, + journal={International journal of human-computer studies}, + volume={71}, + number={3}, + pages={250-260}, + year={2013}, + publisher={Elsevier} +} +@article{kim2014ijhcs, + title={How social distance shapes human-robot interaction}, + author={Kim, Yunkyung and Mutlu, Bilge}, + journal={International Journal of Human-Computer Studies}, + volume={72}, + number={12}, + pages={783-795}, + year={2014}, + publisher={Elsevier} +} +@article{nishio2007hr, + title={Geminoid: Teleoperated android of an existing person}, + author={Nishio, Shuichi and Ishiguro, Hiroshi and Hagita, Norihiro}, + journal={Humanoid robots: New developments}, + volume={14}, + pages={343-352}, + year={2007}, + publisher={Vienna, Austria: I-Tech Education and Publishing} +} +@incollection{cheok2019springer, + title={Sex and a history of sex technologies}, + author={Cheok, Adrian David and Zhang, Emma Yann}, + booktitle={Human-Robot Intimate Relationships}, + pages={23-32}, + year={2019}, + publisher={Springer} +} +@inproceedings{shaw2010springer, + title={Loving machines: Theorizing human and sociable-technology interaction}, + author={Shaw-Garlock, Glenda}, + booktitle={International Conference on Human-Robot Personal Relationship}, + pages={1-10}, + year={2010}, + organization={Springer} +} +@article{silvera2014springer, + title={Interpretation of social touch on an artificial arm covered with an EIT-based sensitive skin}, + author={Silvera-Tawil, David and Rye, David and Velonaki, Mari}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={6}, + number={4}, + pages={489-505}, + year={2014}, + publisher={Springer} +} +@article{hoffman2019thms, + author = {Hoffman, Guy}, + year = {2019}, + month = {04}, + pages = {1-10}, + title = {Evaluating Fluency in Human–Robot Collaboration}, + volume = {PP}, + journal = {IEEE Transactions on Human-Machine Systems}, + doi = {10.1109/THMS.2019.2904558} +} +@article{muller2021springer, + title={I, Robot: How human appearance and mind attribution relate to the perceived danger of robots}, + author={M{\"u}ller, Barbara CN and Gao, Xin and Nijssen, Sari RR and Damen, Tom GE}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={13}, + number={4}, + pages={691-701}, + year={2021}, + publisher={Springer} +} +@phdthesis{demers2015playmouth, + author = {Demers, Louis-Philippe}, + title = {Machine performers: Agents in a multiple ontological state}, + school = {University of Plymouth}, + address = {Plymouth, UK}, + month = {15 September}, + year = {2014} +} +@incollection{demers2008springer, + title={Anthropocentrism and the staging of robots}, + author={Demers, Louis-Philippe and Horakova, Jana}, + booktitle={Transdisciplinary digital art. Sound, vision and the new screen}, + pages={434-450}, + year={2008}, + publisher={Springer} +} +@article{duffy2003ras, + title={Anthropomorphism and the social robot}, + author={Duffy, Brian R}, + journal={Robotics and autonomous systems}, + volume={42}, + number={3-4}, + pages={177-190}, + year={2003}, + publisher={Elsevier} +} +@article{zlatev2001springer, + title={The epigenesis of meaning in human beings, and possibly in robots}, + author={Zlatev, Jordan}, + journal={Minds and machines}, + volume={11}, + number={2}, + pages={155-195}, + year={2001}, + publisher={Springer} +} +@article{dautenhahn1995ras, + title={Getting to know each other—artificial social intelligence for autonomous robots}, + author={Dautenhahn, Kerstin}, + journal={Robotics and autonomous systems}, + volume={16}, + number={2-4}, + pages={333-356}, + year={1995}, + publisher={Elsevier} +} +@article{dautenhahn2002csr, + title={From embodied to socially embedded agents: implications for interaction-aware robots}, + author={Dautenhahn, Kerstin and Ogden, Bernard and Quick, Tom}, + journal={Cognitive Systems Research}, + volume={3}, + number={3}, + pages={397-428}, + year={2002}, + publisher={Elsevier} +} +@inproceedings{dautenhahn1999aa, + title={Bringing up robots or—the psychology of socially intelligent robots: From theory to implementation}, + author={Dautenhahn, Kerstin and Billard, Aude}, + booktitle={Proceedings of the third annual conference on Autonomous Agents}, + pages={366-367}, + year={1999} +} +@article{shaw2009springer, + title={Looking forward to sociable robots}, + author={Glenda Shaw-Garlock}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={1}, + number={3}, + pages={249-260}, + year={2009}, + publisher={Springer} +} +@article{macdorman2006jb, + title={The uncanny advantage of using androids in cognitive and social science research}, + author={MacDorman, Karl F and Ishiguro, Hiroshi}, + journal={Interaction Studies}, + volume={7}, + number={3}, + pages={297-337}, + year={2006}, + publisher={John Benjamins} +} +@article{maines2008ieee, + title={Love+ sex with robots: the evolution of human-robot relationships (Levy, D.; 2007)[book review]}, + author={Maines, Rachel}, + journal={IEEE Technology and Society Magazine}, + volume={27}, + number={4}, + pages={10-12}, + year={2008}, + publisher={IEEE} +} +@book{mayor2020princeton, + title={Gods and robots: myths, machines, and ancient dreams of technology}, + author={Mayor, Adrienne}, + year={2020}, + publisher={Princeton University Press} +} +@article{bedini1964jstor, + title={The role of automata in the history of technology}, + author={Bedini, Silvio A}, + journal={Technology and Culture}, + volume={5}, + number={1}, + pages={24-42}, + year={1964}, + publisher={JSTOR} +} +@article{geraci2007wiley, + title={Robots and the sacred in science and science fiction: Theological implications of artificial intelligence}, + author={Geraci, Robert M}, + journal={Zygon{\textregistered}}, + volume={42}, + number={4}, + pages={961-980}, + year={2007}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{alesich2017ieee, + title={Gendered robots: Implications for our humanoid future}, + author={Alesich, Simone and Rigby, Michael}, + journal={IEEE Technology and Society Magazine}, + volume={36}, + number={2}, + pages={50-59}, + year={2017}, + publisher={IEEE} +} +@article{fong2003ras, + title={A survey of socially interactive robots}, + author={Fong, Terrence and Nourbakhsh, Illah and Dautenhahn, Kerstin}, + journal={Robotics and autonomous systems}, + volume={42}, + number={3-4}, + pages={143-166}, + year={2003}, + publisher={Elsevier} +} +@inproceedings{hegel2009hci, + title={Understanding social robots}, + author={Hegel, Frank and Muhl, Claudia and Wrede, Britta and Hielscher-Fastabend, Martina and Sagerer, Gerhard}, + booktitle={Second International Conferences on Advances in Computer-Human Interactions}, + pages={169-174}, + year={2009}, + organization={IEEE} +} +@article{breazeal2003ras, + title={Toward sociable robots}, + author={Breazeal, Cynthia}, + journal={Robotics and autonomous systems}, + volume={42}, + number={3-4}, + pages={167-175}, + year={2003}, + publisher={Elsevier} +} +@book{breazeal2002mit, + title={Designing sociable robots}, + author={Breazeal, Cynthia}, + year={2004}, + publisher={MIT press} +} +@article{thrun2004hci, + title={Toward a framework for human-robot interaction}, + author={Thrun, Sebastian}, + journal={Human-Computer Interaction}, + volume={19}, + number={1-2}, + pages={9-24}, + year={2004}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@book{goodrich2008np, + title={Human-robot interaction: a survey}, + author={Goodrich, Michael A and Schultz, Alan C}, + year={2008}, + publisher={Now Publishers Inc} +} +@article{silvera2015ras, + title={Artificial skin and tactile sensing for socially interactive robots: A review}, + author={Silvera-Tawil, David and Rye, David and Velonaki, Mari}, + journal={Robotics and Autonomous Systems}, + volume={63}, + pages={230-243}, + year={2015}, + publisher={Elsevier} +} +@article{dahiya2009tr, + title={Tactile sensing—from humans to humanoids}, + author={Dahiya, Ravinder S and Metta, Giorgio and Valle, Maurizio and Sandini, Giulio}, + journal={IEEE transactions on robotics}, + volume={26}, + number={1}, + pages={1-20}, + year={2009}, +} +@article{dautenhahn2007rsl, + title={Socially intelligent robots: dimensions of human-robot interaction}, + author={Dautenhahn, Kerstin}, + journal={Philosophical transactions of the royal society B: Biological sciences}, + volume={362}, + number={1480}, + pages={679-704}, + year={2007}, + publisher={The Royal Society London} +} +@article{boden2017cs, + title={Principles of robotics: regulating robots in the real world}, + author={Boden, Margaret and Bryson, Joanna and Caldwell, Darwin and Dautenhahn, Kerstin and Edwards, Lilian and Kember, Sarah and Newman, Paul and Parry, Vivienne and Pegman, Geoff and Rodden, Tom and others}, + journal={Connection Science}, + volume={29}, + number={2}, + pages={124-129}, + year={2017}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@article{ogawa2011jaciii, + title={Exploring the natural reaction of young and aged person with {T}elenoid in a real world.}, + author={Ogawa, Kohei and Nishio, Shuichi and Koda, Kensuke and Balistreri, Giuseppe and Watanabe, Tetsuya and Ishiguro, Hiroshi}, + journal={J. Adv. Comput. Intell. Informatics}, + volume={15}, + number={5}, + pages={592-597}, + year={2011} +} +@article{alenljung2018mti, + title={Conveying emotions by touch to the {N}ao {R}obot: A user experience perspective}, + author={Alenljung, Beatrice and Andreasson, Rebecca and Lowe, Robert and Billing, Erik and Lindblom, Jessica}, + journal={Multimodal Technologies and Interaction}, + volume={2}, + number={4}, + pages={82}, + year={2018}, + publisher={Multidisciplinary Digital Publishing Institute} +} +@article{hoffman2010springer, + title={Effects of anticipatory perceptual simulation on practiced human-robot tasks}, + author={Hoffman, Guy and Breazeal, Cynthia}, + journal={Autonomous Robots}, + volume={28}, + number={4}, + pages={403-423}, + year={2010}, + publisher={Springer} +} +@inproceedings{kahn2016hri, + title={Human creativity can be facilitated through interacting with a social robot}, + author={Kahn, Peter H and Kanda, Takayuki and Ishiguro, Hiroshi and Gill, Brian T and Shen, Solace and Ruckert, Jolina H and Gary, Heather E}, + booktitle={ACM/IEEE International Conference on Human-Robot Interaction}, + pages={173-180}, + year={2016} +} +@article{nisbet2002sage, + title={Knowledge, reservations, or promise? A media effects model for public perceptions of science and technology}, + author={Nisbet, Matthew C and Scheufele, Dietram A and Shanahan, James and Moy, Patricia and Brossard, Dominique and Lewenstein, Bruce V}, + journal={Communication Research}, + volume={29}, + number={5}, + pages={584-608}, + year={2002}, + publisher={Sage Publications Sage CA: Thousand Oaks} +} +@article{kaplan2004ws, + title={Who is afraid of the humanoid? Investigating cultural differences in the acceptance of robots}, + author={Kaplan, Fr{\'e}d{\'e}ric}, + journal={International journal of humanoid robotics}, + volume={1}, + number={03}, + pages={465-480}, + year={2004}, + publisher={World Scientific} +} +@misc{christensen2007le, + title={Karel {{\v C}}apek}, + author={Christensen, Andrew G}, + year={2007}, + publisher={The Literary Encyclopedia} +} +@article{hockstein2007springer, + title={A history of robots: from science fiction to surgical robotics}, + author={Hockstein, Neil G and Gourin, CG and Faust, RA and Terris, David J}, + journal={Journal of robotic surgery}, + volume={1}, + number={2}, + pages={113-118}, + year={2007}, + publisher={Springer} +} +@inproceedings{sundar2016hri, + title={The {H}ollywood robot syndrome media effects on older adults' attitudes toward robots and adoption intentions}, + author={Sundar, S Shyam and Waddell, T Franklin and Jung, Eun Hwa}, + booktitle={International Conference on Human-Robot Interaction}, + pages={343-350}, + year={2016}, + organization={IEEE} +} +@book{clark1998mit, + title={Being there: Putting brain, body, and world together again}, + author={Clark, Andy}, + year={1998}, + publisher={MIT press} +} +@article{ziemke2016biosystems, + title={The body of knowledge: On the role of the living body in grounding embodied cognition}, + author={Ziemke, Tom}, + journal={Biosystems}, + volume={148}, + pages={4-11}, + year={2016}, + publisher={Elsevier} +} +@inproceedings{ziemke2001robots, + title={Are robots embodied?}, + author={Ziemke, Tom}, + booktitle={First international workshop on epigenetic robotics Modeling Cognitive Development in Robotic Systems}, + volume={85}, + pages={701-746}, + year={2001}, + organization={Citeseer} +} +@article{johnson2008jsp, + title={What makes a body?}, + author={Johnson, Mark}, + journal={The Journal of Speculative Philosophy}, + volume={22}, + number={3}, + pages={159-169}, + year={2008}, + publisher={JSTOR} +} +@incollection{herath2016springer, + title={Engineering the arts}, + author={Herath, Damith and Kroos, Christian}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={3-17}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@article{hoffmann2020fn, + title={Body representations, peripersonal space, and the self: humans, animals, robots}, + author={Hoffmann, Matej and Lanillos, Pablo and Jamone, Lorenzo and Pitti, Alex and Somogyi, Eszter}, + journal={Frontiers in Neurorobotics}, + volume={14}, + pages={35}, + year={2020}, + publisher={Frontiers} +} +@inproceedings{demers2019iscma, + title={Up-Close Experiences with Robots}, + author={Demers, Louis-Philippe}, + booktitle={International Symposium on Computational Media Art}, + year={2019} +} +@incollection{demers2016springer, + title={The multiple bodies of a machine performer}, + author={Demers, Louis-Philippe}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={273-306}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@incollection{youngs2016springer, + title={Embracing Interdependencies: Machines, Humans and Non-humans}, + author={Youngs, Amy M}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={89-111}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@incollection{stephens2016springer, + title={We have always been robots: The history of robots and art}, + author={Stephens, Elizabeth and Heffernan, Tara}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={29-45}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@incollection{kroos2016springer, + title={The art in the machine}, + author={Kroos, Christian}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={19-25}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@article{maubert2018vp, + title={Sans objet d’{A}urelien {B}ory: pour une chorgraphie intermediale}, + author={Maubert, Oriane}, + journal={Voix Plurielles}, + volume={15}, + number={2}, + pages={4-17}, + year={2018} +} +@article{smith2016leonardo, + author = {Smith, David and Zeller, Frauke}, + year = {2016}, + month = {10}, + pages = {77-78}, + title = {The Death and Lives of {H}itchBOT: The Design and Implementation of a Hitchhiking Robot}, + volume = {50}, + journal = {Leonardo}, + doi = {10.1162/LEON_a_01354} +} +@article{robertson2007cas, + author = {Robertson, Jennifer}, + year = {2007}, + month = {09}, + pages = {369-398}, + title = {Robo {S}apiens {J}apanicus: Humanoid Robots and the Posthuman Family}, + volume = {39}, + journal = {Critical Asian Studies}, + doi = {10.1080/14672710701527378} +} +@incollection{eckersall2017macmillan, + title={Robots: Asleep, Awake, Alone, and in Love}, + author={Eckersall, Peter and Grehan, Helena and Scheer, Edward}, + booktitle={New Media Dramaturgy}, + pages={107-134}, + year={2017}, + publisher={Springer} +} +@article{eckersall2015tdr, + author = {Eckersall, Peter}, + title = "{Towards a Dramaturgy of Robots and Object-Figures}", + journal = {The Drama Review}, + volume = {59}, + number = {3 (227)}, + pages = {123-131}, + year = {2015}, + month = {09}, + abstract = "{Robotic and virtual figures have become increasingly visible in live performance. How these figures/performative agents come into the discussion of dramaturgy is considered in reference to recent works by Hirata Oriza and Kris Verdonck.}", + issn = {1054-2043}, + doi = {10.1162/DRAM_a_00474} +} +@book{kroker2013toronto, + title={Critical digital studies: A reader}, + author={Kroker, Arthur and Kroker, Marilouise}, + year={2008}, + publisher={University of Toronto Press} +} +@book{wilson2002mit, + title={Information arts: intersections of art, science, and technology}, + author={Wilson, Stephen}, + year={2002}, + publisher={MIT press} +} +@article{kac2001convergence, + author = {Kac, Eduardo}, + year = {2001}, + month = {03}, + pages = {76-86}, + title = {The Origin and Development of Robotic Art}, + volume = {7}, + journal = {Convergence: The International Journal of Research Into New Media Technologies}, + doi = {10.1177/135485650100700108} +} +@article{bosco2009metamembrana, + author = {Bosco, Roberta and Caldana, Stefano}, + year = {2009}, + month = {01}, + pages = {}, + title = {El artista como interfaz}, + journal = {Metamembrana Catalog} +} +@article{kac1997leonardo, + author = {Eduardo Kac, Eduardo and Antunez Roca, Marcel.li}, + year = {1997}, + month = {05}, + pages = {}, + title = {Robotic Art}, + volume = {5}, + journal = {Leonardo Electronic Almanac} +} +@article{pullen2018ocs, + author = {Pullen, Treva}, + year = {2018}, + month = {01}, + pages = {}, + title = {Whimsical Bodies and Performative Machines: Aesthetics and Affects of Robotic Art}, + volume = {1}, + journal = {Open Cultural Studies}, + doi = {10.1515/culture-2017-0048} +} +@article{mueller2916ijsr, + author = {Christoforou, Eftychios and Mueller, Andreas}, + year = {2016}, + month = {04}, + pages = {}, + title = {R.U.R. Revisited: Perspectives and Reflections on Modern Robotics}, + volume = {8}, + journal = {International Journal of Social Robotics}, + doi = {10.1007/s12369-015-0327-6} +} +@article{ballet2019arts, + author = {Ballet, Nicolas}, + year = {2019}, + month = {01}, + pages = {17}, + title = {Survival Research Laboratories: A Dystopian Industrial Performance Art}, + volume = {8}, + journal = {Arts}, + doi = {10.3390/arts8010017} +} +@article{riskin2003ci, + author = {Riskin, Jessica}, + year = {2003}, + month = {06}, + pages = {599-633}, + title = {The Defecating Duck, or, the Ambiguous Origins of Artificial Life}, + volume = {29}, + journal = {Critical Inquiry}, + doi = {10.1086/377722} +} +@article{penny2012ai, + author = {Penny, Simon}, + year = {2012}, + month = {05}, + pages = {}, + title = {Art and robotics: Sixty years of situated machines}, + volume = {28}, + journal = {AI and SOCIETY}, + doi = {10.1007/s00146-012-0404-4} +} +@article{haff2014ar, + author = {Haff, Peter}, + year = {2014}, + month = {07}, + pages = {126-136}, + title = {Humans and technology in the Anthropocene: Six rules}, + volume = {1}, + journal = {The Anthropocene Review}, + doi = {10.1177/2053019614530575} +} +@article{peterson2010ar, + author = {Petersen, Klaus and Solis, Jorge and Takanishi, Atsuo}, + year = {2010}, + month = {05}, + pages = {471-488}, + title = {Musical-based interaction system for the {W}aseda Flutist Robot}, + volume = {28}, + journal = {Auton. Robots}, + doi = {10.1007/s10514-010-9180-5} +} +@article{pluta2018publifarum, + title={Du laboratoire robotique à la scène : approches intermédiales. Exemple de la collaboration entre {O}riza {H}irata et {H}iroshi {I}shiguro}, url={https://www.publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/297}, + number={29}, + journal={Publifarum}, + author={Pluta, Izabella}, + year={2018} +} +@article{romic2021ijsr, + author = {Romic, Bojana}, + year = {2021}, + month = {07}, + pages = {1-11}, + title = {Negotiating anthropomorphism in the {A}i-{D}a robot}, + journal = {International Journal of Social Robotics}, + doi = {10.1007/s12369-021-00813-6} +} +@article{vidal2012gradhiva, + title={Robots {\'e}trangement humains: dossier}, + author={Vidal, Denis and Grimaud, Emmanuel}, + journal={Gradhiva}, + volume={15}, + pages={4-181}, + year={2012} +} +@inproceedings{siedel2011springer, + title={Concept and design of the modular actuator system for the humanoid robot {Myon}}, + author={Siedel, Torsten and Hild, Manfred and Weidner, Mario}, + booktitle={International Conference on Intelligent Robotics and Applications}, + pages={388-396}, + year={2011}, + organization={Springer} +} +@incollection{goldberg2016springer, + title={Cultivating the uncanny: {T}he {T}elegarden and other oddities}, + author={Jochum, Elizabeth and Goldberg, Ken}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={149-175}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@article{sigman2020mit, + author = {Sigman, Alexander}, + title = {Robot Opera: Bridging the Anthropocentric and the Mechanized Eccentric}, + journal = {Computer Music Journal}, + volume = {43}, + number = {1}, + pages = {21-37}, + year = {2020}, + month = {01}, + issn = {0148-9267}, + doi = {10.1162/comj_a_00498} +} +@article{zurbrugg1999tcs, + author = {Nicholas Zurbrugg}, + title ={Virilio, {S}telarc and {T}erminal {T}echnoculture}, + journal = {Theory, Culture \& Society}, + volume = {16}, + number = {5-6}, + pages = {177-199}, + year = {1999}, + doi = {10.1177/02632769922050782} +} +@book{brooks2002alfred, + author = {Brooks, Rodney}, + title = {Flesh and Machines: How Robots Will Change Us}, + year = {2002}, + month = {01}, + isbn = {1401441203}, + publisher = {Alfred A. Knopf, Inc.}, + address = {USA} +} +@inproceedings{vorn2018alborg, + title={Becoming cyborg: interdisciplinary approaches for exoskeleton research}, + author={Jochum, Elizabeth and Demers, Louis-Philippe and Vorn, Bill and Vlachos, Evgenios and McIlvenny, Paul and Raudaskoski, Pirkko}, + booktitle={Politics of the machines-Art and after (Electronic Workshops in Computing)}, + pages={1-9}, + year={2018}, + organization={BCS Learning and Development Ltd.} +} +@article{dukanic2019sp, + author = {Dukanic, Filip}, + year = {2019}, + month = {01}, + pages = {}, + title = {De la disparition scénique entre le postmoderne et le posthumain}, + journal = {Sens public}, + doi = {10.7202/1067403ar} +} +@ARTICLE{mori2012ram, + + author={Mori, Masahiro and MacDorman, Karl F. and Kageki, Norri}, + journal={IEEE Robotics Automation Magazine}, + title={The Uncanny Valley [From the Field]}, + year={2012}, + volume={19}, + number={2}, + pages={98-100}, + doi={10.1109/MRA.2012.2192811} +} +@article{stelarc2012leonardo, + author = {Kroos, Christian and Herath, Damith and Stelarc}, + year = {2012}, + month = {10}, + pages = {401-407}, + title = {Evoking Agency: Attention Model and Behavior Control in a Robotic Art Installation}, + volume = {45}, + journal = {Leonardo}, + doi = {10.1162/LEON_a_00435} +} +@incollection{penny2016springer, + title={Robotics and art, computationalism and embodiment}, + author={Penny, Simon}, + booktitle={Robots and art}, + pages={47-65}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@incollection{laumond2016springer, + title={Robotics: Hephaestus does it again}, + author={Laumond, Jean-Paul}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={67-86}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@incollection{rinaldo2016springer, + title={Trans-species interfaces: A Manifesto for symbiogenisis}, + author={Rinaldo, Ken}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={113-147}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@article{penny2015al, + author = {Penny, Simon}, + title = {Emergence, Agency, and Interaction—Notes from the Field}, + journal = {Artificial Life}, + volume = {21}, + number = {3}, + pages = {271-284}, + year = {2015}, + month = {08}, + doi = {10.1162/ARTL_a_00167} +} +@inproceedings{penny2018robots, + title={What Robots Still Can't Do (With Apologies to {H}ubert {D}reyfus) or: Deconstructing the Technocultural Imaginary.}, + author={Penny, Simon}, + booktitle={Robophilosophy/TRANSOR}, + pages={3-5}, + year={2018} +} +@ARTICLE{brezeal2021frai, + AUTHOR={Ali, Safinah and Devasia, Nisha and Park, Hae Won and Breazeal, Cynthia}, + TITLE={Social Robots as Creativity Eliciting Agents}, + JOURNAL={Frontiers in Robotics and AI}, + VOLUME={8}, + PAGES={275}, + YEAR={2021}, + DOI={10.3389/frobt.2021.673730} +} +@inproceedings{hoffman2011hri, + title={On stage: robots as performers}, + author={Hoffman, Guy}, + booktitle={RSS Workshop on Human-Robot Interaction: Perspectives and Contributions to Robotics from the Human Sciences. Los Angeles, CA}, + volume={1}, + pages={21}, + year={2011} +} +@INPROCEEDINGS{hoffman2010ira, + author={Hoffman, Guy and Weinberg, Gil}, + booktitle={IEEE International Conference on Robotics and Automation}, + title={Gesture-based human-robot Jazz improvisation}, + volume={}, + number={}, + pages={582-587}, + year={2010}, + doi={10.1109/ROBOT.2010.5509182} +} +@article{jenkins2009is, + author = {Rocks, Claire and Jenkins, Sarah and Studley, Matthew and Mcgoran, David}, + year = {2009}, + month = {12}, + pages = {427-452}, + title = {Heart Robot, a public engagement project}, + volume = {10}, + journal = {Interaction Studies}, + doi = {10.1075/is.10.3.07roc} +} +@article{frumer2020spectrum, + author = {Frumer, Yulia}, + year = {2020}, + month = {06}, + pages = {42-48}, + title = {The short, strange life of the first friendly robot: Japan's {G}akutensoku was a giant pneumatic automaton that toured through Asia—until it mysteriously disappeared}, + volume = {57}, + journal = {IEEE Spectrum}, + doi = {10.1109/MSPEC.2020.9099932} +} +@article{byrd2012jstor, + ISSN = {03633276, 2328529X}, + URL = {http://www.jstor.org/stable/41484423}, + author = {Max Byrd}, + journal = {The Wilson Quarterly (1976-)}, + number = {1}, + pages = {30-34}, + publisher = {[Wilson Quarterly, Woodrow Wilson International Center for Scholars]}, + title = {Man as Machine}, + volume = {36}, + year = {2012} +} +@article{dixon2004tdr, + author = {Dixon, Steve}, + year = {2004}, + month = {12}, + pages = {15-46}, + title = {Metal Performance Humanizing Robots, Returning to Nature, and Camping About}, + volume = {48}, + journal = {The Drama Review-a Journal of Performance Studies}, + doi = {10.1162/1054204042442017} +} +@phdthesis{meera2023free, + title={Free Energy Principle Based Precision Modulation for Robot Attention: Towards brain inspired robot intelligence}, + author={Meera, A Anil}, + year={2023}, + school={Delft University of Technology} +} +@article{sims2021springer, + title={Modelling ourselves: what the free energy principle reveals about our implicit notions of representation}, + author={Sims, Matt and Pezzulo, Giovanni}, + journal={Synthese}, + volume={199}, + number={3-4}, + pages={7801-7833}, + year={2021}, + publisher={Springer} +} +@inproceedings{crick1990saunders, + title={Towards a neurobiological theory of consciousness}, + author={Crick, Francis and Koch, Christof}, + booktitle={Seminars in the Neurosciences}, + volume={2}, + pages={263-275}, + year={1990}, + organization={Saunders Scientific Publications} +} +@article{seth2018sage, + title={Consciousness: The last 50 years (and the next)}, + author={Seth, Anil K}, + journal={Brain and neuroscience advances}, + volume={2}, + pages={2398212818816019}, + year={2018}, + publisher={SAGE Publications} +} +@misc{block2002oxford, + title={Some concepts of consciousness}, + author={Block, Ned}, + journal={Philosophy of mind: Classical and contemporary readings}, + pages={206-218}, + year={2002}, + publisher={Oxford University Press Oxford} +} +@article{Chalmers1995jcs, + author = {David Chalmers}, + number = {3}, + year = {1995}, + pages = {200-19}, + title = {Facing Up to the Problem of Consciousness}, + publisher = {Imprint Academic}, + volume = {2}, + journal = {Journal of Consciousness Studies} +} +@book{dennett1993consciousness, + title={Consciousness explained}, + author={Dennett, Daniel C}, + year={1993}, + publisher={Penguin uk} +} +@misc{chatila2022pourquoi, + title={Pourquoi la reconnaissance faciale, posturale et comportementale soul{\`e}ve-t-elle des questionnements {\'e}thiques?}, + author={Chatila, Raja and Tessier, Catherine}, + year={2022} +} +@article{vanhaudenhuyse2007elsevier, + title={D{\'e}tecter les signes de conscience chez le patient en {\'e}tat de conscience minimale}, + author={Vanhaudenhuyse, A and Schnakers, C and Boly, M and Perrin, F and Br{\'e}dart, S and Laureys, S}, + journal={R{\'e}animation}, + volume={16}, + number={6}, + pages={527-532}, + year={2007}, + publisher={Elsevier} +} +@book{friston2016mit, + title={The pragmatic turn: Toward action-oriented views in cognitive science}, + author={Engel, Andreas K and Friston, Karl J and Kragic, Danica}, + volume={18}, + year={2016}, + publisher={mit Press} +} +@article{menary2010springer, + title={Introduction to the special issue on 4E cognition}, + author={Menary, Richard}, + journal={Phenomenology and the Cognitive Sciences}, + volume={9}, + pages={459-463}, + year={2010}, + publisher={Springer} +} +@article{varela2017mit, + title={The embodied mind}, + author={Varela, Francisco J and Thompson, Evan and Rosch, Eleanor and Kabat-Zinn, Jon}, + journal={(No Title)}, + year={2017}, + publisher={The MIT Press} +} +@article{benesch1999jstor, + title={Technology, Art, and the Cybernetic Body: The Cyborg as Cultural Other in Fritz Lang's" Metropolis" and Philip K. Dick's" Do Androids Dream of Electric Sheep?"}, + author={Benesch, Klaus}, + journal={Amerikastudien/American Studies}, + pages={379-392}, + year={1999}, + publisher={JSTOR} +} +@article{rhee2013hopkins, + title={Beyond the Uncanny Valley: Masahiro Mori and Philip K. Dick's Do Androids Dream of Electric Sheep?}, + author={Rhee, Jennifer}, + journal={Configurations}, + volume={21}, + number={3}, + pages={301-329}, + year={2013}, + publisher={Johns Hopkins University Press} +} +@article{blasing2012neurocognitive, + title={Neurocognitive control in dance perception and performance}, + author={Bl{\"a}sing, Bettina and Calvo-Merino, Beatriz and Cross, Emily S and Jola, Corinne and Honisch, Juliane and Stevens, Catherine J}, + journal={Acta psychologica}, + volume={139}, + number={2}, + pages={300-308}, + year={2012}, + publisher={Elsevier} +} +@article{kozel2008closer, + title={Closer: performance, technologies, phenomenology}, + author={Kozel, Susan}, + year={2008} +} +@article{bitbol2018cp, + title={La conscience artificielle: une critique pens{\'e}e et v{\'e}cue}, + author={Bitbol, M}, + journal={Chroniques Ph{\'e}nom{\'e}nologiques}, + volume={10}, + pages={5-15}, + year={2018} +} +@article{dehaene2021springer, + title={What is consciousness, and could machines have it?}, + author={Dehaene, Stanislas and Lau, Hakwan and Kouider, Sid}, + journal={Robotics, AI, and Humanity: Science, Ethics, and Policy}, + pages={43-56}, + year={2021}, + publisher={Springer International Publishing} +} +@book{dehaene2014odile, + title={Le Code de la conscience}, + author={Dehaene, Stanislas}, + year={2014}, + publisher={Odile Jacob} +} +@book{lapassade1986emc, + title={Les {\'e}tats modifi{\'e}s de conscience}, + author={Lapassade, Georges}, + year={1986}, + publisher={FeniXX} +} +@article{ziemke2008role, + title={On the role of emotion in biological and robotic autonomy}, + author={Ziemke, Tom}, + journal={BioSystems}, + volume={91}, + number={2}, + pages={401-408}, + year={2008}, + publisher={Elsevier} +} +@article{jochum2016cultivating, + title={Cultivating the uncanny: The Telegarden and other oddities}, + author={Jochum, Elizabeth and Goldberg, Ken}, + journal={Robots and Art: Exploring an Unlikely Symbiosis}, + pages={149-175}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@article{asada2015towards, + title={Towards artificial empathy: how can artificial empathy follow the developmental pathway of natural empathy?}, + author={Asada, Minoru}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={7}, + pages={19-33}, + year={2015}, + publisher={Springer} +} +@article{bret2005interacting, + title={Interacting with an intelligent dancing figure: artistic experiments at the crossroads between art and cognitive science}, + author={Bret, Michel and Tramus, Marie-H{\'e}l{\`e}ne and Berthoz, Alain}, + journal={Leonardo}, + volume={38}, + number={1}, + pages={46-53}, + year={2005}, + publisher={MIT Press} +} +@article{aymerich2016second, + title={The second me: Seeing the real body during humanoid robot embodiment produces an illusion of bi-location}, + author={Aymerich-Franch, Laura and Petit, Damien and Ganesh, Gowrishankar and Kheddar, Abderrahmane}, + journal={Consciousness and cognition}, + volume={46}, + pages={99-109}, + year={2016}, + publisher={Elsevier} +} +@article{ziemke2016body, + title={The body of knowledge: On the role of the living body in grounding embodied cognition}, + author={Ziemke, Tom}, + journal={Biosystems}, + volume={148}, + pages={4-11}, + year={2016}, + publisher={Elsevier} +} +@article{penny2016improvisation, + title={Improvisation and Interaction, Canons and Rules, Emergence and Play}, + author={Penny, Simon}, + journal={The Oxford Handbook of Critical Improvisation Studies}, + volume={2}, + pages={401-23}, + year={2016}, + publisher={George E. Lewis and Benjamin Piekut} +} +@article{pluta2018laboratoire, + title={Du laboratoire robotique {\`a} la sc{\`e}ne: approches interm{\'e}diales. Exemple de la collaboration entre Oriza Hirata et Hiroshi Ishiguro}, + author={Pluta, Izabella and others}, + journal={Publifarum}, + number={29}, + year={2018} +} +@article{zaven2014effets, + title={Effets de pr{\'e}sence, relations hommes-andro{\"\i}des}, + author={Zaven, Par{\'e}}, + journal={sur Cultures Kairos}, + year={2014} +} +@article{deleuze1996plateaus, + title={A Thousands Plateaus}, + author={Deleuze, Gilles}, + journal={sur Cultures Kairos}, + year={1996} +} +@article{babych2023paxton, + title={Body without Organs Model of Corporeality as a Productive Corporeal Paradigm in Steve Paxton’s + Concept of Contact Improvisation}, + author={Deleuze, Gilles}, + journal={sur Cultures Kairos}, + year={2023} +} +@INPROCEEDINGS{circu2023isea, + title={How Digital Anthropomorphism Enhances Creativity in Human-to-Robot Dance Interactivity}, + author={Circu, Sorina-Silvia and Chen, Chu-Yin}, + booktitle={International Symposium on Electronic Art}, + year={2023} +} +@INPROCEEDINGS{circu2023roman, + title={Dance, Dance, Dance With My Hands: Third-Party Human Robot-Human Interactions}, + author={Circu, Sorina-Silvia and Yun, Bruno Yun and Kheddar, Abderrahmane and Chen, Chu-Yin and Croitoru, Madalina}, + booktitle={IEEE International Symposium on Robot and Human Interactive Communication}, + year={2023} +} +@article{rafner2023creativity, + title={Creativity in the age of generative AI}, + author={Rafner, Janet and Beaty, Roger E and Kaufman, James C and Lubart, Todd and Sherson, Jacob}, + journal={Nature Human Behaviour}, + pages={1-3}, + year={2023}, + publisher={Nature Publishing Group UK London} +} +@book{la2020understanding, + title={Understanding innovation through exaptation}, + author={La Porta, Caterina and Zapperi, Stefano and Pilotti, Luciano}, + year={2020}, + publisher={Springer} +} +@book{truman2021feminist, + title={Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects}, + author={Truman, Sarah E}, + year={2021}, + publisher={Routledge} +} +@book{braidotti2019posthuman, + title={Posthuman knowledge}, + author={Braidotti, Rosi}, + volume={2}, + year={2019}, + publisher={Polity Press Cambridge} +} +@article{braidotti2017four, + title={Four theses on posthuman feminism}, + author={Braidotti, Rosi and Grusin, Richard and others}, + year={2017}, + publisher={University of Minnesota Press} +} +@book{haraway2016staying, + title={Staying with the trouble: Making kin in the Chthulucene}, + author={Haraway, Donna J}, + year={2016}, + publisher={Duke University Press} +} +@article{barad2003posthumanist, + title={Posthumanist performativity: Toward an understanding of how matter comes to matter}, + author={Barad, Karen}, + journal={Signs: Journal of women in culture and society}, + volume={28}, + number={3}, + pages={801-831}, + year={2003}, + publisher={The University of Chicago Press} +} +@article{sohier2022degre, + title={Degr{\'e} d’autonomie et degr{\'e} de mat{\'e}rialit{\'e} d’apr{\`e}s l’{\oe}uvre d’Edmond Couchot: d’une matrice des humains artificiels {\`a} une recherche-cr{\'e}ation exp{\'e}rimentant la co-avatarisation}, + author={Sohier, R{\'e}my}, + journal={Hybrid. Revue des arts et m{\'e}diations humaines}, + number={9}, + year={2022}, + publisher={Presses Universitaires de Vincennes} +} +@book{halprin2015moving, + title={Moving toward life: Five decades of transformational dance}, + author={Halprin, Anna}, + year={2015}, + publisher={Wesleyan University Press} +} +@book{suchman2007human, + title={Human-machine reconfigurations: Plans and situated actions}, + author={Suchman, Lucille Alice}, + year={2007}, + publisher={Cambridge university press} +} +@article{suchman2021talk, + title={Talk with Machines, Redux}, + author={Suchman, Lucy}, + journal={Interface Critique}, + volume={3}, + pages={69-80}, + year={2021} +} +@inproceedings{gemeinboeck2016towards, + title={Towards socializing non-anthropomorphic robots by harnessing dancers’ kinesthetic awareness}, + author={Gemeinboeck, Petra and Saunders, Rob}, + booktitle={Cultural Robotics: First International Workshop, CR 2015, Held as Part of IEEE RO-MAN 2015, Kobe, Japan, August 31, 2015. Revised Selected Papers 1}, + pages={85-97}, + year={2016}, + organization={Springer} +} +@inproceedings{candau2017cultivating, + title={Cultivating kinaesthetic awareness through interaction: Perspectives from somatic practices and embodied cognition}, + author={Candau, Yves and Fran{\c{c}}oise, Jules and Alaoui, Sarah Fdili and Schiphorst, Thecla}, + booktitle={Proceedings of the 4th International Conference on Movement Computing}, + pages={1-8}, + year={2017} +} +@article{eckersall2015towards, + title={Towards a dramaturgy of robots and object-figures}, + author={Eckersall, Peter}, + journal={TDR/The Drama Review}, + volume={59}, + number={3}, + pages={123-131}, + year={2015}, + publisher={MIT Press The MIT Press, 1 Rogers Street, Cambridge MA 02142-1209, USA~…} +} +@article{d2018cultural, + title={Cultural exaptation and cultural neural reuse: A mechanism for the emergence of modern culture and behavior}, + author={d’Errico, Francesco and Colag{\`e}, Ivan}, + journal={Biological Theory}, + volume={13}, + number={4}, + pages={213-227}, + year={2018}, + publisher={Springer} +} +@article{mosakas2021moral, + title={On the moral status of social robots: considering the consciousness criterion}, + author={Mosakas, Kestutis}, + journal={AI \& SOCIETY}, + volume={36}, + pages={429-443}, + year={2021}, + publisher={Springer} +} +@article{zlatev2008proto, + title={From proto-mimesis to language: Evidence from primatology and social neuroscience}, + author={Zlatev, Jordan}, + journal={Journal of Physiology-Paris}, + volume={102}, + number={1-3}, + pages={137-151}, + year={2008}, + publisher={Elsevier} +} +@inproceedings{herzog2009conquest, + title={Conquest of the Useless}, + author={Herzog, Werner}, + year={2009}, + organization={Ecco} +} +@article{paquin2014methodologie, + title={M{\'e}thodologie de la recherche-cr{\'e}ation}, + author={Paquin, Louis-Claude}, + journal={Rep{\'e}r{\'e} {\`a} http://lcpaquin. com/methoRC}, + year={2014} +} +@article{citton2012theory, + title={From theory to bricolage: indiscipline and the exemplary gestures of interpretation}, + author={Citton, Yves}, + journal={International Social Science Journal}, + volume={63}, + number={207-208}, + pages={53-66}, + year={2012} +} +@article{lim2016bridging, + title={Bridging Gesture, Gesticulation, and Early Modern Dance: Rilke's Veitst{\"a}nzer in The Notebooks of Malte Laurids Brigge}, + author={Lim, Wesley}, + journal={Dance Chronicle}, + volume={39}, + number={3}, + pages={279-298}, + year={2016}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@article{penny2013art, + title={Art and robotics: sixty years of situated machines}, + author={Penny, Simon}, + journal={AI \& society}, + volume={28}, + pages={147-156}, + year={2013}, + publisher={Springer} +} +@article{duffy2003anthropomorphism, + title={Anthropomorphism and the social robot}, + author={Duffy, Brian R}, + journal={Robotics and autonomous systems}, + volume={42}, + number={3-4}, + pages={177-190}, + year={2003}, + publisher={Elsevier} +} +@article{ziemke2007embodied, + title={The embodied self: Theories, hunches and robot models}, + author={Ziemke, Tom}, + journal={Journal of Consciousness Studies}, + volume={14}, + number={7}, + pages={167-179}, + year={2007}, + publisher={Imprint Academic} +} +@article{brooks1990elephants, + title={Elephants don't play chess}, + author={Brooks, Rodney A}, + journal={Robotics and autonomous systems}, + volume={6}, + number={1-2}, + pages={3-15}, + year={1990}, + publisher={Elsevier} +} +@book{sabisch2011choreographing, + title={Choreographing Relations: Practical Philosophy and Contemporary Choreography in the works of Antonia Baehr, Gilles Deleuze, Juan Dominguez, F{\'e}lix Guattari, Xavier Le Roy and Eszter Salamon}, + author={Sabisch, Petra}, + year={2011}, + publisher={Epodium} +} +@article{nakaoka2011synthesiology, + author={Shin'ichiro Nakaoka and Kanako Miura and Mitsuharu Morisawa and Fumio Kanehiro and Kenji Kaneko and Kazuhito Yokoi}, + journal={Synthesiology}, + title={Toward the use of humanoid robots as assemblies of content technologies: realization of a biped humanoid robot allowing content creators to produce various expressions}, + year={2011}, + volume={4}, + number={2}, + month={August}, + pages={80-91} +} +@book{searle1990mystery, + title={The mystery of consciousness}, + author={Searle, John R}, + year={1990}, + publisher={New York Review of Books} +} +@incollection{nagel1980like, + title={What is it like to be a bat?}, + author={Nagel, Thomas}, + booktitle={The Language and Thought Series}, + pages={159-168}, + year={1980}, + publisher={Harvard University Press} +} +@article{gaut2010philosophy, + title={The philosophy of creativity}, + author={Gaut, Berys}, + journal={Philosophy Compass}, + volume={5}, + number={12}, + pages={1034-1046}, + year={2010}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{saveriano2023dynamic, + title={Dynamic movement primitives in robotics: A tutorial survey}, + author={Saveriano, Matteo and Abu-Dakka, Fares J and Kramberger, Alja{\v{z}} and Peternel, Luka}, + journal={The International Journal of Robotics Research}, + volume={42}, + number={13}, + pages={1133-1184}, + year={2023}, + publisher={SAGE Publications Sage UK: London, England} +} +@inproceedings{andrieu2005realite, + title={La r{\'e}alit{\'e} physique du cerveau selon Raymond Ruyer}, + author={Andrieu, Bernard}, + booktitle={Bulletin d’histoire et d’{\'e}pist{\'e}mologie des sciences de la vie}, + volume={12}, + number={1}, + year={2005} +} +@article{stecco2007anatomy, + title={Anatomy of the deep fascia of the upper limb. Second part: study of innervation}, + author={Stecco, Carla and Gagey, O and Belloni, ANNA and Pozzuoli, A and Porzionato, Andrea and Macchi, Veronica and Aldegheri, Roberto and De Caro, Raffaele and Delmas, V}, + journal={Morphologie}, + volume={91}, + number={292}, + pages={38-43}, + year={2007}, + publisher={Elsevier} +} +@article{benias2018structure, + title={Structure and distribution of an unrecognized interstitium in human tissues}, + author={Benias, Petros C and Wells, Rebecca G and Sackey-Aboagye, Bridget and Klavan, Heather and Reidy, Jason and Buonocore, Darren and Miranda, Markus and Kornacki, Susan and Wayne, Michael and Carr-Locke, David L and others}, + journal={Scientific reports}, + volume={8}, + number={1}, + pages={1-8}, + year={2018}, + publisher={Nature Publishing Group} +} +@article{levillain2017behavioral, + title={Behavioral objects: The rise of the evocative machines}, + author={Levillain, Florent and Zibetti, Elisabetta}, + journal={Journal of Human-Robot Interaction}, + volume={6}, + number={1}, + pages={4-24}, + year={2017}, +} +@article{hu2022similar, + title={Similar brains blend emotion in similar ways: Neural representations of individual difference in emotion profiles}, + author={Hu, Xin and Wang, Fei and Zhang, Dan}, + journal={Neuroimage}, + volume={247}, + pages={118819}, + year={2022}, + publisher={Elsevier} +} +@incollection{ziemke1999rethinking, + title={Rethinking grounding}, + author={Ziemke, Tom}, + booktitle={Understanding Representation in the Cognitive Sciences: Does Representation Need Reality?}, + pages={177-190}, + publisher={Springer} +} +@book{feldenkrais1987lessons, + title={25 lessons from Eshkol-Wachman Movement Notation}, + author={Feldenkrais, Moshe}, + year={1987}, + publisher={Feldenkreis Ressources} +} +@article{drewes2016movengine, + title={Movengine—developing a movement language for 3d visualization and composition of dance}, + author={Drewes, Henner}, + journal={Dance Notations and Robot Motion}, + pages={91-116}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@mastersthesis{karolczak2011dance, + title={Dance in the light of neuroscience: sharing the experience of Deborah Hay's performance: her work and reflections}, + author={Karolczak, Gabriela}, + year={2011}, + school={University of Malta and Adam Mickiewicz University, Poznan (Poland)} +} +@article{serlin1996interview, + title={Interview with Anna Halprin}, + author={Serlin, Ilene A}, + journal={American Journal of Dance Therapy}, + volume={18}, + number={2}, + pages={115-123}, + year={1996}, + publisher={Springer} +} +@article{sachs1938histoire, + title={Histoire de la danse}, + author={Sachs, Curt and Kerr, L}, + journal={(No Title)}, + year={1938} +} +@article{foultier2021phenomenology, + title={The Phenomenology of the Body Schema and Contemporary Dance Practice: The Example of “Gaga”}, + author={Foultier, Anna Petronella}, + journal={Journal of Aesthetics and Phenomenology}, + volume={8}, + number={1}, + pages={1-20}, + year={2021}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@article{husquinet2018corps, + title={Du corps intime au corps social”: pratiques somatiques et pens{\'e}e critique}, + author={Husquinet, H{\'e}lo{\"\i}se}, + journal={Dialogue avec Sylvie Fortin. Collectif contre les violences familiales et l’exclusion. Montr{\'e}al}, + year={2018} +} +@article{eddy2002somatic, + title={Somatic practices and dance: Global influences}, + author={Eddy, Martha}, + journal={Dance Research Journal}, + volume={34}, + number={2}, + pages={46-62}, + year={2002}, + publisher={Cambridge University Press} +} +@article{eddy2017mindful, + title={Mindful movement: The evolution of the somatic arts and conscious action}, + author={Eddy, Martha}, + year={2017}, + publisher={Intellect} +} +@article{bainbridge1993sensing, + title={Sensing, feeling, and action: The experiential anatomy of body-mind centering}, + author={Bainbridge Cohen, Bonnie}, + journal={Northampton, MA: Contact Editions}, + year={1993} +} +@article{bottiglieri2012soigner, + title={Soigner l’Imaginaire du Geste: pratiques somatiques du toucher et du mouvement}, + author={Bottiglieri, Carla}, + journal={Chim{\`e}res}, + number={3}, + pages={113-128}, + year={2012}, + publisher={Cairn/Softwin} +} +@misc{ginot2014penser, + title={Penser les somatiques avec Feldenkrais}, + author={Ginot, Isabelle and Isabelle, Ginot}, + year={2014}, + publisher={L'Entretemps} +} +@phdthesis{salvatierra2020atelier, + title={L'atelier de danse et d’{\'e}ducation somatique comme espace d'exp{\'e}rimentations micropolitiques}, + author={Salvatierra, Violeta}, + year={2020}, + school={Université Paris 8} +} +@book{boissiere2020approche, + title={Approche philosophique du geste dans{\'e}: de l’improvisation {\`a} la performance}, + author={Boissi{\`e}re, Anne and Kintzler, Catherine and others}, + year={2020}, + publisher={Presses universitaires du Septentrion} +} +@book{berthoz1997sens, + title={Le sens du mouvement}, + author={Berthoz, Alain}, + year={1997}, + publisher={Odile Jacob} +} +@book{todd2012corps, + title={Le corps pensant}, + author={Todd, Mabel Elsworth}, + year={2012}, + publisher={Contredanse} +} +@article{kac1997marcel, + author={Kac, Eduardo and Antunez Roca, Marcel }, + title={Arte rob{\'o}tica: un manifiesto}, + journal={Arte rob{\'o}tica: un manifiesto}, + year={1997} +} +@inproceedings{sundar2016hollywood, + title={The Hollywood robot syndrome media effects on older adults' attitudes toward robots and adoption intentions}, + author={Sundar, S Shyam and Waddell, T Franklin and Jung, Eun Hwa}, + booktitle={International Conference on Human-Robot Interaction (HRI)}, + pages={343-350}, + year={2016}, + organization={IEEE} +} +@article{nisbet2002knowledge, + title={Knowledge, reservations, or promise? A media effects model for public perceptions of science and technology}, + author={Nisbet, Matthew C and Scheufele, Dietram A and Shanahan, James and Moy, Patricia and Brossard, Dominique and Lewenstein, Bruce V}, + journal={Communication research}, + volume={29}, + number={5}, + pages={584-608}, + year={2002}, + publisher={Sage Publications CA} +} +@article{geraci2007robots, + title={Robots and the sacred in science and science fiction: theological implications of artificial intelligence}, + author={Geraci, Robert M}, + journal={Zygon{\textregistered}}, + volume={42}, + number={4}, + pages={961-980}, + year={2007}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{alesich2017gendered, + title={Gendered robots: Implications for our humanoid future}, + author={Alesich, Simone and Rigby, Michael}, + journal={IEEE Technology and Society Magazine}, + volume={36}, + number={2}, + pages={50-59}, + year={2017}, + publisher={IEEE} +} +@inproceedings{nomura2012social, + title={Social acceptance of humanoid robots in Japan: A survey for development of the frankenstein syndorome questionnaire}, + author={Nomura, Tatsuya and Sugimoto, Keisuke and Syrdal, Dag Sverre and Dautenhahn, Kerstin}, + booktitle={RAS International Conference on Humanoid Robots}, + pages={242-247}, + year={2012}, + organization={IEEE} +} +@article{kac2001origin, + title={The origin and development of robotic art}, + author={Kac, Eduardo}, + journal={Convergence}, + volume={7}, + number={1}, + pages={76-86}, + year={2001}, + publisher={Sage Publications Sage CA: Thousand Oaks, CA} +} +@inproceedings{ballet2019survival, + title={Survival research laboratories: A dystopian industrial performance art}, + author={Ballet, Nicolas}, + booktitle={Arts}, + volume={8}, + number={1}, + pages={17}, + year={2019}, + organization={MDPI} +} +@article{pullen2018whimsical, + title={Whimsical bodies and performative machines: aesthetics and affects of robotic art}, + author={Pullen, Treva Michelle}, + journal={Open Cultural Studies}, + volume={1}, + number={1}, + pages={514-521}, + year={2018}, + publisher={De Gruyter Open} +} +@misc{vidal2012robots, + title={Robots {\'e}trangement humains: dossier}, + author={Vidal, Denis and Grimaud, Emmanuel}, + year={2012} +} +@article{frumer2020short, + title={The short, strange life of the first friendly robot: Japan's Gakutensoku was a giant pneumatic automaton that toured through Asia—until it mysteriously disappeared}, + author={Frumer, Yulia}, + journal={IEEE Spectrum}, + volume={57}, + number={6}, + pages={42-48}, + year={2020}, + publisher={IEEE} +} +@article{robertson2007robo, + title={Robo sapiens japanicus: Humanoid robots and the posthuman family}, + author={Robertson, Jennifer}, + journal={Critical Asian Studies}, + volume={39}, + number={3}, + pages={369-398}, + year={2007}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@inproceedings{shaw2011loving, + title={Loving machines: Theorizing human and sociable-technology interaction}, + author={Shaw-Garlock, Glenda}, + booktitle={Human-Robot Personal Relationships: Third International Conference, HRPR 2010, Leiden, The Netherlands, June 23-24, 2010, Revised Selected Papers 3}, + pages={1-10}, + year={2011}, + organization={Springer} +} +@article{shaw2009looking, + title={Looking forward to sociable robots}, + author={Shaw-Garlock, Glenda}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={1}, + pages={249-260}, + year={2009}, + publisher={Springer} +} +@article{thrun2004toward, + title={Toward a framework for human-robot interaction}, + author={Thrun, Sebastian}, + journal={Human-Computer Interaction}, + volume={19}, + number={1-2}, + pages={9-24}, + year={2004}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@book{schmidt2018motor, + title={Motor control and learning: A behavioral emphasis}, + author={Schmidt, Richard A and Lee, Timothy D and Winstein, Carolee and Wulf, Gabriele and Zelaznik, Howard N}, + year={2018}, + publisher={Human kinetics} +} +@article{philmus2001matters, + title={Matters of Translation: Karel {\v{C}}apek and Paul Selver}, + author={Philmus, Robert M}, + journal={Science Fiction Studies}, + pages={7-32}, + year={2001}, + publisher={JSTOR} +} +@article{hockstein2007history, + title={A history of robots: from science fiction to surgical robotics}, + author={Hockstein, Neil G and Gourin, CG and Faust, RA and Terris, David J}, + journal={Journal of robotic surgery}, + volume={1}, + pages={113-118}, + year={2007}, + publisher={Springer} +} +@book{reilly2011automata, + title={Automata and mimesis on the stage of theatre history}, + author={Reilly, Kara}, + year={2011}, + publisher={Springer} +} +@article{byrd2012man, + title={Man as Machine}, + author={Byrd, Max}, + journal={The Wilson Quarterly (1976-)}, + volume={36}, + number={1}, + pages={30-34}, + year={2012}, + publisher={JSTOR} +} +@article{dixon2004metal, + title={Metal performance humanizing robots, returning to nature, and camping about}, + author={Dixon, Steve}, + journal={TDR}, + pages={15-46}, + year={2004}, + publisher={JSTOR} +} +@article{mayor2018gods, + title={Gods and robots: Myths, machines, and ancient dreams of technology}, + author={Mayor, Adrienne}, + year={2018}, + publisher={Princeton University Press} +} +@article{bedini1964role, + title={The role of automata in the history of technology}, + author={Bedini, Silvio A}, + journal={Technology and Culture}, + volume={5}, + number={1}, + pages={24-42}, + year={1964}, + publisher={JSTOR} +} +@article{silvera2015artificial, + title={Artificial skin and tactile sensing for socially interactive robots: A review}, + author={Silvera-Tawil, David and Rye, David and Velonaki, Mari}, + journal={Robotics and Autonomous Systems}, + volume={63}, + pages={230-243}, + year={2015}, + publisher={Elsevier} +} +@article{dahiya2009tactile, + title={Tactile sensing—from humans to humanoids}, + author={Dahiya, Ravinder S and Metta, Giorgio and Valle, Maurizio and Sandini, Giulio}, + journal={Transactions on robotics}, + volume={26}, + number={1}, + pages={1-20}, + year={2009}, + publisher={IEEE} +} +@article{bouyarmane2018quadratic, + title={Quadratic programming for multirobot and task-space force control}, + author={Bouyarmane, Karim and Chappellet, Kevin and Vaillant, Joris and Kheddar, Abderrahmane}, + journal={Transactions on Robotics}, + volume={35}, + number={1}, + pages={64-77}, + year={2018}, + publisher={IEEE} +} +@incollection{ziemke2013s, + title={What's that thing called embodiment?}, + author={Ziemke, Tom}, + booktitle={Proceedings of the 25th Annual Cognitive Science Society}, + pages={1305-1310}, + year={2013}, + publisher={Psychology Press} +} +@book{clark1998being, + title={Being there: Putting brain, body, and world together again}, + author={Clark, Andy}, + year={1998}, + publisher={MIT press} +} +@inproceedings{iscen2014body, + title={Body image and body schema: Interaction design for and through embodied cognition}, + author={Iscen, Ozgun Eylul and Gromala, Diane and Mobini, Maryam}, + booktitle={Human-Computer Interaction. Advanced Interaction Modalities and Techniques: 16th International Conference, HCI International 2014, Heraklion, Crete, Greece, June 22-27, 2014, Proceedings, Part II 16}, + pages={556-566}, + year={2014}, + organization={Springer} +} +@article{de2021body, + title={What is the body schema?}, + author={de Vignemont, Fr{\'e}d{\'e}rique and Pitron, Victor and Alsmith, Adrian JT}, + journal={Body schema and body image: New directions}, + pages={3-17}, + year={2021}, + publisher={Oxford University Press New York} +} +@phdthesis{yu2021robot, + title={Robot behavior generation and human behavior understanding in natural human-robot interaction}, + author={Yu, Chuang}, + year={2021}, + school={Institut polytechnique de Paris} +} +@inproceedings{demers2019up, + title={Up-Close Experiences with Robots}, + author={Demers, Louis-Philippe}, + booktitle={International Symposium on Computational Media Art (ISCMA) 2019}, + year={2019} +} +@article{libet1993brain, + title={Brain stimulation in the study of neuronal functions for conscious sensory experiences}, + author={Libet, Benjamin and Libet, B}, + journal={Neurophysiology of consciousness}, + pages={221-228}, + year={1993}, + publisher={Springer} +} +@book{ginot1998danse, + title={La danse au XX{\`e}me si{\`e}cle}, + author={Ginot, Isabelle and Michel, Marcelle}, + year={1998}, + publisher={Larousse-Bordas} +} +@book{laumond2016dance, + title={Dance notations and robot motion}, + author={Laumond, Jean-Paul and Abe, Naoko}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@book{tozeren1999human, + title={Human body dynamics: classical mechanics and human movement}, + author={T{\"o}zeren, Aydin}, + year={1999}, + publisher={Springer Science \& Business Media} +} +@article{gordon1974meyerhold, + title={Meyerhold's Biomechanics}, + author={Gordon, Mel}, + journal={The Drama Review}, + volume={18}, + number={3}, + pages={73-88}, + year={1974}, + publisher={Cambridge University Press} +} +@article{baldwin1999biomecanique, + title={La biom{\'e}canique de Meyerhold et l'acteur contemporain: comment former l'acteur complet zyxwvutsrqpon}, + author={Baldwin, Jane and Syssoeva, Kathryn Mederos}, + year={1999} +} +@book{picon2017meyerhold, + title={Meyerhold, Le Cocu magnifique}, + author={Picon-Vallin, B{\'e}atrice}, + year={2017}, + publisher={{\'E}ditions Subjectile} +} +@book{laumond2012robotique, + title={La robotique: une r{\'e}cidive d’H{\'e}pha{\"\i}stos: Le{\c{c}}on inaugurale prononc{\'e}e le jeudi 19 janvier 2012}, + author={Laumond, Jean-Paul}, + number={224}, + year={2012}, + publisher={Fayard} +} +@book{bergson1896matiere, + title={Mati{\`e}re et m{\'e}moire}, + author={Bergson, Henri}, + year={1896}, + publisher={Alcan} +} +@article{van1940raymond, + title={Raymond Ruyer, La conscience et le corps}, + author={Van Haecht, Louis}, + journal={Revue Philosophique de Louvain}, + volume={43}, + number={67}, + pages={288-290}, + year={1940}, + publisher={Pers{\'e}e-Portail des revues scientifiques en SHS} +} +@book{russell2010ai, + title={Artificial intelligence a modern approach}, + author={Russell, Stuart J and Norvig, Peter}, + year={2010}, + publisher={Prentice Hall} +} +@book{torey1999oxford, + title={The crucible of consciousness}, + author={Torey, Zoltan and Zoltan, Torey}, + year={1999}, + publisher={Oxford University Press Melbourne} +} +@article{johnson2008makes, + title={What makes a body?}, + author={Johnson, Mark}, + journal={The Journal of Speculative Philosophy}, + volume={22}, + number={3}, + pages={159-169}, + year={2008}, + publisher={JSTOR} +} +@misc{lestage2021approche, + title={Approche de la conscience par Francisco Varela: sciences cognitives et bouddhisme}, + author={Lestage, Philippe}, + year={2021} +} +@book{brooks2003flesh, + title={Flesh and machines: How robots will change us}, + author={Brooks, Rodney}, + year={2003}, + publisher={Pantheon Books} +} +@book{merleau1979visible, + title={Le visible et l'invisible: suivi de notes de travail}, + author={Merleau-Ponty, Maurice}, + year={1979}, + publisher={Gallimard} +} +@book{manning2022pensee, + title={Pens{\'e}e en acte: vingt propositions pour la recherche-cr{\'e}ation}, + author={Manning, Erin and Massumi, Brian}, + year={2022}, + publisher={Les Presses du r{\'e}el} +} +@book{charmatz2009je, + title={{\guillemotleft}Je suis une {\'e}cole{\guillemotright}: exp{\'e}rimentation, art, p{\'e}dagogie}, + author={Charmatz, Boris}, + year={2009}, + publisher={Les Prairies ordinaires} +} +@article{paquin2015dialogue, + title={Dialogue autour de la recherche-cr{\'e}ation}, + author={Paquin, Louis-Claude and B{\'e}land, Marjolaine}, + journal={Media}, + volume={11}, + number={3}, + year={2015} +} +@article{aymerich2017object, + title={Object touch by a humanoid robot avatar induces haptic sensation in the real hand}, + author={Aymerich-Franch, Laura and Petit, Damien and Ganesh, Gowrishankar and Kheddar, Abderrahmane}, + journal={Journal of Computer-Mediated Communication}, + volume={22}, + number={4}, + pages={215-230}, + year={2017}, + publisher={Oxford University Press} +} +@inproceedings{bolotnikoval2018compliant, + title={Compliant robot motion regulated via proprioceptive sensor based contact observer}, + author={Bolotnikoval, Anastasia and Courtois, S{\'e}bastien and Kheddar, Abderrahmane}, + booktitle={International Conference on Humanoid Robots (Humanoids)}, + pages={1-9}, + year={2018}, + organization={IEEE} +} +@article{bolotnikova2019multi, + title={Multi-contact planning on humans for physical assistance by humanoid}, + author={Bolotnikova, Anastasia and Courtois, S{\'e}bastien and Kheddar, Abderrahmane}, + journal={Robotics and Automation Letters}, + volume={5}, + number={1}, + pages={135-142}, + year={2019}, + publisher={IEEE} +} +@inproceedings{chandrasekharan2000software, + title={Software Agents and Situatedness: Being Where}, + author={Chandrasekharan, Sanjay and Esfandiari, Babak}, + booktitle={the Proceedings of the Eleventh mid-west 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publisher={Sage Publications} +} +@article{paolillo2018autonomous, + title={Autonomous car driving by a humanoid robot}, + author={Paolillo, Antonio and Gergondet, Pierre and Cherubini, Andrea and Vendittelli, Marilena and Kheddar, Abderrahmane}, + journal={Journal of Field Robotics}, + volume={35}, + number={2}, + pages={169-186}, + year={2018}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{plessiet2019mitmi, + title={MITMI Man-In-The-Middle Interaction: The human back in the loop.}, + author={Plessiet, C{\'e}dric and J{\'e}go, Jean-Fran{\c{c}}ois}, + journal={International Journal of Virtual Reality}, + year={2019} +} +@article{ramos2015dancing, + title={Dancing humanoid robots: Systematic use of osid to compute dynamically consistent movements following a motion capture pattern}, + author={Ramos, Oscar E and Mansard, Nicolas and Stasse, Olivier and Benazeth, Christophe and Hak, Sovannara and Saab, Layale}, + journal={Robotics \& Automation Magazine}, + volume={22}, + number={4}, + pages={16-26}, + year={2015}, + publisher={IEEE} +} +@article{demers2015machine, + title={Machine performers: Agents in a multiple ontological state}, + author={Demers, Louis-Philippe}, + year={2015}, + publisher={Plymouth University} +} +@article{vidal2007anthropomorphism, + title={Anthropomorphism or sub-anthropomorphism? An anthropological approach to gods and robots}, + author={Vidal, Denis}, + journal={Journal of the Royal Anthropological Institute}, + volume={13}, + number={4}, + pages={917-933}, + year={2007}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{johnson2007we, + title={We are live creatures: Embodiment, American pragmatism, and the cognitive organism}, + author={Johnson, Mark and Rohrer, Tim}, + journal={Body, language, and mind}, + volume={1}, + pages={17-54}, + year={2007}, + publisher={Mouton de Gruyter} +} +@incollection{stephens2016we, + title={We have always been robots: The history of robots and art}, + author={Stephens, Elizabeth and Heffernan, Tara}, + booktitle={Robots and Art}, + pages={29-45}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@inproceedings{evrard2009homotopy, + title={Homotopy switching model for dyad haptic interaction in physical collaborative tasks}, + author={Evrard, Paul and Kheddar, Abderrahmane}, + booktitle={World Haptics 2009-Third Joint EuroHaptics conference and Symposium on Haptic Interfaces for Virtual Environment and Teleoperator Systems}, + pages={45-50}, + year={2009}, + organization={IEEE} +} +@article{hwang2013effects, + title={The effects of overall robot shape on the emotions invoked in users and the perceived personalities of robot}, + author={Hwang, Jihong and Park, Taezoon and Hwang, Wonil}, + journal={Applied ergonomics}, + volume={44}, + number={3}, + pages={459-471}, + year={2013}, + publisher={Elsevier} +} +@inproceedings{hoffman2020social, + title={The Social Uncanniness of Robotic Companions}, + author={Hoffman, Guy}, + booktitle={Robophilosophy}, + pages={535-539}, + year={2020} +} +@article{tisseron2011animal, + title={De l'animal num{\'e}rique au robot de compagnie: quel avenir pour l'intersubjectivit{\'e}?}, + author={Tisseron, Serge}, + journal={Revue fran{\c{c}}aise de psychanalyse}, + volume={75}, + number={1}, + pages={149-159}, + year={2011}, + publisher={Presses Universitaires de France} +} +@inproceedings{siedel2011concept, + title={Concept and design of the modular actuator system for the humanoid robot MYON}, + author={Siedel, Torsten and Hild, Manfred and Weidner, Mario}, + booktitle={International Conference on Intelligent Robotics and Applications}, + pages={388-396}, + year={2011}, + organization={Springer} +} +@inproceedings{jochum2018becoming, + title={Becoming Cyborg: Interdisciplinary approaches for exoskeleton research}, + author={Jochum, Elizabeth and Demers, Louis-Philippe and Vorn, Bill and Vlachos, Evgenios and McIlvenny, Paul and Raudaskoski, Pirkko}, + booktitle={Proceedings of EVA Copenhagen 2018: Politics of the machines-Art and after (Electronic Workshops in Computing)}, + pages={1-9}, + year={2018}, + organization={BCS Learning and Development Ltd.} +} +@misc{mark2007meaning, + title={The Meaning of the body: Aesthetics of human understanding}, + author={Johnson, Mark}, + year={2007}, + publisher={University of Chicago Press} +} +@article{penny2015emergence, + title={Emergence, agency, and interaction—notes from the field}, + author={Penny, Simon}, + journal={Artificial Life}, + volume={21}, + number={3}, + pages={271-284}, + year={2015}, + publisher={MIT Press} +} +@article{penny2022sensorimotor, + title={Sensorimotor debilities in digital cultures}, + author={Penny, Simon}, + journal={AI and SOCIETY}, + volume={37}, + number={1}, + pages={355-366}, + year={2022}, + publisher={Springer} +} +@phdthesis{damian2014interiorites, + title={Int{\'e}riorit{\'e}s/sensations/consciences: sociologie des exp{\'e}rimentations somatiques du Contact Improvisation et du Body-Mind Centering}, + author={Damian, J{\'e}r{\'e}my}, + year={2014}, + school={Universit{\'e} de Grenoble} +} +@article{bronet2005beating, + title={Beating a Path: Designing in the Posture of Body}, + author={Bronet, Frances}, + journal={Performing Nature: Explorations in Ecology and the Arts. Bern: Peter Lang}, + pages={285-302}, + year={2005} +} +@article{damiano2020emotions, + title={Emotions in relation. Epistemological and ethical scaffolding for mixed human-robot social ecologies}, + author={Damiano, Luisa and Dumouchel, Paul Gerard}, + journal={HUMANA. MENTE Journal of Philosophical Studies}, + volume={13}, + number={37}, + pages={181-206}, + year={2020} +} +@inproceedings{nakaoka2010intuitive, + title={Intuitive and flexible user interface for creating whole body motions of biped humanoid robots}, + author={Nakaoka, Shin'ichiro and Kajita, Shuuji and Yokoi, Kazuhito}, + booktitle={Conference on Intelligent Robots and Systems}, + pages={1675-1682}, + year={2010}, + organization={IEEE} +} +@article{hoffmann2021body, + title={Body models in humans, animals, and robots: mechanisms and plasticity}, + author={Hoffmann, Matej}, + journal={Body Schema and Body Image: New Directions}, + pages={152}, + year={2021}, + publisher={Oxford University Press} +} +@article{yves2012gestes, + title={Gestes d’humanit{\'e}s}, + author={Yves, Citton}, + journal={Anthropologie sauvage de nos exp{\'e}riences esth{\'e}tiques}, + year={2012} +} +@inproceedings{villard2016propos, + title={{\`A} propos d’une exp{\'e}rience de mouvement partag{\'e} avec un robot humano{\"\i}de: l’entre-deux comme maintien du vivant}, + author={Villard, Marie-Aline and Lapeyre, Matthieu}, + booktitle={IRIS}, + number={37}, + pages={193-205}, + year={2016} +} +@phdthesis{baddoura2013homme, + title={L'homme et le robot humano{\"\i}de: Transmission, R{\'e}sistance et Subjectivation}, + author={Baddoura-Gaugler, Rita Baddoura}, + year={2013}, + school={Universit{\'e} Paul Val{\'e}ry-Montpellier III} +} +@inproceedings{bisig2022generative, + title={Generative Dance-a Taxonomy and Survey}, + author={Bisig, Daniel}, + booktitle={Proceedings of the 8th International Conference on Movement and Computing}, + pages={1-10}, + year={2022} +} +@article{bret2015creation, + title={Creation no. 2. La Funambule virtuelle, Michel Bret, Marie-H{\'e}l{\`e}ne Tramus, Alain Berthoz}, + author={Bret, Michel and Tramus, Marie-H{\'e}l{\`e}ne and Berthoz, Alain}, + journal={Hybrid. Revue des arts et m{\'e}diations humaines}, + number={2}, + year={2015}, + publisher={Presses Universitaires de Vincennes} +} +@article{stojnic2015digital, + title= {Digital anthropomorphism: Performers avatars and chat-bots}, + author= {Stojni{\'c}, Aneta}, + journal= {Performance Research}, + volume= {20}, + number= {2}, + pages= {70-77}, + year= {2015}, + publisher={Taylor and Francis} +} +@article{breazeal2005robot, + title={Robot emotion: A functional perspective}, + author={Breazeal, Cynthia and Brooks, Rodney}, + journal={Who needs emotions}, + pages={271-310}, + year={2005}, + publisher={Oxford University Press Oxford} +} +@inproceedings{breazeal2004social, + title={Social robots: Beyond tools to partners}, + author={Breazeal, Cynthia and Gray, Jesse and Hoffman, Guy and Berlin, Matt}, + booktitle={RO-MAN. International Workshop on Robot and Human Interactive Communication}, + pages={551-556}, + year={2004}, + organization={IEEE} +} +@article{jochum2017computation, + title={Computation as medium: agency and motion in interactive art}, + author={Jochum, Elizabeth Ann and Putnam, Lance}, + journal={Akademisk Kvarter}, + volume={16}, + pages={9-21}, + year={2017}, + publisher={Aalborg University} +} +@book{bogart2004viewpoints, + title={The viewpoints book: A practical guide to viewpoints and composition}, + author={Bogart, Anne and Landau, Tina}, + year={2004}, + publisher={Theatre Communications Group} +} +@misc{dautenhahn2018acm, + title={Some brief thoughts on the past and future of human-robot interaction}, + author={Dautenhahn, Kerstin}, + journal={ACM Transactions on Human-Robot Interaction (THRI)}, + volume={7}, + number={1}, + pages={1-3}, + year={2018} +} +@inproceedings{timmerman2021springer, + title={Individuals expend more effort to compete against robots than humans after observing competitive human-robot interactions}, + author={Timmerman, Rosanne H and Hsieh, Te-Yi and Henschel, Anna and Hortensius, Ruud and Cross, Emily S}, + booktitle={International Conference on Social Robotics}, + pages={685-696}, + year={2021}, + address={Singapore}, + organization={Springer} +} +@misc{jung2018acm, + title={Robots in the wild: A time for more robust theories of human-robot interaction}, + author={Jung, Malte and Hinds, Pamela}, + journal={ACM Transactions on Human-Robot Interaction}, + volume={7}, + number={1}, + pages={1-5}, + year={2018}, + publisher={ACM New York} +} +@ARTICLE{stubbs2007iee, + author={Stubbs, Kristen and Hinds, Pamela J. and Wettergreen, David}, + journal={IEEE Intelligent Systems}, + title={Autonomy and Common Ground in Human-Robot Interaction: A Field Study}, + year={2007}, + volume={22}, + number={2}, + pages={42-50} +} +@inproceedings{fdili2019acm, + title={Understanding kinaesthetic creativity in dance}, + author={Hsueh, Stacy and Alaoui, Sarah Fdili and Mackay, Wendy E}, + booktitle={CHI Conference on Human Factors in Computing Systems}, + pages={1-12}, + year={2019} +} +@inproceedings{fdili2017moco, + author = {Candau, Yves and Françoise, Jules and Fdili Alaoui, Sarah and Schiphorst, Thecla}, + year = {2017}, + month = {06}, + pages = {1-8}, + title = {Cultivating kinaesthetic awareness through interaction: Perspectives from somatic practices and embodied cognition} +} +@article{kirsh2010wayne, + title={Thinking with the body}, + author={Kirsh, David}, + year={2010} +} +@inproceedings{lopes2015acm, + author = {Lopes, Pedro and Ion, Alexandra and Müller, Willi and Hoffmann, Daniel and Jonell, Patrik and Baudisch, Patrick}, + year = {2015}, + month = {04}, + title = {Proprioceptive Interaction} +} +@article{koch2011ijs, + author = {Koch, Iring and Keller, Peter and Prinz, Wolfgang}, + year = {2011}, + month = {02}, + title = {The Ideomotor approach to action control: Implications for skilled performance}, + volume = {2}, + pages = {362-375}, + journal = {International Journal of Sport and Exercise Psychology} +} +@inproceedings{jochum2019moco, + title={Tonight We Improvise! Real-time tracking for human-robot improvisational dance}, + author={Jochum, Elizabeth and Derks, Jeroen}, + booktitle={International Conference on Movement and Computing}, + pages={1-11}, + year={2019} +} +@article{bailin1984creativity, + title={Creativity and Skill.}, + author={Bailin, Sharon}, + year={1984}, + publisher={ERIC} +} +@incollection{gaut2009brill, + title={Chapter Five. Creativity And Skill}, + author={Gaut, Berys}, + booktitle={The idea of creativity}, + pages={83-103}, + year={2009}, + publisher={Brill} +} +@inproceedings{weinberg2007impro, + title={The interactive robotic percussionist: new developments in form, mechanics, perception and interaction design}, + author={Weinberg, Gil and Driscoll, Scott}, + booktitle={ACM/IEEE international conference on Human-robot interaction}, + pages={97-104}, + year={2007} +} +@inproceedings{corness2013intention, + title={Performing with a system's intention: embodied cues in performer-system interaction}, + author={Corness, Greg and Schiphorst, Thecla}, + booktitle={ACM Conference on Creativity and Cognition}, + pages={156-164}, + year={2013} +} +@article{hoffman2012impro, + title={Embodied cognition for autonomous interactive robots}, + author={Hoffman, Guy}, + journal={Topics in cognitive science}, + volume={4}, + number={4}, + pages={759-772}, + year={2012}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{bresnahan2015skill, + title={Improvisation in the Arts}, + author={Bresnahan, Aili}, + journal={Philosophy Compass}, + volume={10}, + number={9}, + pages={573-582}, + year={2015}, + publisher={Wiley Online Library} +} +@article{schwartz2000action, + title={Action research: Dance improvisation as dance technique}, + author={Schwartz, Peggy}, + journal={Journal of Physical Education, Recreation and Dance}, + volume={71}, + number={5}, + pages={42-46}, + year={2000}, + publisher={Taylor and Francis} +} +@article{demers2016multiple, + title={The multiple bodies of a machine performer}, + author={Demers, Louis-Philippe}, + journal={Robots and Art: Exploring an Unlikely Symbiosis}, + pages={273-306}, + year={2016}, + publisher={Springer} +} +@inproceedings{hoffman2011stage, + title={On stage: robots as performers}, + author={Hoffman, Guy}, + booktitle={Workshop on Human-Robot Interaction: Perspectives and Contributions to Robotics from the Human Sciences}, + volume={1}, + pages={21}, + year={2011} +} +@inproceedings{gemeinboeck2016roman, + title={Towards socializing non-anthropomorphic robots by harnessing dancers’ kinesthetic awareness}, + author={Gemeinboeck, Petra and Saunders, Rob}, + booktitle={International Workshop on Cultural Robotics}, + pages={85-97}, + year={2016}, + organization={Springer} +} +@article{truman2015primacy, + title={The primacy of movement in research-creation: New materialist approaches to art research and pedagogy}, + author={Truman, Sarah E and Springgay, Stephanie}, + journal={Art's Teachings, Teaching's Art: Philosophical, Critical and Educational Musings}, + pages={151-162}, + year={2015}, + publisher={Springer} +} +@article{gallagher2002primacy, + title={Social cognition and primacy of movement revisited}, + author={Gallagher, Shaun and Cole, Jonathan and McNeill, David}, + journal={Trends in Cognitive Sciences}, + volume={6}, + number={4}, + pages={155-156}, + year={2002}, + publisher={Elsevier} +} +@book{sheets2011primacy, + title={The primacy of movement}, + author={Sheets-Johnstone, Maxine}, + volume={82}, + year={2011}, + publisher={John Benjamins Publishing} +} +@article{van2019taylor, + title={A paradigm shift for robot ethics: From {HRI} to human-robot-system interaction ({HRSI})}, + author={Van Wynsberghe, Aimee and Li, Shuhong}, + journal={Medicolegal and Bioethics}, + pages={11-21}, + year={2019}, + publisher={Taylor and Francis} +} +@article{sheridan2016sage, + title={Human-robot interaction: status and challenges}, + author={Sheridan, Thomas B}, + journal={Human factors}, + volume={58}, + number={4}, + pages={525-532}, + year={2016}, + publisher={SAGE Publications} +} +@inproceedings{reed2004icra, + title={Initial studies in human-robot-human interaction: Fitts' law for two people}, + author={Reed, Kyle and Peshkin, Michael and Colgate, J Edward and Patton, James}, + booktitle={IEEE International Conference on Robotics and Automation}, + volume={3}, + pages={2333-2338}, + year={2004} +} +@inproceedings{yanco2002aaai, + title={A taxonomy for human-robot interaction}, + author={Yanco, Holly A and Drury, Jill L}, + booktitle={AAAI fall symposium on human-robot interaction}, + pages={111-119}, + year={2002} +} +@INPROCEEDINGS{dautenhahn2002irs, + author={Dautenhahn, K. and Werry, I.}, + booktitle={IEEE/RSJ International Conference on Intelligent Robots and Systems}, + title={A quantitative technique for analysing robot-human interactions}, + year={2002}, + volume={2}, + pages={1132-1138} +} +@article{ros2014ras, + title = {Adaptive human–robot interaction in sensorimotor task instruction: From human to robot dance tutors}, + journal = {Robotics and Autonomous Systems}, + volume = {62}, + number = {6}, + pages = {707-720}, + year = {2014}, + author = {Raquel Ros and Ilaria Baroni and Yiannis Demiris} +} +@inproceedings{michalowski2007hri, + title={A dancing robot for rhythmic social interaction}, + author={Michalowski, Marek P and Sabanovic, Selma and Kozima, Hideki}, + booktitle={ACM/IEEE international conference on Human-robot interaction}, + pages={89-96}, + year={2007} +} +@article{zhan2022jcs, + author = {Zhan, Ze-Feng and Huang, Han-Pang}, + year = {2022}, + month = {01}, + title = {Imitation System of Humanoid Robots and Its Applications}, + journal = {IEEE Open Journal of Circuits and Systems} + +} +@inproceedings{boukheddimi2022iros, + title={Robot Dance Generation with Music Based Trajectory Optimization}, + author={Boukheddimi, Melya and Harnack, Daniel and Kumar, Shivesh and Kumar, Rohit and Vyas, Shubham and Arriaga, Octavio and Kirchner, Frank}, + booktitle={IEEE-RSJ International Conference on Intelligent Robots and Systems}, + pages={3069-3076}, + year={2022} +} +@ARTICLE{alissandrakis2002thms, + author={Alissandrakis, A. and Nehaniv, C.L. and Dautenhahn, K.}, + journal={IEEE Transactions on Systems, Man, and Cybernetics - Part A: Systems and Humans}, + title={Imitation with ALICE: learning to imitate corresponding actions across dissimilar embodiments}, + year={2002}, + volume={32}, + number={4}, + pages={482-496} +} +@inproceedings{alissandrakis2006roman, + title={Action, state and effect metrics for robot imitation}, + author={Alissandrakis, Aris and Nehaniv, Chrystopher L and Dautenhahn, Kerstin}, + booktitle={IEEE International Symposium on Robot and Human Interactive Communication}, + pages={232-237}, + year={2006} +} +@article{erbas2014sage, + title={Embodied imitation-enhanced reinforcement learning in multi-agent systems}, + author={Erbas, Mehmet D and Winfield, Alan FT and Bull, Larry}, + journal={Adaptive Behavior}, + volume={22}, + number={1}, + pages={31-50}, + year={2014}, + publisher={Sage publications Sage UK: London, England} +} +@INPROCEEDINGS{alissandrakis2003cir, + author={Alissandrakis, A. and Nehaniv, C.L. and Dautenhahn, K.}, + booktitle={IEEE International Symposium on Computational Intelligence in Robotics and Automation}, + title={Synchrony and perception in robotic imitation across embodiments}, + year={2003}, + volume={2}, + pages={923-930} +} +@INPROCEEDINGS{admoni2016hri, + author={Admoni, Henny and Weng, Thomas and Hayes, Bradley and Scassellati, Brian}, + booktitle={ACM/IEEE International Conference on Human-Robot Interaction}, + title={Robot nonverbal behavior improves task performance in difficult collaborations}, + year={2016}, + pages={51-58} +} +@article{wiltermuth2009sage, + title={Synchrony and cooperation}, + author={Wiltermuth, Scott S and Heath, Chip}, + journal={Psychological science}, + volume={20}, + number={1}, + pages={1-5}, + year={2009}, + publisher={SAGE Publications Sage CA: Los Angeles, CA} +} +@article{vroomen2010springer, + title={Perception of intersensory synchrony: a tutorial review}, + author={Vroomen, Jean and Keetels, Mirjam}, + journal={Attention, Perception, and Psychophysics}, + volume={72}, + number={4}, + pages={871-884}, + year={2010}, + publisher={Springer} +} +@ARTICLE{min2016tcd, + author={Min, Huaqing and Yi, Chang’an and Luo, Ronghua and Zhu, Jinhui and Bi, Sheng}, + journal={Transactions on Cognitive and Developmental Systems}, + title={Affordance Research in Developmental Robotics: A Survey}, + year={2016}, + volume={8}, + number={4}, + pages={237-255}, + publisher={IEEE} +} +@article{stock2022ijsr, + title={Survey of emotions in human-robot interactions: Perspectives from robotic psychology on 20 years of research}, + author={Stock-Homburg, Ruth}, + journal={International Journal of Social Robotics}, + volume={14}, + number={2}, + pages={389-411}, + year={2022}, + publisher={Springer} +} +@INPROCEEDINGS{emir2022roman, + author={Emir, Ebru and Burns, Catherine M.}, + booktitle={31st IEEE International Conference on Robot and Human Interactive Communication (RO-MAN)}, + title={Evaluation of Expressive Motions based on the Framework of Laban Effort Features for Social Attributes of Robots}, + year={2022}, + pages={1548-1553} +} +@article{taniguchi2023tf, + title={World models and predictive coding for cognitive and developmental robotics: frontiers and challenges}, + author={Taniguchi, Tadahiro and Murata, Shingo and Suzuki, Masahiro and Ognibene, Dimitri and Lanillos, Pablo and Ugur, Emre and Jamone, Lorenzo and Nakamura, Tomoaki and Ciria, Alejandra and Lara, Bruno and others}, + journal={Advanced Robotics}, + pages={1-27}, + year={2023}, + publisher={Taylor \& Francis} +} +@book{oatis2009kinesiology, + title={Kinesiology the mechanics and pathomechanics of human movement}, + author={Oatis, Carol A}, + year={2009}, + publisher={Wolters Kluwer} +} +@article{lambert2017action, + title={Action, {\'e}naction: l'{\'e}mergence de l'oeuvre d'art}, + author={Lambert, Xavier}, + journal={Action, {\'e}naction}, + pages={1-264}, + year={2017}, + publisher={L'Harmattan} +} +@article{spatola2019cairn, + title={L’interaction Homme-Robot, de l’anthropomorphisme {\`a} l’humanisation}, + author={Spatola, Nicolas}, + journal={L’Ann{\'e}e psychologique}, + number={4}, + pages={515-563}, + year={2019}, + publisher={Cairn} +} +@article{asada2020jaic, + title={Rethinking autonomy of humans and robots}, + author={Asada, Minoru}, + journal={Journal of Artificial Intelligence and Consciousness}, + volume={7}, + number={02}, + pages={141-153}, + year={2020}, + publisher={World Scientific} +} +@article{reggia2013elsevier, + title={The rise of machine consciousness: Studying consciousness with computational models}, + author={Reggia, James A}, + journal={Neural Networks}, + volume={44}, + pages={112-131}, + year={2013}, + publisher={Elsevier} +} +@book{takeno2012crc, + title={Creation of a conscious robot: Mirror image cognition and self-awareness}, + author={Takeno, Junichi}, + year={2012}, + publisher={CRC Press} +} +@inproceedings{zhegong2022springer, + title={What Do I Look Like? A Conditional GAN Based Robot Facial Self-Awareness Approach}, + author={Zhegong, Shangguan and Yu, Chuang and Huang, Wenjie and Sun, Zexuan and Tapus, Adriana}, + booktitle={International Conference on Social Robotics}, + pages={312-324}, + year={2022}, + organization={Springer} +} +@article{ng2020ws, + title={Strong artificial intelligence and consciousness}, + author={Ng, Gee Wah and Leung, Wang Chi}, + journal={Journal of Artificial Intelligence and Consciousness}, + volume={7}, + number={01}, + pages={63-72}, + year={2020}, + publisher={World Scientific} +} +@article{haikonen2020ws, + title={On artificial intelligence and consciousness}, + author={Haikonen, Pentti OA}, + journal={Journal of Artificial Intelligence and Consciousness}, + volume={7}, + number={01}, + pages={73-82}, + year={2020}, + publisher={World Scientific} +} +@article{mullis2013cambridge, + title={Dance, interactive Technology, and the device Paradigm}, + author={Mullis, Eric}, + journal={Dance Research Journal}, + volume={45}, + number={3}, + pages={111-123}, + year={2013}, + publisher={Cambridge University Press} +} +@article{haraway2010cyborg, + title={“A Cyborg Manifesto”(1985)}, + author={Haraway, Donna}, + journal={Cultural theory: An anthology}, + pages={454}, + year={2010}, + publisher={John Wiley and Sons} +} +@book{kajita2014springer, + title={Introduction to humanoid robotics}, + author={Kajita, Shuuji and Hirukawa, Hirohisa and Harada, Kensuke and Yokoi, Kazuhito}, + volume={101}, + year={2014}, + publisher={Springer} +} +@book{picard2000affective, + title={Affective computing}, + author={Picard, Rosalind W}, + year={2000}, + publisher={MIT press} +} +@book{levine2010unspoken, + title={In an unspoken voice: How the body releases trauma and restores goodness}, + author={Levine, Peter A}, + year={2010}, + publisher={North Atlantic Books} +} +@article{godard1994geste, + title={Le geste manquant}, + author={Godard, Hubert}, + journal={Revue Internationalle de Psychanalyse}, + number={5}, + pages={63-75}, + year={1994} +} +@article{jay2014pratiques, + title={Pratiques somatiques et {\'e}cologie corporelle}, + author={Jay, Laurence}, + journal={Soci{\'e}t{\'e}s}, + number={3}, + pages={103-115}, + year={2014}, + publisher={Cairn} +} +@article{ndior2019cairn, + title={{\'E}thique et conscience des robots}, + author={Ndior, Val{\`e}re}, + journal={Pouvoirs}, + number={3}, + pages={59-69}, + year={2019}, + publisher={Cairn} +} +@article{rousseau2019mouvement, + title={Le mouvement {\'e}nactif et le probl{\`e}me difficile de la conscience}, + author={Rousseau-Lesage, Simon}, + year={2019} +} +@article{liu2024elsevier, + title={Cognitive neuroscience and robotics: Advancements and future research directions}, + author={Liu, Sichao and Wang, Lihui and Gao, Robert X}, + journal={Robotics and Computer-Integrated Manufacturing}, + volume={85}, + pages={102610}, + year={2024}, + publisher={Elsevier} +} +@book{devillers2017robots, + title={Des robots et des hommes}, + author={Devillers, Laurence}, + year={2017}, + publisher={Plon} +} +@book{hartman2014make, + title={Make: Wearable Electronics: Design, prototype, and wear your own interactive garments}, + author={Hartman, Kate}, + year={2014}, + publisher={Maker Media, Inc.} +} +@book{von2021robotics, + title={Robotics, AI, and Humanity: Science, Ethics, and Policy}, + author={Von Braun, Joachim and S Archer, Margaret and Reichberg, Gregory M and S{\'a}nchez Sorondo, Marcelo}, + year={2021}, + publisher={Springer Nature} +} +@book{aiken1998biological, + title={The biological origins of art.}, + author={Aiken, Nancy E}, + year={1998}, + publisher={Praeger Publishers/Greenwood Publishing Group} +} +@article{noormohammadi2023adapting, + title={Adapting to Human Preferences to Lead or Follow in Human-Robot Collaboration: A System Evaluation}, + author={Noormohammadi-Asl, Ali and Ayub, Ali and Smith, Stephen L and Dautenhahn, Kerstin}, + journal={arXiv preprint arXiv:2307.11192}, + year={2023} +} +@book{gallagher2023embodied, + title={Embodied and Enactive Approaches to Cognition}, + author={Gallagher, Shaun}, + year={2023}, + publisher={Cambridge University Press} +} +@article{gray2010cave, + title={Cave art and the evolution of the human mind}, + author={Gray, Martin Paul}, + year={2010}, + publisher={Victoria University of Wellington} +} +@article{mellet2019neuroimaging, + title={Neuroimaging supports the representational nature of the earliest human engravings}, + author={Mellet, Emmanuel and Salagnon, Mathilde and Majki{\'c}, Ana and Cremona, Sandrine and Joliot, Marc and Jobard, Gael and Mazoyer, Bernard and Tzourio Mazoyer, Nathalie and d'Errico, Francesco}, + journal={Royal Society Open Science}, + volume={6}, + number={7}, + pages={190086}, + year={2019} +} +@article{mithen1998prehistory, + title={The prehistory of the mind: A search for the origins of art, religion and science}, + author={Mithen, Steven J}, + year={1998} +} +@article{srinivasan2007cognitive, + title={Cognitive neuroscience of creativity: EEG based approaches}, + author={Srinivasan, Narayanan}, + journal={Methods}, + volume={42}, + number={1}, + pages={109-116}, + year={2007}, + publisher={Elsevier} +} +@book{abraham2018cambridge, + title={The neuroscience of creativity}, + author={Abraham, Anna}, + year={2018}, + publisher={Cambridge University Press} +} +@book{vartanian2013mit, + title={Neuroscience of creativity}, + author={Vartanian, Oshin and Bristol, Adam S and Kaufman, James C}, + year={2013}, + publisher={MIT Press} +} +@article{sawyer2011taylor, + title={The cognitive neuroscience of creativity: A critical review}, + author={Sawyer, Keith}, + journal={Creativity research journal}, + volume={23}, + number={2}, + pages={137-154}, + year={2011}, + publisher={Taylor and Francis} +} +@book{rosenberg1983definition, + title={The de-definition of art}, + author={Rosenberg, Harold}, + year={1983}, + publisher={University of Chicago Press} +} +@book{mayor2019princeton, + 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+} +@article{kam2021nas, + title={Distinct electrophysiological signatures of task-unrelated and dynamic thoughts}, + author={Kam, Julia WY and Irving, Zachary C and Mills, Caitlin and Patel, Shawn and Gopnik, Alison and Knight, Robert T}, + journal={Proceedings of the National Academy of Sciences}, + volume={118}, + number={4}, + pages={e2011796118}, + year={2021} +} +@article{royo2016mit, + title={Invisibility and Oscillation: The Processes of Looking in Eszter Salamon’s Nvsbl}, + author={Royo, Victoria P{\'e}rez}, + journal={TDR/The Drama Review}, + volume={60}, + number={3}, + pages={148-159}, + year={2016}, + publisher={MIT Press} +} +@article{pollermann2006, + title={Unified Model of Cognition, Emotion and Action}, + author={Pollermann, Branka Zei and and Izdebski, K.}, + year={2008}, + journal={Emotions in the Human Voice}, + pages={43-64}, +} +@incollection{cvejic2015disjunctive, + title={Disjunctive Captures of the Body and Movement}, + author={Cveji{\'c}, Bojana}, + 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Norma and Comrada, Bean}, + year={1993}, + publisher={Lidov{\'e} noviny AS} +} +@article{frith2016stab, + title={How the stab of conscience made us really conscious}, + author={Frith, Chris D and Metzinger, Thomas}, + journal={The pragmatic turn: Toward action-oriented views in cognitive science}, + pages={193}, + year={2016} +} +@article{newen20184e, + title={4E cognition: Historical roots, key concepts, and central issues}, + author={Newen, Albert and Gallagher, Shaun and De Bruin, Leon}, + year={2018} +} +@article{malabou2020questionner, + title={Questionner {\guillemotleft}l’intelligence{\guillemotright} des machines}, + author={Malabou, Catherine and Kyrou, Ariel}, + journal={Multitudes}, + number={1}, + pages={134-141}, + year={2020}, + publisher={Cairn/Softwin} +} +@book{pfeifer2006mit, + title={How the body shapes the way we think: a new view of intelligence}, + author={Pfeifer, Rolf and Bongard, Josh}, + year={2006}, + publisher={MIT press} +} +@article{froese2009enactive, + title={Enactive artificial intelligence: Investigating the systemic organization of life and mind}, + author={Froese, Tom and Ziemke, Tom}, + journal={Artificial intelligence}, + volume={173}, + number={3-4}, + pages={466-500}, + year={2009}, + publisher={Elsevier} +} +@article{ramachandran1998phantoms, + title={Phantoms in the brain probing the mysteries of the human mind}, + author={Ramachandran, VS and Blakeslee, Sandra and Dolan, Raymond J}, + journal={Nature}, + volume={396}, + number={6712}, + pages={639-640}, + year={1998}, + publisher={Macmillan Journals London} +} +@book{phelan2003unmarked, + title={Unmarked: The politics of performance}, + author={Phelan, Peggy}, + year={2003}, + publisher={Routledge} +} + +@book{bel2015corps, + title={Le Corps accord{\'e}: Pour une approche raisonn{\'e}e de la sant{\'e} et du soin de soi}, + author={Bel, A.}, + isbn={9782955134801}, + url={https://books.google.fr/books?id=PepCrgEACAAJ}, + year={2015}, + publisher={Le Tilt} +} diff --git a/circu_these_3.txt b/circu_these_3.txt new file mode 100644 index 0000000..2464796 --- /dev/null +++ b/circu_these_3.txt @@ -0,0 +1,1687 @@ +3. Robots sur scène +3.1 Biomechanics 3.2 Faire danser les robots 3.3 Différents +formats et expériences + + +L’état d’art de ce chapitre se concentre sur le lien entre le mouvement du corps +humain, l’appréhension des enjeux que cela engendre pour la robotique puis +l’incorporation ou l’embodiment (citer) acquis à travers la danse, dans le +contexte des spectacles avec des robots [38]–[41]. Dans son livre "La robotique +: une récidive d’Héphaïstos !” [42] Jean-Paul Laumond décrit la controverse +entre la science- dont l’objectif est de déduire” par rapport à la technologie +- préoccupé davantage par le faire ” et les observations empiriques. Pour lui, +la robotique est née de la tension entre ces deux approches contemporaines qui +correspondent à une phénoménologie de la robotique ”, pour citer Laumond, +différente de la robotique inspirée des lois naturelles, regroupés sous le terme +de bio-robotique ”. Néanmoins ces deux disciplines s’inspirent à leur tour de +la physique, de la biologie, des neurosciences, de la psychologie et d’autres +théories complémentaires. Ainsi, la robotique peut être considérée comme un +moyen de comprendre et de mettre en œuvre la complexité du vivant, à travers un +mélange des savoirs-faire et des pratiques. Dans une démarche parallèle, proche +d’une approche sociologique, la complexité du vivant pourrait être appréhendée +aussi par l’art, comme discipline [44] à travers ses intentions spéculatives +et provocatrices ” [43]. L’artiste Simon Penny utilise la dichotomie entre une +forme de savoir qui réside dans l’abstraction et une autre qui réside dans la +réalité concrète du monde [43] pour introduire un concept émergent qu’il a +intitulé la robotique culturelle ”. Ce concept met en avant le lien entre les +robots et les sociétés dans lesquelles ces derniers évoluent. Si dans les +premiers chapitres nous avons pu comprendre le contexte artistique que cette +thèse défend, le suivant chapitre traite du rapport au corps dans la robotique +et les éventuels enjeux que cela soulève. + + + + +3.1 La biomécanique comme façon d’appréhender le corps + + +Le terme biomécanique regroupe la biologie comme science du vivant et la +mécanique comme science physique d’étude du mouvement- entre ses déformations et +ses états d’équilibre. Au sens large, cette discipline étudie la physiologie du +mouvement dans le corps humain avec ses fonctions et ses propriétés respectives. +Des disciplines comme la robotique, la médecine ou le design s’appuient sur des +principes de biomécanique pour mieux construire leurs hypothèses de recherche. +Dans le domaine artistique, les danseurs et les metteurs en scène se sont +également intéressés à la biomécanique pour développer leurs pratiques. + + + + +3.1.1. Meyerhold et son approche sociologique + + + + +La biomécanique a aussi donné nom à une discipline enseignée par le metteur en +scène russe Vsevolod Emilievitch Meyerhold. Cette discipline fait son apparition +au début du XXe siècle et cultive une conscience de soi dans l’espace ainsi +qu’un travail plastique et rythmique de l’acteur. Inspirée entre autres par la +commedia dell’arte et du travail des danseuses Isadora Duncan et Loïe Fuller, +cette méthode d’entraînement physique permet aux acteurs de développer leur +coordination et leur sens du rythme sur le plateau. + + +En comparaison avec d’autres éléments du théâtre, Meyerhold considérait le +mouvement scénique comme un des moyens d’expression les plus puissants. Ainsi +il dirige entre 1914 et 1917, dans son studio à Pétersbourg une série d’études +de pantomime accompagnées au piano. Parmi ces exercices- Les Deux Smeraldina”, +Le poignard” ou La gifle”- reposent sur des activités corporelles comme le +bond ou la chute ainsi que des éléments d’acrobatie avec différents objets liés +à la tradition théâtrale- l’epée, la cape ou la canne. Par ces partitions +rigoureuses, l’acteur est censé comprendre l’importance des différents éléments +du corps les uns par rapport aux autres. Un exemple que Meyerhold citait lors de +ses exercices fait référence à l’importance des détails- quand le petit doigt +bouge, le corps entier doit supporter ce mouvement, pour rendre le petit doigt +visible jusqu’au fond de la salle. La plupart de ces exercices se font en +groupe, même si elles ne requièrent qu’une seule personne pour les pratiquer. +Lorsqu’une personne finit sa pratique, le reste du groupe reprend la totalité de +l’étude une seconde fois, pour enrichir les variations de propositions. Le +poignard” et La gifle” sont deux études qui s’exécutent en paire, pour +travailler la coordination et la précision entre les partenaires. L’élément clé +de la pratique de Meyerhold est ainsi le corps de l’acteur, considéré comme un +matériau à travailler individuellement mais aussi collectivement comme l’affirme +Béatrice Picon-Vallin: Le travail physique de l’acteur, découpé en segments +d’actions précisément délimités dans l’espace et dans le temps se caractérise +encore par un montage de matériaux hétérogènes unifiés par le rythme de l’action +et l’ironie de l’acteur : combinaison de techniques appartenant à différents +métiers du spectacle, de registres vocaux variés, création d’une sorte d’ +acteur collectif ”. Les meilleurs comédiens ont l’équilibre des funambules, le +tronc monté sur ressorts des jongleurs, l’audace des acrobates, le coup de poing +du boxeur, le cri du ventriloque.[a] + + + + +En alternant travail individuel et travail collectif, les acteurs acquièrent des +bases solides d’interaction et une bonne capacité d’adaptation aux formats et +expériences. Comme le souligne Mel Gordon dans son article sur Meyerhold (citer +Gordon[b]), pour le metteur en scène russe la fonction du théâtre est d’abord +sociale afin d’éduquer et de promouvoir la reconstruction socialiste et +scientifique de son pays. Lorsque Stalin s’empare du pouvoir,la plupart des +secteurs de la société soviétique traversent des processus rapides de +collectivisation et d’industrialisation. Les théâtres, puis plus généralement la +culture, perdent progressivement leurs moyens et la liberté d’expression. +D’autres méthodes s’inventent. Le metteur en scène russe voit les troupes de +travailleurs semi-professionnels comme un outil pour éduquer les masses. Pour +améliorer sa formation d’acteurs, il applique des principes ou des méthodologies +scientifiques à la mode dans l’industrie soviétique, à ses fondements +théoriques. Parmi ces méthodologies, le Taylorisme est le résultat des +observations de l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) sur +la gestion scientifique du travail et de la productivité. Au début des années +1910, sa méthode est largement appliquée dans l’industrie, notamment en Europe +et en Russie. Après avoir visité des usinés et examiné leurs chaînes de +production, l’ingénieur est arrivé à la conclusion que les mouvements physiques +des travailleurs influencent le rendement de la production. Lorsqu’il exécute +une tâche répétitive, un travailleur s’engage, souvent sans s’en rendre compte, +dans des mouvements superflus qui diminuent son efficacité. Pour Taylor, il est +question de trouver les mouvements et les gestes les plus efficaces, dans ce +qu’il a appelé une économie du mouvement". Pour faire cela, il a dû prendre en +considération des facteurs comme les rythmes de travail et l’équilibre des +postures. Toujours pour Gordon, les idées de Meyerhold croisent également celles +de la psychologie fonctionnelle- dont le psychologue William James a mis les +bases, ainsi que celles du béhaviorisme. Entre autres James considère la +conscience et ses états transitoires comme directement liés au corps physique, +alors que certains schémas d’activité musculaire suscitent des états émotionnels +équivalents. En Russie à la même époque, des médecins comme Vladimir Bekhterev +ou Ivan Pavlov ont aussi entamé des recherches sur les comportements et le +conditionnement des réflexes humains. Selon eux tout comportement humain peut +s’expliquer par l’histoire des interactions de l’individu avec son +environnement. + + +En s’inspirant de ces observations, Meyerhold les applique à sa méthode +d’entraînement physique des acteurs. Les effets de ce processus sont ressentis +lors des spectacles dont le rythme des acteurs est proche d’une chorégraphie. Si +le décor est souvent inspiré par le courant constructiviste - dont la +philosophie repose sur l’austérité et les motifs non-figuratifs, les +déplacements des acteurs dessinent des parcours géométriques à la façon d’une +danse des motifs. Ces parcours dépendent du nombre pair ou impair des acteurs. +Ils créent des constellations dans l’espace qui donnent aux spectateurs la +sensation d’une mécanisation des processus artistiques. + + +D’une façon avant-gardiste et engagée, Meyerhold a dédié son travail à la lutte +des classes, aux problèmes sociaux, en espérant contribuer à la création d’un +nouveau type humain. Le culte de personnalité et les dérives du régime +totalitaire stalinien ont fait que son théâtre soit fermé en 1938 et le metteur +en scène exécuté en 1940, malgré le fait qu’il soutenait pleinement les idées +communiste. + + + + + + +3.2 Faire danser les robots + + + + +3.2.1 Nouvelles formes de corporéité sur scène Pour comprendre comment mettre +en scène les robots, je commence mon analyse avec les problématiques liées à la +représentation du corps dans les propositions scéniques contemporaines. + + +Une certaine partie de la communauté artistique de la danse semble œuvrer à une +compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et +chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps +ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité avec l’émergence des principes +neuroscientifiques et somatiques. Le livre Disjunctive Captures of the Body and +Movement” (citer Bojana[c]) interroge des formes de corporéité qui défient la +subjectivité pour donner une façon propre d’habiter le corps. Pour cela, Bojana +cite des choreographs tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour +qui la danse est avant tout un lieu d’expérimentation. Elle questionne +l’expérience subjective du mouvement, tout comme des chercheurs comme Stamatia +Portanova qui travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la +danse (citer Stamatia[d]). Dans le chapitre Can objects be processes?”, +Portanova se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du +temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Dans le contexte d’une +monde dominé par les ordinateurs et les sciences computationnelles, elle désigne +le glitch comme facteur perturbateur, capable de transgresser les lois physiques +et de provoquer une faille anachronique: ...the appearance of the new takes the +form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between +past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are +selected in an occasion of experience, in order to determine what the future +occasion will be. Son hypothesis se construit autour du travail de William +Forsythe. Le spectacle One Flat Thing, reproduced (2000) a comme l’objet +Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced” - un site vidéo créé par la +compagnie de danse Forsythe en collaboration l’Université d’Ohio comme outil +unconventional de visualisation des paramètres chorégraphiques. Les paramètres +captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en +lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie - pour explorer sous un +autre ongle les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le +site Synchronous Objects ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori, +malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de +représentation- puisque le temps de la performance est unique dans sa +temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant +dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la +représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère. + + + + +Défis chorégraphiques dans la représentation du corps + + + + +Les œuvres chorégraphiques que Bojana analyse ne remplacent pas les danseurs par +des agents non-humains ou des systèmes numériques comme dans l’étude de +Portanova. En échange, elles mettent en scène le corps comme support physique du +mouvement, à la lisière entre expérience subjective et objective. Bojana insiste +sur la manière dont la relation entre le corps et le mouvement est rendue +impersonnelle, dé-subjectivé, mais aussi dé-objectivé sur la base d’une +perturbation délibérée entre sujet et objet. + + +Pour mieux définir ces concepts, dans son optique la subjectivation traite le +corps comme une source d’expression de soi. Ainsi par le mouvement jaillit +l’envie du corps d’exprimer son expérience émotionnelle intérieure. A l’inverse, +l’objectivation restreint le corps à un simple instrument d’articulation +physique, dont le mouvement se fait en ” et pour ” lui-même. + + +Dès les premières pages de son livre, Bojana nous introduit au concept deleuzien +de reconnaissance où le corps et le mouvement se situent dans des relations +d’interdépendance. L’identité subjective du danseur est reflétée et représentée +dans l’identité objective du mouvement. Cela l’aide à mieux définir un corps en +mouvement et comprendre les facteurs qui facilitent ce processus de symbiose. + + +Déconstruire le corps humain signifie également construire une multiplicité de +corps à partir de ses membres. Par le fait d’éviter l’unification d’une seule +figure reconnaissable dans sa forme et son image, le corps est objectivé. Comme +Bojana le souligne dans son livre, le partitionner pour recomposer ses parties +dans un processus de devenir, laisse apparaître des nouveaux corps différents +et méconnaissables. + + +En ce qui concerne mon contexte particulier de spectacles avec des robots, je +réfléchis aux deux - corps et mouvement - en contrepoids avec la machine. +Lorsque les danseurs réalisent une synthèse entre le corps et le mouvement, les +machines deviennent la structure qui anime un corps hybride en mouvement”. +Cette objectivation opère à plusieurs niveaux, physique et phénoménologique, +avec pour seul indicateur pour l’expressivité humaine. + + + + +Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps +réorganisés, comme un processus perpétuel: + + +Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; +they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a +nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves +to other partial objects. (AO: 46)[e] + + + + +Ces constats, des véritables défis chorégraphiques, ont encouragé Bojana à +regarder de plus prêt les performances qui adressent ces problèmes sur le +plateau. + + +Le spectacle Nvsbl” (2006) d’Ester Salomon met en scène quatre performeuses +gravitant à partir de quatre coins de la scène vers le centre- parcourant 5,5 +mètres pendant une période d’environ 80 minutes. La trajectoire qu’elles +effectuent est si alambiquée et prolongée dans la durée que ni les spectateurs +ni les interprètes n’arrivent à saisir complètement le déplacement dans +l’espace. Alors que les spectateurs peuvent enregistrer la transformation +rétrospectivement - en détournant le regard puis en regardant en arrière pour +vérifier s’il y a eu un avancement - cette expérience reste en dessous du seuil +de perception (Sabisch 2011 : 186). + + +Pour parler de son projet, la chorégraphe cite la critique Peggy Phelan pour +qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement +pendant le temps de la représentation: + + + …Our visual perception therefore does not provide us with a complete picture + or idea of reality. Nevertheless, we use visible reality as an effect of + reality in order to construct our image of reality.” + + +Lors de la création du Nvsbl”, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des +techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre +antérieur. Lors de la représentation, tous les paramètres par lesquels le +mouvement est habituellement perçu et reconnu sont suspendus (citer Bojana). +Aucun élément corporel ne peut être distingué comme initiateur du mouvement, +puisque chaque performeuse est impliquée dans un mouvement perpétuel qui opère à +son intérieur. Les chercheurs (citer Invisibility and Oscillation: The Processes +of Looking in Eszter Salamon’s Nvsbl) évoquent le concept de regard oscillatoire +(oscillating gaze) pour faire référence au mouvement d’attention qui sollicité +le spectateur pour regarder autrement ce que se déploie devant ses yeux. Des +nombreuses parties du corps s’engagent simultanément dans un processus de +dépliage de formes, comme un corps vivant laisse entrevoir son statut d’objet. + + +Un deuxième travail mentionné par Bojana fait référence à la manière de créer +avec des objets et des dispositifs moins technologiques. Elle prend comme +exemple le spectacle It’s in the air” (2008) par Ingvartsen and Jefta +VanDinther dont il est question de réinventer le corps et ses limites dans un +contexte où les lois physiques sont transgressées. Ce spectacle où un homme et +une femme performent sur deux trampolines géantes, s’organise autour de +plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le +corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de +la personne qui subisse le rebond: + + +We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a +trampoline can do for us . . . . By introducing the trampolines as a resistance +to the movement production we force ourselves to reconsider everything we know +about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm +and phrasing. (Ingvartsen and van Dinther 2007: 1) + + +Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre +le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps +mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne +l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon de +Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et +mécanique, en compétition avec la gravité. Sa désubjectivation en relation avec +des trampolines, montre comment des dispositifs techniques moins complexes que +les robots peuvent nous interpeller tout autant. + + + +3.2.2 La corporéité des robots + + +Au cours des dernières décennies, des chercheurs dans différents domaines de la +robotique ont étayé l’importance du mouvement[10] dans la mise en place des +interactions avec les robots. Pour la grande majorité d’entre eux, le contrôle +optimal est le facteur clé pour améliorer tout travail collaboratif homme-robot. +Leur objectif est de générer des commandes motrices adaptées à plusieurs +contextes et contraintes. Certaines études mesurent l’effet de l’imitation sur +le HRI [19] alors que d’autres se concentrent sur l’improvisation et +l’apprentissage par renforcement. A notre échelle, cette recherche-création +s’attache à comprendre comment la perception du mouvement peut augmenter la +complicité avec les systèmes artificiels. De manière large, elle interroge la +façon dont le comportement et le mouvement définissent la capacité d’agence et +l’autonomie des robots- concepts que nous allons aborder dans les prochains +chapitres. + + +Pour programmer [f]des robots qui dansent, il faut trouver des analogies entre +les symboles abstraits des ordinateurs et les signaux physiques des corps en +mouvement. Selon le roboticien Jean-Pierre Laumont, un mouvement est perçu par +les autres dès son achèvement dans l’espace physique (citer livre Laumont). Pour +lui, toute analyse du mouvement humain, traduisible aux robots, se concentre sur +la relation entre l’espace physique et l’espace corporel. Les roboticiens sont +confrontés à ces questions quand ils modélisent un espace physique comme +l’espace opérationnel dans lequel les actions du robot sont exprimées, alors que +l’espace du corps est, pour eux, l’espace de contrôle ou l’espace de +configuration du système robotique considéré. + + +Leur travail se concentre sur la prise en compte des informations cinématiques +d’un mouvement tout comme sur les informations dynamiques - par exemple les +forces de contact avec l’environnement lors d’un mouvement. La dynamique permet +entre autres, de contrôler la stabilité du robot pour générer des mouvements +fluides et sûrs. Comparativement à la biomécanique, qui permet d’affiner +l’interaction du corps humain avec son environnement, la dynamique est un +critère important pour observer la qualité d’un mouvement et mesurer sa +performance. Ainsi les humains, comme les animaux, utilisent des forces de +contact pour générer du mouvement et se tenir debout face à la gravité. Pour +cela, ils effectuent des tâches complexes où ils adaptent leur corps à +l’environnement de façon spontanée. La communauté scientifique à formalisé cette +propriété innée dans la théorie des primitives de mouvement dynamique (en +anglais Dynamic Movement Primitives ou DMP). + +Pour programmer des mouvements similaires à une danse, il faut les décomposer +dans une séquence de mouvements élémentaires, basée à son tour sur des +primitives de mouvements dynamiques. Lorsqu’il s’agit de modéliser les processus +psycho-somatiques ou les émotions qui déterminent une danse, les choses +deviennent en général compliquées. Des avancées en neurosciences s’intéressent à +ce type de défis (citer études). +À cet égard, chaque mouvement peut être modélisé sous la forme d’une équation +mathématique qui respecte les lois physiques. Cette équation est à son tour +traduite en langage de programmation. Des modèles mathématiques sous-jacents à +l’analyse de la dynamique du mouvement humain correspondent à des modèles +descriptifs basés sur une multitude de variables mécaniques. Dans ce sens, les +équations de mouvement ont une terminologie spécifique, selon leur domaine +d’utilisation. De façon générale, elles décrivent le mouvement d’un objet +physique selon les lois de la mécanique newtonienne.[g] Ce mouvement peut être +représenté sous la forme de coordonnées sphériques, cylindriques ou +cartésiennes. Il comprend l’accélération de l’objet en fonction de sa position, +de sa vitesse, de sa masse et les variables connexes. Selon Laumond, en +robotique une équation de mouvement est définie comme un moyen de comprendre la +relation qui varie entre le temps pour un mouvement spécifique, le moment des +forces appliquées sur l’environnement et les forces générées par les muscles et +transmises par couples articulaires. + + +Pour les humains, la capacité de combiner et d’adapter des unités de mouvement +de base en tâches complexes, se produit par la coordination entre des muscles et +des articulations. Puisque le corps humain dispose d’approximativement 700 +muscles, 360 articulations et 206 os (citer livre Tozsten), le même mouvement +peut être réalisé en activant différentes parties du corps. Définir le mouvement +à partir des multiples stratégies possibles dévient encore plus compliqué +lorsque nous prenons en compte la spécificité de chaque individu. Cette +spécificité est souvent observée lors des séances d’éducation somatique où +l’intuition et le ressenti du praticien comptent plus que les statistiques et +les équations mathématiques. Néanmoins une fois une hypothèse émise, elle doit +être vérifiée scientifiquement pour pouvoir être validée et acceptée par la +communauté scientifique. C’est en cela qu’un travail intuitif et instinctif en +danse contemporaine est parfois difficilement transposée en robotique. + + +En fonction des mesures disponibles et de la partie du corps qui initie le +mouvement humain, différentes approches peuvent être envisagées. Certaines +études [12, 13] se concentrent seulement sur le mouvement des extrémités ou du +torse, ce que correspond au task-space ou l’espace des tâches en robotique [11]. +En effet, la plus grande partie du corps humain est le torse; représentant en +moyenne 43 % du poids corporel total alors que les cuisses, le bas des jambes et +les pieds constituent les 37% restants du poids total - suivis par les membres +supérieurs (13%) et la tête et le cou (7%) (citer Tzeren). Une approche plus +pratique est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse +capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système +musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données +expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps +réel dépend de la fréquence d’enregistrement. Les roboticiens utilisent des +techniques de Motion Capture [h]combinées à des technologies comme le Learning +from Paradigme [112] qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la +cinématique inverse ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la +dynamique inversée de l’espace opérationnel [113] (OSID). L’objectif de ces +technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul +optimal. Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des +robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et +se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements +synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et +l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le +tempo, ce qui ne lui laisse que très peu de possibilités d’improvisation. De +plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à +exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent +en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur +humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les +technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS, l’artiste peut se +connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en +temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler +le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques +basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du +mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement +inspirer la communauté artistique. En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 +minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain a embrassé +l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID +développé par LAAS. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- +peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon +devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de +reconnaître un vieil ami. Une fois interpellé, le robot a attendu quelques +secondes -probablement dû à un délai de temps de traitement de l’information- +avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur +projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et +finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de +l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée +et conscience, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé +pour répondre à un comportement spécifique. Dans [114] Nakaoka et al. avancent +l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une "technologie de +contenu" innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de +personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques +ont été combinés avec le feedback des utilisateurs quotidiens afin de mieux +comprendre leurs attentes. Dans ce sens, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin +de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, +en utilisant l’interface Choréonoïde pour programmer ses mouvements. Tout en +mettant en œuvre les mouvements de danse d’un chorégraphe très connu apprécié +par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités de +mouvement propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux +contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant +avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées +et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la +perfection un humain. Je suis loin de mes intuitions concernant la spécificité +des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront +à étudier de plus prêt ce phénomène. Dans Les corps multiples d’une machine +performative ” [45] Louis Philippe Demers utilise le terme de machine +performative ” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une +saveur de vivacité ”. Pour lui, les expérimentations artistiques [46] avec les +robots sont des exemples réussies d’incorporation, grâce aux concepts comme le +body- schema ” [48]– [50] pour mieux implémenter dans les robots les +fonctionnalités du vivant. Sa vision de l’incorporation [51]–[54] ouvre de +nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art +hybride. Dans la même idée, d’autres chercheurs affirment que le comportement +est le facteur le plus important dans l’avancement de la robotique [19]. Cela +nous amène, à notre tour, à considérer le rôle des émotions dans la constitution +d’un comportement. Dans mon contexte particulier de la danse, analyser les +changements dans la conception et la configuration des projets d’art robotique, +m’aide à mieux comprendre les possibilités d’interaction physique lors d’une +performance live. HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. +Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en +œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de +classification hybrides multimodaux [136] et de l’apprentissage robotique +interactif. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de +nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par +l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix +binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. De tels rôles +peuvent être modulés comme dans [137], [138]. Au lieu d’exécuter des mouvements +préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de +l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux +espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet [139] pourraient +également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un +seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. +Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement +des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des +améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent +l’apprentissage par renforcement [140] sont actuellement en cours de +développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux +et comportements afférents[141], tout en interagissant avec les humains. + + + + +3.3 Différents formats de présentation Les projets artistiques avec des robots +visent des interactions multimodales. Sur scène, ces interactions privilégient +un contact physique avec des humains, facilité par des gestes, de la voix ou du +toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de +rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années +1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition +sur la scène artistique: l’Art Robotique. Initialement motivées par des rêves +personnels en lien avec des défis scientifiques, les premiers projets +artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les +automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à +leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Pour +cette synthèse, je vais donc commencer par les dispositifs maladroits des +années 1980, suivis par les expériences bioniques avec des exosquelettes une +décennie plus tard et les bras robotiques industriels en parallèle avec les +humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près +l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique, +qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour +élargir et questionner ses directions. A ce stade de mon état d’art, il me +paraît intéressant de proposer une analyse globale du rôle de l’art robotique +dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation +avec les machines. Cela me semble également intéressant d’investiguer dans +quelle mesure cet art peut devenir un miroir pour refléter des spéculations +transhumanistes, selon sa réception dans l’espace publique et les médias. +Lorsque nous regardons la littérature contemporaine (citer art) des roboticiens, +des artistes et des neuroscientifiques sont en cours d’établir les prémisses +d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, +afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres sélectionnées +informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout +en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis +presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences +traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une +meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. Si +la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots +sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans +notre vie quotidienne et nos cultures. La technologie est essentielle pour +définir ce que les humains sont, du moins dans notre tradition occidentale, où +la convergence entre l’homme et la machine est à la fois séduisante et +repoussante. En contrepartie, la culture japonaise entretient une certaine +distance avec la technologie, expliquant pourquoi les robots sont moins +problématiques ” là-bas, et comment ils ont été apprivoisés ” (citer) avant +d’être intégrés dans la société. Ce qui m’intéresse, en observant différents +formats et expériences artistiques, est de comprendre comment les robots +pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée ”, avant leur +industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. Cette +sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien +avec la scène. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la +littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les +défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. A ma +connaissance, il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la +manière dont l’Art Robotique doit être évaluée, cette synthèse s’appuie donc sur +des méthodes quantitatives utilisées dans les études existantes [19], [20] et +est complété par les retours artistiques des auteurs ou les archives des +processus de création et de réception. Le format des œuvres peut aller des +sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et +improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont +mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé rajouter également les +apparitions dans le média où des robots se présentent en tant que maîtres +spirituels ou artistes qui prônent un autre type de culture de divertissement +(citer), afin de voir comment le rapport à la scène est influencé par ce format. +De cette manière une caractéristique importante de cet étude, repose sur +l’hypothèse que les interactions homme-robot au contact rapproché [13], [14], +c’est-à-dire l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques [15]–[18], peut +améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs +non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus +d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est +ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ” +ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des +robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs +qui ont influencé le développement de l’Art Robotique. Pour argumenter ce +processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans +lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la +façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres +sélectionnées a facilité des découvertes en robotique sociale. Puisque les +projets artistiques impliquant les robots ont été soumis à des contraintes +technologiques (i.e. choix de matériaux influençant le message de l’œuvre +d’art), je regarde comment ceux-ci sont considérés tout au long des processus de +création et comment ils ont été mis en scène.[i] + + +3.3.1 Comment les robots sont apparus Lorsque nous pensons à des robots, nous +imaginons des dispositifs intelligents, autonomes du point de vue de +l’alimentation, programmés pour ressentir ” et interagir ” avec nous et +l’environnement [21]. En contrepoids, l’art veut faciliter l’accès à la +dimension sensorielle de notre existence. Pour faire cela, les artistes misent +sur l’affect (voir les sentiments du public) à travers une manipulation +astucieuse de qualités tangibles ” [22 citation penny anglais]. D’une manière +prédictible, la définition de chaque terme est soumise à des évolutions +permanentes, prouvant leur importance dans les préoccupations courantes de notre +société. Interroger ces transformations dans le contexte de l’Art Robotique, +aide à déterminer leur caractère dans les prochaines années. + + +Pas si loin du monde de l’art, la fascination pour des artefacts et des machines +qui pourraient éventuellement devenir "vivants", a longtemps peuplé les rêves +des humains. Quelques-uns de ces artefacts- les automates- ont été identifiés +par des chercheurs [23], [21] comme vecteurs du développement technologique de +nos sociétés. La définition du terme Automata sous-entend l’existence des +dispositifs mécaniques qui se déplacent de manière autonome sans être +directement manipulés par des humains. Remontant l’histoire pour identifier +leurs origines, nous remarquons l’existence d’appareils mécaniques mobiles +autonomes à Alexandrie vers le IVe siècle av. J.-C. [21] ainsi l’utilisation des + gardiens robotiques automatisés ” en bois, conçus à l’époque du roi indien +Ajatasatru de Magadha un siècle plus tard [21]. Quelque temps plus tard, le +polymathe Ismail al-Jazari - suronmé "le père de la robotique" parmi les +roboticiens d’aujourd’hui - a construit plusieurs automates humanoïdes pendant +la période islamique du XIIIe siècle. Trois siècles plus tard Léonard de Vinci +aurait présenté à la cour de Milan son chevalier mécanique. Dès le XVIIIe +siècle, Jacques de Vaucanson présente lors des salons et des expositions +privées, des inventions comme son célèbre "joueur de flûte" avec des poumons +artificiels, ainsi que un canard qui pouvait manger, déféquer et flotter sur +l’eau [23] comme son double animal ” [24]. Selon [25] et [24], Vaucason aurait +même été mandaté par le roi Louis XV pour construire secrètement un androïde de +taille humaine vraisemblable dans les plus petits détails à des fonctions +biologiques du corps humain - respiration, circulation, digestion, mouvement. +Compte tenu des limitations techniques et matérielles de cette période, ce +projet a malheureusement dû échouer. Vers la même époque, Wolfgang von Kempelen +trompe son public en cachant un vrai humain dans son automate joueur d’échecs +appelé Le Turc", en invitant les nobles à défier les capacités +intellectuelles ” de sa machine. Un siècle plus tard, des inventions pratiques +comme le phonographe ou le Cinématographe des frères Lumière confirment +l’intérêt des spectateurs pour un goût du spectacle inspiré par la science, +mettant en avant des machines ressemblant à des humains et éventuellement des +robots. L’histoire de la robotique est étroitement liée à celle d’art [26], la +sculpture anthropomorphe et la marionnette influençant la robotique plus que le +design des ordinateurs. La différence entre les automates et les robots sociaux, +indépendamment de leur utilisation ou de leur forme, est que les premiers sont +des artefacts uniques, créés à la main ” [27] alors que les derniers sont +produits en masse, de façon automatisée. + + +Gakutensoku, une nouvelle race ? Au début du XXe siècle, l’écrivain tchèque +Karel Capek écrit R.U.R.- Rossumovi Univerzalni Roboti (Les Robots Universels de +Rossum) - une pièce de théâtre sur des créatures artificielles travaillant en +usine. Ces créatures appelées "roboti" étaient facilement confondus avec les +humains en raison de leur forme et de leurs capacités. Conçus pour remplacer le +travail humain, ils apparaissent capables de réfléchir par eux-mêmes. D’abord +heureux de travailler pour les humains, ils finissent par prendre conscience de +leur état et décident de se rebeller contre les humains. Puisque cela peut +potentiellement provoquer leur propre extinction [28], ils changent de +perspective et décident de sauver l’avenir de l’humanité. Le texte gagne +rapidement en notoriété et est traduit dans plus de trente langues à la fin du +1923 [27]. Le terme robot ” [29] est désormais employé pour désigner des +androïdes et des automates ("robota" signifiant travail forcé ” en tchèque). +Le nom du créateur des robots - Rossum [30] - pourrait renvoyer au mot tchèque +rozum ” signifiant raison ”, sagesse ” ou "bon sens" [31]. Dans cette +interprétation, les créatures de Capek correspondaient à des serfs apportent +la raison aux humains ”. Aujourd’hui seulement le terme robot ” [32], [26] +désigne ce que nous appelons des machines programmables autonomes. Leurs +applications se sont diversifiées[33], [34] (impactant des domaines comme la +médecine, l’aéronautique, le militaire) et notre interaction avec les robots et +leur impact à long terme sur nos vies [4] est en pleine expansion [35]. R.U.R. a +été diffusé dans le monde entier et a conduit à différentes réactions parmi ses +spectateurs. Au Japon, le spectacle a été présenté en 1924 sous le titre de +Jinzo Ningen ” (Homme Artificiel)[36]. Quatre ans plus tard, Makoto Nishimura- +un biologiste marin sans aucune connaissance préalable en mécanique ni en +ingénierie - a décidé de construire de toutes pièces une créature autonome +équivalente, qu’il a nommée Gakutensoku ” . Ce terme traduit par apprendre +des règles de nature ” vient en réponse aux médias de l’époque où les machines +sont dépeintes comme des "serviteurs" des humains. Ainsi naît le premier robot +fabriqué au Japon, selon son créateur "le premier membre d’une nouvelle espèce, +dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine en +élargissant nos horizons intellectuels ” [37]. A partir de ce premier exemple, +c’est intéressant d’imaginer comment les robots pourraient devenir un jour une +race à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de conscience +artificielle”. Cette thèse traite des exemples qui apportent les pour” et les +contre” d’une telle projection, avec l’art comme terrain idéal +d’expérimentations. + + +3.3.2 L’Art Robotique du début de XXème siècle à nos jours Avant les années 2000 +Au début du 20ème siècle, les artistes se sont intéressés à la cinétique et les +sculptures en mouvement. Après les machines de Jean Tinguely [26] et de Marcel +Duchamps, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’oeuvre Robot K-456 (1964) - +probablement le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique. +Son nom vient de l’œuvre de Mozart Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si +bémol majeur ”, témoignant des liens entre la musique et la robotique. Ce +prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par +Shuya Abe [55] pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New +York. Lors de son apparition publique, le robot K-456 a marché dans les rues de +New York pour diffuser l’enregistrement du discours du président John F. +Kennedy. Il a également été impliqué dans une série d’actions type happenings, +comme celle dans laquelle il fait semblant de déféquer devant des passants. Plus +tard, dévenu célebre par à son utilisation de la vidéo et des médias de +l’époque, Paik crée une oeuvre où Merce Cunningham est dedoublé en train de +dancer sur des fonds de couleur qui alternent entre bleu, blanc et transparent. +Cette œuvre intitulée Merce by Merce by Paik (1973) confirme les intuitions de +l’artiste quant à l’impact des moyens technologiques sur la perception humaine. +Ainsi il nous fait perdre le focus de la perception du mouvement dansé, en +jouant avec l’environnement qui contient le danseur (citer Stamatia). Le projet +K-456 reste toujours en cours et vingt ans plus tard, le robot prend part à une +simulation d’accident intitulée La première catastrophe du 21e siècle ”. Cette +fois une voiture conduite par l’artiste Bill Anastasi [56] lui rentre dedans en +traversant la route. Dans ce premier exemple, nous soulignons l’intention de +l’artiste de provoquer des interactions physiques et de donner l’illusion des +processus physiologiques propres au robot, similaire au Canard de Vaucanson. Les +spectateurs de cette performance assistent à une rencontre entre deux machines +où un robot actionné par un humain (la voiture) heurte un autre. Leur rencontre +conduit à la destruction du premier, projetant, sans probablement vouloir, une +relation de confrontation entre les humains et les robots, avec des robots qui +combattent pour dominer la race humaine. Ce scénario menaçant des robots +destructifs a été réitéré tout au long des années suivantes. Lors des +représentations données par Survival Research Laboratories, des machines souvent +à grande échelle rivalisent pour s’entre-détruire [26], [57]. A la même époque, +les artistes Bill Vorn et Louis Philippe Demers dépeignaient les robots comme +des animaux sauvages se contestant un cube de métal (qui représente un morceau +de viande) dans Au bord du chaos ” (1995). Dans sa performance "A- positif ” +(1997) [58] Eduardo Kak est littéralement connecté à un robot, à travers une +aiguille intraveineuse qui transfuse son propre sang à la machine, afin +d’allumer avec l’oxygène du liquide[28] la flamme d’un dispositif électronique. +L’acte pourrait être interprété comme une métaphore pour alimenter la machine, +la nourrir. Cela peut aussi signifier une tentative de le rendre humain, voir +comment sa réalité physique peut ou pas transgresser les lois biologiques du +vivant. Cette association de sang et de métal, du vivant et de l’artificiel, à +son l’origine dans la littérature du début de 19e siècle alors que des écrivains +comme Mary Shelley, préconisent ce que les chercheurs ont depuis identifié comme +le syndrome de Frankenstein ” [8], [59]. En analysant les facteurs [10] qui +influencent l’acceptation des robots humanoïdes, les chercheurs travaillent pour +mieux expliquer nos attentes envers ceux-ci. De façon similaire, plusieurs films +[11], [60] mettent en scène des humains artificiels et des études sociologiques +[61], [62] pour examiner comment l’attitude envers ces robots est influencée par +leur antériorité et popularité dans le média. Bien que certains artistes +expulsent des pulsions morbides dans leurs projets d’art robotique, d’autres se +concentrent sur des émotions moins destructrices. Une approche originale est +d’utiliser l’ennui et l’épuisement comme forme de résistance face aux capacités +infinies de la machine. L’œuvre Helpless Robot" de Norman White (1987) [63] est +un exemple. Après presque un décennie des recherches, il developpe des robots +capables de ce qu’il définit comme de "la santé mentale artificielle" et dans +une certaine mesure des robots antisociaux ” [28]. Avec le sentiment de +l’ennui comme point de départ, il a créé un robot qui suivait les gens présents +à sa performance. Ce robot soupirait de temps en temps et s’arrêtait lorsque +quelqu’un lui donnait trop d’instructions. La prochaine version est un tronc +pyramidal d’environ 2m de haut, conscient de son propre mouvement et du +mouvement autour de lui. Ce robot s’arrêtait puis demandait aux visiteurs de le +tourner, étant capable d’exprimer pas moins de 512 instructions vocales [26]. +Après qu’un humain répondait à sa requête, il se plaignait en disant que le +virage devrait être plus précis, obligeant le visiteur à le retoucher, afin +d’ajuster son emplacement encore et encore. Il est important de noter que +l’interaction physique entre le robot et l’utilisateur est initiée dans ce cas +par le robot. D’autres expérimentations artistiques, comme par exemple Heart +Robot ” de David McGoran (2008) décrit dans les pages suivantes, s’appuient sur +un constat similaire. Les robots qui demandent de l’aide à des humains [64], +ont plus de chances d’engager un contact physique avec eux et peut-être d’être +acceptés ” dans la société. Plus tard, Norman White participe à une +collaboration avec sa collègue artiste Laura Kikuka. L’œuvre, intitulée Them +fucking robots ” (1988) [63], met en place une performance live où deux robots +-mâle et femelle- simulent une relation sexuelle avec des voix enregistrées, des +pistons et des fluides mécaniques pour caricaturer une forme de copulation +biologique. Les deux artistes se sont mis d’accord sur leurs artefactes sans se +voir et n’ont convenu en amont que sur certaines spécifications techniques 10 +comme la dimension de leur robots. Je note ici l’utilisation du thème de la +sexualité comme prétexte pour provoquer et éventuellement amuser le public. Les +robots n’exprimant ni des traits humains érotiques, ni de la séduction. Le titre +de la performance est proche d’un "jeu de mots dénonçant un cri de sectarisme +contre une minorité déjà détestée” [28]. Même type de promiscuité chez Marcel Li +Antunez Roca dont le premier travail intitulé Epizoo ”(1994), met en scène +l’interprète qui à la discrétion des spectateurs son propre corps. Ainsi son +nez, ses fesses, ses pectoraux, sa bouche ou ses oreilles sont contrôlés en live +sur le plateau, via un exosquelette pneumatique. Vêtue uniquement d’un string, +Roca se tient debout sur la plateforme circulaire tournante de sa performance, +tel un cobaye. Pendant ce temps son corps et ainsi les quelques éléments +scéniques (lumière, son) sont contrôlés avec une souris par les spectateurs. De +même, en utilisant les écrans d’ordinateurs, des parties de son corps nu +seraient rassemblées dans une imagerie fétichiste. Cela conduit finalement au +développement d’un des concepts clés de Roca - "la méta-membrane [65] ” par +laquelle l’artiste est transformé en une interface entre l’œuvre d’art et son +public, grace à la technologie. Membres d’une scène artistique émergente qui +veut couper les traditions, afin d’y établir un nouveau courant, Antunez Roca et +Kac résument leurs idées dans un manifeste [66] où ils déclarent entre autres +que "les microprocesseurs sont aussi importants dans l’art robotique que les +brosses, peinture, et les toiles sont en peinture ”. Faisant référence à ces +projets artistiques, Dixon emploie les termes de "camp art" et de "performances +métalliques" pour définir une sub-catégorie de l’Art Robotique spécifique des +années 80 et 90, où la chair et la mécanique se mélangent dans des associations +kitsch. Ces œuvres d’art provocatrices et parfois violentes soutiennent que +"l’humanisation des machines et la déshumanisation des humains ” sont +implacables, avant de prôner un retour à la nature salvatrice [28]. C’est +important de noter qu’à ce stade de l’expérimentation, la fascination humaine +pour la technologie est étroitement liée à un sentiment indéfini d’impuissance +traduit par la moquerie, la promiscuité ou la violence. Une tentative de +transformer ces peurs et fascinations” [28] en quelque chose de plus +métaphysique, mais toujours soucieux de la rencontre entre le corps humain et la +machine, l’œuvre Petit Mal ”(1995) de Simon Penny met en scène un robot +complètement autonome. Ce robot va sentir et explorer son espace tout en +suscitant des réactions ludiques chez les visiteurs [67]. L’objectif de Penny +est de donner l’impression d’une intelligence et d’un comportement spécifiques +qui ne sont ni anthropomorphes ni zoomorphes, mais propre à sa forme physique +et nature électronique ” [44]. Cela donnait aussi l’impression d’être plus +intelligent qu’il ne l’était en réalité. L’artiste a créé un robot capable +d’imiter le comportement humain, soulignant l’importance de ce qu’il définit +comme "un mimesis dynamique" - le robot se déplaçant comme les humains, sans +avoir réellement une forme humaine. Sur son site, Penny décrit Petit Mal" comme +un "anti- robot ”dotée d’une autonomie d’environ 12 heures, ce qui représente +beaucoup compte tenu de l’époque de sa construction. Pour le construire, +l’artiste utilise le modèle d’un double pendule comme générateur de mouvement +auquel il rajoute des mouvements hésitants et des petits gestes pour renforcer +l’idée d’autonomie et de libre arbitre. Penny remarque également que parmi tous +les utilisateurs, les jeunes enfants seraient extrêmement curieux de le +connaître, tandis que les adolescents agissent de façon indifférente [67]. Dans +une autre approche, l’artiste japonais Momoyo Torimitsu performe Miyata Jiro ” +(1997) dans les rues de New York [68]. Habillée en infirmière, l’artiste assiste +un robot humain réaliste représentant un d’homme d’affaires. Ce qui choque les +passants est que le robot rampe sur son ventre tandis que l’infirmière le suit +pour remplacer de temps en temps les batteries qui l’alimentent - pour +l’anecdote des batteries de motocyclette stockées dans les fesses du robot. Ce +robot basique a un mécanisme de déplacement assez simple mais à cause de son +apparence réaliste, provoque un sentiment de mal à l’aise en sa présence [69]. +Encore une fois, l’interaction physique robot-performer est facilitée par la +mise en scène du robot dans une position de vulnérabilité par rapport à +l’humain. Cette fois le message artistique s’adresse aux humains, qui par leur +addiction au travail, s’automatisent”. Pareil aux exemples de "Robot K-456" ou +"Petit Mal", je souligne la présence du robot dans les rues, dans l’espace +public, à la place des musées (où le robot serait davantage contemplé) ou du +laboratoire (où le robot serait un simple outil de recherche pour des tâches +industrielles). Des champs comme la "robotique située" [70] se concentrent sur +la façon dont les robots sont perçues dans des environnements complexes. En +comparaison avec un laboratoire, la personne qui interagit avec le robot dans +une école ou un hôpital ne remarquera pas ses limites techniques, étant plus +préoccupée par les indices de son comportement social. + + +Première décennie du XXIe siècle Autour de la première décennie du 21e siècle, +des chercheurs avancent l’hypothèse qu’environ 55% de la communication humaine +est basée sur du comportement non-verbal [71]. Bientôt, les artistes deviennent +intéressés par les robots et les machines qui "s’expriment" à travers des +mouvements et des gestes à la place des signaux sonores. Comme mentionné +précédemment, "Heart Robot" (2008) marque une transition dans la façon dont les +robots sont présentés dans l’espace publique. Cette fois, les machines bruyantes +et métalliques sont remplacées par une petite marionnette hybride capable de +toucher et être touchée. Marionnettiste lui-même ainsi que roboticien, Goran met +au défi la perception culturelle des robots grace aux émotions artificielles et +à l’intelligence sociale. Son robot ne peut pas marcher mais présente une forme +de respiration simulée, du pouls avec un affichage LED type "cœur" sur sa +poitrine et des clignotements. Ses yeux fonctionnent en quatre modes : endormi, +somnolent, éveillé et surpris. Ses mains ont trois doigts et un pouce pour +saisir d’ autres mains. Somme toute, cette créature assez fragile, de la taille +d’un enfant, s’oppose à l’image des robots puissants de la littérature de +Science Fiction. Il simule la respiration pour exprimer un état émotionnel +détendu. Les résultats de [20] montrent comment dans une certaine mesure, la +mise en œuvre des capacités de toucher dans les interactions avec les robots a +un potentiel thérapeutique sur les humains. Goran a présenté "Heart Robot ” lors +de foires et d’événements culturels non liés à la robotique. La plupart des +utilisateurs adultes qui l’ont touche ou tenu dans leurs bras ont ressenti un +certain sentiment d’empathie [72] pour lui. Cependant, certains enfants et +adolescents ont manifesté des réactions agressives et un enfant a donné un coup +de poing au robot en face, pour voir comment il réagirait [64]. Cet exemple, +plutôt une exception dans l’accueil du "Heart Robot", prouve que la fascination +des humains pour les robots pourrait être enracinée dans un sentiment ambivalent +de peur et d’admiration généré par nos propres limites et projections en tant +qu’espèce, face à une potentielle autre. Pour revenir au robot Gakutensoku créé +par Nishimura, il est important de se rappeler que cela dépend surtout de nous, +humains, si les robots réfutent nos peurs les plus profondes, ou simplement les +confirment. J’ai mentionné la peur et l’effet d’étrangeté [69] que la présence +des robots peut avoir sur nous. J’aimerais donc par la suite analyser le travail +de Hiroshi Ishiguro avec l’œuvre "Telenoid R1" (2010). Professeur d’université +et chercheur sur des robots humanoïdes hyper-réalistes, il est le créateur de +"Geminoid HI" (2006)15- un androïde copie identique de lui-même [73]. L’objectif +de la recherche d’Ishiguro est d’enseigner l’expérience humaine aux androïdes. +Par ce projet présenté lors du Festival Ars Electronica, il a conçu un robot +téléopéré de petite taille, sans membres et qui pouvait manifester son +engagement qu’à travers des mimiques et du retour vocal. En comparaison avec +Heart Robot" il a provoqué des réactions distinctes. Puisqu’il était piloté par +un opérateur humain, ce robot a été capable de passer d’une langue à l’autre +très rapidement, donnant l’impression d’être un "fantôme dans la machine" - +concept expliqué dans [74] comme indépendant de la machine elle-même (plutôt un +produit de l’influence des machines sur l’environnement). Cela peut aussi +rappeler en quelque sorte des robots de proximité de Demers [46] et de son +intention de rendre crédibles des agents peu crédibles. Plus probablement les +démonstrations d’élocution ou d’adaptabilité des robots motivent peu les +interactions physiques des spectateurs. La peur de l’humain d’être contrôlé par +un robot surpuissant augmente au fur et à mesure que le robot exprime plus +d’agence et d’autonomie. Cependant dans un étude avec des personnes âgées [75], +des chercheurs de l’équipe d’Ishiguro ont remarqué qu’en étreignant spontanément +Telenoid R1, les humains éprouvent de la sympathie pour lui. Toujours selon +l’article, cela peut éventuellement s’expliquer par le fait que les personnes +âgées ignorent le sens du concept de robot télé-opéré. De façon similaire, +d’autres robots d’Ishiguro ont participé à des projets de théâtre lors des +collaborations avec le metteur en scène Oriza Hirata [76]. Sur scène l’accent +est mis sur l’intrigue narrative donc les robots jouent leur propre rôle [77] et +ils sont acceptés ” dans leur singularité. L’effet d’étrangeté diminue par +conséquence. + + + +Pour aller plus loin sur ces considérations, le chercheur Guy Hoffman introduit +le concept "d’étrangeté sociale" [78] en relation avec les robots sociaux et +leur compagnie. Selon lui, les robots de compagnie peuvent déclencher des +troubles psychologiques importants, selon la fragilité et le profil émotionnel +des usagers. Dans ce contexte, les conventions scéniques peuvent devenir +l’environnement approprié pour que l’intelligence des robots exerce sans +contraintes sa spécificité. + +Parmi les formes performatives, la danse est celle qui exige beaucoup de contact +physique. Nous avons vu plus haut comment les paradigmes liés à la +représentation du corps en mouvement impactent les nouvelles créations +scéniques. A la fin des années 1960, des chorégraphes comme Deborah Hay, Steve +Paxton ou Lucinda Childs ont collaboré avec les experts en informatique des Bell +Labs, pour danser avec des machines pendant les événements E.A.T. (Expériences +en art et technologie). Presque à la même époque, Merce Cunningham utilisait +l’ordinateur pour créer des outils chorégraphiques [79] qui génèrent des +mouvements artificiels. Plus récemment, avec le développement des robots +industriels, les chorégraphes ont commencé à les inviter sur scène. Cela a +motivé les chercheurs à améliorer encore plus leur mouvement et capacités [80] +d’adaptation. Parmi les pionniers des projets de la danse robotique, j’aimerais +mentionner deux artistes qui ont choisi de mettre des machines +non-anthropomorphes sur scène. Le premier est la performance Sans objet ” +(2009) d’Aurélien Bory, où deux danseurs impressionnants par leur précision, +exécutent des acrobaties sur un bras industriel de General Motors [83]. Face à +la taille du robot, ils ressembleraient à des insectes qui sautaient sur une +branche d’arbre. A l’opposé la série Actor # ” (2008-2010) de Kris Verdonk +[81], [82] présente le spectacle Dancer #3 ” où la scène est vide, à +l’exception d’un petit robot maladroit qui a du mal à se tenir débout. Chaque +fois il retombe, sans jamais céder à son objectif, endurant inlassablement ce +processus d’essais et d’erreurs. Comme la séquence se répète, des bips sonores +choisis par Verdonk donnent l’impression d’une voix avec des soupirs de la part +du robot. Les spectateurs projettent une attitude empathique envers lui, comme +ils le font probablement avec les danseurs de Bory- bien que ceux-ci se mettent +en danger pour escalader le bras robotique. Certaines questions importantes +autour de l’automatisme et de l’autonomie émergent de ces deux exemples. Que se +passerait-il si le petit robot abandonne ” ses essais ? Ou si le robot géant +décidait de secouer les humains qui pendent dessus ? Pourquoi le manque de +maîtrise du deuxième robot impressionne tout autant que la précision des +danseurs du premier exemple? Probablement parce-qu’un corps non-humain en +mouvement + +La persévérance d’un robot dans sa maladresse ou sa précision et endurance +élevées (qui sont évidemment des comportements pré-programmés ) sont à l’opposé +d’une figure humaine imparfaite qui vacille dans son indécision et incertitude. + + +Fascinées par la haute précision et la froideur automatique ” des robots +industriels, des chorégraphes émergents comme le Finlandais Thomas Freundlich, +la Britannique Merritt Moore ou l’Américaine Catie Cuan continuent de défier +leur potentiel créatif sur scène. Parmi d’autres, le travail du chorégraphe +taïwanais Huang Li, intitulé Huang Yi & KUKA” impressionne par sa délicatesse +et sa puissance. Le l’artiste a mis plusieurs années à s’habituer à la +programmation d’un bras KUKA par lui-même [84]. La performance qu’il propose a +eu plusieurs versions depuis 2012, une seule minute de chorégraphie du robot +nécessitant 10 à 20 heures de programmation. Sur une musique classique de Joshua +Roman, l’homme et la machine interchangent des rôles. À la fois, le robot +manipule complètement le corps de l’interprète, en le touchant tendrement. La +fluidité de ses mouvements illustre les progrès réalisés par l’industrie +robotique des dernières années. Encore une fois, il paraît que les machines +peuvent exprimer tout leur potentiel sur scène, là où la rencontre avec les +humains est libérée du contexte productif de l’industrie. Pour souligner cette +observation, je m’appuie sur le commentaire de Bory concernant son propre +travail, pour qui un robot industriel hors de son contexte devient aussi +inutile comme tout geste artistique devrait l’être ” citer Bory. Ceci est +valable dans d’autres disciplines artistiques, par exemple en musique. Pour +appuyer cela je mentionne Shimon live impro jazz performance ” (2009) de Guy +Hoffman. Ici la machine est extraite de son contexte industriel et conçue +exclusivement pour un jam d’improvisation jazz. Shimon est un robot-joueur de +marimba capable d’improviser, conçu par Hoffman qui est lui-même musicien. Le +chercheur a utilisé une approche gestuelle pour son expression musicale, avec +des alternances entre des mouvements lents et rapides, des gestes grands et +petits pour travailler sa virtuosité. Comme dans la danse, chaque geste est +divisé en plusieurs phases qui se succèdent [85]. Pour modéliser les imprévus du +temps réel et faciliter des moments synchronisés non scénarisés lorsqu’ils +jouent ensemble, Hofmann a utilisé une méthode d’anticipation spécifique au +théâtre. Pour lui, les roboticiens devraient s’en inspirer plus par des +techniques de formation d’acteurs comme le monologue intérieur continuel ” +lors de la conception des robots capables de comportements reactifs[86]. En +travaillant avec des systèmes robotiques orientés vers l’action et la +perception, Hoffman a obtenu des mouvements rapides plus adaptés - son but étant +d’atteindre quelque chose proche de la "réactivité intuitive" d’un robot. Dans +une approche connexe, l’Université Waseda conçoit également des robots qui +improvisent de la musique en temps réel avec des partenaires humains. L’une de +leurs premières expériences d’improvisation est le Waseda Flutist Robot” +(2008), un prototype ayant subi plusieurs améliorations depuis les années 1990 +[87], probablement version raffinée de l’Automate de Vaucanson du 18éme siècle. +Cependant la musique n’implique pas un contact physique entre interprètes, mis à +part un contact étroit avec les instruments de musique. Néanmoins le niveau de +complicité lors d’une improvisation musicale est suffisamment élevé pour établir +quelque chose semblable à une interaction physique, puisque le robot et l’humain +ont un statut égal lors d’une improvisation. Cette parité pourrait également +être maintenue et peut-être améliorée pour l’improvisation dansée, lorsque les +mouvements des robots ont une qualité de réponse similaire à celle des +danseurs. Au début des années 2000, le compositeur Japonais Suguru Goto a +construit des systèmes où les gestes des robots peuvent modifier en temps réel +le processus scénique[88]. Son prototype Body Suit ”, créé par Patrice Pierrot +en 1997, a été initialement utilisé pour contrôler le son et les images générés +par un ordinateur sur scène. En 2003, son prochain projet Robotic Music ” +associant 5 robots à percussion, permet à un interprète doté d’un Body Suit ” +d’improviser en live via 12 capteurs de flexion, avec les percussions +acoustiques robotisées ”, du son et de la lumière. Semblable à une musique +d’improvisation électroacoustique qui offre une grande liberté d’expression, le +comportement des robots ainsi que leur interactivité avec les autres partenaires +de scène stimulent l’imagerie artistique des spectateurs. La panorama des +possibilités d’expression artistique des robots continue avec un projet de +recherche de l’Université du Tohoku [89]–[91] qui développe des robots qui +dansent. Leur l’hypothèse principale est qu’en comprenant ” et en anticipant +les intentions humaines, un robot peut s’engager plus activement dans +l’interaction avec un humain. Pour faciliter une synchronisation du couple, +leurs études se concentrant sur la qualité des mouvements corporels [92] +soulignent l’importance d’ une analyse poussée des capteurs de mouvement +(MoCap). Une autre étude plus récente[93] utilise un robot enseignant la danse, +pour évaluer les compétences nécessaires lors des processus d’apprentissage HRI, +basées sur le contrôle de l’impédance adaptative et le retour haptique. Le robot +effectue un mouvement continu d’adaptation à la dynamique de l’interaction, +tandis que l’humain assume le rôle de suiveur. Dans ce contexte particulier, est +le mouvement une clé pour l’acceptation des robots dans les œuvres d’art en tant +que catégorie à part, spécifique à leur propre fonctionnement - ni propre aux +humain, ni propre à des objets, mais quelque chose entre les deux? Je continue +cette exploration d’Art Robotique avec deux artistes qui ont influencé la +recherche scientifique à travers leur pratique tout au long de leur vie. Tous +les deux ont imaginé des installations et des performances où les dispositifs +automatisés questionnent la capacité des robots à transgresser les +problématiques inter-espèces et éventuellement acquérir de l’individualité” ou +une personnalité propre. Commençons tout d’abord avec Stelarc et son +Articulated Head ” (2010), devenu ensuite Thinking Head Attention Model and +Behavior System ” ou THAMBS [94]. Comparé au Bory, Stelarc a adapté +l’utilisation d’un bras robotique industriel Fanuc LR Mate 200ic avec un écran +de 17 pouces monté sur le robot pour créer un rendu 3D de sa tête, devenue tête +prothétique. Le système contient également un ensemble de capteurs comprenant de +la localisation auditive, de la vision stéréo ainsi qu’une vision monoculaire +pour faciliter une connaissance détaillée de la situation et de son +environnement. Cette forme de présence qui simule une prise de conscience, +confrontée au paradoxe ghost in the shell” des robots d’Ishiguro, s’échappe de +peu aux critères de la vallée de l’étrangeté, puisqu’il s’agit d’une machine peu +réaliste, presque non-anthropomorphe et donc pas d’un humanoïde réaliste. Ceci +dit, dans [95] Hertah mentionne comment le robot a surpris (pour ne pas dire +effrayé) le personnel du laboratoire où ils travaillaient, en pleine nuit. Entré +en mode veille en raison de son inactivité, le robot a rapidement réagi dans le +noir, lancant un "Bonjour" enthousiaste à un employé qui effectuait son ronde de +nuit. Alors que l’interaction homme-robot s’est produite de façon accidentelle, +la réaction du gardien a été d’avoir peur, prouvant une fois de plus que les +humains craignent les robots quand ils sont imprévisibles. Dans une autre étude +portant sur le rôle du toucher dans les constructions empathiques avec les +robots et leur impact sur la santé [96], des chercheurs ont associé à un +moniteur affichant un visage humain, un dispositif doté de deux degrés de +liberté simulant une main capable de pression. L’ensemble avait certaines +limitations techniques, car les participants devaient tenir la main du robot en +continu pendant les essais. Différents scénarios d’interaction ont été proposés +pour analyser si le toucher combiné avec la parole ou les expressions faciales, +peuvent améliorer la relation avec un agent artificiel. Il a été conclu que le +toucher peut entraîner une interaction robotique réconfortante et emphatique, +quel que soit le contexte des signaux multimodaux qui expriment un état +d’affection. En ce qui concerne les critères qui relèvent de l’étrangeté sociale +mentionnés plus haut, je remarque un détail intéressant. La littérature [97] +offre de riches possibilités d’ expression dans le HRI. Cependant Stelarc a +toujours vu son corps comme un prolongement des systèmes opérationnels”. En +utilisant des prothèses et des exosquelettes qui actionnent ses mouvements, il +s’estompe face à la technologie. Dans ses œuvres, c’est l’humain (et non le +robot) qui devient étrange. Presque dans une approche contre-culturelle, Stelarc +a réussi à inverser le rapport à la technologie en l’intégrant dans son corps +[26], [98] à travers des dispositifs très originaux, comme son troisième bras ou +les pattes d’araignée. Le travail de Ken Rinaldo, artiste et chercheur intéressé +par l’hybridation homme-machine (ce qu’on appelle aujourd’hui bionique avancée) +apparaît dans la meme lignée. Son installation robotique Enteric Consciousness +” (2010) est un exemple de biotechnologie, dont les principes sont similaires +aux celles des projets d’Eduardo Kac [28]. Dès 1993 l’artiste crée une +installation pour que des vrais poissons explorent l’environnement humain en +pilotant un aquarium automatisé [26] -sorte d’un robot piloté par des poissons. +Semblable à la performance "A-Positive" de Kac mentionnée auparavant, Rinaldo +est un pionnier dans le domaine de la biotechnologie. Dans sa contribution +intitulée : Trans-Species Interfaces : A Manifesto for Symbiogenesis ” [99], +is décrit son dernier travail comme une interface entre un récipient en verre +symbolisant un estomac rempli avec des cultures bactériennes vivantes et une +langue robotique de taille humaine capable de masser l’utilisateur lorsque la +flore bactérienne est en bonne santé. En utilisant des analogies entre le doigt +(comme extension du cerveau humain) et la langue (en tant que prolongement du +système nerveux entérique), Rinaldo propose une expérience corporelle +synesthésique. Son dispositif n’est pas un robot en soi, mais plutôt un +environnement robotique pour faciliter l’interactivité entre l’homme et les +machines, par l’intermédiaire du contact physique. La spécificité de chacun de +ces exemples est qu’ils défient le concept d’anthropomorphisme [100], [101] chez +les robots. Probablement ces deux artistes ont voulu créer des prototypes pour +des nouveaux espaces robotiques propres à la création artistique. Profitant de +ce contexte innovant, j’aimerais avancer la projection anthropologique suivante. +Pour une grande majorité des humains, les robots sont, du moins actuellement, +hors de portée. Ils pourraient les rencontrer dans les médias ou lors d’un +événement spécifique, mais pas interagir directement avec eux dans un contexte +privé. Ainsi, les robots peuvent apparaître comme différents (au sens d’un +nature inconnue ”) par rapport aux autres humains, des animaux domestiques ou +des dispositifs automatisés que nous connaissons dans notre vie courante. Autant +les imaginer descendants d’animaux sauvages, par leur rareté et leur +comportement peu connu. En supposant maintenant que l’interaction physique entre +les humains et les animaux sauvages a principalement été provoquée par les +premiers (puisque les animaux domestiques ont été inoculés la nécessité +d’interagir avec les humains pour survivre), comment un robot (ou système +robotique) qui a trouvé sa propre spécificité et son capacité d’agir, +interagissait avec nous? Le craindrons-nous, comme nous continuons à craindre +les animaux sauvages que nous n’avons pas réussi à apprivoiser ? Dans [20], les +chercheurs ont conçu un outil appelé ‘The Haptic Créature", pour étudier les +effets affectifs du toucher en HRI. Équipé d’un actionneur et des divers +capteurs de pression, température et vibrations, ce robot explore le potentiel +thérapeutique du toucher, partageant certaines caractéristiques animales comme +moyen d’exprimer un comportement affectif. + + +Ces dernières années + +L’histoire est cyclique et nous avons vu par le passé que des archétypes et des +leitmotivs se recyclent dans l’imaginaire collectif. Igor Stravinsky a composé +"Le Sacre du Printemps, l’une des œuvres musicales les plus influentes du 20ème +siècle. Cent ans après la première houleuse du ballet de Diaghilev, le +réalisateur Italien Roméo Castelucci reçoit une commande pour adapter +l’original. La performance Le sacre du printemps ” (2014) confirme le début +d’une nouvelle tendance dans le milieu de la performance artistique, coupant net +avec les pratiques traditionnelles et installant une esthétique de la +disparition ” sur scène [104]. Paradoxalement, le public présent lors de cette +première n’a pas été contrarié quand les robots ont pris le contrôle d’une scène +vide. Cela n’était pas la première fois dans un contexte artistique. Des +nombreux artistes ont déjà envisagé l’idée de remplacer l’humain avec des robots +sur scène, l’un d’entre eux il y a déjà cent ans [105]. Penny’s "Petit Mal" ou +Verdonk’s robot maladroit entre autres, sont des exemples plus récents de robots +agissant seuls sur un plateau. La différence réside ici dans le fait que les +robots remplacent les interprètes, ils ne jouent pas leur propre rôle ”, comme +nous l’avons vu dans la section précédente. Dans une scénographie apocalyptique +sans humains sur scène, des os de vache devenus poudre pour les engrais, +pourraient symboliser un avenir lointain sans des danseurs réels. Les bras +robotiques et les machines suspendus au plafond, répandent cette poudre au +rythme de la musique de Stravinsky diffusée sur les haut-parleurs. La +technologie facilite l’invention d’un nouveau langage artistique, tandis que la +mythologie humaine est modifiée pour correspondre à de nouveaux défis. Les +spectateurs assimilent ces codes avec moins d’étonnement qu’il y a soixante ans. +Habitués à côtoyer ” les robots, pour citer Laumond, ils sympathisent avec +leur "faire", tout en assister à la représentation. De même, dans le spectacle +Nobody is an island ” (2021), le chorégraphe Wayne McGregor défie le potentiel +d’empathie d’une machine en mettant en place un écosystème hybride entre deux +performeurs et une sculpture automatisée créée par le groupe Random +International. La dynamique de cette rencontre tourne autour des possibilités +d’expression de la machine qui est capable d’identifier la présence humaine et +de réagir. Son design métallique pointu n’invite pas nécessairement à +l’interaction, cependant à travers ses mouvements et ses gestes doux, les +interprètes sont capables de s’approcher d’elle de manière affectueuse ”. Un +autre type de déconstruction des codes dans l’installation Female Figure ” +(2014) de Jordan Wolfsen. L’artiste a conçu une femme-robot qui exécute une +danse lubrique devant un miroir, tandis qu’elle est attaché à une tige +horizontale perçant son torse. Son apparence est similaire à un sex-toy [44] +avec les yeux couverts par un masque de sorcière, provoquant des sentiments +mêlés de désir et de répulsion chez les spectateurs. Fixant les visiteurs et se +regardant dansant, ce robot remet en cause le concept de prise de conscience +de la prise de conscience ” [106] – en abordant des questions sur l’émancipation +féminine du regard masculin ” et sur la manière dont la sexualité est abordée +dans notre société de consommation [107]. Pour aller plus loin sur cette +question d’apparence, des visiteurs de Disney’s Animal Kingdom sont déçus parce +que les vrais animaux ne sont pas aussi réalistes que les versions +animatroniques vues dans Disney World [9], [108]. Je me demande alors si +l’exposition excessive à des silhouettes hyper-sexualisées pourrait altérer la +vision des humains de la sexualité et de la séduction d’une manière analogique? +Trente ans plus tôt, White et Kikuka, entre autres, ont exploré la sexualité +d’une façon parodique. Mais est-ce que leur façon de considérer la sexualité a +été spécifique à leur époque? J’aimerais croire que cela a été spécifique aux +limites technologiques auxquelles ils étaient confrontés. De nos jours, puisque +l’industrie pornographique a accéléré le développement des robots et dispositifs +animatroniques sexualisés réalistes [109] [110], les artistes ont également +commencé à considérer ces robots hors de leur contexte. Pour questionner la +notion de sexualité à travers une œuvre, les spectateurs sont moins préoccupés +par la sexualité du robot, qu’ils sont avec la sexualité en tant que phénomène +social. Dans cette idée, tout ce qui est créé par nous, musique nosu sommes +humains, finit par remettre en question des aspects humains. Idéalement, l’art +devrait assurer un contexte neutre - où les deux questions anthropocentriques et +technocentriques sont abordées - mais sa réception est biaisée car les +spectateurs d’une œuvre éprouvent leur propre individualité et subjectivité en +l’admirant. En sélectionnant ces œuvres où le contact physique avec les robots +n’était pas privilégié selon les contextes respectifs, il y a toujours les mêmes +questions ontologiques concernant notre relation avec eux qui persistent. + +Comme déjà évoqué, souvent dans les propositions artistiques les plus fortes les +humains engagent un contact physique avec les robots. Par exemple dans la +performance "Sayonara" (2010) l’une des performances de Hiroshi Ishiguro, +Geminoid caresse la joue d’une femme qui pleure. Alors que dans le spectacle +Spillikin ” (2017) du Pipeline Theatre, un androïde tient la main d’une vieille +dame, pour la consoler de la perte de son mari. Le robot, construit par +Engeneering Arts company au Royaume-Uni est un ancêtre” de l’Ameca Android, +impressionnant par le hyper-réalisme de ses expressions faciales. La même +technologie sera utilisée plus tard pour développer Ai-Da, le premier +robot-artiste au monde. + + + +En analysant ces exemples, le récit autour de l’interaction théâtrale aide à +créer et maintenir un environnement sûr pour les robots. Alors qu’en danse, +comme nous l’avons vu plus haut, les chorégraphes se mettent en danger, se +produisant avec des robots industriels dans des séquences de mouvement +dangereuses. Cette tendance a légèrement changé, lorsque la société française +Aldebaran Robotics a développé un robot de 58cm appelé NAO, facile à programmer +et accessible. Des chorégraphes comme Bianca Li ou Emmanuelle Grangier ont +travaillé avec ce robot d’une manière moins démonstrative. Dans la performance +de Li, "Robot" (2013), l’un des danseurs aide un NAO à se tenir debout, tandis +que d’autres NAO entrent en synchronie avec huit danseurs déguisés en robots. +Quant au travail de Grangier, passionnée par la rencontre avec l’arbitraire, +nous découvrons une apologie des bugs techniques. Dans Link Human/Robot ” +(2015), on peut voir un NAO trébuchant sur une danseuse et plus tard la serrant +dans ses bras. Suivant des questions analogues, le travail School of Moon ” +(2016) du chorégraphe français Eric Minh Cuong Castaing se concentre sur la +manière dont les humains pourraient cohabiter avec des robots. La force de sa +proposition réside dans la double nature de la forme - quelque part entre art +visuel et objet chorégraphique. Coproduit par le Ballet National de Marseille, +il implique la collaboration avec le roboticien Thomas Peyruse qui a configuré +cinq robots NAO et deux Poppy pour les différents étapes du projet- le travail a +été présenté sous divers formats qui ont conduit à des moments performatifs dans +des centres d’art et des écoles. L’artiste a mis en scène des enfants, danseurs +et robots de petite taille avec l’intention de représenter un communauté +post-humaniste où les humains et les robots performent ensemble des rituels +sacrés. L’attention est portée sur la perception et les mouvements lents grâce +au mapping vidéo en direct. Les enfants apparaissent imiter les robots de +manière délicate, suggérant une possible complicité avec eux. À un moment donné, +une fille tenant un faux pistolet le pointe vers un robot. Ce geste ambivalent +illustre à la fois un appel à la destruction mais aussi une forme de résignation +face aux possibilités et capacités infinies de la machine. Un autre projet qui +attire notre attention est My Square Lady ” (2015). Cette production d’opéra +implique un robot Myon dotée d’une forme de conscience proprioceptive et de la +rétroaction sensorimotrice, qui lui permettent d’improviser pendant la +représentation. A travers sa participation dans le spectacle, il nous fait +comprendre assez vite que son principal objectif est de comprendre la musique et +les émotions humaines. Il est amené à exprimer ses limites sur scène, forçant +les interprètes à s’adapter à son comportement. Son processus d’apprentissage +est authentique et se déroule dans des conditions réelles[105]. Hild Manfred, le +chercheur qui a configuré le robot avec ses collègues du Laboratoire de +Recherche en Neurorobotique de l’Université Humboldt de Berlin, est également +présent sur scène pendant le spectacle. Plus tard l’humanoïde modulaire est +démantelé pendant que des chanteurs, des musiciens et des chercheurs passent les +parties de son corps de l’une à l’autre. Ce geste est effectué de manière calme +et douce par rapport aux performances bruyantes vingt ans auparavant. +Probablement la problématique est restée la même depuis soixante ans et nous +projetons toujours inconsciemment de détruire les robots par peur qu’ils nous +détruisent en premier. Néanmoins l’attitude globale envers les robots a +légèrement changé, les humains étant plus résilients sur le plan conscient. De +plus, ce robot capable d’être démonté et réassemblé pendant la performance, +présente des caractéristiques fonctionnelles sur scène, différents du corps +humain et ses limites[11]. Le projet "Scary Beauty ” (2018) en première mondiale +au Musée National des Sciences Émergentes et de l’Innovation (Miraikan) au Japon +est un autre exemple de projet d’opéra, impliquant cette fois un chef +d’orchestre androïde. Le projet est né de la collaboration entre le compositeur +Keiichiro Shibuya et l’androïde Alter 2, initialement construit dans le +laboratoire de Hiroshi Ishiburo de l’Université d’Osaka et programmé par +l’équipe de Takashi Ikegami à l’Université de Tokyo. Le robot a une apparence +étrange- mains et visage couverts de silicone, actionneurs à vue, sans sexe ni +âge- et est équipé d’un système pneumatique. Il a été conçu pour s’adapter aux +mouvements délicats propres aux conducteurs d’opéra. Après plusieurs essais, +l’équipe a choisi de se concentrer sur la répétitivité des mouvements de haut en +bas de l’épaule, plutôt que sur les mouvements de ses bras et mains. Résultat +ainsi une performance synchronisée où les musiciens suivant les indications de +l’androïde, jouent différemment d’un concert à l’autre. Pareil aux journaux du +début du XXe siècle qui ont poussé Nishimura à imaginer Gakutensoku, les robots +sont intensivement diffusés dans le média. Leurs technologies deviennent open +source sur les plateformes de développement pour créer des robots conformes qui +peuvent se déplacer et interagir avec une grande précision. Pour cela, les +chercheurs poussent leur inspiration dans les concepts et les découvertes de +différentes disciplines. Que cela est fait pour valoriser l’humain ou relever +des défis scientifiques - les robots sont conçus pour correspondre et peut-être +surpasser les attentes des humains. Si je reviens à la projection +anthropologique proposée auparavant en imaginant le corps modulaire du robot +Myon, je trouve intéressant d’imaginer des designs robotiques qui surprennent +les tendances actuelles. Des artistes nonconventionnels héritiers de la +tradition cyberpunk, comme l’Italien Marco Donnarumma ou la chanteuse +néerlandaise d’origine iranienne Svedaliza, passent leur temps dans des +laboratoires afin de développer leurs propres outils et aborder d’une façon +originelle ces questions. En parallèle, des artistes consacrées continuent à +réfléchir à la place que les robots occupent dans nos vies. Tous s’imaginent les +formes les plus extrêmes et les scénarios les plus paradoxaux de co-habitation +avec les robots. Inferno ”(2015) de Bill Vorn et Louis-Philippe Demers en fait +partie, en mettant en scène le côté sauvage, indompté, de la technologie. Cette +performance d’une soixantaine de minutes s’inspire de la représentation des +différents niveaux de l’enfer décrit dans l’œuvre éponyme de Dante. Trente-six +bénévoles parmi les spectateurs ont la possibilité d’expérimenter les limites de +leur corps, en abandonnant leur contrôle moteur à des dispositifs robotiques +type exo-squelettes pneumatiques qu’ils portent pendant la performance. Par son +esthétique, Inferno ” pourrait être inclus dans la classification +performances des métaux ” [28] que j’ai décrite précédemment. Au-delà de la peur +de perdre le contrôle de son corps, ici l’humain plonge dans les possibilités de +la machine, comme pour éprouver ses propres limites. Lors de cette performance, +les artistes ont observé qu’il y a un moment où les performeurs s’en remettaient +à la machine pour s’engager dans des mouvements exploratoires qui vont au-delà +de la chorégraphie originale [115]. A travers cet exemple, j’observe un autre +changement concernant la complicité entre l’homme et les robots. Nous pouvions +difficilement imaginer la même adhésion du public à l’invitation de Demers et +Vorn, sans passer par les propositions artistiques antérieures. Il fallait que +des artistes comme Marcel Li Antunez Roca testent sur eux-mêmes ces technologies +vingt ans plus tôt, afin de les rendre accessibles aux participants. Puisque les +artistes rêvent au moment où des robots pourraient devenir créatifs, les +roboticiens considèrent également la créativité comme un aspect important de +l’autonomie des robots [52], [116], [117]. En 2019, Ai-Da (le premier robot +humanoïde artiste au monde) a eu une intervention publique pour définir sa +démarche artistique qui utilise la peinture comme moyen d’expression. Même si +Ai-Da a été conçue avec des algorithmes d’IA complexes pour rendre son bras +robotique capable de toucher et de peindre, nous ne pouvons pas parler de sa +spécificité puisque son rôle est d’imiter à la perfection les artistes humains. +Probablement des gens autour d’elle, tout en écoutant son discours comme s’ ils +écoutent le discours de n’importe quel artiste, sont moins intéressés par le +contact physique - comme ils le feraient, par exemple, en touchant Helpless +Robot ou tenant dans leurs bras Heart Robot. De plus, les moments où Ai-Da est +capable de feedback verbal "spontané", sont plutôt maladroits et imprécis. Alors +que le robot déclare qu’il crée de l’art avec d’autres artistes humains, nous +devons garder à l’esprit que dans les exemples précédents où des robots et des +humains co-créant ensemble à travers la musique, les techniques d’improvisation +ont été bien préparés à l’avance. Par conséquent, il pourrait y avoir peu de +place pour la liberté et la spontanéité dans cette quête d’autonomie à travers +la créativité. Dans une tentative originale de répondre à ces questions, une +équipe de scientifiques du Canada ont décidé de mettre en place une expérience +où les humains interagissent seuls avec un robot auto-stoppeur. Ils ont ainsi +conçu HitchBot - un véritable aventurier qui voyage en auto-stop, sans pouvoir +se déplacer mais doté de l’expression orale, de la reconnaissance vocale et des +interactions visuelles limitées. Proche du design de Heart Robot, il n’est pas +assisté par ses développeurs lorsqu’il interagit avec les humains. Pour être +autonome, il repose sur une batterie solaire, de l’ Internet mais aussi des +bonnes intentions des personnes qui le prennent dans leur voiture. Ses +concepteurs n’ont pas contrôlé à distance HitchBot, ils ont seulement vérifié +son itinéraire lors d’un premier voyage de 26 jours au Canada (documenté toutes +les 20 min par une caméra envoyant des photos de son expérience). Suite à une +forte médiatisation du projet, le robot a ensuite participé à des expériences de +voyage en Europe. En 2015, il est même arrivé aux États-Unis mais peu de temps +après a fini par être démantelé [118] et abandonné près d’une autoroute. +Inspirée par cette histoire, la metteuse en scène française Linda Blanchet a +créé en 2019 le spectacle "Killing robots". Le projet aborde des questions +d’éthique concernant les robots, mêlant documentaire et fiction. J’aimerais +souligner le fait que HitchBot ne fait pas partie de la catégorie des robots +capables des effets d’inquiétante étrangeté, puisqu’il n’est pas un robot +hyperréaliste. Il n’avait certainement pas une grande autonomie, ni de l’agence +et, comme dans le cas du projet "Heart Robot", il comptait sur l’empathie +humaine pour compenser sa vulnérabilité -ne pas pouvoir bouger ou faire des +gestes, à moins d’être porté par des humains. C’était une créature plutôt +vulnérable ” qui, dans une certaine mesure, pourrait être comparée au robot +aveugle que Louis Philippe Demers a créé en 2013. Ce robot, fixé à une table, +est composé de deux bras mécaniques montés sur la même base. J’ai délibérément +choisi de clore cet état d’art avec lui, même si sa mise en scène est très +basique. Je suis convaincue de la force de la proposition qui réside dans ce +cadre simple. Dans un espace théâtral peu éclairé, le robot explore délicatement +le visage de la personne assise devant lui. Ce geste est ce que les humains +aveugles sont censés faire lorsqu’ils reconnaissent les personnes ou les objets +autour d’eux [106]. Dans certaines versions de l’installation, un miroir de +taille moyenne (comme dans l’œuvreFemale Figure" de Wolfsen) est placé derrière +le robot - permettant aux visiteurs de s’observer pendant l’interaction. Ainsi, +le milieu artistique garantit un espace sûr pour l’expérimentation. Les +spectateurs finissent par se laisser toucher par le robot. Le différence entre +les expériences de Demers et la triste fin de HitchBot est qu’aucune convention +artistique n’a été établie avec les utilisateurs de HitchBot [119]. Des études +sociales confirment que les gens sont plus susceptibles d’attribuer de la raison +et des états mentaux aux robots, plutôt que des états émotionnels ou des +sentiments [120]. En retournant à nos observations initiales, une fois de plus +le contexte de la scène artistique apparaît comme un environnement sûr et neutre +pour apprendre à connaître les robots. Il y a vingt ans, les roboticiens +imaginaient un processus irréversible concernant notre transformation en +machines [12]. Cependant, certains ont réfuté cette hypothèse, insistant sur le +fait qu’aucun robot ne pourra prendre le contrôle de nos vies, puisque nous +aurions tous déjà muté le moment où les robots auraient atteint la Singularité. +Comme l’art a presque toujours anticipé les transformations dans nos sociétés, +parfois sans même s’en rendre compte, peut-être que des œuvres post-humanistes +sont étroitement liées à cette intuition. Comme dans les spéculations en +robotique, ces œuvres pourraient annoncer un point de non-retour pour nos +perspectives en tant qu’espèces. Au fur et à mesure que les deux disciplines +évoluent, nos croyances en l’avenir changent également. Les lignes deviennent +floues et ce n’est pas très clair où les humains et les robots se rencontreront +en fin d’Anthropocène [36], [102], [103]. Si les robots vont coloniser les +villes actuelles ou hybrider les modèles familiaux posthumains [36], l’art +robotique contemporain pourrait-il concilier la projection fataliste concernant +notre cohabitation avec les machines ou est-ce reflétant simplement un +porte-parole transhumaniste ? Si l’art devait être inutile, alors comment +pourrait-elle éviter le piège de la prédiction de la domination de la +technologie sur l’humanité? Le sujet de l’adversité envers les robots, présent +dans les premiers exemples où les robots étaient manipulés par la force ou la +violence, se dissout lentement dans les prémisses post-humaines d’un monde en +mutation. Quels gestes seraient appropriés dans ce contexte? Devons-nous +concentrer notre attention sur des manières douces d’interagir avec les robots +au lieu de s’amuser à les démonter ? Cela éviterait-il la condition +prédéterminée des humains qui les créent et donc établissent sans vouloir une +relation de concurrence ou de domination avec eux ? + + + + + + + + +IV. DISCUSSION Dans la plupart des exemples de cet état d’art, les humains +considèrent les robots et leurs spécificités avec les critères d’évaluation +spécifiques aux œuvres d’art. Pour résumer notre prémisse initiale, j’ai avancé +l’idée que les robots peuvent être mieux perçus et compris à travers les +représentations artistiques. A. L’analyse des œuvres robotiques citées L’analyse +actuelle couvre des informations sur une quarantaine d’œuvres d’art robotique. +Cette liste n’est certainement pas exhaustive, encore restreinte à des +interactions qui présentent une proximité directe ou proche du contact physique +avec les robots. Qu’il s’agisse d’installations interactives (20%), des études +d’art robotique (12%) ou des performances (68%), ces œuvres traitent des sujets +liés à la société (35 %), au domaine du vivant et à la biologie (9 %) ou un +mélange entre des deux (9 %), ainsi que la musique (12 %), la danse (23 %) ou +une combinaison entre les deux (12 %). Comme vu plus haut, l’apparence est un +facteur important pour facilliter la comprehension de la spécificité des robots. +Les robots ou les dispositifs robotiques déployés sont majoritairement +anthropomorphes (65%) variant d’une majorité des dispositifs de taille humaine +(59 %) à des plus petits (26 %) ou plus grands (15%) que l’échelle humaine. +Suite à la projection anthropologique sur les robots comme animaux sauvages, +dans certains essais scientifiques [121] les répondants décrivent les robots +collaboratifs comme étant similaires aux animaux. L’une des raisons peut etre +l’attribution et l’execution des tâches simples par les robots. D’autres sujets +invoquent l’auto- dépréciation humaine par rapport aux performances du robot +[121] indépendamment de son apparence. Proche des modèles de corporeité humaine +pour les robots, l’anthropomorphisme est compris ici comme une faculté +d’attribuer des caractéristiques humaines à des objets inanimés, animaux et +autres en vue de nous aider à rationaliser leur actions ” [101]. Autrement dit, +en projetant notre interprétation sur les actions des robots, nous leur +délèguons une présence anthropomorphique, quelle que soit leur apparence. Cela +pourrait augmenter l’acceptation des robots dans la société, avec l’aide de +l’art. Comme vu précédemment et également mentionné dans [122], les robots +pourraient déclencher encore plus des réactions empathiques parmi les +spectateurs à travers de la mise en scène, puisqu’ils interprétent les recits +subjectivement et aiment donner des sens cachés aux actions de ce derniers. +D’autre part, le concept de robot-centered HRI ” développé dans [34] met +l’accent sur la vision du robot en tant que créature, "c’est-à-dire, une entité +autonome qui poursuit ses propres objectifs sur la base de ses motivations, ses +pulsions et ses émotions. ” De plus, l’interaction avec les gens lui sert à +répondre à certains de ses besoins ” (tels qu’identifiés par le concepteur du +robot et modélisé par l’architecture de contrôle interne); par exemple, les +besoins sociaux sont satisfaits par l’interaction, même si l’interaction +n’implique aucune tâche particulière ”. Intéressant de mentionner comment, selon +une autre étude [8], un robot utilisé dans une œuvre d’art doit également être +présenté comme un dispositif utile pour être mieux accepté dans le monde +occidental. Puisqu’il a été souligné plus haut que le but de l’art est surtout +de créer du sens, il y a peu de place pour des robots utilitaires dans les +travaux sélectionnés - preuve que les robots sont considérés comme autonomes à +travers l’art. De plus, en raison de la perspective interdisciplinaire des +projets d’art robotique, l’auteur est susceptible de traiter sur scène ou dans +d’autres contextes artistiques, des sujets qui sont moins présents dans la +société, puisque ses conventions et ses contraintes seront moins présentes +aussi. Suivant cette idée, il semble que non seulement l’apparence, mais aussi +le comportement - impliquant les gestes et les mouvements de robots - sont +importants. Ainsi les chercheurs soutiennent que l’incarnation (l’embodiment) +est un aspect clé pour l’interaction HRI [39]. De plus, une incarnation au plus +prés de la nature [5] est souvent citée comme nécessaire pour réaliser une +interaction sociale significative. Ainsi selon la littérature [2], les robots +peuvent être : socialement évocateurs, socialement réceptifs et sociables. Dans +[54], Dautenhahn mentionne également les robots socialement situés - entourés +d’un environnement social qu’ils perçoivent et auxquels ils réagissent. Comme +défini dans [3], un robot interactif nécessite des capacités spécifiques : il +va pouvoir exprimer et percevoir des émotions, communiquer dans un dialogue +complexe, apprendre et reconnaître les modèles d’autres agents". Par leur +fonction, les projets artistiques facilitent ce type de comportement et nous +avons vu dans nos exemples que les robots au design particulier comme par +exemple Telenoid R1 ” ou hyper-réalistes comme "Ai-Da", peuvent facilement +interagir lors des divers événements sociaux comme les foires d’art et les +galeries. Avec 38% des œuvres présentées dans l’espace public : dans les rues +(par exemple, "Miyata Jiro", "Petit Mal") ainsi que lors des événements +publiques ou dans les laboratoires (par exemple, "Telenoid R1", "Heart Robot" +entre autres), il semble que l’Art Robotique n’ait pas de espace de +représentation prédisposé. Dans le même temps, faire des robots qui réagissent à +leur environnement, plus disponibles pour interagir avec les passants, pourrait +améliorer l’opinion publique sur leur autonomie. Qu’il s’agisse d’une illusion +ou pas, les robots sur scène suivent des critères d’interaction sociale. Dans la +meme lignée, des études [117] montrent comment la créativité globale s’améliore +lors des interactions avec des robots sociaux. Revenant aux exemples précédents, +il est important de comprendre que le fait de créer des projets artistiques avec +des robots sociaux inspirés par la figure de Gakutensoku pourrait éventuellement +apaiser les craintes technocentriques actuelles sur la robotique, afin de +faciliter leur acceptation. Alors que les humains se comprennent mieux grâce aux +developpements dans les sciences cognitives, la figure du robot devient +également plus complexe. Dans [101], Duffy soutient que peut-être le la version +synthétique numérique mécaniste de l’homme ” n’est qu’une représentation de +l’idée de l’homme. D’autres études [5], [77], [123] considèrent les robots de +type humain les meilleurs outils pour identifier quel type de comportement et +d’actions sont perçus comme propres à notre espace et importants pour notre +developpement. Reste à comprendre quel comportement et attitude nous attendons +des robots en situation de représentation. De même, le langage corporel et le +comportement pourraient compenser les éventuels effets d’étrangeté causés par la +manque des expressions faciales des artefacts [124], de la même manière que les +modèles dynamiques [125] aident à identifier les affects humains dans le +mouvement. Puisque la communication tactile a un contenu informatif proche de la +communication visuelle et vocale, les usagers recherchent naturellement +l’interaction par le toucher et s’attendent même que un jour les robots +d’apparence inanimée peuvent répondre à leur stimulation tactile [17]. En +conséquence, de plus en plus de roboticiens conçoivent des dispositifs +d’identification par le toucher, sur toute ou presque toute la surface du robot +[126], également définie comme peau artificielle” [127]. Plusieurs types +d’interactions corporelles qui font appel à ce type de stimulations tactiles, +contribuent à une meilleure perception des robots [15]–[17]. Même si peu de +robots que j’ai mentionné, ont été délibérément conçus pour ce type +d’interaction tactile, cet aspect a été intuitivement abordé dans certaines +œuvres d’art [66], [99], [128]. Concernant l’interaction physique, alors que la +majorité des oeuvres (82%) impliquent une certaine forme d’interaction +physique(29 %) ou de toucher (53 %), le type de contact avec le corps entier +prévalait (41 %), suivi des contacts ponctuels (20,5 %) et des contact avec les +membres (12%). Dans cette mesure, la mise en œuvre des concepts de neuroscience +comme le schéma corporel ” chez les robots peut augmenter leurs capacités +d’interaction. Les recherches dans [49] soulignent l’importance de ce concept +dans la planification et le contrôle de mouvement. Quant aux technologies +employés : 24 % impliquent des téléopérations, 14 % divers types de logiciels +commercialisés, 6% de biotechnologies tandis que 56% sont des solutions sur +mesure. Ainsi mieux developper la mobilité des robots pourrait nous aider à +comprendre des concepts paradoxaux comme celui de ghost in the shell ”, de +l’étrangeté sociale ” ou le syndrome de Frankenstein ” expliquant comment la +peur et la fascination pour les robots coexistent dans notre imaginaire, quelle +que soit leur apparence et comportement. Alors que 62 % des robots et appareils +robotiques sont conçus exclusivement pour les artistes, 20% sont personnalisés à +partir des robots industriels et le reste de 18% sont des robots industriels +très peu modifiés. [101] suggère qu’une fois que les robots domestiques +progressent du statut outil à celui de compagnon au travers différents +environnements et contextes comme l’art, leur rôle et leurs interactions +changent aussi sensiblement. De plus, d’après [129], plus les caractéristiques +corporelles sont des copies identiques du fonctionnement humain, plus les robots +sont jugées comme autonomes et adaptifs. D’autre part [130] illustre comment +l’apparence humaine peut contribuer à induire des sentiments négatifs chez les +utilisateurs. Des catégories comme "incarnation de l’organisme" [52] où la +cognition se produit dans toute organisme et "incarnation de l’organisme" [52] +où la cognition ne peut se produire que dans des corps vivants, amplifient le +débat sur l’incarnation la plus optimale concernant les robots. En s’appuyant +sur les aspects technologiques des représentations du corps, les chercheurs +espèrent identifier quelles propriétés du schéma corporel biologique que nous +avons mentionné plus tôt, pourraient être transférés aux robots pour les rendre +plus adaptatifs et résilients (certaines études comme [131], [132] relient ces +propriétés à l’aisance collaborative41). D’après [128], toute morphologie peut +conduire à différentes perceptions de causalité et d’intention, tandis que le +mouvement est considéré comme un facteur prioritaire dans le perception du +comportement et de l’autonomie d’un agent [19]. Parmi les œuvres mentionnés, 38 +% sont des dispositifs robotiques mobiles, oeuvrant sur des surfaces scéniques +d’environ 100 m2 pour 35% d’entre eux, plus de 500 m2 (tout en se produisant +dans les rues et divers espaces non-conventionnelles) pour 9% des cas et moins +de 5 m2 pour 56% d’entre eux. Cette majorité de robots mobiles qui interagissent +dans de petites surfaces, souligne la necessité d’un contact étroit avec les +robots. Néanmoins, cette zone d’interaction varie de plusieurs centimètres (dans +le cas du "The Blind Robot" par exemple) à plusieurs milliers de milles lorsque +le robot voyage avec des gens (comme dans le cas de "HitchBot") - révélant la +proxémie (proxemics) comme un facteur important qui pourrait influencer +àl’avenir les interactions H2R. + + + +Pour l’instant les androïdes hyper réalistes ont une base fixe et ne peuvent pas +encore se déplacer, en attendant que les technologies émergentes impliquant de +la MoCap et les alorithmes qui favorisent la marche, sont intorduits à leurs +capacités. Dans une étude [133] impliquant deux robots Wakamaru, les chercheurs +ont employé la distance sociale comme indicateur pour comprendre l’acceptation +des robots par des utilisateurs. Les résultats confirment que l’expérience +utilisateur peut être améliorée lorsque le robot superviseur est proche et le +robot subordonné est distant par rapport à l’utilisateur. Chose intéressante et +le fait que, loin des prédictions initiales, les performances des participants +semblent se détériorer lorsque le robot est trop proche, quelle que soit sa +distance d’action. Évidemment ceci est un étude scientifique dont l’objectif est +loin de celui des œuvres artistiques, où, au contraire, un contact proche peut +renforcer la complicité entre les interprètes et les robots, du moins du point +de vue des spectateurs. Puisque les espaces où l’interaction a lieu lors de ces +performances ou installations varient de plusieurs mètres ("Helpless robot") à +des centaines de mètres carrés mètres ("My Square Lady"), il me paraît que +l’interaction renforce le sentiment de complicité avec les robots, à condition +que la convention artistique soit adaptée en fonction de l’objectifde l’œuvre, +le thème et son contexte de la représentation. B. Limites Un aspect important +confirmé tout au long de cette enquête est que très peu d’informations (41%) ont +été fournies sur la stratégie de contrôle et les spécifications de sécurité des +robots employés lors des performances artistiques. Des oeuvres utilisant des +robots industriels qui ne sont pas certifiés pour l’évaluation des risques, +mettent la vie des artistes et des spectateurs en péril. Ainsi c’est important +de mentionner que l’industrie du divertissement s’adapte partiellement à ces +règles et réglementations, tandis que les robots industriels doivent se +conformer à des procédures de sécurité très strictes. Lorsqu’un robot est +employé lors des événements largement diffusés, comme par exemple lors du +concours Eurovision en 2016 le chorégraphe Fredrik Benke ”Rydman a du +respecter un cahier de charges et des restrictions importantes. Pareil pour la +Tournée Timeless ” de l’artiste internationale Mylene Farmer en 2013. La +distance entre les interprètes et le robots est très grande. Plus récemment, des +normes comme l’ISO/TS 15066 et l’ISO 102101845 qui assurent la cohérence des +caractéristiques essentielles telles que la sécurité et la fiabilité des cobots +devient très importante pour les contextes de travail en dehors de l’industrie. +Avec 53% des robots ou dispositifs robotiques étant le moteur de l’interatcion +et 15 % supplémentaires ayant à la fois le rôle de suiveur et de leader dans les +œuvres d’art, il est important de prendre en considération les procédures de +sécurité et les contraintes techniques de déploiement des robots dans des +environnements complexes. J’aimerais également souligner que même si les robots +jouaient un rôle principal (76 %) dans le cadre de l’œuvre d’art, la plupart des +rôles de leader/suiveur qui leur étaient assignés étaient en fait des +interactions simulées, bien répétées à l’avance, prouvant que les technologies +actuelles sont moins performantes que ce que les humains imaginent. Lorsque j’ai +mentionnés au début de cette analyse les craintes au sujet du potentiel +destructeur de la technologie et la maniere dont cela va modifier nos vies – il +reste toujours l’espoir qu’une sécurité et éthique renforcée sont les facteurs +clé pour améliorer l’impacte de la technologie sur nos vies, commencant par les +projets artistiques. En conséquence, les perspectives enrichissantes de la +nouvelle robotique, l’IA et les capteurs intelligents, accompagnées d’une +éthique interdisciplinaire forte [119], [134] [130], apporteront à la création +artistique des raisons d’appassement quant aux préoccupations actuelles +concernant la sécurité et les risques, tout en améliorant les possibilités +d’interaction non simulées, en temps réel. C. Perspectives futures dans les +technologies robotiques émergentes Cet état d’art orientée autour de +l’interaction homme-robot en contact proche releve à quel point les artistes ne +sont peut-être pas conscients des subtilités technologiques actuelles +développées dans les laboratoires, dont certains déjà déployés dans les +industries. Ils ne soint moins au courant des certifications appropriées en +matière de cobotique et de sécurité. En absence d’une méthodologie officielle, +les artistes invités à exploiter le plein potentiel de la technologie, décident +de l’utiliser avec parcimonie. C’est le cas de chorégraphies de renommée +internationale comme le Suédois Pontus Lidberg ou la Canadienne Isabelle Van +Grimde qui ont développé des projets utilisant des algorithmes en machine +learning (ML), autour des rencontres entre une intelligence humaine et une +artificielle sur scène. Comprendre les effets de la proximité et l’utiliser avec +justesse dans robotique reste un défi et au moins pour l’art les possibilités de +création sont infinies. A travers cette synthèse, j’ai tente fournir une liste +non exhaustive de ces possibilités, ainsi que de possibles convergences entre +plusieurs domaines et leur lien avec l’industrie, une fois que des prototypes +attirent l’attention des scientifiques. De même, les artistes pourraient +utiliser des techniques de reconnaissance des émotions issues des neurosciences +et de la psychologie cognitive. Des capteurs physiologiques comme la reponse +galvanique cutanée (GSR), l’électromyographie (EMG), la fréquence de la +réspiration (RR), la fréquence cardiaque (FC) et l’électroencéphalographie (EEG) +peut être portés et utilisés par les artistes pour fabriquer des robots +conscients des émotions des artistes et construire une œuvre interactive à +partir de ces bases. Des domaines comme la robotique de développement +élargissent notre compréhension de phénomenes tels la synchronie [135] pour +mieux décoder des signaux non verbaux appropriés quand les robots doivent +intégrer des éléments externes pour intéragir avec les humains. + + + + + + +V.CONCLUSION Cette analyse révèle que les attentes et les angoisses envers les +robots sont également présentes dans les œuvres d’art robotiques, quel que soit +de leur thème, leurs contraintes techniques ou leur design. Dans nos écosystèmes +sociaux complexes, il n’est souvent pas facile de distinguer les raisons qui +génèrent l’un ou l’autre. Quant à l’exemple du HitchBot, aprés l’analyse des +denriers données le concernnat, ses créateurs n’ont pas pu déterminer pourquoi +le robot a été démantelé. Ils ont décide d’arrêter le projet et ne pas réparer +HitchBot. Peut-être des prochaines études sociologiques ou anthropologiques +pourrait determiner si sa destruction a été causée par un acte inconscient de +peur de la part de quelqu’un qui ne voulait pas comprendre les robots. Certes +est qu’à la fin du XXIe siècle, l’Art et la Robotique vont entreprendre des +transformations majeures, laissant place à l’imagination quant à leur possible +relation et impact dans nos vies. Dans [142], les autheurs affirment que +l’intelligence originaire des primates a évolué pour résoudre des problèmes +sociaux et seulment plus tard a été étendue à des problèmes extérieurs du +domaine social comme la technologie. Depuis il est important de se rappeller que +l’intelligence du robot est "conçue et exploité dans la mesure du possible pour +se conformer aux lois, droits fondamentaux, libertés, y compris de la vie privée +” [6]. En réfléchissant à ces questions, les roboticiens, les artistes et les +universitaires posent les bases d’une éthique envers les machines [120] pour que +"des robots personnifiés et d’autres systèmes informatiques incarnés peuvent +représenter une nouvelle catégorie ontologique. ” Pour cela [134], concevent les +humains, pas les machines, comme le principal agents responsables dans +l’équation. Compte tenu de ce principe éthique dans l’évolution de +l’intelligence, applicable à la fois aux systèmes naturels et artificiels [142], +j’imagine avec impatience la contribution de la robotique sociale et de l’art à +la culture générale. Si les artistes inspirent le développement de la robotique +ou l ‘inverse, les deux disciplines continueront de surprendre nos attentes pour +lors des prochaines années. Tout au long de cette aalyse,j’ai eu tendance à +croire que les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition +indomptée ” [8] avant leur conception humaine. Idéalement notre relation avec +eux pourrait s’améliorer à l’aide d’expérimentations artistiques centrés sur +l’interaction de contact proche ainsi que le toucher [143]. Puisque les robots +ne sont pas capables d’intentions jusqu’à présent, nous ne pouvons que espérer +mieux nous comprendre [144] nous-memes en tant qu’espèce, en les observant eux +nous imiter + + + + + +[a]Picon-Vallin, Béatrice. Meyerhold, Le Cocu magnifique. Éditions Subjectile, +2017. [b]Gordon, Mel. "Meyerhold’s Biomechanics." The Drama Review 18.3 (1974): +73-88. [c]Disjunctive Captures of the Body and Movement (livre Bojana) +[d]Disjunctive Captures of the Body and Movement (livre Bojana) [e]Bojana p.83 +[f]"The human body is a machine whose movements are directed by the soul," wrote +René Descartes in the early seventeenth century. The intrin- sic mechanisms of +this machine gradually became clear through the hard work of Renaissance +scientists. Leonardo da Vinci is one such scientist from this period of +enlightenment. [g]livre Tozeren. The laws of motion can be summarized as fol- +lows: A body in our universe is subjected to a multitude of forces exerted by +other bodies. The forces exchanged between any two bodies are equal in magnitude +but opposite in direction. When the forces acting on a body balance each other, +the body either remains at rest or, if it were in mo- tion, moves with constant +velocity. Otherwise, the body accelerates in the direction of the net unbalanced +force. [h]parler Xsens [i]Pour ce faire, je met en place une analyse autour des +fonctionnalités suivantes : • le type d’œuvres d’art ; • le principal +message/idée/philosophie véhiculé par l’artiste; • la forme du robot : +anthropomorphe ou non ; • la conception du robot : (i) le robot a-t-il été conçu +pour le but de l’œuvre d’art ou (ii) une industrie existante robot +d’essai/service et si oui, (iii) a-t-il été personnalisé pour l’œuvre d’art +spécifique ; • la mobilité du robot pendant la performance artistique, +c’est-à-dire fixe ou mobile ; • pour les robots mobiles : (i) la zone de +fonctionnement couverte et (ii) sa présence dans l’espace public ; • le type +d’interaction : (i) contact physique (toucher), ou (ii) interaction par contact +étroit (pas de contact); • la zone/le type de contact : (i) ponctuel survenant +sur un terminal point, (ii) mains-membres, (iii) contact de tout le corps, (iv) +avec intermédiaire d’objet • le rôle du robot lors du contact : meneur ou +suiveur ; • le rôle du robot dans une œuvre performative : principal caractère, +caractère secondaire, caractère négligeable ; • l’existence de stratégies de +contrôle et de procédures de sécurité. diff --git a/clean_bib.py b/clean_bib.py new file mode 100755 index 0000000..cea547a --- /dev/null +++ b/clean_bib.py @@ -0,0 +1,21 @@ +#!/usr/bin/env python3 +f='bibliography.bib' + +indexes=[] +flag = False + +with open(f) as fh: + for line in fh.readlines(): + if flag is True: + print(line.rstrip()) + if line[0] == '}': + flag = False + if line[0] == '@': + index = line[line.find('{')+1:line.find(',')] + if index.strip() in indexes: + continue + else: + indexes.append(index.strip()) + flag = True + print(line.rstrip()) + diff --git a/images/C1C2.jpg b/images/C1C2.jpg new file mode 100644 index 0000000..f6cf050 Binary files /dev/null and b/images/C1C2.jpg differ diff --git a/images/MoCap_Silvia.jpg b/images/MoCap_Silvia.jpg new file mode 100644 index 0000000..529599e Binary files /dev/null and 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a/images/abder_blind_robot.png b/images/abder_blind_robot.png new file mode 100644 index 0000000..8331e91 Binary files /dev/null and b/images/abder_blind_robot.png differ diff --git a/images/abder_heart-robot.png b/images/abder_heart-robot.png new file mode 100644 index 0000000..d681431 Binary files /dev/null and b/images/abder_heart-robot.png differ diff --git a/images/abder_laas.png b/images/abder_laas.png new file mode 100644 index 0000000..5299506 Binary files /dev/null and b/images/abder_laas.png differ diff --git a/images/abder_sans-objet-bory.png b/images/abder_sans-objet-bory.png new file mode 100644 index 0000000..1c162f6 Binary files /dev/null and b/images/abder_sans-objet-bory.png differ diff --git a/images/abder_scary_Beauty.jpeg b/images/abder_scary_Beauty.jpeg new file mode 100644 index 0000000..c566220 Binary files /dev/null and b/images/abder_scary_Beauty.jpeg differ diff --git a/images/abder_shonen.png b/images/abder_shonen.png new file mode 100644 index 0000000..50479eb Binary files /dev/null and b/images/abder_shonen.png differ diff --git a/images/abder_wayne_RI.png b/images/abder_wayne_RI.png new file mode 100644 index 0000000..f8705b7 Binary files /dev/null and b/images/abder_wayne_RI.png differ diff --git a/images/admittance.png b/images/admittance.png new file mode 100644 index 0000000..6b1472f Binary files /dev/null and b/images/admittance.png differ diff --git a/images/admittance_control.png b/images/admittance_control.png new file mode 100644 index 0000000..470bc8e Binary files /dev/null and b/images/admittance_control.png differ diff --git a/images/avoid_schema.jpg b/images/avoid_schema.jpg new file mode 100644 index 0000000..fad3abd Binary files /dev/null and b/images/avoid_schema.jpg differ diff --git a/images/benesh.jpg b/images/benesh.jpg new file mode 100644 index 0000000..31308ac Binary files /dev/null and b/images/benesh.jpg differ diff --git a/images/bmc.png b/images/bmc.png new file mode 100644 index 0000000..a0be5a7 Binary files /dev/null and b/images/bmc.png differ diff --git a/images/cCoG.png b/images/cCoG.png new file mode 100644 index 0000000..ed871af Binary files /dev/null and b/images/cCoG.png differ diff --git a/images/capteur-de-distance-ultrason.jpg b/images/capteur-de-distance-ultrason.jpg new file mode 100644 index 0000000..f368149 Binary files /dev/null and b/images/capteur-de-distance-ultrason.jpg differ diff --git a/images/capteur_tof.jpeg b/images/capteur_tof.jpeg new file mode 100644 index 0000000..2878e51 Binary files /dev/null and b/images/capteur_tof.jpeg differ diff --git a/images/chaise_silvia.png b/images/chaise_silvia.png new file mode 100644 index 0000000..ca1b955 Binary files /dev/null and b/images/chaise_silvia.png differ diff --git a/images/charmatz.png b/images/charmatz.png new file mode 100644 index 0000000..a915d0b Binary files /dev/null and b/images/charmatz.png differ diff --git a/images/chauvet.jpeg b/images/chauvet.jpeg new file mode 100644 index 0000000..4234f37 Binary files /dev/null and b/images/chauvet.jpeg differ diff --git a/images/color_code_panda.png b/images/color_code_panda.png new file mode 100644 index 0000000..e74dcf9 Binary files /dev/null and b/images/color_code_panda.png differ diff --git a/images/conscience.png b/images/conscience.png new file mode 100644 index 0000000..6cd2dab Binary files /dev/null and b/images/conscience.png differ diff --git a/images/conscience_bottiglieri_ginot.png b/images/conscience_bottiglieri_ginot.png new file mode 100644 index 0000000..ffbbd6a Binary files /dev/null and b/images/conscience_bottiglieri_ginot.png differ diff --git a/images/err_chair.jpg b/images/err_chair.jpg new file mode 100644 index 0000000..30d2158 Binary files /dev/null and b/images/err_chair.jpg differ diff --git a/images/error_chair.png b/images/error_chair.png new file mode 100644 index 0000000..ccfb8ff Binary files /dev/null and b/images/error_chair.png differ diff --git a/images/eshkol.png b/images/eshkol.png new file mode 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b/images/lp_3.jpg new file mode 100644 index 0000000..458ae67 Binary files /dev/null and b/images/lp_3.jpg differ diff --git a/images/lp_4.jpg b/images/lp_4.jpg new file mode 100644 index 0000000..0f2149e Binary files /dev/null and b/images/lp_4.jpg differ diff --git a/images/lp_5.jpg b/images/lp_5.jpg new file mode 100644 index 0000000..681b269 Binary files /dev/null and b/images/lp_5.jpg differ diff --git a/images/lp_6.jpg b/images/lp_6.jpg new file mode 100644 index 0000000..3ed0240 Binary files /dev/null and b/images/lp_6.jpg differ diff --git a/images/mip_velostat.png b/images/mip_velostat.png new file mode 100644 index 0000000..958bcc1 Binary files /dev/null and b/images/mip_velostat.png differ diff --git a/images/mocap_demo.jpg b/images/mocap_demo.jpg new file mode 100644 index 0000000..ff4ef14 Binary files /dev/null and b/images/mocap_demo.jpg differ diff --git a/images/myoware.jpg b/images/myoware.jpg new file mode 100644 index 0000000..4a51fcd Binary files /dev/null and b/images/myoware.jpg differ diff --git a/images/nef_danse_1.jpg b/images/nef_danse_1.jpg new file mode 100644 index 0000000..05010ca Binary files /dev/null and b/images/nef_danse_1.jpg differ diff --git a/images/nef_danse_2.jpg b/images/nef_danse_2.jpg new file mode 100644 index 0000000..9c657aa Binary files /dev/null and b/images/nef_danse_2.jpg differ diff --git a/images/nef_intro.jpg b/images/nef_intro.jpg new file mode 100644 index 0000000..05d8eea Binary files /dev/null and b/images/nef_intro.jpg differ diff --git a/images/panda_mc_rtc.png b/images/panda_mc_rtc.png new file mode 100644 index 0000000..a041dbf Binary files /dev/null and b/images/panda_mc_rtc.png differ diff --git a/images/rauschenberg.png b/images/rauschenberg.png new file mode 100644 index 0000000..a0bd00e Binary files /dev/null and b/images/rauschenberg.png differ diff --git a/images/robots_sauvages.png b/images/robots_sauvages.png new file mode 100644 index 0000000..8a371f3 Binary files /dev/null and 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--git a/images/still_mocap.jpg b/images/still_mocap.jpg new file mode 100644 index 0000000..5ffe650 Binary files /dev/null and b/images/still_mocap.jpg differ diff --git a/images/svg_sample.svg b/images/svg_sample.svg new file mode 100644 index 0000000..47b238d --- /dev/null +++ b/images/svg_sample.svg @@ -0,0 +1,198 @@ + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + image/svg+xml + + + + + + + + + + + + + + + + + + + + diff --git a/images/tof_bureau.jpg b/images/tof_bureau.jpg new file mode 100644 index 0000000..1fa5a3c Binary files /dev/null and b/images/tof_bureau.jpg differ diff --git a/images/tof_bureau2.jpg b/images/tof_bureau2.jpg new file mode 100644 index 0000000..9f435a9 Binary files /dev/null and b/images/tof_bureau2.jpg differ diff --git a/images/ursari2.png b/images/ursari2.png new file mode 100644 index 0000000..a09d938 Binary files /dev/null and b/images/ursari2.png differ diff --git a/images/vangaudenhuyse.png b/images/vangaudenhuyse.png new file mode 100644 index 0000000..7121cd3 Binary files /dev/null and b/images/vangaudenhuyse.png differ diff --git a/images/velostat_pied.jpg b/images/velostat_pied.jpg new file mode 100644 index 0000000..6da0814 Binary files /dev/null and b/images/velostat_pied.jpg differ diff --git a/images/xens.png b/images/xens.png new file mode 100644 index 0000000..f888626 Binary files /dev/null and b/images/xens.png differ diff --git a/sections/abstract.tex b/sections/abstract.tex new file mode 100644 index 0000000..8fcecef --- /dev/null +++ b/sections/abstract.tex @@ -0,0 +1,45 @@ +\chapter*{Résumé} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Résumé} +Cette thèse est une recherche-création construite autour d’un séjour de deux ans au +Laboratoire d’informatique, robotique et microélectronique de Montpellier. Artiste, j’ai +ressenti le besoin d'interroger dans ma pratique la figure du robot, pour tester son +impact lors des processus créatifs, ou son potentiel scénique. Ingénieure, j’ai voulu +comprendre la réalité du terrain des roboticiens- échanger autour de leurs ambitions et +contraintes. Performeuse, j’ai cherché à élargir la danse à des pratiques somatiques, +pour me construire un vocabulaire d’expression corporelle propre. Ma méthodologie est +transdisciplinaire et prend comme appui la tradition canadienne, qui met en avant le +principe du glanage. Dans les maquettes et esquisses des expérimentations, il y a peu +d'attente pour un résultat final et beaucoup de motivation et de curiosité. Cette +motivation est là pour comprendre, souvent par le corps, ce qu’une capacité +d’adaptation et une pluralité des points de vue peuvent apporter à un processus +collaboratif. +\newline + +\textbf{Mots-clefs:} danse, robotique, hri, conscience artificielle + +\chapter*{Abstract} + +Entre danse, robotique et sciences cognitives, cette these a une dimension pluridisciplinaire. +Parmi mes hypothèses de recherche, la question de la transmission est clé. +Est-ce que les principes d'intelligence sensorielle, de conscience de mouvement en danse +peuvent-être délégués aux robots? Est-ce que les robots en situation de danse, +engendrent des états créatifs? Est-ce qu’il existe une danse qui leur est propre? Des +notions comme la conscience incarnée, l'intelligence du mouvement, le schéma corporel, l'empathie kinesthésique, que j’emploie pour entamer cette immersion robotique, proviennent des sciences +cognitives ou des techniques somatiques. +Tout autant importante est la question de la traduction pour voir comment employer un +concept dans une autre discipline- surtout lorsqu’il n’existe pas. Cela se rapproche à un +constant va-et-vient à la lisière de l’humain et non-humain, de l’Art et de la Science. +Pour légitimer cette démarche, je fais des synthèses et des états d’art, j’organise un +dictionnaire. Cela m’aide à identifier des points de convergence, dans une première +partie théorique. Cette partie est construite en trois chapitres: un sur mes repères en +danse et pratiques somatiques, un autre sur l’influence des sciences cognitives sur les +nouvelles approches en robotique et un dernier sur l’évolution des projets artistiques qui +impliquent de l'interaction homme-robot. Ensuite je précise mon travail pratique dans +une deuxième partie, elle aussi constituée en trois chapitres. Le premier chapitre traite +de l’improvisation avec des machines sous différents formats et contextes. Le deuxième +chapitre détaille deux études de terrain-un dans le laboratoire avec un robot humanoïde +et un bras industriel et l’autre lors d’un cours de danse avec les digital twins des deux +robots. Le troisième et dernier chapitre décrit une présentation publique sous la forme +d’une conférence-spectacle et présente mes conclusions quant à ces expériences. + +\textbf{Key words:} danse, robotique, hri, conscience artificielle \ No newline at end of file diff --git a/sections/bibliography.tex b/sections/bibliography.tex new file mode 100644 index 0000000..822aae0 --- /dev/null +++ b/sections/bibliography.tex @@ -0,0 +1,11 @@ +\chapter*{Bibliographie} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Bibliographie} +\markboth{Bibliographie}{Bibliographie} +\printbibliography[heading=subbibliography, type=book,title={Livres}] +\sloppy +\printbibliography[heading=subbibliography, filter=papers,title={Articles}] +\fussy +\printbibliography[heading=subbibliography, type=thesis,title={Thèses et mémoires}] +\printbibliography[heading=subbibliography, type=online,title={Pages web}] +\printbibliography[heading=subbibliography, type=movie,title={Films}] + diff --git a/sections/conclusion.tex b/sections/conclusion.tex new file mode 100644 index 0000000..d4e6137 --- /dev/null +++ b/sections/conclusion.tex @@ -0,0 +1,13 @@ +\chapter*{Conclusion Générale} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Conclusion Générale} + +\section*{Conclusion chapitre 1} + + +\section*{Ouverture} + +\begin{quote} + \textit{Une citation} +\end{quote} + +\blindtext diff --git a/sections/glossaire.tex b/sections/glossaire.tex new file mode 100644 index 0000000..77b342d --- /dev/null +++ b/sections/glossaire.tex @@ -0,0 +1,518 @@ +%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% +%% Acronymes % +%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + +% \newglossaryentry{api}{ +% type=\acronymtype, +% name={API}, +% long={Application Programming Interface}, +% description={Une \textit{Application Programming Interface} est un ensemble particulier de règles et de spécifications qu'un programme logiciel peut suivre pour accéder aux services et aux ressources fournis par un autre programme logiciel particulier qui met en œuvre cette API et pour les utiliser.}, +% first={Application Programming Interface (API) \footnote{totototto}}, +% % see=[Glossary:]{apig} +% } + +\newacronym[description={conscience des machines ou conscience synthétique}]{ca}{CA}{Conscience Artificielle} + +\newglossaryentry{constructivisme}{ + name={\textit{constructivisme}}, + description={Le terme \textit{constructivisme} vise une théorie de l'apprentissage, développée, entre autres, par Piaget comme réponse au comportementalisme qui, d’après lui, limitait trop l’apprentissage à l’association stimulus-réponse et considérait le sujet comme boîte noire. Le constructivisme part de l'idée que les connaissances de chaque sujet ne sont pas spécialement une copie de la réalité, mais un modèle plus ou moins fidèle de celle-ci construit par lui au cours du temps..}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{intelligence artificielle générale}{ + name={\textit{intelligence artificielle générale}}, + description={Le terme \textit{intelligence artificielle générale}, ou (IAG), est une intelligence artificielle capable d'effectuer ou d'apprendre pratiquement n'importe quelle tâche cognitive propre aux humains ou autres animaux. La création d'intelligences artificielles générales est un des principaux objectifs de certaines entreprises comme OpenAI, DeepMind et Anthropic.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{intelligence artificielle générative}{ + name={\textit{intelligence artificielle générative}}, + description={Le terme \textit{intelligence artificielle générative}, ou (IAg), est un type de système d'intelligence artificielle (IA) capable de générer du texte, des images ou d'autres médias en réponse à des invites (ou prompts en anglais). Elle est dite multimodale quand elle est construite à partir de plusieurs modèles génératifs, ou d'un modèle entraîné sur plusieurs types de données et qu'elle peut produire plusieurs types de données. Par exemple, la version GPT-4 d'OpenAI accepte les entrées sous forme de texte et/ou d'image.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{expérience technesthétique}{ + name={\textit{expérience technesthétique}}, + description={Le terme d'\textit{expérience technesthétique} dans l' + acceptation d'E. Couchot concerne un sujet qui manipule des techniques tout en étant façonné par ces techniques. Pour lui, la subjectivité se diviserait en deux hémisphères: un sujet modelé par l’expérience technesthésique, et un sujet qui resterait l’expression d’une subjectivité mouvante, irréductible à tout mécanisme technique et à tout habitus perceptif.}, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{grounding}{ + name={\textit{grounding}}, + description={ harprin and ziemke Le terme \textit{grounding}, The term grounding is derived from the word “Ground: The solid surface on the earth” (Oxford Dictionaries, 2014). Planet earth supports us and all humans, animals and plants alike depend on that support. Like a tree that has planted its roots deeply, all organisms, an especially plants try to grow and extend toward the sun in any way possible (Lowen, 2006). Gravity is always present throughout our lifetime.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{intersubjectivité}{ + name={\textit{intersubjectivité}}, + description={Le terme \textit{intersubjectivité} représente est commun à tous et qui en tant que tel cimente les individus les uns aux autres en leur permettant de se ressembler suffisamment pour comprendre et échanger (p. ex. la conscience, le langage, les sentiments).}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{exaptation}{ + name={\textit{exaptation}}, + description={Le terme \textit{exaptation}, vient de la théorie de l'évolution, et signifie une adaptation sélective opportuniste, privilégiant des caractères qui sont utiles à une nouvelle fonction, pour laquelle ils n'avaient pas été initialement sélectionnés. Par exemple, les plumes des théropodes, initialement sélectionnées parce qu'elles assureraient leur thermorégulation, ont permis l'adaptation au vol.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{danse postmoderne}{ + name={\textit{danse postmoderne}}, + description={Le terme \textit{danse postmoderne} evoque une forme de danse du XXe siècle, populaire des de le début des années 1960, jusqu'qu 1980. Cette danse affirmait que tout mouvement était une expression de la danse et que toute personne était un danseur, quelle que soit sa formation. En cela, les premières danses postmodernes étaient plus étroitement alignées sur les idéologies du modernisme plutôt que sur les mouvements architecturaux, littéraires et de design du postmodernisme. Le Judson Dance Theatre, le collectif postmoderniste actif à New York dans les années 1960, est considéré comme un pionnier de la danse postmoderne et de ses idées.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{sympoiesis}{ + name={\textit{sympoiesis}}, + description={Le terme \textit{sympoiesis}, inventé par Donna Harraway, remplace le concept d'autopoïèse de Maturana et Varela, auquel elle s'oppose au motif qu'aucune chose ne se crée d'elle-même}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{mouvements naturels}{ + name={\textit{mouvements naturels}}, + description={Le terme de \textit{mouvements naturels}, dans l'acceptation d'Alain Berthoz illustre des gestes en opposition aux mouvements réflexes, apparus de manière spontanée comme un éternuement, ou un tremblement. Dans la danse contemporaine cela renvoie à des gestes inspirés par le quotidien: marcher, courir, sauter, tourner la tête.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{mémoire cellulaire}{ + name={\textit{mémoire cellulaire}}, + description={Le terme \textit{mémoire cellulaire} est un concept issu des pratiques somatiques employé par Deborah Hay pour illustrer un ensemble des informations qui se sont mémorisées dans nos cellules, au fil des années.Ces mémoires sont surtout composées de conditionnements et de croyances, certaines héritées et d’autres créées au cours des expériences de vie et réagissent au niveau de l'inconscient.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{neurones miroirs}{ + name={\textit{neurones miroirs}}, + description={Les \textit{neurones miroirs} représentent une catégorie de neurones du cerveau qui s'activent aussi bien lorsqu'un individu exécute une action que lorsqu'il observe un autre individu (en particulier de son espèce) exécuter la même action, ou même lorsqu'il imagine une telle action, d'où le terme miroir. Ils sont connus pour être à l'origine du bâillement.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{digital twin}{ + name={\textit{digital twin}}, + description={Un \textit{digital twin} en fracais \textit{double virtuel} est une représentation virtuelle d'un objet ou d'un système conçu pour refléter avec précision un objet physique. Il couvre le cycle de vie de l'objet, est mis à jour à partir de données en temps réel et utilise la simulation, l'apprentissage automatique et le raisonnement pour aider à la prise de décision.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{Katsugen Undō}{ + name={\textit{katsugen endo}}, +description={Le terme de \textit{katsugen endo} (ou \textit{Mouvement régénérateur} tel que traduit par Itsuo Tsuda qui l'introduit en Europe dans les années 1970), est décrit par Haruchika Noguchi comme un set d'exercices du système moteur extrapyramidal (comprenant les circuits nerveux responsables de la motricité involontaire, comme les réflexes et le contrôle de la posture), dont l'objectif est d'aider le corps se re-équilibrer naturellement. }, +enablef={true}, +} +\newglossaryentry{réponse kinesthésique}{ + name={\textit{réponse kinesthésique}}, + description={Le terme de \textit{réponse kinesthésique} renvoie à une façon de répondre aux stimuli sensoriels à partir de la kinesthésie ou du sens du mouvement. Cela représente une forme de sensibilité qui, indépendamment de la vue et du toucher, renseigne d'une manière spécifique sur la position et les déplacements des différentes parties du corps.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{mouvements spontanés}{ + name={\textit{mouvements spontanés}}, + description={Les \textit{mouvements spontanés} sont de mouvements employés dans l'improvisation dansée et lors des exercices somatiques. Elles ont lieu suite à des contraintes: par exemple après un moment d'immobilité et prise de conscience (pour mieux appréhender ses émotions et ses sensations), ou lors d'une contrainte de bouger seulement une partie du corps comme un bras. Cela permets au corps de s’exprimer et aller vers un processus naturel d’auto régulation. Voir contatc improvisation, katsugen endo, etc.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{mouvements réflexes}{ + name={\textit{mouvements réflexes}}, + description={Les \textit{mouvements réflexes} sont issus d'une activité réflexe. Cette activité est produite par un mécanisme de réponse intégrée d'un centre nerveux, sans intervention du cerveau et de la volonté consciente. Les réflexes sont souvent des réactions de défense, comme le retrait du membre en cas de brûlure, avant que le cerveau ait perçu la douleur. Les réactions réflexes ont pour but de rétablir l'homéostasie.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{expérience kinesthésique}{ + name={\textit{expérience kinesthésique}}, + description={Le terme \textit{expérience kinesthésique} designe une experience de la realité physique en lien avec le toucher, le sens olfactif et/ou gustatif. Souvent cette experience privilegie le mouvement et la perception spatiale comme maniere d'interaction avece l'environment. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{intelligence sensorielle}{ + name={\textit{intelligence sensorielle}}, + description={Le terme d'\textit{intelligence sensorielle} est un concept central dans les pratiques somatiques. Il vise une connaissance elargie des six sens et leur facon de communiquer avec l'environment, par des exercices physiques et une prise de conscience de cette experience. Le cerveau traite des millions d'informaions sensorielles par seconde, une education des sens permets d'ameliorer ces processus souvent inconscients et de rendre le corps plus disponible lors de ses interactions. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{intelligence du mouvement}{ + name={\textit{intelligence du mouvement}}, + description={Dans les pratiques somatiques, le terme d'\textit{intelligence du mouvement} synonime d'\textit{intelligence kinesthésique}, represente la faculté qu’a le corps à sentir, équilibrer, décider et agir dans ses interctions quotidiennes. L’intelligence du mouvement habite le corps tout entier, pas seulement le cerveau. De facon concrete, cela illustre la capacité d’utiliser son corps pour comprendre un ressenti, de maîtriser et interpréter ses mouvements, de manipuler des objets avec soin.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{éducation somatique}{ + name={\textit{éducation somatique}}, + description={Le terme d'\textit{éducation somatique} vise des pratiques et exercices physiques et sensorielles qui visent à ameliorer la maitrise de nos senses et notre rapport à l'intelligence du mouvement.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{notation Laban}{ + name={\textit{notation Laban}}, + description={La \textit{notation Laban} est un système de notation du mouvement des corps humains publié en 19281 par le danseur, chorégraphe et pédagogue hongrois Rudolf Laban (1879-1958).}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{alphabet de mouvement}{ + name={\textit{alphabet de mouvement}}, + description={L' \textit{alphabet de mouvement} est un outil d'apprentissage dans la techique somatique Body Mind Centering commprenant les réflexes, les réactions de redressement et les réponses d'équilibre (RRR).}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{Basic Neuro Cellular Patterns}{ + name={\textit{Basic Neuro Cellular Patterns}}, + description={Le terme de \textit{Basic Neuro Cellular Patterns}, est issu de l'alphabet de mouvement en BMC, où les elements de base (les reflexes) se combinent pour construire les modèles neurocellulaires de base (BNP), en lien avec les schémas de mouvement des prévertébrés et des vertébrés.}, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{autopoiesis}{ + name={\textit{autopoiesis}}, + description={L' \textit{autopoiesis},(du grec auto soi-même, et poièsis production, création) est un concept inventé par Humberto Maturana et Francisco Varela, apparu dans l'article \textit{Autopoietic Systems} (1972). Il designe la propriété d'un système de se produire lui-même, en permanence et en interaction avec son environnement, et ainsi de maintenir son organisation (structure) malgré son changement de composants (matériaux) et d'informations (données).}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{awareness of awareness}{ + name={\textit{awareness of awareness}}, + description={Le terme de \textit{awareness of awareness} en francais \textit{conscience de la conscience} fait partie du vocabulaire de la philosophie de l'esprit. Il designe un phenomene de representation mentale en lien avec l'experience phenomenologique, pour expirmer un etat auto-reflexiv de conscience propre mais aussi la conscience de la conscience de l'autrui. Voir le philosophe Franz Brentano et son concept d'intentionalité. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{Singularité}{ + name={\textit{awareness of awareness}}, + description={Le terme de \textit{Singularité} en anglais \textit{technological singularity} fait référence à un futur hypothétique auquel la croissance technologique devient incontrôlable et irréversible, entraînant des conséquences imprévisibles pour la civilisation humaine. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{affordance}{ + name={\textit{affordance}}, + description={Le terme d'\textit{affordance} ou \textit{potentialité}, est la caractéristique d'un objet ou d'un environnement qui suggère à son utilisateur son mode d'usage ou autre pratique. Par exemple, la forme et position d'une poignée de porte suggère d'utiliser sa main et de tourner afin d'ouvrir la porte. }, + enablef={true}, +} + + + +\newglossaryentry{corps sans organes}{ + name={\textit{corps sans organes}}, + description={Le terme d'\textit{corps sans organes} ou \textit{potentialité}, est la caractéristique d'un objet ou d'un environnement qui suggère à son utilisateur son mode d'usage ou autre pratique. Par exemple, la forme et position d'une poignée de porte suggère d'utiliser sa main et de tourner afin d'ouvrir la porte. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{fascia}{ + name={\textit{fascia}}, + description={Selon les recherches de Dumit et O’Connor (2016), le fascia est un tissu conjonctif — une substance visqueuse qui relie, divise et glisse entre les muscles, les organes, la peau et les cellules. Ce tissu est selon eux actif, intelligent, communicatif commme un organe sensoriel à la fois liquide, solide et muqueux. Le fascia joue un rôle essentiel dans le soutien structurel, la fonctionnalité musculo-squelettique et la perception sensorielle. Sa compréhension et son exploration sont devenues des domaines d'intérêt croissant dans les domaines de la santé, de la rééducation et de la performance physique. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{post-humanism}{ + name={\textit{post-humanism}}, + description={Le terme d'\textit{corps sans organes} ou \textit{potentialité}, While post-humanism has been applauded for its attempts at de-centering the human, and + acknowledging an emergent, relational subject, it has also been critiqued for dissolving race, + gender, and sexual orientation markers among humans; erasing difference between humans and + non-humans; and inadvertently re-inscribing anthropomorphism (King, 2017; Livingstone + Puar, 2011). See my SAGE encyclopedia entry on feminist new materialisms (Truman, 2019a); + also, similar critiques have been made toward affect theory (Palmer, 2017).. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{umwelt}{ + name={\textit{umwelt}}, + description={Le terme d'\textit{umwelt}, est employé par le biologiste Jakob von Uexküll (1864-1944) pour designer l’environnement sensoriel propre à une espèce ou à un individu, mieux rendu en français par l'expression de \textit{monde propre}. une abeille qui partage le même environnement qu'une chauve-souris, ne vivra pas pour autant dans le même monde sensoriel. Par exemple une abeille est sensible à la lumière polarisée et la chauve-souris aux ondes issues de l'écholocation. La perception du monde est différente pour chacune de ces deux especes, puisqu'elle se fait au travers leurs sens, réciproquement inaccessibles.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{représentation}{ + name={\textit{représentation}}, + description={Du point de vue philosophique, le terme de \textit{représentation} designe des concepts equivalents au terme de \textit{monade} de Leibniz et \textit{forme} de Platon, pour evoquer le contenu concret d'un acte de penser.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{predictive coding theory}{ + name={\textit{predictive coding theory}}, + description={Le codage prédictif ou en anglais \textit{predictive coding theory} represente une théorie de neurosciences sur la manière dont le cerveau traite les informations sensorielles. Elle propose que le cerveau génère constamment des prévisions sur les entrées sensorielles qu'il est susceptible de recevoir, en fonction de son expérience passée et de son contexte actuel. Lorsque de nouvelles entrées sensorielles sont reçues, elles sont comparées à ces prévisions, et toutes les différences sont utilisées pour mettre à jour le modèle interne du cerveau à propos du monde. Ce processus permet au cerveau de traiter rapidement et efficacement les informations sensorielles, pour interagir avec notre environnement en temps réel. Ce concept renvoie egalement au \textit{Principe de l'énergie libre}. }, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{the uncanny effect}{ + name={\textit{the uncanny effect}}, + description={Le terme anglais \textit{the uncanny effect} traduit en francais par \textit{l'effet de l’étrangeté} est lié au concept de \textit{vallée de l'étrangeté}, terme utilisé pour décrire la relation entre l'apparence humaine d'un objet robotique et la réponse émotionnelle qu'il suscite. Selon ce phénomène, les gens ressentent un sentiment de malaise, voire de répulsion, face à des robots humanoïdes très réalistes. Le mouvement etant un facteur qui augmente ce sentiment de malaise. + }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{social uncanniness}{ + name={\textit{social uncanniness}}, + description={Le terme anglais \textit{social uncanniness} traduit en francais par \textit{l'effet d’étrangeté sociale} concerne le sentiment de malaise face à des robots humanoïdes très réalistes presents dans la societé. + }, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{ghost in the machine}{ + name={\textit{ghost in the machine}}, + description={Le terme \textit{ghost in the machine} traduit par la \textit{fantôme dans la machine} est popularisé dans la culture cyberpunk et manga comme \textit{ghost in the shell}. Ce terme est utilisé à l'origine dans le béhaviorisme, pour décrire et critiquer le concept de l'esprit existant à côté et séparé du corps. Plus récemment, le terme a plusieurs utilisations, notamment l'idée selon laquelle la partie intellectuelle de l'esprit humain est influencée par les émotions ; et dans la fiction, pour une conscience émergente résidant dans un ordinateur.}, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{béhaviorisme}{ + name={\textit{béhaviorisme}}, + description={Le terme de \textit{béhaviorisme} ou comportementalisme est un courant apparu à la fin du 19éme siecle, en tant que paradigme de la psychologie scientifique selon lequel le comportement observable est essentiellement conditionné soit par les mécanismes de réponse réflexe à un stimulus donné, soit par l'histoire des interactions de l'individu avec son environnemen. }, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{enactivisme}{ + name={\textit{enactivisme}}, + description={Le terme \textit{enactivisme}, en anglais \textit{enactivism} est une approche théorique de la cognition selon la notion d'énaction. La notion d'énaction est une façon de concevoir la cognition qui met l'accent sur la manière dont les organismes et esprits humains s'organisent eux-mêmes en interaction avec l'environnement. Cette approche fut proposée par Gregory Bateson, Humberto Maturana, Francisco Varela, Evan Thompson, et Eleanor Rosch. Elle est proche de la cognition située et de la cognition incarnée et est conçue comme une alternative au cognitivisme, au computationnalisme et au dualisme de Descartes.}, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{body schema}{ + name={\textit{body schéma}}, + description={Une des défintions du terme \textit{body schema}, en francais {schema corporel}, est celle du neuropsychiatre Julian de Ajuriaguerra. Pour lui les impressions tactiles, kinesthésiques et visuelles réalisent, \textit{dans une construction active constamment remaniée des données actuelles et du passé, la synthèse dynamique qui fournit à nos actes, comme à nos perceptions, le cadre spatial de référence où ils prennent leur signification}.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{body image}{ + name={\textit{body image}}, + description={Le terme \textit{body image} ou \textit{image corporelle} en francais, est constituée de perceptions, d'attitudes et de croyances concernant son corps. L’image corporelle diffère du schéma corporel tout comme la perception diffère du mouvement. Les deux peuvent être impliqués dans l’action, notamment lors de l’apprentissage de nouveaux mouvements. + }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{collaborative fluency}{ + name={\textit{collaborative fluency}}, + description={Le terme \textit{collaborative fluency}, en francais \textit{fluidité collaborative}, est un concept clé dans l'apprentissage et l'education, apparu dans le 21éme siécle. Cela concerne l'ethique de travail collaboratif, notamment avec des agents non-humains: etablir les roles et responsabilites dans un groupe, questionner l'objectf du groupe, determiner un plan d'action et s'y tenir, examiner les resultats.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{embodiment}{ + name={\textit{embodiment}}, + description={Le terme d'\textit{embodiment} ou incorporation, correspond à la manière dont une personne évalue un objet en fonction de la position de son corps et/ou de ses mouvements, mais également comment nos expériences sensori-motrices influencent notre manière de penser. Les représentations que les individus se font de leur propre espace, dépendent de leurs représentations perceptuelles et motrices.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{embodied cognition}{ + name={\textit{embodied cognition}}, + description={La theorie de la cognition incorporée est un concept issu de la \textit{Theorie 4E de la Cognition}, en anglais \textit{embodied cognition}, prefigure l'idee que les états homéostatiques et hormonaux du corps influencent les processus cognitifs via les émotions. Cela renvoie à deux approches theoriques du vecu experientiel du corps. La premiere \textit{bottom-up}, explique la manière dont les informations provenant du corps influencent notre cognition. La seconde, \textit{top-down}, correspond à la manière dont notre cognition va influencer nos mouvements corporels.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{embedded cognition}{ + name={\textit{embedded cognition}}, + description={La theorie de la cognition integrée est un concept issu de la \textit{Theorie 4E de la Cognition}, en anglais \textit{embedded cognition}, vehicule l'idée selon laquelle l'interaction physique entre le corps et l'environment, structure les comportements possibles de l'organisme. Selon l'anthropologue Lucy Suchman, cette approche met l'accent sur la manière dont l'activité cognitive varie selon l'agent et ses differents environnements (physique, social, culturel, etc).}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{enacted cognition}{ + name={\textit{enacted cognition}}, + description={La theorie de la cognition integrée est un concept issu de la \textit{Theorie 4E de la Cognition}, en anglais \textit{enacted cognition}, fait reference au vecu experentiel du corps et concerne les processus d'accumulation de savoir via des actions directes sur l'environment. L'enaction ou l'action incorporée est definie en contrepoids de la computation ou le raisonement mental.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{extended cognition}{ + name={\textit{extended cognition}}, + description={La theorie de la cognition etendue est un concept issu de la \textit{Theorie 4E de la Cognition}, en anglais \textit{extended cognition} concerne des conaissances aquises grace à des outils, objets, personnes ou processus intermediaires entre l'agent et son environement.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{qualia}{ + name={\textit{qualia}}, + description={Le terme \textit{qualia} du latin \textit{qualis} qui signifie \textit{quel, de quelle sorte, de quelle espèce, de quelle nature}, est un concept clé du probleme corps-esprit, lié à la nature de la consciece phéoménale. Il fait reference à l'introspection et aux aspects subjectifs de notre vie mentale et est traduit en anglais par \textit{raw feels}.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{proxemics}{ + name={\textit{proxemics}}, + description={Le terme \textit{proxemics} traduit en francais par \textit{proxémie ou proxémique} concerne l'espace matériel d'un individu lors d'une interaction. Introduit par l'anthropologue américain Edward T. Hall à partir de 1963, il designe une sphere intime (distance plus petite de 0.45m), une sphere personnelle (distance entre 0.45m et 1.2m) une sphere sociale (distance entre 1.2m et 3.6 m) et une sphere publique (distance entre 3.6m et 7,6 m).}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{motion capture}{ + name={\textit{motion capture}}, + description={Le terme \textit{motion capture} ou (MoCap), en francais \textit{capture de mouvement} est une technique d'enregistrement des positions et rotations d'objets ou de membres d'êtres vivants, pour en contrôler une contrepartie virtuelle sur ordinateur (caméra, modèle 3D, ou avatar). Une restitution visuelle de ces mouvements en temps réel est faite via des capteurs optiques, magnetiques ou inertiels. Des types de systemes MoCap courament employés en robotique: Awinda XSens, Perception Neuro, OptiTrack Arena. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{Choreonoid}{ + name={\textit{Choreonoid}}, + description={Le logiciel \textit{Choreonoid}, est une framework C++ utilisée pour le développement d'un environnement GUI robotique intégré, qui permet aux utilisateurs d'ajouter leurs propres chorégraphies, sur une base de diverses fonctions robotiques.}, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{glitch}{ + name={\textit{glitch}}, + description={Le \textit{glitch} represente une pointe de tension inopinée, produite par un convertisseur analogique-numérique ou un circuit logique. Cette défaillance électrique ou électronique se répercute sur le matériel informatique (hardware) et sur l'exécution des logiciels. Ce terme est aussi employé pour désigner un bug dans un jeu vidéo qui peut être exploité pour, entre autres, tricher ou réaliser un speedrun.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{task-space}{ + name={\textit{task-space}}, + description={Le terme \textit{task-space} en francais \textit{espace des tâches} ou espace cartésien, est défini par la position et l'orientation de l'end effector d'un robot. Cet espace c'est l’espace dans lequel la tâche du robot peut s’exprimer le plus naturellement et represente un ensemble mathématique de toutes les poses possibles de l'end effector. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{workspace}{ + name={\textit{workspace}}, + description={Le terme \textit{workspace}, en francais l'\textit{espace opérationnel}, represente l'espace physique dans lequel le robot évolue.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{readiness potential}{ + name={\textit{the readiness potential}}, + description={Le terme de \textit{the readiness potential}, en francais \textit{potentiel de préparation}, represente une petite accumulation de potentiel électrique enregistré au niveau du cuir chevelu par électroencéphalographie, associé à l'activité neuronale impliquée dans la préparation au mouvement. Ce concept a été promu par le neuroscientifique Benjamin Libet qui a utilisé le décalage temporel entre le temps autodéclaré d’intention consciente et l'execution d'un mouvement, pour affirmer que nous manquons de libre arbitre.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{Dynamic Movement Primitives}{ + name={\textit{Dynamic Movement Primitives}}, + description={Le terme \textit{Dynamic Movement Primitives} (DMP), en francais \textit{Primitives de Mouvement Dynamique} trouvent leurs racines dans le contrôle moteur des systèmes biologiques. Elles representent des formules mathématiques pour illustrer des primitives de mouvement en tant que systèmes dynamiques non linéaires stables, générant des commandes motrices complexes pour des systèmes artificiels comme les robots. Au cours des dernières décennies, les DMP ont inspiré les chercheurs dans différents domaines de la robotique, notamment l'apprentissage par imitation et par renforcement, le contrôle optimal, l'interaction physique et le travail collaboratif homme-robot. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{robotique culturelle}{ + name={\textit{robotique culturelle}}, + description={Le terme de \textit{robotique culturelle} represente un domaine emergeant de la robotique sociale, qui se concentre sur la façon dont les robots pourraient disposer d'un comportement culturel et quelles implications culturelles peut avoir le fait de réinventer des morphologies des robots.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{biomécanique}{ + name={\textit{biomécanique}}, + description={Le terme \textit{biomécanique} represente l'etude de l’homme en mouvement, des forces externes (ex : force de réaction au sol) qui agissent sur lui et des forces internes (ex : forces + musculaires) qu’il produit.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{The 4E Cognition Theory}{ + name={\textit{The 4E Cognition Theory}}, + description={Le terme \textit{The 4E Cognition Theory} en francais \textit{Théorie 4E de la Cognition}, est une approche recente dans les sciences cognitives. Elle soutient que la cognition ne se produit pas uniquement dans la tête, mais qu’elle est également incarnée, intégrée, mise en œuvre et étendue aux processus et structures extra-crâniens. Les 4E representent les proprietés de la cognition, en anglais: \textit{embodied, embedded, enacted, or extended}. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{agency}{ + name={\textit{agency}}, + description={Le terme \textit{agency} en francais \textit{agence} ou \textit{capacité d'agir}, fait référence au sentiment subjectif de contrôler ses propres actions. Comme sous-produit des mouvements humains, cela façonne également la perception et le comportement. Dans les recherches sur l’interaction homme-machine, cela reinforce la coordinarion entre les humains et les systèmes automatisés.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{conscience}{ + name={\textit{conscience}}, + description={Le terme \textit{conscience} est un processus cognitif qui suscite des émotions et des associations rationnelles basées sur la philosophie morale ou le système de valeurs d'un individu. Elle est fréquemment reliée, entre autres, aux notions de connaissance, d'émotion, d'existence, d'intuition, de pensée, de psychisme, de phénomène, de subjectivité, de sensation, et de réflexivité. Ce sens correspond par exemple à l'allemand \textit{Bewusstsein} et à l'anglais \textit{consciousness},}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{intelligence}{ + name={\textit{intelligence}}, + description={Le terme d'\textit{intelligence}, designe un ensemble des processus propres à des systèmes, plus ou moins complexes, vivants ou non, qui permettent d'apprendre, de comprendre ou de s'adapter à des situations nouvelles. La définition de l'intelligence ainsi que la question d'une faculté d'intelligence générale ont fait l'objet de nombreuses discussions philosophiques et scientifiques. L'intelligence a été décrite comme une faculté d'adaptation (apprentissage pour s'adapter à l'environnement) ou au contraire, faculté de modifier l'environnement pour l'adapter à ses propres besoins. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{intelligence du corps}{ + name={\textit{intelligence du corps}}, + description={Le terme d'\textit{intelligence du corps}, intelligence corporelle ou introception, concerne le degré par lequel quelq'un est conscient de son corps, ce qu'il connait des processus internes et ce qu'il est capable de faire pour optimiser ses fonctions. En education somatique cela concerne une série de réponses que le corps utilise pour maintenir son autonomie. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{adaptation}{ + name={\textit{adaptation}}, + description={Le terme \textit{adaptation}, concerne de maniere genrale l’ajustement fonctionnel de l’être vivant à son environment et est une des caracteristiques des systemes definies comme intelligents. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{image corporelle}{ + name={\textit{image corporelle}}, + description={Voir \textit{body image}.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{schéma corporelle}{ + name={\textit{schéma corporelle}}, + description={Voir \textit{body schema}.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{art robotique}{ + name={\textit{art robotique}}, + description={Le sub-domaine d'\textit{art robotique}, est une forme d'art qui implique l'utilisation des robots ou des technologies automatisées dans un contexte autotélique. L'art robotique consiste souvent en des installations rendues plus ou moins interactives. En comparaison avec l'art cinétique, l'art robotique engage parfois les spectateurs dans des inetractions avec les dispositifs, ou met en scène des interactions entre des robtos, des humains ou des objets. }, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{the physical grounding hypothesis}{ + name={\textit{the physical grounding hypothesis}}, + description={Le terme de \textit{the physical grounding hypothesis} ou \textit{hypothèse d'incorporation} designe une theorie avancée par Rodney Brooks dans les années 1990. En relation avec ce concept, il développe une architecture informatique connue sous le nom d'architecture de subsomption, permettant de relier la perception à l’action, pour intgrer les robots dans le monde. ainsi le monde devient le mielleur modele pour un robot. Cette phrase qui a été reprise dans la robotique developementale et dans l'IA donnat suite au \textit{Problème de l'ancrage des symboles}, une des problemes liée aux symboles et à l'IA sur comment un mot, ou plus généralement un symbole, peut acquiert du sens. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{the Chinese Room Argument}{ + name={\textit{the Chinese Room Argument}}, + description={Le terme de \textit{the Chinese Room Argument}, en francais \textit{l’argument de la chambre chinoise} est introduit dans les années 1980 par le philosophe américain John Searle. Searle s'imagine seul dans une pièce en train de suivre un programme avec des regles permettant de répondre à des caractères chinois glissés sous la porte. Searle ne parle pas chinois, mais en suivant ce programme, il renvoie les chaînes de caractères chinois appropriées en retour sous la porte. Ceux qui sont dehors supposent à tort qu'il y a un locuteur chinois dans la pièce. Cela montre comment la programmation d’un ordinateur numérique peut donner l’impression qu’il comprend un langage, mais en realité ne peut pas saisir le sens des mots. De facon analogique une IA ne peut que simuler une CA, selon les regles qui la constituent. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{Generative AI}{ + name={\textit{Generative AI}}, + description={Le terme de \textit{Generative AI}, ou \textit{IA générative} est un type d'intelligence artificielle qui peut apprendre et imiter de grandes quantités de données pour créer du contenu tel que du texte, des images, de la musique, des vidéos, du code, etc., en fonction des donnees d'entré. Plusieurs organismes sont actuellement concernés par l'expérimentation responsable des outils d'IA générative, avec des considérations ethiques à garder à l'esprit lors de l'utilisation de ces outils, notamment la sécurité des informations et la confidentialité des données, la conformité, les droits d'auteur et l'intégrité académique.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{Free Energy Principle}{ + name={\textit{Free Energy Principle}}, + description={Le terme de \textit{Free Energy Principle}, en francais \textit{Principe de l'énergie libre} est un cadre utilisé pour décrire comment le cerveau prend des décisions et s'adapte à des circonstances changeantes. Il repose sur l'idée que le cerveau essaie constamment de minimiser son énergie libre, qui est definie comme une mesure de la surprise resentie par le cerveau, face aux informations sensorielles qu'il reçoit. En minimisant son énergie libre, le cerveau peut faire des prédictions sur le monde qui l'entoure et prendre les actions appropriées. La minimisation implicite de l'énergie libre variationnelle est formellement liée aux méthodes bayésiennes variationnelles et a été introduite par Karl Friston comme explication de la perception incarnée dans les neurosciences, où elle est aussi connue sous le nom d'\textit{inférence active} ou de \textit{codage prédictif}.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{boucle perception-action-cognition}{ + name={\textit{boucle perception-action-cognition}}, + description={Le terme de \textit{boucle perception-action-cognition}, est un modele cognitif introduit par Fuchs en 2006. Selon ce modele l'humain est à l'origine d'un systeme de decision dont les sources d'information son issus principallement de l'environment exterieur qu'il percoit grace à son systeme snesoriel.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{Finite Sate Machine}{ + name={\textit{Finite Sate Machine}}, + description={Le terme \textit{Finite Sate Machine} (FSM) en francais \textit{automate fini ou automate avec un nombre fini d'états} est un modèle mathématique de calcul, susceptible d'être dans un nombre fini d'états, mais étant un moment donné dans un seul état à la fois ; l'état dans lequel il se trouve alors est appelé l'état courant. Le passage d'un état à un autre est activé par un événement ou une condition ; ce passage est appelé une transition. Les automates finis peuvent modéliser un grand nombre de problèmes, parmi lesquels la conception assistée par ordinateur pour l'électronique, la conception de protocoles de communication, l'analyse syntaxique de langages. Dans la recherche en biologie et en intelligence artificielle, les automates finis ou des hiérarchies de telles machines ont été employés pour décrire des systèmes neurologiques. }, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{exaptation}{ + name={\textit{exaptation}}, + description={Le terme d'\textit{exaptation} concerne le développement d’un caractère doté d'une fonction première qui, par la sélection naturelle, évolue au fil du temps pour jouer un tout nouveau rôle. Contrairement à l’adaptation, l'exaptation est une adaptation sélective opportuniste, privilégiant des caractères qui sont utiles à une nouvelle fonction, pour laquelle ils n'avaient pas été initialement sélectionnés. Par exemple, les plumes des théropodes, initialement sélectionnées parce qu'elles assureraient leur thermorégulation, ont permis l'adaptation au vol. La bipédie ou la parole seraient également des exaptations.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{conscience artificielle}{ + name={\textit{conscience artificielle}}, + description={Le terme \textit{conscience artificielle}, conscience des machines ou conscience synthétique - (en anglais : artificial consciousness)- est un domaine de recherche visant à comprendre, modéliser et tester la potentielle conscience liée aux intelligences artificielles.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{deep learning}{ + name={\textit{deep learning}}, + description={Le terme \textit{deep learning}, en francais : \textit{apprentissage en profondeur} designe un sous-domaine de l’intelligence artificielle qui utilise des réseaux neuronaux pour résoudre des tâches complexes grâce à des architectures articulées de différentes transformations non linéaires.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{machine learning}{ + name={\textit{machine learning}}, + description={Le terme \textit{machine learning}, en francais \textit{apprentissage statistique} est un champ d'étude de l'intelligence artificielle fondà sur des approches mathématiques et statistiques pour donner aux ordinateurs la capacité d'apprendre à partir de données, c'est-à-dire d'améliorer leurs performances à résoudre des tâches sans être explicitement programmés pour chacune. Plus largement, il concerne la conception, l'analyse, l'optimisation, le développement et l'implémentation de telles méthodes. On parle d'apprentissage statistique car l'apprentissage consiste à créer un modèle dont l'erreur statistique moyenne est la plus faible possible. }, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{weak AI}{ + name={\textit{weak AI}}, + description={Le terme \textit{weak AI}, en francais \textit{intelligence artificielle faible}, designe un type d'IA qui simule les caracteristiques d'intelligence humaine ou qui se concentre sur une tache specifique (ie., Siri ou Alexa).}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{strong AI}{ + name={\textit{strong AI}}, + description={Le terme \textit{strong AI} en francais \textit{intelligence artificielle forte}, designe un type d'IA qui corresponds plutot à une machine dotée de conscience, de sensibilité et d'esprit. CEla s'approche d'un type de conscience artificielle, ou CA ou d'une intelligence artificielle generale ou IAG. Tres presente dans les films ou dans les médias culturels populaires, l'IA forte n’est pas encore implémentée ou testable.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{reinforcement learning}{ + name={\textit{reinforcement learning}}, + description={Le terme \textit{reinforcement learning}, en francais \textit{apprentissage par renforcement} consiste, pour un agent autonome (ex. : robot, agent conversationnel, personnage dans un jeu vidéo, etc.), à apprendre les actions à prendre, à partir d'expériences, de façon à optimiser une récompense quantitative au cours du temps. L'agent est plongé au sein d'un environnement et prend ses décisions en fonction de son état courant. En retour, l'environnement procure à l'agent une récompense, qui peut être positive ou négative. L'agent cherche, au travers d'expériences itérées, un comportement décisionnel (appelé stratégie ou politique, et qui est une fonction associant à l'état courant l'action à exécuter) optimal, en ce sens qu'il maximise la somme des récompenses au cours du temps.}, + enablef={true}, +} + + +\newglossaryentry{big data}{ + name={\textit{big data}}, + description={Le terme \textit{big data}, en francais \textit{mégadonnées ou les données massives}, désigne les ressources d’informations dont les caractéristiques en termes de volume, de vélocité et de variété imposent l’utilisation de technologies et de méthodes analytiques particulières pour créer de la valeur, et qui dépassent en général les capacités d'une seule et unique machine et nécessitent des traitements parallélisés.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{contact improvisation}{ + name={\textit{contact improvisation}}, + description={Le \textit{Contact Improvisation} est une technique de danse contemporaine developpée dans les années 1970, par le danseur et chorégraphe de Judson Church, Steve Paxton, en collaboration avec d'autres danseurs post-modernes. Cette technique s'inspire des pratiques somatiques pour donner cadre à des improvisations collectives. Plusieurs danseurs explorent le mouvement ensemble en s'appuyant un sur l'autre mutuellement, en maintenant le contact les uns avec les autres et en attirant leur attention sur le ou les points de contact entre eux.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{situated speculation}{ + name={\textit{situated speculation}}, + description={Le terme de blabla.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{matérialisme féministe}{ + name={\textit{matérialisme féministe}}, + description={Le terme de blabla.}, + enablef={true}, +} + +\newacronym[description={Une Base De Données est un ensemble structuré et organisé de données qui représente un système d'informations sélectionnées de telle sorte qu'elles puissent être consultées par des utilisateurs ou par des programmes. Définition du Larousse}]{bdd}{BDD}{Base De Données} \ No newline at end of file diff --git a/sections/introduction.tex b/sections/introduction.tex new file mode 100644 index 0000000..1c806a5 --- /dev/null +++ b/sections/introduction.tex @@ -0,0 +1,222 @@ +\chapter*{Introduction Générale} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Introduction Générale} +\markboth{Introduction Générale}{Introduction Générale} + +\textit{Il paraît que ça passe par le corps, mais par un corps qui aurait tout juste commencé à s’individuer, et qui n’en finirait pas d’individuer en lui – quoi, au juste ? – des lieux, ou des foyers de sensibilité, des êtres : à force d’être nommé de tant de façons, ça finit par exister.} + C. Bottiglieri + +\section{Parcours et contexte} +Au croisement entre danse et robotique, ce projet de recherche-création interroge et construit des formes performatives en lien avec des notions émergeantes comme la \textit{conscience artificielle} (CA). À travers l’expressivité du corps organique du performeur et les principes de cognition incarnée (ie.\textit{embodied cognition}) transposées au corps mécanique des robots, je cherche à confronter le réel aux limites de la perception. Le résultat s'approche d’un exercice d'écriture plurielle hybride où l’homme s’appuie sur la machine pour mieux se connaître et mieux anticiper ses projections dans cette relation. Plus concrètement, cette thèse intitulée- ``Danser avec les robots: le corps performatif et la \textit{conscience artificielle}” traite des interactions homme-robot dans des contextes artistiques.\smallskip +Pendant deux ans, j'ai été doctorante invitée au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM). Là j’ai eu l’occasion d’analyser les possibilités d’interaction artistique d’un robot humanoïde HRP-4 ainsi qu'un bras industriel Franka. Ayant la création expérimentale comme activité de recherche, mon projet est centré autour d'un travail pluridisciplinaire qui consiste à imaginer différentes possibilités d’interaction physique avec des robots. Dans une démarche scientifique, je cherche à théoriser cette pratique de danse avec des machines, en mettant les bases d’un langage chorégraphique inédit influencé par des pratiques somatiques et par ce que la littérature appelle \textit{la pensée du corps} ou la \textit{conscience du mouvement}. Cette démarche est proche des écrits et d’expérimentations des artistes tel Anna Halprin, Deborah Hay ou Lia Rodrigues, parmi autres. + +Mont postulat part de ce que le chercheur et analyste en danse Hubert Godard a identifié comme \textit{des mythologies du corps en mouvement}. En espérant identifier leur contrepoids technologique dans les robots du LIRMM, j'ai suivi de loin et de prêt les roboticiens pour essayer de comprendre leurs artefactes: +\begin{quote} +``Chaque individu, chaque groupe social, dans une résonance avec son environnement, crée et subit ses mythologies du corps en mouvement, qui façonnent ensuite les grilles fluctuantes, conscientes ou non conscientes, en tout cas actives, de la perception. La danse est le lieu par excellence qui donne à voir les tourbillons où s’affrontent ces forces de l’évolution culturelle, qui tend à produire et en même temps à contrôler ou même à censurer les nouvelles attitudes de l’expression de soi et de l’impression de l’autrui.” +\end{quote} + +Cette thèse en danse et robotique confirme mon parcours pluridisciplinaire à la rencontre des arts et de la science. Titulaire d’une diplôme en ingénierie de systèmes à l’École Polytechnique de Timisoara et d’un master en phénoménologie de la religion à l’Université de l’Ouest Timisoara en Roumanie, je suis arrivée en France pour poursuivre des études en art, notamment un master professionnel ``Mise en scène et dramaturgie” à l’université Paris Nanterre. En parallèle avec mes études, j’ai intégré des ateliers et stages de professionnalisation avec Mathieu Bauer, Ricci Forte, Silvia Costa, Odin Teatret, le Théâtre du Soleil ainsi que des résidences de création autour du numérique, en participant à l’atelier ``La Scène numérique”, mené par Robert Faguy aux Laboratoires Lantiss de l’université de Laval à Québec. Lors de ce séjour au Canada, nous avons travaillé sur les nouvelles formes performatives et l’usage de la technologie dans le spectacle vivant. Cela m’a permis d’imaginer ce projet de recherche-création orienté autour des robots et leur impact sur scène. Après ma formation en mise en scène, j’ai travaillé comme assistante de Heiner Goebbels pour son \textit{Anthology of Sounds and Spaces} à Bogota, ainsi qu’interprète et assistante à la mise en scène pour Michel Cerda pour son spectacle \textit{La Source des Saints} en tournée en France entre 2018 et 2020. J’ai également mis les bases de la compagnie Desiderate, imaginée comme laboratoire d’expérimentation artistique. +N’ayant pas eu une formation conventionnelle en danse, mon approche s’inspire de techniques et disciplines variées ainsi que des rencontres faites tout au long de projets artistiques. Pour construire des séquences de mouvement, je m’appuie sur les mouvements naturels du corps et de son vécu, proche de ce que des autres praticiens ont défini comme \textit{éducation somatique}, \textit{pensée du corps} et \textit{intelligence sensorielle}. Loin des critères esthétisants, mon objectif est de chercher des mouvements inspirés par le vécu du corps, identifier l’endroit et le moment où son ressenti et son autonomie engendrent de la créativité pour performer sur une scène. Depuis 2014, je me forme à la danse à travers des stages de Gaga avec Ohad Naharin et \textit{Batscheva Dance Company}, buto avec Atsoushi Takenouchi, des techniques \textit{ViewPoints}, \textit{Body Mind Centering}, \textit{Feldenkrais} et ainsi de suite. Dans le cadre de ce doctorat j’ai eu l’occasion d’intégrer plusieurs sessions de travail dans le studio de danse de la chorégraphe française Mathilde Monnier. Pendant ces résidences- définies comme des laboratoires et des sessions d’expérimentation autour du corps, je cherche à développer ma présence, mon ancrage, ma spontanéité et réactivité. Ayant un intérêt particulier pour les expériences phénoménologiques et inspirée par la psychanalyse jungienne, je m'inspire de ces concepts pour concevoir des projets performatifs arts et science dont la démarche se situe entre la dramaturgie du corps et les nouveaux médias. +\vfill +La compagnie Desiderate +\vfill +L’idée de travailler avec les robots et interroger leur potentiel créatif est une prolongation des envies de recherche et d’expérimentation avec la technologie, au sein de la compagnie Desiderate dont je suis la directrice artistique. Créé en 2015, cela représente un lieu de rencontres pluridisciplinaires, un rassemblement d’artistes œuvrant dans différentes disciplines - la danse, le théâtre, les arts numériques, la musique. Depuis 2017, la compagnie a été accueillie en résidence à Anis Gras-le lieu de l’autre à Arcueil pour le projet jeune création \textit{Les sept Princesses} de M. Maeterlinck et le projet danse et nouvelles technologies \textit{En attendant que la vie passe…}. Je suis également artiste résidente au DOC! dans Paris 19éme où j’ai participé à la création des projets performatifs \textit{Ne pas penser qu’au fond de moi c’est Hiroshima} et \textit{J’ai décidé de plus me laver} en tant que membre fondatrice du collectif C.B.F. + +\subsection{Résidences d’essai et laboratoires d’expérimentation} + +Résultat des laboratoires d’expérimentation et de création des formes hybrides qui interrogent notre expérience du réel, le dernier projet de la compagnie- \textit{En attendant que la vie passe…} (2019) a été diffusé lors de la saison croisée France- Roumanie, organisée par l’Institut Culturel Français. Ce spectacle prend comme point de départ \textit{La Métamorphose} de Franz Kafka où un employé en burn-out vit avec ses parents et sa sœur, sans trouver une issue à ses malheurs. Un matin il se réveille avec l’apparence d’un insecte, dans l’impossibilité physique d’aller au travail. Son patron vient le chercher à la maison. Impuissants et perdus face à cette situation, les membres de sa famille l’enferment dans sa chambre, puis le négligent jusqu’à sa disparition. A travers les corps, les gestes et la danse, les spectateurs sont plongés dans un univers dystopique marqué par l’absurdité de travailler dans une société où tout fonctionne autour de la rentabilité et où les compromis étouffent l’envie de vivre. En contrepoint, le sentiment d’autodérision et le rire apparaissent comme une réponse légitime à des questions existentielles sans réponse. Par l’usage des nouvelles technologies, nous avons cherché à actualiser l’écriture de Kafka à l’ère du numérique rapprochant la figure de l’insecte à celle de drone. Lorsque des androïdes et robots humanoïdes satisferont nos fantasmes d’immortalité, nos corps seront remplacés par des dispositifs robotisés, drones, prothèses bioniques etc. Dans ce contexte nous semble important de confronter le corps à ses propres limites, à l’épuisement.\vfill + +Le laboratoire de robotique et microélectronique de Montpellier (LIRMM) +\vfill + +En mars 2021, je suis arrivée au Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier, pour étudier les robots humanoïdes sous l’encadrement de prof. Abderrahmane Kheddar de l’équipe Interactive Digital Humans (IDH). Initié dans les années 2000, le Humanoid Robotics Project (HRP) est un projet de développement des robots conçus pour collaborer avec les humains, parrainé par le Ministère Japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie, dirigé par Kawada Industries et soutenu par l’Institut national des sciences et technologies industrielles avancées (AIST) et Kawasaki Heavy Industries. Aboutissement d’une décennie de R\&D, le HRP-4 est aujourd'hui l’un des humanoïdes les plus avancés dans sa gamme, connu pour effectuer des mouvements remarquablement naturels. Cependant le niveau de programmation de ce type de robot est très complexe. Le faire bouger nécessite des connaissances préalables en langage C++ ou Python et Linux, ensuite la maîtrise de interfaces comme ROS, MCRTC et GitHub.\vfill + + Co-évolution, Co-création et improvisation Homme-Machine (CECCI-H2M)\vfill + +Le projet CECCI-H2M est un projet interdisciplinaire et international conçu sous la forme d’une coopération scientifique et artistique. Il entend explorer des modes de transcription artistique des concepts tels que la co-évolution comportementale, la co-création et l’improvisation chorégraphique autour du thème de la dépendance/co-dépendance entre des humains et des entités artificielles (robot ou système virtuel évolutif). Il interroge la manière de mettre en place des relations de symbiose entre plusieurs systèmes en interaction, afin qu’ils puissent cohabiter ensemble. J’ai travaillé en tant qu’ingénieur d’études de ce projet, pour une durée totale de 10 mois entre février 2021 et octobre 2022. Ma mission a été d’interroger la manière de représenter une relation de co-création sur scène, à travers une performance entre un danseur, un Robot HRP (Humanoid Robotics Project) et un Ecosystème Virtuel Evolutif (EVE) qui les entoure.\hfill + +La \textit{conscience artificielle} ou comment un robot peut-devenir \textit{sauvage}\smallskip + +Le robot en tant qu’objet scénique est à la fois un élément contraignant de notre recherche-création, à la fois il suscite de nombreux fantasmes et projections. Nous avons tous interagit d’une forme ou une autre avec une machine intelligente dans nos vies privées, cela n’a pas empêché notre curiosité se déployer encore plus et s’imaginer ce qu’il pourrait se passer le jour où un robot complètement autonome se présentera devant nous. Au moins sur scène, lieu d’expérimentation de toute possibilité, nous essayons de comprendre dans quelle mesure son corps a un potentiel performatif et qu'est ce que ce sera la manifestation d'une forme de \textit{conscience artificielle}. Dans ma quête vers l’autonomie des systèmes artificiels, la notion du \textit{sauvage} a été évoquée en marge d’une construction de consensus d’interaction Homme-Robot. Cette notion désigne le fait qu’un robot doté d’autonomie pourrait être non apprivoisée sur scène, et que le performeur y verrait une perte de contrôle pour arriver à un compromis cognitif, tel un terrain d’entente, entre sa créativité, son intuition et les ``réactions” du robot. +Par mon rôle de chercheuse, j'ai pu imaginer des interactions improvisées avec des robots, solliciter dans mon corps autant que dans le leurs des possibilités de convergence et d’expression artistique. Mon moyen d’expression a été la danse, vu comme écriture corporelle et langage non-verbal mais aussi comme \textit{état de présence}. Ainsi pendant deux ans, j’ai eu l’opportunité de les observer de loin et de prêt chez eux, dans les halles de robotique du LIRMM. J'ai appris petit à petit le programmer pour leur permettre de s’exprimer, mais j'ai également appris à me dé-programmer, afin de laisser émerger mes intuitions et projections vis-à-vis d'eux et d'une éventuelle entente au niveau sensoriel entre nous. + + + +\subsection{Champs de recherche} + + +Dans les expériences de réalité augmentée, ainsi que dans les états de conscience altérée, nous expérimentons le réel d’une façon inouïe. Cependant aujourd’hui il nous est difficile de définir le concept de \textit{réel} d’une seule et unique façon. Selon les théories psychanalytiques ce concept s’oppose à la réalité et échappe à l’imaginaire. Pour Lacan: \begin{quote}``le réel, c’est ce qui est strictement impensable.(...)Le réel a un statut particulier, du fait que l’on ne l’atteint pas. Le réel est inaccessible.” \end{quote} +\textbf{Le coté irréel de la conscience}\hfill + +La conscience de soi, étudiée plus largement à partir des recherches en phénoménologie de Martin Heidegger, est un terme difficile à saisir ou interpréter. De plus, traduire cette expérience de la conscience, à la réalité physique de la machine reste difficilement atteignable pour la plupart des scientifiques. Lors de projets en neurosciences et robotique, plusieurs aspects de l’état conscient: l’autonomie motrice, l’attention, la mémoire, l’imagination ont été étudiés et modélisés dans des programmes informatiques, pour générer des systèmes type \textit{conscience artificielle} ou CA. Malgré cela, la communauté scientifique est loin de disposer des robots capables d’auto-analyser, planifier et improviser leur comportement dans une situation d’interaction avec un humain. +Développer une CA dans un robot signifie donc concevoir un programme capable d’interagir avec le monde extérieur et avec l’humain pour que le robot puisse se construire des représentations d’expériences sensibles, voire subjectives, identifiées par les neurosciences cognitives comme \textit{qualia}. +Pour des chercheurs dans ce domaine \textbf{citer qui}, une CA doit pouvoir avoir la capacité d’éprouver le concept \textit{Dasein} de Heidegger, ou tout simplement prouver du fait d’être au monde, d'une manière subjective. Le chercheur Tom Ziemke, spécialiste dans la recherche de formes incarnées de conscience ou \textbf{embodied cognition} parle de la possibilité d'une intelligence artificielle ou IA incarnée dans des dispositifs techniques, grâce à la biologie synthétique. Selon lui, un programme qui assure une relation entre le robot et son environnement via des capteurs et actionneurs, représente une forme d’IA incarnée. Son travail, inspiré par F.J. Varela, lie l’intelligence à l’état d’\textit{autopoïèse} comme façon d’organiser le vivant. Ziemke se demande si la conscience est essentiellement liée au domaine du vivant, ou si tout système autonome autoréférentiel est capable d’une forme de conscience. +Actuellement, les interactions multimodales au travers des gestes, mimiques, paroles ou le toucher sont les formes d’interaction naturelle homme-machine les plus abouties. L’appui central est l’extérieur de la machine, son corps dont le stimuli sont multiples. +Pour le chercheur Bruno Latour le corps humain est défini par sa relation avec l’extérieur. Son propos vise à démystifie le dualisme corps-intellect. Ainsi il parle de l’apprentissage de l’intellect (et de la conscience) à travers les sens. Pour illustrer ces propos, il utilise la métaphore de l’éducation des sens olfactifs. De façon similaire, Guy Hoffman- codirecteur du IDC Media Invention Lab, travaille depuis quelques années sur l’expressivité des robots. Pour cela il a intégré des principes de design graphique et de l’improvisation théâtrale afin de rendre ses robots plus humains par leurs mouvements et leurs gestes. + +Parallèlement, des artistes utilisent la technologie pour provoquer des expériences sensorielles et convoquer le réel sur leur plateau. Dans le spectacle \textit{Sans Objet}(2009) par exemple, le chorégraphe Aurélien Bory voit la futilité de ces dispositifs technologiques: + +\begin{quote}``En dehors de tout but, de toute fonction, la danse entre le corps de l’homme et celui de la machine donne lieu à un théâtre mécanique sur le terrain du sensible, entre la fragilité de l’humain et la puissance du bras métallique articulé. Placé au centre, au milieu d’un vide, complètement sorti de son contexte industriel, le robot devient inutile. Et dans sa fonction perdue ne nous rappellerait-il pas la nature de l’art: être absolument sans objet ?” +\end{quote} + +Plus précisément, les performeurs dansent avec et à côté du bras industriel pour trouver leur place. Ils communiquent leur sensibilité par des mouvements alors qu'à coté le robot n’est pas mis en scène, il y est sur scène avec eux. Cela permet au spectateur de composer son propre histoire et de donner une nouvelle signification à l’expérience vécue, pour ainsi interroger le réel de cette rencontre. + + + +\textbf{Le corps performatif à la lisière de pratiques somatiques et developpements technologiques} + +Le corps humain en tant que sujet se retrouve à la lisère de plusieurs disciplines et paradigmes de notre société. Beaucoup de personnes font de la chirurgie plastique pour correspondre à des normes de beauté irréelles, d’autres pensent capacité augmentée et biohacking. Dans la quête du sens à l’ère de l’Anthropocène, le corps semble une coquille vide en attente de connexion avec d’autres objets connectés. Cependant la danse comme forme d’expression artistique est une pratique qui n’a pas beaucoup changé avec le temps. De nombreuses façons de danser liées à des formes expressives archaïques tels les rituels se sont recyclés en formes performatives artistiques. En cela la danse apparaît comme un geste qui résiste à l’histoire de notre civilisation et aux tendances du moment, les surpassant. + +Pour comprendre ce qu'un corps performatif peut signifier pour les machines, nous nous rapportons d’abord au corps du danseur humain. Nous analysons la place que ce corps a eu dans l’histoire récente de la danse. Cela vise la danse comme discipline qui s'inspire des pratiques somatiques, avec des ``danseurs liberés” des conventions de forme lors des expérimentations postmodernes dans les années 70. A la suite de cela s'inscrit la pratique du ``danseur piéton” dans les performances du début de 21e siècle: +\begin{quote} +``Ainsi, les danseurs piétons incarnent une distance critique avec la norme du corps dansant, mais aussi de nouvelles poétiques du geste ; non entraînés, ils sont plus ``naturels ”, leur geste est supposé plus authentique ou plus spontané. Plus encore, ``non danseurs ”, ils appartiennent mieux au corps social, ils sont ``plus dans le monde ” que les danseurs normaux, plus imprégnés de la culture commune, et à ce titre ``représentatifs ” de nous-mêmes, leur public. La présence des corps piétons sur nos scènes serait donc par nature doublement subversive, s’opposant d’une part à des normes esthétiques du corps dansant et des œuvres chorégraphiques ; et d’autre part, à l’ordre social qui prétend séparer les artistes des gens ordinaires, contribuant à transformer le monde en apportant les savoirs et l’expérience artistique à ceux que nos sociétés en priveraient. On aura compris que ces ``corps piétons ” ne sont pas piétons par eux-mêmes, mais en tant que contraste avec le corps normal du danseur : sans la référence à celui-ci, peut-être seraient-ils tout simplement invisibles.” +\end{quote} +Nous rappelons les observations d’Isabelle Ginot concernant l’opposition entre un danseur piéton et un danseur virtuose- dont les mouvements revendiquent l'appartenance à un certain courant esthétique. Cela fait partie de ce qu'elle définit comme `fiction à double mythe ” : le mythe d’un ``corps naïf”, en marge de toute convention esthétique, en contradiction avec celui d’un ``danseur marqué par le stigmate de sa virtuosité”. Notre recherche identifie \textbf{les robots comme potentiels candidats à la catégorie de danseurs piétons}. En occupant la scène contemporaine avec leurs identités polymorphes et leurs contraintes technologiques, nous essayons de comprendre comment ils peuvent prétendre à un tel statut. + + +\section{Problématiques} + +Nous partons du postulat que l’interaction sensori-motrice d’un système peut déterminer son degré d’intelligence et que le corps humain a un rôle important dans la constitution de l’identité et la conscience de soi. Les études réalisés dans le cadre de cette thèse sont inspirées par des hypothèses scientifiques en neuroscience et robotique. Ma démarche étant d'analyser les limites des ces interactions sur scène et leur impact sur des concepts tels que la CA et le corps performatif. + +Si les robots n’ont pas encore manifesté une intention réelle pour faire de l’art, les artistes les amènent sur scène pour raconter une histoire ou adresser des problématiques de société depuis plus de soixante-dix ans. Leur motivation et volonté de travailler avec des machines part d’un phénomène d’actualité, pour préconiser des spéculations sur un avenir plus ou moins proche. Cependant la réception de ces œuvres a lieu indépendamment des propos des artistes, selon la sensibilité du spectateur, les injonctions de la société vis-à-vis des robots en général mais aussi selon les contraintes que ce type de démarche implique (puisqu'il s'agit d'une production artistique à la place d'un projet scientifique). +En vue de cela, notre but est de comprendre le lien entre la conscience et le corps et leurs correspondants technologiques, dans un contexte artistique. Si l’objectif d’une CA est d’imiter le cerveau humain, faire danser des robots sur un plateau nous permet de vérifier comment à travers la danse, une machine imite un comportement humain. Du point de vue du performeur, c'est intéressant de découvrir si elle est capable d’expériences perceptives propres qui font émerger des nouvelles formes d’expressivité dans la danse du performeur. Nous pourrions peut-être supposer que pour un robot, le fait de manifester sa sensibilité au monde revient au fait d’être sur un plateau. + +Confronter l’intelligence du corps de performeur au fonctionnement complèxe d'un robot pour trouver, à travers des mouvements, une intelligence symbiotique entre les deux, ouvre de nouvelles formes de collaboration homme-machine. La danse et les pratiques somatiques nous semblent alors des contextes appropriés pour interroger cette possibilité, sans attendre une réponse rationnelle, mais plutôt instinctive. Dans ce contexte, comment l’intelligence propre à la machine peut-elle être saisie par l’humain? Comment l’homme et la machine pourraient-ils se retrouver sur un terrain autre que celui de la pensée rationnelle ? + +\textit{Ça ne peut pas s’expliquer, il faut le vivre pour le comprendre.} + +Les praticiens d’éducation somatique peuvent répondre, au moins partiellement, à cette question. Dans sa thèse, l’anthropologue Jeremy Damian explicite son initiation à des pratiques somatiques en tant que danseur amateur. Au-delà de ses réserves quant aux dérives sectaires de ce type de pratique, il analyse les ``pour” et les ``contre” des théories sur le savoir empirique du corps, dans un contexte artistique. Ainsi Damian intègre un collectif artistique pour récréer un spectacle de danse à partir de la méthode Body Mind Centering. Avant d’adopter complètement ces méthodes, il s’interroge sur la spécificité de la production des savoirs du champ somatique et leur légitimité en tant que science. Il s’appuie sur les observations des autres chercheurs, tels Isabelle Ginot, pour illustrer la tendance de la parole somatique à faire de la spéculation scientifique: +\begin{quote} +``Détachés de leur contexte d’incorporation (embodiment) les discours somatiques […] courent chargés des poids d’innombrables idéologies : le naturel (voire l’animal), le transcendant (voire le religieux), la différence biologique des sexes, les hiérarchies culturelles (...)Rarement, montre Isabelle Ginot, il est fait appel aux sciences pour introduire du doute ou situer les pratiques somatiques dans des controverses scientifiques. Plus encore, poursuit-elle, bien que l’on espère de lui, le discours scientifique sera d’emblée confronté aux récits fondateurs de ceux qui sont à la base de ces pratiques et dont on hésite à les appeler des ``inventeurs ”, des ``découvreurs ”, des ``créateurs ” ou des ``expérimentateurs ”: `` La perspective ultime du récit somatique, son point de fuite, c’est toujours un récit somatique antérieur, dont le point d’origine indépassable serait l’histoire personnelle (la biographie ou autobiographie) du fondateur.” +\end{quote} +Dans son article ``Que faisons nous et à quoi ça sert”, Ginot est cependant moins radicale, reconnaissant la difficulté de sa double posture (en tant que philosophe et praticienne d’une méthode somatique) lorsqu’il faut justifier la apparténence scientifique à un autre domaine: +\begin{quote} +``Lorsqu’il s’agit d’introduire ces pratiques dans un contexte institutionnel, notamment médico-social, cette difficulté est encore redoublée : non seulement la description de la pratique semble toujours insatisfaisante, non seulement elle arrive dans un contexte qui n’a aucune culture de pratiques corporelles comparables, mais encore elle doit être médiatisée par les professionnels, chargés de la retraduire auprès des usagers. Ce problème de ``communication”, selon le jargon interne à l’institution, n’est pas le seul : la double question ``Que faites-vous, et à quoi ça sert ?” devient plus problématique encore lorsqu’elle est posée par les experts, ou sur le ton de l’expertise (notamment par les professionnels à qui de telles pratiques ont parfois été imposées, et qui ne les accueillent pas toujours très volontiers).” +\end{quote} +Bien comprendre les nuances qui transforment les principes des pratiques somatiques en formes d’art ou en science, implique savoir où et à qui s’adresser pour mieux cibler son argumentaire. Pour Ginot, définir une méthode somatique comme une pratique holistique qui peut tout guérir, risque de discréditer la démarche scientifique des autres disciplines, alors que rentrer dans la logique spécialisée des professionnels de différents domaines, fragmente les objectifs de la pratique en la rendant adaptable à plusieurs enjeux et donc à aucun. + + +\section{Objectifs et enjeux de cette recherche-création} + +Ce projet cherche à établir des synergies entre certaines hypothèses de recherche sur la mise en place d'une CA et son impact sur la danse et le mouvement, lors des interactions robot-performer. Il vise une amélioration des capacités cognitives et interactives des robots en analysant l’influence de la créativité sur la perception humaine. Du point de vue de la danse et de la mise en scène, le travail se concentre sur la simulation et le contrôle des fonctions motrices en programmant d’abord des robots virtuels, puis réels. Mon objectif est d'analyser et adapter leur mouvement au comportement du performeur et l'inverse. Ce dialogue entre corps organiques et corps synthétiques aboutissant à de nouvelles formes de compositions et d’interactions scéniques, nous conduira à examiner en quoi et jusqu’où les critères de l’esthétique (pour l’art) et de la technique (pour la robotique) peuvent être transgressés. + +Mon parcours professionnel est pluridisciplinaire: j’ai travaillé en tant qu’ingénieur de systèmes, ayant obtenu en parallèle un master de phénoménologie et un master professionnel de mise en scène. Par le biais de mon activité artistique, je m’intéresse à la danse et plus spécifiquement au geste spontané à travers différentes techniques d’expression corporelle. Dans le cadre du dispositif Idefi CréaTIC, j’ai eu l’occasion d’approfondir les méthodologies d’analyse des mouvements de gestes avec des capteurs, lors du séminaire La scène numérique au Laboratoire Lantiss de l’Université Laval de Québec. Mon expérience d’ingénieur pour une multinationale française et mes connaissances en programmation Java Plateforme Eclipse et C++, m’ont permis de comprendre les outils et les interfaces utilisés dans le laboratoire de robotique où j’ai effectué mes recherches. Grâce à des capteurs type PerceptionNeuron et XSens j'ai d’analyser la cinématique des mouvements humains pour mieux préparer mes expérimentations. Outre mon activité de création des spectacles, j’ai mis en place des partenariats pour des démonstrations d’équipement de la robotique industrielle, en participant à des événements autour de l’Intelligence Artificielle. C’est ainsi que les enjeux sociétaux de la robotique sont devenus une source d’inspiration pour mes expérimentations artistiques. Mes projets de danse partent d’une recherche sur des gestes quotidiens, afin de raconter comment le corps est éprouvé par la technologie dont l’impact pourrait ``robotiser” nos modes de fonctionnement. + +Pour aller plus loin, ma démarche questionne l’endroit où la danse inspirée par des pratiques somatiques et génératrice de gestes spontanés est un outil pour comprendre et saisir le réel de la technologie, d’une façon sensible. Dans le cadre de cette thèse, les éléments de mon parcours facilitent des expérimentations sensorielles artificielles en lien avec la proprioception. Plus particulièrement, un de mes objectifs est de voir comment la façon de représenter le corps performatif est traitée dans la robotique - par exemple en capturant des gestes spontanés avec l’aide des capteurs et en les implémentant dans des robots. Un enjeux plus complexe à mettre en place est celui de programmer des robots qui improvisent en direct leurs mouvements en interaction avec un performeur. + +Couramment les algorithmes \textbf{de machine learning (ML)} apprennent ce que définit leur base de données. Il y a toujours un écart entre ce que les algorithmes apprennent à reconnaître sur demande et le comportement autonome que nous imaginons pour eux. Pour entraîner son programme de ML, il faut classifier et ordonner des données, l’accompagner dans le processus d’apprentissage et interpréter ses résultats. Cependant le principe d’apprentissage non-supervisé incite les programmes à apprendre tout seuls, sans la supervision humaine. Reste à voir si dans les prochaines années un robot sera capable de développer des initiatives particulières, indépendamment de ses concepteurs. Dans son livre ``En attendant les robots”, le chercheur Antonio Casilli fait remarquer que dans un programme qui traite des données aléatoires pour trouver des solutions à des problèmes, les résultats sont surprenants quand il s’agit du caractère spontané de prédiction fait par celles-ci. Cela donne évidemment place à des \textbf{réflexions éthiques}. Pour le physicien et philosophe Alexei Grinbaum, les éventuelles dérives autour de l’IA peuvent être anticipés avec l’aide du hasard: +\begin{quote} +``les projections anthropomorphiques sont inévitables, parce que la machine imite l’homme et qu’elle apprend à partir des données que celui-ci produit. Elle est donc soumise aux biais et aux erreurs que ces données contiennent. (...) Faire du hasard une valeur, c’est permettre à la machine de se soustraire à cette posture morale et au jugement qui l’accompagne.” +\end{quote} + + + +\section{Méthodologie} + +La question de la méthodologie de la recherche-création est largement étudié par Louis-Claude Paquin, professeur titulaire à l'École des médias, Faculté de communication Université du Québec à Montréal. Par \textit{recherche-création} Paquin entend faire de la recherche par la création. +\begin{quote} +``Penser un enroulement de la recherche sur la création et réciproquement de la création sur la recherche permettrait de subsumer la tension épistémologique entre la continuité phénoménale de ces deux activités et leur discontinuité évènementielle. Les deux activités se croisent, se touchent, voire s’hybrident, se convoquent l’une l’autre sans se confondre en une même indistincte entité. Toutefois, les deux activités mises en situation de voisinage entrent dans une organisation ambiguë où on ne sait plus si c’est la recherche qui permet la création ou la création qui permet la recherche.” + \cite{paquin2015dialogue} +\end{quote} + +Selon son analyse, la méthode par laquelle je m'appréhende à finir cette thèse est une recherche informative qui intègre la création dans son processus. Cela vise une dimension incarné des actions afin de relier et mener en même temps action et réflexion. Cependant il souligne le caractère cyclique de cette démarche, passant plusieurs fois par des étapes de planification, action, observation et réflexion. Ainsi les problèmes de recherche, ses objectifs et les méthodes émergent du processus lui-même. En suivant son classification, j'ai trouve ma démarche proche du paradigme postmoderne d'\textit{autoethnographie} comme ``méthode d’investigation centré sur l’expérience personnelle”\cite{paquin2015dialogue}. En suivant une narration subjective en tant que chercheuse, mon objectif est de décloisonner et dé-hiérarchiser les points de vue concernant la danse avec les robots et leur possible \textit{intercorporéité}. + + +Comprendre les caractéristiques d'une recherche-création implique également habiter la complexité de processus impliqués dedans. Les auteurs de\cite{manning2022pensee} détaillent leurs observations au sein du laboratoire SenseLab dirigé par Erin Manning à Montreal à partir de 2004. Leur projet conçoit la recherche-création comme une valorisation du processus de création dans son autonomie. Pour Manning et Massumi le mot composé \textit{recherche et création} est représenté par: +\begin{quote} +``le trait d’union d’une pensée qui se meut, le trait qui rejoint la recherche et la création, est autant l’intervalle qui amène la coïncidence de la force et la forme que le rappel que ce qui se meut habite toujours un entre-deux.” +\cite{manning2022pensee} +\end{quote} + +L'engagement dans une recherche-création implique adopter une pratique sans résultats-prédéterminés, ni livrables. Bien que la +recuperation de ce processus par le néoliberialisme\cite{yves2012gestes} contraint les institutions à faire le contraire, les projets qui visent la recherche-création font souvent l'expérience d'une résistance anticapitaliste. La littérature de spécialité essaie de comprendre les enjeux institutionnels dans la recherche-création, pour mieux définir sa pertinence, sans basculer dans une improvisation indeterminée. Ainsi les besoins d'innovation s'orientent vers l'invention des nouvelles techniques de relation, et sur les conditions favorables pour l'émergence des nouvelles modes de faire. + +Tout travail de recherche-création s’inscrit dans un parcours de croisement de disciplines et de pratiques. Pour ce qui concerne cette thèse, les disciplines sont elles-mêmes résultantes de plusieurs sous-domaines. Que cela soit le cas de la danse inspirée par des pratiques somatiques - elles mêmes originaires de rapprochements entre plusieurs domaines comme la kinésiologie, la biomécanique et l’ergothérapie- ou de la robotique -influencée par des disciplines comme l’informatique, l’électronique ou la mécanique- nos démarches s’appuient sur des études en neurosciences, philosophie, arts et robotique. Le terrain de nos expérimentations varie entre des laboratoires et halles de robotique, des studios de danse et des lieux qui accueillent des dispositifs performatifs. + +Pour faire dialoguer arts et science, nous avons mis en place une double méthodologie nécessitant une adaptation continuelle à des principes et de savoir-faire propres à chaque discipline. Des termes ou concepts appartenant à un domaine ont nécessité un travail d’explication quant à sa signification dans l’autre. Pour témoigner de cette difficulté, prenons par exemple, le mot ``mouvement” au cœur de nos expériences pratiques. Ce mot a une signification très précise en robotique. Le mouvement d’un robot implique un déplacement dans l’espace, alors que pour la danse cela peut se traduire par des expérimentations perceptibles en étant immobile, à l’intérieur de son corps lors des explorations somatiques. + +Notre processus de travail collaboratif artistique implique un ajustement constant a des envies, curiosités et contraintes technologiques. En contrepoids le travail avec des ingénieurs est formel et nécessite des précisions concrètes. Pour définir nos hypothèses de recherche nous avons cherché à correspondre tant aux postulats de la robotique (avoir des caractéristiques mesurables et quantifiables dans une logique d’implémentation scientifique), qu’aux envies et intuitions artistiques qui visent un renouvellement de formes dans la danse à l’ère du numérique. + +Ainsi nous sommes rapprochées de \textbf{l’intelligence kinésique} comme expérience du mouvement au-delà de la compréhension intellectuelle pour inventer des fictions sensori-motrices avec les robots. Plusieurs scénarios d’interaction ont été analysés et discutés avec l’équipe de prof. Kheddar, Interactive Digital Humans. Face à la pensée cartésienne de l’ingénieur, l’artiste peine à justifier son ressenti, son intuition.\textbf{La créativité serait-elle un calcul mathématique, facilement paramétrable?} +Paquin utilise le terme bricolage pour parler du caractère expérimental de cette démarche. +\begin{quote} + Le terme bricolage a une double acception, celle de processus et de résultat de ce + processus. En tant que processus, il est caractérisé par des allers-retours mettant en + interaction les particularités du terrain, les concepts et les théories identifiés lors de + la revue de littérature, la question de recherche et les différentes méthodologies. + L’enjeu est de se dégager et de conserver une marge de manœuvre suffisante pour + combiner les méthodologies et l’ajustement de chacune de leurs composantes aux + spécificités de l’objet et du terrain. +\end{quote} +\begin{quote} +En recherche-création, la situation est différente en raison de la dimension + constructiviste du faire œuvre et de la nature heuristique de la démarche, qui consiste + en un va-et-vient continuel entre l’exploration, qui mobilise une pensée + expérientielle, subjective et sensible relevant de l’imaginaire, et la compréhension, + qui mobilise une pensée conceptuelle et objectivante relevant de la rationalité. + Comme il s’agit de concevoir et de réaliser une création et, en plus, d’étudier un + phénomène lié à cette création (soit la thématique traitée, un de ses aspects, la + pratique dans laquelle elle s’insère, etc.), aux questions précédentes s’ajoutent des + questions relatives à la création proprement dite, dont la partie conception a été + traitée dans l’énoncé d’intention : quelle est l’amorce de l’œuvre? Quels sont les + symboles? Quelle est la forme et quelle est la matérialisation? Et enfin des questions + sur le faire proprement dit selon le type d’œuvre ou de pratique envisagées : Quelles + modalités de réalisation? Quelles techniques utiliser? Quels traitements effectuer? + Quelle esthétique adopter ? +\cite{paquin2014methodologie} +\end{quote} + +\textbf{Le journal de bord- outil transversal et archive} + +Les problématiques et hypothèses se heurtent aux aléas de la pluridisciplinarité. En raison de contraintes ou incompréhensions des approches, le processus de travail lors de ce projet de thèse implique une temporalité non linéaire. Un journal de bord rythme les aller-retour et hésitations de ma démarche. + +Ces aller-retour entre expériences et observations donnent suite à des nouvelles initiatives et questionnements. La difficulté de notre processus est d’imposer à cela une dynamique propre aux projets de création. Dans ce type de fonctionnement collectif, la complémentarité des acteurs est fondamentale. Chaque membre doit être au clair avec sa propre identité professionnelle et son champ de compétences pour mieux recueillir et partager des informations qui enrichissent les échanges. Une décision suite aux contraintes d’un domaine, n’est pas forcément pertinente pour l’autre. + +Similaire au ressenti des artistes-chercheurs en éducation somatique, j’ai dû faire le chemin inverse du repli sur soi pour mieux comprendre mes motivations. Des mots intraduisibles pour justifier la nécessité de mettre en scène des robots, tels des pantins sur des fils invisibles. Ces pantins je les ai côtoyés de près, chez eux, dans leur laboratoire. Je me suis habitué à leur présence, à leur façon d’être manipulés et mis en veille lorsque l’étude scientifique prend fin. Le plus difficile à été trouver le chemin du langage qui va courter l’écart d’incompréhension avec les ingénieurs, pour les ramener sur scène. Que deviendront-ils là-bas et comment cette expérience sera vécue à l’intérieur de mon propre corps? Dans la pratique somatique des micro-changements opèrent pendant et après l’expérience. Le témoignage de Carla Bottigliari dan son article ``Les trames du fond : fabriques et usages des imaginaires somatiques” décrit très bien ce processus. La transformation ressentie dans le corps du danseur pourrait correspondre à la transformation de l’artefact en partenaire de plateau, seulement si celui-ci pourrait s’exprimer et décider de son gré: +\begin{quote} + ``Quelque chose, peut-être, resterait de l’expérience, dans un coin de la mémoire corporelle : une émotion, une densité chromatique différente dans l’espace ambiant, une fraîcheur ou une torpeur, un questionnement ou une stupéfaction, une sensation d’avoir une colonne, d’avoir des pieds – ou au contraire, de ne les avoir guère, de n’être que sol et espace. Et encore, peut-être, l’impression d’un visage défait, d’un dévisagement, d’un sourire depuis l’os, comme l’on dirait du sourire du chat du Cheshire, ou d’un regard qui revient de très loin – tes yeux sont revenus/ d’un pays arbitraire1 –, d’intervalles plus longs entre les sons, comme si le lointain n’en finissait plus de s’étaler. Un monde. Le même, mais pas tout à fait”. +\end{quote} +Ce moment difficilement traduisible résultat d’une expérience somatique, correspond à une concentration de la perception à un niveau périphérique, tout en étant le contraire d’une concentration proprement parler. Cela pourrait se rapprocher comme vécu, de ce que nous identifions comme \textbf{présence attentionnelle diffuse}. En danse cela se produit au niveau de la proprioception, sans que cela signifie que le danseur ``se voit danser”. Au contraire, le danseur est immergé dans son expérience sensorielle de la danse, tout en gardant une attention périphérique à son environnement. + +Nos formes de production se déclinent, selon le contexte, en journées d’étude, transmission de connaissances théoriques sous la forme des articles ou des cours et sorties de résidence. Lors des derniers trois années nous avons organisé une journée d’étude et trois sorties de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains dans le cadre du projet CECCI-H2M, un séminaire de recherche autour du concept de lâcher-prise et l’intelligence sensorielle avec le collectif Open Source à Anis Gras en janvier 2023, deux ateliers de recherche corporelle avec les élèves du cours de danse du Lycée Mercy à Montpellier en novembre et décembre 2022, un cours sur la perception et l’esthétique du mouvement pour les élèves de master de l’école Mines ParisTech à Paris en octobre 2021 et deux études de terrain dont un au Laboratoire de Robotique et Micro-électronique de Montpellier en mars 2023. + +Ces expérimentations ont été accompagnées par trois hypothèses de recherche que nous allons détailler dans les prochaines pages. + +\section{Hypothèses de recherche} + +\textbf{H1}\textit{Quel type d’intelligence sensorielle pouvons-nous transmettre aux robots dans des contextes artistiques? Est-ce la conscience du mouvement une capacité qui rend les robots plus adaptatifs et réceptifs lors des improvisations avec les humains?} +\bigskip +L’intelligence sensorielle est un concept apparu lors des pratiques somatiques de fin de 19é siècle qui commence à intéresser les chercheurs des domaines comme la psychologie et les neurosciences. Similaire au débat entre l’IA numérique et l’IA symbolique, pour une partie des neuroscientifiques, les processus mentaux sont des processus de computation et de représentation dans le cerveau, vu comme un ordinateur. Pour d’autres l’importance du corps sensoriel est déterminante et ils cherchent à mettre en avant un lien entre la perception, nos capacités cognitives et notre corps. Dans la robotique, pour définir l’intelligence, il est parfois question de mimétisme et de compréhension des systèmes biologiques qui s’adaptent. Ainsi des roboticiens imaginent des bio-robots qui explorent leur environnement d’une façon autonome, sans le recours au calcul informatique. L’idée que le corps et ses interactions avec l’environnement contribuent au développement d’une cognition intégrée, plus large, est suffisamment séduisante pour que des chercheurs et des artistes imaginent ses applications dans le mode réel. Ces dernières années, plusieurs laboratoires prestigieux de robotique ont mis en place des études scientifiques pour comprendre ce type d’intelligence. Cependant le terrain d’exploration est vaste et des artistes s’expriment également sur le sujet(citations). +Les robots sont omniprésents dans les sociétés technologiques. Au Japon ils font partie intégrante du quotidien des personnes (citations). En Europe, leur utilité prime d’abord, les rendant indispensables dans la plupart des industries. Ils suscitent néanmoins beaucoup de curiosité lorsqu’ils sont présents à des événements tels des salons de robotique. En France, de plus de plus des festivals dédiés aux arts numériques (citer festivals) présentent des œuvres interactives et performances avec des robots (citer oeuvres). +Le caractère innovant de notre démarche réside dans le fait d’appliquer des principes d’intelligence sensorielle à des intéractions avec les robots. Tester l’incidence des facteurs comme l’attention, la synchronie et la précision des mouvements imités pour témoigner des états de présence et de réception dans des contextes de collaboration artistique est peu étudié par la communauté scientifique actuellement. +Au-delà des expériences esthétiques et intentions artistiques, les danses inspirées par des pratiques somatiques invitent les chercheurs en neuroscience et robotique à penser différemment le corps. Lors des expérimentations d’improvisation en danse, l’humain réagit de façon spontanée, laissant s’exprimer les émotions à travers des mouvements. Des choreographs tels Anna Halprin et Deborah Hay ont longuement étudié ce type de mouvements, leur impact sur l’intention artistique du chorégraphe ainsi que leur capacité de témoigner d’un état de présence ``autre”, dans le sens plus réceptif à son environnement, plus précis et conscient de ses actes. Pareil aux systèmes d’intelligence distribuée, les danses somatiques laissent parler le corps et les émotions à travers les senses. La façon dont ces sens interagissent avec l’environnement permet au corps d’être plus présent/aware et précis dans ses intéractions. Les paradigmes liés à l’intelligence sensorielle nous poussent à penser différemment la relation entre corps et esprit, avant de la léguer aux robots. Des nouveaux concepts tels que ``schéma corporel/ body schema” ou ``cognition incarnée/ embodied cognition” complexifient notre savoir et la mécanique de nos intentions. Cela nous permet d’affiner notre capacité d’auto-réflexion, d’interroger notre savoir empirique direct, en utilisant la danse comme objet d’étude. + +Dans notre recherche-création nous souhaitons évaluer le rôle de la conscience de mouvement- définie ici comme kinesthésie en lien avec la proprioception et l’introception- en interaction de danse avec des robots. Notre intention est de savoir si une connaissance approximative de ce type, gouvernée par des lois sensorielles éloignées de calculs mentaux conscients, trouve un fonctionnement analogue dans un organisme artificiel et dans quelle mesure cela le rend plus réceptif à des interactions avec des humains. Dans notre contexte artistique, nous considérons ce type d’intelligence sensorielle en parallèle avec des notions telles le lâcher-prise et la capacité d’improvisation des humains. Ainsi la proprioception nous permet de cartographier notre environnement sans aucun calcul mental préalable, tandis que l’introception où nos sens sont aiguillés, moins parasités par les processus mentaux en arrière-plan, clarifient la perception que nous avons de nous-mêmes et notre organisation interne, nous rendant plus disponibles à des interactions avec notre environnement. + +Nous nous interrogeons à notre tour sur le type de conscience corporelle que nous pouvons déléguer aux robots lors des improvisations en danse. En espérant que ce type de réflexion suscitera un intérêt de la part de la communauté scientifique, nous mettons en place des sessions d’expérimentation avec différents dispositifs automatisés, pour comprendre leur impact sur les mouvements spontanés et la façon dont le corps humain réagit en situation d’improvisation avec un tel dispositif. Ainsi modéliser des états inspirés par la conscience du mouvement pour les transmettre aux robots, nous aidera à mieux comprendre si la danse avec les robots est influencée par les caractéristiques des robots tels que la taille ou la forme, le rythme et la nature des mouvements. De façon connexe, cela pourra donner suite à des études plus complexes sur l’intelligence sensorielle humaine et son équivalent artificiel. + +\bigskip +\textbf{H2}\textit{Est-ce que l’interaction avec les robots engendre des états créatifs? +Est-ce que leur corps est performatif? Sont les émotions un concept clé pour le développement de la performativité?} +\bigskip +Un des objectifs de cette thèse est d’investiguer les facteurs qui déclenchent la créativité en état d’improvisation avec des robots. Nous partons du postulat que l’état de créativité est influencé par des processus émotionnels et que leur modélisation dans des systèmes autonomes type robots nécessite un travail préalable de mise en situation, similaire à la mise en scène. + +La présence des robots sur un plateau de théâtre suscite beaucoup de curiosité parmi les spectateurs. Les émotions que les acteurs ou performeurs éprouvent sont peu partagées par leurs compagnons artificiels. Dans nos expérimentations, nous nous interrogeons sur les possibilités d’expression des robots, pour comprendre comment la créativité peut émerger dans des situations d’interaction entre humains et non-humains. + +Depuis quelques décennies, les interactions multimodales des robots ont beaucoup été étudiées par la communauté scientifique (citer). Cependant, à ce jour les robots sont peu capables d’utiliser leurs six sens simultanément comme les humains le font. Ainsi leur capacité d’interagir et simuler des émotions est une modélisation réduite des processus de cognition et de perception humaine. Lors de nos expérimentations nous nous demandons si en situation d’interaction avec un partenaire non-humain, l’artiste réagit différemment par rapport à un partenaire humain. Nous questionnons la présence de dispositifs robotisés hors de leur contexte scientifique (que cela soit social, académique ou industriel) pour évaluer leur potentiel esthétique sur scène. Du point de vue de la réception de ce type d’œuvre artistique, nous nous intéresserons à l’effet de ces formes sur la perception du spectateur: qu’est ce qu’il a retenu du type d’interaction qu’il a vu, quels sont les éléments déclencheurs et auxquels niveau ils opèrent. + +Les danses influencées par des pratiques somatiques considèrent le vécu du corps et les émotions comme des concepts clé pour le développement de la performativité. En tant que danseuse, j’aimerais comprendre comment provoquer des états ``autres” définis par des mouvements spontanés/involontaires lors de l’improvisation avec un robot humanoïde ou industriel. En confrontant le spectateur à ce type d’expérience, je cherche à produire une coupure dans la linéarité de son vécu pour y associer plusieurs clés d’interprétation. + +Lors de sessions d’improvisation, je me demande comment définir la créativité dans ce type d’interaction. Peut-être que le robot, vu comme partenaire et pas comme outil, a influencé mon inspiration plus qu’un partenaire humain l’aurait fait. Il y a probablement plusieurs critères à tenir en compte pour définir le cadre de notre interaction et son effet réel, au-delà de mon expérience immédiate sur scène. + +Tout d’abord je m’interroge sur l’apparence de celui-ci - si humanoid ou non, ainsi que sa taille et façon de se déplacer. Lors de mon séjour au LIRMM j’ai eu l’opportunité d’ improviser avec le robot humanoïde HRP-4 et le bras industriel Franka Panda. Lors de ces ``tentatives” de danse en laboratoire avec chacun d’entre eux, j’ai pu constater dans quelle mesure ces facteurs ont un impact sur ma créativité et disponibilité d’improvisation. Lorsque le robot Panda a effectué des mouvements différents de celles propres à ma morphologie, mon imagination s’est prêté à un jeu de dépersonnalisation. J’ai pu m’imaginer une autre physicalité à mon tour, avec des gestes méconnus qui résonnaient plus avec ce que la machine devant moi éprouvait, qu’avec ce que je sentais. Lors d’une autre session de travail avec un petit animata en carton, j’ai pu réduire aussi la perception de mon propre corps pour ressentir des sensations nouvelles et m’identifier à ce que l’animat devant moi me proposait d’explorer. + +Mes observations traitent également de la différence entre une présence virtuelle et une présence physique des robots. Lorsque j’ai effectué les mêmes séquences de mouvement avec les avatars virtuels des robots, quelque chose de l’ordre d’une image en mouvement s’est figé, ouvrant un espace de rêverie et de liberté de proposition. En échange, la présence physique des robots s’est imposée en moi comme un corps autre- quelque chose d’étrange et d’inconnu que j’ai voulu d’abord connaitre avant de pouvoir danser avec. + +Les différentes incorporations m’ont aussi fait comprendre dans quelle mesure l’anthropomorphisme joue un rôle important dans la projection des narrations entre les deux partenaires: humain et non-humain. En effet, leur façon de bouger similaire à la mienne m’a permis d’empathiser plus vite. Ainsi nous avons mis en place des études qui questionnent comment l’anthropomorphisme encourage une fluidité dans l’ interaction homme-robot et par quoi est facilité un processus créatif, une fois qu’il est mis en place. + +\bigskip +\textbf{H3}\textit{Comment serait-il possible de définir et mesurer un état de conscience dans les artefacts ? Existe-t-il un état sauvage propre aux robots?} +\bigskip + +Les artistes dialoguent avec des machines sur scène pour créer une expérience perceptive et sensorielle pour eux et pour les spectateurs. Pour certains chercheurs (citation), l’intelligence humaine dépend du corps et du mouvement et la capacité de retour sensori-motrice d’un système peut déterminer son degré d’intelligence. En se proposant de mettre en place des études similaires sur scène, cette thèse analyse plusieurs formes d’interaction artistique avec les robots. Notre intention est de vérifier comment le robot imite le comportement humain et comment, à travers des contraintes mécaniques et des erreurs de hardware, il simule d’expériences perceptives propres. A leur tour, ces expériences font émerger des nouvelles formes d’expressivité dans son partenaire humain. Nous estimons que ces formes d’expressivité concernant les robots-mêmes, permettent à l’humain d’identifier dans leur comportement quelque chose proche d’un état sauvage, difficile à anticiper ou à décrypter. +Pareil aux spécialistes en éthologie qui observent le fonctionnement des animaux sauvages, nous nous interrogeons sur la façon dont l’intelligence propre à la machine est saisie par l’humain. L’objectif de ces analyses est de comprendre jusqu’au où l’humain s’adapte aux robots, en testant des séquences de mouvement conçues pour mettre à l’épreuve l’autonomie des systèmes interactifs intelligents. En effet, nous aimerions également comprendre comment utiliser l’aléatoire de ce type de comportement pour générer du spectaculaire sur le plateau. Une de nos perspectives, est d’implémenter des mouvements réflexes dans des robot humanoïde et d’improviser avec -suivant des principes d’éducation somatique en lien avec ``la conscience du mouvement”- pour ensuite analyser l’impact de cette interaction sur l’expressivité artistique des performeurs humains. Au sens plus large, nous aimerions comprendre en quoi les mouvements réflexes et les comportements imprévus influencent notre perception et notre état conscient lorsque nous dansons. Ces observations appuient l’hypothèse que notre expressivité corporelle se transforme par des états de lâcher prise et constitueront des bases pour un vocabulaire scénique inédit, construit sur mesure. diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex new file mode 100644 index 0000000..8b17465 --- /dev/null +++ b/sections/partie_1.tex @@ -0,0 +1,2194 @@ +\part{Faire danser les robots- une approche pluridisciplinaire} +\begin{quote} +´´Il y a les mouvements, les imprévus, les découvertes, les astuces et les pièges qui représentent +chaque danse. Ces actions se déroulent dans un domaine expérientiel. Ensuite, il y a une sous-structure, un exercice proche d'une méditation, appliqué sans interruption tout au long de la +danse. Cette sous-structure est un ensemble de conditions qui existent dans l'imaginaire de chaque danseur. Le plus elle est pratiquée, le plus elle unifie la séquence et l’interprétation du matériel de danse. Sans cette sous-structure, il n'y a pas de danse\footnote{en original:´´There are the movements, occurrences, tasks, tricks, and traps that constitute each dance. These actions take place in the experiential realm. Then there is a substructure, an exercise not unlike a meditation, that is applied uninterruptedly throughout a dance. The substructure is a set of conditions that exists in the imaginative realm. It unifies, through practice, the sequence and performance of the dance material. Without the substructure there is no dance.”}.” +\cite{hay2000my} +\end{quote} +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_blind_robot} + \caption{Captation de la performance Blind Robot de Louis Philippe Demers. Source photo: AI \& SOCIETY journal, no.2, 2021.} + \label{fig:abderblindrobot} +\end{figure} + + + +\chapter*{Introduction} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Introduction} +Cette première partie explique les concepts théoriques des trois disciplines dont je me +suis appuyée pour tester le potentiel scénique des robots: la danse - avec les +pratiques somatiques, la robotique et les sciences cognitives. +Le premier chapitre intitulé \textit{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle} +est une introduction aux pratiques somatiques que j’ai pu expérimenter depuis 2013, dont \textit{le shaking} +intégré comme outil de recherche-création dans ma pratique de danse. Il présente aussi des chorégraphes qui m’inspirent et des systèmes de notation, pour revendiquer une identité plurielle dans mon approche de la danse. +Le deuxième chapitre intitulé \textit{Conscience du corps dans la robotique} liste le contexte historique et les dernières tendances dans l’étude de la conscience, avec un focus sur l’approche cognitiviste. Il met en parallèle des principes de robotique et de cognition incarnée. +Le troisième chapitre \textit{Robots sur scène} présente différentes manières d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches chorégraphiques contemporaines. Cela est confronté avec un état d’art d’œuvres d’interaction robotique afin d'identifier des potentiels défis concernant la danse avec les robots. + +\chapter{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle} + + +Je commence ce chapitre par une contextualisation des pratiques somatiques, en retraçant de loin leur histoire en lien avec la danse. Mon analyse commence au début du 20é siècle, avec des précurseurs de ce que nous connaissons aujourd'hui comme de l'\gls{éducation somatique} et de l'\gls{intelligence sensorielle}. La plupart des termes que j'emploie sont définis dans le glossaire à la fin du manuscrit. Cependant je précise dés le début de notre enquête, le contexte par lequel je désigne l'intelligence sensorielle et les pratiques somatiques comme notions clés de ce travail en recherche-création. D'abord l'intelligence sensorielle représente notre capacité d'agir au travers non sens. Elle est notre faculté de sentir, de comprendre et d’organiser les informations sensorielles provenant de notre corps et de notre environnement. Ensuite les pratiques somatique regroupent plusieurs approches corporelles dont l'objectif est la réappropriation de son corps en mouvement afin de mieux comprendre son propre mode de fonctionnement et créer de nouvelles possibilités d’expression. Ces approches sont d'abord expérientielles, basées sur une expérience subjective de chacun, en contrepoids des connaissances empiriques observées chez les autres. + +Dans son livre \textit{The Thinking Body}(1937) l'américaine Mabel Todd (1907-1977) met les bases d’une pédagogie corporelle qui intègre des principes de la physique, de la mécanique et de l’anatomie humaine. En prenant appui sur les travaux scientifiques de son époque, Todd souligne l'importance de l'équilibre des forces du mouvement pour privilégier une économie de l'effort. Elle note également le fonctionnement autonome du corps humain, en faisant référence à la proprioception et au équilibre postural, aux émotions et à une forme de ``conscience kinesthesique” (qu'elle décrit en relation avec les muscles que la rétine engage pour approximer des distances). En réfléchissant à la structure anatomique humaine, à la disposition des os, des nerfs et des muscles, elle cherche à déterminer un lien entre la forme et la fonction comme ´´loi d'un développement organique”. Son approche est révolutionnaire pour son époque, puisqu'elle relie des principes mécaniques et biologiques avec les lois de la physique. Intuitivement elle désigne la forme comme résultat de la fonction, par exemple en expliquant la structure du squelette en lien avec les forces de la gravité. Sa méthodologie est fondée sur des procédures de visualisation des images mentales, en amont de toute exécution du mouvement. Son objectif est d’intervenir sur les mécanismes inconscients qui régissent la motricité, en travaillant sur la représentation la plus précise du mouvement pendant que celui-ci soit accompli: +\begin{quote} +``L’imagination libère de la puissance. Lorsqu’on apprend consciemment à se servir d’images motivantes pour conditionner les réactions motrices adéquates, il faut connaître précisément trois choses : où cela se passe, dans quelle direction et selon quel désir. Quand les conditions sont réunies, le mouvement peut avoir lieu. ``Ça bouge”, alors, exactement comme ``il neige”, ``il pleut” ou ``il grêle”. Les muscles obéissant instantanément à la pensée, l’action adaptée survient.” +\cite{todd2012corps} +\end{quote} +Je précise déjà que cette notion de représentation va accompagner aussi des observations en lien avec les sciences cognitives dans le deuxieme chapitre de ce manuscrit, et plus tard en lien avec les contextes artistiques comme les spectacles avec des robots. +Toujours sur les muscles, en lien avec ses observations sur la forme, elle identifie le mouvement comme sensation globale analogue à la fonction des muscles. Pour expliquer la compréhension qu’elle a de cette partie du corps, elle note l'inexistence d'une expérience phénoménale de nos muscles.En général, nous sommes conscients d'une sensation globale de mouvement, sans comprendre individuellement comment chaque muscle active une partie de notre squelette. Le sens de la perception, que je vais traiter dans les prochaines pages, viendra compléter cette appréhension que nous avons de notre propre corps et sa motricité. Cependant son fonctionnement est autonome, indépendamment de notre concentration et attention sur une partie du corps. + +A l’époque où Todd écrivait son livre, les médecins pensaient que les muscles étaient commandés instantanément par la pensée. Les dernières découvertes en neurosciences\cite{schmidt2018motor} confirment que la plupart des opérations impliquées dans le contrôle des mouvements corporelles, comme la plupart des stimuli qui initient un mouvement réflexe en particulier, sont de nature inconsciente. D’où vient alors cette pensée et comment des sens comme la proprioception sont en charge, autant des sensations de nos organes, que des fonctions régulatrices en lien avec les muscles. Par exemple, lorsque nous nous penchons en avant, nous faisons presque instantanément un mouvement en arrière afin de préserver notre équilibre. +Comment comprendre cette vitesse avec laquelle opère notre corps pendant qu’il utilise des mouvements anticipateurs? Tout cela sans que notre pensée le détermine. Que dire alors des processus d’apprentissage comme celui de la conduite auto ou d’un nouveau type de danse? + +Je rejoins Todd pour qui une nouvelle capacité motrice devient automatique une fois apprise et exécutée un nombre suffisamment des fois. C'est intéressant de réfléchir à pourquoi cela n'est pas (encore) le cas pour des robots. +Si la plupart d’entre nous, ne sommes pas capables d’identifier l’instance de notre cerveau qui s’occupe de ce type d’apprentissage et auto-réglage, celui-ci a lieu dans notre corps, étant un processus organique constitutif de notre identité. +Presque un siècle après les observations de Todd, le neurophysiologiste Alain Bertoz décrit la perception comme une action simulée, bien plus qu'une interprétation des messages sensoriels: +\begin{quote} +``elle est contrainte par l’action, elle est simulation interne de l’action, elle est jugement et prise de décision, elle est anticipation des conséquences de l’action.”\cite{berthoz1997sens} +\end{quote} +Toujours pour Bertoz, les modèles internes de la réalité physique ne sont pas seulement d'opérateurs mathématiques abstraits mais des vrais neurones avec des propriétés en lien avec le monde physique. Analyser le mouvement du point de vue neurologique, nous permet de mieux comprendre notre spécificité et les processus physiologiques ayant lieu à l’intérieur de nous: +\begin{quote} +``L’analyse du mouvement permet donc de découvrir les solutions trouvées au cours de l’évolution pour anticiper les conséquences de l’action et simplifier le contrôle des gestes.”\cite{berthoz1997sens} +\end{quote} + +Plus cette connaissance du corps humain s’élargit grâce à des disciplines comme les neurosciences, plus c’est compliqué d’adapter ces principes à des nouvelles technologies. Par exemple en robotique le problème de degrés de liberté (ie le nombre d’articulations dont un corps organique dispose) reste un défi pour les ingénieurs en mécatronique. Pour Berthoz, les centaines de degrés de liberté qui caractérisent l’organisation anatomique et dynamique du squelette de la plupart des animaux et de l’homme, rend possible le contrôle du mouvement grâce aux mécaniques d’organisation géométriques du squelette. Ces mécanismes se sont développés au cours de l’évolution, adaptant constamment le nombre de degrés de liberté que le cerveau doit contrôler. Comme le chercheur le souligne, les roboticiens rencontrent des vrais défis mécaniques lors qu'ils tentent de réaliser des machines de la complexité d'un moindre insecte. Bien qu'il y a eu des progrès dans les algorithmes utilisés ces derniers années\cite{bouyarmane2018quadratic}, la capacité de calcul des ordinateurs est vite saturée\cite{berthoz1997sens}, une fois que le nombre de dégrées de liberté augmente. +Bertoz va plus loin quant à la complexité des systèmes vivants et à l’intégration de ces principes dans des systèmes technologiques, en faisant référence au terme de \textit{synérgie}, du grec ``syn (ensemble)” et ``ergos” (travail) pour définir la manière dont le système nerveux s'organise pour exécuter des \gls{mouvements naturels}: +\begin{quote} +``le système nerveux ne peuvent contrôler toutes les degrés de liberté, l’évolution a sélectionné un répertoire de mouvements simples ou complexes, que nous pouvons appeler ``mouvements naturels”, et qui impliquent des groupes de muscles et de membres travaillant (ergos) ensemble (syn). Nous avons d’ailleurs mentionné plus haut les contraintes qu’exerce le squelette sur le nombre de mouvements possibles à chaque articulation. Ce répertoire n’est d’ailleurs pas très large. Il suffit de contempler une danseuse pour constater l’extraordinaire pauvreté du répertoire moteur dont elle dispose.” +\end{quote} +Pour le chercheur français, la richesse d'une danse réside dans les quelques éléments du répertoire et les permutations entre le temps, l'espace et les différents partenaires face à ces éléments. Il me semble pertinent d’appliquer ce processus de synergie à des exercices de recherche-création, dans ma façon de travailler une chorographie. En limitant les mouvements naturels par exemple, je peux mieux me concentrer sur les variations qu'il peut avoir entre ceux-ci est les autres éléments scéniques. D'ailleurs ces mouvements naturels ont leur propre définition, dans notre contexte. Par mouvements naturels j’entends des mouvements qui procurent une sensation d’accomplissement artistique, des gestes à caractère esthétisant- donnés s voir. En contrepoids, j'utilise le terme \gls{mouvements spontanés} pour définir des gestes réflexes ou des mouvements à caractère spontanée qui surgissent lors des improvisations et des exercices somatiques. Cela m'aide à mieux comprendre les défis de langage et des pratiques entre les différentes disciplines que j'adresse. + +Les critiques et philosophes spécialistes en danse ont longuement analysé l’émergence du geste dansé, selon le contexte socio-culturel et l’époque dont il se réclame. Pour ce qu’il y a de la danse contemporaine, la pratique de l’improvisation, vue comme geste libre et libérée du dogmatisme de la technique du danseur, a suscité une révolution longuement attendue. Comme le remarque Anne Boissiére dans son livre ``Approche philosophique du geste dansé”\cite{boissiere2020approche}, ce geste semble s’inventer par lui-même dans l'intention de se produire sans objectif immédiat ou point de départ. Un geste qui n’a pas besoin des explications pour s'auto-suffire: +\begin{quote} + La question de l’improvisation apparaît centrale pour penser le geste dansé, dans la mesure où celui-ci, dans sa liberté, semble ne plus devoir emprunter à un quelconque modèle mais procéder de soi, dans une impulsion et un dynamisme internes affranchis de tout point d’appui, de toute extériorité. L’improvisation n’est plus une variation sur des schémas préexistants, elle a une valeur constituante. Elle tisse une forme en acte à laquelle rien ne préexiste, une forme s’inventant à partir d’elle-même, dans une sorte de point zéro ou de commencement absolu qui lui donne son évidence et sa pureté. +\end{quote} + +Cette question d'improvisation, proche d'une démarche expérimentale du mouvement est aussi ce qui a permis l'émergence d'une sous-discipline au croisement entre esthétique, perception, physiologie et mécanique corporelle. Selon Jeremy Damian\cite{damian2014interiorites}, les pratiques somatiques sont nées en 1976, lorsque Thomas Hanna (1928 – 1990) fonde la revue \textit{Somatics Magazine -Journal of the Bodily Arts and Sciences} dont le thématique s’oriente autour des études sur le corps expérientiel et ses expériences personnels -(ie. the study of the body through the personnel experiential perspective). Pour lui, les recherches sur le corps sont souvent limités à un débat entre une interprétation d’inspiration phénoménologique et une interprétation tirée de la sémiotique ou dans les autres mots \textit{le corps comme expérience versus le corps comme signe}. +Pour mieux appuyer cela, l'anthropologue Thomas J. Csordas établit une synthèse de ces deux approches. Il focalise son attention sur ce qu’il nomme les``modes somatiques d’attention” (\textit{somatic modes of attention}), définis comme des``manières culturellement élaborées d’être présent à et avec son corps (\textit{ways of attending to and with one’s body)}. Csordas souligne également l'importance des environnements qui incluent la présence``incorporée” des autres. L'originalité de son approche provient de l'attention qu'il porte à des retours sensoriels impliquant à la fois une personne, un corps et son environnement. Cela produit un ``milieu intersubjectif”, médiée par une perspective somatique qui ouvre une autre ``image et idée du corps que celle que renvoie le miroir.” Nous remarquons toujours cette idée d'image de corps, cette fois dans un contexte social et anthropologique. + +A son tour, la chercheuse en danse Violetta Salvatierra évoque dans sa thèse\cite{salvatierra2020atelier}, le contexte d’apparition de l’éducation somatique en France: +\begin{quote} +``(...) appréhendé dans sa dimension holistique et systémique, et attaché au corps vécu à la première personne, le terme``soma”, dans la définition de Thomas Hanna, fait référence au ``corps perçu de l'intérieur” et ``la somatique” est définie comme ``l'art et la science des processus d'intéraction synergétique entre la conscience, le fonctionnement biologique et l'environnement”. Par la suite, d'autres théoricien·nes ont proposé d'autres termes et notions pour désigner le champ d'expériences mobilisé par ces pratiques, tels que la ``soma-esthétique”,proposé par le philosophe Richard Shusterman, dont les travaux dans le domaine se révèlent fort normatifs”. +\end{quote} + +Dans une autre optique, une préoccupation actuelle rapproche les pratiques somatiques d'une certaine forme d'écologie. Ce point de vue est défendu par la chercheuse Laurence Jay, selon qui cela renvoie au chaque contexte spécifique d’une personne, pour encourager une forte affirmation de sa subjectivité. S’adressent au corps-sujet dans une approche psycho-phénoménologique, le corps est identifié par des caractéristiques communes avec le domaine du vivant. Pour paraphraser Jay il est en homéostasie, pour assurer une survie permanente: +\begin{quote} +``Il est pensé comme un tout. Il ne s’agit pas d’un amas de parties disjointes, mais d’un système organisé de façon dynamique et en équilibre complexe, interdépendant dans chaque mouvement, chaque fonction, chaque échange d’énergie et d’information. Il ne s’agit pas d’une vision mécaniste qui sépare le haut et le bas, la matière et le processus, le soi et les autres, le soi et l’environnement, la pensée et les émotions. C’est une pensée systémique, un point de vue corps-sujet-monde. Ce point de vue rejoint les théories écologiques et systémiques et permet d’imaginer une écologie corporelle, en actes.” +\end{quote} + +Des artistes visionnaires, puis des chercheurs en neurosciences, nous aident à mieux comprendre notre rapport au corps. En danse, l'improvisation interroge le mouvement dans sa potentialité artistique pour générer des nouvelles formes d'expressivité. A mon tour, je me concentre sur les mouvements spontanées pour comprendre leur impacte sur une danse avec des robots. Ces mouvements sont issus d'un laboratoire d’expérimentations en lien avec des pratiques somatiques, bien que la définition exacte de cette somatique est sujet à des débats selon la discipline où elle opère. + +\section{Cultiver l'intelligence sensorielle plus un plateau: les multiples facettes des pratiques somatiques} + +Pour mieux expliquer la dynamique qui opère entre la danse et les pratiques somatiques\cite{eddy2017mindful}, je m'interroge sur la façon dont ces techniques structurent la corporéité ainsi que l'expérience phénoménologique du cors et ses sensations. Lorsqu’elles sont employés comme exercices d'échauffement et d'entraînement régulier, elles facilitent une nouvelle appréhension du corps et de son mouvement. Lorsqu’un danseur apprend une technique de danse, son corps est capable de reproduire les mouvements et de se mouvoir presque de façon automatique, selon les caractéristiques de cette technique. Lorsqu'il s’approprie une pratique somatique, le danseur n’a de preuve à son appui autre que les traces que laissent cette expérience à l’intérieur de son propre corps. Ainsi l’intériorité et l'expérience sensible du danseur sont cultivés grâce à l'\gls{expérience kinesthésique}: +\begin{quote} +``Si toute technique de danse est affaire d’un programme systématique d’instructions, venant façonner le corps perçu à l’image d’un corps idéal, via la médiation d’un corps démonstratif (Foster, 1992) ; si les injonctions à faire et à sentir, et corrélativement, les actions et les perceptions produites (Cazemajou, 2013), relatent implicitement un modèle déterminé de corporéité ; peut-on dire la même chose pour les somatiques?” +\end{quote} + +Depuis 2013, lors des stages et des ateliers de danse partout en Europe, j’ai eu l'occasion de me former et d'acquérir des compétences orientées autour de ma propre intériorité. Bien que chaque expérience du corps et son vécu est difficilement traduisible et quantifiable, je tente d'évoquer ce que chacun de ces pratiques a retenu mon attention. Pour mieux témoigner de cette démarche, je m'appuie sur les écrits du philosophe Bruno Latour(1947-2022) qui explicite dans son essai ``How to talk about the body” ce qu’il entend par le fait d'avoir un corps: +\begin{quote} +`` +Avoir un corps, signifie apprendre à être affecté, c’est-à-dire ‘effectué’, déplacé, mis en mouvement par d’autres entités, humaines ou non-humaines. Si vous ne vous engagez pas dans cet apprentissage, vous risquez de devenir insensible, stupide, vous tombez mort. Doté d’une telle définition ‘pathologique’du corps, personne n’est obligé de définir une essence, une substance (ce qu’est le corps par nature), mais plutôt, à mon sens, de le considérer comme une interface qui devient de plus en plus descriptible, lorsqu'elle apprend à être affecté par de plus en plus d'éléments(...)En se concentrant sur le corps, on est immédiatement – ou plutôt médiatement – dirigé vers ce dont le corps a pris conscience +\footnote{en version originale: +``To have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead. Equipped with such a ‘patho-logical’ definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be affected by more and more elements(...)By focusing +on the body, one is immediately – or rather, mediately – directed to what +the body has become aware of.}.”\cite{latour2004talk} +\end{quote} + +Ainsi pour Latour il n'existe pas de hiérarchie entre corps et esprit. Plutôt chaque corps opère une trajectoire dynamique par laquelle il apprend à connaitre et à interagir avec les autres éléments ou la matière dont est faite le monde. Plus précisément, pour le philosophe français, cela n’a aucun sens de définir le corps directement, mais plutôt de le rendre sensible aux autres éléments qui constituent le monde. + +Pour revenir au terme de somatique et faire la distinction entre ses différentes approches, je fais également appel aux observations d’Isabelle Ginot. Dans l'ouvrage collectif ``Penser les somatiques avec Feldenkrais” elle montre comment sont réunis sous le terme générique de \textit{somatiques}, une panoplie de pratiques dont les principes sont communs. Elle définit \textit{le sujet} par un ensemble de pensées, affects et émotions en lien avec le corps en lien avec ``un instrumentarium savant de techniques gestuelles, manuelles et tactiles”\cite{ginot2014penser}, dont l'attention se porte sur la proprioception. Ginot note comment ces techniques puisent à leur tour dans des croyances et des savoirs divers selon leur époque, pour inventer ``des imaginaires du corps et des gestes bien différents les uns des autres”\cite{ginot2014penser}. Plus loin dans ce livre, la chercheuse propose une classification selon les critères de l’analyste du mouvement Hubert Godard. Ses observations font la distinction entre les expériences collectives et les expériences individuelles. Lors d'une expérience collective le praticien propose des explorations sans illustrer le mouvement, afin que chacun puisse explorer sa propre sensibilité esthétique et contraintes physiologiques. Lors des séances individuelles, le praticien propose une exploration à partir du toucher, parfois guidant par la parole une prise de conscience du sujet. Celui-ci observe les effets du relâchement des blocages musculaires sur ses gestes, les variations de son propre poids selon les changements de posture. Il découvre grâce à des représentations internes, des parties auparavant méconnues de lui-même, appelés par Godard ``des zones organiques profondes”: +\begin{quote} +``Certaines travaillent à partir d’une cartographie des tissus et de leurs caractéristiques biologiques — fascias, muscles, peau, os, viscères — et pensent le changement du geste et de la posture primordialement à partir des changements conduits dans ces tissus ; d’autres, telle la méthode Feldenkrais qui nous intéressera ici, s’appuient avant tout sur la construction des coordinations, soit la façon dont chacun de nous a appris (et peut réapprendre) à composer ses gestes dans l’espace et le temps jusqu’à ce que ce répertoire de nouvelles habitudes gestuelles compose la texture même de sa vie, et garde la plasticité nécessaire pour des changements ultérieurs. D’autres encore privilégient le travail sur la perception… Elles se pratiquent en séances collectives ou individuelles, passent très souvent par un travail sur le toucher (un des nombreux tabous concernant le corps en Occident), se définissent soit comme ``éducatives” soit comme ``thérapeutiques”, ou encore les deux à la fois.” \cite{ginot2014penser} +\end{quote} + +Lorsque j’ai les pratiques somatiques en 2013, cette idée de vocabulaire et définitions est restée une question ouverte. Lesquelles des écoles revendiquer, laquelle des techniques approfondir? Je m'appuie sur les observations concernant l'\gls{intelligence du mouvement} de Jay, proche de ce que je comprends par \gls{intelligence sensorielle}: +\begin{quote} +``L’intelligence du mouvement habite le corps tout entier, pas seulement le cerveau. Le cerveau est informé et informe et l’intelligence du mouvement dialogue avec la pensée. Nous avons appris à considérer notre corps comme une machine, à faire en sorte de le contrôler le plus efficacement possible, à le gérer comme un lieu d’entrée sortie, à l’espérer plus silencieux qu’expressif, pour finalement somatiser lorsque notre corps exprime l’inexprimé.”\cite{jay2014pratiques} +\end{quote} + +Concernant mes propres expériences kinesthésiques et le travail de ``prise de conscience” de mon corps, j'ai remarqué que cela est plus facilement traduisible en mots, lors des moments de lâcher prise en improvisation. Les outils que j’ai retenus lors des sessions d'apprentissage que je vais détailler plus bas, servent principalement à affiner ma concentration et la facilité de mouvement. La plupart des méthodes que j’ai pu expérimenter, visent l'utilisation d’une quantité d'effort appropriée pour une activité particulière, libérant les tensions du corps pour avoir plus d'énergie à utiliser ailleurs. Bien que la communauté des pratiquants puisse parler des effets thérapeutiques de ces pratiques, j'aimerais clarifier cet aspect. +Pour moi et probablement pour des autres danseurs, il ne s'agit pas des traitements proprement parler, mais plutôt d'une volonté de rééducation du corps en libérant des tensions, des blocages émotionnelles et la pensée. + + +\subsection{B.M.C}\label{sec:elements-basiques} +En me rapprochant des ces pratiques, j'ai découvert entre outre la méthode Body Mind Centering ou BMC lors de sessions d'entraînement physique au théâtre du Soleil. En 2014, j'ai été en stage à la Cartoucherie de Vincennes en tant qu’assistante décor pour le spectacle MacBeth. Avec d'autres stagiaires, nous nous réunissons le matin pour pratiquer des exercices d’éveil corporel. Parmi les participants, quelqu'un a mentionné cette pratique, puis a proposé un exercice et cela m'a bien intrigué. Mon cheminement a été ensuite plutôt autodidacte, en m'appuyant sur des matériaux et témoignages. Lors des cours de danse à Micadanses puis à la Ménagerie de Verre à Paris, j'ai souvent rencontré des danseurs plus ou moins familiers avec cette technique. Leur qualité de mouvement était souvent impressionnante. Plus tard j'ai eu l'occasion d'approfondir et mieux me renseigner sur ces observations intuitives. + +Le Body-Mind Centering a été créée à la fin des années 70 par Bonnie Bainbridge Cohen, danseuse, ergothérapeute et ancienne choréologue en \gls{notation Laban}. Son approche se focalise sur la perception individuelle, lors des études expérientielles de l'anatomie et de la physiologie du corps. Elle utilise des systèmes pour définir plusieurs niveaux d'exploration sensorielle. Cela donne suite à un mélange d'expérience cognitive de compréhension et expérience phénoménologique d'intégration des sensations du corps. Selon Bainbridge Cohen, un des objectifs de cette pratique est d'agrandir les dynamiques psycho-physiques de la perception. Plus important, BMC est une étude expérientielle basée sur des techniques d'incarnation (ie. emboddiment). Cela soulève des questions sur le développement en tant que processus de travail mais aussi comme devenir du corps: +\begin{quote} + ``Le devenir du corps (ie. développement) n’est pas un processus linéaire, mais se produit par vagues qui se chevauchent, chaque étape contenant des éléments de toutes les autres. Parce que chaque étape précédente sous-tend et soutient chaque étape successive, toute interruption ou échec à terminer une étape de développement peut entraîner des problèmes d'alignement/de mouvement, des déséquilibres au sein des systèmes corporels et des problèmes de perception, de séquençage, d'organisation, de mémoire, de créativité et communication\footnote{en version originale: ``Development is not a linear process but occurs in overlapping waves with each stage containing elements of all the others. Because each previous stage underlies and supports each successive stage, any skipping, interrupting, or failing to complete a stage of development can lead to alignment/ movement problems, imbalances within the body systems, and problems in perception, sequencing, organization, memory, creativity and communication.”}.” + \cite{bainbridge1993sensing} +\end{quote} +Ainsi le développement du mouvement est étudié à l'échelle de son développement ontogenetique (de l'embryon à l'adulte) et comme évolution progressive des espèces dans le règne animal(Un exemple expliqué par cette pratique est la marche des amphibies- évoluée en marche bipède des mammifères). + +BMC est aussi une pédagogie du corps orientée vers la recherche d’un équilibre entre le système nerveux sympathique( responsable du contrôle d'un grand nombre d'activités automatiques de l'organisme, tel le rythme cardiaque ou la contraction des muscles lisse) et le système nerveux parasympathique(régule les fonctions corporelles qui ne sont pas sous le contrôle volontaire de l'individu). Ces deux systèmes ont un fonctionnement complémentaire, avec le système nerveux sympathique qui active le corps lors des situations de stress et le système nerveux parasympathique qui le ralentit pour créer des situations de détente. Ainsi cette pratique corporelle est utilisée non seulement dans la danse mais aussi dans de nombreux types de travail corporel en lien avec la gestion du stress comme la psycho-thérapie, le yoga ou la musicothérapie. A travers le mouvement et le toucher, les praticiens explorent des principes anatomiques et physiologiques multiples. Cela favorise une prise de conscience des divers systèmes du corps(cellules, tissus, organes, squelette, le système neuro-endocrinien) pour orienter une action basée sur la perception. +Parmi ces systèmes, sont mentionnés: +\begin{itemize} +\item Le système squelettique- structure de soutien qui répartit notre poids sur la terre, en lien avec la gravité. +\item Le système des organes est pour la communauté BMC plutôt connecté à nos émotions et à notre façon de les exprimer. +\item Le système endocrinien est vu comme métaphore de notre intuition et s'exprime dans nos moments forts tandis que le système de muscles exprime notre vitalité et notre puissance. +\item Le système nerveux à son tour est un support de la mémoire de nos expériences et perceptions. Lorsque le mental incorpore cette structure, il facilite l'apprentissage de nouvelles expériences basées sur l’intuition et la créativité. +\end{itemize} +Pour les praticiens BMC, lorsqu'un système est sur-stimulé ou déséquilibré, il peut devenir source de blessures, de maladies ou de détresse émotionnelle et psychologique. Pour équilibrer cela, l'imaginaire biologique du BMC stimule la prise en conscience du fonctionnement du corps, au travers des sessions guidées. Cependant, comme le décrit l’anthropologue Jeremy Damien dans sa thèse, lors de son expérience BMC en danse amateur avec le collectif \textit{Les Zélées}, les danseurs ont du mal à se représenter et entrer en relation avec certains systèmes. Pour illustrer, le système lymphatique est décrit en lien avec des attributs comme ``la clarté” et ``la finesse”. Cela induit parfois en erreur les danseurs, au point où Damien se demande si cela relève d’une réalité physiologique du corps ou plutôt d’une métaphore à intégrer de façon subjective. C'est important de noter encore une fois les possibles ambiguïtés apparus en lien avec des concepts pluridisciplinaires. La signification du mot ``lymphe” dans le domaine de la médecine n’est pas la même lors d’un atelier de danse. En tant qu’anthropologue, Damien rapproche la pré-supposée dimension thérapeutique de certaines pratiques, semblables à des rituels et formes d’auto-suggestion collectives. Pour ma part, je suis sensible aux observations de Damien. Ces pratiques m'intéressent en tant que outils de recherche-création par leurs effets sur l’imagination des danseurs et leur capacité de produire des mouvements ``nouveaux”. +En guise d'explication, Bainbridge Cohen clarifie sa démarche: +\begin{quote} +``Lorsque nous parlons de sang, de lymphe ou de toute autre substance physique, nous ne parlons pas seulement de substances, mais aussi d’états de conscience et de processus qui leur sont inhérents. Nous associons nos expériences à ces cartes, mais les cartes ne sont pas l'expérience\footnote{en version originale: When we are talking about blood or lymph or any physical substances, we are not only talking about substances but about states of consciousness and processes inherent within them. We are relating our experiences to these maps, but the maps are not the experience.”}.” +\end{quote} +La chercheuse en danse Carla Bottiglieri porte cette réflexion plus loin, en citant à son tour la philosophe et chorégraphe allemande Petra Sabisch\footnote{http://www.ausland.berlin/artist/petra-sabisch}. Pour celle-ci, le mouvement est une expression de l’indétermination issue de la relation entre sensation et imagination: +\begin{quote} +``Sans cette inspiration spéculative dans le jeu co-immanent entre le fond kinesthésique et les procédures imaginatives de production de l’image, il n’y aurait pas de spécifications par rapport aux qualités du mouvement. La relation indéterminée entre sensation et imagination devient un rapport singulier : elle produit une différence dans la qualité du mouvement, sans pour autant épuiser la virtualité de leur relation.”\cite{bottiglieri2012soigner} +\end{quote} + +Dans un article\cite{bainbridge1993sensing} qui a donné suite à son livre ``Sensing, feeling and acting” (2012), Bainbridge Cohen explique son intention de faciliter l'accès à ``une connaissance nouvelle en provenance de soi” afin de résoudre la dichotomie corps-esprit. Cela est structuré autour de trois concepts-clé qu’elle appelle l'\gls{alphabet de mouvement}: +\begin{itemize} +\item les réflexes primitifs en lien avec les mouvements spontanés et leur relation avec les mouvements intégrés +\item les réactions de redressement par rapport à la gravité +\item les réponses d'équilibration pour garder notre centre de masse en équilibre et rester début. +\end{itemize} +Plus tard, un quatrième concept intitulé \gls{Basic Neuro Cellular Patterns} (2018) synthétise ces derniers, en organisant une classification de modèles en lien avec le développement ontogénétique (du stade d'embryon jusqu'à l'age adulte de la même espèce) du mouvement. + +Il faut également préciser qu’en BMC le terme ``somatique” est pensé en contrepoids de celui de ``psychique”, avec un fort intérêt pour les mouvements réflexes et la façon dont le système nerveux périphérique s'organise lorsque nous apprenons un mouvement. Pour ma part cette définition trouve écho dans celle que j'ai du mouvement spontanée, décrit auparavant. Dans une série d’échanges intitulée \textit{Dialogue\# 1 Reflexes and Expression}, la praticienne réponds à des questions après une exploration en lien avec les mouvements réflexifs: +\begin{quote} +``Nancy: Lorsqu’un mouvement devient réflexif, diriez-vous que l’expérience passe du perçu au ressenti ? +Bonnie: Oui, ça passe dans le sang. Je sens que les réflexes ont beaucoup à voir avec le sang, avec les expressions émotionnelles\footnote{en version originale: ``Nancy: When a movement becomes reflexive, would you say that the experience goes from sensing to feeling? Bonnie: Yes, it gets into the blood. I feel the reflexes have a lot to do with the blood, with emotional expressions.”} +.” +\cite{bainbridge1993sensing} +\end{quote} + +Selon BMC, la manière de bouger de chaque individu est influencée par la façon dont le mental se manifeste dans le corps lorsqu’il bouge. Lorsqu'il y a un ajustement perpétuel entre action et cognition, il y a également un alignement harmonieux entre différents systèmes. Comme précisé plus haut, les supports d'exploration sont constitués de nos sens mais aussi de notre imagination. + +Entrer dans cette dimension imaginaire implique la sollicitation du sens de la proprioception. En BMC cela part de l'hypothèse que chaque tissu de notre corps a sa propre vibration et résonance. La qualité du toucher est résultat de la compréhension expérientielle de ces données. Les praticiens peuvent prendre conscience d'une partie du corps en étudiant des images, des textes ou des livres d'anatomie pour mieux les visualiser. Une des formes d’exploration le plus directes repose sur un mélange entre le toucher et la visualisation des parties du corps pour arriver à un état de somatisation. Cet état corresponds à une prise de conscience directe des sensations et perceptions qui se dégagent de la partie du corps sur laquelle nous nous focalisons. Il est suggéré que, lors de cette étape de somatisation en BMC, un échange d'informations bi-directionnel a lieu entre les cellules du corps et le cerveau. Si le toucher et le mouvement sont parmi les premiers sens que nous expérimentons lors de notre naissance, cela renvoie à des processus de re-mémorisation des sensations plus anciennes de notre corps. + +Un autre concept employé dans cette méthode est le centrage, décrit par Bottiglieri de la façon suivante: +\begin{quote} +``l’opération de centrage renvoie métaphoriquement aux gestes manuels du potier, qui tourne l’argile autour du vide, pour donner forme à un vase. (...) J’ajouterai que ce mouvement est le processus continu d’une relation où les termes s’échangent, ou se permutent : body et mind ne relèvent pas de deux ontologies distinctes, bien plutôt, ils instancient deux bordures, ou deux faces d’une limite topologique où formes et forces s’affectent mutuellement, se répètent et se différent, adviennent les unes aux autres, deviennent.” +\cite{bottiglieri2012soigner} +\end{quote} + +La relation entre le toucher du potier et le réglage fin du centre de sa forme est une belle métaphore de ce qui représente une exploration BMC. La personne qui pratique est en constant renouvellement et amélioration de ses sensations internes. Ce vocabulaire, proche d'une expérience onthologique, peut-prêter à des confusions. Cependant, pour citer la chorégraphe Deborah Hay, l'endroit où la conscience et l’incorporation se rencontrent, représente un état d'alignement interne pour que chaque cellule du corps dévient réceptive et capable d'un changement: + +\begin{quote} +``S'accorder à notre conscience cellulaire nous amène à un état de base d'où découlent les manifestations complexes de notre être physique, physiologique et spirituel.\footnote{ +en version originale: ``Attuning ourselves to our cellular consciousness brings us to a state in which we can find the ground from which flows the intricate manifestations of our physical, physiological and spiritual being.”}.” +\cite{hay2000my} +\end{quote} + +Dans sa pratique, Hay emploie ces concepts pour évoquer un état méditatif qui facilite des états de présence. Je vais aborder la façon dont je m'approprie ces concepts dans ma recherche, dans la partie pratique de cette thèse. Mes observations m'ont aidé rétrospectivement à comprendre comment faire l'expérience de ma propre anatomie et de son fonctionnement psychologique, ont affiné mes intentions en tant que danseuse. A ce jour, je pense avoir utilisé le BMC comme point de départ pour développer une meilleure compréhension des sensations de mon corps et de l'action exprimée par le mouvement et le toucher. Cela m'a permis d'activer une forme de conscience ou d'état de présence spécifique pour chaque partie de mon corps et ainsi faire émerger une danse spontanée, propre à ce vécu. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{bmc.png} + \caption{Exemple des improvisations inspirées par la technique BMC, april 2021 lors de ma residence de recherche à la Halle Tropismes à Montpellier. Source photo: compte instagram de la cie desiderate} + \label{fig:bmc} +\end{figure} + + +\subsection{Feldenkrais} + +Cette méthode développé par Moshé Feldenkrais (1904-1984) revisite le mouvement des articulations, laissant à chacun la possibilité d’être plus autonome et confiant lorsqu’il bouge. Ses cours sont connus sous le nom des \textit{cours de prise de conscience par le mouvement}. Pareil aux autres pratiques somatiques, ils permettent de se focaliser sur les sensations internes, pour voir comment exécuter des mouvements plus souples. La méthode développée à partir des années 50, vise à restaurer la capacité de bouger lors des accidents et à reprendre des habitudes de mouvement naturelles, en comprenant la quantité d'efforts nécessaires pour exécuter un mouvement de façon efficace. De cette façon, chaque participant a la possibilité d'être plus autonome et en confiance lors de ses déplacements dans l’espace. Proche de pratiques corporelles comme le Tai Chi, Feldenkrais utilise des mouvements lents pour faciliter la concentration du pratiquant sur la maîtrise de sa force ou de sa flexibilité. + +J’ai découvert la méthode Feldenkrais lors des cours hebdomadaires à l’université Sorbonne Nouvelle. En 2013, je venais de commencer mes études théâtrales à Paris et c'était une de mes premiers expérimentations en lien avec la danse. + +Ce qui m'a interpelée dans cette approche est le lien fait par Feldenkrais être la conscience et la perception: +\begin{quote} +``la conscience est la perception, conjuguée à la compréhension de son fonctionnement ou de ce qui se passe en nous pendant que nous sommes en état de perception.” \cite{ginot2014penser} +\end{quote} +Découvrir sa perspective, confirmait mes intuitions quant à l’expérience du plateau et ce qu'elle révélait de l'introspection d'un artiste. La chercheuse Sylvie Fortin mentionne comment cette pratique valorise les explorations subjectives concentrés sur \textit{le corps-sujet} plutôt que \textit{le corps-objet}. Cela peut se faire par exemple, en invitant une personne ``à déterminer la position optimale pour exécuter un mouvement en s’appuyant sur son ressenti plutôt que sur des standards esthétiques arbitraires”\cite{husquinet2018corps}. Différents exercices basés sur la perception du corps en mouvement ou sur la conscience de la respiration, permettent aux participants de appréhender leurs propres habitudes corporelles. Ainsi en Feldenkrais, ``l’apprentissage consiste à éveiller les zones d’anesthésie sensorielle et à élargir les types de sensation possible”\cite{husquinet2018corps}. Plus généralement, cette méthode aide à coordonner différentes parties du corps, encourageant l'expression des ressentis et des émotions pour une intégration holistique du corps et de l'esprit. Dans l’approche défendue par cette pratique, souvent conscience du mouvement et conscience de la respiration vont ensemble. L’éducateur somatique regarde comment un fonctionnement sensori-motrice déficitaire affecte l’ensemble de la personne. Son rôle est d'aider améliorer ce fonctionnement, de plus la respiration est un des moyens le plus accessibles à le faire. + +Il y a un fort lien entre ces pratiques et des concepts émergents en sciences cognitives tels que l``image du corps” et le ``schéma corporel” que nous détaillerons dans le prochain chapitre. C'est important de noter que leur appréhension dans les pratiques somatiques est probablement différente des études en neurosciences par exemple. Si ici elles renvoient à un engagement envers soi, à une exploration intime, les sciences cognitives traitent de ce sujet pour mieux cartographier le fonctionnement du cerveau et de nos fonctions motrices. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/conscience_bottiglieri_ginot} + \caption{Lien entre l'image du corps et le schema corporel. Source: le livre \textit{Penser les somatiques avec Feldenkrais}, page 153.} + \label{fig:consciencebottiglieriginot} +\end{figure} + +Contrairement à BMC, les exercices collectifs structurés autour d’un thème ont comme objectif de prendre en conscience son propre mouvement, sans référence visuelle. En dehors des instructions sur la façon de bouger, le praticien donne des indications perceptives (sur quoi concentrer son attention) et conceptuelles (pourquoi cette méthode ne s’illustre pas, pourquoi elle cherche le moindre effort). Des postures comme \textit{la pose au sol}, visent à comprendre l’effet de la gravité sur le corps. Le plus un corps est proche du sol, allongé, le moins il rasent de la gravité. Sa hanche peut s'ouvrir pour soulager les tensions des articulations. À la fin d’une séance d'exploration, l'élève a parcouru son propre chemin, sans se servir d'un modèle visuel pour réaliser les mouvements. Ces exercices peuvent être liés aux travaux du neuroscientifique Francesco Varela sur l'autopoïèse\footnote{dictionnaire}, que nous allons détailler dans le prochain chapitre. L’expérience la plus courante est celle d’un changement très sensible dans la perception de la posture debout- comprendre quels appuis, observer son alignement, son hauteur et l’espace autour. En guise de conclusion de la séance, la marche et divers mouvements quotidiens sont proposés à l’exploration. Chaque changement peut être ressenti plus ou moins durablement et surtout différemment. Chaque perception est spécifique et les élèves ressentent différemment la répartition de poids. Parmi les retours d'expérience, les participants éprouvent soit de la confusion, soit de l'excitation par la découverte de nouvelles postures et relations entre leurs parties du corps. Quand un changement persiste d'une séance à l'autre, il deviendra habituel ou, selon l’expression de Feldenkrais - ``intégré”. Ce qui signifie que le poids du corps est mieux réparti qu’auparavant, sans que l'élève ne le remarque. + +Si j'ai mentionné plus haut cette manière d'intégrer un mouvement ou une posture de manière automatique, par la répétition, c'est pour mieux témoigner de cet état d'intelligence sensorielle. Elle est propre à la danse, comme aux expérimentations somatiques, car elle relève d'une pratique inhérente du corps, de son vécu expérientiel. + +\subsection{Viewpoints} + +Une méthode que j’ai intégrée dans mon approche expérimentale d'entraînement du corps sur scène, est la technique ViewPoints. Cette technique relève plutôt d'un travail sur l'intelligence sensorielle en tant qu'outil pour mieux structurer les processus de composition et de mise en scène. Issue d’une méthode inventée par l’artiste de théâtre Mary Overlie dans les années 70, elle stimule la créativité en s'inspirant des points de vue ou des (\textit{viewpoints}). Ces points de vue permettent de focaliser la concentration et d'ordonner la façon de travailler. Ultérieurement adaptée par les metteuses en scène Anne Bogart et Tina Landau, cette méthode déconstruit les hiérarchies de travail sur le plateau. Cet apprentissage, ou plutôt désapprentissage par rapport aux connaissances acquises en école de mise en scène, s’est fait pour moi à travers une session d'expérimentation pratique entre mise en scène et photographie, avec le collectif de metteurs en scène \textit{Open Source}\footnote{https://collectifopensource.fr/} en mai 2016. +En tant qu’outil de travail, le ViewPoints revisite la hiérarchie traditionnelle entre metteur en scène ou chorégraphe et les performeurs. Les performeurs sont considérés comme des participants actifs dans la création globale du spectacle. Ils apparentent à focaliser leur attention sur différents éléments du jeu scénique: rythme, durée, geste, relation spatiale. L’article \cite{dennis2013viewpoints} rend compte des expériences des étudiants en danse qui utilisent cette méthode. L'auteur interroge l'impact de cette méthode sur les multiples postures du sujet qui est à la fois observateur, participant, créateur, témoin et acteur du processus de recherche. Cela part de la supposition que si les acteurs sont ouverts à leur environnement, ils peuvent créer un mouvement et une composition scénique dynamique. Dans un entretien lors d’une conférence sur cette technique, Anne Bogart affirme que rien n'a été inventée par eux pour cette pratique, mais que tout est venu comme une réponse concrète à des besoins de plateau. Cherchant à convoquer l'instinct et l'intuition lors des laboratoires de recherche-création, ce qui m'intéresse dans cette technique est son rapport à la danse, définie au sens large comme mouvement: +\begin{quote} +``What is dance? they asked. If an elephant swings its trunk, is it dance? If a person walks across the stage, is that dance?” +\end{quote} +Entre philosophie pratique du travail, méthode d'entraînement et technique d’improvisation, Viewpoints aide à mieux structurer le corps dans l'espace pendant le temps de la représentation. Ses éléments tangibles sont des points de vue selon lesquels les participants concentrent leur attention. Ces points de vue représentent un ensemble d'outils pour libérer l'imagination. Plus tard, l'approche systématique de cette méthode aide les praticiens à remettre en question leur perception. Cela leur permet de s'investir dans une pratique créative pour réorganiser leurs intentions. +Appliquer ces principes à la danse vient presque naturellement. Par exemple, le geste est analysé en Viewpoints selon deux critères: +\begin{itemize} + \item gestes comportementaux: ceux que nous employons dans notre vie quotidienne, qui font écho à des situations de vie + \item gestes expressifs: ceux qui expriment une émotion et répondent à des besoins d’abstractisation +\end{itemize} +Parmi les principes employés, un qui m'intéresse en particulier est la\gls{réponse kinesthésique}. Ce type de mouvement observe comment un geste spontané surgit en réponse à l’environnement extérieur. Des exemples de réponses kinesthésiques apparaissent lorsque nous nous levons instantanément quand quelqu’un ouvre une porte ou nous grattons la tête si quelqu’un nous pose une question difficile. Ce type de mouvement est similaire avec ce que nous avons mentionné auparavant comme mouvement réflexif en BMC et mouvement spontanée. +Ce qui nous intéresse pour nos expérimentations pratiques est de savoir si ce type de mouvementes peuvent être modélisés pour les robots ou pas. + + +\subsection{Jinen Butō} + +Une autre type d’exploration sensorielle que j’ai eu l’occasion de découvrir est la danse Jinen Butō, lors de mes stages avec Atsushi Takenouchi entre 2013 et 2015. Cette pratique, issue du mouvement de danse Butō a émergé en 1986 comme lien entre la nature, la terre et l'humain. + +Créé par Tatsumi Hijikata et Kazuo Ohno probablement en réaction aux événements de la Seconde Guerre mondiale, le Butō a longuement exploré des thèmes tabous de la société japonaise. Dés de son début, cette danse a cherché convoquer des postures grotesques via des mouvements corporels parfois lents, parfois compulsifs, pour devenir ensuite un mode de vie. Butō diffère à la fois de la danse traditionnelle japonaise et de la danse occidentale moderne. Plus tard des disciples de Hijikata, comme Takenouchi ont a leur tour continué cette pratique selon leur contexte et expérience de vie. Ainsi Takenouki s'est concentré sur le rapport à la nature et aux possibilités de connexion avec celle-ci. + +Entendre parler, puis voir les images du corps nu de Takenouki enveloppé par des paysages naturels, dans un état mi-éveillé, mi-transe est quelque chose qui à l'époque a beaucoup suscité mon émoi et mon imagination. C’était une première expérience d'immersion dans une entité non-humaine, composer avec et se laisser inspirée par la découverte des nouvelles sensations que cela puisse engendrer. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/jinen} + \caption{Solo de Takenouchi dans la nature. Source: http://www.jinen-butoh.com} + \label{fig:jinen} +\end{figure} + +Sur son site, Takenouchi décrit l'essence de Jinen\cite{bronet2005beating} comme une volonté de réconcilier l'homme avec la Nature: +\begin{quote} +``L'homme perçoit de belles formes de la nature, comme les plantes ou les animaux. Cependant, de nombreuses forces de la nature, comme les énormes tremblements de terre que j'ai moi-même vécus, détruisent les personnes, les organismes et la nature. C'est le souffle de cette planète. C'est aussi le tourbillon du fleuve de l'Univers qui embrasse la vie et la mort, la lumière et l'obscurité... +Cela est Jinen. Il n’y a rien que l’Homme puisse faire. Tout ce que j'ai pu faire après le tremblement de terre, c'est vivre avec les gens qui avaient rencontré la vie et la mort, prier et danser avec eux. À l’intérieur de Jinen, la force vitale impuissante embrasse la vie et la mort, au point où cette vie et cette mort sont liées à toutes choses; cela devient une danse et une prière. Cette vision de la nature existait déjà dans les formes d’art créées par les peuples anciens. Chaque forme de vie exécute la danse de la vie et de la mort. Chacune de ces formes danse avec le Jinen. +\footnote{en traduction anglaise depuis le japonais: ``Man generally receives beautiful forms from Nature, such as the plants or animals. However, many forces of nature, such as huge earthquakes that I have experienced myself, destroy people, organisms and nature. This is the breath of this planet. This is also the swirl of the River of the Universe that embraces all life and death, light and dark... +This is Jinen. There is nothing Man can do. All that I was able to do after the earthquake was to live with the people who had encountered live and death, and to pray and dance with them. Inside Jinen, the helpless life force embrace life and death, feel that even such life and death are connected to all things, and dance a prayer. This view of nature has already existed in the art forms created by ancient people. Every life form performs the dance of life and death by being alive. All things are dancing with Jinen.”}.” +\end{quote} + +Un de ses poèmes ``HA-NE NO KI ou L'arbre Ailé” découvert lors de ces rencontres, évoque la condition de l'homme: +\textit{ + L’âme – ailée – s’ébat librement dans le Ciel. + Le corps, lui, ne le peut car ses racines le retiennent à la Terre. + Privé de vol, épris d’espace, le corps frappe le sol et se fait Danse. + O arbre ailé ! Tant qu’il y aura la vie, accorde-moi, accorde-nous d’être l’ardente danse + Qui est sève des corps et âmes !} + +A l'époque, l'expérience sensible de Jinen Butō a été un catalyseur pour mon envie de danser, d'explorer au travers mon corps le monde afin d'y trouver un sens autre que celui donné par les paroles. +Lorsque plus tard, j'ai découvert que Bonnie Bainbridge Cohen a pratique une grande partie de sa vie le \gls{Katsugen Undō}\cite{eddy2002somatic}(mouvement spontané naturel, régénérateur du corps en relation avec certaines pratiques shinto au Japon), j'ai compris à quel point les traditions orientales nous aident à nous réapproprier le corps au travers des interactions avec des partenaires non-humains, dont les robots sont un exemple. + +\subsection{Gaga} +Mes pérégrinations ont continué et début 2020 je suis arrivée en Israël pour expérimenter le Gaga Movement, dont la pédagogie encourage le lâcher prise et le plaisir de la danse. Mouvement de danse non-conventionnelle, cette pratique a été développée par le directeur artistique de la Batsheva Dance Company, Ohad Naharin. Lors d’un accident au dos dans les années 90, Naharin s'est lancé dans un processus de recherche corporelle avec des personnes sans expérience en danse. Ces expérimentations ont donné place au laboratoire Gaga/people, étant ensuite demandés comme training régulier par les danseurs de sa compagnie, sous la forme de cycles Gaga/dancers. Selon le contexte, cette technique a plusieurs déclinaisons: training pour renforcer le corps et le préparer physiquement en termes de souplesse et d'endurance, échauffement avant les répétitions et outil d’exploration pour cultiver la créativité. +Dans son article- ``The Phenomenology of the Body Schema and Contemporary Dance Practice: The Example of \textit{Gaga}”, la chercheuse en danse Anna Foultier décrit les modalités de travail des danseurs du 21e siècle, devenus entrepreneurs de leur propre corps et de leur technicité: +\begin{quote} +``En raison des tendances chorégraphiques et artistiques récents, ainsi que de la difficulté croissante d'obtenir des contrats plus longs, les danseurs sont devenus des \textit{entrepreneurs} censées réinventer leur formation, s'adapter à divers styles et pratiques chorégraphiques pour souvent composer du matériel chorégraphique pour les projets pour lesquelles ils travaillent. Que cela soit perçu comme promouvant leur agence et leur autorité ou comme une adaptation à un contexte sociétal marqué par le néolibéralisme, le danseur contemporain doit faire preuve d'une approche éclectique où son entraînement peut varier du ballet, moderne, jazz, capoeira, pilates ou yoga à la natation ou à la course. Dans le monde de la danse post-postmoderne, l'accent n'est plus donné par le moulage du corps à une certaine norme, comme dans le ballet classique, ou sur le démantèlement des habitudes afin de découvrir des modèles de mouvement naturels, comme dans la danse moderne, mais plutôt sur la déconstruction et le remodelage continus des corps\footnote{ne version originale: ``Due to choreo-graphic and artistic trends as well as the increasing difficulty for dancers to obtain longer contracts, the dancer has become an “entrepreneur” supposed to fashion her training, adapt to various choreographic styles and practices, and often provide movement material to the pieces she works with. Whether this is seen as liberating the dancer’s agency and authority over her work or as an accommodation to a societal context marked by neo- liberalism where marketability is an imperative, the contemporary dancer has an eclectic approach where training can vary from ballet, modern, jazz, capoeira, pilates or yoga classes to swimming or running. In the post-postmodern dance world, emphasis is no longer on moulding the body into a certain form, as in classical ballet, or to dismantle habits in order to uncover natural movement patterns, as in early modern dance, but rather on continu-ously deconstructing and repatterning the body .”}.” +\cite{foultier2021phenomenology} +\end{quote} +Dans les cours de Gaga que j’ai pris, l'enseignant et les participants sont en constant mouvement. Les participants reçoivent plusieurs types d’instructions: lever ses bras comme s'ils ont un poids lourd sur le dos, les soulever et les laisser tomber en étant recouvert par du miel, sentir ses bras légers comme une plume, tomber au sol avec la même vitesse que les bras qui tombent, etc. L'objectif de Gaga est d'ouvrir de nouvelles possibilités d'exploration dans le corps et ainsi confronter les anciennes habitudes et facilités musculaires afin de développer une conscience du corps et une écoute intérieure. +L'approche ludique de Naharin, son engagement envers la danse professionnelle et la beauté de ses spectacles m'ont bien nourri. Bien que ce temps de transmission fut court, cela a été une belle découverte pour la chercheuse en pratiques corporelles que je suis. Je me rappelle l'ambiance type sanctuaire dans le bâtiment de Batscheva, sorte de forteresse de la paix du Tel Aviv. Des danseurs, des élevés, des curieux se +promenait à l'intérieur d'une cour millénaire, la mer pas loin. Sur les couloirs des danseurs se préparait, dans les studios un méli-mélo des corps, une ambiance type ruche. + +\section{Le Shaking comme outil de travail} +Lors de ouvrages que j'ai pu consulter au fur et au mesure de ma recherche en pratiques somatiques, j'ai décidé d'intégrer une méthode qui est pour le moins surprenante. Elle est a la base utilisée dans des pratiques comme le Katsugen Undo développé par le japonais Haruchika Noguchi et diffusé en Europe à partir des années soixante-dix \footnote{https://www.ecole-itsuo-tsuda.org/qu-est-ce-que-le-mouvement-regenerateur/}. Noguchi part du postulat que le corps humain concentre des énergies excessives qui inhibent notre système d'autorégulation, altérant ainsi nos fonctions physiques, mentales et émotionnelles. Sa pratique laisse libre cours aux mouvements involontaires du système nerveux autonome, en améliorant l'endurance et la flexibilité de l'organisme: +\begin{quote} +``C'est une sorte d’éducation physique utilisant le mouvement involontaire. Ainsi, vous devriez le considérer comme un moyen pour restaurer la résilience du corps. Ce n’est sûrement pas une forme de \textit{mystique orientale}. Il n’y a vraiment rien d’extraordinaire à propos du Katsugen Undō. C’est simplement la manifestation d’un travail interne que les êtres humains possèdent à l’origine.” +\cite{bel2015corps} +\end{quote} +C'est intéressant de noter que Bonnie Bainbridge Cohen s'est familiarisé avec cette technique lors de un de ses voyages au Japon, avant de mettre les bases de son propre pédagogie. Bien que je l'ai jamais pratiqué, cette technique semble une déclinaison de ce que j'ai déjà pu constater auparavant comme effet de rélachemment après des mouvements compulsif proche du shaking que je vais détailler plus bas. + +\textit{Le Shaking} vu ici comme tremblement volontaire, est une pratique somatique observée chez les animaux lorsqu’ils secouent leur corps après un événement dangereux qui a sollicité leur instinct de survie. Dans la littérature\cite{levine2010unspoken}, les éthologues ont identifié trois mécanismes de défense comme formes de réaction immédiate chez les animaux: s’en fuir, se battre ou se figer - le célebre \textit{fight, flee or freez mood}. Parmi les trois, la réponse ``se figer” (en anglais \textit{freeze}) est un mécanisme de survie qui protège l’animal en danger en inhibant et immobilisant son corps face à la douleur ou à un potentiel danger. C’est le cas d'un bison entouré par des lions qui dévient tout d’un coup mou et arrête de se débattre dans la bouche du crocodile, pour s’enfouir deux secondes après que les lions commencent à leur tour attaquer le crocodile pour disputer leur proie.\textbf{mettre lien} +Une fois inhibés, les mécanismes de défense produisent des hormones (ie l'adrénaline) qui restent stockés à l’intérieur du corps en état d'inhibition. Lorsque le danger est passé, les animaux vont secouer leur corps pour le libérer. + +Inspirés par cela, divers praticiens ont mis en place des exercices de libération des hormones en lien avec le stress accumulé dans le corps. Leur rôle est d'accéder à des schémas musculaires en tension, par un mécanisme réflexe naturel de tremblement et de vibration. Une fois la tension musculaire libérée, le système nerveux est à son tour calmé. Lorsque ce mécanisme de secousses musculaires est activé de façon volontaire, le corps est encouragé à retrouver un état d'équilibre. +J’ai décidé d’utiliser et ensuite adapter cette technique lors de mes échauffements de danse car cette méthode n’a pas spécifiquement pour but de se concentrer sur soi et de ralentir le fil des pensées, mais plutôt de ``libérer” le corps de ses tensions et privilégier un sentiment de lâcher-prise. Cette technique peut fonctionner particulièrement bien pour tous ceux et celles qui ont beaucoup de mal à rester sans bouger et à mettre leurs pensées en pause. + + +\subsection{Contexte} + + +Actuellement des thérapeutes utilisent des techniques de shaking pour réduire les effets du stress traumatique (PTSD). Parmi eux David Berceli, est psychologue et activiste humanitaire qui travaille dans les domaines de la réduction du stress suite à des evenements traumatiques. Dés la fin des années 1990, Berceli a travaillé en Extrême-Orient et en Afrique dans des zones en guerre. Suite à ses expériences de terrain, il a remarqué à quel point les secousses étaient une réponse universelle au traumatisme. Ces expériences l’ont mené à la création d'un ensemble d'exercices de libération de tension et de traumatisme appelés \textit{Tension and Trauma Releasing Exercises(TRE)}. L’objectif de sa pratique est de trouver les moyens pour calmer le système nerveux avec l’aide de ce qu'il définit comme \textit{Self Induced Therapeutic Tremors (SUTT)}. Sa méthode est basée sur une approche neurophysiologique intégrative qui vise un état de détente et repos parasympathique profond. En d'autre mots, Berceli s'appuie sur des principes d'homéostasie(phenomene d'autorégulation des systèmes biologiques pour maintenir leur stabilité, tout en s'adaptant aux conditions optimales pour la survie) pour décharger de façon mécanique la tension physique du corps. + +Une première étude pilote qui mesure le stress chez 21 professionnels de la santé en Afrique du Sud, avant et après une utilisation de la méthode TRE pendant 8 semaines, montre les effets de cette méthode . Selon son auteur, pratiquer le ``shaking” en tant que protocole de mouvement, entre 5 et 15 minutes à la fois, permettrait d’activer le système nerveux parasympathique. Cette communication directe entre nos muscles, nos membres et notre système nerveux central permet de relâcher certaines tensions, tout en activant un sens de présence dans le corps. Un autre outil que Berceli emploie dans sa technique est la méditation de la pleine conscience. Cela aide à réguler les émotions en augmentant le lien avec le corps et sa sensorialité. Dans son contexte, la pleine conscience encourage l'acceptation plutôt que l'évitement des expériences traumatiques et diminue la rumination autour des événements passés ou futurs- source d'épuisement de l'énergie. + +\subsection{Exemple d’exploration sensorielle avec du shaking inspiré par la technique TRE} +Pour donner un exemple pratique d'application de ces principes TRE dans la danse, je décris plus bas un exemple d'exercice d’échauffement avant un séance d'improvisation. +Tout d'abord, je me familiarise avec la pièce où je suis et la surface sur laquelle mon corps s’appuie, afin que je me sens détendue et habituée à mon environnemt. Je ferme les yeux et écoute les bruits autour de moi, du plus lointain au plus proche. Je touche les surfaces autour de moi, en insistant sur les textures. Une fois cet exercice sensoriel fini, je commence par faire quelques exercices préparatoires tels que des étirements de yoga pour mettre en marche mes muscles. L’objectif est de privilégier un état de disponibilité, pour l'étape suivante. Ensuite je m'allonge sur le dos, la plante des pieds sur le sol, les genoux pliés sur le côté. Je tire mes pieds vers la poitrine comme pour un saut puis je les relâche pour avoir une distance optimale entre les pieds et le bassin. Les pieds sont parallèles et touchent le sol, les genoux sont fléchés, orientés vers l'extérieur. Avec des respirations lentes, je compte jusqu'au 200 pendant que je ramène mes genoux l'un vers l'autre avec une certaine résistance. Je maintiens chaque position le plus longtemps possible. Je répète cette étape jusq'au quand mes genoux se touchent. + +Petit à petit, je sens les muscles de ma cuisse se fatiguer. Pour Berceli, cette phase provoque les shakes ou les tremblements. Au fur et à mesure que mes genoux s’approchent, les tremblements deviennent plus évidents et je peux les sentir remonter le long de mes jambes. Après vingt minutes, alors que mes genoux sont maintenant presque collés l'un à l’autre, je commence à saccader le bas de mon corps presque d'une façon comique. Pour prolonger l'expérience, je m'allonge sur le dos et prends quelques minutes pour expirer bruyamment. Lorsque je me sens prête, je m’assois sur mes talons. Je prends quelques respirations, puis je réfléchis à mon ressenti et à comment mon corps a réagi. Puis je remémore cette sensation pour la laisser m'accompagner dans mon improvisation. + +Si dans BMC, le \gls{Basic Neuro Cellular Patterns} s'appuie aussi sur des analogies avec les vibrations des organismes non-vertébrées, je ne peux pas omettre la question du rythme et la place que cela a pour les mouvements spontanés. Nous allons détailler ce type d’expériences dans la partie pratique de ce travail. Les pratiques somatiques ont apporté un nouveau souffle dans la compréhension du corps et de la subjectivité de chacun. J'ai pu expérimenter certaines de ces formes afin d’élargir ma vision de la danse, compris dans ce travail comme forme d'expression de soi en lien avec les autres. Comme nous avons vu plus haut, cet \textit{autre} dépends du contexte socio-culturel de chaque pratique. En général j'ai observé comment l’éducation somatique replace le focus sur le corps, en interrogeant la place du danseur et de son identité dans les formes contemporaines de la danse. Les pages qui suivent constituent une synthèses des chorégraphes qui ont marque l'histoire de la danse. Je me suis arrêté sur des chorégraphes dont le travail m'inspire, afin d'annoncer une certaine revendication d'une identité artistique en cours de définition. + + +\section{Renouvellement des approches chorégraphiques dans l’histoire de la danse} + +Dans son livre \textit{Histoire de la danse}(1933) Curt Sachs décrit la danse comme véhicule des expressions humaines, depuis les temps préhistoriques, bien avant le langage articulé: + +\begin{quote} +``Chaque danse est et donne de l'extase. L'adulte qui met son bras autour de son compagnon dans la salle de bal, et l'enfant dans la rue, sautant lors d'une ronde, ils s'oublient, ils dissolvent le poids du contact terrestre et la rigidité de l'existence quotidienne. Encore plus intense est la réaction de l'homme préhistorique, dont l'esprit vierge offre si peu de résistance à tout stimulus et dont le corps, non rabougri et indiscipliné, répond à ce stimulus sans retenue, d'une manière qui nous est étrangère. (...) Ce moment peut être si intense que pendant la guerre des Boers, les Bushmen du Kalahari Dersert se laissaient souvent encercler dans la brume du clair de lune et sont abattus en hordes\footnote{en version originale: ``Every dance is and gives extasy. The adult who puts his arm around his companion in the ballroom, and the child in the roadway, skipping in a round dance- they forget themselves, they dissolve the weight of earthly contact and the rigidity of daily existane. How much more intense the reaction of primitive man, whose unburdened mind offers so little resitance to very stimulus and whose body, unstunted and undsiciplinedm responds to this stimulus without restraint to an extent that is foreign to us.(...) The passion of the transport can be so intense that during the Boer War the Bushmen of the Kalahari Dersert often let themselves be surrounded in the mist of the moonlight and shot down in hordes.”}.” +\cite{sachs1938histoire} +\end{quote} +Sa thèse s'appuie sur l’hypothèse que les origines de la danse tribale résident dans le chamanisme. Pour illustrer cela, Sachs décrit les danses à contre coups et les danses extatiques des certaines tribus. Un siècle après ces observations, cette dimension thérapeutique des danses reste toujours d’actualité. Les méthodes d’éducation somatique souhaitent mieux développer l’intelligence du corps\cite{jay2014pratiques, eddy2017mindful}. Pour notre étude, il est important de souligner que ce qui nous intéresse est la façon dont ces méthodes ont pu accompagner les danseurs et praticiens en danse, dans leur l’intention de renouveler les formes d’expression de cet art. + +Ainsi l’histoire de la danse moderne et son renouvellement de formes à partir du début du 20e siècle, commence avec l'américaine Loïe Fuller et sa \textit{Danse Serpentine}, faite de spirales et de volutes de voiles. Égérie de l'avant-garde artistique de la Belle Epoque, elle libère le corps et met en place les bases de l’abstraction en danse. Complémentaire à son approche est la démarche mise en place par François Delsarte (1811-1871) professeur de chant qui développe entre 1840 et 1870 une théorie de l’expression fondée sur des correspondances entre geste et émotion. Par le biais du dramaturge américain Steele Mackaye, inscrit à ses cours à Paris, les danseurs des Etats Unis vont prendre connaissance du système mis en place par Delsarte, donnant place à un mouvement appelé \textit{delsartisme} d'après le nom de son inventeur. Plus tard l'influence de Delsartre va marquer tout une génération de danseurs modernes en Amérique, tels Ruth Saint Denis (1879-1968) et Ted Shawn (1891-1972). +Quelques années après Fuller, c’est le tour de l’allemande Mary Wigmann de promouvoir la danse libre et de présenter sa \textit{Danse de la Sorcière} ou \textit{Hexentanz} en 1914. Selon Hubert Godard, il y avait dans sa démarche deux concepts-clé: +\begin{quote} +``une travaillant l’imaginaire, l’autre le contraignant par une idéologie (le nazi), infléchissant l’organisation tonico-gravitaire qui anticipe et accompagne tout geste, toute attitude corporelle.” +\end{quote} +Cette façon d'envisager le mouvement, pratiquée entre autres par Isadora Duncan (1877-1927), influença par la suite de nombreux chorégraphes et marqua les débuts de la danse moderne. Le solo de Wigman rompt avec la tradition classique par des gestes brusques, une posture au sol et des bras tendus. Sur un accompagnement de percussions, son apparence convoque une expression sensorielle autour de l'intimité et de la connexion à soi. A la même époque a Paris, l‘Ukrainien Vaslav Nijinski va plus loin dans le rapport a la sensorialité en simulant une masturbation lors de sa performance de \textit{L'après-midi d’un faune}. + +Quelque décennies plus tard en suivant les mêmes principes, Martha Graham développe une pédagogie basée sur l'opposition entre contraction et libération des cycles de respiration. Considérée comme fondatrice de la danse contemporaine, son travail a inspiré la danse du XXéme siècle. Contemporains avec elle, Merce Cunningham et John Cage ont développé un concept expérimental pour séparer la musique et la danse au sein d'une même performance. Ainsi les mouvements des danseurs ne sont plus liés aux rythmes, à l'humeur et à la structure de la musique. Chaque forme d'art existe de façon autonome dans un espace et un temps partagés. Dans une autre partie du monde, cette fois le Japon, Tatsumi Hijikata (1928-1986) et Kazuo Ōno (1906-2010) développent la danse de butō, nourris par l'expressionnisme allemand et le surréalisme français. Née dans les années 1960, cette danse marque à son tour une rupture avec les arts vivants traditionnels du nô et du kabuki, en s’inspirant de bouddhisme et de croyances shintô. Les remous socio-politiques qui secouèrent le Japon à cette époque, notamment les événements tragiques d'Hiroshima et de Nagasaki de 1945, donnent forme à cette expression sensorielle basée sur l’introspection de ses protagonistes. + +Une autre figure incontournable dans l'historie de la danse est Pina Bausch (1940-2009) danseuse et chorégraphe allemande. Fondatrice de la compagnie \textit{Tanztheater Wuppertal}, elle rompt définitivement avec les formes de danse conventionnelles, en introduisant le concept de danse-théâtre ou Tanztheater sur la scène allemande et internationale. Au début, des spectacles tel \textit{Le Sacre du printemps} (1975) ont suscité de nombreuses critiques, avant de devenir une référence dans l'histoire de la danse postmoderne. Sur un sol recouvert de terre, danseurs et danseuses s’opposent, en se livrant à une lutte sauvage et poétique couverts de boue et de la sueur. Cette lutte marque le sacrifice de l’élue, comme dans le rituel païen du chef-d’œuvre de Stravinsky. En allant jusqu'à l'épuisement, la danse se libère ainsi de son rapport à la représentation en développant de nouvelles normes esthétiques. Presque à la même époque, Carolyn Carlson, née le 7 mars 1943 à Oakland en Californie, danse pieds nus à l'Opéra Garnier à Paris et ouvre un laboratoire de recherche sur le mouvement en invitant des danseurs amateurs à rejoindre sa recherche. Tandis qu’Anne Teresa De Keersmaeker crée \textit{Rosas danst Rosas} en 1983- pièce pour quatre danseuses et quatre mouvements, dont le titre donne le nom de sa compagnie artistique de danse. L’utilisation presque radicale de la musique de Steve Reich et Thierry De Mey, comme support premier de sa composition chorégraphique, ainsi que le recours aux motifs géométriques (cercles, courtes spirales, diagonales impeccables) comme base pour les mouvements, distinguent le travail de Keersmaeker des autres chorégraphes de sa génération. Le travail sur une chaise, la répétition et l'épuisement du corps sont les éléments clés de sa démarche. Sa technique de composition est inspirée par le \textit{phasing} en musique où des motifs se répètent avec un décalage. Quelques années plus tard, au contrepoids entre l'Amérique et l’Israël, Ohad Naharin renouvelle avec les traditions et les chants traditionnels juifs. Dans \textit{Echad Mi Yodea} (1990), des danseurs assis sur des chaises, en train de trembler de façon répétitive évoquent des moments de dévotion dans une synagogue. Des piles de vêtements jetés par terre peuvent renvoyer à des photographies de l'Holocauste. Des danseurs qui se déchaînent à travers la chorégraphie. Leur lutte pourrait être interprétée comme une résistance et un impasse suite à la construction d'Israël, mais aussi comme un dépassement de soi de l'artiste-créateur. Cette métaphore a aussi été reprise dans l'installation \textit{Personnes} (2010) de l'artiste français Christian Boltanski. Là des tonnes de vêtements étalés font office des pierres tombales, parmi lesquelles des visiteurs se promènent. + +Le début du 21ème siècle continue cette tradition de la danse libérée de ses formes, de croisement de disciplines et des pratiques que cela soit chant, art martiaux, arts plastiques ou nouvelles technologies. Des spectacles avec plusieurs danseurs sur le plateau, transgressent les limites de la physicalité, tout en rendant hommage à l’histoire de la danse et à ses traditions. Dans son chef d'œuvre \textit{In Spite of Wishing and Wanting} (1999), Wim Vandekeybus imagine une performance sur le désir primordial et la tension entre le familier et l'étrange. Sur scène que des hommes, dont le mouvement frôle la férocité, la sauvagerie et la naïveté. La peur et le désir de se transformer en quelque chose d’autre, représentent un thème central dans le travail de Vandekeybus. Des séquences de danse envoûtantes sur une bande son de David Byrne, donnent l’impression que les danseurs sont possédés par quelque chose ou par quelqu'un. \smallskip +Un autre projet qui traite du rapport que nous avons à la composition de la danse et la façon de la représenter est \textit{Synchronous Objects for One Flat Thing} (2010). La collaboration entre William Forsythe et l'Ohio State University donne suite à un traitement des informations numériques, spatiales et temporelles à partir de vidéos de l'œuvre de danse \textit{One Flat Thing} de Forsythe où des performeurs dansent sur et avec des tables. Leurs mouvements se synchronisent selon une série d’indices internes. Une fois la danse enregistrée sous différentes perspectives, les données ont servi pour créer d'autres médias, événements et objets. Par exemple, un objet synchrone développé par Ola Ahlqvist dans le département de géographie de l'Université d'Ohio, montre la densité du mouvement des danseurs. Cella prend la forme d’un paysage topographique avec des montagnes colorées représentant les endroits ou chacun passait la plupart de son temps lors de la performance. +Dans la même lignée, le spectacle \textit{The Great Tammer} (2017) du chorégraphe grec Dimitris Papaioannou traite du rapport que les danseurs ont au corps, en s’inspirant de la sculpture et la peinture classique. Son travail a une forte composante plastique et repose sur une dilatation du temps. L'expérience qu’il propose aux spectateurs est sensorielle- des corps qui se démembrent pour se reconstituer en nouvelles images sur le plateau. Ce questionnement du corps est partagé, mais traité dans une approche différente par la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues. Ses créations transgressent plusieurs formes dont celle du rituel performée. Ses spectacles \textit{Furia} (2018) et \textit{Encantado} (2022) mettent en scène des moments extatiques en danse et des corps démembrés. Similaire au travail de Vandekeybus, nous pouvons croire les danseurs possédés. Leur présence convoque de l'émotion brute et transmet au spectateur une envie de partager la danse qui s'opère devant ses yeux. + +Cette synthèse de la danse a traversé un siècle de changements et renouvellement de formes. A l’avènement des nouvelles technologies les directions sont encore incertaines. La danse avec des robots apporte un changement de paradigme quant à la place du danseur et nous allons comprendre dans les prochaines pages, comment sa créativité et sa sensibilité deviennent les incentives d'une nouvelle forme d'expressivité artistique. + +\subsection{Anna Halprin et son \textit{taking part process}} + + +Je présente ensuite sur deux danseuses et chorégraphes qui ont opère dans le champ de la recherche des pratiques somatique. Leur travail est aujourd'hui vu comme expérimental, œuvrant à la lisière d'un laboratoire du corps et de sa pensée. + +Anna Halprin (1920- 2021) est une danseuse et chorégraphe américaine, pionnière de la \gls{danse postmoderne}. Dans sa pratique elle intègre des principes somatiques, en se focalisant sur des impulsions internes et un état de \gls{grounding} (encrage dans le sol, pour se connecter au moment présent). Pour expliquer ce dernier concept, souvent les chorégraphes font une analogie avec les plantes et leurs racines: une plante tire son énergie du sol, ses racines se développent au même moment que la fleur grandit. + +Halprin a toujours insisté sur la différence entre la danse thérapie et sa pratique définie comme une expérience artistique dont l'objectif est de réinventer des formes en dance\cite{halprin2015moving} +Dans un de ses entretiens en 1996, elle évoque sa première professeure de danse et l'impacte que cela a eu sur sa carrière: +\begin{quote} +``Margareth H'Doubler est mon vrai mentor et elle m'a fourni la meilleure éducation en danse que j'aurais pu avoir. Elle était biologiste de formation, ce qui lui a donné les bases nécessaires pour aborder la danse sous un angle différent de ce qui était enseigné par des chorégraphes. Elle m’a appris à considérer la danse d’un point de vue scientifique mais aussi philosophique et esthétique. Elle disait : «Enseignez les principes objectifs de la danse, cela permettra aux élèves de rendre subjective leur expérience.» Je peux dire qu'elle m'a fait un grand cadeau. Elle m'a appris à cultiver ma propre expression créative, plutôt que d'imiter le style de quelqu'un d'autre\footnote{en version originale: ``Margareth H'Doubler was my true mentor, and she provided the best dance education I possibly could have had. She was a biologist by training, which gave her the foundation to approach dance from a different perspective than what was being taught by others as dance. She taught me to view dance from a scientific as well as philosophical and aesthetic point of view. She used to say,\textit{Teach the objective principles of dance and this will enable your students to subjectify their experience}. What she gave me was a great gift. She taught me to cultivate my own creative expression rather than imitate someone else's style.”}.” +\cite{serlin1996interview} +\end{quote} + +Contemporaine avec Cunningham, Halprin partage avec celui-ci l’intérêt pour le renouvellement des formes dans la danse de leur époque. Contrairement à l’utilisation de le hasard comme catalyseur des mouvements, Halprin s'appuie sur l’improvisation pour interroger le sens du rituel et celui de la communauté\cite{halprin2015moving}. +Un élément clé dans l'approche de la danse de Halprin est son usage particulier du rituel, défini comme une dance nourrie par des émotions individuelles. La chorégraphe cherche à provoquer dans ses danseurs un +mouvement naturel, intrinsèque au vécu quotidien et à la manière de bouger de chaque corps. Ce type de mouvement est a son tour employé en lien avec le concept de \textit{Taking Part} ou le fait de participer activement à l’expérience de danse. Cela se produit en deux étapes: +\begin{itemize} + \item La première permet d'apprendre un langage commun à partir du corps, par l’usage des mouvements naturels. Pour Halprin, le corps humain a des multiples dimensions: énergétique, physique, émotionnelle, mentale et spirituelle. Les archétypes du corps reflètent et influencent les archétypes de la vie de chaque personne. + + \item La deuxième étape est un outil pour libérer la créativité collectivement; grâce à la méthode de Cycles RSVP, développée par son mari Lawrence Halprin dans les années 70, afin que chaque participant amène son vécu et histoire de vie dans le projet. Les Cycles RSVP se basent sur quatre principes: R parle de ressources (matériaux à disposition), S en anglais \textit{scores}représente les partitions comme celles de musique, V parle de la valeur des actions (plus spécifiquement l'appréciation, le feedback et la valeur qui accompagne le processus de création), alors que P vient du terme \textit{performance} ou implémentation des partitions. +\end{itemize} +En 1981 elle intègre les principes de cette pédagogie lors des ateliers de danse à grande échelle, avec beaucoup de participants intitulées \textit{Circle the Earth}. Son travail influencé par sa propre expérience de la maladie, l’a amenée à créer avec des victimes de préjugés raciales, des personnes atteintes de maladies incurables comme le Sida et le cancer. Les dernières années de sa vie, elle cultive un lien entre la danse et la spiritualité, ou le fait d'être incorporé- \textit{embodied}. Une des danses qu’elle avait mis en place c’est le \textit{Cycle de Danses Planétaires}, où plusieurs milliers de personnes dansent ensemble sur plusieurs continents. Ces danses sont accessibles de point de vue technique et encouragent les participants à devenir plus conscients, en suivant un cheminement individuel: +\begin{quote} +``Cette façon de travailler est appelée de nos jours approche des arts expressifs, même si à l’époque elle ne s’appelait pas art expressif. J’ai pu imaginer une sorte de danse qui avait un but, un besoin de réparation, un besoin sociétal, un besoin environnemental. Je ne me suis jamais considéré comme un thérapeute, même si on pourrait me qualifier de thérapeute. Je me considère simplement comme une danseuse. J'ai commencé à considérer ces danses que je faisais comme des rituels. J'ai découvert que le mot rituel me permettait d'évoluer plus consciemment vers le domaine de la danse pour le peuple, de la danse pour le changement +\footnote{``This way of working is now called the expressive arts approach, although it wasn’t called expressive art in those days. I was able to envision a kind of dance that had a purpose, a healing purpose, a societal purpose, an environmental purpose. I never considered myself a therapist, although I might be referred to as a therapist. I consider myself simply a dancer. I began to think of these dances I was making as rituals. I found that the word ritual enabled me to move more consciously into the realm of dancing for the people, dancing for change.”}.” +\cite{halprin2015moving} +\end{quote} +Cette danse a été d’abord performé un dimanche de Pâques, en pleine nature, sur une montagne où elle avait déjà l’habitude de danser. Halprin relate comment avec son groupe de participants, ils sont descendus du sommet de la montagne, après avoir accueilli le lever du soleil. Ils ont ensuite formé un cercle en dansant juste en dessous du sommet, pour pouvoir regarder dans les quatre directions. Chaque direction avait sa propre symbolique: le Sud est l'endroit d'où vient la vie, le Nord est l'endroit d'où vient la mort, l'Ouest est l'endroit où va la lumière et l'Est est l'endroit d'où vient la lumière. Après la session les danseurs partagent leur expérience, par petits groupes. En remémorant une de ses expériences de \textit{Danse Planétaire}, Halprin évoque le souvenir d’un participant qu’elle connaissait, qui était en larmes, profondément ému par l'expérience. En écoutant son récit, elle a compris qu'il a eu une prise de conscience des aspects spirituels de sa vie. Souvent parmi les participants, la recherche de la spiritualité peut donner l’impression de quelque chose de spécial, d'inatteignable. Cependant la personne en cause a trouvé un moment d’illumination en lien avec son travail. Il a mieux compris la relation qu’il avait avec ses employés au restaurant, de la façon dont il traitait ses collègues, de la façon dont ils avaient l'habitude d’interagir et de coopérer. Pour lui, cette expérience d’appartenir à un groupe, relevait de la spiritualité. + +Anna Halprin a révolutionnée la danse, en la décloisonnant, en la rendant plus accessible. Les participants à ses stages ont appris à écouter leurs corps, ont forme une communauté temporaire, égaux dans leurs différences. Cette inclusion pourra être faite aux non-humains une fois que nous avons appris à danser avec nos individualités? + + +\subsection{Deborah Hay is \textit{playing awake}} + +Deborah Hay (n. 1941) est danseuse, chorégraphe, écrivaine et enseignante. Son travail se concentre sur des projets de danse postmodernes impliquant des danseurs peu formés, sur un accompagnement musical fragmenté. Son style de danse est défini par des mouvements ordinaires, sous la forme des partitions. Hay est l'une des fondatrices du Judson Dance Theater- collectif de danseurs, compositeurs et artistes visuels qui se sont produits entre 1962 et 1964, à la Judson Memorial Church à Greenwich Village en Manhattan. Les artistes impliqués dans ce collectif sont reconnus pour avoir déconstruit la pratique et la théorie de la danse moderne. Sur son site, Hay mentionne également l’influence de ses débuts dans la compagnie de Merce Cunningham. Lors d’une tournée au Japon en 1964, elle rencontre le théâtre Noh et incorpore dans sa pratique l'extrême lenteur, le minimalisme et la suspension des mouvements dans sa chorégraphie post-Cunningham. + +En 1966, Hay et d'autres artistes travaillent avec les experts en informatique des Bell Labs, dans des performances collaboratives intitulées \textit{9 Evenings: Theatre and Engineering}. Lors de cette collaboration, elle participe à la performance : \textit{Studies in Perception 1} de Ken Knowlton et Leon Harmon. Une photo de Hay, nue allongée avec l’un de premiers ordinateurs de Bell, est alors imprimée dans le New York Times puis exposée lors de l'une des premières expositions d'art informatique - ``The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age” au Museum of Modern Art de New York à la fin de l’année 1968. + +Son propre projet chorégraphique pour E.A.T. est la performance \textit{Solo} présentée du 13 au 23 octobre 1966 à au 69th Regiment Armory. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/hay_solo_eat} + \caption{Deborah Hay, \textit{Solo}. Source: archives vidéo de la Fondation Daniel Langlois pour l'art, la science et la technologie.} + \label{fig:haysoloeat} +\end{figure} + +Dans \textit{Solo}, la chorégraphe américaine considère une distribution égale en temps et visibilité pour chaque élément de la performance. Les danseurs, les dispositifs technologiques, l'éclairage et la trame sonore ont le même rôle. Hay choisit le corps en marche comme motif de base, à partir duquel elle organise des séquences chorégraphiques simples appelés \textit{moments}. Sur le plateau des danseurs et des plateformes mobiles, téléguidées par des interprètes assis à vue (sur le coté gauche du plateau). Chaque élément peut prendre une place passive ou active à l'intérieur de la performance. Ainsi les 16 danseurs déambulent à pied ou sont transportés sur les 8 plateformes téléguidées, qui à leur tour représentent des objets indépendants en mouvement ou des machines qui facilitent le déplacement des humains. Une série de consignes données aux interprètes (qu'il s'agit des danseurs ou des pilotes des plateformes) structurent la durée et la nature d'un moment dans la séquence chorégraphique globale. + + +Après ces projets collectives et son expérience avec les dispositifs technologiques, elle quitte New York pour s’installer dans une commune de Vermont, en 1970. Éloignée du monde de l'avant-garde artistique new-yorkaise, elle crée\textit{Ten Circle Dances} (1971)- une pièce jouée dix soirs consécutifs sans public. Ses observations lors de cette période d'introspection l'aménagent à produire beaucoup de solos qui deviennent avec le temps, son mode de création privilégiée. Cette écriture prend une place fondamentale à l'intérieur de son processus de création et donne suite à des réflexions écrites sur la danse: +\begin{quote} + ``Ce que mon corps peut faire est limité. Ce n’est pas une mauvaise chose car la manière dont je chorégraphie me libère de ces contraintes. L’écriture est alors ma façon de recadrer et de comprendre le corps à travers ma chorégraphie\footnote{en version originale: ``What my body can do is limited. This is not a bad thing because how I choreograph frees me from those limitations. Writing is then how I reframe and understand the body through my choreography.”}.” + \cite{hay2000my} +\end{quote} +Son premier livre, \textit{Moving Through the Universe in Bare Feet}(1975), contient ses observations tirées de cette expérience. Puis en 1976, Hay déménage du Vermont à Austin, au Texas, où elle commence à développer un ensemble de pratiques chorégraphiques intitulées \textit{playing awake} ou \textit{jeu éveillé} qui engageaient l'interprète à plusieurs niveaux de perception à la fois. Cette méthode chorégraphique a été d’abord enseignée lors des ateliers d'interprètes et danseurs non formés et amateurs, donnant suite à des performances publiques ultérieurement. Son deuxième livre, \textit{Lamb at the Altar: The Story of a Dance}(1994), documente le processus créatif utilisé lors de cette période. Dans les années 1990, Hay se concentre presque exclusivement sur des danses solo, développées avec des principes de \textit{playing awake}- sa méthode chorégraphique expérimentale. Ces œuvres comprennent \textit{The Man Who Grew Common in Wisdom} (1989), \textit{Voilà} (1995), \textit{The Other Side of O}(1998), transmises ensuite à des interprètes renommés aux États-Unis, en Europe et en Australie. + +Son troisième livre \textit{My Body, The Buddhist}, est publié par la suite à Wesleyan University Press en 2000. Ce livre contient ses réflexions sur le bouddhisme et les leçons qu'elle a apprises en portant une attention particulière à son corps pendant qu'elle dansait. Le concept de \gls{mémoire cellulaire} est également décrit dans cette livre. Bien que difficile de définir, ce concept élargit l’expérience de la perception au niveau cellulaire. Ainsi pour Hay, l’expérience de chaque cellule peut être ressentie individuellement. Dans sa thèse \textit{Dance in the light of neuroscience : sharing the experience of Deborah Hay's performance : her work and reflections}, la chercheuse Gabriela Karolczak part du postulat que la danse est une expérience partagée entre un danseur et un spectateur, enracinée dans le mécanisme neurologique des \gls{neurones miroirs}\cite{karolczak2011dance}. Pour elle, les point d'interrogation en danse, dont les neurosciences peuvent apporter des éléments de réponse, visent la validité écologique des expériences vécues. Le travail de Hay et la façon dont elle témoigne de ses observations empiriques à travers des décennies de pratique, transforment ses spectateurs en participants actifs à ses questionnements. D’ailleurs le credo artistique de Hay est défini de façon suivante: +\begin{quote} + ``Sans que ce soit mon intention, la danse est devenue un moyen d’étude et d’application du détachement. En fait, je préfère le terme de détachement car il implique un rôle plus actif dans le lâcher prise. L’équilibre entre la fidélité et le désattachement de cette fidélité, d'une façon sensulle et chorégraphique, est la manière dont la pratique de la danse reste vivante pour moi +\footnote{``Without it being my intention, dance has become a medium for the study and application of detachment. Actually, I prefer the term dis-attachment because it implies a more active role in letting go. The balance between loyalty and dis-attachment to that loyalty, sensually and choreographically, is how the practice of dance remains alive for me.”- December 2010}.” +\end{quote} + +Plus que des repères, ces œuvres et chorégraphes que j'ai mentionné ont apporté leur contribution à l'histoire de la danse tout au long du XXéme siècle. Par leur existence, elles ont ouvert le chemin de l’expérimentation en transformant la danse en moyen d’écriture corporelle. Reste à voir comment l'usage des nouvelles technologies va influencer les formes d'expression de cet art. + +À travers une approche sensorielle du mouvement et de la performance, la chorégraphe Deborah Hay partage les ressorts intimes de sa création artistique avec les danseurs avec lesquelles elle travaille. Son livre \textit{My body, the Buddhist} constitue un journal intime de ses expérimentations et hésitations concernant cette voie du corps et son vécu. + +\section{Notations de danse} + +Outre les pratiques somatiques et l'improvisation dansée, un troisième champ de ressources pour mieux redéfinir et comprendre la danse, est celui de l'analyse du geste. Dans sa thèse, Salvatierra explique les liens entre les pratiques d'analyse du geste et les notations en danse: +\begin{quote} +``Elle (ndlr. l'analyse du geste) regroupe également des savoirs en biomécanique et en anatomie du mouvement humain, en relation avec des savoirs pédagogiques. Elle est historiquement reliée à la constitution de la discipline de l’analyse fonctionnelle du mouvement du corps dansé (dérivée de celle antérieurement connue sous l’appellation de``kinésiologie de la danse”), et travaille, comme les méthodes somatiques, avec lesquelles elle partage de nombreux enjeux, sur la plasticité sensorimotrice et sur la capacité de moduler les différents paramètres qui colorent la qualité expressive du geste.” +\end{quote} + +Une raison pratique pour la quelle cette pratique s'est développée, est le fait de garder une trace des chorégraphies. Avant l’apparition du numérique, archiver la danse par écrit a été une manière de garder intacte le patrimoine culturel de chaque époque. Si le mouvement humain partage avec la musique les caractéristiques propres à cette dernière - hauteur, force, durée, rythme- l’expression corporelle comporte en plus un aspect tridimensionnel particulièrement difficile à rendre en deux dimensions. Bien que la danse s’écrit et se lit sur des partitions depuis le Moyen Age, le XXe siècle a apporté de l’innovation dans ce domaine. Pour décrire la fluidité du mouvement, déterminer sa durée et sa dynamique dans l'espace, ainsi que les singularités de l'interprète, les chorégraphes et chercheurs ont recours à des systèmes de notation plus complexes. Ainsi les plus connus outils d'analyse et de transcription de la danse traduisent les mouvements de manière spécifique en utilisant des notations musicales et des silhouettes, des symboles abstraits, des lettres ou des abréviations. Leur objectif est d’améliorer et répertorier les performances dansées dans la culture occidentale, mais aussi d'avoir une vision d'ensemble de ses caractéristiques. + +\subsection{La notation Laban} +Le système de notation Laban, appelé aussi la cinétographie Laban, est un système d’écriture et d’analyse du mouvement du corps humain publié en 1928 par le chorégraphe et pédagogue hongrois Rudolf Laban. Selon Goddard, ``l’impuissance à saisir par notre organisation linguistique le sens profond du mouvement” a amenée Laban vers la mise au point de son système de notation. Sous le nom de Laban Movement Analysis, il développera ultérieurement \textit{la choreutique} ou harmonie du corps dans l'espace et \textit{l'eukinétique} ou étude de la dynamique du mouvement. Ces principes opposent pour Goddard ``pensée motrice et pensée en mots”. + +Les principaux symboles de ce système sont les signes de direction avec leur durée et orientation, classifiés en formes et motifs pour déterminer la partie du corps concernée par le mouvement. Le placement des signes sur la portée donne une simultanéité des mouvements (lecture horizontale) et une succession (lecture verticale). Les distances, les relations avec des partenaires ou avec des objets, les micro-mouvements ou encore le dessin des déplacements au sol sont indiqués par des signes spécifiques. +Laban définit également \textit{la kinésphère} comme un espace imaginaire personnel placé autour d'une personne et accessible directement via ses membres tendus dans toutes les directions, jusqu'au bout des doigts et des pieds. Dans une kinésphère, les changements de forme peuvent être statiques- comme les changements de posture ou dynamiques- comme la manière dont le corps évolue activement d'un point à un autre dans l'espace. Ce concept clé dans l'analyse du mouvement est étroitement lié à la qualité du mouvement, définie en lien avec la notion de qualité de la forme dans une chorégraphie. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/laban} + \caption{Exemple de notation Laban. Source: https://www.britannica.com/art/labanotation} + \label{fig:laban} +\end{figure} + +\subsection{La notation Benesh} +Apparu à Londres en 1955 sous le nom de Notation de Mouvement Benesh, ce système de notation a été créé par Rudolf Benesh, musicien et mathématicien. L’objectif de la notation Benesh est de codifier de façon concise par l'écriture, tous les mouvements possibles du corps humain - à la manière d'une partition de musique. Autre que l’analyse de mouvement chorégraphique, cette notation sera utilisée conjointement dans le domaine de l’ergonomie, de la médecine et de l’anthropologie de la danse. Entre autres, la notation Banesh fait partie d'un projet pilote réalisé avec le Centro di Educazione Motoria de Florence en 1967. Cela permet d’analyser les déficiences musculaires et contribue au traitement des enfants souffrant de paralysie cérébrale. Des physiothérapeutes basés en Suède et au Japon étudieront également le potentiel de la notation comme outil d’observation clinique et d’analyse pourent des créations chorégraphiques. La maîtrise de la grammaire pour l’an le suivi des patients. Cependant la notation Benesh est principalement utilisée aujourd'hui comme outil d'enregistrement et d'analyse du mouvement est claire et simple: lu de haut en bas, les cinq lignes du cadre de notation coïncident avec les positions de la tête, des épaules, de la taille, des genoux et des pieds. Des points ou des lignes délimitent la position et le mouvement de chaque articulation. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/benesh} + \caption{Exemple d'une notation Benesh.Source: https://larevue.conservatoiredeparis.fr/index.php?id=298} + \label{fig:benesh} +\end{figure} + + +\subsection{La notation Eshkol-Wachman} +La notation de mouvement Eshkol-Wachman est un système d'enregistrement de mouvement développé en Israël par la chorégraphe Noa Eshkol et l'architecte Abraham Wachman. Moshe Feldenkrais pratiquait ce type de notation, comme expliqué dans sa collection d'exercices\cite{feldenkrais1987lessons}. Apparu en 1958, ce système a été créé pour la danse, afin de permettre aux chorégraphes et aux danseurs de reconstituer tout type de mouvement de danse contemporaine dans son intégralité. En comparaison avec la plupart des systèmes de notation et analyse de mouvement, Eshkol-Wachman est destinée à noter n'importe quel type de mouvement au travers des chiffres. Cela peut se reproduire facilement sur l'ordinateur, comme dans l'exemple de la librairie software \textit{MOVement-oriented animation Engine} (MovEngine) développée à Salzburg University entre 2008 et 2013. \cite{drewes2016movengine} montre comment la notation Laban et la notation Eshkol-Wachman ont inspiré la conception de cette librairie. + +Ainsi, dans la notation Eshkol-Wachman le corps est divisé en articulations où chaque paire d'articulations définit un segment de ligne. Chaque système articulé des axes tient compte des relations spatiales et des changements des relations entre différentes parties du corps. Le résultat est un processus analytique, entre le corps, l’espace et le temps dans un référentiel sphérique où les directions et les trajectoires de chaque partie du corps sont répertoriées. Quand une extrémité d'un segment de ligne est maintenue dans une position fixe, ce point est le centre de la sphère dont le rayon est la longueur du segment de ligne. Les positions de l'extrémité libre sont définies comme deux valeurs de coordonnées sur la surface de cette sphère, analogues à la latitude et à la longitude d’un globe mais écrites sous la forme des fractions avec le nombre vertical écrit au-dessus du nombre horizontal. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/eshkol} + \caption{Exemple de notation Eshkol-Wachman immplementé dans une interface numérique. Source: photo du livre Dance Notations and Robot Motions de J.P. Laumond (2016)} + \label{fig:eshkol} +\end{figure} + + +Ces systèmes de notation ont permis la transmission de la danse dans des domaines scientifiques, comme la robotique. Jean-Pierre Laumond parle de cette association entre notation en danse et robotique, afin de mieux comprendre les fondements informatiques d'une action anthropomorphique\cite{laumond2016dance}: +\begin{itemize} +\item ``Comment une action anthropomorphique se décompose en une séquence de mouvements ? +\item Comment un état émotionnel se reflète dans un mouvement ? +\item Comment décrire une danse en termes d'une séquence de mouvements élémentaires ?” +\end{itemize} +Les descriptions de mouvement sont libérés de l’analyse sémiotique des gestes, des qualificatifs et jugements qui donnent une valeur subjective à l'acte artistique. Elles retranscrivent les déplacements et les mouvements corporels dans l'espace et le temps avec la précision d'une partition musicale. C'est pour cela qu'il me semble important de les mentionner ici, comme préambule pour les retranscriptions de mes propres mouvements que je vais présenter au dernier chapitre de cette thèse. Ces retranscriptions font partie de mon cahier de bords dans une forme hybride mélangeant à la fois des notions de Benesh, avec des dessins et des gribouillages. + + +\section*{Conclusion} + +Ce premier chapitre explique les concepts en lien avec la danse et l'approche que j'utilise, notamment l'intelligence sensorielle et . +Il commence par une contextualisation des pratiques somatiques et outils de travail sur le plateau, que j'ai pu expérimenter depuis 2013: BMC, Feldenkrais,Viewpoints, Jien Butō et Gaga parmi autres. Un sous-chapitre dédié au Shaking, avec une exemple d'exploration sensorielle en pratique d’échauffement corporel synthétise mes observations et applications empruntés à ce différents techniques. +Il se continue avec une présentation des chorégraphes qui ont œuvré pour un renouvellement des formes dont je mentionne ceux dont le travail m'a le plus marqué et dont je me sens inspirée comme Anne Teresa de Keersmaeker, Dimitri Papaioannu, Wim Vandekeybus ou Lia Rodriguez. Vient ensuite une section dédiée à Anna Halprin et Deborah Hay comme chorégraphes et chercheuse qui ont pensé différemment le corps, en ouvrant la voie vers la danse postmoderne. En fin de chapitre, la partie dédiée aux systèmes de notation en danse Laban, Eshkol-Wachman et la notation Benesh que j'ai pu expérimenter lors d'un atelier d'initiation donné par Logan Sandrige en 2022, anticipe une manière plus concrète d'apercevoir le mouvement. + + +\clearpage +% \acrshort{ca} + +\chapter{\textit{Conscience} du corps dans la robotique} + +\textit{Affective schemas remain unconscious when not matched with accommodation.} J. Piaget + +Notre recherche-création est pensée comme un exercice d'imagination et de spéculation. L’interprétation que je donne au concept de \gls{conscience artificielle} (CA) est pensée en lien avec des réflexions éthiques sur l'avènement de la technologie et son impact sur notre société. Puisque des disciplines tels la psychologie, la neurologie et les neurosciences ou la philosophie, n’arrivent pas à se mettre d’accord sur ce que le terme \gls{conscience} humaine désigne, d'imaginer son équivalent artificiel reste ici une simple projection artistique. Cependant des artefacts comme les robots (dont elle pourrait un jour être issue), leur spécificité et capacités sont des paramètres que j'ai pu étudier de prêt, en observant leur rapport à l'\gls{intelligence} et l’\gls{adaptation}. Je suis consciente que des termes tels la conscience, l'intelligence ou l'adaptation ont des significations spécifiques, selon le domaine où elles opèrent. Une grande partie de ces mots-clé et leurs notions connexes, sont définis dans le glossaire en fin de manuscrit. Des autres comme les pratiques somatiques par exemple, émergent en lien avec une discipline (la danse) et je cherche leur équivalent dans d'autres domaines. Pour parler pratiques somatiques dans la robotique, je tente d'abord revendiquer des sous-domaines dans la robotique qui pourraient être intéressés par cela. + +Bien qu'ils sont au cœur des investissements économiques actuelles, les robots ne sont pas encore accessibles à grande échelle. Pour ouvrir le débat, prenons le cas de l’ordinateur comme exemple d'artefact électrique auquel nous interagissons le plus. Il a été construit grâce à des modélisation mathématiques d'opérations logiques de calcul. Comme bien l'explique l'artiste et chercheur Simon Penny la puissance de calcul d'un ordinateur est impressionnante, mais il n'est pas doté d'une intelligence propre: +\begin{quote} +``L'ordinateur est une machine à manipuler des symboles. Le monde n’est pas constitué de symboles ; nous transformons le monde en symboles pour l'ordinateur. Les humains deviennent une interface analogique-numérique entre le monde et Internet. Le monde reste en dehors de l’ordinateur et du symbolique, mais bizarrement, l’amalgame des produits informatiques avec le monde, passe inaperçu sous l’hégémonie du numérique +\footnote{en version originale: ``The computer is a machine for manipulating symbols. The world is not symbols; we turn the world into symbols for the computer. Humans are the analog to digital interface between the world and the internet. The world remains outside the computer and outside the symbolic, but under the hegemony of the digital, the conflation of the products of computing with the world, bizarrely, goes unremarked.”}.” \cite{penny2019mit} +\end{quote} +Néanmoins, sa grande capacité d’analyse de données et son potentiel d'interconnexion le rendent indispensable. En contrepoids, l’accumulation continuelle des données, identifiée sous le nom de \gls{big data}, pose de plus en plus des problèmes d’analyse. Rajouter à cela le fait qu'aucune machine n’est capable d’interpréter des données sans l’aide d'un humain qui configure en amont les critères de l’analyse. Même pour un informaticien spécialiste en \gls{deep learning}, la phase où l’algorithme apprend puis s’entraîne pour s’améliorer, reste opaque. Nous assistons à des comportements et phénomènes cryptiques de la machine et leur effet sur la compréhension de l’humain. Nous composons avec cette réalité partielle. Selon le degré de maîtrise ou les compétences, nous sommes capables d'expliquer plus ou moins un effet ou un comportement en lien avec ces dispositifs technologiques. + +Par cette thèse, mon but est d'interroger la façon dont les robots influencent des nouvelles formes d’expressivité corporelle dans une performance de danse. J'accorde une grande importance aux accidents qui surgissent dans ce type d’interaction, en les utilisant comme catalyseurs pour mon inspiration artistique. Pour mieux comprendre les processus cognitives qui ont lieu lors des interactions artistiques avec les robots, une mise à point concernant les recherches en sciences cognitives m'a été nécessaire. Ce domaine, né dans les années 1950 aux États-Unis, regroupe plusieurs disciplines scientifiques (parmi lesquelles les neurosciences et l'intelligence artificielle) qui cherchent à expliquer la cognition artificielle et la cognition naturelle. + +\section{L'approche cognitiviste} + +Dans les années 1990, Varela, Thompson et Rosch écrivent \textit{The Embodied Mind- Cognitive Science and Human Experience}\cite{varela2017mit} afin de faire un état de lieu des sciences cognitives. Plus précisément, ils analysent la façon dont le cerveau, le corps et l’environnement sont intégrés dans la cognition. Ils lient l’avènement des sciences cognitives à la cybernétique. Parmi les principes qui ont le plus impacté l'évolution des sciences cognitives, ils listent: +\begin{itemize} +\item l’utilisation de la logique mathématique pour modéliser le système nerveux en neurosciences +\item l’utilisation des algorithmes de calcul et statistique pour définir une IA en informatique +\end{itemize} +Plus tard, cela a également contribué à la mise en pratique de la théorie des systèmes en ingénierie, tout comme à la théorie du contrôle en robotique et aux premiers exemples de systèmes artificielles auto-organisés. + +Lors des dernières décennies, les sciences cognitives ont suscité beaucoup de débats entre les prises de position fonctionnelles des neurobiologistes qui ignorent le rôle de l’expérience subjective et les phénoménologues qui analysent le vécu expérientiel, sans s’intéresser aux processus physiologiques du corps. Les applications en lien avec la cognition vont révolutionner plusieurs domaines d'activité dont la robotique, une fois ces deux perspectives complémentaires sont acceptés par les différentes communautés scientifiques. + +Selon l'école qui la revendique, la cognition et ses propriétés sont sujet à des multiples points de vue et d'oppositions. Pour témoigner de la difficulté d'employer les termes qui concernent ce chapitre, et les appartenances que chaque champ revendique, nous nous appuyons sur les observations de l’artiste Simon Penny. Dans son anthologie \textit{Making sense: cognition, computing, art and embodiment}, Penny énumère les quelques termes que j'emploie lors de cet état d'art, avec la polémique qui les entoure: +\begin{quote} +``la perspective autopoïétique de la cognition est incompatible avec la perspective cognitiviste (qui dérive de la philosophie analytique anglo-américaine, même si les philosophes analytiques ont accusé les cognitivistes d'être un peu négligents). Les philosophes continentaux (phénoménologues) établissent des distinctions différemment. Lorsque Lakoff et Johnson parlent de l’inconscient cognitif, leurs conceptions du conscient et de l’inconscient s’écartent des idées freudiennes. L’une des raisons de cette confusion terminologique résident dans le changement de paradigme lui-même. Néologismes (certains d'entre eux maladroits) et des emprunts à d'autres langues abondent parce que le langage existant est construit autour de concepts dualistes. Un nouveau langage est nécessaire. Maturana et Varela inventent l' \gls{autopoiesis}. Gibson propose l' \gls{affordance}. De même, \gls{umwelt} et \gls{enactivisme} et d'autres termes font désormais partie d'un nouveau vocabulaire +\footnote{en version originale: ``the autopoietic conception of cognition is incompatible with the cognitivist conception (which is derived from Anglo-American analytic philosophy, though ana­lytic philosophers have accused cognitivists of being a bit sloppy). Continen­tal philosophers (phenomenologists) draw distinctions differently. When Lakoff and Johnson talk about the cognitive unconscious, their conceptions of the conscious and unconscious diverge from Freudian ideas. One reason for this confusion of terminology is precisely the condition of the paradigm shift itself. Neologisms +(some of them clunky) and borrowings from other languages abound because existing language is built around dualist concepts. New language is needed. Maturana and Varela coine \gls{autopoiesis}. Gibson invented \gls{affordance}. Likewise \gls{umwelt} and \textit{enactivism} and other terms are now part of a new vocabulary.”.”} +\cite{penny2019mit} +\end{quote} + + +\subsection{Le cognitivisme} + +Les préoccupations actuelles de scientifiques s'orientent vers un renouvellement de la vision traditionnelle du cognitivisme. Ce courant a été fondé dans les années 1950, autour de représentations et de calculs mentaux. Ses principes ont été promus entre outre par les recherches de l'épistémologiste suisse Jean Piaget (1896-1980) sur la biologie du développement des enfants. + +Les découvertes de Piaget ont ensuite influencée le \gls{constructivisme} qui place l'expérience au cœur de l'acquisition des savoirs. Des modèles théoriques inspirés par le cognitivisme, emploient les mécanismes de construction active des savoirs au centre des expérimentations pratiques. +Un des objectifs du cognitivisme est de démontrer comment les états intentionnels définis par des propriétés causales (ie. désirs, intentions), sont physiquement possibles et capables d'induire un comportement. Pour illustrer cela, Valera utilise la notion de \textit{calcul symbolique} où les calculs sont définis comme opérations sur des symboles qui respectent ou sont contraints par des valeurs sémantiques. Cependant il souligne combien c'est important de se rappeler qu’un ordinateur fonctionne seulement sur la forme physique des symboles qu’il calcule, puisqu’il n’a pas accès à leur valeur sémantique. Avec le temps, l’idée que la logique ne suffit pas pour simuler et comprendre le fonctionnement du cerveau a fait émerger de points de vue contradictoires parmi les chercheurs. Pour Varela l'intelligence réside dans la capacité de calcul des symboles: +\begin{quote} +``L’intuition centrale derrière le cognitivisme est que l’intelligence – y compris l’intelligence humaine – ressemble tellement au calcul dans ses caractéristiques essentielles, que la cognition peut en réalité être définie comme le calcul de représentations symboliques. Il est clair que cette observation n’aurait pas pu exister, sans les résultats obtenus au cours de la décennie précédente. La principale différence est qu'aujourd'hui l’une des nombreuses idées originales et provisoires, est désormais promue au rang d’hypothèse à part entière. Cela avec un fort désir de démarquer ses limites de ses racines exploratoires et interdisciplinaires, où les sciences sociales et biologiques occupent une place consacrée dans leur multiple complexité +\footnote{en version originale: ``The central intuition behind cognitivism is that intelligence—human intelligence included—so resembles computation in its essential characteristics that cognition can actually be defined as computations of symbolic representations. Clearly this orientation could not have emerged without the basis laid during the previous decade. The main difference was that one of the many original, tentative ideas was now promoted to a full-blown hypothesis, with a strong desire to set its boundaries apart from its broader, exploratory, and interdisciplinary roots, where the social and biological sciences figured preeminently with all their multifarious complexity.”}.” +\cite{varela2017mit} +\end{quote} +Lorsqu’un système non-vivant est capable des calculs performants, il devient intelligent. Cependant les sciences sociales apportent des nouvelles variables difficilement modélisables dans cette équation. Pas loin du début du XXe siècle, entre un vision matérialiste du monde et son contrepoids marqué par le dualisme corps-esprit, des philosophes tels Raymond Ruyer\cite{van1940raymond} ou Henri Bergson\cite{bergson1896matiere} traitent aussi de ces questions. Les deux expliquent l’activité cognitive par la réalité physiologique du cerveau et son lien avec le corps. Si Ruyer affirme que ``c’est du cerveau réel, de sa subjectivité, que naissent les sensations”, pour Bergson le cerveau est un instrument en relation avec le corps\cite{andrieu2005realite} dont le mouvement est compris grâce à sa mécanique. En contrepoids, Ruyer souligne le fait que le cerveau, comme siège de la conscience, a d'abord un fonctionnement sensoriel: +\begin{quote} +``le cerveau est le lieu de l’organisme par où passent les circuits externes, la fabrication des outils et des machines, la création des œuvres d’art, des institutions sociales, l’organisation et l’entretien de tous les produits de la culture. Le cerveau est en nous comme une +partie embryonnaire conservée. (...) Le \textit{je} psychologique et cortical est le résultat d’un devenir mais second car il côtoie l’organique de sa mémoire corporelle. Cette coexistence est une intégration plutôt qu’un emboîtement, car l’activité de la conscience ne peut être séparée de son tissu vivant, se définissant ainsi comme une conscience sensorielle.” +\cite{andrieu2005realite} +\end{quote} + +Ces observations théoriques vont être confirmées par des chercheurs en neuroscience quelques décennies plus tard, puisque cette \textit{intégration} de Ruyer s’approche comme définition de l'\gls{enactivisme} chez Varela et les autres. Dans le contexte spécifique de cette thèse pluridisciplinaire, les deux termes renvoient à l’intelligence du corps définie dans le chapitre précédent, notamment en lien avec le travail de Halprin sur le \gls{grounding}. Quant a une possible \textit{conscience du corps} et son vécu immanent, elles contiennent un savoir non-réfléchi et involontaire relevée par des pratiques somatiques et d’éveil corporel. En attribuant au mouvement une place primordiale dans la constitution de la sensibilité corporelle, nous souhaitons étudier son potentiel artistique. + + +\subsection{La théorie 4E de la cognition} + + +%https://www.researchgate.net/publication/280447321_Introduction_to_the_Special_Issue_on_4E_Cognition + +J'ai choisi de présenter le concept de cognition sous l’angle de la Théorie 4E de la Cognition ou \gls{The 4E Cognition Theory}, dont les recherches se concentrent sur le lien entre la cognition, la perception et l’action. Cette théorie défend l’hypothèse que la cognition est plus qu’un modèle cartésien d’opération dans le cerveau. L’idée que le cerveau est similaire à un ordinateur, met en avant des phénomènes cognitifs entièrement déterminés par leur rôle fonctionnel. Cependant ici les phénomènes cognitifs sont étudiés en lien avec leur environnement. Des processus comme les détails biologiques et physiologiques du corps d’un agent, définies comme des processus extra-crâniens, sont analysés en lien avec son environnement naturel actif. + +Les caractéristiques principales de cette théorie se déclinent en quatre types de cognition: +\begin{itemize} +\item la cognition incarnée ou incorporée (ie. \gls{embodied cognition}) +\item la cognition ancrée (ie. \gls{embedded cognition}) +\item la cognition énactée (ie. \gls{enacted cognition}) +\item et la cognition étendue (ie. \gls{extended cognition}) +\end{itemize} + +Une des prémisses qui nous intéressent désigne l’activité perceptive-motrice comme constitutive pour la cognition. Cela ramène dans la discussion le rôle des sens sur la coordination motrice et donne suite à deux hypothèses d’analyse: +\begin{itemize} +\item l'hypothèse forte, selon laquelle les processus cognitifs sont essentiellement produites lors des processus extra-crâniens, ou à l’extérieur de la boite crânienne; +\item l’hypothèse faible, pour laquelle ces processus sont seulement à moitié résultats de l'activité extra-crânienne. +\end{itemize} +Dans le contexte de cette thèse, ces processus extra-crâniens correspondent à ce que nous avons défini dans le précédent chapitre comme \gls{intelligence du corps}. Puisque nous avons vu que la perception résulte de l'interaction entre le corps et environnement, une autre classification fait la différence entre les deux de la manière suivante: +\begin{itemize} +\item processus corporels (résultat de la dichotomie cerveau-corps) +\item processus extracorporels (impliquant un couplage cerveau-corps-environnement). +\end{itemize} + +Si l’approche traditionnelle de la cognition se concentre sur la compréhension des processus neuronaux, la théorie de la cognition 4E vise l'observation puis la compréhension instinctive d'une action incarnée dans le corps. Cela implique une nouvelle démarche où les phénomènes cognitifs sont étudiés sous un angle physiologique, suivant les observations empiriques de plusieurs domaines connexes. Par exemple, la propriété de la cognition d’être incorporée signifie être causalement dépendante de processus extracorporels en lien avec l’environnement. +Tandis que l’enaction\cite{rousseau2019mouvement} est définie par Varela en lien avec le couplage structural (en anglais \textit{structural coupling})- une double forme de cognition issue d'une interaction dynamique entre l’organisme et l'environnement. Cela représente une continuelle transformation des processus sensori-moteurs du corps et de l’environnement-même. L'approche de Varela s'appuie sur deux étapes: d'abord la perception est décrite comme une action guidée, ensuite les modèles sensori-motrices récurrents qui la facilitent, donnent suite à une forme de cognition en lien avec les sens: + +\begin{quote} +``le point de départ de l'approche énactive est l'étude de la manière dont le sujet qui perçoit peut guider ses actions dans sa situation locale. Puisque ces situations locales changent constamment en fonction de l'activité du sujet, le point de référence pour comprendre la perception n'est plus un monde prédéterminé et indépendant de lui, mais plutôt la structure sensori-motrice du sujet (la manière dont le système nerveux relie les sens sensoriels et surfaces du moteur) +\footnote{en version originale: ``the point of departure for the enactive approach is the study of how the perciever can guide his actions in his local situation. Since these local situations constantly change as a result of the perciever's activity, the reference point for understanding perception is no longer a pregiven, perceiver-independant world but rather the sensori-motor structure of the perceiver (the way in which the nervous system links sensory and motor surfaces).”}.” +\cite{varela2017mit} +\end{quote} + +Dans son introduction au livre dédié à la théorie 4E\cite{menary2010springer}, le philosophe Richard Menary cherche à intégrer les éventuelles contradictions quant aux propretés de la cognition. Pour lui, les systèmes cognitifs sont multiples- résultat des fonctions biologiques en lien avec les représentation mentales. Cet caractère hétérogène de la cognition, valorise les multiples perspectives de connaissance de soi, l’expérience individuelle n’étant pas en contradiction avec les observations empiriques collectives. + +A son tour, l'artiste et chercheur Simon Penny relie l'expérience du corps à celle de la cognition étendue: +\begin{quote} +``La cognition ne se produit pas de manière exclusive dans la tête, ni dans un espace immatériel de manipulation logique de jetons symboliques. Ces approches proposent, de différentes manières, que la cognition soit incarnée ; intégré aux tissus corporels non neuronaux ; ou étendu à des artefacts, à un environnement désigné, aux systèmes sociaux et aux réseaux culturels\footnote{en version originale: ``Cognition is held not to occur (exclusively) in the head or necessarily in some immaterial space of logical manipulation of symbolic tokens. These approaches propose, in different ways, that cognition is embodied; integrated with non-neural bodily tissues; or extended into artifacts, the designed environment, social systems, and cultural networks.”}.” +\cite{penny2019mit} +\end{quote} +En appliquant ses principes à l'art, Penny ne vise pas seulement une des caractéristique de cette théorie élargie, pour lui le mot \textit{cognition} inclut au sens général chacune des composantes de la théorie 4E. En neurosciences cependant, les désaccords entre les comportementalistes et les cognitivistes quant aux implications de cette théorie dans des autres domaines, la situent au cœur des expérimentations actuelles. +En ce que nous concerne, nous souhaitons clarifier le lien entre la cognition définie selon la théorie 4E, la danse et la robotique, pour mieux comprendre ce concept émergeant de CA. Nous allons voir dans les prochaines pages comment la robotique s'inspire de cette théorie pour développer des robots ancrés dans leur environnent, capables d'interactions multimodales complexes. Reste à voir dans quelle mesure la danse, ou l'art en général, peut contribuer à une meilleure implémentation de ces principes. + + +\subsection{La boucle perception-action-cognition} + +Un autre concept qui contribue à cette théorie est la \gls{boucle perception-action-cognition}. Selon cette hypothèse théorique, la cognition est le résultat du couplage entre la perception et l'action d'un sujet sur son environnement. Les chercheurs Chris D. Frith et Thomas Metzinger\cite{frith2016stab} avancent l’idée que la conscience, en tant qu’expérience subjective et auto-reflexive, détermine les comportements. Ils remarquent que du point de vue de la théorie de l’évolution, la présence de la conscience, détectée chez certains animaux et humains, facilite une meilleure intégration et maîtrise de son environnement. De cette manière, la relation perception-action-cognition représente le cadre d’exploration idéal pour mieux comprendre les expériences subjectives: +\begin{quote} + ``l'expérience consciente pourrait alors être un modèle unique et génératif de réalité comprenant un sujet agissant, percevant et pensant simultanément\footnote{en version originale: + ``conscious experience could then be a single, generative model of reality including a mode + of the self as currently acting, perceiving, and thinking.”}.”\cite{friston2016mit} +\end{quote} + +Dans le livre \textit{4E Cognition: Historical Roots, Key Concepts, and Central Issues}/cite{newen20184e} (2018), Albert Newen, Shaun Gallagher, and Leon De Bruin intérrogent la place des \textit{répresentations} dans l'incorporation ou comment le couplage entre cerveau, corps et environnement est interprété par la cognition. Le chapitre \textit{Couplage cerveau-corps-environnement et experience sensorielle de base}\footnote{en version originale: Brain–Body–Environment Coupling and Basic Sensory} explore le concept \textit{d’intentionnalité} comme caractéristique de la conscience. Ainsi, selon l'hypothèse pour laquelle la perception est orientée vers l’action, l’intentionnalité motrice dévient un des facteurs clé : +\begin{quote} +``L’idée selon laquelle la perception est orientée vers l’action conduit à une intentionnalité motrice de base – un concept qui dérive de la phénoménologie, mais que l’on retrouve également chez des pragmatiques tels que John Dewey. Comme le note Robert Brandom, citant Dewey, \textit{le type d'intentionnalité le plus basique (au sens d'orienté vers les objets) est la manipulation habille des objets exposés par une créature sensible qui maitrise cette interaction}. Cela relève d'une forme d’intentionnalité intégrée à des mouvements corporels en tandem avec des exigences environnementale\footnote{en version origianle: ``The notion that perception is action-oriented leads to a consideration of a very basic motor intentionality —a concept that derives from phenomenology, but that can also be found in pragmatists such as John Dewey. As Robert Brandom notes, citing Dewey, \textit{the most fundamental kind of intentionality (in the sense of directedness toward objects) is the practical involvement with objects exhibited by a sentient creature dealing skillfully with its world}. This captures a form of intentionality that is built into skillful bodily movement in tandem with environmental demands.”}.” \cite{newen20184e} +\end{quote} + +Selon moi, ce genre d’intentionnalité (qui n'est pas le résultat d’un processus mental, mais de l'acquisition d'une forme de maîtrise des actions) est aussi représentatif pour le geste dansé, tout comme pour les robots qui exécutent des taches répétitives avec précision. Nous avons vu dans le sous-chapitre présentant les observations de Varela, comment la notion d’incarnation, telle qu’elle est définie dans la théorie 4E, nécessite un couplage complexe entre cerveau, corps et environnement. D'une façon analogue, ce couplage est aussi la base des systèmes robotiques où les processus de computation internes se font en lien avec l’environnement du robot (son \gls{workspace} ou espace opérationnel, que nous allons détailler dans le prochain chapitre). + +La théorie 4E de la cognition, me semble aujourd'hui être la plus récente tentative de structurer les approches et renouveler les avancées théoriques du début de XXe siècle. C’est tout autant intéressant de remarquer comment ces nouveaux paradigmes ont facilité l’apparition des nouvelles disciplines parmi lesquelles: +\begin{itemize} + \item la philosophie de l’esprit, en anglais \textit{philosophy of mind}, dont la question centrale est la relation entre corps, esprit et leur ancrage dans l’environnement, + \item la philosophie des sciences, en anglais \textit{philosophy of mind}, qui étudie la nature même de l’activité scientifique et ses spécificités, + \item l’épistémologie, du grec \textit{épistemos} qui signifie science et \textit{logos} qui signifie discours- dont l’objet est l’analyse critique d’une science en particulier, en tenant compte de son évolution, de sa valeur, et de sa portée philosophique. +\end{itemize} +Dans le même temps, les différentes approches concernant la cognition ont aussi contribué à l'avènement des sous-disciplines connexes, tels les études sur la conscience, qui partagent une partie des questions aujourd'hui sans réponse. Précurseur de cette théorie 4E, Varela rajoute la question de l'action, à ses intuitions quant à la nature de la conscience: +\begin{quote} + ``Sur la base de son moi cognitif virtuel, mais néanmoins cohérent et autonome, le sujet fait émerger depuis son corps, « énacte » – dit Varela, ses propres significations au fil de l'histoire de son couplage à l'environnement. Avec l'énaction, la cognition est incarnée (embodied cognition). Le cerveau existe dans un corps, le corps existe dans le monde, et l'organisme bouge, agit, perçoit, se reproduit, rêve, imagine. C'est de cette activité permanente qu'émerge le sens du monde et des choses.”\cite{lestage2021approche} +\end{quote} +Dans notre contexte l'action est la danse, les significations qui découlent de cette intention à danser sont facile à déterminer. Cependant aucun robot ne saura nous aider à expliquer le siennes. Pourtant participer à cette enquête subjective sous la forme d'une recherche-création avec des robots qui dansent (ou font semblant de danser), nous permet de faire des projections à leur place. + +\section{Définitions de la conscience} + +Avant de comprendre ce qu’est la conscience artificielle, nous nous interrogeons sur les caractéristiques de la conscience humaine. Souvent nous disons qu’un organisme vivant est conscient lorsqu’il est éveillé. Quelle sera alors le qualificatif pour les robots ou d’autres types d’organismes artificiels? + +Des propriétés tels : calcul mental, apprentissage et mémoire arrivent à mieux définir l’intelligence humaine. Néanmoins chacun a son propre ressenti concernant sa conscience, du moins pour les organismes vivants intelligents. L’expérience subjective immédiate ou la \gls{qualia} est ce qui détermine cette expérience de conscience. En parallèle avec l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, la capacité de prédire l’environnement ou de témoigner des comportements complexes, structurent notre imaginaire autour de cette expérience. Étant donné l’imprécision des facteurs subjectifs, suivie par la multiplicité des points de vue selon les disciplines qui adressent cette question, il semble peu probable que nous allons identifier une bonne définition de la conscience dans notre étude. Ce qui m'intéresse plutôt, est de comprendre dans quelle mesure le matérialisme et le pragmatisme des sciences, trouvent un écho dans interprétation artistique que nous proposons. Cet exercice prend appui sur plusieurs concepts propres à chaque vision (matérialisme versus dualisme) dans une tentative de les homogénéiser. + +Puisque les débats sur la conscience, comme ceux sur la cognition se heurtent toujours à des questions de définition, nous tenterons de définir ce terme selon différentes courants de pensée. La plus pertinente, pour notre contexte, est la vision neuroscientifique du terme, puisqu'elle peut clarifier les enjeux en art et en robotique à la fois. + + +Pour cela nous nous appuyons sur la littérature\cite{friston2016mit}. Selon les critères que les chercheurs emploient, il existent différentes propriétés de la conscience. + +\textbf{La conscience et ses propriétés} + +Un premier critère est celui du niveau de conscience, propre aux créatures vivantes- ce niveau varie entre plusieurs étapes parmi lesquelles les états végétatifs, les états de sommeil sans rêve et l’état d’éveil conscient vif. + +Le deuxième se concentre sur le contenu de la conscience ou ce que cela veut dire d'avoir une connaissance \textit{auto-réflexive} de son propre état mental. Pour les créatures +vivantes, il existe des sortes de ``stimuli auto-référentiels”\cite{vanhaudenhuyse2007elsevier} - propres au fait de suivre son reflet dans le miroir. Évidement qu'à l'heure actuelle, ce phénomène n’est implémenté que très peu dans les machines et lorsque cela est fait, cela soulève des questions éthiques\cite{chatila2022pourquoi}. Vanhaudenhuyse propose une schéma qui détaille la corrélation entre le niveau d’éveil et la conscience de soi et de l’environnement: + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/vangaudenhuyse} + \caption{Schema illustrant les differents niveau de concience et leur lien avec l’environnement dans le papier de Vangaudenhuyse (2007).} + \label{fig:vangaudenhuyse} +\end{figure} + +Ainsi nous apprenons qu’il existe des variations entre l’état végétatif (propre aux patients réveillés d’une coma sans état de conscience détectée) caractérisé par des mouvements réflexes, et l’état de minimal de conscience où le patient est capable de comportements incohérents mais reproductibles et soutenus. Dans cet état minimal de conscience, un patient peut manifester des signes clairs de conscience de son environnement et de soi-même. Le même étude fait la distinction entre la conscience et la conscience de soi, en listant les propriétés de la conscience de soi: +\begin{quote} +``la conscience qu’il existe d’autres consciences que la nôtre; notre capacité de répondre adéquatement à des stimuli de l’environnement; notre aptitude à reconnaître notre corps comme étant le nôtre; la métaconscience, nous permettent de comprendre nos comportements et ceux des autres en terme de désirs et croyances; la connaissance que nous avons de nous-mêmes comme le narrateur de notre propre vie.”\cite{vanhaudenhuyse2007elsevier} +\end{quote} + +Lorsque identifiés grâce à la neuro-imagerie fonctionnelle, les processus auto-référentiels semblent présents seulement lors des états d’éveil actif. Dans la même mesure, lors des états de conscience altérés dont l’évolution n’est pas linéaire, le rapport à l’environnement est déterminant. + +Le chercheur Tom Ziemke, professeur en systèmes cognitive travaille depuis 1996 sur la recherche de formes incarnées de conscience. Dans ses papiers il évoque la relation entre l’IA incarnée dans des dispositifs physiques et la biologie synthétique. Selon lui, un programme qui assure une relation entre le robot et son environnement via des capteurs et actionneurs, représente une forme d’IA incarnée. Son travail, inspiré par F.J. Varela, lie l’intelligence à l’état \textit{d’autopoiese} ou \gls{autopoiesis} comme façon d’organiser la vie. Ziemke se demande si la conscience est essentiellement liée au domaine du vivant, ou si tout système autonome auto-référentiel est capable d’une forme de conscience. Quelle analogie pourrons-nous appliquer au présent étude de cas d'une forme de CA pour les robots. Des robots sauvages ou des robots en transe, pourront mieux témoigner d'un état proche de \gls{qualia}? + +Le papier\cite{friston2016mit} liste également des propriétés de la conscience: avoir un contenu phénoménal spécifique, être en contact direct avec la réalité et pas ses représentations, être instantanée. La conscience dévient alors un aspect direct et privé de la vie mentale de chacun, puisque cela nous est impossible de faire l’expérience d’une autre conscience que la nôtre. Nous pouvons faire néanmoins l’expérience d’une subjectivité, en écoutant le ressenti d’une autre personne, lors d'un spectacle de danse par exemple. + +A l'inverse, il existe un autre type de classification selon la nature phénoménologique de la conscience et son accessibilité qui date du début des années 2000. Le philosophe Ned Block (n. 1942), différencie la \textit{conscience phénoménologique}- comment une certaine expérience est perçue par le sujet- de celle définie comme \textit{conscience d’accès}-disponible pour des processus cognitif comme le langage. +Il décrit les deux de la façon suivante: +\begin{quote} +``La conscience phénoménale est une expérience ; l’aspect phénoménalement conscient d’un état est ce que signifie être dans cet état. La spécificité de la conscience d’accès, est en revanche la disponibilité +d'utiliser le raisonnement et de guider rationnellement le discours et l’action\footnote{en version originale: ``Phenomenal consciousness is experience; the phenomenally conscious aspect of a state is what it is like to be in that state. The mark of access-consciousness, by contrast, is availability +for use in reasoning and rationally guiding speech and action.”}.” +\cite{block2002oxford} +\end{quote} + +Ainsi la conscience phénoménale résulte d’expériences sensorielles et de notre perception mélangeant de sensations comme l’ouïe ou l’odorat, des sensations type douleur ou perceptions type proprioception, ainsi que des émotions tel la peur, parmi autres. A l’opposée, la conscience d’accès est disponible pour une utilisation dans le raisonnement et pour le contrôle conscient direct de l’action et de la parole. Des exemples de conscience d’accès sont les pensées, les croyances et les désirs. +Pour Block, la \textit{rapportabilité}, qu'il définit comme propriété de la conscience +d’accès, a une grande importance pratique. Selon lui, la conscience d’accès +doit être capable de \textit{représentations} mentales, car seul un contenu représentatif peut produire du raisonnement. + +Une conséquence directe de cette classification de Block, est le fait de considérer l’esprit comme résultant de processus fondamentalement logiques et ainsi \textit{modélisable} d’un point de vue algorithmique. Cette vision computationnelle de l’esprit, implique également que +la conscience peut être modélisée par un programme informatique. + +En regardant de plus prés, ce que Block décrit comme conscience phénoménale ne suppose pas une catégorie distincte d’états conscients. Comme mentionné ci-dessus, il estime que la conscience phénoménale et la conscience d’accès interagissent normalement, mais il est possible d’avoir une conscience d’accès sans conscience phénoménale. Cette position rejoint celle du philosophe américain Daniel Dennet\cite{dennett1993consciousness} pour qui \textit{les androïdes ne sont ni pus ni moins que des zombies}. Selon lui les androïdes sont, de point de vue informatique, identiques à une personne- pourrait exister tout en n’ayant aucune conscience phénoménale. Cependant à la différence de Dennett, Block affirme qu’il existe des expériences conscientes difficilement traduisibles par des algorithmes. Pour lui, l’existence de ces expériences relève ``du problème difficile” de la conscience, dont nous allons détailler plus bas les enjeux. + + +\textbf{La théorie de l’identité esprit-cerveau} + +Parmi les théories des sciences cognitives qui identifient les états +psychologiques à des processus neurophysiologiques, \textit{la théorie de l’identité esprit-cerveau} est apparue dans les années 1960. Pour les partisans de cette hypothèse, les états mentaux et les états du cerveau sont numériquement identiques. L’idée que les pensées et notre esprit résident exclusivement dans des processus neurophysiologiques étant une perspective naturaliste, les neurosciences permettent de comprendre en quoi certaines structures et certains processus neurophysiologiques du cerveau, peuvent être prédictibles par des machines. + +Cependant, nous savons aujourd'hui que les phénomènes mentaux sont multiples. Chaque individu les traduit différemment bien que les émotions qui y sont associés peuvent être similaires\cite{hu2022similar}. Nos perceptions, sensations, désirs et croyances sont influencés par notre contexte socio-culturel. Cela résulte dans des réactions émotionnelles variées. Pour les anticiper et modéliser au travers des prédictions, les scientifiques doivent faire appel à plusieurs méthodes et théories expérimentales. Un courant dérivé de cette théorie de l’identité esprit-cerveau est \textit{l’instrumentalisme}, mis en place par Daniel Dennett (n. 1942) à la fin des années 1980. Cette théorie considère les modèles scientifiques comme des instruments, nous permettant d’analyser et modéliser les phénomènes pour ensuite les devancer par des prédictions. Pour Dennett un système est intentionnel s'il peut être prédictible. En allant plus loin dans cette direction, son point de vue concernant le libre arbitre et la conscience, ont suscité beaucoup de controverses. Dans son livre le plus connu, \textit{Consciousness Explained}\cite{dennett1993consciousness} (1991), il explique comment la conscience est le résultat des processus cognitives et physiologiques dans le cerveau. Il évoque une analogie de la conscience similaire à un article académique coécrit par une poignée de scientifiques\cite{dennett1993consciousness}. Par cela, il explique comment plusieurs processus mentaux peuvent exister simultanément dans le cerveau, sans être identifiés l’un de l’autre. Ce principe correspond à un état où plusieurs brouillons coexistent simultanément et indépendamment de chaque contribution- attestant l’existence du papier principal. En extrapolant ces principes au terme de conscience, il nie cependant l’existence de \textit{qualia}, en tant qu'expérience subjective directe et personnelle. + +En contrepoids, des philosophes comme John Searle (n. 1932) considèrent qu’il y a quelque chose de fondamental dans l’expérience subjective. Cette dimension ne peut pas être capturée par les programmes informatiques conventionnels\cite{searle1990mystery}. Dans une de leurs correspondances, Searle réponds à Dennett de la façon suivante, en employant une analogie avec des zombies: + +\begin{quote} + ``Pour illustrer les différences entre les événements conscients et, par exemple, les + montagnes et les molécules, j'ai dit que la conscience ait un sens à la première personne ou une ontologie subjective. J'entends par là que les états de conscience n'existent que lorsqu'ils sont vécus par un sujet et ils n’existent que du point de vue de ce sujet. + De tels événements sont les données qu’une théorie de la conscience est censée expliquer. + Dans mon expérience consciente, je commence par les données ; Dennett nie la + existence des données. Pour le dire aussi clairement que possible : dans son livre, \textit{La conscience + expliquée}, Dennett nie l'existence de la conscience. Il continue d'utiliser + le terme, mais il signifie par là quelque chose de différent. Pour lui, il s'agit uniquement de + phénomènes à la troisième personne, et non des sentiments conscients à la première personne, que nous + partageons tous. Pour Dennett, il n'y a pas de différence entre nous, les humains + et des zombies complexes qui manquent des introspections, parce que nous ne sommes tous que des zombies en tout cas\footnote{en version originale: ``To make explicit the differences between conscious events and, for example, mountains and molecules, I said consciousness has a first-person or subjective + ontology. By that I mean that conscious states only exist when experienced by a + subject and they exist only from the first-person point of view of that subject. + Such events are the data which a theory of consciousness is supposed to explain. + In my account of consciousness I start with the data; Dennett denies the + existence of the data. To put it as clearly as I can: in his book, \textit{Consciousness + Explained}, Dennett denies the existence of consciousness. He continues to use + the word, but he means something different by it. For him, it refers only to + third-person phenomena, not to the first-person conscious feelings and + experiences we all have. For Dennett there is no difference between us humans + and complex zombies who lack any inner feelings, because we are all just complex zombies.”}.” +\end{quote} + +Un des arguments le plus fameux que Searle avance dans leur débat est celui appelé \gls{the Chinese Room Argument}, où une personne enfermée dans une chambre communique avec l’extérieur via des messages écrites en chinois, sans comprendre les symboles du dictionnaire mis à sa disposition. Ce fonctionnement est similaire aux algorithmes de traduction qui exécutent des équivalences entre des mots, sans saisir leur sens. Rapprocher cette figure du zombie s celle du robot peut paraitre ridicule à ce stade de notre recherche, cependant dans les prochaines chapitres nous allons développer une telle projection. + + +\subsection{Le Problème difficile de la conscience} + + +Dans son article \textit{Facing Up to the Problem of Consciousness} (1995), le philosophe David J. Chalmers (n. 1966) évoque les difficultés rencontrés lorsque nous essayons de définir la conscience. Pour lui le terme de \textit{conscience} est un terme ambigu faisant référence à des phénomènes complexes. Il propose de diviser les arguments en deux catégories- celles qui concernent un problème facile de la conscience et le reste, qui font partie du problème difficile de la conscience\cite{Chalmers1995jcs}. + +\textit{Le problème facile de la conscience} continent les hypothèses qui +pourront trouver des solutions dans l’avenir immédiat, notamment les processus +neurophysiologiques dans le cerveau et l’intelligence sensorielle du corps qui +donnent accès à des explications des capacités et des fonctions cognitives. +Chalmers illustre les phénomènes qui correspondent à cet état. Pour lui un état mental est conscient lorsqu’il est décrit par des mots, ou lorsqu’il est accessible comme ressenti interne. Un système est conscient de certaines informations lorsqu’il traite et intègre cette information, puis modifie son comportement en conséquence. De la même façon, une action est consciente quand +elle est délibérée. + +A l'opposé, \textit{le problème difficile de la conscience} atteste de +l’incapacité de modéliser certaines expériences subjectives et leur vécu. Pour citer Chalmers: +\begin{quote} + ``Il est indéniable que certains organismes éprouvent des formes d'expérience. + Mais la question de savoir comment ces systèmes font le sujet d’expériences est + compliquée. Pourquoi lorsque nos systèmes cognitifs s'engagent dans le traitement de l'information visuelle et auditive, nous avons une expérience visuelle ou auditive : la qualité du bleu profond, la sensation de la note do au milieu d'un piano? Comment pouvons-nous expliquer pourquoi il y a quelque chose que cela ressemble à une image mentale ou à ressentir une émotion ? + Il est largement admis que l’expérience découle d’une action physique, mais nous n’avons aucune explication comment elle survient. Pourquoi le traitement de l'information physique devrait-il donner naissance à une vie intérieure riche ? Il semble objectivement déraisonnable, et pourtant c'est le cas + \footnote{en version originale: ``Is undeniable that some organisms are subjects of experience. + But the question of how it is that these systems are subjects of experience is + perplexing. Why is it that when our cognitive systems engage in visual and auditory information-processing, we have visual or auditory experience: the quality of deep blue, the sensation of middle C? How can we explain why there is something it is like to entertain a mental image, or to experience an emotion? + It is widely agreed that experience arises from a physical basis, but we have no good explanation of why and how it arises. Why should physical processing give rise to a rich inner life at all? It seems objectively unreasonable that it + should, and yet it does.”}.” + \cite{Chalmers1995jcs} +\end{quote} + +Son argumentation va plus loin, en donnant l’exemple de la perception visuelle. Chalmers décrit comment les formes d’ondes électromagnétiques empiétant sur la rétine, sont discriminées et catégorisées par un système visuel pour que cette catégorisation est vécue comme la sensation de vif rouge. Ensuite, il montre comment l’expérience consciente qui survient lorsque ces fonctions sont exécutées, est difficile à expliquer et vérifier. Cela corresponds à ce que la communauté philosophique a défini comme une sorte de ``lacune explicative entre les fonctions et l’expérience”. Son exemple est éloquent lorsque il s'agit des qualia. Plus loin, il propose que les théories sur la conscience traitent l’expérience comme partie intégrante: +\begin{quote} + ``Je suggère qu'une théorie de la conscience devrait considérer l'expérience comme fondamentale. Nous savons qu’une théorie de la conscience nécessite l’ajout de quelque chose de fondamental à notre ontologie, car tout dans la théorie physique est compatible avec l’absence de conscience. Nous pourrions ajouter une fonctionnalité non physique nouvelle, à partir de laquelle une expérience peut être dérivée, mais il est difficile de voir à quoi ressemblerait une telle fonctionnalité. Plus probablement, nous considérerons l’expérience elle-même comme une caractéristique fondamentale du monde, aux côtés de la masse, de la charge et de l’espace-temps\footnote{en version originale: ``I suggest that a theory of consciousness should take experience as fundamental. We know that a theory of consciousness requires the addition of something fundamental to our ontology, as everything in physical theory is compatible with the absence of consciousness. We might add some entirely new nonphysical feature, from which experience can be derived, but it is hard to see what such a feature would be like. More likely, we will take experience itself as a fundamental feature of the world, alongside mass, charge, and space-time.”}.” + \cite{Chalmers1995jcs} +\end{quote} + +En anglais le terme de conscience permet une déclinaison en deux instances, celle de conscience comme vécu expérientiel et celui d’\textit{awareness} ou forme de réceptivité caractérisé par le principe de la cohérence. En s’appuyant sur cela, Chalmers anticipait les avancements en électroencéphalographie\cite{kam2021nas} concernant les ondes cérébrales et leur lien avec la conscience: + +\begin{quote} +``Diverses hypothèses spécifiques ont été avancées. Par exemple, Crick et Koch (1990) suggèrent que les oscillations de 40 Hz pourraient être le corrélat neuronal de la conscience, tandis que Libet (1993) suggère que l'activité neuronale étendue dans le temps est centrale. Si nous acceptons le principe de cohérence, le corrélat physique le plus direct de la conscience est la conscience : le processus par lequel l'information est directement disponible pour un contrôle global. Les différentes hypothèses spécifiques peuvent être interprétées comme des suggestions empiriques sur la manière dont la prise de conscience pourrait être réalisée. Par exemple, Crick et Koch suggèrent que les oscillations de 40 Hz constituent la passerelle par laquelle les informations sont intégrées dans la mémoire active et ainsi mises à la disposition des processus ultérieurs. De même, il est naturel de supposer que l’activité temporellement étendue que Libet mentionné est pertinente précisément parce que seul ce type d’activité atteint une disponibilité globale\footnote{en version originale: ``Various specific hypotheses have been put forward. For example, Crick and Koch (1990) suggest that 40-Hz oscillations may be the neural correlate of consciousness, whereas Libet (1993) suggests that temporally-extended neural activity is central. If we accept the principle of coherence, the most direct physical correlate of consciousness is awareness: the process whereby information is made directly available for global control. The different specific hypotheses can be interpreted as empirical suggestions about how awareness might be achieved. For example, Crick and Koch suggest that 40-Hz oscillations are the gateway by which information is integrated into working memory and thereby made available to later processes. Similarly, it is natural to suppose that Libet’s temporally extended activity is relevant precisely because only that sort of activity achieves global availability.”}.” +\cite{Chalmers1995jcs} +\end{quote} + +Tout comme Chalmers, Block croit que nous pouvons avoir des expériences conscientes qui ne sont pas traduisibles par des algorithmes de calcul. Un exemple de conscience phénoménale qu'il donne est celui d'un bruit fort que nous ne remarquons pas consciemment parce que nous faisons attention à autre chose. \textbf{Dans sa classification, le fait d’entendre le bruit (puisque nous ne pouvons pas couvrir notre oreille, comme nous fermons la paupière) relève de la conscience phénoménale alors que le fait de ne pas s’en rendre compte relève de la conscience d’accès. Cela suggère que ce type de conscience phénoménale décrite par Block, est basée sur une activité cérébrale classifiée comme inconsciente, donc difficilement modélisée par des algorithmes de calcul. L'inconscient est aussi l'endroit de prédilection de la création, dans notre contexte de la danse illustré par des mouvements réflexives et spontanées. Si un jour les robots vont devenir créatifs, probablement ils auront un type de conscience phénoménale, donc difficilement modélisable.} + +Pour l'instant, peu importe ce que nous identifions comme processus physiques qui génèrent des états de conscience. Tant que nous ne pouvons pas comprendre comment ils se manifestent dans chaque individualité, nous ne comprendrons pas comment les déléguer aux machines. Même une fois cela fait, il reste toujours un problème de vérification, car en construisant des machines qui +fonctionnent comme nous, nous n’avons aucun moyen de savoir si le rendu biologique suffit pour une expérience intérieure propre. + +En d’autre termes, comment pouvons-nous savoir si un robot a une conscience phénoménale alors que notre moyen actuel pour déterminer cela chez nous, les humains passe par le vécu expérientiel individuel? + +D’autres philosophes tels Thomas Nagel (n. 1937 )affirment qu’il est impossible de déterminer les points communs entre une expérience directe, évoquée à la première personne et les descriptions à la troisième personne des expériences passées qui forment à leur tour des modèles. Dans son article ``What Is It Like to Be a Bat?”(1974) traduit en français par ``Qu’est-ce que cela veut dire d’être un chauve-souri?”, le philosophe décrit la conscience comme un phénomène partagé par beaucoup des organismes vivants (notamment les mammifères dont le chauve-souris). Nagel fait une distinction entre conscience et perception sensorielle\cite{nagel1980like}. Pour lui, ce que tous les organismes partagent, c’est ce qu’il appelle le \textit{caractère subjectif de l’expérience}. Cette nature subjective bloque toute tentative d’expliquer la conscience par des moyens objectifs comme dn neurosciences ou en robotique. +Les chauves-souris utilisent l’écholocalisation pour naviguer et percevoir des objets, cette méthode de perception étant similaire à la vision des humains. L’auteur affirme que des humains dotés de sens similaires, ne peuvent pas cependant expérimenter l’état d’esprit d’une chauve-souris, puisque leur cerveau ne s’est pas développé comme celui d’une chauve-souris dès sa naissance. En échange des comportements comme voler, naviguer en sonar ou se suspendre à l’envers comme une chauve-souris, faciliteront des expériences proches de ce qu’une chauve-souris peut vivre. \smallskip + +Cette hypothèse est évoqué avec d'autres mots par Simon Penny qui met en avant le concept de \gls{umwelt} ou \textit{spécificité des capacités sensorielles}, dans le chapitre ``The biology of cognition” de son livre \textit{Making Sense}(2019). Pour appuyer cela, il cite le travail du biologiste Jacob Von Uexkull (1964-1994), au début du XXe siècle : +\begin{quote} +``Pour Von Uexkull le monde expérientiel d'une créature est +spécifique à cette espèce, qui lui est conférée en raison de son ensemble particulier de capacités sensorimotrices. Il a appelé cela l’umwelt de la créature, que nous pourrions traduire par monde de vie ou monde expérimentée. En termes simples, dans l’expérience sensorielle, il n’existe pas de monde objectif. Selon cette logique, l’esprit et le monde sont simultanément cocréés. Différentes espèces ne partagent pas d'umwelts, même si elles sont physiquement colocalisées. Les Umwelts peuvent se croiser, comme les diagrammes de Venn, auquel cas différentes espèces peuvent identifier des choses similaires. Les créatures peuvent cohabiter au même endroit et ne pas se connaître car leurs umwelts ne se croisent pas en raison de différences d'échelle, de capacités sensorielles, etc +\footnote{en version originale: ``Von Uexkull argued that the experiential world of a creature is +specific to that species, given to it by virtue of its particular suite of sensorimotor capabilities. He called this the creature’s umwelt, which we might translate as life-world or experience-world. Put simply, in sensory experience, there is no objective world out there. By this logic, mind and world are simultaneously cocreated. Different species do not share umwelts, even if they happen to be physi­cally colocated. Umwelts may intersect, like Venn diagrams, in which case different species can identify similar things. Creatures may cohabit the same place and be unaware of each other because their umwelts do not inter­sect due to differences of scale, sensory capability, and so on.”}.” +\cite{penny2019mit} +\end{quote} + +Pour résumer sa pensée, les environnements sensoriels de la plupart des organises vivants sont spécifiques, sans qu'une espèce puisse faire l'expérience de la spécificité de l'autre. +Pour ce qu'il y a de l'espèce humaine, les qualia témoignent de nos expériences uniques à l'échelle individuelle. Suivant la pensée de Nagel, il est important de considérer l’étendue de ces expérience dans la durée. Bien que la plupart du temps nous accédons à notre conscience phénoménale indépendamment de celle d’accès, les deux états peuvent co-exister simultanément. + +Dans son article, ``Consciousness: The last 50 years.”(2018)\cite{seth2018sage} le neuroscientifique Anil K. Seth (n. 1972) souligne le caractère interdisciplinaire des études sur la conscience et la volonté de tisser des ponts entre les expériences phénoménologiques et le fonctionnement neuronal. Pour lui, l’expérience phénoménologique ne peut pas exister sans l’ancrage du corps dans son environnement - en anglais \textit{an environment embedded embodiment processes}. Seth trace l’histoire des études sur la conscience, en tant que phénomène neurologique et identifie une première étape entre 1960 et 1990. Après les découvertes en études comportementales, les scientifiques mettent les bases d’une nouvelle approche en sciences cognitives. Cette approche, atteste l’existence d’un état mental qui opère une modulation entre réponse et stimulation nerveuse. D'une façon prédictible, cela provoquera beaucoup de débats à l'intérieur de la communauté scientifique. La plupart des chercheurs se heurtent aux limites de leurs hypothèses théoriques lorsqu'ils cherchent à modéliser une unité de la conscience. Seth note la contribution de Michael Gazzaniga (n. 1939) et ses observations en lien avec les hémisphères cérébraux alternant des processus cognitifs entre l’hémisphère droit et gauche\footnote{https://www.nature.com/articles/483260a}. Tout comme celle de Benjamin Libet que Chalmers a mentionné en lien avec le libre arbitre et les mouvements volontaires. La deuxième étape dans l’évolution des études sur la conscience commence dans les années 1990 et continue jusqu’au moment présent. Cette période est marquée par les études de Christoph Koch (n. 1956) dont le papier ``Towards a neurobiological theory of +consciousness”\cite{crick1990saunders} offre une nouvelle perspective quant au problème difficile de la conscience, mentionné en début de ce chapitre. Ses recherchent visent une simulation neurobiologique de la conscience, comme processus purement physiologique. Seth mentionne également Karl Friston (n. 1959) dont le principe d’énergie libre, en anglais- \gls{Free Energy Principle} (FEP) renforce l’hypothèse que la perception est guidée par l’action. Selon FEP, le cerveau fait des prédictions basées sur des modèles internes améliorés à l'aide d'entrées sensorielles. Plus concrètement les actions sont guidées par des prédictions. Ces prédictions sont affinées par du feedback sensoriel. Devenu entre-temps principe normatif qui décrit les systèmes adaptatifs capables d’auto-organisation (dont le cerveau), le FEP suscite l'intérêt de la communauté robotique. + +Pour ce qu'il y a de ce travail, je m'interroge sur la façon dont FEP peut influencer le comportement d'un robot. J’associe à cette hypothèse le concept de \gls{représentation} (déjà mentionné en lien avec la conscience d’accès). Dans notre contexte particulier d'interactions artistiques, cela corresponds à une modification interne propre aux organismes vivants\cite{sims2021springer}, afin de voir comment l’improvisation peut engendrer des mouvements innovants et si les robots en sont capables de cela un jour. + +En neurosciences ces principes sont proches de la théorie du code prédictif, \gls{predictive coding theory}. Selon cette théorie, la perception est le résultat de l'apprentisage par l'inférence.\footnote{cf. dictionnaire La Rousse: opération par laquelle on passe d'une assertion considérée comme vraie à une autre assertion au moyen d'un système de règles qui rend cette deuxième assertion également vraie.} +Les choses se compliquent quand ce type d'inférence est inconscient, en anglais \textit{unconscious inference}. Cette hypothèse a été avancé en 1867 par le physicien et polymathe allemand Hermann von Helmholtz (1821- 1894). Elle décrit un mécanisme réflexe concernant la formation des impressions visuelles. Le cerveau génère et met à jour son propre modèle mental de l’environnement et compose avec les indices sensoriels qui lui manquent. Des techniques de machine learning s'inspirent actuellement de ces principes: + +\begin{quote} +``La théorie du code prédictif propose que le cerveau déduise les causes externes des sensations en prédisant continuellement son entrée via des signaux descendants et s'adapte pour minimiser les erreurs de prédiction. Cela soutiens l’hypothèse selon laquelle le cerveau utiliserait un modèle adaptatif du monde pour minimiser ses erreurs de prédiction. Le principe de l’énergie libre (FEP) propose également une vision similaire. Il soutient que notre cerveau prend en charge à la fois la perception (inférence perceptuelle) et l'action (inférence active) en utilisant une forme d'inférence bayésienne variationnelle ; en utilisant une énergie libre (variationnelle), il évalue la qualité de la prédiction et sa conformité aux données antérieures\footnote{en version originale: ``Predictive coding proposes that the brain infers the external causes of sensations by continuously predicting its input through top-down signals and adapts to minimize prediction error. This substantiates the idea that the brain might use an adaptive world model to support perception. The free energy principle (FEP) also proposes a similar vision. It argues that our brain supports both perception (perceptual inference) and action (active inference) using a form of variational Bayesian inference; in particular, using (variational) free energy, it assesses the quality of the prediction and its conformity to prior beliefs.”}.” +\cite{taniguchi2023tf} +\end{quote} + +Ces idées très influentes des sciences cognitives, inspirent également la robotique afin de développer des comportements réactifs. Comme l'affirme Anil Meera dans sa thèse \textit{Free Energy Principle Based Precision Modulation for Robot Attention: Towards brain inspired robot intelligence} (2023), une théorie unifiée du cerveau basée sur FEP, signifie un progrès révolutionnaires dans des domaine comme l’intelligence artificielle ou la robotique\cite{meera2023free}. + +\subsection{Relation conscience-action} + + +Le livre \textit{The Pragmatic Turn Toward Action-Oriented Views in Cognitive Science} (2016) est le résultat d’une semaine de débats entre neurologues, psychologues et philosophes concernant les sciences cognitives. Une des questions principales de cet recueil est: +\begin{quote} +``Comment l’action structure la conscience et qu’est ce que détermine la cognition de l’action?” +\cite{friston2016mit} +\end{quote} + +Dans le chapitre ``What’s the use of consciousness”, Anil Seth décrit une nouvelle approche qui s'intéresse au rôle de l’action dans les processus cognitives et implicitement la conscience. Cette hypothèse est proche de la boucle perception-action-cognition que nous avons décrit en début du chapitre. A l’opposé des représentations internes suite au calcul mental, l’action favorise une vision énactée-\textit{enacted}, ancrée -\textit{embedded} et incorporée-\textit{embodied} de systèmes +cognitifs. Cela résume la théorie 4E de la cognition avec laquelle nous avons commencé cet état d'art. Pour Seth, cette distinction, marque \textit{une tournure pragmatique} dans l’évolution de ces sciences et leur vécu expérientiel associé. Avec ses collègues, ils établissent quatre cadres théoriques, pour mieux définir leur approche: +\begin{itemize} +\item le cerveau Baesyian, ou \textit{Baesyian brain}: définit la perception comme +un processus d’inférence des signaux sensorielles et met en avant le rôle des erreurs comme moyen d’affiner cette inférence. +\item la contingence sensori-motrice, ou \textit{sensorimotor contingency- SMC} : considère la +perception est une capacité d’engagement dans l’environnement qui s’améliore avec le temps. +\item le système de contrôle adaptatif-distributif, ou \textit{distributed +adaptive control- DAC}: voit le cerveau comme outil incorporé en relation avec l’environnement. +\item l’autonomie énactive qui stipule +l’importance de l’autonomie et de l’auto-organisation pour la cognition, en lien avec le travail du neurologue Francesco Varela. +\end{itemize} + +Lors de cette première partie théorique, je liste des avancées scientifiques en lien avec mes recherches pour comprendre leurs possibles applications dans la robotique. Ma compréhension et usage de ces théories est limitée, car ce qui m’intéresse d'abord est d'identifier des connivences avec le domaine artistique. +Certaines principes se retrouvent dans plusieurs approches\textit{Par exemple le cerveau Baesyian est proche du FEP et de la théorie du code prédictible. Le SMC et le DAC sont des explications plus poussées de la théorie 4E de la cognition mais aussi d'umwelt. Les principes de l'autonomie enactive se retrouvent également dans l'autopiese. Le grounding et la représentation trouvent des définitions dans le domaine artistique et ainsi de suite.} et seront reprises dans une contexte d’expérimentation artistique, lors de la deuxième partie de ce travail de recherche-création. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/friston} + \caption{Schéma qui illustre les quatre cadres théoriques sur les relations entre l'action et la conscience : (a) le cerveau bayésien ou le traitement prédictif, (b) le contrôle adaptatif distribué (DAC); (c) la théorie de la contingence sensorimotrice (SMC) et (d) l'autonomie énactive. Source: le livre The Pragmatic Turn (2015)} + \label{fig:friston} +\end{figure} + + + +\subsection{Quand l'intelligence artificielle exclut la conscience} + + +Le philosophe et psychologue Zoltan Torey, décrit dans son livre \textit{The crucible of consciousness}\cite{torey1999oxford} (2009) la difficulté des scientifiques d’argumenter l’existence de la conscience, au-delà du formalisme mathématico-logique. Pour lui, le formalisme +est seulement une spécification d'opérations et transactions neuronales dans le cerveau. Ces opérations deviennent des instances de protocoles pour des machines. Mais, comme le remarque Roger Penrose (n. 1931), que Torey cite: +\begin{quote} +``Les algorithmes eux-mêmes ne déterminent jamais les vérités. Il serait aussi facile de faire en sorte qu’un algorithme ne produise que du mensonge, comme il le serait de lui faire produire des vérités. Il faut des discriminants externes pour décider de la validité ou non d'un algorithme\footnote{ +``Algorithms themselves never ascertain truths. It would be as easy to make an algorithm produce nothing but falsehood as it would be to make it produce truths. One needs external insights to decide the validity or otherwise of an algorithm.”}.” +\end{quote} +Ces ``discriminants externes” sont pour Torey, la preuve même que les systèmes gouvernés par ce formalisme sont incomplets. De plus, il extrapole sa démonstration à tout système formel- mathématique, logique ou philosophie analytique. Il précise qu'un cerveau qui a généré ces formalismes par des opérations mentales, ne peut pas être modélisée en programmes informatiques- puisque cet ordinateur ne génère pas d'autres systèmes à son tour. + +Cela rejoint, au moins en partie, la visions de Michel Bitbol (n. 1954) pour qui l’expérience phénoménologique de la conscience ne peut pas être vérifié par des critères objectives: +\begin{quote} +``Nous n’avons rigoureusement aucun critère nous permettant de savoir, ni même de deviner, qu’un artéfact fabriqué par nous est ou n’est pas doté de conscience phénoménale. Il est vrai que nous pourrions tomber dessus par hasard, et mettre en place les conditions d’une conscience phénoménale sans le faire exprès; mais dans ce cas, nul signe, pas le plus petit indice, ne nous permettrait de savoir que nous avons réussi (ou de savoir le contraire). C’est ce que signale à juste titre le neurobiologiste Jesse Prinz: \textit{À quel degré de proximité avec le cerveau humain un ordinateur doit-il parvenir, avant que nous puissions dire qu’il est probablement conscient? Il n’y a aucune manière de répondre à cette question.}” +\cite{bitbol2018cp} +\end{quote} + +Dans le monde des machines, les résultats le plus concluants pour illustrer des simulations des processus mentaux, se font dans le domaine de l’intelligence artificielle. Pour situer la place que l'intelligence a dans notre enquête, l'artiste Simon Penny la décrit comme un processus dynamique : +\begin{quote} +``cela se produit comme un engagement relationnel continu dans le temps avec des architectures, des artefacts, des outils, du langage, des relations humaines (avec d'autre espèces inclus) et des systèmes sociaux\footnote{en version originale: ``it occurs as a temporally ongoing relational engagement with architectures, artifacts, tools, language, human (and interspecies) relationships, and social systems.”}.” +\cite{penny2019mit} +\end{quote} + +En parallèle, des chercheurs\cite{malabou2020questionner} s'interrogent sur la façon dont notre société s’est emparé du phénomène de l’intelligence artificielle (notamment sa branche connexionniste avec ses prédictions calculées et des ouvriers à la tâche qui nourrissent des algorithmes de \gls{machine learning} ou ML). Puisque cela se répercute dans toutes les domaines de nos vies, ils prônent une culture critique de l’IA, et les biais statistiques que cela engendre, en prenant conscience du fait que ``nous sommes les sens et la conscience des machines”. +D'une façon réaliste, la perspective d’une \textit{weak AI}, où les programmes simulent et modélisent la pensée humaine, prédomine celle de \textit{strong AI}, où les programmes ``pensent” par elles-mêmes\cite{ng2020ws, haikonen2020ws}. + +Cela me semble pertinent de rapprocher ces considérations avec l'idée que toute activité créative réside dans l'inconscient. Si ces présomptions sont vrais, le jour où les robots vont être créatifs, ils témoigneront également d'une forme de (in)conscience. Je me demande si cela sera plus facile de déduire une forme de conscience à partir d'une intention artistique, ou l'inverse. +Cependant, avant d'aller plus loin dans ces projections, la question de l'IA est un premier étude de cas pour lancer le débat, puisque ses avancements ont des effets concrets sur notre vie quotidienne et façon d'interagir. Le neurologue Stanislas Dehaene (n. 1965) considère que les processus inconscients, sont la preuve que la conscience ne peut-pas être modélisée: +\begin{quote} +``Nous ne pouvons pas être conscients de ce dont nous ne sommes pas conscients. Ce truisme a de profondes conséquences. Parce que nous sommes aveugles à nos processus inconscients, nous avons tendance à sous-estimer leur rôle dans notre vie mentale (...). Les chiffres, mots, visages ou objets subliminaux peuvent être invariablement reconnus et influencer les niveaux moteurs, sémantiques et décisionnels de notre vie mentale. Les méthodes de neuroimagerie révèlent que la grande majorité des zones cérébrales peuvent être activées inconsciemment\footnote{ +``We cannot be conscious of what we are not conscious of. This truism has deep consequences. Because we are blind to our unconscious processes, we tend to underestimate their role in our mental life(...) Subliminal digits, words, faces, or objects can be invariantly recognized and influence motor, semantic, and decision levels of processing. Neuroimaging methods reveal that the vast majority of brain areas can be activated nonconsciously.”}.”\cite{dehaene2021springer} +\end{quote} +Pour synthétiser ces observations entre l'intelligence artificielle, la conscience et l'inconscient, je m'appuie sur les notes de la philosophe française Catherine Malabou (n. 1959). Pour elle, aborder la question de l'IA, signifie réfléchir à une relation de coopération entre humain et machine. Malabou a refusé l'idée de compétitivité entre les deux, en précisant que pour elle s'il s'agit d'une fausse problème: + +\begin{quote} +``Croire qu’il existe une réalité humaine intacte de toute aliénation technologique est une illusion qui s’effondre facilement dès que l’on prend en compte le fait que le cerveau humain – parlons de lui puisque c’est bien de lui qu’il s’agit – s’est développé épigénétiquement dans son interaction avec les artefacts. Leroi-Gourhan l’explique magnifiquement. Du silex à la cybernétique, le mécanisme de l’interaction est le même. Notre cerveau ne peut fonctionner qu’à se mettre au dehors, à prolonger son système par des prothèses (cf. \textit{l’exorganologie} de Bernard Stiegler), au point qu’il est impossible de faire la part, dans l’évolution cérébrale des hommes depuis la préhistoire, entre nature et technique. Un cerveau qui ne serait pas prolongé par des artifices serait un cerveau mort.” +\cite{malabou2020questionner} +\end{quote} + +La philosophe souligne la distinction entre le concept d’\textit{intellect} et celui d’\textit{intelligence}, dont l’apparition est plutôt liée à Bergson et au développement de la psychologie expérimentale en fin de XIXe siècle. Elle défend un point de vue matérialiste selon lequel les fonctions intellectuelles sont supportées grâce à des bases matérielles et organiques: +\begin{quote} +``Ayant beaucoup travaillé sur le cerveau, je suis convaincue qu’il n’existe pas de lieu séparé qui abriterait les opérations mentales et cognitives, elles dérivent toutes de processus neuronaux. Il est donc impossible de ne pas associer intelligence et cerveau.” +\end{quote} + +Cependant réduire l’intelligence humaine à du calcul mathématique et des termes quantitatifs, n’a pas de sens pour elle non plus. En échange, Malabou voit de l’intérêt dedans lorsque ce calcul invente les concepts sur lesquels il résonne. Plus spécifiquement, elle propose comme définition minima de l’intelligence \textit{l’invention de son objet}. + +Dans un entretien avec Malabou, le journaliste Ariel Kyrou (n. 1962) évoque le livre \textit{Cerveau augmenté, homme diminué} (2016) du philosophe Miguel Benasayag pour qui: +\begin{quote} +``la pensée n’est pas déposée dans les réseaux de neurones comme un software figé installé dans le hardware. Elle est distribuée dans le corps et dans le milieu, dans l’échange entre l’un et l’autre, ainsi que dans l’histoire – s’inscrivant ainsi dans une évolution complexe qui n’a aucun rapport avec celle des versions successives de logiciels enrichis de nouvelles lignes de code informatique (2.0,2.1, 2.12, etc.).” +\cite{malabou2020questionner} +\end{quote} + +Lors de cet échange, ils avancent l'idée que l’aboutissement des préoccupations technologiques courantes, sera probablement une IA capable de définir son sujet de recherche. Les différences entre la pensée de Kyrou et celle de Malabou concernent les conséquences de ces avancées dans la recherche en IA. Leur point de vue s'accorde quand il s'agit de l'impact que les techniques et les outils -``du silex à l’écriture et +dorénavant au monde numérique”- ont pour faire évoluer notre cerveau. Ils défendent dans la même mesure l'impossibilité de prédire l'avenir technologique de notre planète. Tout comme ils affirment leur méfiance quant à la possibilité de contrôler l'impact de la technologie dans les années à venir.\smallskip + +Pour résumer, l'intelligence artificielle connexionniste transpose le modèle des réseaux de neurones et leur façon de traiter l’information basée sur des calculs à des machines, tandis que l’intelligence artificielle symbolique traite cette information par la manipulation de symboles en explorant des données massives sur le comportement humain. La perspective théorique selon laquelle dans un futur plus ou moins lointain, un autre type d’intelligence- plurielle, imprévisible et complémentaire à l’intelligence humaine- verra le jour, complexifie ce scénario. + +Entre ce qu’il a été défini comme \textit{l’IA symbolique}, \textit{l’IA numérique} et la polarité entre ces deux approches exclusives - le concept d' \gls{Generative AI} () ou ``Intelligence Generative” en français, représente une alternative constructive. +Ce type d'intelligence vise l’amélioration des capacités humaines en interaction avec des agents non-humains. Plus concrètement, en lieu d’être en compétition directe avec l’intelligence humaine, l’IE cherche à la sublimer. Cette approche utilise l’erreur comme outil d’apprentissage et intègre des principes de \textit{slow science}\cite{stengers2016another} pour permettre à l’humain de mieux intégrer les données de son environnement pour coopérer avec la machine. En cherchant des analogies dans notre contexte particulier qui est le domaine de l’art, il est plus facile de se concentrer sur cet aspect de l’erreur comme outil d’apprentissage et donner place à l’expressivité de la machine. Les enjeux sont moins importants et les aboutissement technologiques pourraient correspondre à une forme de sérendipité. Néanmoins, même dans ce cas- les considération éthiques\cite{ndior2019cairn}, les ressentis\cite{devillers2017robots} et les éventuelles réactions imprévisibles de la part des humains dessinent une forme de conscience difficile à prédire pour chercher son correspondant artificiel. + +La robotique, tout comme l'IA s'empare de ces théories et notions pour construire de modèles (en anglais \textit{world models}) qui pourraient correspondre à un environnement sensoriel des agents artificiels. Ainsi le modèle d'un chauve-souris est différent de celui d'un robot, qui est à son tour différent de celui d'un humain: +\begin{quote} +``Un système cognitif apprend un modèle mondial pour mieux prédire ses futures observations sensorielles et optimiser ses politiques, également appelées contrôleurs. Bien que le terme \textit{modèle mondial} soit généralement utilisé pour désigner la dynamique spatio-temporelle de l’environnement externe, il pourrait également s’appliquer à la dynamique corporelle (y compris les signaux intéroceptifs provenant de l’intérieur du corps) et à l’environnement social\footnote{en version originale: +``A cognitive system learns a world model to predict its future sensory observations better and optimize its policies, also referred to as controllers. Note that although typically the term \textit{world model} is used to denote the spatiotemporal dynamics of the external environment, it could also equally apply to bodily dynamics (including interoceptive signals from inside the body) and the social environment.”}.” \cite{taniguchi2023tf} +\end{quote} + +\section{Robotique et cognition incarnée} + +Qu’il s’agisse d’un objet mobile avec une source d’énergie, programmé pour \textit{sentir} et \textit{interagir} avec son environnement\cite{mayor2019princeton} ou d’un agent capable de percevoir son environnement par des capteurs et d'agir sur cet environnement par l’intermédiaire d’effecteurs, les robots font l'objet de multiple définitions. La référence dans le domaine de l'intelligence artificielle est le livre de Russell et Norvig\cite{russell2010ai} que nous mettons en parallèle avec\cite{pfeifer2006mit} pour évoquer la façon dont les robots influencent notre sens du réel et notre réalité depuis que nous interagissons avec eux. En plus du fait qu’ils exécutent du travail utile pour les humains (comme imaginé initialement par l’écrivain tcheque qui a donné leur nom\cite{capek1993word}), leur place dans notre société est désormais acquise. Pour l'instant, nous attendons de ces robots qu’ils exécutent des actions précises, selon les instructions reçues lors de leur configuration. Dans un avenir plus ou moins proche, il est possible qu’ils seront capables de nous surprendre avec des comportements inattendus. Dans le domaine des arts, les travaux d'Ensadlab Paris sur les artefacts à comportement autonome ont déjà avancé quelques hypothèses à ce sujet\cite{levillain2017behavioral}. Des autres exemples sont présentés dans le troisième chapitre de cette thèse. + +\subsection{La robotique cognitive} + + +Certains mouvements en robotique ont suivi de prêt les avancées en sciences cognitives\cite{liu2024elsevier}. Parmi eux, j’évoque la robotique basée sur le comportement - behavior based robotics- BBR qui s’inspire des systèmes biologiques. Cette branche de la robotique construit des dispositifs qui réagissent à l’environnement. Le focus de la BBR est le monde animal, plus particulièrement le comportement des insectes. Un des caractéristiques les plus importantes de cette discipline est \textit{l’adaptabilité} des systèmes qui en font partie. Ainsi, ces robots sont peu dotés d'une puissance de calcul pour réaliser des actions. En échange, leur comportement émerge des interactions qu’ils ont avec l’environnement. Le type d’intelligence artificielle qui opère dans ces systèmes est inspiré par la branche de l’IA faible ou \gls{weak AI} mentionné quelques pages auparavant. La programmation de ces robots contient un set des comportements spécifiques, selon l’environnement où ils opèrent, avec les problèmes qu’ils doivent résoudre. Quand un comportement n’est pas adapté à un contexte particulier, ils s’appuient sur des erreurs pour améliorer leur modèle interne.\smallskip + +Le fondateur de cette discipline est Rodney Brooks (n. 1954), qui par ses expérimentations au Massachusetts Institute of Technology (MIT) dans les années 1980, a mis les bases de la robotique basée sur le comportement. Ses premiers robots, avec des roues pour suggérer des pattes, ont été construits suite à ses observations des comportements anthropomorphiques. Parmi leurs instructions: éviter un obstacle, s’approcher d’une source de lumière, chercher à économiser sa batterie lors de longs trajets, etc. + +Une des influences de Brooks est le travail de neurophysiologiste et pionnier de la robotique W. Gray Walter. Fin des années 1940, Gray Walter a développé un certain nombre de robots simples basés sur des comportements ressemblant à des animaux. Ces prototypes de robots ont aidé Gray Walter à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau des animaux, par des modèles simples de leurs opérations de base. Les plus connus sont Elmer et Elsie (abréviation de ELectro MEchanical Robots, Light Sensitive), recouverts d’une coque en plastique transparent similaire aux tortues. Enfant, Brooks a lu le livre de Walter \textit{The Living Brain} (1963), pour ensuite construire ses propres prototypes. Ingénieur brillant, Walter décrit dans son recueil ses débuts dans les années 1930 à l’époque de l’électronique à tubes sous vide. D'une invention à l'autre, il finit par transformer son laboratoire de Bristol, en Angleterre, en l'un des principaux centres mondiaux de recherche en électroencéphalogramme (EEG). + + +Connu pour sa critique de l’IA symbolique, Brooks voit la logique et le raisonnement comme des processus mentaux propres aux humains. Au lieu de se focaliser sur le traitement des symboles et les représentations internes, il propose de construire des modèles basés sur l’interaction avec le monde réel. Ces modèles ont inspiré les théories sur l’incorporation et la cognition incarnée que nous avons mentionné auparavant. Cependant que ce Brooks mettait en avant était la complexité du raisonnement humain et de l'intelligence acquise par le langage: + +\begin{quote} +``Ce qui différencie les humains des animaux, c’est la syntaxe et la technologie. De nombreuses espèces d’animaux émettent de nombreux cris d’alerte. Pour les singes, un seul cri signifie qu'il y a un oiseau de proie dans le ciel. Un autre signifie qu'il y a un serpent par terre. Tous les membres de l'espèce s'accordent sur la correspondance entre des sons particuliers et ces significations primitives. Mais aucun singe ne pourra jamais exprimer à un autre : \textit{Hé, tu te souviens de ce serpent que nous avons vu il y a trois jours ?. Il y en a un ici qui lui ressemble.} Cela nécessite une syntaxe. Les singes ne l'ont pas\footnote{en version originale: ``What separates people from animals is syntax and technology. Many species of animals have a host of alert calls. For velvet monkeys one call means there is a bird of prey in the sky. Another means there is a sneak on the ground. All members of the species agree on the mapping between particular soundsand these primitive meanings. But no velvet monkey can ever express to another: \textit{Hey, remember that snake we saw three days ago?. There's one down here that looks just alike.}Thant requires syntax. Velvet monkeys do not have it.”}.” +\cite{brooks2003flesh} +\end{quote} + +Paradoxalement, ce sont ces branches là qui se sont plus développés en robotique. En cours des trois dernières décennies, les observations de Brooks ont donné suite à des innovations dans le domaine de l’intelligence artificielle notamment grâce aux avancées des moteurs de recherche et des agents conversationnels virtuels. En parallèle, l’intelligence incarnée fait partie des méthodologies pour construire des robots autonomes. Leur objectif est d’acquérir une forme incarnée de cognition pour résoudre les problèmes fondamentaux et paradoxes de l’IA traditionnelle, tels le \textit{Chinese Room Argument} mentionné plus haut. + +Une branche de la robotique qui s’inspire des systèmes vivants est la robotique développementale ou Cognitive Developmental Robotics (CDR). L'ingénieur Minoru Asada (n. 1953), professeur au département Adaptive Machine Systems de l'université de Osaka, a mis les bases de cette discipline au début des années 2000: +\begin{quote} +``La robotique cognitive développementale vise à comprendre le processus de développement cognitif humain par des approches synthétiques ou constructives. Ses principes fondamentaux sont l'\textit{incarnation physique} et l'\textit{interaction sociale} qui permettent la structuration de l'information suite aux interactions avec l’environnement, y compris avec d’autres agents\footnote{en anglais:``Cognitive Developmental Robotics aims at understanding human cognitive developmental process by synthetic or constructive approaches. Its core ideas are \textit{physical embodiment} and \textit{social interaction} that enable information structuring through interactions with the environment, including other agents.”}.” +\cite{asada2009tamd} +\end{quote} +CDR se base sur des principes de cognition incarnée pour structurer l'information lors des interactions avec l'environnement. Elle propose des modèles de développement inspirés par +les fonctions cognitives humaines en lien avec le comportement\cite{asada2009tamd}. + +Le papier\cite{taniguchi2023tf} présente un état d'art concernant les défis de cette branche influente de la robotique. Ses auteurs se demandent comment mieux développer des robots qui explorent l'espace de manière autonome, comprennent ses réglés et apprennent d'une façon continuelle s'adapter à celles-ci. La réponse se trouve dans les études sur le développement des enfants, similaires aux théories de Piaget que j'ai mentionné au début de ce chapitre. Les enfants apprennent grâce à leurs interactions physiques, avec environnement et leurs tuteurs. L'affectivité et les capacités sociales, en anglais \textit{social skills}, jouent un rôle important dans ce processus. Pour Asada et ses collègues, ce processus d'apprentissage est permanent. Les robots qui développent leur intelligence, doivent être capables d'adapter perpétuellement leur apprentissage de l'environnement, à travers l'expérience sensori-motrice de celui-ci. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/robots_sauvages} + \caption{Implémentation des principes de la robotique cognitive comportementale dans les interactions artistiques avec les robots.} + \label{fig:robots-sauvages} +\end{figure} + + +Une autre direction promut également l'importance des processus réflexifs dans le développement de l'intelligence des robots\cite{takeno2012crc,zhegong2022springer}: +\begin{quote} +``Ce processus de reconnaissance de soi est de plus en plus étudié en robotique pour mimer le développement des capacités motrices et d’interaction sociale chez l’enfant. Mais de telles corrélations statistiques entre ce qui est perçu par les caméras du robot et ses ordres moteurs peuvent être calculées sans une quelconque notion de conscience de soi. Ici, la mesure du degré d’information intégrée dans le programme informatique du robot apporterait une réponse quantitative et précise sur le degré de conscience attendu en lien avec un tel processus.” +\cite{chatila2022pourquoi} +\end{quote} + + +\subsection{Une \textit{cognition} artificielle?} + +Comme nous avons vu auparavant, le début des années 1990 est marqué par la publication de plusieurs ouvrages comme celles de Brooks, Dennett ou Varela sur une possible conscience des machines. Pour interroger cette possibilité vingt ans plus tard, les roboticiens s'appuient sur des théories en sciences cognitives, informatique et phénoménologie. Une des derniers tendances est le rapprochement avec l’autonomie biologique et la subjectivité comme nouvelle interprétation de la cognition incarnée\cite{froese2009enactive}. + +Concernant la capacité de robots d’entreprendre des actions, traduit ici comme \textit{capacité d'agir}\cite{wen2022agency} de l’anglais \gls{agency}, Ziemke affirme: + +\begin{quote} +``la perception est un mode habile d'exploration de l'environnement qui s'appuie sur une compréhension implicite des régularités sensorimotrices, c'est-à-dire que la perception est constitué par une sorte de savoir-faire corporel. En général, le récit sensorimoteur met l'accent sur l'importance de l'action dans la perception. La capacité d'action n'est pas seulement nécessaire pour utiliser les compétences sensori-motrices, elle est également une condition nécessaire à l'acquisition de telles compétences puisque \textit{seulement par des mouvement propres, le sujet peut tester et ainsi apprendre des modèles pertinents de dépendance sensorimotrice}(...)En d'autres termes, l'approche sensorimotrice dynamique a besoin d'une notion d'individualité ou capacité d'agir qui est à l'origine de notre action intentionnelle dans le monde\footnote{en version originale: ``perception is a skillful mode of exploration of the environment which draws on an implicit understanding of sensorimotor regularities, that is, perception is constituted by a kind of bodily know-how. In general, the sensorimotor account emphasizes the importance of action in perception. The capacity for action is not only needed in order to make use of sensorimotor skills, it is also a necessary condition for the acquisition of such skills since \textit{only through self-movement can one test and so learn the relevant patterns of sensorimotor dependence}(...) In other words, the dynamic sensorimotor approach needs a notion of selfhood or agency which is the locus of intentional action in the world.”}.” +\cite{ziemke2016body} +\end{quote} + +Pour continuer cette idée, le chercheur se demande si les boucles sensorimotrices disposent des moyens conceptuels pour distinguer les actions intentionnelles d’un agent autonome, des mouvements accidentels et réflexes. + +Dans son livre \textit{How the body shapes the mind} (2006), le philosophe Shaun Gallagher (1948) avance l’idée que la compréhension scientifique et phénoménologique du corps est essentielle pour comprendre des phénomènes tels que la conscience ou la +cognition. Son approche vise à développer un vocabulaire commun inspiré par: +\begin{quote} +``les processus cérébraux en neurosciences, les expressions comportementales en psychologie, les préoccupations de conception en intelligence artificielle et en robotique, et les débats sur l’expérience incarnée dans la phénoménologie et la philosophie de l’esprit”. +\cite{gallagher2006body} +\end{quote} +Gallagher analyse des phénomènes tels l’apprentissage de nouveau-nés par l’imitation, la conscience de soi, le libre arbitre, la cognition sociale et l’intersubjectivité, la perception intermodale pour en citer quelques-unes des thématiques abordées. Il aborde ces sujets au travers des concepts comme l'\gls{image corporelle} et le \gls{schéma corporelle}, la proprioception et la théorie de l’enactivisme. + +Une de ses hypothèses est la théorie de l’ancrage physique, ou en anglais \gls{the physical grounding hypothesis} (PGH). Cette théorie stipule que le contenu et le fonctionnement de l’esprit +sont fondés sur les propriétés physiques et l’expérience incarnée de l’agent. Loin de promouvoir l’influence du physique sur le mental, Gallagher souligne la complexité des facteurs impliquées dans toute explication adéquate de la cognition. Entre outre le chercheur présente le rôle du schéma corporel dans une gamme de fonctions cognitives perceptives, parmi lesquelles la différenciation de soi et des autres. +\begin{quote} +``Au début, c'est-à-dire au moment de notre naissance, nos capacités de perception et de comportement ont déjà été façonnées par notre mouvement. Le mouvement corporel prénatal a déjà été organisé selon notre propre forme humaine, dans des enregistrements proprioceptifs et multimodaux, de manière à ce que +nous sommes capables d'une distinction entre notre propre existence incarnée et tout le reste. En conséquence, lorsque nous ouvrons les yeux pour la première fois, non seulement nous pouvons voir, mais notre vision, aussi imparfaite soit-elle, est déjà adaptée à ces formes qui ressemblent à notre propre forme. Le nourrisson, quelques minutes après sa naissance, est capable d'imiter le geste qu'il voit sur le visage d'une autre personne. Il est ainsi capable d'un certain type de mouvement qui préfigure une action intentionnelle et qui le propulse dans un monde humain. +\footnote{en version originale: ``In the beginning, that is, at the time of our birth, our human +capacities for perception and behavior have already been shaped by our movement. +Prenatal bodily movement has already been organized along the lines of our own +human shape, in proprioceptive and cross-modal registrations, in ways that +provide a capacity for experiencing a basic distinction between our own embodied +existence and everything else. As a result, when we first open our eyes, not +only can we see but also our vision, imperfect as it is, is already attuned to +those shapes that resemble our own shape. The infant, minutes after +birth, is capable of imitating the gesture that it sees on the face of another +person. It is thus capable of a certain kind of movement that foreshadows +intentional action, and that propels it into a human world.”}.” +\cite{gallagher2002primacy} +\end{quote} +Nous rajoutons à cela le travail de Ziemke sur les implications du terme \textit{grounding}\cite{ziemke1999rethinking} sur le comportement des agents non-humains incarnés, ainsi qu'une clarification par rapport au terme employé par Halprin dans ses expériences somatiques mentionnés dans le premier chapitre. + +Plus loin, Gallagher décrit le concept de schéma corporel et sa différence par rapport à l’image corporelle. Ainsi dans son acceptation, un schéma corporel est un système de capacités sensori-motrices, englobant tous les aspects non-conscients du contrôle moteur, y compris les processus sous-corticaux, pré-moteurs et moteurs dans le cerveau. Il mentionne également les systèmes d’information nécessaires au bon fonctionnement de ces processus. Il distingue ce concept de celui d’image corporelle, vu comme résultat +des expériences perceptives du corps. Gallagher distingue les différences entre les deux termes au niveau empirique donnant l’exemple d’un patient qui dans un état de négligence ne se préoccupe de son image de soi pour se laver ou s’habiller. Cependant ses capacités motrices telles que la marche ou les tâches manuelles restent intactes et il les exerce. Cela montre que même si l’image corporelle est altérée ou endommagée, le schéma corporel reste intact. Au même titre, les sujets qui ont perdu un membre ont la capacité de le ressentir\cite{ramachandran1998phantoms}. Plus loin, Gallagher illustre le cas des malformations congénitales, où le membre fantôme est ressenti quelques années après la naissance, d’habitude après une intervention chirurgicale, un accident ou un autre événement corporel important. Ainsi la probabilité qu’un schéma corporel ou une image corporelles soient innés, est très réduite. Dans les cas de membres fantômes, des informations contradictoires entre la proprioception(qui pourrait indiquer la présence d’un membre) et la vision (qui l’infirme) se basent sur la vision. Ainsi ce type d'accumulation d'information qui résulte de l'intéraction avec l'environnement des organismes vivants, pourrait être transposée aux machines. Leurs propres schémas corporels existent déjà et ce sont elles qui déterminent le comportement du robot. Reste à voir si le type de cognition acquise par l'agent vivant est proche à celle de l'agent artificiel. + +\subsection{Des émotions artificielles} + +Les émotions jouent un rôle clé dans la question de la conscience. Prof. Asada supervise des études sur le développement de \textit{l’empathie artificiele} et le rôle de la \textit{contagion émotionnelle} dans la mimique motrice\cite{asada2015towards}. Son équipe met en place des études sur le type de cognition que les bébés développent dans leurs premiers mois, pour ensuite transposer ses principes à des robots. L’évolution corporelle et la croissance des humains est pour lui un des concepts clé de la robotique cognitive. + +\textbf{Le rôle de l’introspection} + + +L’introspection permet aux humains d’être conscients de leurs propre processus mentaux. Ces processus semblent avoir une séquence linéaire comme la production de la parole ou des lignes de raisonnement. L’introspection influence également les actes artistiques. Pendant la phase de création, un artiste sonde son imaginaire pour clarifier ses intuitions. Lorsque nous nous rappelons de l’exemple donné par Block, c’est intéressant d'analyser un possible scénario où la personne aurait prêté attention au bruit auparavant ignoré. Cela pourrait produire un type d’expérience subjective, à la limite de la conscience d’accès, pour ensuite déterminer à partir de quand le bruit est devenu conscient. Cette introspection liée à un stimulus extérieur, trouve son équivalent dans l’acte d’introspection de l’artiste qui veut mieux comprendre ses intuitions. +Ainsi la distinction de Block entre conscience phénoménale et conscience d’accès a des implications importantes pour les neuroscientifiques et les informaticiens qui cherchent à modéliser une conscience artificielle dans des dispositifs tels les robots. Mais une fois cette intention exprimée, comment pouvons-nous savoir si l’algorithme a produit une conscience semblable à celle de l’homme? Dans la même mesure, le fait de développer des expériences subjectives pour la conscience phénoménale des robots, implique des considérations éthiques. Heureusement le moyen pour doter rationnellement les machines de nos expériences personnelles, parfois irrationnelles, n’est pas encore à notre portée. Même si la communauté scientifique est divisée et de nombreux neuro-biologistes et informaticiens estiment que les philosophes sont trop pessimistes quant à la capacité des algorithmes de modéliser la conscience humaine, il est important de comprendre nos motivations et intentions face à cela.\smallskip + +Les paradigmes sur l’énaction, en anglais \textit{the enactive theory}, ont émergé après la publication du livre \textit{The Embodied Mind} (1992) que nous avons évoqué auparavant. Par son biais, nous découvrons que les expériences perceptives ne sont pas des événements internes dans notre tête, mais plutôt des actions que nous produisons à travers notre exploration sensorimotrice de l’ environnement. +En allant plus loin, Rolf Pfeifer et Josh Bongard soulignent dans le livre \textit{How the body shapes the way we think} (2006), l’importance de la morphologie du corps et ainsi de l’embodiment, sur l’intelligence d’un système. Leur point de départ est le fonctionnement humain qu’ils extrapolent aux machines, avec l’idée que pour être intelligent, nous avons besoin d’un corps physique: +\begin{quote} +``L’une des capacités les plus élémentaires de toute créature est la catégorisation : la capacité de faire des distinctions dans le monde réel. Si nous ne pouvons pas distinguer les aliments des non-aliments, les objets et situations dangereux des objets et situations sûrs, nos parents des autres personnes ou notre maison du reste du monde, nous n’allons pas survivre très longtemps. De même, les robots incapables de faire des distinctions fondamentales, par exemple un robot domestique incapable de distinguer les déchets des antiquités, un aspirateur du lave-vaisselle ou les animaux domestiques des bébés, ne seront pas très utiles. Nous tenterons de démontrer que la formation de telles catégories est directement déterminée par notre incorporation, c’est-à-dire notre morphologie et les propriétés matérielles de notre corps. La morphologie comprend la forme du corps, les types de membres et l'endroit où ils sont attachés, les types de capteurs (yeux, oreilles, nez, peau pour le toucher et la température, la bouche pour le goût) et l'endroit où ils se trouvent sur le corps. Par propriétés matérielles, nous entendons par exemple la déformabilité du bout des doigts et de la peau, ou encore l'élasticité du système musculo-tendineux\footnote{en anglais: ``One of the most elementary capacities of any creature is categorization: the ability to make distinctions in the real world. If we cannot distinguish food from nonfood, dangerous from safe objects and situations, our parents from other people, or our home from the rest of the world, we are not going to survive for very long. Likewise, robots incapable of making basic distinctions, e.g., a household robot that cannot distinguish garbage from antiques, a vacuum cleaner from a dishwasher, or pets from babies will not be very useful. We will attempt to demonstrate that the formation of such categories is very directly determined by our embodiment, i.e., our morphology and the material properties of our body. Morphology includes the shape of the body, the kinds of limbs and where they are attached, the kinds of sensors (eyes, ears, nose, skin for touch and temperature, mouth for taste) and where on the body they are found. By material properties we mean, for example, the deformability of the fingertips and of the skin, or the elasticity of the muscle-tendon system.”}.” +\cite{pfeifer2006mit} +\end{quote} +Ces catégories sont transformés par le cerveau en langage, nous aidant à interagir avec le monde.Si les robots disposent déjà d'un corps physique, savoir faire l'expérience d'une incorporation leur échappe. Je me demande alors comment la danse, langage du corps et des émotions, peut faciliter cela. + +\textbf{Le rôle de l’affecte} + + +Le concept d’émotion, vu sous l'angle de la théorie 4E de la cognition est une affectivité située, pour qui la cognition n’est pas un processus quantifiable, similaire à un modèle informatique. Au contraire, tout affecte nécessite un type incarné et situé de cognition. Dés la petite enfance, jusqu'aux situations sociales sophistiquées qui caractérisent l’âge adulte, les processus emphatiques complexifient la compréhension que nous avons de nous-mêmes et notre environnement. Ainsi nous remarquons que ce n’est pas seulement le sentiment conscient d’émotion qui est important. Des processus affectifs inconscients comme la douleur ou le plaisir, jouent un rôle tout aussi important et peuvent biaiser la perception des émotions. +Pour interroger cette place des affectes dans la construction de l'expérience du réel, la chercheuse Branka Zei Pollermann introduit un\textit{modèle unifié de cognition}\cite{pollermann2006} basé sur les théories de Jean Piaget (1896- 1980) et Ludwig von Bertalanffy (1901- 1972) et Louis J. Prieto. Ce modèle stipule que les espaces affectives (ie. \textit{affected spaces}) facilitent des comportements adaptatifs lors des processus cognitifs. Ses observations s'appuient sur la théorie générale des systèmes, qui cherche un modelé unifié des connaissances. La modélisation des organismes humains, appelés \textit{systèmes ouverts} par von Bertalanffy, et le concept de \textit{praxis} de Prieto comme action intentionnelle mettant en avant les particularités des connaissances scientifiques. Alors que Jean Piaget avance deux concepts-clé pour caractériser l’interaction des systèmes dites intelligentes avec l’environnement. Le premier est le concept d’\textit{assimilation des schémas de comportement préexistant} et l’autre le concept d’\gls{adaptation}. Concept clé en robotique, la capacité d'adaptation est considérée ici comme moment d’équilibre entre deux états, évoquant un sentiment de plaisir quand cet équilibre atteint. Selon le point de vue de Piaget, l’intelligence humaine se développe avec l’âge, passant par plusieurs étapes parmi lesquelles: l’intelligence logico-mathématique, musicale, spatiale, corporelle-kinesthésique, +interpersonnelle et ainsi de suite. +Le chercheur Olivier Houdé, spécialiste en développement cognitif, complète cette théorie\cite{houde2019intelligence}, en situant trois phases de l’intelligence humaine difficilement modélisables par des algorithmes: +\begin{itemize} + \item l’intelligence sensori-motrice (avant 6 ans) + \item l’intelligence opérationnelle concrète tel comme définie par Jean Piaget (entre 7 et 12 ans) + \item l’intelligence propre à la résistance cognitive, appelée \textit{intelligence opérationnelle formelle}(de l’adolescence à l’âge adulte) +\end{itemize} +Cette dernière permet le raisonnement scientifique et l’apprentissage des valeurs et normes sociales. Les affectes y sont présentes dans les trois phases mais opèrent consciemment lors de la dernière. Plus loin en parlant des émotions, Pollermann cite le neuropsychologue Douglas Watt (n. 1950) pour qui lorsque les paramètres de base dépassent les variations connues, l’état est ressenti et interprété comme émotionnel : +\begin{quote} +``Lorsque les états physiologiques internes se situent en dehors d'un intervalle souhaitable, les sensations viscérales et les dispositions à l'action sont activées. +\footnote{``When internal physiological states are outside a desirable range, both visceral sensations and action dispositions are activated.”}.” +\end{quote} + +A mon tour, je m'interroge sur le rôle des représentations mentales en lien avec ces observations. Sur scène, les performeurs convoquent leur imaginaire. Leur vécu expérientiel vient s'associer à des émotions nouvelles, qu'ils vivent seulement en partie- \textit{sorte de simulacre d'une émotion}. Cet aspect est proche de celui des robots, pour qui les émotions n'existent pas véritablement. + +Indépendamment des avancées concernant les théories sur l'incorporation\cite{gallagher2023embodied}, ou des multiples paramètres impliquées dans le concept d’intelligence, Pfeifer et Bongard considèrent comme intelligent ce qui peut être investi par deux caractéristiques: \textit{la capacité d’adaptation} et \textit{la diversité}. Plus concrètement, les agents intelligents se +conforment toujours aux exigences physiques et les règles sociales de leur environnement, et exploitent ces règles pour produire des comportements nouveaux, selon le contexte: + +\begin{quote} +``Tous les animaux, humains et robots doivent accepter le fait qu’il existe une gravité et une friction, et que la locomotion nécessite de l’énergie : il n’y a aucun moyen d’en sortir autrement. Mais s'adapter à ces contraintes et les exploiter de manière particulière ouvre la possibilité de marcher, de courir, de boire dans une tasse, de mettre de la vaisselle sur une table, de jouer au football ou de faire du vélo. Diversité signifie que l’agent peut adopter de nombreux types de comportements afin de pouvoir réagir de manière appropriée à une situation donnée. Un agent qui ne fait que marcher, ou qui ne joue qu'aux échecs, ou qui ne fait que courir, est intuitivement considéré comme moins intelligent qu'un agent qui peut également construire des petites voitures à partir d'un kit Lego, verser de la bière dans un verre et donner une conférence devant un public critique. L'apprentissage, qui est mentionné dans de nombreuses définitions de l'intelligence, est un moyen puissant d'augmenter la diversité comportementale au fil du temps\footnote{``All animals, humans, and robots have to comply with the fact that there is gravity and friction, and that locomotion requires energy: there is simply no way out of it. But adapting to these constraints and exploiting them in particular ways opens up the possibility of walking, running, drinking from a cup, putting dishes on a table, playing soccer, or riding a bicycle. Diversity +means that the agent can perform many different types of behavior so that he—or she or it—can react appropriately to a given situation. An agent that only walks, or only plays chess, or only runs is intuitively considered less intelligent than one that can also build toy cars out of a Lego kit, pour beer into a glass, and give a lecture in front of a critical audience. Learning, +which is mentioned in many definitions of intelligence, is a powerful means for increasing behavioral diversity over time.”}.” + \cite{pfeifer2006mit} +\end{quote} + +L'idée que des robots capables de s'adapter à différents situations, pourront un jour proposer des véritables actes artistiques, est à la fois terrifiante et à la fois séduisante. Intégrer des principes de cognition incarnée, résoudre le problème difficile de la conscience, construire des algorithme basées sur le FEP et arriver à un état de grounding propre aux robots est encore en cours de réalisation. Le vécu d'un robot, ses émotions et pensée seront codifiés dans le bagage sensoriel de son\textit{espèce}. Lorsqu'un ours peint, nous évaluons son comportement selon les normes sociales qui définissent notre espèce. Plus probablement l'ours imite un comportement humain à son tour, dont le sens lui échappe. Si toutefois, il aura un comportement spécifique, différent de celui des humains cela restera opaque pour nous, le temps que des éthologues observent plusieurs ours, pour tirer des conclusions quant à sa motivation. Dans ce sens, je reste ouverte à l possibilité d'assister un jour à une véritable œuvre d'\gls{art robotique}, faite \textit{par} des robots et non \textit{avec} des robots en guise de médiums et outils. + + + +\section*{Conclusion} +Ce deuxieme chapitre présente les théories actuelles de la cognition, pour tenter définir ce qui peut être une \textit{Conscience du corps dans la robotique}. +A partir d'une description de l’approche cognitiviste sont passés en revue cognitivisme la théorie 4E de la cognition, un état d'art sur les possibles définitions de la conscience et son lien avec l'action. Son introduites les concepts émergements de FEP et les enjeux de la \textit{strong IA} pour expliquer ce qui peut-être une conscience artificielle et des défis, notamment en ce qui concerne le problème difficile de la conscience. Plus loin, associer la cognition incarnée à la robotique évoque les caractéristiques de la robotique cognitive et les préoccupation des neuroscientifiques pour les émotions artificielles et les modelés unifiés de cognition. + + + +\clearpage + + +\chapter{Robots sur scène} + + +Ce chapitre se concentre sur les enjeux des pratiques artistiques en lien avec le mouvement, dans le contexte des spectacles ou installations avec des robots. Il introduit la biomécanique comme manière d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches scéniques contemporaines, notamment celles qui utilisent des robots. + +Dans son livre \textit{La robotique: une récidive d’Héphaïstos!}\cite{laumond2012robotique} (2012) Jean-Paul Laumond décrit la controverse entre la science- ``dont l’objectif est de déduire” par rapport à la technologie- ``préoccupé davantage par le faire” et les observations empiriques. Pour lui, la robotique est née de la tension entre ces deux approches contemporaines. Elles + s’inspirent à leur tour des lois du vivant, de la physique, de la biologie, des neurosciences, de la psychologie et d’autres théories complémentaires. Ainsi, la robotique peut être considérée comme un moyen de comprendre et de mettre en œuvre la complexité du vivant, à travers un +mélange des savoirs-faire et des pratiques. Dans une démarche parallèle, cette complexité du vivant pourrait être appréhendée +aussi grâce à l’art, définie ici comme une approche issue ``ses intentions spéculatives et provocatrices”\cite{penny2019mit}. L’artiste Simon Penny utilise la dichotomie entre une forme de savoir qui réside dans l’abstraction et une autre qui réside dans la réalité concrète du monde, pour introduire une discipline émergente qu’il +intitule la \gls{robotique culturelle}. Ce concept met en avant le lien entre les robots et les sociétés dans lesquelles ces derniers évoluent. Si dans les premiers chapitres nous avons pu comprendre le contexte transdisciplinaire que cette thèse défend, le présent chapitre traite du rapport du corps à la scène (qu'il s'agit d'un corps humain ou non-humain) et les implications que cela peut avoir du point de vue de la robotique. + +\section{La biomécanique comme façon d’appréhender le corps} + +La \gls{biomécanique} est largement utilisée dans la robotique, notamment concernant le design des robots. +Le terme regroupe la biologie comme science du vivant et la mécanique comme science physique d’étude du mouvement, comprenant les déformations et les états d’équilibre du corps. Plus concrètement, cette discipline étudie la physiologie du mouvement dans le corps humain, avec ses fonctions et ses propriétés respectives. +D'autres disciplines comme la médecine ou la cinématographie s’appuient sur des principes de biomécanique pour avancer leurs recherches respectives. Dans le domaine du spectacle vivant, des chorégraphes et des artistes numériques, se sont également intéressés à la biomécanique pour développer leurs pratiques en lien avec des robots. + + +\subsection{Meyerhold et son approche sociologique} + +La biomécanique est également le nom d'une discipline enseignée par le metteur en scène russe Vsevolod Emilievitch Meyerhold (1874–1940). Cette discipline fait son apparition au début du XXe siècle pour cultiver une conscience de soi ainsi qu’un travail plastique et rythmique de l’acteur dans l'espace. Inspirée entre autres par la commedia dell’arte et le travail des danseuses Isadora Duncan et Loïe Fuller, cette méthode d’entraînement physique permet aux acteurs de développer leur coordination et leur sens du rythme au plateau. + + +En comparaison avec d’autres concepts en théâtre, Meyerhold considérait le +mouvement scénique comme un des moyens d’expression les plus puissants. Ainsi +il dirige entre 1914 et 1917, dans son studio à Pétersbourg, une série d’études +de pantomime accompagnées au piano. Les exercices appelés ``Les Deux Smeraldina”, +``Le poignard” ou ``La gifle”, reposent sur des actions comme le +bond ou la chute ainsi que des éléments d’acrobatie avec différents objets liés +à la tradition théâtrale(l’épée, la cape ou la canne entre outres). En exécutant ces partitions laborieuses, l’acteur est censé comprendre l’importance des différents éléments du corps les uns par rapport aux autres. Un exemple que Meyerhold citait lors de ces exercices, fait référence à l’importance des détails: quand le petit doigt +bouge, le corps entier doit supporter ce mouvement, pour rendre le petit doigt visible jusqu’au fond de la salle\cite{baldwin1999biomecanique}. La plupart de ces expérimentations ont lieu en groupe, même si elles ne requièrent qu’une seule personne pour les pratiquer. Lorsqu’une personne finit sa pratique, le reste du groupe reprend la totalité de l’étude une seconde fois, pour proposer des variations. Pour travailler la coordination et la précision entre les partenaires, l’élément clé de la pratique de Meyerhold est le corps de l’acteur, considéré comme un matériau à travailler à la fois individuellement et collectivement. Ce corps hybride, emprunte de chaque pratique sa caractéristique principale: +\begin{quote} +``Le travail physique de l’acteur, découpé en segments +d’actions précisément délimités dans l’espace et dans le temps se caractérise encore par un montage de matériaux hétérogènes unifiés par le rythme de l’action et l’ironie de l’acteur : combinaison de techniques appartenant à différents métiers du spectacle, de registres vocaux variés, création d’une sorte d’acteur collectif. Les meilleurs comédiens ont l’équilibre des funambules, le tronc monté sur ressorts des jongleurs, l’audace des acrobates, le coup de poing du boxeur, le cri du ventriloque.”\cite{picon2017meyerhold} +\end{quote} +Ainsi en alternant travail individuel et travail collectif, les acteurs acquièrent des bases solides d’interaction et une bonne capacité d’adaptation aux formats et expériences. Leur statut s'approche a celui d'une marionnette dont l'objectif est la précision et la flexibilité physique. Tout de même, comme le souligne Mel Gordon dans son article sur Meyerhold\cite{gordon1974meyerhold}, pour le metteur en scène russe la fonction du théâtre a été d’abord sociale. Par sa méthode, Meyerhold s'est engagé à éduquer et à promouvoir la reconstruction socialiste et scientifique de son pays. Lorsque Stalin s’est emparé du pouvoir, la plupart des secteurs de la société soviétique ont traversé des processus rapides de collectivisation et d’industrialisation. Les théâtres, puis plus généralement la culture, ont perdu progressivement leurs moyens et la liberté d’expression. Dance ce contexte, d’autres méthodes se sont inventés. + +Le metteur en scène russe voit les troupes de travailleurs semi-professionnels comme un potentiel catalyseur des forces ouvriers grâce à l'art. Pour améliorer sa formation d’acteurs, il enrichit ses fondements théoriques avec des principes scientifiques propres à l’industrie soviétique. Parmi ces principes, le Taylorisme est le résultat des observations de l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) sur la gestion scientifique du travail et de la productivité. Au début des années 1910, sa méthode est largement appliquée dans l’industrie, notamment en Europe +et en Russie. Après avoir visité des usinés et examiné leurs chaînes de production, l’ingénieur est arrivé à la conclusion que les mouvements physiques des travailleurs influencent le rendement de la production. Lorsqu’il exécute une tâche répétitive, un travailleur s’engage, souvent sans s’en rendre compte, +dans des mouvements superflus qui diminuent son efficacité. Pour Taylor, il est question de trouver les mouvements et les gestes les plus efficaces, dans ce qu’il a appelé ``une économie du mouvement”. Pour faire cela, il a dû prendre en considération des facteurs comme les rythmes de travail et l’équilibre des postures. Toujours pour Gordon, les idées de Meyerhold croisent également celles de la psychologie fonctionnelle ainsi que celles du béhaviorisme que j'ai mentionné en lien avec le cognitivisme. Entre autres la psychologie fonctionnelle considère la conscience et ses états transitoires comme directement liés au corps physique, notamment lorsque certains schémas d’activité musculaire suscitent des états émotionnels +équivalents. A la même époque, des médecins comme Vladimir Bekhterev ou Ivan Pavlov ont aussi entamé des recherches sur les comportements et le conditionnement des réflexes humains. Selon leurs observations, tout comportement humain peut s’expliquer par l’histoire des interactions de l’individu avec son environnement. Ces observations sont encore actuelles et appliqués dans différentes domaines, notamment la robotique, comme nous avons mentionné plus haut. + +En s’inspirant de ces observations, Meyerhold les applique ainsi à sa méthode d’entraînement physique des acteurs. Les effets de ce processus sont ressentis +lors des spectacles dont le rythme des acteurs est proche d’une chorégraphie. Si le décor est souvent inspiré par le courant constructiviste - dont la philosophie repose sur l’austérité et les motifs non-figuratifs- les déplacements des acteurs dessinent des parcours géométriques à la façon d’une danse contemporaine. Les parcours dépendent du nombre pair ou impair des acteurs qui créent des constellations dans l’espace pour suggérer la mécanisation des processus artistiques. D’une façon avant-gardiste et engagée, Meyerhold a dédié son travail à la lutte des classes, aux problèmes sociaux, en espérant contribuer à la création d’un nouveau type humain. Le culte de personnalité et les dérives du régime +totalitaire stalinien ont fait que son théâtre soit fermé en 1938 et le metteur en scène exécuté en 1940, malgré le fait qu’il soutenait pleinement les idées communiste. Presque un siècle après sa mort, ses écrits inspirent des metteurs en scène et chorégraphes contemporains. Entre temps, les robots défient les performances physiques des humains dans le travail industriel. Il nous reste à comprendre leur potentiel dans les domaines artistiques, notamment le spectacle vivant. Sur scène ils sont pour le moment loin de la flexibilité des danseurs par exemple, mais les prochaines années vont déterminer comment ils peuvent acquérir un corps performatif et performant. + + + + +\section{Faire danser les robots} + + +Pour comprendre comment mettre en scène les robots, je commence cette analyse avec les problématiques liées à la représentation du corps dans les propositions scéniques contemporaines. La bas une certaine partie de la communauté artistique en danse, semble œuvrer à une compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps +ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité, avec l’émergence des principes neuroscientifiques et somatiques. Le livre \textit{Disjunctive Captures of the Body and +Movement}\cite{cvejic2015disjunctive} interroge les formes de corporéité qui déconstruisant la façon d’habiter le corps. Bojana Cvejic +cite des chorégraphes tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour qui la danse est, avant tout, un lieu d’expérimentation. Ce questionnement de l’expérience subjective du mouvement, est partagée avec la chercheuse Stamatia +Portanova dont Cvejic nous fait découvrir le travail. A son tour, Portanova travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la danse\cite{portanova2013moving}. Dans le chapitre \textit{Can objects be processes?}, elle se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Son analyse se concentre autour du travail du chorégraphe William +Forsythe. Le spectacle \textit{One Flat Thing, reproduced}(2000) a comme contrepoids numérique \textit{Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced} - un outil de visualisation des paramètres chorégraphiques dont l'apparence est proche d'un site vidéo, créé par la +compagnie de danse Forsythe en collaboration avec l’Université d’Ohio. Les paramètres captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie. Cela permets d'explorer sous un autre ongle les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le site \textit{Synchronous Objects}\footnote{https://synchronousobjects.osu.edu/} ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori, malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de représentation, puisque le temps de la performance est unique dans sa temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère. + +Mettre en scène des robots est souvent sujet à des contingences et erreurs de dernière minute. Nous l'avons aussi constaté lors des expérimentations en improvisation présentées dans la deuxième partie de cette thèse. Le caractère imprévisible des robots est aussi catalyseur d'une inspiration artistique, leurs partenaires humains développent une forte capacité d'adaptation et de présence. Souvent un spectacle avec des robots, n'est pas le même d'une représentation à l'autre. Les œuvres que nous allons évoquer dans les prochaines pages en témoignent. + + +\subsection{Défis chorégraphiques dans la représentation du corps} + + +Les œuvres chorégraphiques analysées par Cvejic ne remplacent pas les danseurs par des agents non-humains ou des systèmes numériques comme dans l’étude de Portanova. En échange, elles mettent en scène le corps comme support physique du mouvement. Cvejic insiste +sur la manière dont la relation entre le corps et le mouvement est rendue impersonnelle, \textit{dé-subjectivé}, mais aussi \textit{dé-objectivé} sur la base de celle qu'elle définit comme une perturbation délibérée entre sujet et objet. Pour elle, la subjectivation traite le corps comme une source d’expression de soi. Ainsi par le mouvement jaillit l’envie du corps d’exprimer son expérience émotionnelle intérieure. A l’inverse, l’objectivation restreint le corps à un simple instrument d’articulation physique, dont le mouvement se fait ``en” et ``pour” lui-même. La chercheuse nous introduit au \textit{concept deleuzien de reconnaissance} où le corps et le mouvement se situent dans des relations d’interdépendance. L’identité subjective du danseur est reflétée et représentée +dans l’identité objective du mouvement. Comprendre les facteurs qui facilitent ce processus de symbiose, nous aide à mieux définir un corps en mouvement. Déconstruire le corps humain sur scène signifie également donner l'impression d'une multiplicité de corps à partir de ses membres. Par le fait d’éviter l’unification d’une seule figure reconnaissable dans sa forme et son image, le corps est objectivé. Comme +Cvejic le souligne dans son livre, partitionner le corps pour recomposer ses parties dans un processus de devenir, laisse apparaître des nouveaux corps différents et méconnaissables. Cette volonté d'effacer le corps, de le déconstruire, anticipe l'apparition des autres corporéités, non-humaines et artificielles sur le plateau. + +En ce qui concerne mon contexte particulier de spectacles avec des robots, je rajoute une dimension dans la dialectique corps-mouvement. Le corps en mouvement doit être en symbiose avec la machine. Là où les danseurs réalisent une synthèse entre leurs corps et le mouvement (ou ils accordent leurs corps à un mouvement spécifique), les machines deviennent la structure qui oriente cette symbiose dans le temps et l'espace. Le robot détermine comment les corps bougent sur un plateau, bien que souvent nous sommes encouragés de croire le contraire. Cette objectivation opère à plusieurs niveaux, physique et phénoménologique, avec pour seul indicateur l’expressivité humaine qui compense là où la machine n'arrive pas (encore) à s'exprimer. Dans l'optique de Cvejic, les philosophes Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps réorganisés, comme un processus perpétuel: +\begin{quote} +``Les objets fragmentés ne dérivent qu'en apparence des personnes(sujets) entiers; +ils sont en réalité produits en étant prélevés d'un flux ou d'une matière non personnelle, avec laquelle ils rétablissent le contact en se re-connectant à d’autres objets fragmentés\footnote{en version originale: ``Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves to other partial objects.”.}” +\cite{cvejic2015disjunctive} + +\end{quote} + + +Cette perspective de la fragmentation perpétuelle, peut représenter un véritables impasse chorégraphique sur le plateau. Pour illustrer, Cvejic évoque le spectacle \textit{Nvsbl}(2006) d’Ester Salomon. L'artiste hongroise met en scène quatre performeuses gravitant à partir de quatre coins de la scène vers le centre- parcourant 5,5 mètres pendant une période d’environ 80 minutes. La trajectoire qu’elles effectuent est si alambiquée et prolongée dans la durée que ni les spectateurs, ni les interprètes n’arrivent à saisir complètement le déplacement dans l’espace. Alors que les spectateurs peuvent enregistrer la transformation rétrospectivement - en détournant le regard puis en regardant en arrière pour vérifier s’il y a eu un avancement, cette expérience reste en dessous du seuil de perception. + + +Pour parler de sa démarche, Salomon cite à son tour la critique d'art Peggy Phelan pour qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement pendant le temps de la représentation: +\begin{quote} +``La vie d'une performance réside seulement dans le présent. Une performance ne peut pas être sauvegardée, enregistrée, documentée; elle ne peut pas participer d’une autre manière à la circulation des représentations de représentations : une fois que cela se produit, elle devient autre chose que de la performance\footnote{en version originale:``Performance's only life is in the present. Performance cannot be saved, recorded, documented, or otherwise participate in the circulation of representations of representations: once it does so, it becomes something other than performance.”.}” +\cite{phelan2003unmarked} +\end{quote} + +Pour créer \textit{Nvsbl}, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre antérieur. Comme le souligne Cvejic, tous les paramètres par lesquels le mouvement est habituellement perçu et reconnu sont suspendus lors de cette représentation. Aucun élément corporel ne peut être distingué comme initiateur du mouvement, puisque chaque performeuse est impliquée dans un mouvement perpétuel qui opère à son intérieur. Certains chercheurs\cite {royo2016mit} évoquent le concept de regard oscillatoire, en anglais \textit{oscillating gaze}, pour faire référence au mouvement d’attention qui sollicité le spectateur pour regarder différemment ce que se déploie devant ses yeux. Lors de cette expérience, des nombreuses parties du corps s’engagent simultanément dans un processus de dépliage des formes, pour devenir objet. Performeur et spectateur vivent ce processus différemment, mais saisissent ses enjeux de la même manière. + +Une analogie plus simple fait référence à la manière d'employer des objets ou dispositifs non technologiques sur un plateau. Cvejic prend comme exemple le spectacle \textit{It’s in the air}(2008) par Ingvartsen and Jefta VanDinther dont il est question de réinventer le corps et ses limites dans un contexte où les lois physiques sont transgressées. Ce spectacle où un homme et une femme performent sur deux trampolines géantes, s’organise autour de plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de +la personne qui subisse le rebond: +\begin{quote} +``Nous ne cherchons pas à savoir ce que nous pouvons faire sur un trampoline, mais plutôt ce qu'un + trampoline peut faire pour nous. En utilisant les trampolines comme contrainte pour + la production du mouvement, nous nous forçons à reconsidérer tout ce que nous savons +sur le corps dansant: en relation avec le poids, la forme, la gravité, la direction, le rythme +et la composition\footnote{en version originale: ``We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a trampoline can do for us. By introducing the trampolines as a resistance +to the movement production, we force ourselves to reconsider everything we know +about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm +and phrasing.”.}” +\cite{cvejic2015disjunctive} +\end{quote} + +Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon d'un étude de mouvement de Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et +mécanique, en compétition avec la gravité. Sa dé-subjectivation en relation avec des trampolines, montre comment des dispositifs techniques moins complexes que les robots peuvent nous interpeller tout autant. + + + +\subsection{Déconstruire la corporéité des robots qui performent} + +Dans notre contexte particulier de la danse, analyser les changements dans la conception et la configuration des projets, interroger les nouvelles formes de corporéité, nous aident à mieux évaluer nos possibilités d’interaction physique avec des robots lors d’une performance. En suivant l’évolution des principes concernant la notion d'incorporation (embodiment)\cite{clark1998being}, \cite{dautenhahn2002csr}, \cite{ziemke2013s}, \cite{ziemke2016body}, les artistes s'inspirent de ces principes pour créer des formes d'art hybrides. + +Au cours des dernières décennies, des chercheurs dans différents domaines de la robotique(notamment la robotique cognitive mentionné auparavant) ont étayé l’importance du mouvement dans la mise en place des interactions avec les robots. Pour la grande majorité d’entre eux, le contrôle optimal est le facteur clé pour améliorer tout travail collaboratif homme-robot. Leur objectif est de générer des commandes motrices adaptées à plusieurs contextes et contraintes. Certaines études mesurent l’effet de l’imitation sur le HRI, alors que d’autres se concentrent sur l’improvisation et l’apprentissage par renforcement. A notre échelle, cette thèse en recherche-création s’attache à comprendre comment la perception du mouvement peut augmenter le sentiment de complicité avec les systèmes artificiels. De manière large, elle interroge la façon dont le comportement et plus particulièrement le mouvement (qu'il soit dansé ou simple geste quotidien) en relation avec des robots, augmentent la créativité et la capacité d'improvisation, concepts que nous allons aborder dans les prochains chapitres consacrés aux observations pratiques de nos expérimentations. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_heart-robot} + \caption{\textit{Heart Robot} (2009), un projet de David McGoran. Source photo:https://journals.openedition.org/gradhiva/2335} + \label{fig:abderheart-robot} +\end{figure} + +Pour programmer des robots qui dansent, trouvons d'abord des analogies entre les symboles abstraits des programmateurs et les signaux physiques des corps en mouvement. Selon le roboticien Jean-Pierre Laumont, ``un mouvement est perçu par les autres dès son achèvement dans l’espace physique”\cite{laumond2016dance}. Pour lui, toute analyse du mouvement humain qui peut être transmise aux robots, se concentre sur la relation entre l’espace physique et l’espace corporel. Les roboticiens sont confrontés à ces questions quand ils modélisent un espace physique comme l'\textit{espace opérationnel} dans lequel les actions du robot sont exprimées, alors que \textit{l’espace du corps} est, pour eux, l’espace de contrôle ou l’espace de configuration du système robotique considéré. Leur travail se concentre sur la prise en compte des informations cinématiques d’un mouvement tout comme sur les informations dynamiques - par exemple les forces de contact avec l’environnement lors d’un mouvement. La dynamique permet entre autres, de contrôler la stabilité du robot pour générer des mouvements fluides et sûrs. Comparativement à la biomécanique, qui permet d’affiner l’interaction du corps humain avec son environnement, la dynamique est un critère important pour observer la qualité d’un mouvement et mesurer sa performance. Ainsi les humains, comme les animaux, utilisent des forces de contact pour générer du mouvement et se tenir debout face à la gravité. Pour cela, ils effectuent des tâches complexes où ils adaptent leur corps à l’environnement de façon spontanée. La communauté scientifique à formalisé ces propriétés innées dans la théorie des primitives de mouvement dynamique\cite{saveriano2023dynamic}, ou en +anglais \gls{Dynamic Movement Primitives} (DMP). Pour programmer des mouvements similaires dans un robot qui danse, il faut décomposer sa séquence dans une série de mouvements élémentaires, basée à son tour sur des primitives de mouvements dynamiques. Lorsqu’il s’agit de modéliser les processus psycho-somatiques ou les émotions qui déterminent une danse, les choses deviennent en général plus compliquées. Des avancées en neurosciences s’intéressent à ce type de défis et j'ai pu découvrir quelques travaux robotiques dans ce sens\cite{damiano2020emotions, stock2022ijsr}. + +De façon pratique, chaque mouvement peut être modélisé sous la forme d’une équation mathématique qui respecte les lois physiques. Cette équation est à son tour traduite en langage de programmation. Des modèles mathématiques susjacents à l’analyse de la dynamique du mouvement humain correspondent à des modèles descriptifs basés sur une multitude de variables mécaniques. Dans ce sens, les équations de mouvement ont une terminologie spécifique, selon leur domaine d’utilisation. De façon générale, elles décrivent le mouvement d’un objet physique selon les lois de la mécanique newtonienne. Ce mouvement peut être représenté sous la forme de coordonnées sphériques, cylindriques ou cartésiennes. Il comprend l’accélération de l’objet en fonction de sa position, de sa vitesse, de sa masse et les variables connexes. \smallskip + +Toujours selon Laumond, une équation de mouvement en robotique est définie comme un moyen de comprendre la relation qui varie entre le temps pour un mouvement spécifique, le moment des forces appliquées sur l’environnement et les forces générées par les muscles et transmises par couples articulaires. Pour les humains, la capacité de combiner et d’adapter des unités de mouvement de base en tâches complexes, se produit par la coordination entre des muscles et des articulations. Puisque le corps humain dispose d’approximativement 700 muscles, 360 articulations et 206 os\cite{tozeren1999human}, le même mouvement peut être réalisé en activant différentes parties du corps. Définir le mouvement à partir des multiples stratégies possibles dévient encore plus compliqué lorsque nous prenons en compte la spécificité de chaque individu. Cette spécificité est souvent observée lors des séances d’éducation somatique comme le Feldenkrais où l’intuition et le ressenti du praticien comptent plus que les statistiques et les équations mathématiques des scientifiques. Néanmoins une fois une hypothèse émise, elle doit être vérifiée scientifiquement pour pouvoir être validée et acceptée par la communauté scientifique. C’est en cela qu’un travail intuitif et instinctif en danse contemporaine est à ce jour difficilement transposée en robotique. + + +En fonction des mesures disponibles et de la partie du corps qui initie le mouvement humain, différentes approches peuvent être envisagées. Certaines chercheurs se concentrent seulement sur le mouvement des extrémités ou du torse, ce que correspond au \gls{task-space} ou l’espace des tâches en robotique\cite{kajita2014springer}, \cite{bouyarmane2018quadratic}. +En effet, la plus grande partie du corps humain est le torse; représentant en moyenne 43\% du poids corporel total alors que les cuisses, le bas des jambes et +les pieds constituent les 37\% restants du poids total - suivis par les membres supérieurs (13\%) et la tête et le cou (7\%)\cite{tozeren1999human}. +Pour les mouvements courants, ces primitives ont l'origine dans notre inconscient et sont pour la plupart des gestes automatiques ou des mouvements réflexes. +Hubert Godard fait appel au concept de pré-mouvement comme langage non conscient de la posture, pour expliquer ce type de mouvement: +\begin{quote} + ``Tout un système de muscles dit gravitaires, dont l’action échappe pour un grande part à la conscience vigile et à la volonté, est chargé d’assurer notre posture; ce sont eux qui maintiennent notre équilibre et qui nous permettent de nous tenir debout sans avoir à y penser. Il se trouve que ces muscles sont aussi ceux qui enregistrent nos changements d’état affectif et émotionnel. Ainsi, toute modification de notre posture aura une incidence sur notre état émotionnel, et réciproquement tout changement affectif entraînera une modification, même imperceptible, de notre posture.”\cite{ginot1998danse} +\end{quote} +A partir de ces postulats théoriques(task space, équations de mouvement, pré-mouvement), j'ai voulu commencer mes propres explorations. Les bras sont la partie de mon corps que je connais le mieux, alors une chorégraphie inspirée par cette partie de mon corps, a peu à peu fait son chemin dans mon imaginaire. Cependant les ressentis acquis à travers des pratiques somatiques sont difficilement traduisibles en robotique. C'est en cela que trouver les notions équivalentes entre neurosciences et pratiques somatiques, représente une clé pour transposer ces concepts dans la robotique. + +Pour illustrer, je mentionne l’expérience du neurologue américain Benjamin Libet (1916-2007) cité par Chalmers dans le chapitre précédent sur la conscience. Liebt a étudié les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu\cite{libet1993brain}. Plus spécifiquement, il a organisé une expérience où il demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, +ils doivent regarder une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter leur mouvement de doigt. +Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \gls{readiness potential} ou potentiel de préparation - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale correspondante au mouvement. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons. Les travaux de Liebt sont au cœur des débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser ce potentiel de préparation, modéliser ce que c'est la conscience reste encore un projet en cours. +Évidement cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Tout cela engage des multiples scenarios de négociation entre les processus et calculs internes et les actions directes: +\begin{quote} + `` + la véritable clé pour comprendre l'incorporation réside dans l'interaction entre les + processus physiques et ce que nous pourrions appeler des processus informationnelles ou d’information. + Pour les agents biologiques, cela représente le lien entre les actions physiques et les processus neuronales – ou, d'une façon plus informelle, entre le corps et le cerveau. Le + équivalent dans un robot serait la relation entre les actions du robot et ses + programmes de contrôle\footnote{en version originale: ``the real importance of embodiment comes from the interaction between physical + processes and what we might want to call information processes. In biological + agents, this concerns the relation between physical actions and neural + processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The + equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its + control program.”}.”\cite{pfeifer2006mit} +\end{quote} + + +Pour illustrer cela, \cite{pfeifer2006mit} font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Cela avance l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas seulement dans le cerveau. + +Dans notre contexte, une approche moins compliquée est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps réel dépend de la fréquence d’enregistrement des données. Les roboticiens utilisent des techniques de \gls{motion capture} ou MoCap, combinées à des technologies comme le \textit{Learning from observation paradigme\cite{nakaoka2007learning}} qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la cinématique inversée ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la dynamique inversée de l’espace opérationnel\cite{ramos2015dancing} ou OSID. L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. + +Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui lui limite les possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS que nous allons présenter dans la partie pratique de notre recherche-création, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement inspirer la communauté artistique.\smallskip + +En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain rencontre l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID développé par le Laboratoire de recherche spécialisé dans l’analyse et l’architecture des systèmes (LAAS) à Toulouse. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de reconnaître un ami de longue date. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_laas} + \caption{Captation de la performance au LAAS. Source photo: https://www.dailymotion.com/video/xvl4lo} + \label{fig:abderlaas} +\end{figure} + + +Une fois interpellé, le robot a attendu quelques secondes -probablement dû au délai de traitement de l’information- avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de +l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée et consciente, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé pour répondre à un comportement spécifique.\smallskip +Dans\cite{nakaoka2011synthesiology} Nakaoka et al. avancent l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une technologie de contenu innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques ont été influencés par le feedback des utilisateurs en phase test, afin de mieux comprendre leurs attentes. Lors de cette expérimentation, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, en utilisant l’interface \gls{Choreonoid} pour programmer les mouvements. Tout en mettant en œuvre des mouvements de danse d’un chorégraphe apprécié par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités d'expression corporelle propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la perfection un humain. Tout ceci est évidement loin des projections concernant la spécificité des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront à étudier de plus prêt ce phénomène. + + +Dans \textit{Les corps multiples d’une machine performative}\cite{demers2016multiple} Louis Philippe Demers utilise le terme de ``machine performative” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une ``saveur de vivacité”. Pour lui, les expérimentations artistiques up-close\cite{demers2019up} avec les robots relèvent les défis concernant l’embodiment. Dernièrement, grâce à des concepts comme le ``body- schema\cite{johnson2008makes, de2021body, iscen2014body}” il est possible d'implémenter toute une série d'interactions close-contact. Ces concepts empruntés des sciences cognitives ouvrent des nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art hybride.\smallskip + +Le domaine de Human-Robot-Interaction ou HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en +œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de classification hybrides multimodaux et de l’apprentissage robotique interactif\cite{yu2021robot}. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. Au lieu d’exécuter des mouvements préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet\cite{bouyarmane2018quadratic} pourraient également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent des techniques de \gls{reinforcement learning} sont actuellement en cours de développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux et comportements afférents, tout en interagissant avec les humains. + +\section{Différents formats de présentation} + +Sur scène, les interactions avec les robots s'orientent rarement vers un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition sur la scène artistique: l’\gls{art robotique}. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à +leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Je clôture donc cette partie des principes théoriques interdisciplinaires avec une synthèse d'art robotique. +Pour cela, je vais d'abord mentionner quelques dispositifs maladroits des années 1980, suivis par des expériences bioniques avec des exosquelettes une décennie plus tard, puis des bras robotiques industriels et des humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près +l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique, +qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour +élargir et réinventer ses directions. + +A ce stade de notre enquête sur les projets artistiques avec des robots, nous pouvons pressentir le rôle de l’art robotique dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation avec les machines. Il est intéressant d’investiguer dans quelle mesure cela peut devenir un miroir qui reflète des spéculations transhumanistes, ou une forme d'opposition à celles-ci. Actuellement des roboticiens, des artistes et des neuroscientifiques travaillent pour établir les prémisses d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres que nous avons sélectionnées informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. + +Si la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots +sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans +notre vie quotidienne et nos cultures. La technologie est essentielle pour +définir ce que les humains sont, du moins dans notre tradition occidentale, où +la convergence entre l’homme et la machine est à la fois séduisante et +repoussante. En contrepartie, la culture japonaise entretient une certaine +distance avec la technologie, expliquant pourquoi les robots sont moins +problématiques là-bas, et comment ils ont été apprivoisés\cite{kaplan2004ws} avant d’être intégrés dans la société. En observant différents formats et expériences artistiques, ce qui m’intéresse est de comprendre comment les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée, avant leur +industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. Ainsi c'est important de noter que cette sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien avec la scène et la danse. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. Puisqu'il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la manière dont l’art robotique doit être évaluée, cette synthèse est parfois complétée par les retours artistiques des auteurs ou les archives des processus de création et de réception. Le format des œuvres va des sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé inclure également les +apparitions dans le média où des robots se présentent comme maîtres spirituels\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=RH3Yk1spxtk} ou artistes pour voir comment le rapport à la scène est influencé par ce statut publique. +De cette manière une caractéristique importante de cet étude, repose sur +l’hypothèse que les interactions homme-robot dans un contact rapproché ou \textit{close-contact}, au travers l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques\cite{dahiya2009tactile}, \cite{silvera2015artificial}, peut améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs qui ont influencé le développement de l’art robotique. Pour argumenter ce processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres +sélectionnées a facilité des découvertes en robotique sociale. Puisque les +projets artistiques impliquant les robots ont été soumis à des contraintes +technologiques (i.e. choix de matériaux influençant le message de l’œuvre +d’art), je regarde comment ceux-ci sont considérés tout au long des processus de +création et comment ils ont été mis en scène. + + + +\subsection{D'où viennent les robots} + + +L’histoire de la robotique est étroitement liée à celle de l’art\cite{stephens2016we}, le design des robots s'est inspirée de la sculpture anthropomorphe et la marionnette, puis des effets cinématographiques. Lorsque nous pensons à des robots, nous imaginons des dispositifs intelligents, autonomes du point de vue de l’alimentation, programmés pour ressentir et interagir avec nous et l’environnement. En contrepoids, l’art veut faciliter l’accès à une dimension sensorielle de notre existence. D’une manière prédictible, la définition de chacun de ces termes- art ou robotique- est soumise à des évolutions permanentes, prouvant leur importance dans les préoccupations courantes de notre société. Interroger ces transformations dans le contexte de l’art robotique, permet de comprendre leurs trajectoires d'évolution dans les prochaines années. + + +Pas si loin du monde de l’art, la fascination pour des artefacts et des machines qui pourraient éventuellement devenir vivants, a longtemps peuplé les rêves des humains. Quelques-uns de ces artefacts- les automates- ont été identifiés par des chercheurs\cite{bedini1964role} comme vecteurs du développement technologique de nos sociétés. La définition du terme implique l’existence des dispositifs mécaniques qui se déplacent de manière autonome sans être directement manipulés par des humains. Remontant l’histoire pour identifier +leurs origines, nous remarquons l’existence d’appareils mécaniques mobiles +autonomes à Alexandrie vers le IVe siècle av. J.-C. ainsi l’utilisation des +gardiens robotiques automatisés en bois, conçus à l’époque du roi indien +Ajatasatru de Magadha un siècle plus tard. Quelque temps plus tard, le +polymathe Ismail al-Jazari - suronmé ``le père de la robotique” parmi les +roboticiens d’aujourd’hui - a construit plusieurs automates humanoïdes pendant +la période islamique du XIIIe siècle. Trois siècles plus tard Léonard de Vinci +aurait présenté à la cour de Milan son chevalier mécanique\footnote{https://www.leonardodavinci.net/robotic-knight.jsp}. Dès le XVIIIe +siècle, Jacques de Vaucanson présente lors des salons et des expositions +privées, des inventions comme son célèbre ``joueur de flûte” avec des poumons +artificiels, ainsi que un canard qui pouvait manger, déféquer et flotter sur +l’eau comme son double animal\cite{riskin2003defecating}. +Selon\cite{byrd2012man}, \cite{riskin2003defecating}, Vaucason aurait même été +mandaté par le roi Louis XV pour construire secrètement un androïde de taille +humaine vraisemblable dans les plus petits détails à des fonctions biologiques +du corps humain - respiration, circulation, digestion, mouvement. Compte tenu +des limitations techniques et matérielles de cette période, ce projet a +malheureusement dû échouer. Vers la même époque, Wolfgang von Kempelen trompe +son public en cachant un vrai humain dans son automate joueur d’échecs appelé +\textit{Le Turc}, en invitant les nobles à défier les capacités +intellectuelles de sa machine. Un siècle plus tard, des inventions pratiques +des frères Lumière tells le phonographe ou le cinématographe confirment +l’intérêt des spectateurs pour un goût du spectacle inspiré par la science, +mettant en avant des machines ressemblant à des humains et éventuellement des +robots. La différence entre les automates et les robots sociaux, +indépendamment de leur utilisation ou de leur forme, est que les premiers sont +des artefacts uniques, créés à la main\cite{reilly2011automata} alors que les +derniers sont produits en masse, de façon automatisée. + + +Au début du XXe siècle, l’écrivain tchèque Karel Capek écrit \textit{R.U.R.- +Rossumovi Univerzalni Roboti} (Les Robots Universels de Rossum) - une pièce de +théâtre sur des créatures artificielles travaillant en usine. Ces créatures +appelées \textit{roboti} étaient facilement confondus avec les humains en +raison de leur forme et de leurs capacités. Conçus pour remplacer le travail +humain, ils apparaissent capables de réfléchir par eux-mêmes. D’abord +heureux de travailler pour les humains, ils finissent par prendre conscience de +leur état et décident de se rebeller. Lorsque ils comprennent que cela peut +potentiellement provoquer leur propre extinction\cite{dixon2004metal}, ils changent de +perspective et décident de sauver l’avenir de l’humanité. Le texte gagne +rapidement en notoriété et est traduit dans plus de trente langues à la fin du +1923\cite{reilly2011automata}. Le terme robot\cite{hockstein2007history} est désormais employé pour désigner des androïdes et des automates (``robota” signifiant travail forcé en tchèque). +Le nom du créateur des robots - Rossum\cite{philmus2001matters} - pourrait renvoyer au mot tchèque +rozum signifiant raison, sagesse ou bon sens. Dans cette interprétation, les créatures de Capek correspondaient à des êtres inférieurs capables d'apporter de la raison aux humains. Aujourd’hui, les interactions avec les robots et leur impact à long terme sur nos vies\cite{shaw2009looking, shaw2011loving} sont en pleine expansion. Les applications robotiques\cite{thrun2004toward} impactent des domaines comme la médecine, l’aéronautique, le militaire. +Un siècle auparavant, \textit{R.U.R.} a été diffusé dans le monde entier, produisant différentes réactions parmi ses spectateurs. Au Japon, le spectacle a été présenté en 1924 sous le titre de +\textit{Jinzo Ningen} traduit par \textit{L'Homme Artificiel}\cite{robertson2007robo}. Quatre ans plus tard, Makoto Nishimura- un biologiste marin sans aucune connaissance préalable en mécanique ni en +ingénierie - décide de construire de toutes pièces une créature autonome +équivalente, baptisée \textit{Gakutensoku}. Ce terme signifie littéralement \textit{apprendre +des règles de nature} en contrepoids avec les interprétations des médias de l’époque. Ainsi naît le premier robot fabriqué au Japon, selon son créateur ``le premier membre d’une nouvelle espèce, +dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine en +élargissant nos horizons intellectuels”\cite{frumer2020short}. Gakutensoku devient notre premier exemple sur la façon dont les robots pourraient devenir un jour une espèce à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de \textit{conscience artificielle}. Comme déjà mentionne dans les pages antérieures, cette thèse analyse les ``pour” et les ``contre” d’une telle projection, avec la scène comme terrain idéal pour des expérimentations. + + +\subsection{La fascination pour l'art robotique} + +Au début du 20ème siècle, les artistes s'intéressent à la cinétique et les +sculptures en mouvement. Après que le public s'habitue aux machines de Jean Tinguely\cite{stephens2016we} et de Marcel Duchamps\footnote{https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/dS9Z3Wr}, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’œuvre \textit{Robot K-456} (1964) - désigné aujourd'hui comme le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique. Son nom vient de l’œuvre de Mozart \textit{Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si bémol majeur}, témoignant des point d'accroche entre la musique et la robotique. Ce prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par Shuya Abe\cite{vidal2012robots} pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New York. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_K-456} + \caption{Robot K-456. Source photo: Friedrich Christian Flick Collection in Hamburger Bahnhof, Berlin} + \label{fig:abderk-456} +\end{figure} + +Lors de son apparition publique, le robot K-456 a marché dans les rues de New York pour diffuser l’enregistrement du discours du président John F. Kennedy. Il a également été impliqué dans une série d’actions type happenings, comme celle dans laquelle il fait semblant de déféquer devant des passants. Célèbre par à son utilisation de la vidéo parmi les médias de l’époque, Paik crée également une œuvre où le chorégraphe Merce Cunningham est dédoublé en train de danser sur une toile graphique. Cette œuvre intitulée \textit{Merce by Merce by Paik} (1973), anticipe l’impact des moyens technologiques sur la perception humaine. Paik nous fait perdre le focus de la perception du mouvement dansé, en +jouant avec l’environnement qui contient le danseur \cite{portanova2013moving}. Vingt ans plus tard, le robot K-456 prend part à une simulation d’accident intitulée \textit{La première catastrophe du 21e siècle}. Cette fois une voiture conduite par l’artiste Bill Anastasi\cite{pullen2018whimsical} lui rentre dedans en +traversant la route. Dans ce premier exemple, nous soulignons l’intention de +l’artiste de provoquer des interactions physiques et de donner l’illusion des +processus physiologiques propres au robot, similaire au canard de Vaucanson. Les +spectateurs de cette performance assistent à une rencontre entre deux machines +où un robot actionné par un humain (la voiture) heurte un autre. Leur rencontre +conduit à la destruction du premier, projetant, sans probablement vouloir, une +relation de confrontation entre des humains et des robots qui +combattent pour dominer la race humaine. Ce scénario menaçant des robots +destructifs a été réitéré tout au long des années suivantes. Lors des +représentations données par Survival Research Laboratories, des machines +à grande échelle rivalisent pour s’entre-détruire\cite{ballet2019survival,stephens2016we}. A la même époque, +les artistes Bill Vorn et Louis Philippe Demers dépeignaient les robots comme +des animaux sauvages se contestant un cube de métal (qui représente un morceau +de viande) dans \textit{Au bord du chaos} (1995). Deux ans plus tard, Eduardo Kak est littéralement connecté à un robot, à travers une aiguille intraveineuse qui transfuse son propre sang à la machine. Cette performance intitulé \textit{A- positif} (1997)\cite{kac2001origin} allume avec l’oxygène de l'artiste, la flamme d'un dispositif électronique qui fait partie de l'installation\footnote{http://www.ekac.org/apositive.html}. +L’acte pourrait être interprété comme une métaphore pour alimenter la machine, +la nourrir du sang de l'humain. Cela peut aussi signifier une tentative d'humaniser la machine, comprendre +comment sa réalité physique peut transgresser les lois biologiques du +vivant. Cette association de sang et de métal, du vivant et de l’artificiel, à +son origine dans la littérature du début de 19e siècle alors que des écrivains +comme Mary Shelley, préconisent ce que les chercheurs ont depuis identifié comme +le \textit{syndrome de Frankenstein}\cite{nomura2012social, kaplan2004ws}. +En analysant les facteurs qui influencent l’acceptation des robots humanoïdes, les chercheurs travaillent pour mieux expliquer nos attentes envers ceux-ci. Bien avant que la science les réalise, des projets cinématographiques\cite{alesich2017gendered, geraci2007robots} mettent en scène des humains artificiels. Depuis des études sociologiques\cite{nisbet2002knowledge, sundar2016hollywood} +[61], [62] examinent comment l’attitude envers ces robots est influencée par +leur antériorité et popularité dans le média. Bien que certains artistes +expulsent des pulsions morbides dans leurs projets d’art robotique, d’autres se +concentrent sur des émotions moins destructrices. Une approche originale est +d’utiliser l’ennui et l’épuisement comme forme de résistance face aux capacités +infinies de la machine. L’œuvre \textit{Helpless Robot} (1987) de Norman White décrite dans l'anthologie\cite{wilson2002mit}, traite de ces questions d'une façon anecdotique. +Après presque un décennie des recherches, White développe des robots +capables de ce qu’il définit comme de ´´la santé mentale artificielle” et dans +une certaine mesure des ´´robots antisociaux”\cite{dixon2004metal}. Avec le sentiment de +l’ennui comme point de départ, il construit un robot qui suit les gens présents +à sa performance. Ce robot soupire de temps en temps puis s’arrête lorsque +quelqu’un lui donne trop d’instructions. La prochaine version est un tronc +pyramidal d’environ 2m de haut, ´´conscient” de son propre mouvement et du +mouvement autour de lui. Ce robot s’arrête pour demander aux visiteurs de le +tourner dans un certain sens, étant capable d’exprimer pas moins de 512 instructions vocales\cite{stephens2016we}. Après qu’un humain réponds à cette requête, le robot se plaigne en disant que le virage devrait être plus précis, obligeant le visiteur d'ajuster son emplacement encore et encore. +Il est important de souligner que l’interaction physique entre le robot et l’utilisateur est initiée dans ce cas par le robot. D’autres expérimentations artistiques, comme par exemple \textit{Heart +Robot} (2008) de David McGoran décrit dans les pages suivantes, s’appuient sur +un constat similaire. Les robots qui demandent de l’assistance à des humains\cite{jenkins2009is}, +ont plus de chance d’engager un contact physique avec eux et peut-être d’être ´´acceptés” dans la société. Plus tard, Norman White participe à une collaboration avec sa collègue artiste Laura Kikuka. L’œuvre, intitulée \textit{Them fucking robots}\cite{wilson2002mit} (1988), met en place une performance live où deux robots +-mâle et femelle- simulent une relation sexuelle avec des voix enregistrées, des +pistons et des fluides mécaniques pour caricaturer une forme de copulation +biologique. Les deux artistes se sont mis d’accord sur les spécifications techniques +(comme la taille des robots) en travaillant à distance. Je note ici l’utilisation du thème de la +sexualité comme prétexte pour provoquer et éventuellement amuser le public. Les +robots n’exprimant ni des traits humains érotiques, ni de la séduction. Le titre +de la performance est proche d’un ´´jeu de mots dénonçant un cri de sectarisme +contre une minorité déjà détestée”\cite{dixon2004metal}. Même type de promiscuité chez Marcel Li +Antunez Roca dont le premier travail intitulé \textit{Epizoo} (1994), met en scène +un interprète dont le corps est resté à la discrétion des spectateurs. Ainsi son +nez, ses fesses, ses pectoraux, sa bouche ou ses oreilles sont contrôlés en live +sur le plateau, via un exosquelette pneumatique. Vêtue uniquement d’un string, +Roca se tient debout sur la plateforme circulaire tournante de sa performance, +tel un cobaye. Pendant ce temps son corps et ainsi les quelques éléments +scéniques (lumière, son) sont contrôlés à distance par les spectateurs. De +même, en utilisant les écrans d’ordinateurs, des parties de son corps nu +seraient rassemblées et projetées dans une imagerie fétichiste. Cela conduit finalement au +développement d’un des concepts clés de Roca - ´´la méta-membrane”\cite{bosco2009metamembrana} où + l’artiste est transformé en une interface entre l’œuvre d’art et son +public, grâce à la technologie. Membres d’une scène artistique émergente qui +veut couper les traditions, afin d’y établir un nouveau courant, Antunez Roca et +Kac résument leurs idées dans un manifeste\cite{kac1997marcel} où ils déclarent entre autres +que ´´les microprocesseurs sont aussi importants dans l’art robotique que les +brosses, peinture, et les toiles le sont en peinture”\footnote{http://marceliantunez.com/texts/robotic-art-manifest/}. Faisant référence à ces +projets artistiques, Dixon emploie les termes de ´´camp art” et de ´´´performances +métalliques” pour définir une sub-catégorie de l’Art Robotique spécifique des +années 80 et 90, où la chair et la mécanique se mélangent dans des associations +kitsch. Ces œuvres d’art provocatrices et parfois violentes soutiennent que +´´l’humanisation des machines et la déshumanisation des humains” sont +implacables, avant de prôner un retour à la nature salvatrice\cite{dixon2004metal}. C’est +important de noter qu’à ce stade de l’expérimentation, la fascination humaine +pour la technologie est étroitement liée à un sentiment indéfini d’impuissance +traduit par la moquerie, la promiscuité ou la violence. Une tentative de +transformer ces peurs et fascinations en quelque chose de plus +concret, l’œuvre \textit{Petit Mal} (1995) de Simon Penny met en scène un robot +complètement autonome. Ce robot va sentir et explorer son espace tout en +suscitant des réactions ludiques chez les visiteurs\cite{penny2015emergence}. L’objectif de Penny +est de donner l’impression d’une intelligence et d’un comportement spécifiques +qui n'est ´´ni anthropomorphes ni zoomorphes, mais propre à sa forme physique +et nature électronique”\cite{penny2016improvisation}. Cela donnait évidement l’impression d’être plus +intelligent qu’il ne l’était en réalité. L’artiste a créé un robot capable +d’imiter le comportement humain, soulignant l’importance de ce qu’il définit +comme \textit{un mimesis dynamique} - le robot se déplaçant comme les humains, sans +avoir réellement une forme humaine. Sur son site, Penny décrit \textit{Petit Mal} comme +un ´´anti- robot” dotée d’une autonomie d’environ 12 heures, ce qui représente +beaucoup compte tenu de l’époque de sa construction. Pour le construire, +l’artiste utilise le modèle d’un double pendule comme générateur de mouvement +auquel il rajoute des mouvements hésitants et des petits gestes pour renforcer +l’idée d’autonomie et de libre arbitre. Penny remarque également que parmi tous +les utilisateurs, les jeunes enfants seraient extrêmement curieux de le +connaître, tandis que les adolescents agissent de façon indifférente\cite{penny2015emergence}. + +Dans une autre approche, l’artiste japonais Momoyo Torimitsu performe \textit{Miyata Jiro} +(1997) dans les rues de New York\cite{kroker2013toronto}. Habillée en infirmière, l’artiste assiste +un robot humain représentant un d’homme d’affaires. Ce qui choque les +passants est que le robot rampe sur son ventre tandis que l’infirmière le suit +pour remplacer de temps en temps les batteries qui l’alimentent, pour +l’anecdote des batteries de motocyclette stockées dans les fesses du robot. Ce +robot basique a un mécanisme de déplacement assez simple mais à cause de son +apparence réaliste, provoque un sentiment de malaise en sa présence\cite{mori2012ram}. +Encore une fois, l’interaction physique robot-performer est facilitée par la +mise en scène du robot dans une position de vulnérabilité par rapport à +l’humain. Cette fois le message artistique s’adresse aux humains, qui par leur +addiction au travail, ´´s’automatisent”. Pareil aux exemples de \textit{Robot K-456} ou +\textit{Petit Mal}, je souligne la présence du robot dans les rues, dans l’espace +public, à la place des musées (où le robot serait davantage contemplé) ou du +laboratoire (où le robot serait un simple outil de recherche pour des tâches +industrielles). +Des champs comme la robotique développementale mentionnée dans le 2eme chapitre, se concentrent sur +la façon dont les robots sont perçues dans des environnements complexes. En comparaison avec un laboratoire, la personne qui interagit avec le robot dans une école ou un hôpital ne remarquera pas ses limites techniques, étant plutôt préoccupée par son comportement social\cite{sabanovic2006iwamc}. + +Autour de la première décennie du 21e siècle, des chercheurs avancent l’hypothèse qu’environ 55\% de la communication humaine est basée sur du comportement non-verbal\cite{littlejohn2009sage}. Bientôt, les artistes deviennent +intéressés par les robots et les machines qui ´´s’expriment” à travers des +mouvements et des gestes à la place des signaux sonores. Comme mentionné +précédemment, \textit{Heart Robot} (2008) marque une transition dans la façon dont les +robots sont présentés dans l’espace publique. Cette fois, les machines bruyantes +et métalliques sont remplacées par une petite marionnette hybride capable de +toucher et être touchée. Marionnettiste lui-même ainsi que roboticien, Goran met +au défi la perception culturelle des robots grace aux émotions artificielles et +à l’intelligence sociale. Son robot ne peut pas marcher mais présente une forme +de respiration (simulée par un affichage LED sur sa +poitrine) et des clignotements. Ses yeux fonctionnent en quatre modes : endormi, +somnolent, éveillé et surpris. Ses mains ont trois doigts et un pouce pour +saisir d’ autres mains. Somme toute, cette créature assez fragile, de la taille +d’un enfant, s’oppose à l’image des robots puissants de la littérature de +Science Fiction. Il simule la respiration pour exprimer un état émotionnel +détendu. Les résultats de cet etude\cite{sefidgar2015tac} montrent comment dans une certaine mesure, la +mise en œuvre des capacités de toucher dans les interactions avec les robots a +un potentiel thérapeutique sur les humains. Goran a présenté \textit{Heart Robot} lors +de foires et d’événements culturels non liés à la robotique. La plupart des +utilisateurs adultes qui l’ont touche ou tenu dans leurs bras ont ressenti un +certain sentiment d’empathie-définie au sens très large ici\cite{leite2013ijhcs}- pour lui. Cependant, certains enfants et +adolescents ont manifesté des réactions agressives et un enfant a donné un coup +de poing au robot en face, pour voir comment il réagirait\cite{jenkins2009is}. Cet exemple, +plutôt une exception dans l’accueil du \textit{Heart Robot}, prouve que la fascination +des humains pour les robots pourrait être enracinée dans un sentiment ambivalent +de peur et d’admiration généré par nos propres limites et projections en tant +qu’espèce, face à une potentielle autre. Pour revenir au robot Gakutensoku créé +par Nishimura, il est important de se rappeler que cela dépend surtout de nous, +humains, si les robots réfutent nos peurs les plus profondes, ou simplement les +confirment. J’ai mentionné la peur et l’effet d’étrangeté ou \gls{the uncanny effect}\cite{mori2012ram} que la présence des robots peut avoir sur nous. J’aimerais donc par la suite analyser le travail +de Hiroshi Ishiguro avec l’œuvre \textit{Telenoid R1} (2010). Professeur d’université +et chercheur sur des robots humanoïdes hyper-réalistes, il est le créateur de +\textit{Geminoid HI}\footnote{http://www.geminoid.jp/en/robots.html} (2006)- un androïde copie identique de lui-même\cite{nishio2007hr}. L’objectif de la recherche d’Ishiguro est d’enseigner l’expérience humaine aux androïdes. Pour un projet présenté lors du Festival Ars Electronica, le chercheur a conçu un robot +téléopéré de petite taille, sans membres et qui pouvait manifester son +engagement qu’à travers des mimiques et du retour vocal. En comparaison avec +\textit{Heart Robot}, ce robot a provoqué des réactions différentes. Puisqu’il était piloté par +un opérateur humain, \textit{Telenoid R1} a été capable de passer d’une langue à l’autre +très rapidement, donnant l’impression d’être un \gls{ghost in the machine} ou ´´fantôme dans la machine” - +concept expliqué dans\cite{kroos2016springer} comme indépendant de la machine elle-même (plutôt un +produit de l’influence des machines sur l’environnement). Cela peut aussi +rappeler en quelque sorte les expériences up-close de Demers avec son +intention de rendre crédibles des robots ´´peu crédibles”. Plus probablement les +démonstrations d’élocution ou d’adaptabilité verbale des robots, motivent peu les +interactions physiques des spectateurs. La peur de l’humain d’être contrôlé par +un robot surpuissant augmente au fur et à mesure que le robot exprime plus +d’agence et d’autonomie. Cependant dans un étude avec des personnes âgées\cite{ogawa2011jaciii}, +des chercheurs de l’équipe d’Ishiguro ont remarqué qu’en étreignant spontanément +\textit{Telenoid R1}, les humains éprouvent de la sympathie pour lui. Selon +les chercheurs, cela peut s’expliquer par le fait que les personnes +âgées ignorent le sens du concept de robot télé-opéré. De façon similaire, +d’autres robots d’Ishiguro ont participé à des projets de théâtre lors des +collaborations avec le metteur en scène Oriza Hirata\cite{pluta2018publifarum}. Sur scène l’accent +est mis sur l’intrigue narrative donc les robots jouent leur propre rôle\cite{demers2008springer} où +ils sont ´´acceptés” dans leur singularité. L’effet d’étrangeté diminue par +conséquence. + +Pour aller plus loin sur ces considérations, le chercheur Guy Hoffman introduit +le concept d'\textit{étrangeté sociale}\cite{hoffman2020social} ou \gls{social uncanniness} en relation avec les robots sociaux. Selon lui, les robots de compagnie peuvent déclencher des +troubles psychologiques importants, selon la fragilité et le profil émotionnel +des usagers, une fois dans leur intimité. Dans ce contexte, les conventions scéniques peuvent devenir un environnement approprié pour étudier ce type de relations. + +Parmi les formes performatives, la danse est celle qui exige le plus de contact +physique. Nous avons vu plus haut comment les paradigmes liés à la +représentation du corps en mouvement impactent les nouvelles créations +scéniques. A la fin des années 1960, des chorégraphes comme Deborah Hay, Steve +Paxton ou Lucinda Childs ont collaboré avec les ingénieurs en informatique des Bell +Labs, pendant les événements E.A.T. (Experiments in Art and Technology)\footnote{mouvement crée à New York en 1966 par Robert Rauschenberg, Robert Whitman et les ingénieurs Billy Klüver et Fred Waldhauer}. Presque à la même époque, Merce Cunningham utilisait l’ordinateur pour créer des outils chorégraphiques\cite{schiphorst1993asssa} qui génèrent des mouvements artificiels. +Puis récemment, avec le développement des robots industriels, les chorégraphes ont commencé à les inviter sur scène. Cela a encouragé la communauté scientifique à développer de plus en plus les capacités +d’adaptation physique\cite{peng2015thms} sur scène. Parmi les pionniers des projets de la danse robotique, j’aimerais mentionner deux artistes qui ont choisi de mettre des machines +non-anthropomorphes sur scène. Le premier est la performance \textit{Sans objet} +(2009) d’Aurélien Bory, où deux danseurs impressionnants par leur précision, +exécutent des acrobaties sur un bras industriel de General Motors\cite{maubert2018vp}. Face à +la taille du robot, ils ressembleraient à des insectes qui sautaient sur une +branche d’arbre. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_sans-objet-bory} + \caption{Captation du spectacle d'Aurélien Bory. Source photo:} + \label{fig:abdersans-objet-bory} +\end{figure} + +A l’opposé, la série \textit{Actor}\footnote{https://www.atwodogscompany.org/fr/projets/actor-1/} (2008-2010) de Kris Verdonk présente le spectacle \textit{Dancer 3} où la scène est vide, à +l’exception d’un petit robot maladroit qui a du mal à se tenir débout\cite{eckersall2015tdr}. Chaque +fois il retombe, sans jamais céder à son objectif, endurant inlassablement ce +processus d’essais et d’erreurs. Comme la séquence se répète, des bips sonores +choisis par Verdonk donnent l’impression d’une voix avec des soupirs de la part +du robot. Les spectateurs projettent une attitude empathique envers lui, comme +ils le font probablement avec les danseurs de Bory- quand ceux-ci se mettent +en danger pour escalader le bras robotique. Certaines questions importantes +autour de l’automatisme et de l’autonomie émergent de ces deux exemples. Que se +passerait-il si le petit robot ´´abandonne” ses essais ? Ou si le robot géant +décidait de secouer les humains qui pendent dessus ? Pourquoi le manque de +maîtrise du deuxième robot impressionne tout autant que la précision des +danseurs du premier exemple? + +La persévérance d’un robot dans sa maladresse ou sa précision (qui sont évidemment des comportements pré-programmés) sont à l’opposé d’une figure humaine imparfaite qui vacille constamment entre ces deux états. + +Fascinées par la haute précision et la ´´froideur automatique” des robots +industriels, des chorégraphes émergents comme le finlandais Thomas Freundlich, +la britannique Merritt Moore ou l’américaine Catie Cuan, continuent de défier +leur potentiel créatif sur scène. Le travail du chorégraphe taïwanais Huang Li, intitulé \textit{Huang Yi \& KUKA} (2012)impressionne par sa délicatesse et sa puissance. L’artiste a mis plusieurs années à s’habituer à programmer tout seul le bras KUKA\cite{lin2016ar}. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_Huang_KUKA} + \caption{Captation du spectacle de Huang. Source photo:} + \label{fig:abderhuangkuka} +\end{figure} + +La performance qu’il propose a eu plusieurs versions depuis 2012, une seule minute de chorégraphie du robot +nécessitant entre 10 à 20 heures de configuration du robot, selon l'artiste. Sur une musique classique de Joshua Roman, l’homme et la machine interchangent des rôles. À la fois, le robot +manipule complètement le corps de l’interprète, en le touchant tendrement. La +fluidité de ses mouvements illustre les progrès réalisés par l’industrie +robotique des dernières années. Encore une fois, il paraît que les machines +peuvent exprimer tout leur potentiel sur scène, là où la rencontre avec les +humains est libérée du contexte productif de l’industrie. Pour souligner cette +observation, je m’appuie sur le commentaire de Bory concernant son propre +travail, pour qui un robot industriel hors de son contexte devient \textit{aussi +inutile comme tout geste artistique devrait l’être}. Ceci est +valable dans d’autres disciplines artistiques, par exemple en musique. Pour +appuyer cela,je fais une parallèle avec le projet \textit{Shimon live impro jazz performance} (2009) de Guy +Hoffman. Ici la machine est extraite de son contexte industriel et conçue +exclusivement pour un jam d’improvisation jazz. Shimon est un robot-joueur de +marimba capable d’improviser, conçu par Hoffman qui est lui-même musicien. Le +chercheur a utilisé une approche gestuelle pour son expression musicale, avec +des alternances entre des mouvements lents et rapides, des gestes grands et +petits pour travailler sa virtuosité. Comme dans la danse, chaque geste est +divisé en plusieurs phases qui se succèdent\cite{hoffman2010ira}. Pour modéliser les imprévus du +temps réel et faciliter des moments synchronisés non scénarisés lorsqu’ils +jouent ensemble, Hofmann a utilisé une méthode d’anticipation spécifique au +théâtre. Pour lui, les roboticiens devraient s’en inspirer plus par des +techniques de formation d’acteurs comme le ´´monologue intérieur continuel” +lors de la conception des robots capables de comportements reactifs\cite{hoffman2011hri}. En +travaillant avec des systèmes robotiques orientés vers l’action et la +perception, Hoffman a obtenu des mouvements rapides plus adaptés - son but étant +d’atteindre quelque chose proche de la ´´réactivité intuitive” d’un robot. Dans +une approche connexe, l’Université Waseda conçoit également des robots qui +improvisent de la musique en temps réel avec des partenaires humains. L’une de +leurs premières expériences d’improvisation est le \textit{Waseda Flutist Robot} +(2008), un prototype ayant subi plusieurs améliorations depuis les années 1990\cite{peterson2010ar}, probablement version raffinée de l’Automate de Vaucanson du 18éme siècle. +Cependant la musique n’implique pas un contact physique entre interprètes, mis à +part un contact étroit avec les instruments de musique. Néanmoins le niveau de +complicité lors d’une improvisation musicale est suffisamment élevé pour établir +quelque chose semblable à une interaction physique, puisque le robot et l’humain +ont un statut égal lors d’une improvisation. Cette parité pourrait également +être maintenue et peut-être améliorée pour l’improvisation dansée, lorsque les +mouvements des robots ont une qualité de réponse similaire à celle des +danseurs. Au début des années 2000, le compositeur Japonais Suguru Goto a +construit des systèmes où les gestes des robots peuvent modifier en temps réel +le processus scénique\cite{goto2007roman}. Son prototype \textit{Body Suit}, créé par Patrice Pierrot +en 1997, a été initialement utilisé pour contrôler le son et les images générés +par un ordinateur sur scène. En 2003, son projet \textit{Robotic Music} +associant 5 robots à percussion, permet à un interprète doté d’un Body Suit +d’improviser en live via 12 capteurs de flexion, avec les percussions +acoustiques robotisées, du son et de la lumière. Semblable à une musique +d’improvisation électroacoustique qui offre une grande liberté d’expression, le +comportement des robots ainsi que leur interactivité avec les autres partenaires +de scène stimulent l’imagerie artistique des spectateurs. +Cette panorama des +possibilités d’expression artistique des robots continue avec un projet de +recherche de l’Université du Tohoku\cite{hirata2005robio,takeda2007tie,wang2012toh} qui développe des robots qui +dansent. Leur l’hypothèse principale est qu’en comprenant et en anticipant +les intentions humaines, un robot peut s’engager plus activement dans +l’interaction avec un humain. Pour faciliter une synchronisation du couple, +les études actuels se concentrant sur la qualité des mouvements corporels- +soulignent l’importance d’une analyse poussée des capteurs de mouvement\cite{de2019thms}. +Une autre approche\cite{granados2017ral} est construite autour d'un robot enseignant la danse, +pour évaluer les compétences nécessaires lors des processus d’apprentissage HRI, +basées sur le contrôle de l’impédance adaptative et le retour haptique. Le robot +effectue un mouvement continu d’adaptation à la dynamique de l’interaction, +tandis que l’humain assume le rôle de suiveur. Dans ce contexte particulier, +le mouvement devient une clé pour l’acceptation des robots en tant +que catégorie à part, avec un fonctionnement propre - ni +humain, ni objet, mais quelque chose entre les deux. + +Je continue cette synthèse d’art robotique avec deux artistes qui ont beaucoup influencé la +recherche scientifique à travers leur pratique. Tous +les deux ont imaginé des installations et des performances où les dispositifs +automatisés questionnent la capacité des robots à transgresser les +problématiques inter-espèces et éventuellement acquérir de ´´l’individualité” ou +une personnalité propre. Commençons tout d’abord avec Stelarc et son +\textit{Articulated Head} (2010), devenu ensuite \textit{Thinking Head Attention Model and +Behavior System} ou THAMBS\cite{stelarc2012leonardo}. Comparé au Bory, Stelarc a adapté +l’utilisation d’un bras robotique industriel Fanuc LR Mate 200ic. Il a mis un écran +de 17 pouces sur le robot puis créé un rendu 3D de sa tête- devenue tête +prothétique. Le système contient également un ensemble de capteurs comprenant de +la localisation auditive, de la vision stéréo ainsi qu’une vision monoculaire +pour faciliter une connaissance détaillée de la situation et de son +environnement. Cette forme de présence qui simule une prise de conscience, +confrontée au paradoxe ´´ghost in the shell” des robots d’Ishiguro, s’échappe de +peu aux critères de la vallée de l’étrangeté, puisqu’il s’agit d’une machine peu +réaliste, presque non-anthropomorphe et donc pas d’un humanoïde réaliste. Ceci +dit, dans\cite{herath2016springer} Hertah mentionne comment le robot a surpris (pour ne pas dire +effrayé) le personnel du laboratoire où ils travaillaient, en pleine nuit. Entré +en mode veille en raison de son inactivité, le robot a rapidement réagi dans le +noir, lançant un ´´Bonjour” enthousiaste à un employé qui effectuait son ronde de +nuit. Alors que l’interaction homme-robot s’est produite de façon accidentelle, +la réaction du gardien a été d’avoir peur, prouvant une fois de plus que les +humains craignent les robots quand ceux-ci sont imprévisibles. Dans une autre étude +portant sur le rôle du toucher dans les constructions empathiques avec les +robots et leur impact sur la santé\cite{bickmore2010tac}, des chercheurs ont associé à un +moniteur affichant un visage humain, un dispositif doté de deux degrés de +liberté simulant une main capable de pression. L’ensemble avait certaines +limitations techniques, car les participants devaient tenir la main du robot en +continu pendant les essais. Différents scénarios d’interaction ont été proposés +pour analyser si le toucher combiné avec la parole ou les expressions faciales, +peuvent améliorer la relation avec un agent artificiel. Il a été conclu que le +toucher peut entraîner une interaction robotique réconfortante et emphatique, +quel que soit le contexte des signaux multimodaux qui expriment un état +d’affection. En ce qui concerne les critères qui relèvent de l’étrangeté sociale +mentionnés plus haut, je remarque un détail intéressant. La littérature\cite{parietti2016tro} +offre de riches possibilités d’ expression dans le HRI. Cependant Stelarc a +toujours vu son corps ´´comme un prolongement des systèmes opérationnels”. En +utilisant des prothèses et des exosquelettes qui actionnent ses mouvements, il +s’estompe face à la technologie. Dans ses œuvres, c’est l’humain (et non le +robot) qui devient étrange. Presque dans une approche contre-culturelle, Stelarc +a réussi à inverser le rapport à la technologie en l’intégrant dans son corps\cite{zurbrugg1999tcs} à travers des dispositifs originaux, comme son troisième bras ou +les pattes d’araignée\footnote{http://stelarc.org/?catID=20227}. +Le travail de Ken Rinaldo, artiste et chercheur intéressé par l’hybridation homme-machine (ce qu’on appelle aujourd’hui bionique avancée) appartient à la même lignée. Son installation robotique \textit{Enteric Consciousness} (2010) est un exemple de biotechnologie, dont les principes sont similaires +aux celles des projets d’Eduardo Kac. Dès 1993 l’artiste crée une +installation pour que des vrais poissons explorent l’environnement humain en +pilotant un aquarium automatisé\cite{stephens2016we} -sorte d’un robot piloté par des poissons\footnote{https://www.kenrinaldo.com/portfolio/augmented-fish-reality/}. +Semblable à la performance \textit{A-Positive} de Kac mentionnée auparavant, Rinaldo +est un pionnier dans le domaine de la biotechnologie. Dans sa contribution +intitulée: \textit{Trans-Species Interfaces : A Manifesto for Symbiogenesis}\cite{rinaldo2016springer}, +il décrit son dernier travail comme une interface entre un récipient en verre +symbolisant un estomac rempli avec des cultures bactériennes vivantes et une +langue robotique de taille humaine capable de masser l’utilisateur lorsque la +flore bactérienne est en bonne santé. En utilisant des analogies entre le doigt +(comme extension du cerveau humain) et la langue (en tant que prolongement du +système nerveux entérique), Rinaldo propose une expérience corporelle +synesthésique. Son dispositif n’est pas un robot en soi, mais plutôt un +environnement robotique pour faciliter l’interactivité entre l’homme et les +machines, par l’intermédiaire du contact physique. La spécificité de chacun de +ces exemples est qu’ils défient le concept d’anthropomorphisme\cite{duffy2003anthropomorphism} chez +les robots. Probablement ces deux artistes ont voulu créer des prototypes pour +des nouveaux espaces robotiques propres à la création artistique. +Dans l’étude que nous avons cité plus haut\cite{sefidgar2015tac}, les chercheurs ont conçu un outil appelé ´´The Haptic Créature”, pour étudier les effets du toucher lors des HRI. Équipé d’un actionneur et des divers +capteurs de pression, température et vibrations, ce robot explore le potentiel thérapeutique du toucher, partageant certaines caractéristiques animales comme moyen d’exprimer un comportement affectif. +Profitant de ce contexte innovant, j’aimerais avancer la projection anthropologique suivante. +Pour une grande majorité des humains, les robots sont, du moins actuellement, +hors de portée. Ils pourraient les rencontrer dans les médias ou lors d’un +événement spécifique, mais pas interagir directement avec eux dans un contexte +privé. Ainsi, les robots peuvent apparaître comme différents (au sens ´´d’une +nature inconnue”) par rapport aux autres humains, des animaux domestiques ou +des dispositifs automatisés que nous connaissons dans notre vie courante. Autant +les imaginer descendants d’animaux sauvages, par leur rareté et leur +comportement peu connu. En supposant maintenant que l’interaction physique entre +les humains et les animaux sauvages a principalement été provoquée par les +premiers (puisque les animaux domestiques ont du +interagir avec les humains pour survivre), comment un robot (ou système +robotique) qui a trouvé sa propre spécificité et son capacité d’agir, +interagissait avec nous? Le craindrons-nous, comme nous continuons à craindre +les animaux sauvages que nous n’avons pas réussi à apprivoiser ? Nous nous sommes attachés à ces questions lors de nos expérimentations pratiques en deuxième partie de cette thèse. Par la suite, je présente quelques projets plus récents qui traitent la question des robots sous un angle post-contemporain afin d'identifier des problématiques et enjeux communes à ma démarche. + + +\subsection{Nouvelles directions ces derniers décennies?} + +L’histoire est cyclique et nous avons vu par le passé que des archétypes et des +leitmotivs se recyclent dans l’imaginaire collectif. Igor Stravinsky a composé +\textit{Le Sacre du Printemps}, l’une des œuvres musicales les plus influentes du 20ème +siècle. Cent ans après la première houleuse du ballet de Diaghilev, le +réalisateur italien Roméo Castelucci reçoit une commande pour adapter +l’original. La performance \textit{Le sacre du printemps} (2014) confirme le début +d’une nouvelle tendance dans le milieu de la performance artistique, coupant net +avec les pratiques traditionnelles et installant une ´´esthétique de la +disparition” sur scène\cite{dukanic2019sp}. Paradoxalement, le public présent lors de cette +première n’a pas été contrarié quand les robots ont pris le contrôle d’une scène +vide, car cela n’était pas hors du commun. Des +nombreux projets d’opéra ont déjà envisagé l’idée de remplacer l’humain avec des robots +sur scène, il y déjà cent ans avec l’émergence de l’esthétique Bauhaus\cite{sigman2020mit}. +Penny’s \textit{Petit Mal} ou +Verdonk’s robot maladroit entre autres, sont des exemples plus récents de robots +agissant seuls sur un plateau. La différence réside ici dans le fait que les +robots remplacent les interprètes, ils ne jouent pas leur propre ´´rôle”, comme +nous l’avons vu dans la section précédente. Dans une scénographie apocalyptique +sans humains sur scène, des os de vache devenus poudre pour les engrais, +pourraient symboliser un avenir lointain sans des danseurs réels. Les bras +robotiques et les machines suspendus au plafond, répandent cette poudre au +rythme de la musique de Stravinsky diffusée dans des haut-parleurs. La +technologie facilite l’invention d’un nouveau langage artistique, tandis que la +mythologie y est recyclée pour correspondre à de nouveaux défis. Ce n'est pas étonnant que les +spectateurs assimilent ces codes avec moins d’étonnement qu’il y a soixante ans. +Habitués à ´´côtoyer” les robots, pour citer Laumond, ils sympathisent avec +leur ´´faire”, tout en assister à la représentation. De même, dans le spectacle +\textit{Nobody is an island} (2021), le chorégraphe Wayne McGregor défie le potentiel +d’empathie d’une machine en mettant en place un écosystème hybride entre deux performeurs et une sculpture automatisée créée par le groupe Random International\footnote{https://www.random-international.com/news}. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_wayne_RI} + \caption{Captation du spectacle Nobody is an island. Source photo:} + \label{fig:abderwayneri} +\end{figure} + +La dynamique de cette rencontre tourne autour des possibilités +d’expression de la machine, capable d’identifier une présence humaine et +de réagir par le mouvement. Son design métallique pointu n’invite pas nécessairement à +l’interaction, cependant à travers ses mouvements et ses gestes doux, les +interprètes sont capables de s’approcher d’elle d'une manière ´´douce”. +En contrepoids, dans l’installation \textit{Female Figure} +(2014) de Jordan Wolfsen il y a un autre type de déconstruction des codes. +L’artiste a conçu une femme-robot qui exécute une +danse lubrique devant un miroir, tandis qu’elle est attaché à une tige +horizontale perçant son torse. Son apparence est similaire à un sex-toy +avec les yeux couverts par un masque de sorcière, provoquant des sentiments +mêlés de désir et de répulsion chez les spectateurs. Fixant les visiteurs et se +regardant dansant, ce robot remet en cause le concept de \gls{awareness of awareness} +en français ´´prise de conscience +d'une prise de conscience”\cite{goldberg2016springer}, en abordant des questions sur l’émancipation +féminine du regard masculin. En nous appuyant sur la manière dont le gendre influence les interactions +dans notre société, des robots dont le genre est identifié comme féminin\cite{siegel2009iros} sont +sujet aux mêmes biais que les femmes. Pour traiter plus loin cette +question d’apparence, un étude montre comment les visiteurs de Disney’s Animal Kingdom sont déçus des +animaux puisque ceux-ci ne correspondent pas avec les versions +animatroniques de Disney World\cite{broadbent2017ar}. Les participants reprochent aux animaux réels d’être +moins sociables que leurs versions électroniques. + +D’une manière analogique, je me demande alors comment l’exposition excessive à des silhouettes +hyper-sexualisées dans le media altère la vision des humains de la sexualité et de la séduction. +Puis j'extrapole pour voir comment ce biais est transféré aux robots. Comme nous l'avons évoqué plus haut, White et Kikuka, entre autres, ont exploré la sexualité des machines d’une façon parodique. +Cependant est leur façon de considérer la sexualité des robots spécifique à leur époque? +Peut-être que cela corresponds plutôt aux limites technologiques auxquelles ils étaient confrontés. +De nos jours, l’industrie pornographique a accéléré le développement des robots et dispositifs +animatroniques sexualisés réalistes. Des nombreux études\cite{maines2008ieee,cheok2019springer} traitent +ce phénomène avec intérêt. Les artistes ont également saisi l'opportunité +en utilisant ces technologies hors de leur contexte initial. Pour questionner la +notion de sexualité à travers une œuvre artistique, les spectateurs sont moins préoccupés +par la sexualité d'un robot, qu’ils sont avec la sexualité en tant que phénomène +social. Dans cette idée, les biais en lien avec la sexualité des robots reflètent celle des humains. +Idéalement, l’art devrait assurer un contexte neutre pour aborder ces questions à la fois anthropocentriques et +techno-centriques.Cependant sa réception est biaisée car les spectateurs d’une œuvre éprouvent leur propre individualité et subjectivité lors de ce processus. +En évoquant ces œuvres où le contact physique avec les robots n’est pas partie de l'intention artistique des auteurs, les mêmes questions ontologiques concernant l’éthique envers les robots, persistent. + +Comme déjà évoqué, les propositions artistiques qui nous intéressent sont celles où les +humains engagent un contact physique avec les robots. Par exemple dans la +performance \textit{Sayonara} (2010) de Hiroshi Ishiguro, +Geminoid caresse la joue d’une femme qui pleure. Alors que dans le spectacle +\textit{Spillikin} (2017) du Pipeline Theatre, un androïde tient la main d’une vieille +dame, et la console de la perte de son mari. Ce robot, construit par +Engeneering Arts company au Royaume-Uni est un ´´ancêtre” de l’Ameca Android\footnote{https://www.engineeredarts.co.uk/robot/ameca/}- +impressionnant par le hyper-réalisme de ses expressions faciales. La même +technologie sera utilisée ultérieurement pour développer Ai-Da, le premier robot-artiste au monde. +Pour ces exemples, le récit qui accompagne l’interaction théâtrale aide à +maintenir un lien sur avec les robots. Alors qu’en danse, +comme nous l’avons vu plus haut, les danseurs se mettent parfois en danger, se +produisant dans la proximité des robots industriels. Cette tendance a légèrement changé, lorsque la société française +Aldebaran Robotics a développé un robot de 58cm appelé NAO, facile à programmer +et configurer pour des expériences artistiques. Des chorégraphes tels Bianca Li ou Emmanuelle Grangier ont +travaillé avec ce robot, d’une façon moins démonstrative. NAO prends sa place parmi les danseurs, ils +participe à la création. Dans la performance +de Li, \textit{Robot} (2013), l’un des danseurs aide un NAO à se tenir debout, tandis +que d’autres NAO exécutent une séquence de danse en synchron avec huit danseurs déguisés en robots. +Quant au travail de Grangier, passionnée par influence de l’arbitraire, +nous découvrons comment elle intègre les bugs techniques dans son expérience. Dans \textit{Link Human/Robot} +(2015), on peut voir un NAO trébuchant au sol proche du corps inanimé d'une danseuse et plus tard la serrant +dans ses bras. Suivant des questions analogues, le travail \textit{School of Moon} (2016) du chorégraphe français Eric Minh Cuong Castaing se concentre sur des mondes fictifs entre des humains pourraient et des robots. La force de sa proposition réside dans la double nature de la forme - quelque part entre art visuel et objet chorégraphique. Coproduit par le Ballet National de Marseille, ce projet a impliqué une collaboration avec le roboticien Thomas Peyruse qui a configuré cinq robots NAO et deux Poppy pour les différents étapes du projet. Leur travail a été présenté sous divers formats, qui ont conduit à des moments performatifs dans des centres d’art et des écoles. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_shonen} + \caption{Captation du spectacle School of Moon. Source photo: profile instagram de la compagnie Shonen.} + \label{fig:abdershonen} +\end{figure} + +L’artiste a mis en scène des enfants, des danseurs et des robots de petite taille avec l’intention de représenter un communauté post-humaniste où les humains et les robots performent ensemble des rituels sacrés. L’attention est portée sur la perception et les mouvements lents grâce au mapping vidéo en direct. Les enfants apparaissent imiter les robots de +manière délicate, suggérant une possible complicité avec eux. À un moment donné, une fille tenant un faux pistolet le pointe vers un robot. Ce geste ambivalent illustre à la fois un appel à la destruction, mais aussi une forme de résignation face aux possibilités et capacités infinies de la machine. Un autre projet qui attire notre attention est \textit{My Square Lady} (2015). Cette production d’opéra implique un robot Myon dotée d’une forme de conscience proprioceptive et de la rétroaction sensorimotrice, qui lui permettent d’improviser pendant la +représentation. A travers sa participation dans le spectacle, il nous fait comprendre assez vite que son principal objectif est de comprendre la musique et les émotions humaines. Il est amené à exprimer ses limites sur scène, forçant +les interprètes à s’adapter à son comportement. Son processus d’apprentissage est authentique et se déroule dans des conditions réelles en live sur le plateau\cite{sigman2020mit}. Hild Manfred, le +chercheur qui a configuré le robot au Laboratoire de +Recherche en Neurorobotique de l’Université Humboldt de Berlin, est également +présent sur scène pendant le spectacle. Plus tard ce humanoïde modulaire est +démantelé pendant que des chanteurs, des musiciens et des chercheurs passent les +parties de son corps de l’une à l’autre. Ce geste est effectué de manière calme +et douce par rapport aux performances bruyantes de vingt ans auparavant. +Probablement la problématique est restée la même depuis soixante ans et nous +projetons toujours inconsciemment de détruire les robots par peur qu’ils nous +détruisent en premier. Néanmoins l’attitude globale envers les robots a +légèrement changé, les humains étant plus résilients sur le plan conscient. De +plus, ce robot capable d’être démonté et réassemblé pendant la performance, +présente des caractéristiques fonctionnelles bien différentes de celles du corps +humain\cite{siedel2011concept}. +Le projet \textit{Scary Beauty} (2018) en première mondiale au Musée National des Sciences Émergentes et de l’Innovation (Miraikan) au Japon est un autre exemple de projet d’opéra, impliquant cette fois un chef d’orchestre androïde\footnote{https://scarybeauty.com}. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_scary_Beauty} + \caption{Captation du spectacle Scary Beauty. Source photo:} + \label{fig:abderscarybeauty} +\end{figure} + +Le projet a vu le jour grâce à la collaboration entre le compositeur +Keiichiro Shibuya et l’androïde Alter 2- initialement construit dans le +laboratoire de Hiroshi Ishiburo de l’Université d’Osaka puis programmé par +l’équipe de Takashi Ikegami à l’Université de Tokyo. Le robot a une apparence +étrange: mains et visage couverts de silicone, actionneurs à vue, sans sexe ni +âge. Il est équipé d’un système pneumatique pour ses actionneurs, étant conçu pour s’adapter aux +mouvements délicats propres aux chef d'orchestre d’opéra. Après plusieurs essais, +l’équipe a choisi de se concentrer sur la répétitivité des mouvements de haut en +bas de l’épaule, plutôt que sur les mouvements de ses bras et mains. Résulte +ainsi une performance synchronisée où les musiciens suivent les indications de +l’androïde, pour jouer différemment d’un concert à l’autre. Comme dans les journaux du +début du XXe siècle qui ont poussé Nishimura à imaginer Gakutensoku, les robots d'aujourd'hui +sont intensivement diffusés dans le média. Leurs technologies sont mises en accès libre sur +les plateformes de développement, pour encourager le développement des robots qui +peuvent se déplacer et interagir avec une grande précision. Pour cela, les +chercheurs poussent leur inspiration dans des concepts pluridisciplinaires provenant des +différentes disciplines. Si je reviens à la projection +anthropologique proposée auparavant, je trouve intéressant d’imaginer des designs robotiques +qui surprennent les tendances actuelles. Des artistes héritiers de la +tradition cyberpunk, comme l’italien Marco Donnarumma ou la chanteuse +néerlandaise d’origine iranienne Svedaliza, approchent des +laboratoires afin de développer leurs propres outils pour aborder d’une façon +originelle ces questions. En parallèle, des artistes à la lisière d'art et sciences, continuent à +imaginer la place que les robots occupent dans nos vies. Leur mission et de s’imaginer les +formes les plus extrêmes et les scénarios les plus paradoxaux de co-habitation +avec les robots. \textit{Inferno} (2015) de Bill Vorn et Louis-Philippe Demers fait +partie de cette catégorie, en mettant en scène le côté sauvage, indompté, de la technologie. +Cette performance d’une soixantaine de minutes s’inspire de la représentation des +différents niveaux de l’enfer décrit dans l’œuvre éponyme de Dante. Trente-six +bénévoles parmi les spectateurs ont la possibilité d’expérimenter les limites de +leur corps, en abandonnant leur contrôle moteur à des dispositifs robotiques +type exo-squelettes pneumatiques, qu’ils portent pendant la performance. Par son +esthétique, \textit{Inferno} pourrait être inclus dans la classification +´´performances des métaux”\cite{dixon2004metal} que j’ai mentionné précédemment. Au-delà de la peur +de perdre le contrôle de son corps, l’humain plonge ici dans les possibilités de +la machine, comme pour éprouver ses propres limites. J'ai pu participer à cette performance, +en mai 2023, lors de la conférence ISEA à Paris\footnote{https://isea2023.isea-international.org/}. +Mon intérêt a été évidement de voir si lors de l'utilisation de l'exosquelette, +mon corps peut s’engager dans des mouvements exploratoires\cite{vorn2018alborg} au-delà +de la chorégraphie originale. Quelques conclusions sont listés dans la partie pratique de mes expérimentations. + +Ces performances revendiquent une nouvelle complicité entre l’homme et les robots: faire confiance à la machine, la considérer comme son égal. Nous pouvions +difficilement imaginer la même adhésion du public à l’invitation de Demers et +Vorn, sans considérer l’héritage des propositions artistiques dans son ensemble. Il fallait que +des artistes comme Marcel Li Antunez Roca testent sur eux-mêmes ces technologies +vingt ans plus tôt, afin de les rendre accessibles aux participants. + +Créer avec ces technologies une œuvre chorégraphique est à la fois original et contraignant. En danse, les partenaires de scène contribuent en égale mesure à la synergie du plateau. +D’après\cite{wolf2018tac}, le mouvement est considéré comme un facteur prioritaire dans le perception du +comportement et de l’autonomie d’un agent. Bien que les artistes attendent avec impatience le moment où les robots pourraient devenir créatifs, les roboticiens considèrent à leur tour la créativité comme un aspect important de +l’autonomie\cite{kahn2016hri, brezeal2021frai}. En 2019, Ai-Da, premier robot +humanoïde artiste au monde, fait une intervention publique\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=XaZJG7jiRak} pour expliquer sa +démarche artistique qui utilise la peinture comme moyen d’expression. Tout de même, +Ai-Da est conçue avec des algorithmes d’IA complexes pour rendre son bras +robotique capable de toucher et de peindre. Nous ne pouvons pas parler de sa +spécificité puisque son rôle est d’imiter à la perfection les artistes humains. +Probablement les humains qui interagissent avec elle, tout en écoutant son discours comme s’ ils +écoutent le discours de n’importe quel artiste, sont moins intéressés par un +contact physique - comme ils le feraient, par exemple, en touchant \textit{Helpless +Robot} ou tenant dans leurs bras \textit{Heart Robot}. De plus, les moments où Ai-Da est +capable de feedback verbal ´´spontané”, sont plutôt maladroits et imprécis. Alors +que le robot déclare qu’il crée de l’art avec d’autres artistes humains, nous +devons garder à l’esprit que dans les exemples précédents où des robots et des +humains co-créent ensemble à travers la musique, les bases de l’improvisation +ont été bien préparés à l’avance. Par conséquent, il pourrait y avoir peu de +place pour la liberté et la spontanéité dans cette quête d’autonomie à travers +la créativité. +Dans une tentative originale de répondre à ces questions, une +équipe de scientifiques du Canada met en place une expérience +où les humains interagissent avec un robot auto-stoppeur. Ils ont ainsi +conçu \textit{HitchBot} - un véritable aventurier qui voyage au travers le monde. Hitchbot ne peut pas +se déplacer mais il est doté de l’expression orale, de la reconnaissance vocale et des +interactions visuelles. Proche du design de \textit{Heart Robot}, il n’est pas +assisté par ses développeurs lorsqu’il interagit avec les humains. Pour être +autonome, il utilise une batterie solaire, une connexion internet pour envoyer des donnes de géolocalisation. +Son voyage se repose ainsi sur les bonnes intentions des personnes qui le prennent dans leur voiture. +Ses concepteurs n’ont pas de contrôle à distance HitchBot. Ils ont vérifié +son itinéraire lors d’un premier voyage de 26 jours au Canada, documenté toutes +les 20 min par une caméra envoyant des photos du trajet. Suite à une +forte médiatisation du projet, le robot a ensuite participé à des expériences de +voyage en Europe. En 2015, il est même arrivé aux États-Unis pour finir peu de temps +après démantelé et abandonné près d’une autoroute \cite{smith2016leonardo}. +Inspirée par cette histoire, la metteuse en scène française Linda Blanchet a +créé en 2019 le spectacle \textit{Killing robots}. Le projet aborde des questions +d’éthique concernant les robots, mêlant documentaire et fiction. Il est important de +souligner le fait que \textit{HitchBot} ne fait pas partie de la catégorie des robots +capables des effets d’inquiétante étrangeté, puisqu’il n’est pas un robot +hyperréaliste. Il n’avait certainement pas une grande autonomie, ni de l’agence +et, comme dans le cas du projet \textit{Heart Robot}, il comptait sur l’empathie +humaine pour compenser sa vulnérabilité. Ne pas pouvoir bouger ou faire des +gestes, à moins d’être porté par des humains, nous pouvons le décrire plutôt comme une créature +vulnérable. Dans une certaine mesure, il pourrait être comparée au robot +aveugle que Louis Philippe Demers a créé en 2013\footnote{https://ars.electronica.art/aeblog/en/2013/10/28/the-blind-robot-bei-the-lab/}. Ce robot, fixé à une table, +est composé de deux bras mécaniques montés sur une même base. J’ai délibérément +choisi de clore cet état d’art avec lui, même si sa mise en scène est très +basique. Je suis convaincue que la force de proposition, réside dans son +cadre simple. Dans un espace théâtral peu éclairé, le robot explore délicatement +le visage de la personne assise devant lui. Ce geste est ce que les humains +aveugles sont censés faire lorsqu’ils reconnaissent les personnes ou les objets +autour d’eux\cite{goldberg2016springer}. Dans certaines versions de l’installation, un miroir de +taille moyenne (comme dans l’œuvre de Wolfsen) est placé derrière +le robot - permettant aux visiteurs de s’observer pendant l’interaction. Ainsi, +le milieu artistique garantit un espace sûr pour l’expérimentation. Les +spectateurs finissent par se laisser toucher par le robot. La différence entre +les expériences de Demers et la triste fin de \textit{HitchBot} est qu’aucune convention +éthique\cite{whitby2008ic} n’a été établie avec les utilisateurs de \textit{HitchBot}. Cette convention est inhérente aux projets artistiques, or le robot faisait partie d'une étude sociologique. Des autres recherches confirment que les gens sont attribuent plus facilement de la raison et des états mentaux aux robots\cite{kahn2012hri}, plutôt que des états émotionnels ou des sentiments. En retournant à nos observations initiales, une fois de plus +le contexte de la scène artistique apparaît comme un environnement sûr et neutre +pour apprendre à connaître les robots. + +Il y a vingt ans, les roboticiens craignaient un processus imprévisible et opaque concernant notre transformation en +machines. Cependant, certains ont réfuté cette hypothèse\cite{brooks2003flesh}, insistant sur le +fait qu’aucun robot ne pourra prendre le contrôle de nos vies, puisque nous +aurions tous déjà muté le moment où les robots auraient atteint la Singularité. +Comme l’art a presque toujours anticipé les transformations dans nos sociétés, +parfois sans même s’en rendre compte, peut-être que certaines œuvres post-contemporaines +sont étroitement liées à cette intuition. Comme dans les spéculations en +robotique, elles pourraient annoncer un point de non-retour pour nos +perspectives en tant qu’espèces. Au fur et à mesure que les deux disciplines +évoluent, nos croyances en l’avenir changent également. Les lignes deviennent +floues et ce n’est pas très clair où les humains et les robots se rencontreront +à la fin de l’Anthropocène\cite{haff2014ar, youngs2016springer}. +Les robots pourront coloniser les villes actuelles ou hybrider les modèles familiaux posthumains\cite{robertson2007cas}, tout comme l’art robotique actuelle pourrait concilier cette projection fataliste concernant +notre cohabitation avec les machines. Si l’art devait être inutile, comment +pourrait-elle éviter le piège d'une prédiction concernant la domination de la +technologie sur l’humanité? +Le sujet de l’adversité envers les robots, présent +dans les premiers exemples où les robots étaient manipulés par la force ou la +violence, se dissout lentement dans les prémisses post-humaines d’un monde en +mutation. Quels gestes seraient appropriés dans ce contexte? Devons-nous +concentrer notre attention sur des manières douces d’interagir avec les robots +au lieu de s’amuser à les démonter ? Cela éviterait un biais lié à la condition +prédéterminée des humains qui les créent(et donc établissent sans vouloir une +relation de concurrence ou de domination avec eux). +Bien que cette état d'art est dense, nous allons évaluer dans les prochaines pages les caractéristiques communes, ainsi que les points de divergence. Cela nous aidera à comprendre les éventuelles directions de ce champ d’expérimentation. + +\textbf{Observations pratiques} + +Dans la plupart des exemples de cet état d’art, les humains +considèrent les robots et leurs caractéristiques avec les critères d’évaluation +spécifiques aux œuvres d’art. Pour résumer notre prémisse initiale, j’ai avancé +l’idée que les robots peuvent être mieux perçus et compris à travers les +représentations artistiques. +Une quarantaine d’œuvres d’art robotique, servent comme base de travail. +Cette liste n’est certainement pas exhaustive, encore restreinte à des +interactions qui présentent une proximité directe ou proche du contact physique +avec les robots en danse ou œuvres pluridisciplinaires. +Qu’il s’agisse d’installations interactives (20\%), des études +d’art robotique (12\%) ou des performances (68\%), ces œuvres traitent des sujets +liés à la société (35\%), au domaine du vivant et à la biologie (9\%) ou un +mélange entre des deux (9\%), ainsi que la musique (12\%), la danse (23\%) ou +une combinaison entre les deux (12\%). Comme vu plus haut, l’apparence est un +facteur important pour facilliter la comprehension de la spécificité des robots. +Les robots ou les dispositifs robotiques déployés sont majoritairement +anthropomorphes (65\%) variant d’une majorité des dispositifs de taille humaine +(59\%) à des plus petits (26\%) ou plus grands (15\%) que l’échelle humaine. +Suite à ma projection anthropologique sur les robots comme animaux sauvages, +je reviens sur une publication scientifique\cite{hoffman2020social} où les participants décrivent les robots +collaboratifs comme étant similaires aux animaux. Les auteurs expliquent cette analogie par +l’attribution et l’exécution des tâches simples des robots. Ils notent également +une auto- dépréciation des capacités humaines par rapport aux performances des robots. + +En ce qui concernent l'apparence du robot, l’anthropomorphisme est dans notre contexte +la ´´faculté d’attribuer des caractéristiques humaines à des objets inanimés, animaux et +autres en vue de nous aider à rationaliser leur actions”\cite{duffy2003anthropomorphism}. +Autrement dit, lorsque les robots dansent ou exécutent des mouvements, nous leur +déléguons une présence anthropomorphique, quelle que soit leur apparence. +Comme vu précédemment et également mentionné dans\cite{hwang2013effects}, les robots + pourraient déclencher encore plus des réactions empathiques parmi les +spectateurs à travers de la mise en scène. Les spectateurs interprètent les récits +subjectivement et aiment donner des sens cachés aux actions des robots. +D’autre part, le concept d'une ´´HRI centrée sur les robots” développé dans\cite{dautenhahn2007rsl}, met l’accent sur le robot en tant qu' ´´entité +autonome qui poursuit ses propres objectifs sur la base de ses motivations, ses +pulsions et ses émotions.” De plus, ´´l’interaction avec les gens lui sert à +répondre à certains de ses besoins” (tels qu’identifiés par le concepteur du +robot et modélisé par l’architecture de contrôle interne); par exemple, les +besoins sociaux sont satisfaits par l’interaction, même si l’interaction +n’implique aucune tâche particulière. Intéressant de mentionner comment, selon +d'autres critères dans la société +occidentale\cite{kaplan2004ws}, un robot doit aussi être +présenté comme un dispositif utile. Puisque nous avons parlé plus haut du sens dans l'art, +il y a peu de place pour des robots utilitaires, dans les travaux sélectionnés. + +En revenant à la question d’apparence, le comportement - impliquant les gestes et les mouvements de robots - est également +important. Suivant les notions théorique développés dans le 2éme chapitre, leur \gls{embodiment} +est un aspect clé dans l’interaction avec des humains\cite{aymerich-franch2016cc}. +Selon leurs interactions sociales, les robots\cite{breazeal2003ras} peuvent être +\textit{socialement évocateurs, socialement réceptifs ou sociables}. \cite{dautenhahn2002csr} mentionne également les robots \textit{socialement situés} ou intégrés dans un environnement social qu’ils perçoivent et auxquels ils réagissent. De plus ´´un robot interactif nécessite des capacités spécifiques: il +va pouvoir exprimer et percevoir des émotions, communiquer dans un dialogue +complexe, apprendre et reconnaître les modèles d’autres agents”\cite{hegel2009hci}. +Par leur fonction, les projets artistiques facilitent ce type d'interactions, qu’il s’agisse d’une illusion ou pas. Les chercheurs montrent comment la créativité peut s’améliorer +par des interactions avec des robots\cite{kahn2016hri}. + +Nous avons vu dans nos exemples, que les robots au design particulier comme par +exemple \textit{Telenoid R1} tout comme les robots hyper-réalistes comme \textit{Ai-Da}, +sont bien reçus lors des divers événements sociaux type foires d’art et vernissages. +Puisque 38\% des œuvres présentées ont lieu dans l’espace public : dans les rues +(par exemple, \textit{Miyata Jiro}, \textit{Petit Mal}) ou dans les laboratoires (par exemple, \textit{Telenoid R1}, \textit{Heart Robot} entre autres), il parait que l’art robotique n’ait pas un espace de +représentation prédisposé. Revenant aux exemples précédents, il est important de comprendre que le fait de créer des projets artistiques avec des robots pourrait éventuellement apaiser les craintes techno-centriques actuelles concernant l'avenir de la robotique. Alors que les humains se comprennent mieux grâce aux +développements dans les sciences cognitives, la figure du robot devient +également plus complexe. Pour certaines chercheurs, ´´la version +synthétique numérique mécaniste de l’homme” n’est qu’une représentation de +l’idée de l’homme\cite{duffy2003anthropomorphism}. D’autres études\cite{fong2003ras, macdorman2006jb} considèrent les robots humanoïdes, les meilleurs outils pour identifier quel type de comportement et +d’actions sont perçus comme propres à notre espace et importants pour notre +évolution. Reste à comprendre quel comportement et attitude nous attendons +des robots lorsque nous interagissons avec eux sur scène. De même, le langage corporel et le +comportement pourraient compenser les éventuels effets d’étrangeté causés par la +manque des expressions faciales ces artefacts\cite{beck2010acm}. +Puisque la communication tactile a un contenu informatif complémentaire avec la +communication visuelle ou vocale, les usagers recherchent de plus en plus +l’interaction par le toucher et s’attendent même qu'un jour les robots +d’apparence inanimée peuvent répondre à une stimulation tactile\cite{silvera2015ras}. En +conséquence, de plus en plus de roboticiens conçoivent des dispositifs +d’identification par le toucher, sur toute ou une partie de la surface du robot\cite{bolotnikova2018roman}, également définie comme peau artificielle\cite{silvera2014springer}. Plusieurs types +d’interactions corporelles qui font appel à ce type de stimulations tactiles, +contribuent à une meilleure perception des robots\cite{alenljung2018mti, silvera2015artificial}. +Même si peu de robots que j’ai mentionné, ont été délibérément conçus pour ce type +d’interaction tactile, cet aspect a été intuitivement abordé dans certaines +œuvres d’art\cite{demers2015machine, kac1997marcel, rinaldo2016springer}. +Concernant l’interaction physique, alors que la +majorité des œuvres (82\%) impliquent une certaine forme d’interaction +physique(29\%) ou de toucher (53\%), le type de contact avec le corps entier +prévalait (41\%), suivi des contacts ponctuels (20,5 \%) et des contact avec les +membres (12\%). Dans cette mesure, la mise en œuvre des concepts de neuroscience +comme le schéma corporel chez les robots, peut augmenter leurs capacités +d’interaction. Les recherches dans\cite{de2021oxford} soulignent l’importance de ce concept +dans la planification et le contrôle de mouvement. Quant aux technologies +employés : 24\% impliquent des téléopérations, 14\% divers types de logiciels +commercialisés, 6\% de biotechnologies tandis que 56\% sont des solutions sur +mesure. Ainsi mieux développer la mobilité des robots pourrait nous aider à +comprendre des concepts paradoxaux comme celui de ´´ghost in the shell”, de +´´l’étrangeté sociale” ou ´´le syndrome de Frankenstein” mentionnés plus haut. Cela nous aidera à +comprendre comment la +peur et la fascination pour les robots coexistent dans notre imaginaire, quelle +que soit leur apparence ou comportement. Alors que 62\% des robots et appareils +robotiques sont conçus exclusivement pour les artistes, 20\% sont personnalisés à +partir des robots industriels et le reste de 18\% sont des robots industriels +très peu modifiés. \cite{duffy2003anthropomorphism} suggère qu’une fois que les robots domestiques +progressent du statut outil à celui de compagnon au travers différents +environnements et contextes comme l’art, leur rôle et leurs interactions +changent aussi sensiblement. De plus, d’après\cite{hoffmann2021body}, plus les caractéristiques +corporelles sont des copies identiques du fonctionnement humain, plus les robots +sont jugées comme intéressants.En contrepoids\cite{muller2021springer} illustre comment +l’apparence humaine peut contribuer à induire des sentiments négatifs chez les +utilisateurs. En s’appuyant sur les aspects technologiques des représentations du corps, les chercheurs +espèrent identifier des propriétés du schéma corporel biologique que nous +avons mentionné plus tôt. Ces propriétés pourraient être transférés aux robots pour les rendre encore +plus adaptatifs et autonomes. Certaines chercheurs comme\cite{hoffman2019thms} relient ces +propriétés à une forme d'aisance collaborative, en anglais \gls{collaborative fluency}. + + + +Parmi les œuvres mentionnés, 38\% sont des dispositifs robotiques mobiles, œuvrant sur des surfaces scéniques +d’environ 100 m2 pour 35\% d’entre eux, plus de 500 m2 (tout en se produisant +dans les rues et divers espaces non-conventionnelles) pour 9\% des cas et moins +de 5 m2 pour 56\% d’entre eux. Pour la majorité de robots mobiles,la zone d’interaction varie de plusieurs centimètres (dans +le cas du \textit{The Blind Robot} par exemple) à plusieurs milliers de milles lorsque +le robot voyage avec des gens (comme dans le cas de \textit{HitchBot}) - révélant la +proxémie, en anglais \gls{proxemics} comme un facteur important qui pourrait influencer à l’avenir, les interactions H2R. + + + +Pour l’instant les androïdes hyper réalistes ont une base fixe et ne peuvent pas +encore se déplacer, en attendant que les technologies émergentes impliquant de +la MoCap et les alorithmes qui favorisent la marche, augmentent leurs +capacités. Dans une étude impliquant deux robots Wakamaru\cite{kim2014ijhcs}, les chercheurs +ont employé la distance sociale comme indicateur pour comprendre l’acceptation +des robots par des utilisateurs. Les résultats confirment que l’expérience +utilisateur peut être améliorée lorsque le robot superviseur est proche et le +robot subordonné est distant par rapport à l’utilisateur. Loin des prédictions initiales, +la performance des participants +semblent se détériorer lorsque le robot est trop proche, quelle que soit sa +distance d’action. Évidemment ceci est un étude scientifique dont l’objectif est +loin de celui des œuvres artistiques, où, au contraire, un contact proche peut +renforcer la complicité entre les interprètes et les robots, du moins du point +de vue des spectateurs. Puisque les espaces où cette interaction a lieu varient +de plusieurs mètres (\textit{Helpless robot}) à +des centaines de mètres carrés mètres (\textit{My Square Lady}), il me paraît que +l’interaction renforce le sentiment de complicité avec les robots, à condition +que la convention artistique soit adaptée en fonction de l’objectif de l’œuvre, +le thème et son contexte de la représentation. +Un aspect important confirmé tout au long de cette enquête est que très peu d’informations (41\%) ont +été fournies sur la stratégie de contrôle et les spécifications de sécurité des +robots employés lors des performances artistiques. Des œuvres utilisant des +robots industriels qui ne sont pas certifiés pour l’évaluation des risques, +mettent la vie des artistes et des spectateurs en péril. Ainsi c’est important +de mentionner que l’industrie du divertissement s’adapte partiellement à ces +règles et réglementations, tandis que les robots industriels doivent se +conformer à des procédures de sécurité très strictes. Lorsqu’un robot est +employé lors des événements largement diffusés, comme par exemple lors du +concours Eurovision en 2016, le chorégraphe Fredrik Benke Rydman a du +respecter un cahier de charges et des restrictions importantes. Pareil pour la +Tournée ´´Timeless” de l’artiste internationale Mylene Farmer en 2013. La +distance entre les interprètes et le robots est très grande. Plus récemment, des +normes comme l’ISO/TS 15066 et l’ISO 102101845, qui assurent la cohérence des +caractéristiques essentielles telles la sécurité et la fiabilité des cobots, +devient très importante pour tout contexte de travail en dehors de l’industrie. +Avec 53\% des robots ou dispositifs robotiques étant le moteur de l’interaction +et 15\% supplémentaires, ayant à la fois le rôle de suiveur et de leader\cite{noormohammadi2023adapting} dans les +œuvres d’art, il est important de prendre en considération les procédures de +sécurité et les contraintes techniques de déploiement des robots dans des +environnements complexes. J’aimerais également souligner que, même si les robots +jouaient un rôle principal (76\%) dans le cadre de l’œuvre d’art, la plupart des +rôles de leader/suiveur qui leur étaient assignés étaient en fait des +interactions simulées, bien répétées à l’avance. Cela prouve que les technologies +actuelles sont moins performantes que ce que les humains imaginent. Lorsque j’ai +mentionnés au début de cette analyse les craintes au sujet du potentiel +destructeur de la technologie et la maniere dont cela va modifier nos vies – il +reste toujours l’espoir qu’une sécurité et éthique renforcée sont les facteurs +clé pour améliorer l’impacte de la technologie sur nos vies en général, et +projets artistiques en particulier. +En conséquence, les perspectives enrichissantes de la +nouvelle robotique, l’IA et les capteurs intelligents, accompagnées d’une +éthique interdisciplinaire forte, améliorent les possibilités +d’interaction non simulées, en temps réel. + +Cet état d’art orientée autour de l’interaction homme-robot en contact proche, + relève à quel point les artistes ne +sont peut-être pas conscients des subtilités technologiques actuelles +développées dans les laboratoires, dont certains déjà déployés dans les +industries. Ils ne sont moins au courant des certifications appropriées en +matière de cobotique et de sécurité. En absence d’une méthodologie officielle, +les artistes invités à exploiter le plein potentiel de la technologie, décident +de l’utiliser avec parcimonie. C’est le cas de chorégraphies de renommée +internationale comme le auédois Pontus Lidberg ou la canadienne Isabelle Van +Grimde qui ont développé des projets utilisant des algorithmes ML, autour des rencontres entre une intelligence humaine et une intelligence +artificielle sur scène. Comprendre les effets de la proximité et l’utiliser avec +justesse dans la robotique, reste un défi. Au moins dans le domaine de l’art les possibilités de +création et d'expression sont infinies. +A travers cette synthèse, j’ai tenté fournir une liste +non exhaustive de ces possibilités, ainsi que de possibles convergences entre +plusieurs domaines et leur lien avec l’industrie, une fois que les prototypes +attirent l’attention des scientifiques. De même, les artistes pourraient +utiliser des techniques de reconnaissance des émotions issues des neurosciences +et de la psychologie cognitive. Des capteurs physiologiques(comme la reponse +galvanique cutanée (GSR), l’électromyographie (EMG), la fréquence de la +réspiration (RR), la fréquence cardiaque (FC) et l’électroencéphalographie (EEG) ) +peut être portés et utilisés par les artistes pour fabriquer des robots +\textit{conscientset} et construire une œuvre interactive à +partir de ces bases. Des domaines comme la robotique de développement +élargissent notre compréhension de phénomènes importantes pour la danse, tels la synchronie\cite{delaherche2012tac} pour +mieux décoder les signaux non verbaux en question. + + +\section*{Conclusion} +Ce chapitre présente plusieurs manières d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis +dans les approches chorégraphiques contemporaines. Cela est confronté avec un état d’art +d’œuvres d’interaction robotique. +Son titre \textit{Robots sur scène}, introduit des notions en biomécanique comme façon d’appréhender le corps, proche de robots. Une fois la question de la corporalité traitée, il est nécessaire d’aborder les défis chorégraphiques dans la représentation du corps dans les spectacles postmodernes. Puis mettre en parallèle cela avec les observations des roboticiens comme J.P. Laumond concernant les robots qui performent. La dernière section de ce chapitre présente différents formats de présentation, faisant un court historique des robots, des automata et de l'art robotique. +Elle se conclut avec une panorama des tendances de ces dernières décennies, pour anticiper la suite dans les expérimentations pratiques présentées dans la deuxieme partie de cette thèse. +\clearpage +\chapter*{Conclusion de la partie I} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Conclusion} + +Dans cette première partie, je pose les bases théoriques des disciplines qui ont inspiré les recherches-créations détaillés par la suite. +Robots sur scène +Conscience du corps dans la robotique +Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle + +Bases théoriques +notions clé +Cette analyse révèle que les attentes et les angoisses envers les +robots sont également présentes dans les œuvres d’art robotiques, quel que soit +de leur thème, leurs contraintes techniques ou leur design. Dans nos écosystèmes +sociaux complexes, il n’est souvent pas facile de distinguer les raisons qui +génèrent l’un ou l’autre. Quant à l’exemple du \textit{HitchBot}, après l’analyse des +derniers données le concernant, ses créateurs n’ont pas pu déterminer pourquoi +le robot a été démantelé. Ils ont décide d’arrêter le projet et ne pas réparer +le robot. Peut-être des prochaines études sociologiques ou anthropologiques +pourrait déterminer si sa destruction a été causée par un acte inconscient de +peur de la part de quelqu’un qui ne voulait pas comprendre les robots. Certes +est qu’à la fin du XXIe siècle, l’Art et la Robotique vont entreprendre des +transformations majeures, laissant place à l’imagination quant à leur possible +relation et impact dans nos vies. Dans\cite{dautenhahn1995ras}, les auteurs affirment que +l’intelligence originaire des primates a évolué pour résoudre des problèmes +sociaux et seulement plus tard a été étendue à des problèmes extérieurs du +domaine social, comme la technologie. Depuis il est important de se rappeler que +l’intelligence des robots est conçue et exploité dans la mesure du possible pour +se conformer aà des lois et droits fondamentaux, y compris de la vie privée\cite{boden2017cs}. En réfléchissant à ces questions, les roboticiens, les artistes et les +universitaires posent les bases d’une éthique envers les machines\cite{kahn2012hri} pour que +´´des robots personnifiés et d’autres systèmes informatiques incarnés peuvent +représenter une nouvelle catégorie ontologique.” Pour cela\cite{kahn2011hri}, voient les +humains, pas les machines, comme le principal agents responsables dans +l’équation. Compte tenu de ce principe éthique dans l’évolution de +l’intelligence, applicable à la fois aux systèmes naturels et artificiels\cite{dautenhahn1995ras}, +j’imagine avec impatience la contribution de la robotique sociale et de l’art aux prochaines transformations de notre société. +Si les artistes inspirent le développement de la robotique +ou l ‘inverse, les deux disciplines continueront de surprendre nos attentes pour +lors des prochaines années. Tout au long de cette analyse, j’ai soulignée comment +les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition +indomptée\cite{kaplan2004ws} avant l'intervention humaine. Idéalement notre relation avec +eux pourrait s’améliorer à l’aide d’expérimentations artistiques centrés sur +l’interaction de contact proche et le toucher\cite{wong2022thms}. Puisque les robots +ne sont pas capables d’intentions jusqu’à présent, nous ne pouvons que espérer +mieux nous comprendre\cite{ishiguro2018gs} nous-mêmes en tant qu’espèce, en les observant eux nous imiter. + +%^\iffalse ... \fi diff --git a/sections/partie_2.tex b/sections/partie_2.tex new file mode 100644 index 0000000..d811942 --- /dev/null +++ b/sections/partie_2.tex @@ -0,0 +1,1981 @@ +cocu\part{Des robots et des ours. Le travail de terrain et ses contraintes} + +\chapter*{Introduction} +\begin{quote} + +Cette partie résume mes observations empiriques après cinq laboratoires de recherche, six résidences artistiques, deux études de terrain et une présentation publique. Elle se conclut par des interrogations concernant les formes de conscience propres aux robots. + +Le premier chapitre traite des possibilités d'improvisation avec des machines. Ces machines consistent en objets électroniques inspirés par des principes de lowtech que j’ai construit et employé en dehors des robots du laboratoire. Le deuxieme chapitre présente deux études de terrain autour de la danse et des robots. Un premier en dehors du laboratoire, avec des lycées en danse travaillant avec les doubles virtuels (en anglais \gls{digital twin}) des robots. Le deuxieme au laboratoire LIRMM, avec un bras industriel et un humanoïde réel, conçu pour des étudiants en informatique. +Le troisième chapitre intitulé \textit{Robots, danse et conscience artificielle}, traite de la créativité et la capacité d’adaptation lors des projets de danse avec des robots. Il détaille une présentation publique qui synthétise mers observations sur ce que peut être une conscience artificielle, en lien avec la danse inspirée par des pratiques somatiques. Une notion clé pour la lecture de ces chapitres est celle de l'improvisation en danse. + +La danse improvisée en tant qu'outil de développement chorégraphique et de renouvellement de formes, est relativement récente dans l'histoire de cet art. Au début du 20éme siècle May Wigman, Loie Fuller puis Martha Graham et Merce Cunningham l'ont mis en avant, puis dans les années 1970, Steve Paxton développe la \gls{contact improvisation}. Avec le temps cette pratique est devenue constitutive de la danse contemporaine, aidant les danseurs à explorer leur créativité et se connecter avec leurs émotions pour générer du matériel chorégraphié. +Pour Paxton, la pratique de la contact improvisation est basée sur la communication entre deux corps en mouvement. Leur contact physique est influencé par les lois physiques qui régissent leur mouvement : la gravité, l'élan, l'inertie. Le corps, afin de s’ouvrir à ces sensations, apprend à libérer les tensions musculaires excessives et à abandonner une certaine volonté de contrôler le flux naturel du mouvement. La pratique consiste à rouler, tomber, être à l'envers, suivre un point de contact physique, soutenir et donner du poids à un partenaire. +Avec Deborah Hay, Yvonne Rainer, Trisha Brown et d'autres membres de ce qui allait bientôt devenir le \textit{Judson Dance Theatre}, Paxton a suivi des cours de composition basés sur des combinaisons aléatoires, avec Robert Dunn, au studio de Merce Cunningham. Lors de cette période d’apprentissage, le jeune chorégraphe s'est familiarisé avec une vision postmoderne de la danse. Pour une de ses restitutions publiques, il a proposé un spectacle de danse d'un minute où il reste assis sur un banc pour manger un sandwich. En 1972, il réunit un groupe des étudiant pour un travail à la galerie John Weber, ouvrant leur processus d'expérimentation à tous ceux qui voulaient les voir improviser. +Toujours en 1970, Paxton, Rainer et plusieurs autres membres du Judson Dance Theatre créent le collectif \textit{Grand Union} pour travailler en collaboration, sans structure hiérarchique. Les présentations du groupe font état des moments improvisés et prises de position anarchiques à l’intérieur du dispositif scénique. Lorsqu'il mentionne cette époque, Paxton parle d'un laboratoire de possibilités des formes. À partir de 1986, il se concentre sur une autre technique intitulée \textit{Material for the Spine} (1986-2008), en français \textit{matériel pour la colonne vertébrale}. Comme son nom l'indique, cette exploration vise les muscles, les vertèbres et les récepteurs sensoriels en lien avec la colonne vertébrale et son rôle dans la marche comme préambule à la danse. Pour mes échauffement en danse je me suis parfois servie de cet enregistrement qui dirige une session de préparation de contact improvisation\footnote{https://soundcloud.com/the-amam/audio-recording-of-steve-paxton-guiding-the-small-dance} +En écoutant la voix de Paxton, cela ressemble à une méditation debout axée sur les micro-mouvements que le corps effectue pour rester droit. Son objectif est d'explorer des états d'immobilité et de désorientation,partie d'une enquête physique sur les états de chute, de position debout et d'attrapage qui précédent un contact. + +L'improvisation dansée facilite la création du mouvement spontanée, sans planifier à l'avance aucun pas de danse ou chorégraphie. Les danseurs répondent à des contraintes, sans s’appuyer sur des schémas de mouvement prédéfinis. Selon leur niveau de lâcher prise, ils peuvent chercher à créer des mouvements originaux ou à utiliser des mouvements familiers de manière unique. Dans notre contexte, un demi siècle après le début de la contact improvisation, l'utilisation des outils numériques est une autre manière d'improviser, propre à la technicisation de nos sociétés. Cette improvisation représente une convergence entre le corps et la technologie, dont l'objectif est de faire émerger des gestes et mouvements qui sortent des motifs habituels des danseurs. Bien que les artistes ont utilisé des dispositifs numériques à partir des années 1960, ces pratiques étaient beaucoup plus expérimentales et exceptionnelles à l’époque. De nos jours, l’accès facile à ces technologies et le dynamisme de leurs avancées, encouragent chercheurs et artistes à comprendre comment leur utilisation transforme le mouvement. Les corps entrent dans un processus hybridation avec l'outil technique. Cette altérité est mise en avant comme ressort pour des nouvelles écritures du plateau où le corps devient un support technologique ou support \textit{pour la technologie}. Similaire à un jeu renouvelé, l'objectif n’est pas de savoir si les partenaires se ressemblent ou s’opposent, mais la façon dont leur imbrication facilité la créativité. + +Les codes culturels contemporains ont un impact sur le corps qui danse, notamment lorsqu'il s'agit d'une transcription gestuelle pour des interactions avec des agents non-humains. Lors d'une improvisation, les règles adaptatives de comportement sont influencées par l’expérience vécue et par les contraintes fixés en amont. Pendant un spectacle qui utilise des nouvelles technologies, la dialectique entre le corps expérientiel et le corps en état de représentation, accueille un troisième facteur qui est celui de l’appareil technologique et son ubiquité. Il est important de comprendre les points de croisement entre ces trois dimensions avant de questionner leur impact sur la créativité. + +Nous considérons qu'improviser des mouvements de danse avec des robots peut être un enrichissement pour le renouvellement de la danse. Cela peut générer du matériel de danse innovant. Jusqu'à présent, les pratiques somatiques en danse, comme le Body Mind Centering ou Feldenkrais présentées dans la première partie, libérèrent le corps de l'appât d'une danse \textit{automatisée} ou standardisée. L’étape suivante est de rajouter l’altérité des agents non-humains, à ces expérimentations et d'observer les effets. + +Les robots et les humains peuvent exprimer des émotions au travers des gestes, cela implique principalement de contrôler des mouvements. Chez les humains, ces gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients, comme l'improvisation. Notre intention est de vérifier dans quelle mesure des mouvements improvisés peuvent être recontextualisés ou esthétisés lorsqu’ils sont appliqués aux robots et autre agents non-humains en situation de représentation. + +Un exemple de représentation est la performance du robot HRP-4C pour le DC-EXPO au Japon. Le robot exécute une danse synchronisée, entouré par quatre danseuses\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=LjbyxekEo6s}. Cette synchronisation est préprogrammée, réglée et apprise en amont, puis simplement reproduite sur scène plus comme un spectacle de danse automatisée, qui ne laisse aucun place à l'improvisation. +Nous détaillons dans les prochaines chapitres nos expérimentations avec des robots et dispositifs automatisés capables de générer des mouvements improvisés, grâce aux algorithmes de planification et de contrôle. + +Tout au long de nos expériences de programmation en cours, les robots utilisent peu de retours de l'interprète. Sa présence seule produit un effet d’étrangeté et nous analysons dans les prochaines pages +les possibles implications de ce type d'interaction. Les metteurs en scène ou chorégraphes travaillant avec des ingénieurs\cite{pluta2018laboratoire}, mettent en place une \textit{illusion théâtrale}, sortie de double convention selon laquelle les robots seraient autonomes et capable d’agir. A notre tour, en lieu de perpétuer cette illusion, nous considérons important que les robots apprennent à improviser. Ce processus imite l’improvisation humaine, en utilisant des techniques de programmation d’IA. Cependant, Penny souligne que les machines ne sont pas capables d’improviser et lorsqu’elles font quelque chose d’inattendu, il s'agit plutôt d'un bug ou d'un dysfonctionnement\cite{penny2016improvisation}. En échange, du point de vue des roboticiens, l'improvisation sur scène peut s'apprendre et se programmer, grâce à des connaissances avancées en apprentissage automatique et en mathématiques statistiques aléatoires. + +En prenant état de ces observations contradictoires, notre objectif principal est d'analyser les possibilités de co-création avec des agents non-humains, à travers la danse improvisée. Nous mélangeons des techniques somatiques avec des dispositifs électroniques, dans un contexte artistique dynamique. Nous analysons l’effet de ces contraintes sur l’interprète, en mettant en place une méthodologie propre aux projets transdisciplinaires. Cette méthodologie nous aide à mieux comprendre la créativité dans les formes d'art basées sur l'interactivité homme-machine (H2M). Cela peut éventuellement faciliter la manière dont les robots sociaux sont intégrés dans la société. + +Dans ces expérimentations, nous employons un \textbf{modèle d'intelligence distribuée} en lien avec des principes de robotique cognitive. Cela s'approche d'une sorte d' \textit{Umwelt improvisé}\cite{penny2016improvisation} où des agents peuvent cohabiter le même espace (la scène) sans se connaître, puisque leurs \textit{umwelt} (c’est-à-dire leurs environnements sensoriels) ne se croisent pas. Cette cohabitation pourrait être suivie d'un état de co-création, à condition qu’un langage commun émerge entre ces entités humaines et artificielle. + +Afin de comprendre la complexité du comportement du robot HRP-4, nous considérons des principes de la cognition incarnée\cite{ziemke2016body}, comme le modèle d’intelligence distribuée présenté dans la première partie. Cela peut être décrit par des caractéristiques en lien avec l’incarnation, l’agence, l’émergence et l'extension de la machine dans son environnement. Dans notre cas particulier, l’émergence peut concerner plus directement la créativité, au sens où un comportement nouveau et complexe du robot peut être un source d'inspiration pour des expérimentations en danse. Alors que l'agence, l'incarnation et l'extension se traduisent différemment pour des agents virtuels ou physiques. Les danseurs sont habitués à exprimer leur maîtrise de ces éléments sur scène, peu importe leur environnement. Les possibilités d’interaction que nous étudions renouvellent plusieurs expériences Human-to-Robot (H2R), sur scène. Dans cette recherche, nous nous intéressons davantage à un état d'inconfort ou d'adaptation à des comportements peu incontrôlés du robot. Certains artistes appellent cela des \textit{petits gestes incohérents}\cite{zaven2014effets}. En les mettant en avant, à la place des comportements précises et gestes maitrisés, les artistes recherchent un \textit{effet de présence}\cite{zaven2014effets} chez les robots. Sur scène, cet effet est déjà perçu chez les humains, reste à voir comment le convoquer chez les robots. + +Une fois acquises, ces gestes peuvent stimuler l’attention de l’interprète et maintenir un effet de surprise lors des improvisations. Leur rôle est de renforcer les points de croisement entre un corps expérientiel, un corps en état de représentation et un corps technologique, mentionnés plus haut. Les effets de cette hybridation impliquent également des considérations éthiques que nous allons décrire en fin de cette partie. + + +\chapter{Improviser avec des machines} + +\section{Performances dématérialisées} + +\subsection{A.VOID} + + +A.VOID est un projet numérique co-crée avec Isadora Teles de Castro en 2020. Conçu comme une série des performance collectives dématérialisées autour du son, du geste et de l'image, ce projet a un format hybride mélangeant radio, applications web et gestes devant une webcam. + +Contexte de création + +Impactées par les contraintes en lien avec la pandémie Covid19, nous nous sommes demandées, comme beaucoup d’autres, quel avenir pour l’art performatif et comment agir dans ce contexte extraordinaire. Face à des lieux de diffusion fermés, nous avons pensé organiser des performances collectives avec des utilisateurs qui se connectent en même temps que nous, pour co-créer ensemble. Cela a commencé en juillet 2020, quand nous avons présente notre premiere maquette A.VOID v1. en direct sur les ondes de Radio Galoche. Six mois plus tard, en décembre 2020, nous avons présentée la deuxième version du projet. +Ainsi l’isolement social et l'impossibilité de se rencontrer pour expérimenter et créer, nous à contraint d'inventer des nouveaux outils. Nous avons proposé une plateforme accessible en ligne pour simuler un espace de rencontre virtuel. Les participants se sont connectés grâce à leurs téléphone portables ou ordinateurs. Une fois détecté, chaque mouvement devant la webcam a été lié à un vecteur graphique dévénu agent virtuel pour des interactions son-image-texte. Des gestes ont été analysée pour extraire la direction et vitesse du mouvement et ainsi influencer le déplacement de l'agent virtuel, lors d'une succession de scénarios d'exploration appelés ``scènes”. + +Parmi les objectifs du projet, nous avons cherché à: + +\begin{itemize} + \item tester l’impact des technologiques numériques sur la créativité + \item s'approprier des outils de création qui échappent aux contraintes du monde physique + \item improviser avec une entité autonome virtuelle + \item provoquer des synergies son-mouvement-image et convoquer l'aléatoire dans le processus de création + \item proposer une manière inédite de s’impliquer dans une expérience artistique en tant que créateur + \item proposer un cadre alternatif de réception d’une oeuvre artistique + \item questionner le rapport performeur-scène, dans une situation de présence dématérialisée + +\end{itemize} + +Pour ma propre recherche en danse, ce projet m'a donné l'opportunité de comprendre intuitivement l’impact que la dématérialisation des gestes peut avoir sur le corps d'un danseur, tout comme cet impact peut influer les autres médiums comme le son ou les images. J'ai pu également observer comment l’abstraction d'un geste modifie le comportement autonome d’un agent virtuel et l'inverse. +Lorsque les participants nous ont partagé leur incertitude quand au comportement attendu et à la synchronisation avec les outils numériques j'ai pu confirmer mes intuitions quant au rôle des dispositifs numériques dans la co-création. Ce moment flou, ou l'humain se sent abandonné devant l'opacité du dispositif technologique est devenu pour moi un vrai moment de lâcher prise, catalyseur d'une expérience créative. Vidée de ses attentes et projections quant au résultat, le participant ne se regarde plus faire mais intègre le dispositif en pleine conscience, avec toutes ses sens. L'outil se transforme ainsi en véhicule d'exploration, dont les possibilités d'expression sont infinies. +Dans le cas d'AVOID, selon le rythme et la vitesse du mouvement devant la webcam, le son a été plus fort, ou plus vite. +Cela à confirmé l'importance des outils technologiques dans les processus de recherche-création. Persuadée que ce type d'état de pleine conscience à une composante synesthesique, j'ai poussée plus loin le lien entre son et geste. Les gestes ont fini ainsi se produire guidées par le son, dans l'intimité de chaque espace de représentation. Autre que moi et Isadora qui regardons la régie de la performance collective, chaque participant explorait son espace virtuel à son propre rythme. Des changements du son ou moments de silence ponctuait les transitions, encourageant une liberté d'expression pour chaque participant. Ainsi la fin était différente pour chacun d'entre eux, selon la dynamique d'exploration et les moments d'errance. Parfois des participants ont ignoré des instructions, ou manqué les observer, sans que cela soit contraignant pour notre processus. A titre personnel, cette opacité et manière de travailler est un moment privilégié loin des préoccupations pour un résultat visible. L'expérience subjective du spectateur, devenu performeur à l'intérieur de notre dispositif a été le vrai résultat de notre expérimentation. +Cela a orienté mes recherches ultérieures sur la figure du robot et l'effet qu'il produit en tant que partenaire de scène. + +Parmi les notes de mon journal de bord de cette époque, j'écrivais le 4 novembre 2020: + +\textit{Comment le geste du robot, par son caractère aléatoire et imprévisible, peut changer/transformer le geste du danseur? +Interagir avec une machine à laver, c’est comme interagir avec un robot? Quelque chose du comportement humain est déjà inconsciemment modifié face à un non-humain...} + +Description du projet: + +A.VOID cherche à modifier le rapport à une salle de spectacle, en créant des forme artistiques hybrides qui appartient aux spectateurs autant qu'aux artistes, capables d'exister indépendamment d'eux. +La performance propose un espace virtuel d’exploration collective, où les participants questionnent leur identité à travers +des sons, d'images et des textes qui interagissent avec eux. +Les participants intègrent notre plateforme à travers le webcam d'un dispositif numérique portable(ordinateur ou téléphone). Nous proposons un cadre d'improvisation avec des instructions donnés via une plateforme radio ou vidéo. Des données de position du souris dédoublent les participants en agents virtuels dont les gestes devant la webcam influencent le comportement des agents autonomens virtuels. +Ainsi dans notre système multi-agents, il y a deux catégories de participants: +\begin{itemize} + \item{A.G.A. qui signifie agent generatif autonome} + \item{D.V.P. qui signifie dedoublement virtuel d'un participant} +\end{itemize} +Le D.V.P est le résultat des données de position du souris et des gestes devant la camera, que chaque participant fait lors de sa connexion. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/avoid_schema} + \caption{Schema d'interaction pour le systeme multi-agents} + \label{fig:avoidschema} +\end{figure} + +Chacun se connecte et explore cet espace dématérialisé, accessible seulement le jour de la performance. + +La durée de chaque expérimentation ou improvisation est d'environ 15 minutes. Selon les temps de connexion de chaque utilisateur et son interet pour la performance, nous maintenons la connexion au serveur ouverte environ 30min supplémentaires. + +La première scène est collective, montrant les avatars correspondants à chaque participant. La suite est une exploration individuelle. Au fur et à mesure que la performance avance, d’autres agents autonomes interagissent avec les participants. L'apparence des agents autonomes est similaire aux avatars des autres participants, afin d'entretenir une ambiguïté sur l'interaction entre des participants humains dédoublés ou des agents virtuels. + + +A.VOID v1. est une proposition sonore d’isolement graphique. Les utilisateurs se connectent sur une plateforme en bougeant un objet de couleur rouge devant leur caméra. Ce déplacement est traduit sous la forme d'un point de couleur d'un canevas numérique. Sur ce canevas, un point central rouge représentant un mini-robot doit être touché pour lancer une nappe sonore. Nous captons le robot directement dans le plateau de la webradio via une webcam. Il est en train de danser maladroitement accompagné par les bruits faites par des utilisateurs connectés. Lorsque des autres points de couleur se touchent, d'autres sons émergent, le tout forme une nappe de bruitage sonore, doublé par les mouvements des utilisateurs. + +La performance diffusée en juillet 2020 est accessible online, sur le site de Radio Galoche\footnote{http://www.galoche.online/emission/31/2020-07-03-10-30-avoid-i} + +A.VOID v2. continue notre questionnement sur la relation son-images-mouvement, dans une perspective synesthésique. Cette fois-ci nous avons imaginé une performance individuelle en plusieurs étapes, dont la durée reste à déterminer pour chaque participant. Nous diffusons la performance en direct à la radio pendant ses premières 15 minutes, mais un algorithme de vie artificielle évolutif continue d’interagir avec les inputs webcam de chaque utilisateur. Il s’agit donc d’une exploration personnelle sur la notion de soi et d’identité numérique. Lors de la dernière scène, une image pixelisée de la webcam de chaque participant est envahie par des agents virtuels évolutifs. Selon sa couleur, chaque pixel devient de la nourriture ou du poison pour ces agents virtuels, déformant l'image de fond qui capte le background de chaque participant. Par cela, notre intention est de questionner l'identité numérique ainsi que la possibilité de performer avec des entités generés par un contexte virtuel. L'interaction ne suit plus règles des systèmes physiques et c'est difficile de distinguer les agents réels des agents virtuels de cet ecosysteme. La présence humaine est traduite par des moyens d'expression propres à l’ordinateur ou au portable qui se connecte à l'application. C’est un type d'interaction re-contextualisée avec des entités autonomes virtuelles qui agissent directement sur l'humain. + +La performance diffusée en décembre 2020 est accessible online, sur le site de Radio Galoche\footnote{https://www.galoche.online/emission/307/2020-12-12-12-20-avoid-ii} + + +Parmi les mots-clés qui décrivent la dernière maquette du projet, nous nous sommes arrêtées sur: exploration synesthésique, performance dématérialisée, comportement aléatoire, geste dématérialisé,écosystème virtuel, dédoublement numérique. + +Nos notes de 8 décembre 2020 décrivent le scénario d'A.VOID v2, qui se déroule sous la forme d'un tableau en 10 scènes. + +Scène 1 +L’utilisateur se connecte et voit une interface graphique où il y a une ligne qui bouge (déplacement inspiré par l'algorithme flow fields) + +Scène 2 +Écran noir, un contour de main apparaît avec une ligne qui suit ce contour + +Scène 3 White Noise +Flock statiques comme un ciel la nuit avec des étoiles filantes + +Scène 4 +Flock qui bougent suivant le mouvement de l'utilisateur + +Scène 5 SON1 +Ecran noir avec des flow fields et moment long d’improvisation son + flow fields + +Scène 6 SON2 +Flow fields qui se transforment en shadder, improvisation musicale continue + +Scène 7 +Juste shadder avec SON2 + +Scène 8 +Shadder avec l'apparition du visage de participant (stop SON2) + +Scéne 9 White Noise +Image du webcam pixelisée avec le flock qui revient 10sec puis des les algorithmes évolutifs + +Scène 10 White Noise +Lecture du texte puis encore 10sec avec les flock évolutifs + +FIN +fin de l’antenne alors que chaque participant peur continuer l'expérience individuellement pour voir les algorithmes évolutifs modifier l'image de fond + + +\textbf{Extrait du texte qui a accompagné Avoid v2. lors de sa diffusion en decembre 2020: } + +\textit{Ce voyage commence par l’empreinte d’une main, tel les empreintes à l’ocre des hommes préhistoriques sur les murs des grottes. Cette main dont le mouvement peut modifier le son de notre dispositif, est le salut d’une personne dont on ne connaît pas l’identité, vers des autres, anonymes connectés à un serveur qui diffuse notre expérimentation.} + +\textit{Comme d’autres avant nous, nous aimerions dire que nous vivons un moment particulier dans l’Histoire de l'humanité. Est-ce que ce moment coïncide- en termes de mutation de l’esprit- avec ce que les humains préhistoriques ont ressenti lorsqu’ils ont créé ce que nous appelons aujourd’hui l’art rupestre? Peut-on dire que l’art numérique d’aujourd’hui sera l’art préhistorique de demain? Nous ne le saurons jamais. Mais ce que nous savons c’est que les possibilités qui se dessinent devant nos yeux sont infinies. Et notre rapport au monde, tel qu’il a été défini par nos ancêtres, est lui aussi en train de s'hybrider avec des machines dont l’existence ordonne la notre.} + +\textit{Le dernier repère de cette expérimentation est le reflet d’un visage. Notre propre visage à l'intérieur du dispositif numérique. Sur l'écran de votre ordinateur, ce visage se dédouble dans des matrices de 0 et de 1. Puis un algorithme de vie artificielle s’inscrit dans l'interface pour modifier ce reflet qui change au fur et au mesure que les algorithmes opèrent. Les personnes connectées au serveur- participants à notre expérimentation- peuvent rester regarder cette transformation un temps indéfini. Chaque portrait est modifié d'une façon unique et personne n'a accès au rendu final à part l'utilisateur lui-même.} + +\textit{Qui regardons-nous dans l'abysse de cette dématérialisation numérique? Est-ce nous, notre propre visage qui est altéré par des \textit{organismes numériques} ou ce sont des sosies d'une vie parallèle ? Sommes-nous ici et ailleurs? Et si oui, est-ce que nos sens se dédoublent, et ainsi se diluent, elles aussi dans l'absolu algorithmique?} + +\textit{Des étoiles filantes tombent sur le ciel virtuel de notre monde numérisé. Pas de réponse directe à toutes ces questions. +} +Paris, 12 décembre 2020, midi trente + +Le travail pour A.Void m'a permis d'explorer des intuitions quant à une dimension universelle de l'art, reliée aujourd'hui par la technologie. Quand un participant regarde le contour de sa main se dessiner sur l'écran, je ne peux pas m'empêcher penser aux premiers dessins pre-historiques, notamment celui de la grotte de Chauvet: +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/chauvet} + \caption{dessin avec de la poudre de pigments en ocre pour réaliser des mains en négatif, il y a plus de 30000 ans} + \label{fig:chauvet} +\end{figure} + +La première fois que j'ai vu je n'ai pu pas m'empêcher de réfléchir à la signification de ce geste. +La capture de mouvement est une pratique qui a été exploitée dans de nombreux domaines, mais particulièrement dans l'analyse biomécanique des populations sportives et cliniques. Est-cette image une première tentative de capture de mouvement, ou un acte artistique? +\smallskip +En octobre 2021, lorsque j'ai donné le cours \textit{Perception, emotion and aesthetics of movement} (PEAMO), j'ai eu l'occasion de tester un format différent de la performance, avec les étudiants en Mastère Spécialisé Intelligence Artificielle et Mouvement pour la Robotique et les Systèmes Interactifs (MS AIMOVE) de l'école Mines Paris Tech. La performance a été adaptée au contexte, avec Isadora me rejoignant via skype pour présenter le projet et le lancer à distance. +Les participants ont interrogé les caractère spontané des interactions, leur participation collective n'étant pas la meilleure façon d'interagir avec le dispositif puisqu'ils nt pu regardes les écrans d'autres participants pour comparer leur parcours. +Pendant ce cours j'ai également fait une démonstration avec un capteur Leap Motion (LMC), pour montrer une alternative accessible à la captation des mouvements de mains. LMC est un petit périphérique USB qui se branche sur l'ordinateur. Il scanne une zone d'environ 0.22 m3 au-dessus de l'appareil, à l'aide de lumières LED et de capteurs de caméra. Cela lui est suffisant pour détecter les deux mains et les 10 doigts lorsqu'ils se déplacent dans l'espace devant l' ordinateur. Ensuite il traduit les données de position en informations numériques qui peuvent entre transformées en indices sonores ou visuels. +Ce type de capteur offre un moyen peu coûteux de suivi des mains, sans utiliser des marqueurs de position. Son utilité est limitée par un petit champ de vision mais la précision de sa détection le rend intéressant pour des projets DIY. + + +\begin{figure} +\centering +\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/leap_motion} +\caption{Mise en place d'une démonstration de capture de main avec la librairie open source LibFreenect} +\label{fig:leap-motion} +\end{figure} + +Les participants ont pu observer comment deux technologies différentes peuvent produire les mêmes effets. + + + + +\textbf{Repères techniques} + +Pour ce projet, nous avons utilisé le langage de programmation P5.JS, dont les brouillons, en anglais \textit{sketches}, facilitent une connexion multi-utilisateurs pour co-créer ensemble. P5 est une librairie open source JavaScript accésible online pour facilliter le \textit{creative coding}- une façon de programmer simplifiée, propre aux artistes. Ce langage est dérivé de Processing - une solution software imaginé comme façon simplifiée de programmer, grâce au contenu visuel de ses modules. Avec le temps, la communauté à fait évoluer le software dans un outil de création avec multiples applications, dont le P5. +\smallskip +Bien que P5 est accessible dans un browser, pour pouvoir inviter plusieurs utilisateurs se connecter à la même page, nous avons du créer un server qui traite des demandes HTTP avec l'aide de la plateforme \textit{Heroku}\footnote{https://devcenter.heroku.com/categories/nodejs-support} et du code source \textit{Node.js} dédiées aux applications réseau- \textit{JavaScript network applications}. +Grâce aux tutoriels open source du module \textit{sockets.io} nous avons pu inviter plusieurs participants accéder simultanément à notre performance. Le principe a été de transmettre les coordonnées mouseX, mouseY du souris de chaque utilisateur, sur une canevas graphique partagée en temps réel. +Isadora a choisi explorer les possibilités graphiques de notre performance par les \textit{Shaders}-deseffets visuels spéciaux qui s'exécutent sur la GPU(Graphic Processing Unit) d'un ordinateur. Cela lui a permis de traiter de nombreux pixels à la fois pour générer du bruit et appliquer des filtres inspirés par des algorithmes de vie artificielle. + +Le travail de recherche sonore, nous a conduit à employer la librairie \textit{P5sound}. Les fichiers utilisés comme bases sonores sont: \textit{le Piano Concerto \#2 in C Minor, Op. 18}(1901) par Serguei Rachmaninoff et \textit{le Concertino pour harpe et piano}(1927) par Germaine Tailleferre, en complément d'une nappe sonore de BruitBlanc, \textit{WhiteNoise} qui accompagne certaines scènes de la performance. Parmi les algorithmes de composition, nous avons choisi de détourner la fréquence et le volume sonore de ces fichiers, selon la position de chaque utilisateur sur le canevas et la vitesse de ses mouvements. Alternativement, dans la première version de la performance, nous avons associé un son au robot et un son à chaque interaction entre les positions des utilisateurs, créant un espace sonore qui illustrait les déplacements dans l'espace. + + +\subsection{Émission radio sur la conscience artificielle} + +En juillet 2020, j'ai eu l'occasion d'animer l'émission radio \textit{Conscience Artificielle. Mythe ou Realité?} dont les invités ont été des artistes-chercheurs. Parmi les invitées: Sooraj Krishna du laboratoire ISIR, puis Chu-Yin Chen, Isadora Teles de Castro et moi-même du laboratoire INREV\footnote{http://www.galoche.online/emission/33/2020-07-03-11-30-conscience-artificielle-mythe-ou-realite}. + +L'objectif de cette émission, structurée sous la forme d'un débat, a été d'échanger des points de vue personnels sur la question de la conscience artificielle. La motivation principale a été de comprendre comment la science peut modéliser un phénomène qu'elle n'arrive pas à définir entièrement. Plus exactement, nous avons cherché à comprendre et aussi spéculer sur l'éventualité qu'une conscience humaine peut-être reproduite par des moyens artificiels (ou pas). + +J'ai préparé une série des références qui ont été distribués en amont de l'émission. Parmi eux, quelques extraits ont été écoutés en direct. La première mention a été le projet \textit{The Humain Brain Project} ou HBP. Ce projet scientifique d'envergure crée en 2013 vise à simuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un superordinateur, dont les résultats obtenus auraient pour but de développer des nouvelles thérapies médicales en réponse aux maladies neurologiques de notre époque. + +Dans le déroulée de l'émission nous avons également diffusé un extrait sonore du chercheur Stanislas Dehaene, ancien élève de l'École normale supérieure et docteur en psychologie cognitive. Professeur au Collège de France depuis 2005, il est responsable de la chaire de Psychologie Cognitive Expérimentale. Ses recherches se concentrent autour des bases cérébrales d'opérations les plus fondamentales du cerveau humain: la lecture, le calcul ou la prise de conscience. + +La prochaine référence partagée a été un extrait sonore qui évoque le concept d'\textit{Umwelt}, à la croisée des chemins entre biologie, communication et sémiotique. Selon Jakob von Uexkull et Thomas A. Sebeok, l'Umwelt (pluriel : Umwelten) désigne l’environnement sensoriel propre à une espèce ou un individu, traduit en français par l'expression de \textit{monde propre}. La théorie de von Uexkull explique comment des organismes qui partageant le même environnement, font l'expérience de différents réalités sensorielles. Par exemple, une abeille qui partage le même environnement qu'une chauve-souris, sera sensible à la lumière polarisée tandis que la chauve-souris réagira aux ondes issues de l'écho-location. Les deux stimuli leur étant réciproquement inaccessibles, produisent une perception différente du monde extérieur pour chacun. +Un autre article partagé, fait état d'une définition de la conscience en lien avec des états d'éveil\cite{vanhaudenhuyse2007elsevier}. +Nous nous sommes inspirés par ce graphique qui met en relation le niveau d'éveil et l'environnemt: + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/conscience} + \caption{Corrélation du niveau d'éveil avec la conscience de soi et de l'environnement. } + \label{fig:conscience} +\end{figure} + + +Ensuite j'avais lu un extrait de l'article \textit{ +Action \& Enaction - Emergence de l'oeuvre d'art}\cite{lambert2017action} que Chu-Yin CHEN avait écrit en 2017: +\begin{quote} + +``Quand je lance un caillou, je peux prévoir sa trajectoire et savoir où il ira. Mais, si je lâche mon chat, et bien que je l’aie apprivoisé, il s’échappe de ma main : il fuit pour se cacher ou il cherche à s’amuser. Quand je l’appelle, il joue à cache-cache, il fait tout ce qu’il veut dans cette maison. En fait, toutes les entités vivantes s’administrent par leurs propres lois qui caractérisent leur autonomie.” + +\end{quote} + +L'intelligence ou la conscience sont des concepts dont la définition varie suivant les domaines. C'est pourquoi, dès que notre raisonnement touche à l'intangible, il devient difficile de quantifier et rationaliser la conscience sans la réduire au seul fonctionnement du cerveau. Parmi les idées véhiculés lors des interventions, je mentionne celle où les émotions et la perception sont vues comme des composantes en lien avec la conscience, tout comme les pensées ou le sens du soi. D'un point de vue psychologique, elle représente une sensation intériorisée immédiate qu'un être établit avec le monde. Dans ce sens, elle peut aussi être reliée aux notions de connaissance, d'intuition et de réflexivité. +La conscience est également représentée par un parcours graduel entre le sommeil profond et la veille peuplé par des états intermédiaires. Selon le paradigme de la recherche scientifique utilisé, un état modifié de conscience (EMC) est un état mental différent de l’état de conscience ordinaire. Cet état représente une déviation dans le fonctionnement psychologique d'un individu, par rapport à certaines normes générales de la conscience à l'état de veille. De cette façon les rêves, les états hypnotiques, les hallucinations, la transe, la méditation, les états sous l'influence des drogues psychotropes ainsi que l'état végétatif ou le coma sont des exemples d'EMC. + +\textbf{illustration courbe EMC} + +Dans l'introduction de son livre \textit{Les États modifiés de conscience}(1987) Georges Lapassade, décrit les EMC comme: + +\begin{quote} +``un certain nombre d’expériences au cours desquelles le sujet a l’impression que le fonctionnement habituel de sa conscience se dérègle et qu’il vit un autre rapport au monde, à lui-même, à son corps, à son identité.”\cite{lapassade1986emc} +\end{quote} + +Plus tard, l'ethnologue évoque l'importance du dédoublement vu comme une dissociation spontanée entre deux dimensions fondamentales de la conscience modifiée. Pour Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active d’observation par laquelle le sujet prends acte de ce qu'il traverse. Le miroir d'une réalité propre, selon les capacités sensorielles de chacun, illustre ce que le sujet arrive à traduire consciemment. +A leur tour, les invités illustrent ce problème sous la forme d'une paradigme recursive dont l'objectif est la connaissance de soi. Isadora parle d'un cycle d'apprentissage qui passe par plusieurs étapes: ``the more we try to simulate consciousness, the more we understand consciousness. Our actual state of consciousness is too ahead of what we try to simulate. Our trials are a way to understand our own consciousness, a late mirror from a millions of years ago.” Ces observations nous permettent de re-définir le concept de réalité, en nous appuyant sur les concepts théoriques de von Uexkull ou de Dehaene, ainsi que sur nos propres observations. + + + +\textbf{If you throw a robot, what would the robot do?} + +Les échanges ont continué en avançant l'idée d'une possible conscience pour les robots, en lien avec la boucle perception-cognition-action. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle la seule possibilité réelle d'une tel objectif, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais et facteurs cela doit se produire pour générer une expression crédible d'une effet de conscience ou ``make a believable expression of consciousness” pour citer Sooraj. Nous avons pris comme point de départ le comportement des organismes vivants. De cette manière, nous nous sommes demandées comment mieux anticiper le comportement qui vise la trajectoire d'un robot jetée, par rapport au trajectoire du chat ou de la pierre dans l'exemple de Chu-Yin. Nous avons conclu que le comportement émergeant d'un système complexe dépend également de l'influence de son environnemt. Le degré d'incertitude des conditions de l'environnement doit être pris en compte. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que la ré-activité et l'autonomie de ce type de système, est ce que +garantit sa réussite. Un robot qui s'adapte aux conditions de son environnemt avec les mêmes instincts qu'un humain, sera l'émulation parfaite. Cependant autant que nous ne connaissons pas dans les plus brefs détails notre propre fonctionnement en tant qu'espèce, nous n'y arriverons pas à la modéliser. +Rétro-activement, la pensée du Michel Bibtol peut pousser plus loin l'exercice de spéculation fait pendant l'émission radio. Suite aux nombreuses échanges, nous n'avons pas fait écho à l'article \cite{bitbol2018cp} que faisait partie de notre matériel didactique pour entrer dans la matière. Le philosophe de sciences semble conclure mieux que nous le débat: + +\begin{quote} +``Et d’ailleurs, pourquoi voudrait-on plus que cela ? Pourquoi voudrait-on que les robots soient \textit{réellement} le siège ou le centre de perspective d’une conscience phénoménale, en +supplément de leur comportement analogue à celui d’un être conscient ? Qu’est-ce que cela nous apporterait de plus par rapport au \textit{comme si} ? Une seule chose : la potentialité de +s’incarner soi-même, de se ré-incarner faudrait-il dire, dans un robot et d’affranchir ainsi le flux d’identification vécu que nous appelons \textit{ego} de ce corps malade et mortel. Le test pour +savoir si quelqu’un a réussi à se convaincre de cette possibilité serait de lui poser cette simple mais dérangeante question : \textit{accepteriez-vous de mourir à l’instant si vous saviez que votre structure cognitive et vos habitus comportementaux ont été intégralement téléchargés dans un robot?} Ou auriez-vous un doute, celui que la structure cognitive en question, n’ayant aucun vécu associé, vous seriez alors mort pour de bon ?” +\end{quote} + +Selon S.Dehaene, la conscience opère une intégration ainsi qu'une amplification des informations venues de différentes parties du cerveau. Chacune de ces parties traite à son tour, de façon automatique et non consciente, une partie des informations provenant de différents sous-modules. Pour le neuro-scientifique, ce fonctionnement hiérarchique basé sur le tri d’informations, permettra au robot d'adapter son comportement à chaque situation nouvelle. +Actuellement les robots autorégulent en partie leur comportement, selon leurs taches et capacités de calcul. Pour atteindre une autonomie décisionnelle, ils devraient simuler à 100\% un comportement humain. Grâce aux avancées en neurosciences, les architectures cognitives robotiques s'inspirent de plus en plus de mécanismes conscients d’intégration de l’information. Cependant ces mécanismes ne sont pas parfaitement compris, tout comme celles inconscients qui restent encore opaques et difficile à simuler. +Dans ce contexte, la théorie de l’information intégrée proposée par Giulio Tononi apporte des réponses complémentaires. Cette théorie avance l'hypothèse que l’accès à conscience d’un individu est lié à la quantité d’information intégrée dans son cerveau. +La thèse de Dehaene\cite{dehaene2021springer} approfondie cette perspective. Ainsi la définition de la conscience est donné en trois temps- celle de la conscience qui traite d'une information disponible globalement dans le cerveau ou qui peut-être utilisée à tout moment (C1 global availability of relevant information) avec l'interprétation subjective de cette information (C2 self-monitoring), mais aussi celle qui résulte des processus inconscients (C0- unconsciouss processing). + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/C1C2} + \caption{Illustration de la relation entre les composantes C0-C2 de la conscience, selon les observations théoriques de S. Dehaene} + \label{fig:c1c2} +\end{figure} + +La composante C1, celle de la disponibilité de l'information à tout moment, fait référence au caractère transitif de la conscience. Dans l'exemple de Dehaene, cela corresponds au pilote d'une voiture qui comprends la signification d'un voyant qui s'allume. Ainsi la représentation mentale du voyant rouge est intégrée dans un système cognitif d'interprétation de symboles. Cette information est disponible globalement pour des autres associations, autant qu'elle reste consciente. +Une autre propreté de la conscience est son caractère reflexif. Cela signifie qu'un système cognitif est auto-référentiel, capable de s'auto-évaluer selon un contexte donné afin d'obtenir des informations nouvelles. Par exemple, l'être humain qui récupère de façon automatique des informations sur la position de son corps, pour mieux l'ajuster en cas de disconfort. Dehaene décrit cela comme une introspection, vue comme moyen de produire des représentations internes propres concernant les habilités de quelqu'un. Alors qu'une grande partie de l'information de notre environnement est décodée et stockée dans le cerveau sans que nous l'utilisons de façon conscience. Parfois des souvenirs peuvent influer nos décisions et états conscients, mais la plupart du temps cette masse d'information est opaque et opère au niveau de notre inconscient. +Selon Dehaene\cite{dehaene2021springer}, la composante C0 est siège des processus d'apprentissage et de notre coordination et la plupart des robots fonctionnent grâce à ses principes. Élargir ce modèle aux composantes C1 et C2 est un défi pour les chercheurs en robotique: +\begin{quote} +``How could machines be endowed with C1 and C2 computations? Let us return to the car light example. In current machines, the \textit{low gas} light is a prototypical example of an unconscious modular signal (C0). When the light flashes, all other processors in the machine remain uninformed and unchanged: fuel continues to be injected in the carburetor, the car passes gas stations without stopping (although they might be present on the GPS map), etc. Current cars or cell phones are mere collections of specialized modules that are largely \textit{unaware} of each other. Endowing this machine with global information availability (C1) would allow these modules to share information and collaborate to address the impending problem (much like humans do when they become aware of the light, or elephants of thirst).” +\end{quote} +Dans les exemples de Dehaene, un éléphant est capable de parcourir jusqu'au 50km pour retrouver une source d'eau lorsqu'il a soif, en intégrant des informations de son environnement et des indices par rapport aux autres fois quand il a eu soif. Nous pouvons espérer qu'un jour, des robots conscients de leur environnement et de leurs expériences passés, seront capables de s'auto-réguler et fonctionner de manière autonome dans un éco-système où ils seront tout autant intégrés qu'un espèce vivante. +\section{Objets électroniques} + +\subsection{M.I.P. ou comment rendre l'électronique créative} + +Une instance intéressante de ma recherche-création a été la préparation, entre décembre 2021 et mai 2022, d'un Module Pédagogique Innovant (M.I.P.) pour l'école doctorale EUR-ArTeC. Cette expérience d'enseignement m'a permis de conceptualiser mes questionements dans un cadre académique et ainsi les confronter et adapter à un contexte général de recherche. + +De cette façon, l'atelier laboratoire \textit{Interfaces Magiques : objets connectés pour la performance artistique} a été conçu comme un partage des connaissances autour du design et de la création d'accessoires électroniques interactifs et connectés pour des performances artistiques. Proposé comme un espace d’expérimentation mixte entre arts performatives, électronique et création d’objets connectés, ce module m'a permis de réfléchir à comment des interfaces connectées peuvent enrichir la créativité d'un performeur et comment un spectateur intègre cette proposition. + +Le projet a été conçu et animé en collaboration avec Isadora Teles de Castro, dans le cadre du projet ArTeC: \textit{Co-Evolution, Co-Création \& Improvisation H2M (CECCI H2M): Promouvoir une coévolution comportementale durable avec une co-création émergente Homme-Machine} dont j'ai fait mention dans l'introduction de ce travail. + +Il a eu lieu du 6 au 9 mai, de 10h à 18h, dans mon studio artistique au DOC! (26 rue du Docteur Potain, 75019 Paris) puis le 27 mai en ligne, pour discussion et retour d'expérience. +Les sept participantes ont été des étudiantes en M1 et M2 de l'école EUR-ArTeC. Puisque l' objectif pédagogique a été l’appropriation des dispositifs électroniques connectés dans un contexte artistique, elles: +\begin{itemize} +\item ont acquis des concepts et des références sur les accessoires électroniques interactifs portables, ainsi que sur les objets IoT connectés et leur contexte de création artistique, +\item ont expérimenté une première étape de planification, prototypage et réalisation d'interface pour des fins performatifs et artistiques, +\item ont acquis des bases en électronique et informatique qui leur permettront de s’imaginer leurs propres projets créatifs en interfaçant ensemble des modules électroniques (capteurs, actuateurs, carte contrôleur). +\item ont eu l’occasion de customiser leurs propres outils et accessoires lors d’un exercice dramaturgique en lien avec le féminisme et l’hybridation du corps. + +\end{itemize} + +La version intégrale du cahier de bord est disponible en ligne\footnote{https://interfacesmagiques.tumblr.com}. + +L'atelier a été structuré en plusieurs étapes. D'abord nous avons mis en place un syllabus contenant une état d'art des projets créatifs utilisant du matériel électronique et le lien vers des tutoriels de \textit{creative coding} et projets DIY qui nous ont inspiré. Ensuite nous avons présenté notre propre matériel électronique et quelques capteurs avant de commencer le travail pratique de familiarisation et expérimentation avec les boards Arduino et les capteurs. Le troisième temps a été celui de la réalisation d'une maquette collective, pensée comme étude de cas des connaissances acquises. Grâce à l'utilisation de capteurs, des servo-moteurs et de formes textiles plissées et pliées, les participants ont appris à créer une extension corporelle portable connecté aux mouvements d'un autre corps. Dans les semaines qui ont précédé cet atelier, nous avons également organisé un temps d'échange et de retour d'expérience. + +Une partie importante pour les permises du projet, a été le partage des ressources bibliographiques. Parmi les artistes qui nous ont le plus inspiré, il y a le travail de Katie Hartman. Son livre \cite{hartman2014make} présente les bases de l'électronique pour des projets créatifs, ainsi que des exemples de code et d'autres astuces et ressources partagés par la communauté. Artiste, chercheuse et pédagogue basée à Toronto, le travail de Hartman couvre des domaines comme la physique, l'informatique, l'électronique portable et l'art conceptuel. Fondatrice du \textit{Social Body Lab}, elle coordonne une équipe de recherche dédiée à l'exploration de technologies centrées sur le corps dans +un contexte social. Pour Hartman, le corps humain est une interface primaire en lien avec le monde extérieur et son projet d'utiliser des dispositifs portables (i.e. \textit{wearables}) est pensé en lien avec l'augmentation de nos capacités sensorielles. +Un expriment qu'elle propose, décrit les consignes pour l'écoute et l'amplification des bruits produit par une partie de notre corps. J'ai utilisé ses conseils lors des étapes de recherches ultérieurs, grâce à l'aide des capteurs sonores (microphones piezoéléctriques). Je parlerai de mes observations dans un prochain chapitre. +Cependant il est important de mentionner que cette approche informelle, au caractère ludique de Hartman m'a réconcilié et aidé à mieux comprendre le rapport au corps, par le biais d'une technologie simplifiée (\textit{lowtech}) + +Au même titre, Hannah Perner-Wilson et Mika Satomi, dont le travail est répertorié online sur le site \textit{How to get what you want}. +Leur idée est de mettre à disposition des références ``compréhensibles, accessibles et maintenables” qui encouragent les participants à contribuer ultérieurement, une fois les bases acquises. Les deux artistes et chercheuses cherchent à souder la communauté du collectif KOBAKANT\footnote{https://www.kobakant.at} qu'elles ont crée en 2008. Pour cela, elles explorent (souvent avec de l'auto-ironie et de l'humour) l'artisanat textile et l'électronique comme outils critiques des aspects technologiques de notre société. + Sur leur site, elles expriment leur credo de la façon suivante: + +\begin{quote} +``KOBAKANT croit que la technologie existe pour être piratée, faite à la main et modifiée par tout le monde pour mieux répondre à nos besoins et désirs personnels.” +\end{quote} + +Le travail individuel de Hannah Perner-Wilson s'est constitué en parallèle autour du projet \textit{Wearable Studio Practice} (WSP). WSP représente une collection d'objets portables -\textit{wearables}- qui facilite la création de projets électroniques nomades, comme moyen d'expérimenter le monde. +Pour elle, l'acte de fabriquer-\textit{making}-est une forme d'expression créative en lien avec la nature.\smallskip + +Je rajoute à cela l'importance du héritage de Rosalind Picard et son travail au laboratoire MIT, où elle a développé sa thèse sur l'importance des émotions dans la programmation- \textit{affective computing} où le concept même d'ordinateur est revisité du point de vue de son utilité. Si la plupart des ordinateurs sont utilisés d'une façon identique, son équipe imagine des ordinateurs qui peuvent être portés comme des lunettes ou des vêtements, pour interagir avec l'utilisateur en fonction de son contexte. Son hypothèse est que les technologies peuvent augmenter nos capacités affectives, comparatif avec la communication inter-personnelle directe, puisque la communication intermédiée par un ordinateur offre des multiples possibilités d'expression\cite{picard2000affective}. Sa démarche a motivée les prochaines générations des chercheuses à affranchir des nouvelles limites et oser penser différemment. Peu à peu, l'accès aux ressources s'est démocratisé et ces projets de recherche sont devenus Open Source pour inspirer le travail de Perner-Wilson ou Hartman, quelque part à la lisière entre l'académique et le do-it-yourself (DIY). + +En suivant les avancées dans ce type de communauté scientifique, dont les membres sont souvent appelés \textit{makers}, la possibilité de créer des appareils portables ludiques pour amplifier, étendre ou renverser notre langage corporel, reste une activité récréative capable d'inspirer plusieurs domaines plus ``sérieuses”, dont la robotique. La décentralisation des pratiques et le partage des ressources, déterminent une partie de makers à détourner le rôle de ces dispositifs dans les interactions sociales. Ils explorent ainsi les moyens d'étendre physiquement leur propre expressivité par l'intermédiaire de l'électronique portable. Ce qui fait que les roboticiens profitent également de l'invention des nouvelles pratiques ou matériaux, pour affiner leurs prototypes. +Dans notre contexte pédagogique, après cette première phase théorique, nous avons lancé un module pratique avec un petit inventaire des capteurs, breadboards, microcontrôleurs, connectors et le reste des matériaux disponibles pour les participantes. + +\textbf{Performance collective comme rendu pratique} + +La synthèse de nos expérimentations a été traduite sous la forme d'un moment performatif collectif. Pour se préparer, les participantes ont du créer un dispositif électronique connecté. Ensuite nous avons fait un travail dramaturgique pour interroger le potentiel scénique de ce dispositif, le message transmis et le rôle du dispositif connecté dans la performance. + + +Dans la liste des capteurs que nous avons utilisé, j'évoque celui qui a le plus inspiré les participantes- le +velostat. Ce type de capteur est utilisé dans beaucoup de projets artistiques DIY à cause de sa conductivité électrique, donnée par le noir de carbone qui imprègne sa structure. Velostat a des propretés piézorésistives, sa résistance diminue avec la flexion ou la pression, ce qui fait de lui un capteur flexible très accessible. Il est par exemple utilisé pour fabriquer les chaussures qui s'allument lorsque le porteur marche. Nous l'avons utilisé comme ``deuxième peau” pour une de nos performeuse, qui s'est collé ce matériel sur plusieurs parties de son corps, notamment la planque de pied. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/velostat_pied} + \caption{détail de la performance- poser son pied par terre modifie la valeur de la tension du velostat} + \label{fig:velostat-pied} +\end{figure} + +Une fois qu'elle a posé son pied par terre la résistance a changé. Un petit servo-moteur connecté à distance, partie d'un accessoire porté par une deuxième performeuse, est actionné chaque fois que la résistance du velostat change. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/servo_m} + \caption{détail de la performance- un signal envoyé via une connexion Wifi modifie l'accessoire servo-moteur selon les valeurs récupérés du capteur Velostat} + \label{fig:servom} +\end{figure} + +Parmi les idées qui ont peuplé notre exercice de recherche-création collectif, \textit{la guerrière empêchée} s'est imposé comme une figure matriarcale effigie d'une femme cybrog engagée qui réclame sa place au monde. +Son corps (dédoublé par les accésoirés que nos deux performeuses portaient) disposait d'une tête qui communiquait avec les pieds pour réfléchir. +J'ai partagé avec les participantes le manifeste de Donna Harraway\cite{haraway2010cyborg}, dont l'écriture nous a accompagné tout au long de ce moment de recherche dramaturgique: +\begin{quote} + ``Modern machines are quintessentially microelectronic devices: they are everywhere and they are invisible. Modern machinery is an irreverent upstart god, mocking the Father’s ubiquity and spirituality. The silicon chip is a surface for writing; it is etched in molecular scales disturbed only by atmoic noise, the ultimate interference for nuclear scores. Writing, power, and technology are old partners in Western stories of the origin of civilization, but miniaturization has changed our experience of mechanism. Miniaturization has turned out to be about power; small is not so much beautiful as pre-eminently dangerous, as in cruise missiles... Our best machines are made of sunshine; they are all light and clean because they are nothing but signals, electromagnetic waves, a section of the spectrum. And these machines are eminently portable, mobile—a matter of immense human pain in Detroit and Singapore. People are nowhere near so fluid, being both material and opaque. Cyborgs are ether, quintessence.” + +\end{quote} + +Lors du processus de création nous avons beaucoup interrogé nos limites et la nécessité de \textit{bien faire pour réussir en tant que femmes}. Le prototype final, entre prothèse et objet de castration relevait de nos doutes et ambitions en marge de la création. Un court extrait de cette présentation est disponible sur le blog de l'atelier\footnote{https://interfacesmagiques.tumblr.com/post/696462906243579904/day-4-the-performance-video}. + +\textbf{Capter la charge électrique dans les muscles pour la transformer en son}\smallskip + +Le module que j'ai pris en charge pour une démonstration pratique utilise un capteur électromyographique (EMG) de surface appelé MyoWare Muscle Sensor Kit. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/myoware} + \caption{capteur électromyographique de surface} + \label{fig:myoware} +\end{figure} +L'électromyographie est une technique qui mesure l'activité électrique musculaire à l'aide d'électrodes placées sur la peau, au-dessus du muscle. Cette mesure est prise lors d'une contraction musculaire et vise son amplitude maximale ou sa fréquence médiane. Certaines EMG captent également l'activité involontaire des muscles. Dans le domaine médical, un examen EMG est fait lorsqu’une personne présente des symptômes d’un trouble musculaire ou nerveux. Cette procédure évalue l’état de santé des muscles et des motoneurones qui les contrôlent. +Je me suis intéressée à ce type de capteur parce que les muscles sont les véritables déclencheurs du mouvement humain. +A leur tour, ils sont contrôlés par des cellules nerveuses(motoneurones) qui transmettent les signaux électriques au cerveau pour provoquer des mouvements de contraction et de relaxation. Ces deux phases, provoquent une différence de potentiel dans le signal électrique. Grâce aux tendons qui les fixent sur des os, les muscles actionnent le squelette et le font bouger articulation par articulation, suivant différentes angles de rotation. Cette mécanique de calcul et perpétuel ajustement se produit de façon autonome. Si elle est étudié par les ingénieurs bio-mécaniciens pour être modélisée, elle me fascine en tant que artiste apr son opacité quand à la conversion entre les signaux électriques et la pensée. Parfois quand je danse je verbalise une action pour un de mes membres- par exemple \textit{Leve ta main}, alors que des autres fois je m'oublie. C'est qui ce \textit{je} qui s'adresse à mon corps à la deuxième personne? Où disparaît il quand cela se produit de manière automatique? +A l'écart de ces questions ontologiques, un capteur EMG traduit la différence de potentiel en graphiques ou en chiffres qui sont ensuite nettoyés par l'intermédiaire des filtres. Ces données représentent un input pour générer du son, des images ou contrôler à distance des dispositif électroniques comme les robots. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/signal_emg} + \caption{Enveloppe du signal capté, les valeurs en rouge sont les valeurs avant l'application du filtre.} + \label{fig:signalemg} +\end{figure} + + +Dans la démonstration que j'ai préparé, l'EMG était connecté à un board Arduino Uno et à mon bras. Le signal capté a été ensuite transformé en son grâce à un contrôleur midi simulé avec le logiciel PureData. Le code Arduino qui a permis la configuration du capteur et la transformation du signal: + +\begin{lstlisting} + +int EMGPin = A0; +unsigned long sampling_period = 4; // milliseconds => ~256Hz must check if read does not take too much time ! +unsigned long nextread = 0ul; //0 unsigned long (de 8 bytes) +unsigned long current_millis = 0ul; + +const size_t bufferSize = 32; +int data_buffer[bufferSize]; //array de 32 pour stoquer +size_t data_ptr = 0; // adresse de chaque ecriture + +bool enabled = false; //est-ce que je capture ou pas + +void setup() { +// put your setup code here, to run once: + +Serial.begin(9600); + +for (int i = 0; i < bufferSize; i++) +{ +data_buffer[i] = 0; //toutes les valeurs sont a 0, intialisation de l'array 0 +} + +} + +void loop() { + +while (enabled) //tant que je capte +{ +current_millis = millis(); //le temps, la valeur en milisecondes depuis que le board est ON +//si on depase le 4ms (temps de sampling) on execute le code suivant +if (current_millis > nextread) // avant de mesurer, je verifie si un certain temps s'est passe pour pas mesurer trop vite +{ +data_buffer[data_ptr] = analogRead(EMGPin); // a chaque interation on inscrit dans la prochiane caise du tableau la val analogique lu sur le pin +//Serial.println(data_buffer[data_ptr]); +// Serial.write(data_buffer[data_ptr]); + +data_ptr = (data_ptr+1)%bufferSize; +//lorsque le tableau est rempli on repasse a la caisse 0 et l'iteration +nextread = current_millis + sampling_period; // la prochaine fois que je vais lire + +if (data_ptr == 0) +{ +Serial.write((byte*) data_buffer, 2*bufferSize); // cast = ca convertit databuffer en un pointer d'octet, en arduino uno 1 int = 2 bytes + +} +} +} +CheckSerial(); //je regarde dans mon port( buffer associe au port) +} + +void CheckSerial() +{ +if (Serial.available() > 0) +{ +enabled = !enabled; +FlushSerial(); //je vide le buffer du port serie +// data_ptr = 0; +} +} + +void FlushSerial() +{ +while(Serial.available() > 0) +{ +byte garbage = Serial.read(); +} +} + +\end{lstlisting} + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/PD} + \caption{implementation des filtres qui processent de manière synthethique le son} + \label{fig:pd} +\end{figure} + +Le lien pour suivre cette démonstration est disponible en bas de page\footnote{https://vimeo.com/855601666?share=copy}. + +Lors de mes résidence artistiques dans le studio de Mathilde Monnier à Montpellier j'ai eu l'occasion d'améliorer ce prototype et le tester avec plusieurs mouvements, pour mieux comprendre mon écriture corporelle à l'aide du son. +Plus bas, un extrait vidéo d'un des moments de recherche-création\footnote{https://vimeo.com/718376555?share=copy}. + +Au travers ces essais et maquettes j'ai pu mieux éduquer mes sens et ma perception à une présence active où mon corps se dilue pour mieux apparaître. +Me perdre dans ce mélange de présence. Comme Kozel le remarque dans son livre\cite{kozel2008closer}, nous avons besoin des machines pour objectiver notre présence-absence. La technologie dévient un repère pour l'humain, qui se retrouve au-delà de son propre subjectivité: + +\begin{quote} +``The examples of sight, touch, and movement reveal that the relation of reversibility is \textit{always imminent and never realized in fact} (Merleau-Ponty 1968, 147). It is impossible to over-exaggerate the +importance of the dynamic of reversibility in Merleau-Ponty’s late thought. He thought it inside and +out, and always returned to the unsettling truth that I see and am seen. The significance of this is a +fundamental lack of stability within our corporeal insertion in the world, a dismantling of firmly set +notions of subjectivity and identity, even of meaning. The body \textit{is not a self through transparence, +like thought, which only thinks its object by assimilating it, by constituting it, by transforming it +into thought. It is a self through confusion} (Merleau-Ponty 1964a, 163). Without this overlapping, +uncertain dynamic we would not really be flesh, we would not have the body of a human being, +there \textit{would be no humanity} (ibid.). The humanity is, paradoxically, achieved through a distance +being incorporated into the self through the emigration into the outside.” +\end{quote} + +Nous nous sommes appuyées sur ses observations pour comprendre ce rapport à la corporéité et aux dispositifs connectés dans notre cadre d'improvisation sociale créative. Ainsi leur influence et les possibles dérives éthiques en lien avec la question du corps et ses limites, deviennent moins critiques du point de vue des \textit{wearables} DIY. Comparé à la robotique ces dispositifs sont plus accessibles, car moins compliqués et moins chers. Ils constituent un première étape dans la co-habitation avec une technologie accessible, ludique et non-invasive, pensée en lien avec l'humain. Pour moi cela se constitue dans une sorte de low-tech expérimental et experientiel, qui m'aide à mieux structurer la relation avec la technologie. + +\subsection{L'animata qui anticipe le robot} +Dans une autre expérimentation, j'ai traité cette question de la low-tech et son importance dans ma recherche sur les robots, en travaillant avec des animata. +Cette fois il s'agissait des dispositifs électroniques autonomes, similaires à \textit{un animal électronique}. +La structure d'un animata dépends de son utilité. Pour mon processus de recherche-création j'ai eu besoin de comprendre comment l'improvisation dansée peut-être influencé par un déplacement spatial aléatoire. +J'ai ainsi construit un animat doté d'un capteur ultrasons HC-SR04 dont la seule contrainte était d'éviter les obstacles. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/capteur-de-distance-ultrason} + \caption{Exemple de capteur ultrason de 5V utilisé pour des projets Arduino} + \label{fig:capteur-de-distance-ultrason} +\end{figure} + +Cette bande de fréquences fait référence à des fréquences audio qui se situent en dehors de la gamme d'audition humaine (20 kHz). Les capteurs à ultrasons se reposent sur ces fréquences pour détecter la présence d'un obstacle ou pour calculer la distance d'un objet distant. + +Le fonctionnement de base de ce type de capteur est semblable à la manière dont les chauves-souris utilisent l'écholocation pour se repérer en vol: +\begin{itemize} +\item un émetteur envoie une rafale d'ondes sonores à haute fréquence(entre 23 kHz et 40 kHz) +\item lorsque l'impulsion sonore frappe un objet, une partie des ondes sonores est réfléchie vers un récepteur +\item en mesurant le temps qui s'écoule entre le moment où le capteur émet et reçoit ce signal ultrasonore, la distance à l'objet peut être calculée à l'aide de la formule suivante : +\begin{equation}\label{key} +d = 0.5*c*t +\end{equation} +où \textit{d} répresente la distance en mètres, \textit{c} la vitesse du son (343 mètre per seconde) et \textit{t} le temps en secondes entre l'émission et la réception. +\end{itemize} +Cette schéma représente le monde de fonctionnement du capteur : +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/schema_ultrason} + \caption{Exemple de calcul de la distance entre un émetteur et un récepteur à ultrasons. Source de l'image: CUI Devices} + \label{fig:schema-capteur-de-distance-ultrason} +\end{figure} +Plus tard, j'ai decidé de remplacer le capteur sonore HC-SR04 avec un capteur laser TOF10120. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/capteur_tof} + \caption{Capteur TOF10120, dont la distance couverte est entre 5cm et 180cm.} + \label{fig:capteurtof} +\end{figure} + +Parmi les caractéristiques de ce capteur, je mentionne une distance de portée précise avec une mise au point automatique, à grande vitesse. Cette technologie innovante de \textit{Time of Flight}- en français ``temps de vol”- a été d'abord la base du fonctionnement des radar. Avec le temps, la fréquence plus élevée d'un émetteur ToF basé sur la lumière, permet au signal de prendre divers modèles d'ondes, y compris les ondes carrées d'un oscillateur (differente des signaux sinusoïdaux analogiques que l'on trouve plus couramment des systèmes radar) et ainsi etre plus réactif et précis. La technologie ToF fonctionne d'une manière similaire aux capteurs ultrasons. Une source (émeteur) émette de courtes impulsions infrarouges pour ensuite mesurer le temps nécessaire à la lumière d'être réfléchie (réceptionné). Actuellement les capteurs Tof sont utilisés dans la robotique, à l'œuvre pour diverses applications de vision qui utilisent des algorithmes de ML. + +Une fois que cette question de comportament d'animat a été réglé et ses arrets et deplacements sont dévenus plus netes, je me suis concentré sur nos possibilités d'intéraction. Aprés quelques prototypages et rétouches l'animait résemblait à cela: + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.5\linewidth]{images/tof_bureau} + \includegraphics[width=0.5\linewidth]{images/tof_bureau2} + \caption{La dérniere phase du prototype, avant la résidence pratique} + \label{fig:tofbureau} +\end{figure} +Pour mon imaginaire artistique, je me suis dite à l'époque qu'il avait pérdu son ouie mais gagné de la vision en échange. Cela a également influencé ma façon d'imaginer sa présence lors des improvisations. Initiellement j'ai fermé mes yeux, en pensant à sa cecité induité. Sur les photos que j'ai montré plus haut, le capteur ultrasons réssemble à une paire des yeux, bien qu'en réalité il opere avec du son. En échange le capteur infrared est plus petit et son apparence peut sugerer des oreiles à la place des yeux. Fermer donc les yeux pour mieux entendre, à été une de mes prémiers explorations sénsorielles. +\textbf{Fermer les yeux pour mieux entendre} + +En avril 2021 lors d'une de mes premieres résidences de plateau dans le studio de Mathilde Monnier, j'ai commencé par des éxercices somatiques qui impliquent pas la vue. Immobile, je choissisais un endroit dans l'espace puis je laissais mon corps se réposes pour capturer son empreinte dans l'espace. J'imaginais mon enveloppe corporelle, je visualisais la position spatielle de chacun de mes mebres, j'écutais le son de ma réspiration puis les bruits autour de moi- du plus proche au plus lointain. Au fur et au mesure des mois, j'ai adapté cet exercice à plusieurs versions. J'ai arrivé à le faire début, les yeux fermes en bougeant. Beaucoup de fois la trajectoire que j'imaginais était pas la même avec celle de mes déplacements réels dans l'espace. +Cet endroit d'incertitude, l'écart entre ce que je visulaisais et là où mon corps m'amenait répresentait une sorte d'érrance joyeuse. +\textbf{dessin avec la trajectoire dans l'espace} +Restait à voir comment un animat qui à mon sens, avait un comportament similaire, pourrait intéragir avec moi. Plus concretement la question se posait inversement- comment moi dans cette joyause érrance j'ai pu intéragir avec \textit{lui}. + +Parmi les scénarios d'interaction que j'ai imaginé, j'ai voulu comprendre l'incidence de son mouvement aléatoire sur mon improvisation spatiale ou l'impact de ses arrêts sur mon propre déplacement. Au sens plus large, cela m'intéressait la manière dont une improvisation dansée avec ce type de partenaire est différente d'une séance d'improvisation avec un humain. +La mise en pratique de ces scénarios s'est produite lors d'une résidence d'essai en juillet 2021, comme expérimentation préliminaire du projet CECCI-H2M. +Des vidéos de séances d'improvisation sont accésibles integralement. +Le prémier exemple\footnote{https://vimeo.com/855838173} montre une danse avec le capteur ultrasons, +le deuxiéme est une demnostration du capteur infrarouge \footnote{ https://vimeo.com/856034468}, alors que le dérnier vidéo est d'une maquette presentée lors d'une résidence de création\footnote{https://vimeo.com/856039742}. Cette maquette est le résultat de l'intéraction entre moi en tant que performeuse, l'animat et une projection des algorithmes visuels d'Isadora Teles de Castro. + +Le choix de commencer mon exploration avec un exemple physique simplifié, vient du besoin de construire un substitut au robot. Ce substitut est un Arduino avec des roues, dont le corps est en carton. Les seuls attributs de cet appareil sont : sa capacité de détection de mouvements et d’obstacles. Utilisant peu les capacités comportementales, j'ai poursuivi un point commun entre l’intelligence inhérente au corps humain et la réaction d'un \textit{autre}, proche d'un animal ou insecte dont le corps est mécanique. Cette approche de l'animat postule qu'il est possible d'étudier la cognition humaine à travers une approche bottom-up qui part d'architectures de contrôle minimales et d'environnements simples et les réalise ensuite progressivement plus complexe\cite{bret2005interacting}. Lors de cet essai, l'influence de la présence de l'animat sur mon expression corporelle, m'a fait reconsidérer mon approche lors d'une possible interaction avec HRP-4 sur scène. + +Comparés aux robots industriels très puissants et rapides, les robots collaborateurs sont plus conformes, avec des performances plus lentes, mouvements élastiques inspirés de la nature. Leur capacité à complexifier leur propre comportement est directement liée à leur capacité à interagir avec l’environnement\cite{brooks1990elephants}. Le robot HRP-4 n'a pas été conçu en utilisant contraintes industrielles. Il est une plateforme de recherche, capable de résoudre des problèmes complexes comme conduire une voiture\cite{paolillo2018autonomous} ou avoir des compétences de fabrication\cite{kheddar2019humanoid}. Puisque son fonctionnement repose sur un contrôle de l'espace des tâches\cite{bolotnikova2019multi}, nous avons pensé tester sa capacité d'incarnation\cite{aymerich2016second}, pour l'adapter à un contexte d'interaction avec les humains plus intuitif et peut-être primitif, comme la danse improvisée. + +Cet objectif d’une relation H2R interdépendante et co-créative, a été abordé à travers les étapes suivantes : +\begin{itemize} + \item étudier le comportement autonome des humanoïdes ; + \item concevoir des modèles élémentaires Arduino qui simulent un type de comportement autonome humanoïde ; + \item improviser des séquences de danse/mouvements avec le modèle élémentaire ; + \item analyser l’impact du comportement de la machine sur les mouvements de l’interprète ; + \item identifier les mouvements réflexes chez l'interprète ; + \item adapter puis appliquer certains d'entre eux au HRP-4 virtuel, en utilisant des statistiques et des fonctions aléatoires ; + \item créer un scénario de mouvement pour HRP-4 virtuel combinant des mouvements réflexes et intentionnels ; + \item improviser avec HRP-4 virtuel en utilisant ce scénario ; + \item analyser l'effet de ce geste sur l'interprète ; +\end{itemize} + + + +\section{Des robots sauvages} + +Des hybridations homme-machine que le professeur Masahiro Mori a étudié dans son graphique de la \textit{vallée de l'étrangeté} mentionnée dans la première partie de cette these, croisent les regards féministes de Donna Haraway\cite{haraway2016staying}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2019posthuman} et Karen Barad\cite{barad2003posthumanist} pour évoquer des nouveaux types d'humanités et humanismes. La place de la femme, entre techno-chamane et sorcière, rejoint la critique de Zigmunt Bauman sur la liquéfaction de nos identités\cite{bauman2006vie}. Dans ce contexte, la danse apparaît comme une forme de \textit{des-identification}, dernier rempart avant la fin du monde. Mais de quelle danse pouvons-nous parler lorsque nous évoquons les robots? + +Travailler à partir de leurs mouvements peut paraître une double mise en abyme du mouvement humain et animal, dont la robotique s’inspire pour créer ses modèles. Cependant je vois cette danse comme un endroit de liberté, face à l’automatisation des machines. Bien qu’ils arrivent petit à petit à exécuter des mouvements techniques, les robots ne sont pas dotés des intentions, d’un vécu expérientiel qui nourrit leur geste. Ni de la créativité, malgré ce que les media ne laissent croire. + +Pour ce que me concerne, la danse m'a appris beaucoup de choses sur l'intelligence de mon corps, sur mon instinct, sur le fait d’être présente. Elle fait partie intégrante de ma vie depuis mon enfance. Au début cela à été un moyen d’évacuer mes émotions et de faire la fête. Avec le temps c'est devenu un médium pour interroger des autres pratiques et domaines d'activité comme la robotique et les neurosciences. La pratique chorégraphique est pour moi étroitement liée à l'improvisation, puisque c'est là que je retrouve ce plaisir spontané de danser, d'inventer des mondes. +Dans le cadre de cette recherche-création, j’ai fait des analogies entre les robots et les ours sauvages, puis les robots et les vampires dans le projet \textit{TIWIDWH} (2023). La façon dont j’improvise et je m’empare des outils chorégraphiques en lien avec les robots, est un processus en cours de développement. Mes observations théoriques, trouvent ou pas une expression propre lors de rendus pratiques. Je trouve intéressant de mettre ces deux perspectives en tension, puis de partager les conclusions. + +Ma pratique quotidienne est un mélange des exercices de prise de conscience des sensations, de yoga et des étirements. Lorsque je danse, j'essaie de suivre presque automatiquement l'enchaînement des mouvements. Idéalement j'aimerais avoir plus de technique, bien que j’apprécie cette corporalité \textit{autre}, façonnée par des rencontres en laboratoire, programmation des robots, mise en place des ateliers pluridisciplinaires et techniques de danse. Le fait d'émuler des mouvements des robots est une occasion de relativiser ma manière de danser. +Ce que m’intéresse est de travailler à partir d'autres physicalités, notamment celles des robots. Pour cela, j'accorde une importance particulière à la manière dont l'enchaînement des mouvements s'organise, son origine, sa vitesse et la capacité de rotation de l'articulation en question. J'accompagne cela par des sensations internes, en m'imaginant que mon corps se transforme selon l’équation de mouvement du robot. Le plus important c'est de saisir mon intention derrière ce mouvement, bien que dans le cas du robot cela n'existe pas réellement. + +Je travaille en accordant plus d'importance au processus, qu'au résultat final. L'articulation entre mon intuition et la forme que cela puisse prendre, se fait par l’écriture. Mon approche est inspirée entre autres par les écrits des dramaturges de la danse comme Guy Cools\cite{cools2021dance}, Jonathan Burrows dont je me suis beaucoup appuie sur le cahier de bord\cite{burrows2010choreographer}, puis des chorégraphes comme Deborah Hay et Anna Halprin que j'ai déjà évoqué dans la partie théorique. En suivant leurs observations, j’intègre à mon tour la prise de notes comme une pratique incorporée, dont la danse s'inspire pour mieux clarifier le processus de composition et d'improvisation. Je conçois tout cela comme un processus de réflexion où l'improvisation est une sorte de négociation entre ce que mon corps m'apprends et l'évolution de mes opinions vis à vis des robots dans ce contexte. Interroger leur figure pour voir ce que cela renvoie par rapport à mes craintes et peurs quant à l’avenir. L’utilisation de l’improvisation comme outil pour trouver du matériel est étroitement lié des processus chorégraphiques type collage ou \textit{copy-paste}, pour citer Burrows. Pour mon premier spectacle \textit{En attendant que la vie passe} (2019) j'ai d'abord trouvé les tableaux, puis décidé ensuite de l'ordre dans lequel ils s’enchainent. Lors des improvisations, beaucoup des trouvailles n'ont pas pu être reproduites, c'est en cela que les notes de Burrows m'ont pu consoler quant à la suite. J’ai pu comprendre que ce qui ne peut pas être reproduit, laisse de l'espace pour déployer des nouvelles choses. C’est ainsi que j'espère trouver une manière de danser qui n’est pas une imitation des mouvements des robots, mais plutôt une manière de danse propre à ce type d’interaction. + +La place que le corps prends à l’intérieur de ce projet concerne sa des-identification, ou pour citer Cools, une forme de confusion que l’expérience somatique de la danse puisse produire lors d'un processus de création. Le dramaturge utilise comme point de référence le travail du praticien somatique Stanley Keleman dont j'ai découvert le travail à l'occasion. Pour Kelman l’une des fonctions de l’art est de créer des images évocatrices, qui touchent et résonnent profondément dans notre système d’impulsions, pour nous aider mieux explorer notre propre qualité de mouvement. J'adapte à mon tour des outils de Cools, comme le \textit{Repeating Distance}, concernant l'exploration de l'espace de la performance et du paysage environnant, en tant que témoin. Imaginer la vie des robots sans les humains et les incarner ou danser à leur place, est une sorte de détour pour mieux comprendre l’actualité qui m’entoure. Ce projet de these est devenu un sorte de traduction d’une \textit{vie secrète des robots}, tels des jouets qui s’animent, une fois la lumière du magasin éteinte. Probablement la phrase qui résume le mieux ce défi, est celle de Pina Bausch, évoquée lors de son discours du remerciements pour le prix Kyoto (une de plus importantes distinctions dans le domaine de l'art\footnote{https://www.pinabausch.org/en/post/what-moves-me}) à la fondation Inamori au Japon: + + +\textit{I’m not interested in how people move. I’m interested in what makes them move.} +- Pina Bausch + +\cite{mullis2013cambridge, kozel2008closer} + + +\subsection{Laboratoire d'expérimentation sur le lâcher-prise} + +Début 2023, après trois ans de travail individuel, j'ai eu l'occasion d'ouvrir ma pratique aux membres du collectif OpenSource. Crée en 2014, ce collectif propose un espace de rencontre, de réflexion et d’échange artistiques fondé sur la pratique de la mise en scène, dans une optique de mutualisation, de partage et de décloisonnement. Leur intérêt pour la recherche pratique en mise en scène, met en avant son caractère solitaire et individualiste. Cela faisait écho à ma recherche doctorale, puisque la recherche-création autour des robots m'a contraint a moins travailler en collectif ces derniers années. + +J'ai ainsi proposé une séance de travail sur le lâcher prise, dans le cadre d'une session d’expérimentation à Anis Gras-le lieu de l'autre à Arcueil, du 16 au 20 janvier 2023. +Cette séance a été co-dirigé avec Erika Guillouzouic, comédienne et metteuse en scène, membre active du collectif. +Son titre - \textit{Le lâcher-prise : Pensée du corps et intelligence sensorielle}- laisse deviner le postulat de départ de ce laboratoire collectif. Mon idée était de questionner la possibilité d'un restart au travers le corps, à l'intérieur d'un processus créatif intense et contraignant. Comme si je rêvais inconsciemment trouver une recette magique à mes propres tourments. + +Ainsi cette session d’expérimentation a été orientée autour des processus de recherche-création en lien avec des pratiques somatiques\cite{jay2014pratiques} et des notions telles \textit{l'intelligence sensorielle}. J'avais auparavant participé à des sessions de recherche d'Open Source, proposés par des autres. Cette fois il s'agissait pour moi, d'ouvrir ma recherche aux autres metteurs en scène peu familiers avec la danse, la somatique et la robotique. Puis de voir comment cela s'articule avec leurs profiles, avec leurs besoins et expériences. Chaque participant avait son background, sa manière de faire puis aussi ses résistances quant au thème. + +J'ai constitué le cadre de la session autour des exercices pratiques et des échanges théoriques, avec comme focus un autre type d'intelligence- celle qu'opère lorsque nos sens et notre perception s’activent- l'intelligence de l'instinct. +Nous avons expérimenté des mouvements différentes de la danse contemporaine, notamment des mouvements produits de façon automatique. Cela nous a fait comprendre comment les émotions peuvent influencer les caractéristiques physiques d'un corps en mouvement, comment les articulations se mettent en marche quand on écoute le vécu du corps. + +En s'appuyant sur des repères dans des disciplines comme la philosophie, la robotique ou les neurosciences parmi d’autres, nous avons tenté définir ce que pourrait correspondre à une \textit{conscience du mouvement} propre au corps et son vécu, dans un contexte artistique. Ainsi nous nous sommes concentrés sur ce qui échappe à notre quotidien, sur ce qui met l’intelligence analytique à l'arrêt pour faire place au spontané et à l’inattendu. En d'autre mots, nous avons cherché à laisser les corps s'exprimer. + +En amont de la séance, nous avons demandé aux participants de nous faire parvenir un récit en lien avec une expérience de lâcher prise, sous la forme d’un enregistrement audio entre 3 et 10 minutes. Parmi les exemples réçues, il y avait la question du lâcher prise lors d’une représentation en tant qu’interprète, puis en tant que spectateur, mélangés avec des exemples de la vie privée. Nous avons mis en place des ressources collectives pour encourager le partage des sensibilités, des goûts et des expériences. Cela a pris la forme des repères bibliographiques, fichiers audio, supports vidéo et images. Les participants ont du réfléchir à une musique, une image ou un objet qui leur évoque le sentiment de lâcher-prise. Un coin détente et aussi une enceinte audio ont été mises à disposition pendant toute la session, pour que chacun puisse lancer un fichier sonore et interrompre le rythme des échanges, à tout moment. + + +Afin d’encourager les débats et les échanges sur les disciplines transversales, j'ai mis à disposition une liste des articles scientifiques. Bien que parfois leur contenu était trop ciblé ou spécifique, cela a inspiré notre processus de travail. Selon les échos et les discussions, cette liste s'est étouffé avec des extraits des livres, vidéos et articles partagés collectivement. + + +Plus bas une liste de questions soulevées pendant la session, ainsi que des réflexions et observations quant à l'idée de lâcher prise: +\begin{itemize} +\item Lâcher-prise, ce ne serait pas de l’ordre de l’abandon ? + +\item Le lâcher-prise est-il individuel ? + +\item Cherchons-nous le lâcher-prise ou le plaisir de la sensation corporelle ? + +\item Comment un acteur s’adapte à son public ? + +\item L’expérimentation fait apprentissage. + +\item Comment ré-injecter du silence ? + +\item Comment laisser la place à l’imaginaire du spectateurice ? + +\item Est-ce que le lâcher-prise c’est un ``T’as qu’à t’en foutre ?” + +\item Comment le regard se travaille ? + +\item Quelle est l’expérience de l’intelligence sensorielle, perçue personnellement, que j’ai vécu ? + +\item Pourquoi cherche-t-on à lâcher-prise ? + +\item Comment tu fais pour ? + +\item Que laissons-nous lorsque nous cherchons le lâcher-prise? + +\end{itemize} +Le fait de traiter ces thèmes collectivement, d'ouvrir sa boite aux outils et sa méthodologie quant aux défis et objectifs, implique une mise en commun des ressources, des objectifs et des envies. + +Concernant le lâcher prise, si le thème m'intéresse depuis longtemps, la pratique de la danse a été un des premiers moyens pour y accéder. Avec le temps, j’ai combiné et adapté certains exercices et échauffements afin de ``faire baisser ma résistance” ou enlever mes éventuels attentes orientés résultat. Par le biais de cette session de recherche, j’ai pensé les partager avec d'autres personnes pour avoir un retour d’expérience. Parmi les membres du collectif, très peu ont une expérience avancée en dance. Il y a eu certains qui ont avoué n'aimer pas du tout cette pratique, ou pas se sentir à l'aise danser en publique. Aborder le lâcher prise par la danse leur est paru contre-intuitif au premier abord. +Mon défi a été de voir s’il y a, en danse, une façon de convoquer le lâcher prise de façon directe, puis retrouver une dimension somatique dedans, indépendamment du rapport à la danse des participants. Alors que les processus Open Source sont collaboratives, le cadre proposé intiellement s'est beaucoup élargi au fil et à mesure que nous avons avancé dans l'exploration. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_3} + \caption{Exploration sensorielle ludique: etre en mouvement avec les yeux fermés.} + \label{fig:lp3} +\end{figure} + + +Les quatres dernières années j’ai peu travaillé collectivement en dehors de mon projet de these. La rencontre avec Open Source à Anis Gras, lieu qui m'a accueilli plusieurs fois en résidence, a été un retour à l'effervescence du terrain, aux sources. + +J’avais préparé un planning et imaginé des portes d'entrée selon les niveaux d’intérêt de chacun. Cela s'est fait en lien avec mes recherches scientifiques sur l'intelligence sensorielle. J'ai même pris quelques unes de mes hypothèses de recherche concernant les robots comme exemple. Comme souvent dans ce groupe de travail, une synergie collective s’est installée et je me suis retrouvée à devoir littéralement ``lâcher” certains objectifs initiaux et surtout accueillir des besoins nouveaux, autres que ceux anticipés par moi. Notamment la question du lâcher-prise collectif et la question du groupe qui s'auto-organise par inertie. + +Dès lundi, les quelques définitions du mot lâcher-prise, puis les extraits sonores avec les expériences de chacun m’ont confirmé que cela sera une exploration propre à l’énergie de chacun des participants. Un processus hétérogène entre les initiés à la danse, les curieux et les paniqués, entre regard critique et auto-dérision. Le retour méfiant quant aux rapprochements entre la technologie et l'intelligence sensorielle que vous pouvez lire \textbf{dans les annexes de ce travail de thèse}, m’ont fait comprendre que le groupe trouvera son cheminement et moi mon apprentissage avec, comme une sorte de ``méta” lâcher-prise à l’intérieur d’un processus de recherche sur le lâcher prise. + +Mercredi, le troisième jour de travail lors d’un moment d’échange collectif, certains participants ont voulu mettre de côté la question du corps, comme un sorte de rébellion quant au dictat de la sensorialité. Ils prônait un retour aux textes, à la pensée critique, loin du vécu expérientiel. J'ai interprété cette réaction comme une sorte de panique quant à la perte de repères que ce type de travail peut provoquer. Comme si quelque part, ils aimeraient toucher de la terre, du solide après s'avoir laissés porté par les courants. Retrouver leur repères. J'ai pensé que mon travail en tant que co-directrice de la session était d'aider le groupe clarifier son cheminement, le guider sans le diriger. Comme je l'avais fait plusieurs fois pour mes projets de théâtre...une metteuse en scène finalement. J'étais donc prête à abandonner. A ma surprise, des autres participants ont proposé faire juste une pause pour y revenir vendredi en fin de séance. Signe que notre travail préoccupait bien les esprits, nous avons eu un débat sur ce que c’est une intelligence sensorielle dans le train de retour d'Anis Gras. Un de membres du collectif me rappelle que les objectifs de la session ne sont pas forcément ceux d’une recherche académique, qu'il faut accepter la nouvelle direction que la session puisse prendre. Cette idée de proposer un cadre puis le laisser se transformer collectivement m'était claire en début de session. Cependant je n'arrivais pas à trouver les arguments pour exprimer mon ressenti émotionnel. Pour moi, ce moment de remise en question faisait partie du processus. Il devenait tout aussi important de repréciser le cadre et ses permutations que de se mettre d'accord sur ce que peut provoquer une intelligence sensorielle se manifester. Savoir reconnaitre ``ses symptômes”. +Le lendemain, suite à une greve RER nous avons travaillé chez un des participants. Nous avons décidé faire une improvisation collective in situ. Nous avions visité la Gare du Nord en tant que touristes en repérant bien l’environnent sensoriel de ce lieu- les odeurs, les images, les son et la texture de choses. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_6} + \caption{Moment d'improvisation collective à la Gare du Nord: exploration sensorielle d'un portable.} + \label{fig:lp6} +\end{figure} + +Cela a déplacé les limites du jeu ailleurs, encore une fois. J’ai eu plusieurs moments où j’ai joué avec la consigne, pour voir ce que cela produit si je lâche le cadre. Tout en observant les autres faire pareil. Cela m’a renvoyé à des expériences similaires faites en marge d’un projet inspiré par le film \textit{Idioterne} de Lars von Trier. J'ai retrouvé cet extrait de mes notes +\begin{quote} +``Il y a quelque chose de jubilatoire dans le fou rire, lorsqu’il est honnête. Comme une relâche, probablement la respiration, le sommeil ont beaucoup à voir avec le lâcher-prise. Cependant j’entend par intelligence quelque chose d’adaptatif, qui se met en œuvre pour faire émerger du nouveau. Comme voir quelque chose qu’on a déjà vu, mais sentir qu’on le voit différemment.” +\end{quote} + +Puisque le terme de lâcher-prise a été très présent dés le début de la session, il nous a fallu du temps pour comprendre comment evaquer les attentes envers une possible définition universelle de ce terme. Pour certains participants la question du corps et de l'intelligence sensorielle a été vécue en lisière de cette question du lâcher prise, parfois sans une prise de conscience directe. Cependant la question de la robotique et même plus large celle du numérique à effleuré à peine l'esprit des membres du collectif. Alors que cela fait partie des problématiques sociétales où chacun donne un avis et s'y intéresse (d'autant plus mes collègues d'Open Source). Avec le temps, j'ai compris pourquoi cela s'est produit. Si pour moi le lien entre la robotique et le corps ou la sensorialité est évident, pour certains cela peut paraître tiré par les cheveux justement parce qu'un robot est l'opposé d'un corps vivant, sensoriel. +Parmi les retours d’expérience, le danseur et chorégraphe Gerry Quévreux évoquait l'exercice de sieste volontaire pratiqué ensemble, pour témoigner de la rapidité avec laquelle son esprit s'est remis en marche après: ``je parvenais à raccrocher les wagons ensuite, à me relier d’une manière à ce qui s’est joué sans moi pendant un moment.” Curieusement il reliait cela à un autre exercice pratique, celui d'écriture automatique que j'avais proposé le premier jour d'exploration et qui est devenu ensuite un sorte d'exercice préféré du groupe: ``la pratique de l’écriture spontanée a été une vraie retrouvaille et je décèle là-dedans quelque chose qui me fait toucher un lâcher prise créatif. Je veille moins au sens, il y a la présence du rythme, la scansion.” Je déduis de son témoignage à quel point la créativité est dissocié de l'exactitude et de la précision. Alors que les robots sont justement conçus pour cela- être précis et exacts dans leurs actions. Probablement si nous aurions cherché plus les antonymes de l'état de lâcher prise, nous aurions tombé d'accord que le mot ``concentration” en fait partie. Tout en ne faisant pas partie proprement. Puisque dans un autre témoignage Gerry parle d'état modifié de conscience pour illustrer le lâcher-prise. Alors peut-être un autre type de concentration? +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_1} + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_4} + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_5} + \caption{Mouvements automatiques pendant les exercices d'improvisation corporelle} + \label{fig:lp1} +\end{figure} + +Cela rejoint l’intervention du chercheur en musique et science cognitives Luc Pererra que j'avais invité pour nous parler de son travail sur le rythme. Selon lui, le rythme structure la connaissance: ``même inconscient le cerveau peut enregistrer des choses, par le rythme, de manière rythmique. Le fœtus fait ça dès 4 mois.” L'intervention de Luc, ainsi que les extraits musicaux qu'ils a partagé ont beaucoup éveillé notre sensibilité. Au tel point que cela risque de devenir le souvenir le plus marquant de notre semaine de travail. Presque tous, nous gardons aujourd'hui un souvenir précieux de la voix de la chanteuse indienne Nina Burmi dont le chant, indéchiffrable au niveau de paroles, à résonné en nous à un autre niveau d'entente\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=kfBvz2rG-NI}. +Cette expérience collective d'adhésion à une musique inconnue a été pour moi, une belle preuve de notre synergie en tant que groupe. Je n'ai pas les arguments pour analyser cela d'un point de vue neuro-scientifique, mais probablement quelque chose du caractère imprévu de cette proposition, sa fréquence sonore et son rythmique a su induire en nous, au moment de l'écoute, un état de concentration et d'éveil sensoriel. Pendant ce moment nous nous sommes sortis de notre cadre de recherche et probablement vécu un véritable lâcher prise collectif. Est-cela a cause du caractère imprévu de la situation? Est-cela plutôt du au niveau d'investissement de la performeuse dans son chant? Ou plutôt à cause de la fréquence du chant? +Ces questions ont continué nourrir ma recherche bien après la session Open Source. \smallskip + +Au moment de ces observations rétrospectives, je ne peux pas m’empêcher de considérer le témoignage des deux autres participants à la session. Pour des raisons éthiques et personelles, je préfère garder leur anonymat. Le hasard à fait que deux metteurs en scène avec de maladies impliquant des sérieux problèmes locomoteurs et neurologiques, ont exprimé leur intérêt pour la session. Un d'entre eux est un ami, âgé d'une soixantaine d'années qui suite à une maladie auto-immune s'est retrouvé en incapacité motrice pendant une période de temps. Depuis il a retrouvé une certaine mobilité mais reste dépendant de son traitement. L'autre a la trentaine, mais en proie d'une maladie neurodégénérative sérieuse avec des soins hospitaliers récurrents. Il m'avait fait part, lors de nos échanges par Whatsapp, des expériences de réveil de coma, puis de sa vie actuelle avec une dilatabilité qui conditionne son travail lourdement. Les deux ont intégré la session de façon ponctuelle. L'un d'entre eux n'a pas pu être finalement présent qu'en distanciel, tandis que l'autre a participé à une de nos expérimentations collectives. Leur attitude envers le travail, leur contribution et engagement (même à distance) m'ont beaucoup touché. Les mots ``somatique” et ``thérapie” ont eu tout d'un coup une autre portée pour moi. Malgré son dis-confort physique, mon ami s'est coordonné admirablement, comme si rien n'était. Il était là, actif et tonique, engagé avec son travail corporel, à l'écoute de ses partenaires. Il avait envie d'essayer, de se mettre en jeu collectivement. De ``jouer” au sens que les enfants donnent à ce terme. Tout comme les autres participants avait envie qu'il soit là, que nous explorons ensemble nos différences dans un état d’ingénuité et nativité. A un moment donné, quelqu'un a donné la consigné d'oublier une partie de son corps. J'ai pensé à lui, à nos échanges auparavant et au fait qu'il y a quelques années c'était son corps qui a oublié de répondre, comme si une partie de lui s'est mise en veille volontairement. Je l'ai regardé et vu qu'il était ailleurs, à l'écoute de son exploration sensorielle. Je me suis sentie l'observer pendant que nous nous deplaceons dans l'espace et j'ai senti que c'était moi celle qui n'était pas là. Il était dedans. Dedans lui-même si je puisse le dire. Je ne sais pas si ce type d'encontre que nous faisons avec nous-même est quelque chose dont nous nous apercevrons lorsque cela se produit. Probablement que non. Cependant cet état, j'ose dire ``de grâce” dévient moteur de l'énergie dont nous disposons pour toutes nos actions qui le précédent. Probablement, la fréquence avec laquelle nous pouvons faire cet aller-retour de reconnexion avec nous-mêmes, détermine notre tonus ou degré de fatigue. Les plus lointaines ces moments de reconnexion, le plus fatigués nous devenons. Comme si en puissant au plus profonde for de nous-mêmes, nous activons une énergie propre sous-jacente. Je me rends compte que cette façon de parler, d'évoquer des observations, des impressions perceptives peut s’apprêter à un registre ambigu, proche de la ``thérapie”. Le jour d'avant alors qu'il n'était pas là, nous avons lu le premier chapitre du livre de Peter Levine\cite{levine2010unspoken} où il évoque son accident de voiture et la perte de contrôle de son propre corps. J'avais découvert ce livre alors que je cherchais à comprendre d'où vient mon intérêt pour les tremblements. Je vais repréciser cela dans un autre chapitre, alors que je décrirai plus en détail ma recherche en danse. Le travail de Levine faisait partie des ressources de l'atelier sur le lâcher prise, bien avant que je connaisse la volonté de participer à la séance de mon ami. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_2} + \caption{Brainstorming pour mieux définir le concept de lâcher prise.} + \label{fig:lp2} +\end{figure} + +Dans ce contexte, je préfère préciser mon positionnement quant aux dérives dues à la confusion entre des pratiques et des expertises en danse. Les concepts somatiques que j'applique en danse n'ont rien avoir avec une dimension thérapeutique. Elles ont pour objectif une meilleure appréhension de soi-même et facilitent des prises de conscience, mais autant moi que les gens avec qui j'ai pu travailler jusqu'au là, n'avons pas de compétences en médecine. L'art se veut un endroit d’exploration et par sa dimension critique elle peut amener à des observations ou des constats personelles en lien avec des soins. N'est-ce un des objectifs de l'art de soigner le monde? D'autant plus quand il s'agit de la danse, et du corps. Pour revenir au corps, c'est peut-être le moment d’évoquer la manière dont Bruno Latour\cite{latour2004talk} le décrit. Cette façon de considérer le corps a été édifiante pour mon travail avec les robots, mais elle s'élargit de plus en plus, alors que j’interagis collectivement avec des humains: +\begin{quote} +(...)to have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead. +Equipped with such a ‘patho-logical’ definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be +affected by more and more elements. The body is thus not a provisional residence of something superior – an immortal soul, the universal or thought – but what leaves a dynamic trajectory by which we learn to register and become sensitive +to what the world is made of. Such is the great virtue of this definition: there is no sense in defining the body directly, but only in rendering the body sensitive to what these other elements are. By focusing on the body, one is immediately – or rather, mediately – directed to what the body has become aware of. This is my way of interpreting James’s sentence: \textit{Our body itself is the palmary instance of the ambiguous.} +\end{quote} + +Alors je souligne ici l'importance de cette perspective du corps-interface que Bruno Latour a su anticiper bien avant les avancements du numérique. Comprendre par quoi nous sommes agis, avec quoi nous sommes en lien, nous aide à mieux nous connaitre. Comme Anna Halprin l’évoque mieux que moi, ce type d'introspection est individuelle et a beaucoup plus à voir avec des chemins de vie et des personnalités qu'avec de thérapies. En d'autre mots, l'art peut etre une thérapie pour soi-même, mais elle ne peut pas faire du prosélytisme pour une solution universelle. Peut-etre que cela se réduit à ce que le metteur en scène Mathieu Hout a partagé avec nous à la fin d'une journée d'exploration. Pour lui le fait de s'appliquer et d’être honnête dans cette recherche collective est ce qui compte le plus, au delà des résultats de la session. En cherchant ce qui peut-être un lâcher prise collectif, il nous partage ses notes de la journée, parmi lesquelles figurent ces mots: ``Je suis avec toi. Peut-être qu’il ne s’agit que de ça. Être avec.” + +J'aimerais revenir à l'impact que cette session d’expérimentation a eu sur mon propre laboratoire de recherche-création, en quatriéme année de thèse. Cela m'a aidé à comprendre que le cheminement n'est jamais fini, qu'il s'agit d'un travail qui s'affine au fur et à mesure que j'avance. J'ai pu également confirmer mes motivations, mieux accepter mes doutes quant aux risques d'une appropriation thérapeutique de ma démarche en danse. Puisqu'il s'agit des notions vagues, j'ai mis cette fois à l'écart les robots, pour mieux comprendre comment travailler cela entre humains. J'ai cultivé une sorte d'écoute polymorphe, en pensant toujours que cela m'aidera à mieux comprendre les robots. Puis l'écart entre le mode de penser des metteurs en scène, comparatif à celui des roboticiens fait encore ressentir ses ondes de choc. D'autant plus que pour moi quand le corps est en veille, loin du plateau c'est compliqué de s'écouter, de se comprendre entre humains. Intégrer une pluralité de points de vue, des interrogations et des critiques m'a fait du bien, car cela m'a rappelé que l'art est l'endroit qui peut intégrer toutes ces différences. Cela m'a également aidé à mieux structurer les cadres conceptuels et méthodologiques de ma recherche quant à la danse et à la robotique. +Les mots d'Erika m'accompagnent encore, bien après que cette séance de travail s'est achevée: + +\begin{quote} +``Cette recherche infuse encore beaucoup en moi. J’ai comme l’impression que quelque chose a bougé, qu’un nouveau voyage a commencé et qu’il sera toujours temps d’ouvrir le cahier où j’ai posé des mots pendant la session pour y revenir. Le cahier comme un retour aux sources, retour à la compréhension, aux expériences et aux rebonds, pour appréhender le voyage avec sérénité.” +\end{quote} + + +Pour exprimer le lien entre la conscience et la danse, Kozel évoque la couleur rouge\cite{kozel2008closer}, tout comme David Chalmers l'a fait lorsqu’il a donné des exemples de la problème difficile de la conscience. Ainsi l'incapacité d'expliquer une expérience perceptive est tout autant opaque, que l’expérience phénoménologique de la couleur rouge décrite par Merleau-Ponty: + +\begin{quote} +``Choreography is about variation and relations, between bodies in space and time. Merleau-Ponty’s description of the color red reveals an understanding of choreography that can be +mapped onto the exchange of data: \textit{this red is what it is only by connecting up from its place with +other reds about it, with which it forms a constellation}, and it attracts or is attracted by other colors, repels them or is repelled by them, dominates or is dominated by them, existing as a \textit{node} in the temporal modalities of the simultaneous and the successive (ibid., 13 2 ). This dynamic of attraction and repulsion, sharing and containment, forming a shifting constellation across time is a way of understanding the data choreography fostered by wearable devices. My body may not exist, +nodding to Godard’s provocation, but as connective tissue I live an even greater space of potential, an expanded corporeality that is permeated by interstitial spaces that I reach across in hope and in vulnerability, sometimes in lust and anger, or that I seek to stretch in fear or pain. I am like the color red inhabiting elastic zones of interface between myself and myself, or between myself and others. Performance occurs in these interstitial spaces, both everyday performances and artistic +performances.” +\end{quote} + +\cite{blasing2012neurocognitive} + +\textbf{Pour le philosophe et physicien Philippe Guillemant la nature de la conscience est vibratoire.\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=ssugj6VVBCY}.Selon ses hypothéses, cete caracteristique de la conscience pourra jamais été modéelisée par une intelligence artificielle.} + +\subsection{La rencontre avec HRP-4} + +Une des raisons pour laquelle j'ai commencé ce projet de thése est pour comprendre d'où vient ma fascination pour les robots. Si je remonte au temps de mon enfance, j'associe à la figure du robot celle d'une poupée. Je précise que si aujourd'hui j'asocie robots et poupées, je fais cela avec le plus grand sérieux. Un enfant considere son compagnon de jeu son égal. Mes poupées n'étaient jamais ``des jouets”, mais d'êtres à part éntiere, autant mystérieuses et intirugantes que ma \textit{comprehension} des adultes qui m'entouraient. Si à l'époque je ne partagéais pas des dillemes ontologiques quant au sens de la vie ou de l'art, les choses n'étaient pas moins compliqués. Petite, j'attendais que les poupées réagissent à mes propositions de jeu. Au défaut d'une réaction de leur part, je compensis avec beaucoup de scénarios et des propositions de jeu, pendant notre ``intéraction”. Autant que nécessaire pour que je n'observe pas leur immobilité. Serait-il aussi le cas aujourd'hui avec les robots? J'attends d'eux des veritables parténaires d'intéraction artistique, des co-créateurs? Au-défaut d'une réponse concrete, j'avance des proposition et d'esquises pour que mon térrain de jeu est moins ``déserte”? + +En contrepoids, les ingénieurs sont animés par d'autres motivations pour construire ces robots. Au premier abord, ils cherchent reconcillier le besoin des compagnons aimables et émpathiques, mais qui réalisent en même temps des tâches qui nous ennuient ou qui sont dangereuses. Pour faire cela, ces robots doivent pouvoir travailler dans l’environnement humain tel qu’il est actuellement conçu et utiliser les outils des humains tels que les humains les utilisent\cite{kajita2014springer}. Si les êtres humains ont besoin de multiples outils pour faire avancer leur travail, il en va de même pour les robots. Cependant ces outils sont intégrés dans le corps d'un robot. L'effecteur final (en anglais \textit{End Effector} répresente son dérnier joint -la paume de la main, la tete sont des exemples d'end effectors. Cet effecteur est aussi l'endroit où le robot saisit au plus précis son environment. C'est là, par exemple, que se produit le contact entre le robot et un objet. Ainsi l'end effector est un outil dont la forme peut changer pour chaque tâche spécifique, modifiant la morphologie du robot et son apparence. +Pour ces raisons pratiques, les robots humanoides sont ceux dont la communauté scientifique se preoccupe actuellement le plus. + +C'est ainsi que commence mon aventure avec le humanoid HRP-4. Un matin d'hiver, arrivée pour la premiere fois seule en face à face avec lui, j'enleve la housse de protection qui le cache et je l'observe dans son immobilité. Un tas de férailles et de plastique qui condense de la technologie de pointe, résultat de plus de vingt ans de recherches et éxperimentations. +Au Japon, le savoir-faire developpé par Kawada Industries et l'Institut national des sciences et technologies industrielles avancées (ASIT) a été mis au sérvice des robots HRP dés les années '90. De cette façon, le HRP-4 s'est positioné parmi les robots le plus avancés du marche, lors de son apparition en 2009. Son poids léger (39kg et 1 514 mm), ses 34 DOF, le choix de matériaux et moteurs (avec une puissance maximale de 80W) plus le solver QP integré dans l'intérface mcrtc\cite{bouyarmane2018quadratic}, lui ont permis d'executer des mouvements précises et fluides, gagnant son statut de robot ``à l’image d’un athlète mince mais bien musclé\footnote{https://spectrum.ieee.org/hrp4-hides-it-all-somewhere}.” +Arivée au LIRMM en mars 2021, mon objectif était de \textit{faire} cet athlète danser. Au grand désespoir de mon encadrant, je ne savais pas à l'époque quelle forme cette danse prendra. Je savais juste qu'il y aura une étape d'approvoisement entre nous, pour comprendre ensemble ce que nous dévons faire. Pour faire cela j'ai plongé dans la litterature scientifique, un peu comme en découvrant une langue étrangere. Malgré mes études d'ingénieur auparavant, la façon de concevoir les robots au Lirmm a peu à voir avec mes connaissances en ingénerie de systémes. Quelques mois aprés mon arrivée, en tombant sur le paragraphe suivant, je me rends compte de la difficulté de ma situation: + +\begin{quote} +``Lorsque nous disons \textit{marcher}, nous entendons \textit{avancer par appuis successifs des pieds sur le sol, sur un sol irrégulier et peut-être en pente, comportant des obstacles et des inconnues, tout en conservant notre équilibre vertical}. Or, le robot brut que vous récupérez est semblable à une casserole articulée. Vous aurez beau transmettre cette définition à votre casserole –aussi articulée et élaborée soit-elle–, elle ne marchera pas si elle ne la \textit{comprend} pas. Il faut donc traduire cette définition en un langage qui soit \textit{compris} par le robot, et qui lui permette de bouger comme nous le désirons.” +\end{quote} + +Alors éclot dans mon imagination le besoin de reconsiderer cette idée de \textit{danse}. J'énvisage la danse comme quelque chose plus intime, sorte de mouvement interne nourri par des doutes et envies, par de l'instinct. Cela prendra la forme des gestes, afin de voir si ce qu'il y a de l'organique dedans, peut être modelisé par des écuations et algorithmes. D'un trait simplifié, cette exploration peut se traduire par la phrase suivante: +\textit{Do androids dream of electrical sheeps?}\cite{rhee2013hopkins}. +Si je résume peut être trop facilement le sens du livre de Philippe K. Dick, \cite{benesch1999jstor} apporte une intérepetation intéressante à cette notion de subjectivité. L'auteur s'appuie sur la thése de la chercheuse américaine Kathleen Woodward concernant les émotions, pour faire une paralelle avec l'essai de Jacques Lacan sur la constructon de soi. Le psychanaliste français idéntifie le stade du miroir comme étape primordiale dans la formation et l'assurance de soi. Selon lui la construction d’un \textit{Autre} à travers l’imagerie, commence par l'idéntification à un double refleté dans le miroir. Pour\cite{benesch1999jstor} les androides rémplacent à une échelle sociale ce double, l’anxiété des humains à l’égard des androïdes exprimanat en réalité une anxieté relative à l’identité humaine en tant qu'espece. Alors il me restait d'imaginer une danse pour un robot humanoide, conçu à partir des mouvements des humains mais sans leur \textit{conscience}. Ces mouvements, limités par des contraintes matérielles, sont à leur tour imitées par un humain (moi). Une sorte de boucle réflexive ou le point de départ dévient le point d'arrivée, en décalage. C'est justement ce décalage qui répresente, à mon sens, ce qu'il y a d'incomprehensible entre moi et le robot. La peur d'un\textit{Autre} plus performant, inconnu et distant qui n'arrive pas à se réconnaitre (ou reconnaitre son potentiel) dans un miroir. + +Pour contrecarrer cette peur, les standards et normes de securité qui valident sa mise en marche sont parmi les aspects les plus importants dans le fonctionement d'un robot. Des tests doivent être effectués en permanence pour vérifier la bonne connectivité de ses circuits éléctroniques et les limites des articulations du robot. C'est pour cela que HRP-4 est calibré chaque fois à son démarage\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=wqdCfBpnBWA}. + +Comme pour les animaux, plus un robot est grand et lourd, plus il peut s'averer ``dangéreux”. Selon le contexte, les protocoles de sécurité utilisent des sensors laser (come celui que j'ai utilisé pour le projet avec l'Animat) ou des délimitations (en led ou même des grillges en métal) qui entourent le robot. Pour un robot industriel par exemple, sa vitesse peut etre adapté selon les distances de proximité détectés par le sensor laser. De cette manière, les délimitations en lumière peuvent répresenter un perimetre de securité. Une fois ce perimetre de secruité affranchi, le robot peut s'arreter en urgence. +Au LIRMM j'ai eu l'opportunité de programmer et intéragir avec un robot industriel Franka KUKA. La base de ce robot est fixée au sol, ce qui fait que son système mécanique est libre, dans la limite de ses actuateurs. En comparaison avec le robot HRP4, son fonctionement est assez intuitif. CE robot dispose d'un mode de configuration basé sur un code couleurs, où chaque couleur décrit l'état interne de la machine. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/color_code_panda} + \caption{Code couleur pour le fontionnement du bras robotique Panda. Source: FRANKA EMIKA ROBOT’S INSTRUCTION HANDBOOK} + \label{fig:color-code-panda} +\end{figure} + +Son manuel d'utilisation donne des instruction quant à la distanc ede securité et la maniére d'intéragir avec: + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/safety_panda} + \caption{Utilisation du bras robotique Panda lors d'un contact physique. Source: FRANKA EMIKA ROBOT’S INSTRUCTION HANDBOOK} + \label{fig:schema-manual-panda-utilisation} +\end{figure} + +Dans le mode apprentisage, il n'est pas necessaire de programmer le robot dans l'interface mcrtc. L'utilisateur execute une serie de mouvements que le robot va reproduire une fois ce mode desactivé. Cependant son utilisation est limitée à des taches ponctuelles, pour un méilleur controle du robot l'intérface de programmation état la solution. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/schema_manual_panda} + \caption{Fonctionnement du mode apprentisage pour le bras robotique Panda. Source: FRANKA EMIKA ROBOT’S INSTRUCTION HANDBOOK} + \label{fig:schema-manual-panda-fonctionnement} +\end{figure} + +Une fois les questions de sécurité traitées, la rapidité avec laquelle un robot réagit à un événement externe détermine son dégrée ``d'intelligence”. +Pour faire preuve de cette intelligence, les contrôleurs d'un robot assurent le contrôle de son mouvement ainsi que sa ``comunicaion” avec le monde physique. Décrits comme des systèmes à deux niveaux, ils comprennent des aspects mécaniques et informatiques. En pratique, ils visent à commander électriquement les actionneurs d'un robot pour lui faire rejoindre une position ou lui faire suivre une trajectoire. Ainsi le contrôle de robots nécessite l'intégration de deux typées de problémes differentes. Pour illustrer cela, les roboticiens parlent de deux niveaux. Le niveau ``haut” est associé aux problèmes de calcul et des logiciels, alors que le niveau ``bas” est associé aux aspects d'exécution (plus précisément au fonctionnement des actionneurs). Une architecture de contrôle est nécessaire, pour déterminer la communication entre les differentes modules et interfaces. Son role est de déterminer ce qui fonctionne en temps réel et quel type d'hierarchie est la meilleure pour faire communiquer ces modules. La planification de trajectoire est un exemple de module pour l'architecture de controle. + +Pour modéliser un robot, les chercheurs établissent d'abord son modéle mathématique avec des matrices de transfromation pour répresenter les coordonées de ses articulations. Ce modèle, basé sur des écuations de mouvement, permettra l'incorporation du robot dans des simulations informatiques. +Un robot humanoïde peut être aussi vu comme une plateforme d’intégration pour de nombreuses technologies robotiques. Son contrôle se réalise grâce aux tâches, developées pour des intérfaces de calcul. L'environment de developpement integrée (en anglais \textit{unified computer interface}) mcrtc utilise des algorithmes de programmation quantique (en anglais \textit{quadratic programming ou QP}). Ce type de programmation non linéaire a été crée au début des années '50. Il vise l'optimisation, par une valeur minimale, de certaines fonctions quadratiques multivariées soumises à des contraintes linéaires. +Parmi les paquets de donées disponibles dans l'interface mcrtc, mc-hrp4 fournit une implementation RobotModule pour le robot HRP4 et ses differentes versions. En tant qu'interface graphique dynamique, mcrtc prend comme +entrée les informations des capteurs du HRP-4 (optiques, d'unité de mesure inertielle, de force ou de couple selon le cas) ainsi que la description de ses surfaces de contact. Ses sorties visent +la position souhaitée, l'accélération, la vitesse de couple. +La librairie Task permets l'optimisation du corps entier. +Parmi les types de taches que le robot est programmé de faire il y a: +\begin{itemize} + \item la tâche de regard pour garder les sujets en vue + \item la tâche PBVS qui lui permets de déplacer la main gauche selon la vision + \item la tâche de stabilisation qui implique le CoM et la position ou la force des joints pour maintenir l'équilibre +\end{itemize} +La stabilisation peut absorber des perturbations inattendues comme les forces dynamiques non modélisées, du bruit. Elle vise à réduire la différence de valeurs entre le système de contrôle et le système réel. +Parmi ses contraintes, il est possiblé de configurer en mcrtc: +\begin{itemize} + \item l'évitement de collisions + \item les limites de la rotation des joints + \item les dynamiques (limites de couple) et les contacts (force-friction et géométrie) +\end{itemize} +Un solver est un programme informatique autonome destiné à calculer les solutions d'un problème mathématique. Il peut regrouper une bibliothèque de logiciels pour optimiser ses solutions. +Les contrôleurs basés sur un solver QP facillitent l'éxecution de tâches complexes, lors de la programmation en temps réel de leurs contraintes. +Le solver QP est pondéré ou hiérarchique, en modifiant ses parametres de \textit{weights} ou \textit{stifness} de chaque tache. + +Les modélisations mathématiques résolues grace à la QP, traduissent ensuite des commandes pour les motteurs. Selon le voltage récu, les actionneurs vont tourner avec des vitesses et rotations specifiques. L'impédance électrique mesure l'opposition d'un circuit électrique au passage d'un courant alternatif sinusoïdal. A son opposé, l'admittance détermine dans quelle mesure le courant traverse un circuit éléctronique. Le contrôle d'admittance, à l'instar du contrôle d'impédance, vise à imposer un comportement dynamique au robot. Ce robot est soumis à des forces de contact externes, comme l'inertie, la rigidité ou l'amortissement. Le livre\cite{natale2020springer} propose une schema qui résume ce fonctionnement: + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/admittance} + \caption{Schema qui illustre le fonctionnement de l'admittance. Source: le livre\cite{natale2020springer}} + \label{fig:admittance} +\end{figure} + +Une autre approche de programmation mcrtc implique des diagrammes d'états, également appelés F.S.M.( Finite State Machines). Ces états peuvent être programées en cpp ou Python et extensibles dans le fichier yaml. Elles ont de type imbriqués ou en anglais \textit{nested} (un état est lui-même un F.S.M.) ou parallèles (plusieurs états sont executés en parallèle). +Lors d'une vizualization dans l'interface rviz, un curseur affiche la valeur de chaque joint. +Pour passer d'un état F.S.M. à l'autre, une carte de transition est detaillée dans le fichier de configuration du contrôleur +(yaml). +L'intérface mcrtc permet ainsi une optimisation du contrôle de l'espace de travail. Cela se produit par l'exécution du même code autant en simulation que sur le robot réel. +Grace au travail de developpement des roboticiens de l'équipe I.D.H. il est possible de modifier les taches et les constraintes, ainsi que les états F.S.M. et leurs ordres d'execution également dans le fichier YAML. + +Selon\cite{kajita2014springer} un robot est un système articulé constitué de plusieurs corps rigides. Par l’analyse et le regroupement des mouvements de chaque corps, les robticiens obtiennent la dynamique d'un système complet. Avant cela, la cinematique étudie comment les differentes parties du robot se mettent en marche pour qu'il bouge. Les capteurs des robots sont l'équivalent de sens des humains. Les accéléromètres et les gyroscopes par exemple, servent à préciser les accélérations linéaires et angulaires des articulations du robot. Parallèlement, les capteurs d'effort détermient les forces et les moments des points de contact avec l'éxterieur. Un robot humanoïde ayant \textit{n} articulations, possède \textit{n + 6} degrés de liberté car sa base est un corps libre dans l’espace 3D\cite{kajita2014springer}. +Le mouvement des articulations du robot est décrit par des rotations dans l’espace en trois dimensions (X, Y, Z corréspondant aux mouvements de \textit{Pitch}, \textit{Yawn} et \textit{Roll}(qui répresentent en aviation les trois axes-latéral, vertical et longitudinal). En conaissant une de ces coordonées, les roboticiens calculent les vitesses angulaires et leur relation avec les dérivées des matrices de rotation. Dans le livre\cite{kajita2014springer}, les autheurs décrivent les principes de la cinematique directe-en anglais \textit{direct kinematics}- qui permet de trouver la position et l’orientation d’un segment (par exemple la main) à partir de ses angles articulaires. Il explique également comment déterminer les angles articulaires à partir de la position et de l'orientation d’un segment donné. Cela corrésponds à une écuation inversée de la précedente, appellée cinematique inversée- en anglais \textit{inverse kinemactis}. +\begin{quote} + ``Quoi qu’il en soit, la relation entre les dérivées de la position et de l’orientation d’un segment, et celles des angles articulaires, peut être représentée par des équations linéaires. Ainsi, le problème de la cinématique inverse peut être résolu par la détermination des solutions d’un système d’équations linéaires, puis en intégrant ces solutions. La matrice des coefficients du système d’équations linéaires est appelée \textit{Jacobienne des vitesses}. Elle représente un concept important dans beaucoup de domaines, la robotique comprise.” +\end{quote} +La fonction principale d'un contrôleur est d'interpréter le programme d'application du robot puis de convertir cela en actions physiques. Chaque contrôleur possède un modèle interne de la structure cinématique et dynamique du robot. Selon les algorithmes et les écuations de mouvement utilisées, cela est traduit par des capacités avancées de planification et de synchronisation de trajectoire. De cette manière, un robot peut synchroniser de manière précise les mouvements de chaque articulation. Selon les objectifs de chaque tache, des milliers de paramètres sont pris en compte pour le configurer. Parmi les controleurs de base du HRP4, les plus courants sont le controleur basée sur son Centre de Masse, en anglais \textit{Center of Mass} ou tout simplement CoM, ainsi que le controleur qui determine sa posture ou \textit{Posture task}. + +\smallskip +Me voilà en train d'imaginer (ou rêver comme les androides de Dick) une danse pour un robot humandoide pas (encore) conscient. +Rien que pour rester débout, nous les humains devons faire preuve d'équilibre et d'auto-géstion de nos capacités mortices. +Une posture debout normale est souvent comparée à la mouvement d'un pendule inversé dont la base est +fixe. Bien que la position debout semble statique +pour un observateur éxterieur, elle se caractérise par de lègeres oscillations dans lequel le corps se balance en avant, en arrière et sur le côté. Le centre de masse est ainsi situé proche de la première vertèbre sacrée du corps humain. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/Pendulum} + \caption{Source: le livre \cite{oatis2009kinesiology}} + \label{fig:pendulum} +\end{figure} + +Lorsque nous répartissons nos forces ou changeaons de point de contact avec le sol, notre équilibre s'ajuste de façon automatique. Comme décrit dans le livre de \cite{nakaoka2010intuitive}, une partie de ce travail \textit{pas conscient} est réalisé par des automatismes dans la percépetion. + +\begin{quote} + + ``En l’occurrence, lorsque vous désirez saisir une bouteille sur une table, votre attention se porte sur la main qui doit assurer la saisie. Lorsque vous désirez vous asseoir, vous vous concentrez sur le positionnement de votre bassin par rapport à la chaise. Pour taper dans une balle, vous portez votre attention sur le pied qui doit frapper la balle. La partie sur laquelle nous fixons notre attention ne nécessite que quelques + degrés de liberté pour être déplacée.(...) De l’autre côté, + les parties qui ne nécessitent pas une attention consciente peuvent être utilisées pour conserver l’équilibre.” +\end{quote} + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/cCoG} + \caption{Le changement de la posture influence sur le CoM. Source: https://www.quora.com/What-part-is-the-center-of-gravity-in-our-body} + \label{fig:ccog} +\end{figure} +Le centre de masse se déplace de manière automatique pour assurer notre stabilité. Comment tenir début un robot en prennant compte de toutes ces contraintes? + +Pour lui, une erreur liée à la Com, est constituée de la difference entre la valeur souhaitée de la CoM et sa valeur équivalente en simulation. + +Pour mieux anticiper ces erreurs, le livre\cite{kajita2014springer} décrit la méthode Zero Movement Point (ZMP). Ce concept joue un rôle primordial dans l’équilibre en position verticale des robots humanoïdes, lorsqu’ils se déplacent. Pusiqu'un robot humanoide n'est pas fixé au sol, il doit maintenir un contact entre ses semelles et le sol quand il se deplace. Lorsque la semelle du pied de support perd le contact avec le sol, le robot tombe. Pour qu'il reste début, son CoM doit faire partie du ZMP. Cette méthode est généralement utilisée pour déterminer la possibilité ou l’impossibilité de maintenir ce contact, sans utiliser des équations du mouvement. + +\begin{quote} + ``Le ZMP peut être considéré comme l’extension dynamique du principe de projection. Il est utilisé pour planifier des modèles de mouvements qui permettent au robot de marcher tout en conservant le contact entre la semelle du pied de support et le sol.” +\end{quote} + +Le concept du ZMP appliqué à un système en mouvement est illustré plus bas: + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/ZMP} + \caption{Relation ZMP-CoM.Source: le livre \cite{kajita2014springer}} + \label{fig:zmp} +\end{figure} +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/ZMP_CoM} + \caption{Explication ZMP. Source: le livre \cite{kajita2014springer}} + \label{fig:zmpcom} +\end{figure} + + +Une autre notion importante à considérer est le centre de gravité. Celui-ci peut se déplacer en fonction de la posture de l'individu et de la position de ses membres, tout comme le CoM. +Son role est d'aider le corps ne pas s'écraser contre la gravité. Quand un humain se retrouve en position assise son centre de gravité se situe à la base de sa colonne vertébrale, au niveau du sacrum. La majorité du poids de son corps est répartie dans la moitié inférieure, le bassin et les jambes supportant la majorité de cette charge. +\textbf{dance slow} +En paralelle avec ces recherches sur l'équilibre et les postures, les chercheurs de l'équipe AIST ont considére utile d'investiguer les autres possibilités d'expression physique du robot HRP-4. Ainsi ils ont développé un modèle de comportement utilisant les mouvements de l’ensemble de son corps- le premier robot humanoïde de taille humaine pouvant s’allonger et se relever. Ce mouvement est illustré par la figure suivante: +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/kajita_tomber} + \caption{Illustration des mouvements pour se redresser de la chute. Source: le livre\cite{kajita2014springer}} + \label{fig:kajitatomber} +\end{figure} + +En voyant ces images, nous ne pouvons pas nous empecher de \textit{voir} un humain. La plupart de ses gestes et mouvements sont faciles à identifier, car elles appartiennent aux humains qui se rélevent ou qui tombent. Ces observations notés dans mes cahiers de bord, m'ont fait considérer l'option d'assoir le robot sur une chaise. Choix radicale, emergée probablement d'un désir de pousser la limite de la convention. Lorsqu'ils sont assis les humains réflechissent, ou attendent. Il y a donc une forte activité méntale, alors que le corps se répose. Des chorégraphes qui m'inspirent ont déjà traité cette question en danse. Anna Teresa de Keersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin, dont j'ai cité le travail dans la prémiere partie de cette thése, ont su mettre au défi les stéreotypes en lien avec la chaise, l'immobilité et la danse. A mon tour, j'ai pensé interessante l'idée de faire danser HRP-4, assis sur une chaise. +D'abord parce que, avec quelques exceptions dans le monde animal, s'assoir est propre (seulement) aux humains. Ensuite parce que cet acte de s'assoir impose un état réflexif. Dérnierement parce que la chaise en tant qu'objet scénique inanimé, a un statut pariculier dans l'histoire de l'art. Avant d'introduire les arguments qui appuient une dialectique de la disparition, de parler des objets en tat que processus- comme dans l'oeuvre de Bojana Cvejic\cite{cvejic2015disjunctive} mentionné dans le chapitre 1.3- j'aimerais présenter l'objet chaise en contrast avec l'objet robot. +Déjà en 1913, Marcel Duchamp propose son premier Ready Made- \textit{La Roue de bicyclette}. Cette sculpture est composée de deux objets du quotidien en opposition l’un à l’autre: une roue de bicyclette fixée sur un tabouret\footnote{https://www.wikiart.org/en/marcel-duchamp/bicycle-wheel-1913}. Si la roue réprésete la vitesse, la chaisse s'appose à cette dynamique en imposant un arrêt. +En 1964, Joseph Beuys présente une chaise couverte d'un bloc de graise dans son oeuvre \textit{Chaise de graisse}. Le récit qui accompagne son installation évoque un épisode en Crimée, pendant la deuxième guerre mondiale, lorsque Beuys perd le controle de son avion. Il se fait sauver la vie par des Tatars qui l'enveloppent de graise animale et de feutre pour le maintenir au chaud. Ce souvenir facillite une prise de conscience pour l'artiste, qui va dédier sa vie aux actions artistiques engagés et à la spiritualité. La métaphore de la graisse\footnote{https://www.tate.org.uk/art/artworks/beuys-fat-chair-ar00088}, empeche quelqu'un s'assoir, ou bien le présente comme un amat de graisse. Dans les deux cas, la chaise est un élement actif de la proposition artistique dont la présence impose un moment d'observation. +Assoir un robot humanoide sur une chaise invite à une déconstruction du regard. Lorsque le robot est inactif, c'est un objet inanimé. Pareil à une rue de bicyclette, il peut se mettre en marche ou pas. Si ce robot aurait eu une forme non-antrhopomorphe, la question de s'assoir pour réflechir aurait été moins présente. Cependant dans le cas du robot humanoide, nous voyons \textit{quelque chose} se réposer sur une chaise. Est-ce que cela veut dire qu'une action physique vient d'avoir eu lieu? +En paralelle avec ma démarche dramaturgique, j'ai programmé ce robot. C'était une étape contraignante et fatiguante durant mon initiation à la robotique humanoide au Lirmm. +Les prémiers esquises de ce processus montrent bien comment le robot, tel la série phtographie du designer italien Bruno Munari\footnote{https://www.ideabooks.nl/9788875703899-bruno-munari-seeking-comfort-in-an-uncomfortable-chair}s'assoit plutot à cote de la chaise, que corréctement: +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/err_chair} + \caption{Scénario du robot sur la chaise: erreurs de programmation.} + \label{fig:err-chair} +\end{figure} +Aprés des mois d'erreurs et d'érrance dans le monde de roboticiens, pas loin des 700 heures que Marina Abramovic à passée assise sur une chaise à MoMa\footnote{hhttps://www.moma.org/audio/playlist/243/3133}, me voilà plus proche du résultat. Le robot reste assis sur la chaise, bien qu'il n'arrive toujours pas faire y des gestes expressifs. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/sit_fall} + \caption{Scénario du robot sur la chaise: premieres ébauches.} + \label{fig:sit-fall} +\end{figure} +Les mouvements du robot et mes capacités de programmation ne sont pas encore au point. Les mains de HRP4 n'ont pas des doigts articulés pour l'instant, pour pouvoir travailler des gestes comme dans le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} de Keersmaeker. Néanmoins, je me suis beaucoup rapporté au travail de la choregraphe belge pour préparer cette phase. Son approche du rythme et de la répetition m'a aidé comprendre comment mieux structurer les enchainements des gestes du HRP4. J'ai choisi comme répére des gestes faites avec les deux mains que j'ai repris par des variations en changeant la place de mes pieds. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/rosas} + \caption{Extrait du spectacle Rosas danst Rosas. Source photo: www.rosas.be} + \label{fig:rosas} +\end{figure} + +Des états avec des bras et des jambes qui se succédent selon une durée determinée, m'ont permis de mieux \textit{composer} la danse du HRP4. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/chaise_silvia} + \caption{Recherche sur les postures du robot.} + \label{fig:chaisesilvia} +\end{figure} + +Une autre étape dans ma recherche a été de chercher les mouvements du robot par l'intérmediaire de la Motion Capture. L'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H. a developpé un plugin pour relier 34 DOF de HRP4 et les 17 capteurs inértiels XSENS. + +\textbf{Motion capture} + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/xens} + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/MoCap_Silvia} + \caption{Mise en place d'une démo avec le systéme MoCap Xsens dans l'interface mcrtc.} + \label{fig:xens} +\end{figure} +Le digital twin du robot suit les mouvements de l'humain lors de la simulation en mcrtc. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/mocap_demo} + \caption{Still de la simulation avec le costume XSens dans RviZ.} + \label{fig:mocap-demo} +\end{figure} +Des exemples de mouvements que j'ai fait pendant les simulations, qui n'arrivent pas être réalisées sur le robot réel. En effet les mouvements qui dépassent les limites des articulations et l'angle de rotation des actuateurs sont adaptés à la version réelle. Les mouvements déviennt plus \textit{conventionnelles} pour respecter l'intégrité du systéme physique du robot. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/still_mocap} + \caption{Exemple de postures lors de la simulation avec le costume XSens.} + \label{fig:still-mocap} +\end{figure} +J'ai abandonée cette façon de travailler avec HRP4, parce que cela se rapprochait trop de l'idée de marionette. Bien que c'est une discipline à part éntiere avec une longue tradition en Orient où HRP4 a été developée, je rajoute ici le point de vue de Kozel\cite{kozel2008closer} qui mentionne Kleist et sa vision du marionettisme. La danse peut s'y inspirer et des autres projets ont présenté des dispositifs assez impréssionantes. Cependant mon interet est de considèrer le robot comme parténaire de danse, de respecter les contraintes liés à sa physicalité. + +\begin{quote} + ``Puppetry is a sister art of performance animation, akin to an alchemical practice, with a long history of transforming wood, cloth, and string into human, animal, or fantastical beings. Writing on the puppet theater in 18 11 , Heinrich von Kleist reflected upon grace as demonstrated by humans, animals, and marionettes, and he located the soul in the center of gravity. The human dancer did not fare well in the comparison, for grace was seen to exist in greater quantities in puppets and animals due to the obstructive impact the human power of reflection had on the path of the pure flow of movement. He drew this conclusion on the basis of two conceptual duets: a comparison of the movement of a dancer with that of a string puppet, followed by an anecdote of a fencing duel between a man and a bear. It is less the suggestion that a dancer is a mere puppet that is of interest than the way observations on the location of the soul are arrived at through the intercorporeal relations, albeit hypothetical, between entities.” +\end{quote} + +Aprés quelques mois encore et toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H., j'ai mis en place des transitions F.S.M. pour mieux travailler le rythme de la sequence. Les mouvements du robot sont beaucoup plus restreints, notamment car j'ai pu le faire croiser ses jambes. Cette contrainte m'a fait explorer differement le mouvement des bras et éngaer aussi la tête dans des séquences. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/hrp_chair} + \caption{Scénario du robot sur la chaise: énchainement aléatoire de postures.} + \label{fig:hrpchair} +\end{figure} + +Une fois la boucle de mouvements mise au point, j'ai passé du temps à tester differentes simulations et énchainements avant de faire danser le robot réel. + +Le 17 septembre 2022, lors de la soirée d'ouverture de la saison 2022-2023 d'Enghien-les-Bains, nous avons presenté la performance \textit{Le mythe de l'Immorta} dans le cadre du projet CECCI-H2M. Le digital twin du robot HRP4 est intervenu, en contraste avec un écosystéme virtuel qui intéragissait avec des performeuses. L'énchainement de ses postures a suivi des itérations inspirées par l’algorithme de la courbe du Dragon\footnote{Cet algorithmé provient des systémes de régles géneratives et est à la base un système de Lindenmayer (ou système de réécriture ou grammaire formelle inventé en 1968 par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer)}. Ce système réproduit les processus de développement et de prolifération de plantes ou de bactéries. Pour l'équipe de projet, cette façon de combiner l'organicité du monde vivant avec l'expression des machines est intuitive. Le choix de projetter le robot sur une image de 2m sur 3m, en contraste avec les performeuses en taille réelle, marque une distance entre l'humain et la machine. De plus, cette configuration scénique évoque l'image d'un artefact dévenu totem. La représentation centrale du robot humanoïde transforme le mouvement dansé en vecteur d'influence pour un monde centré sur la technologie et ses obsessions. +Mon objectif lors de ce travail a été de comprendre comment une corporalité ``dématérialisée” du robot pourrait stimuler une réponse décalée de la part du performeur. +Cela s'inscrit dans mes intentions prémieres pour établir un dialogue non verbal où homme et machine déploient leur vulnérabilité sur scène. + +\textbf{Photo de notes de mon cahier avec les itérations}. + +Des extraits de cette performance sont disponibles ici\footnote{https://vimeo.com/755637977}. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/immorta} + \caption{Extraits de la captation vidéo de la performance ``Le mythe de l'Immorta”.} + \label{fig:immorta} +\end{figure} + +\textbf{ Rechercher un état de créativité par l'empathie} + +Pour évaluer la complicité H2R, nous nous appuyons sur le sentiment d'empathie\cite{ziemke2008role} - vu comme une capacité à comprendre émotionnellement ce que ressentent les autres et nous imaginer à leur place. Dans notre cadre artistique les robots ne ressentent pas, mais la littérature\cite{asada2015towards} indique comment les robots s'appuient sur des émotions artificielles (c'est-à-dire des structures algorithmiques symboliquement considérées comme jouant le rôle et l'action des émotions) pour générer des mouvements. Ils +analysent leur environnement à l'aide de capteurs et y réagissent selon les lois de l'utilisateur définies par l'utilisateur. L'interprète imagine ce que ressent le robot (c'est-à-dire son \textit{umwelt}), puis +utilise cette projection comme source d'inspiration pour son improvisation dansée. Plus on comprend la technique +caractéristiques du HRP-4, plus on peut imaginer comment il devrait \textit{ressentir} et cultiver des intentions artistiques en lien avec cela. + + +À première vue, HRP-4 m'induit un sentiment de malaise et de curiosité. Proche d'un Daft Punk +androïde, impressionnant par sa mobilité physique, je me suis demandée ce qui pouvait bien résider sous sa carrosserie en plastique. A l'occasion j'ai pu découvrir, lors qu'un de ses actuateurs est tombée en panne\footnote{captation vimeo Arnaud qui répare les fils} +La complexité de ses algorithmes et interfaces d'utilisation le rendent inaccessible et mystérieux. Mon rêve était de le démonter pour découvrir sa carcasse électrique : ses servomoteurs, ses fils et ses microcontrôleurs, comme une sorte d’exploration en dessous de sa deuxieme peau. +A l'origine un jouet exquis à taille humaine, HRP-4 est devenu davantage un \textit{Autre} indompté, au sens de différent et d'inconnu, que j'ai du apprendre lentement à utiliser. + +Nos expériences antérieurs m'ont aidé à comprendre comment l'animat suscitait chez l'interprète une réaction instinctive, sorte de réponse empathique. En tant qu’interprète je me suis facilement imaginé à la place du petit animat. Probablement le facteur qui a contribué à cette projection est son apparence petite (environ 30 cm) et fragile (en carton). En comparaison, l’apparence physique du HRP-4 est le résultat de principes de conception ergonomique mais aussi de l’influence de la littérature SF sur la robotique. Cela pourrait donc ne pas induire un sentiment de vulnérabilité, malgré sa taille (151 cm) et son poids (39 kg) similaires à ceux d'un humain. Dans ce contexte, un contact physique\cite{aymerich2017object, bolotnikoval2018compliant} sur scène, pourrait renforcer +le sentiment d'empathie que nous recherchons. + +Puisqu'il s'agit de un spectacle de danse, il ne faut pas oublier que parfois le mouvement peut renforcer un sentiment d'étrangeté lors d'une interaction physique. Un sentiment de \textit{conscience de la conscience}\cite{jochum2016cultivating}, pourrait détourner l'attention des +mouvements et gestes incohérents. C'est pourquoi nous avons voulu examiner plus en profondeur le rôle que joue le mouvement dans nos propres scénarios interactifs de danse. + +Le cadre de nos premières improvisations de mouvements est basique : musique et +séquences de mouvement expressives donnant l'illusion d'une communication, entre l'interprète et le +robot. Ce dernier n'est pas programmé pour réagir à la musique. Des mouvements instables ou des arrêts peu nets +sont interprétés comme des hésitations de la part de l’interprète. De plus le caractère imprévisible de son comportement génèrent une complicité ludique, centrée autour de la spontanéité de la machine capable de transgresser les lois des interactions sociales. Cela nous rappelle les improvisations avec l'animat, où le fait de s'arrêter très près de l'artiste ( car c'était le seul point en mouvement sur +scène) donnent l'impression d'une intimité avec la performeuse. De plus, lorsque le performeur proposait un geste et que l'animat l'ignorait, le performer s'est concentré sur l'attribution d'un autre sens à cette réaction pour continuer l'improvisation au lieu d'interpréter cela comme un refus. De même, lorsque le robot donne l'impression de suivre ou d'imiter le rythme de l'interprète, l'interprète profite de cette opportunité pour s'accorder avec le nouveau mouvement du robot, afin de maintenir une continuité du mouvement. De cette façon, la réponse subjective de l'interprète contribué à entretenir l’illusion d'une complicité sur scène. + +Avant de réaliser des improvisations avec HRP-4, nous avons travaillé avec son avatar virtuel, en utilisant l'interface de contrôleur unifiée mcrtc. Nos premiers essais d'improvisation +sont loin des \textit{comportements imprévus ou non explicitement programmés}\cite{bret2005interacting}. Comme le confirme la littérature\cite{chandrasekharan2000software}, un agent virtuel utilise +une représentation du monde inspirée d'un modèle réel, alors qu'un robot utilise le monde réel comme modèle. +Nous sommes partis au départ de l'hypothèse que les robots collaboratifs (de par leur niveau de complexité et +conformité des mouvements de leur corps) peut stimuler l’imagination de l’interprète et atteindre un certain sentiment d'\textit{empathie} indépendamment d'une modification de distance entre les deux. Plus précisément, puisque ses mouvements et ses gestes s'inspirent des mouvements du corps humain, il est plus facile pour l’interprète de leur donner un sens, lorsque la distance entre lui et le robot est constante. C'est pourquoi nous nous sommes imaginées un scenario d'interaction basé sur ces principes. + +Dans une de nos premiers expériences, le robot virtuel HRP-4 est préprogrammé pour rester immobile et alternativement équilibrer ses mouvements. Son Centre de masse (CoM) se déplace de droite à gauche sur l'axe y, crée une séquence rythmique similaire à une danse lente. +L'interprète imite cette fréquence pour donner l'impression d'une danse lente dématérialisée entre elle et +l'avatar du robot. Lorsque nécessaire, l'interprète propose des séquences d'improvisation en +réponse. Dans une autre expérience, le double virtuel du HRP-4 est manipulé par un opérateur humain, +lors des exercices d'improvisation. Cela contraint l'interprète à réagir spontanément. L’opérateur humain +n’a pas préparé la séquence de mouvements à l’avance, pour pouvoir réagir aux propositions de l’interprète. +Cette expérience pourrait littéralement correspondre à une séquence d'improvisation de danse entre humains, +mediée par le corps d’un robot virtuel. Cette situation a été abordée dans un contexte différent par Zaven Paré qui +a fait une expérience de téléopération robotique en interaction avec Geminoid3 dans son ouvrage \textit{Le Robot et la Pomme}\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=HqP9kBPEtMQ} (2009). Des modèles d'interactivité similaires sont mis en œuvre dans le laboratoire INREV mettant l'accent sur importance de l’humain comme moteur et traducteur de l’interaction homme-machine\cite{plessiet2019mitmi}. + +Nos observations actuelles nous amènent à conclure que le sentiment de complicité et d'empathie avec une machine est renforcé par le mouvement, le mimétisme et les similitudes dans la conception ou l’apparence. +Lors d'une improvisation virtuelle avec HRP-4, l'interprète peut facilement anticiper quelles articulations bougent, sans qu'il connait la séquence des mouvements. Dans une certaine mesure, lorsque notre vision périphérique est activée, nous pouvons ressentir la présence du robot virtuel sans vraiment le regarder. C'est une condition essentielle pour l'improvisation dansée. Reste à déterminer si cela peut être qualifié de réaction empathique, puis à comprendre comment cette condition déclenche la créativité. Entre les deux, nous souhaitons souligner le rôle de l'adaptation aux moments inattendus et contraintes techniques. Il est important de considérer les contingences comme des catalyseurs pour ce type d’interaction. En échangeant avec +des roboticiens, l’interprète doit avoir une connaissance préalable des fonctionnalités et des comportements des robots afin de stimuler tout son potentiel sur scène. Il doit également être prêt à improviser lorsque des événements inattendus se produisent et les intègrent dans le processus de co-création. + +Dans les prochaines phases de notre projet, nous prévoyons de travailler sur d'autres scénarios d'interaction afin de comprendre la différence entre le fait d'improviser en temps réel avec un HRP-4, pour valoriser son mouvement. Cela signifie identifier la séquence la plus appropriée de mouvements combinés réflexes-intentionnels et +améliorer notre modèle scénique. Par conséquent, apprivoiser l' +\textit{Autre} représenté par HRP-4 et notre intention de co-créer avec lui, est toujours un travail en cours et nous comptons sur les évolutions technologiques futures pour améliorer nos modèles d’interaction. + +\section*{Conclusion} +Le projet s'est déroulé sous plusieurs semaines de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains. En juillet 2021, lors de notre première phase du projet, nous avons travaillé avec une version simplifiée du robot -une animata Arduino construite pour des déplacements aléatoires dans l’espace. Cette étape nous a permis de tester l’interaction avec un prototype doté d’un comportement involontaire. Lors des improvisations sur le plateau, nous avons cherché un terrain d’entente entre l’intelligence du corps humain, la réponse du corps machinal de l’animat et la réactivité de l’environnement virtuel. L’influence de ces éléments artificiels sur l’expression corporelle du performeur, ainsi que les mouvements de l’animat, sa fragilité et sa dimension réduite, ont provoqué une interaction instinctive, en marge d’une construction rationnelle basée sur de la réciprocité. + +Quelques mois plus tard, lors d'une deuxième phase du projet nous avons projeté les mouvements du robot virtuel HRP-4 sur la performeuse afin de tester une forme de mimétisme gestuel. Cela nous a également permis d’approfondir les concepts d’altérité et d’autonomie des dispositifs robotiques. Les qualités de \textit{sauvage} ainsi que la notion d’\textit{Umwelt} ont accompagné cette résidence artistique. Après quelques tests avec le robot virtuel, nous avons pu constater à quel point le virtuel reste une manifestation mystérieuse qui suscite l’imagination des artistes. Cela n’est possible qu’à partir de l’interprétation du virtuel comme un organisme différent, en manifestant une autonomie sensible à la perception du performeur. Cela nous a également permis de réfléchir aux contraintes issus de l’intégration des éléments virtuels et réels dans un projet performatif. Comme une négociation entre les solutions software et les dispositifs hardware, l’illusion du réel versus l’imaginaire virtuel et la place que chacune de ces dimensions occupe sur le plateau, représentent une phase importante de ce projet. + +Lors des prochaines résidences, nous avons mis l’accent sur la spécificité du robot HRP-4. Pour sa programmation, j’ai dû d’abord étudier ses mouvements mécaniques, leur potentiel artistique en termes d’expressivité, de contraintes et des libertés. L’effet de présence d’un robot humanoïde sur scène a suscité des questionnements en lien avec l’altérité de sa figure mécanique et le concept de \textit{uncanny} produit par ses mouvements remarquablement naturels. Les différences entre l’organicité du corps humain et l’ artificialité du robot ont ainsi devenu une source d’inspiration, comme une matière à détourner. +En 2022, pour imaginer de nouvelles formes d’écriture corporelle en vue d’une improvisation performative, le travail de programmation du robot HRP4 a été réalisé en deux temps. D’abord une familiarisation avec les systèmes MoCap utilisés par l’équipe du laboratoire et l’installation de plugins qui nous ont permis de simuler en temps réel les séquences de mouvement de l'humain sur le robot virtuel. Ensuite, des tests avec le robot HRP réel ont été réalisés en mars 2022. Ces tests ont facilité la mise en place d’une séquence de mouvements sur une chaise. Ce choix de faire s’asseoir le robot sur la chaise vient comme un résultat de nos réflexions sur les contraintes d’équilibre du robot, lors des séances d’improvisation. La mise en place la plus simple, pensée avec les ingénieurs de l’équipe de prof. Kheddar, a été l’organisation de ces séquences dans de programmes de type F.S.M (Finite State Machines) qui permettent une meilleure organisation des transitions entre différentes postures. + +Comme hypothèse de recherche pour une chorégraphie mimétique, j’ai pu créer des simulations de séquences de mouvement sur un robot virtuel. Dans un premier temps, j’ai décidé d'associer la figure du robot à celle d’un danseur de slow, réalisant quelques tests d’interaction réelle avec la version physique du HRP-4. Ensuite j’ai effectué un travail de gestes inspirés par les postures de dirigeants politiques, pour voir dans quelle mesure les postures de pouvoir sont incarnées par des gestuelles et non par des attitudes. Le pouvoir que nous leur désignons est parfois le pouvoir de fascination que leur potentiel exerce sur nous, sans s’en rendre compte. Dans cette configuration centrée sur la fascination d’un objet inanimé, nous avons voulu comprendre dans quelle mesure le mouvement et les gestes dansés deviennent vecteurs d’influence. + +Une autre séquence de mouvements a été préparée pour la troisième résidence de création au Centre des Arts d’Enghien Les Bains en septembre 2022. Pour cela, j’ai codé une séquence de mouvement sur la chaise qui dure approximativement 2 minutes. A l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisis initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du dragon et les états F.S.M. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produites par Hui-Tin Hong a été fait ultérieurement. Une autre séquence de code, cette fois en montrant le robot applaudir a été rajoutée ultérieurement. Ainsi le robot virtuel est apparu dans deux moments différents de la performance- au départ sur une chaise pour présenter sa danse et à la fin début pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre avec la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt: le robot virtuel tourne sa tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une façon d’évaluer la danse des performeuses. +En parallèle, des autres moments de recherche en écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. J'ai pu effectuer une recherche sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique des muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro pour le projet CECCI-H2M dans le cadre du dispositif Artec. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des techniques de shaking, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. + +\chapter{Etude(s) de terrain} +\section{Experiment Lycée Mercy} +À travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d’anthropomorphisme chez les robots jumeaux numériques. En considérant le terme d'interactivité pour mieux définir leur interaction, nous observons comment différents matériaux de mouvement stimulent la créativité à travers un processus d'hybridation entre l'humain et la machine. Dans cette perspective, nous déterminons comment les utilisateurs vivent Qualia en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par un robot humanoïde, un bras industriel et un humain. Leurs retours et nos propres expérimentations pratiques nous permettent de mieux comprendre l’impact de l’anthropomorphisme numérique dans la réalisation d’une interaction homme-robot durable. +\subsection{Introduction} +Depuis le VIe siècle avant notre ère, lorsque le terme a été utilisé pour la première fois pour décrire des phénomènes religieux\cite{demers2015machine}, l'anthropomorphisme a accompagné l'intention de l'humanité de reproduire ses caractéristiques dans différents environnements. L'anthropomorphisme (du mot grec \textit{anthropos} signifiant ``humain” et \textit{morphe} signifiant ``forme”) est décrit dans\cite{duffy2003anthropomorphism} comme: +\begin{quote} +``the tendency to attribute human characteristics to inanimate objects, animals and others with a view to helping us rationalize their actions. It is attributing cognitive or emotional states to something based on observation in order to rationalize an entity’s behavior in a given social environment.” +\end{quote} +Il s’agit d’attribuer des états cognitifs ou émotionnels à quelque chose en se basant sur l’observation afin de rationaliser le comportement d’une entité dans un environnement social donné. Comme discuté dans\cite{tisseron2011animal}, une composante essentielle de l'esprit humain est de prêter certaines caractéristiques de notre vie psychique, en projetant notre fonctionnement physique et psychologique dans des objets. Selon\cite{baddoura2013homme}: +\begin{quote} +``les humains attribuent, souvent sans le savoir, des traits de personnalité aux machines en fonction non seulement de leur apparence extérieure, mais aussi de leur fonctionnement et de leurs compétences.” +\end{quote} +Dans le présent article, nous faisons référence à l’anthropomorphisme dans une perspective humaniste plus large, en tant que caractéristique du comportement d’un système autonome qui permet d’attribuer des caractéristiques et des intentions humaines à des entités non humaines comme les robots. Récemment, la littérature a intégré une interprétation proposée par le philosophe français Bruno Latour - où le sens de l'anthropomorphisme est défini par \textit{ce qui a une forme humaine} et \textit{ce qui donne forme aux humains} \cite{stojnic2015digital} - encourageant les chercheurs à envisager l'anthropomorphisme numérique comme concept qui intègre les deux points de vue. En utilisant ces bases, nous explorons des notions clés comme l'agence\cite{jochum2017computation} et l'autonomie\cite{bisig2022generative} pour notre cas particulier de danse avec des robots, afin de mieux souligner le lien de ces notions avec l'anthropomorphisme numérique dans l'établissement d'une société humaine durable. interaction avec le robot (HRI). +Dernièrement, la robotique a amélioré ces perspectives, en développant des artefacts qui remettent en question l'idée d'humanité\cite{romic2021ijsr}. Nous nous appuyons sur les chercheurs\cite{breazeal2004social, breazeal2005robot} pour définir la place que les robots peuvent occuper dans notre étude, en les considérant comme des outils (aider l'humain à accomplir une tâche - dans notre cas développer une chorégraphie), comme des avatars (puisque le robot s'engage dans une certaine présence sociale avec d'autres personnes - dans notre cas les spectateurs d'un spectacle de danse) et surtout en tant que partenaires (établir un processus de co-working avec un collaborateur - dans notre cas co-créer un spectacle de danse). +De\cite{duffy2003anthropomorphism} nous remarquons qu'un robot social \textit{peut être perçu comme l'interface entre l'homme et la technologie}. C’est l’utilisation de fonctionnalités socialement acceptables dans un système robotique qui contribue à briser la barrière entre l’espace d’information numérique et les personnes. Alors que la conception des robots devient modulaire\cite{siedel2011concept} et que les extensions corporelles inspirent des performances artistiques qui remettent en question les capacités humaines\cite{jochum2018becoming}, une étude anthropologique\cite{vidal2007anthropomorphism} compare l'HRI au type de connexion exprimée dans les rituels religieux antérieurs entre dieux et humains- soulignant l'influence que les robots pourraient avoir sur nous dans un avenir proche. Alors que nous évoluons actuellement vers une ère technologisée post-humaniste, où les humains étendent leurs capacités à l’aide d’exosquelettes et de divers appareils connectés, la définition du corps humain et la façon dont il interagit avec son environnement change en conséquence. Notre article étudie comment ces paradigmes affectent notre créativité et leur impact sur les pratiques sociales collaboratives comme la danse. +\cite{villard2016propos} évoque l'analogie étymologique entre la danse (de l'indo européen dix, racine de tension) et les émotions (du latin émovere : ou mise en mouvement). Dans notre quête d’une interactivité significative entre performeurs et robots, nous analysons l’impact de ces projections anthropologiques sur la danse. Dans les pages suivantes, nous décrivons comment nous créons notre séquence de mouvements en discutant de nos hypothèses de travail et de notre méthodologie et en expliquant nos phases de travail menant au concept d'hybridation humain-robot (H2R). Nous adaptons et testons ensuite la séquence sur plusieurs interprètes humains. Nous discutons ensuite des résultats et des perspectives de cette expérimentation et de ses implications dans les pratiques de danse actuelles. +\subsection{Questions et méthodologie} +Notre approche se concentre sur le processus de création d'un langage chorégraphique original inspiré des robots, influencé par les pratiques somatiques et l'intelligence incarnée. Selon l'artiste Louis Philippe Demers, toute forme abstraite et inerte \textit{peut devenir fluide, organique et éventuellement anthropomorphe par les seuls moyens de contextualisation et de mouvement}\cite{demers2015machine}. Notre objectif est de vérifier dans quelle mesure le concept d’anthropomorphisme renforce la créativité en HRI et influence la recherche artistique. Parmi nos hypothèses de travail, nous étudions comment la forme d'un robot peut influencer l'interprète en générant des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques\cite{bogart2004viewpoints}\footnote{une réaction spontanée à un mouvement qui se produit en dehors de vous ; le moment dans lequel vous réagissez aux événements externes tels que le mouvement ou le son ; le mouvement impulsif qui résulte d'une stimulation des sens : c'est-à-dire. quelqu'un applaudit devant vos yeux et vous clignez des yeux en réponse ; ou quelqu'un claque une porte et vous vous levez impulsivement de votre chaise., Bogart, Anne, Landau, Tina. Le livre des points de vue, p. 11} ? Comment reproduire plus facilement une séquence de danse selon le type de robot ? Le retour de l’interprète change-t-il une fois que le type de robot a changé ? +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_panda} + \caption{Mouvements du robot industriel Panda Franka.} + \label{fig:iseapanda} +\end{figure} + +Un autre domaine d’investigation concerne le processus créatif, confortant l’idée selon laquelle travailler avec un avatar substitut d’un robot que nous définirons plus tard comme son jumeau numérique, peut favoriser un état d’hybridation entre le corps ou l’interprète et le corps virtuel du robot. Nous soulignons ainsi le processus par lequel le rôle du robot passe du rôle d’outil à celui de compagnon de travail. Plus loin, on se demande si cette nouvelle individuation symbiotique entre robot et humain peut influencer la production de performances artistiques. +Les robots impliqués dans notre étude ont des dimensions similaires, bien qu’initialement conçus pour des résultats différents. Comme point de départ, nous utilisons le matériel de mouvement implémenté dans le robot HRP-4 pour le projet de performance \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot humanoïde et un bras industriel sont programmés dans une série de mouvements analogues basés principalement sur la rotation des membres supérieurs et de la tête du robot humanoïde. Nous testons ensuite les séquences de danse à travers une étude de cas au sein d'un groupe d'étudiants en danse. +\subsection{Des digital twins comme facilitateurs d'interactivité } +Les élèves sont invités à mémoriser, puis à improviser la séquence de mouvements analogues indiquée par projection vidéo par différents partenaires de danse. Les séquences filmées ont le même format et la même durée (environ 1min). La première séquence est enseignée par un robot humanoïde, la seconde par un bras industriel et la dernière par un interprète humain. Les séquences ont la même structure mais diffèrent par la qualité du mouvement, selon le professeur. Ensuite, les danseurs sont invités à interpréter librement les mouvements et à improviser collectivement une séquence de danse libre, recyclant les mouvements qu'ils considéraient comme les plus inspirants. La méthode d'analyse est une forme de questions de 23 questions que les participants sont invités à remplir à la fin de l'expérience. +\subsection{Quand l'outil devient partenaire} +En Occident, les robots sont souvent conçus pour imiter le comportement humain, principalement comme outils [14] remplaçant le travail humain ou aidant les humains dans des tâches complexes. Cependant, dans des contextes créatifs, leur fonction est plus ontologique dans le sens où ils pourraient contribuer à une certaine création de sens en inférence avec le processus artistique qui les contient. Pour l’artiste et chercheur Simon Penny, la cognition ne se produit pas exclusivement dans le cerveau, étant \textit{loin d’être une manipulation logique de jetons symboliques} \cite{penny2015emergence, penny2022sensorimotor}. Faisant valoir que les processus mentaux comme l’inspiration sont incarnés, intégrés dans des tissus corporels non neuronaux (donc étendus en artefacts, systèmes sociaux et réseaux culturels), il souligne également sa nature dynamique. A travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d'anthropomorphisme chez les robots interactifs intelligents. La scène, médiatrice de leur rencontre, apporte de nouvelles possibilités d'expression, et par conséquent d'interaction. Dans notre cas particulier, nous appliquons le terme d'interactivité\cite{bret2005interacting, bret2015creation} pour définir la relation entre humains et robots. Initialement inspirée par l'interaction humaine, l'interactivité s'est complexifiée avec le développement des nouvelles technologies et des nouveaux médias, ouvrant la voie à un processus de transformation continu. Mélangeant le vivant et le non-vivant, la réalité et les simulations, le physique et le virtuel, l'interactivité facilite une perméabilité entre l'humain et la technologie. Comme l'indique \cite{baddoura2013homme}: +\begin{quote} +``les interfaces interactives contemporaines échappent au contrôle total de l'homme et créent une situation nouvelle où celui-ci n'a plus un rôle exclusivement actif face à son outil. Il s’agit plutôt d’un échange, d’une interdépendance caractérisée de plus en plus par leur interactivité.” +\end{quote} +\subsection{Confronter les paradigmes concernant l'incarnation} + +\cite{baddoura2013homme} fait une analogie entre la manière dont la technologie, notamment les interactions virtuelles, façonne la compréhension du corps humain. Les individus qui cherchent à agrandir, modifier ou fragmenter leur corps sont des indicateurs des changements en cours qui s’opèrent dans nos interactions quotidiennes. L’identité étant multipliée, diluée ou absorbée dans le monde numérique, la tendance est de projeter les mêmes attentes sur le corps humain. Les neurosciences, la robotique ou l’art n’envisagent pas l’incarnation et l’anthropomorphisme de la même manière. Dans \cite{johnson2007we}, le corps est défini comme un ensemble de processus organiques qui vont au-delà de l'expérience de la sensation et du mouvement. Cela peut inclure des réseaux sociaux tels que les familles et des artefacts culturellement construits. En parallèle, des termes anthropologiques comme \textit{domestication du corps}\cite{joffrey2015humanoides} analysent la manière dont le corps est segmenté en unités selon le domaine de recherche qui l'aborde. Dans le domaine des arts, des pionniers comme Stelarc ont toujours considéré leur corps comme un terrain de jeu pour des expériences technologiques\cite{stephens2016we}. Avec ses performances de troisième bras ou de pattes d'araignée, l'artiste brouille les frontières entre l'humain et la machine à travers des mises en scène très originales. Tandis que les roboticiens conçoivent des robots capables \textit{d’imiter} les humains grâce à leur ressemblance et leurs capacités collaboratives \cite{evrard2009homotopy}. Les chercheurs démontrent comment la forme générale d'un robot joue un rôle clé dans l'invocation des émotions souhaitées chez les utilisateurs\cite{hwang2013effects}, avec des études mesurant le degré d'acceptation des robots humanoïdes\cite{nomura2012social,kaplan2004ws}, influencé par la conscience de notre propre \textit{schéma corporel}\cite{hoffmann2021body}. De plus, des concepts tels que \textit{l'étrangeté sociale}\cite{hoffman2020social} examinent comment notre besoin d'être unique et de nous engager dans des interactions authentiques est impacté par le développement des robots sociaux. + +L’idée de commencer à expérimenter l’avatar virtuel d’un robot est née lors d’un travail en laboratoire avec les roboticiens de l’équipe \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot HRP-4 étant peu disponible à cette époque, nous avons réalisé une résidence artistique dans laquelle son double virtuel représentait le réel. Le robot a exécuté une série de mouvements inspirés des postures de pouvoir des dirigeants politiques assis sur des chaises. Lors de l'improvisation, sa corporéité imaginaire déclenchait différentes réponses cinétiques chez l'interprète, nous étions donc curieux d'aller plus loin et de comprendre ce phénomène. Dans\cite{sohier2022degre} on note la distinction entre les robots virtualisés et les simulations informatiques nécessaires au fonctionnement des robots dans le monde réel. Pour aller plus loin, dans notre étude actuelle, nous employons le terme de \textit{digital twin}\footnote{selon IBM, alors qu'une simulation étudie généralement un processus particulier, un double numérique peut lui-même exécuter un certain nombre de simulations utiles afin d'étudier plusieurs processus.} par rapport aux simulations, en raison de leur traitement des données en temps réel et de la possibilité d'étudier plusieurs processus dans diverses simulations. +\subsection {L'hybridation résultant de l'interactivité créative } +\cite{joffrey2015humanoides} retrace le processus d'hybridation entre le corps humain et les objets technologiques dès la préhistoire, lorsque l'anatomie de notre main s'est adaptée à la manipulation d'objets comme les outils de sculpture. Il soutient que la notion de réflexivité occupe une place centrale dans le fonctionnement de l'anthropomorphisme, citant l'anthropologue culturel Victor Turner pour qui l'humain est plus qu'un animal performatif, étant proche d'un animale qui se réalise. Par analogie, créer une séquence de danse robotique est aussi un processus réflexif. L'humain joue un double rôle d'initiateur et de récepteur de mouvement (dans le sens où il répond à la proposition faite par le robot) tandis que le robot devient un médium traduisant avec ses contraintes mécaniques l'architecture corporelle qu'il est censé embarquer, sans grand chose. en alternant le modèle initial. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_couchot2} + \caption{Mise à jour du schèma illustrant les principes d'E. Couchot.} + \label{fig:iseacouchot2} +\end{figure} +Pour approfondir notre compréhension du concept d'hybridation, nous le définissons en relation avec le travail de l'artiste numérique Edmond Couchot. Pour lui l'hybridation se situe toujours dans l'expérience, \textit{plus précisément dans la relation entre le sensible, le corps et son environnement}\cite{sohier2022degre}. L’auteur de l’article souligne la nature en cours de l’hybridation ou, pour citer l’artiste, \textit{un état évolutif, de l’humain à l’artificiel et de l’artificiel à l’humain}. Dans sa classification des agents artificiels, Couchot fait une distinction entre les robots et les humains artificiels, en utilisant les concepts de matérialité et d'autonomie pour distinguer les deux. Pour l'autonomie, sa classification s'oriente autour de deux polarités : l'avatar fantoche (niveau minimal d'autonomie) et l'acteur autonome (niveau maximal d'autonomie). Concernant sa définition de la matérialité, il structure ses observations autour de l'expérience technesthésique comme étant: +\begin{quote} +``une expérience sensible vécue dans l'acte technique [qui] constitue une sorte d'habitus perceptuel, de connaissance sensorielle, partagée par chaque membre d'un société et façonner ses manières d'être et d'agir, de penser, par des voies différentes de celles du langage et de la pensée symbolique.” +\end{quote} +Il est intéressant de noter que cette expérience implique la disparition de soi, en s'appuyant sur les restes de l'expérience des autres avec technologie. Cela rejoint l'observation de Becker\cite{joffrey2015humanoides} pour qui l'histoire des gestes partagés, retrace l'évolution de l'humanité dans sa relation avec la technologie. + +\subsection{L'humain dans la boucle} + +L'un des enjeux de notre recherche-création est d'explorer cette dimension intermédiaire qui s'opère entre la qualité de mouvement de deux entités distinctes (humain et robot). +In\cite{villard2016propos} une expérience réalisée avec un robot Poppy, favorise l'émergence du concept d'empathie kinesthésique- illustré par le décalage et la tension qui s'opèrent une fois le geste transmis de l'humain au robot. Dans notre cas particulier, dans les improvisations en temps réel, une fois le robot HRP-4 programmé pour reproduire une séquence de danse, la chorégraphie peut être modifiée en fonction des caractéristiques techniques du robot - état des actionneurs et de la batterie, problème de code, limitations articulaires. . Nous appelons ce type d'inférence des \textit{mouvements parasites}, nécessitant une adaptation sensori-motrice de la part de la machine et de l'humain. En comparaison, en travaillant avec des jumeaux numériques, les réglages se font au niveau de la vidéo-projection. Le concept de morphing\cite{villard2016propos} emprunté au traitement de l'image offre une analogie intéressante avec la production de mouvement, définissant un processus de réhabilitation et de réajustement continu des corps et de leur transformation en formes. Pour une de nos expérimentations de recherche-création, nous avons projeté la figure du robot sur le corps du performeur. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_moi_hrp} + \caption{Comparatif de mouvements performeuse- robot HRP4.} + \label{fig:iseamoihrp} +\end{figure} +À notre grande surprise, les images se chevauchent, ce qui donne lieu à une figure hybride de robot et de machine. Après plusieurs essais, le performeur s'est adapté à cette spécificité inattendue du robot, comme dans un processus d'apprivoisement et il en est résulté une figure symbiotique, mi-humain, mi-robot. +\subsection{Étude de cas d'une interaction de danse homme-robot impliquant l'anthropomorphisme} +À travers notre étude de cas, nous étudions comment les différents matériaux de mouvement sont vécus par les artistes lorsqu'ils dansent avec des robots. L'objectif de notre article est de déterminer comment les utilisateurs expérimentent \textit{qualia}\footnote{selon l'Encyclopédie de philosophie de Stanford, les philosophes utilisent souvent le terme ``qualia” (singulier ``quale”) pour faire référence aux aspects phénoménaux et accessibles de manière introspective de notre vies mentales. Le statut des qualia est vivement débattu en philosophie, en grande partie parce qu’il est essentiel à une bonne compréhension de la nature de la conscience. Les Qualia sont au cœur même de la problématique corps-esprit.} tout en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par des agents humains et non humains. Arguant que le corps et l’esprit sont la même expression d’un processus organique\cite{mark2007meaning}, décrit les arts et l’esthétique comme l’aboutissement des tentatives de l’humanité pour trouver un sens. Après avoir travaillé avec le double jumeau du robot HRP-4 pour la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}, nous avons souhaité comprendre comment les robots sont perçus par leurs partenaires humains lors des pratiques créatives. +Les ingénieurs peuvent facilement préprogrammer des intentions liées à des émotions ou à des comportements humains spécifiques chez les robots en utilisant une approche de boucle affective\cite{damiano2020emotions}. Cette approche se concentre sur la capacité du robot à engager les humains dans des échanges affectifs et donc à attribuer du sens à leur comportement. En 2010, une interface utilisateur simplifiée qui crée des mouvements corporels\cite{nakaoka2010intuitive} a été implémentée dans un robot HRP-4C pour un spectacle de danse. Le robot exécute des mouvements de danse synchronisés de base entourés de quatre danseurs, donnant l’impression d’une copie parfaite de l’interprète humain. Comme le dit \cite{penny2016improvisation}, nous attendons des œuvres d'art intelligentes et conscientes de nous surprendre. Pour aborder cette attention, nous imaginons des interactions qui se concentrent sur les mouvements spontanés, ``parasites” et les comportements inattendus des robots, questionnant un ``effet de présence”\cite{zaven2014effets} sur scène. Pour explorer les potentialités de ces interactions évolutives créatives, différents scénarios ont été programmés et testés, impliquant des imitations et des mouvements aléatoires. Cette approche permet de comprendre comment les corps artificiels et organiques peuvent s'adapter les uns aux autres et atteindre un état d'hybridité propre à notre environnement de travail. + +Lors de la conception de notre première séquence de danse avec HRP-4, nous avons dû prendre en compte différentes contraintes : la manière dont le robot stabilise son centre de masse, son autonomie en position debout et le mécanisme de sécurité qui lui permet de se déplacer. Ce contexte nous a fait envisager dans un premier temps une interaction dansée assise. Inspirés par le travail de chorégraphes célèbres comme \textit{Echad mi Yodea} (1998) d'Ohad Naharin, \textit{Rosas danst Rosas} (1983) d'Anne Teresa De Keersmaeker ou \textit{Seniors Rocking} (2005) d'Anna Halprin qui utilisaient des chaises dans leurs chorégraphies, nous avons choisi de travailler sur les postures de célèbres dirigeants politiques. Le fait qu'ils étaient assis, en train de réfléchir, mais que par leur raisonnement ils ont influencé le résultat de notre vie quotidienne a transformé la figure du robot en une figure totémique habitée par des gestes de pouvoir. La séquence de danse a été transposée dans le jumeau numérique HRP-4, sur scène lors du projet \textit{Le mythe de l'Immorta}. +Dans une instanciation différente de ce projet, l’interprète a interagi en temps réel avec les deux systèmes autonomes de la performance – en utilisant la même séquence de danse avec l’environnement virtuel de la performance E.V.E. (non anthropomorphe) ainsi que le HRP-4 virtuel (anthropomorphe). Le résultat de cette expérience fut que les mouvements répétitifs du HRP-4 généraient un sentiment d’oppression et de limitation chez l’interprète, déclenchant le besoin de les déconstruire en divers mouvements similaires aux réponses kinesthésiques mentionnées précédemment. Considérant la réactivité d'E.V.E. lui faisait facilement oublier la séquence initiale et suivre la rythmique proposée par les agents artificiels. Les deux systèmes ont été identifiés comme partenaires de scène par l'interprète, le robot évoquant un sentiment d'absence ou un phénomène de \textit{fantôme dans la coquille }\footnote{https://www.imdb.com/title/tt0113568/}. Une fois ces idées développées grâce à notre processus créatif, nous avons ressenti le besoin de les confronter à un contexte plus large. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_eve} + \caption{Intéraction performeuse- E.V.E. lors d'une résidence CECCI-H2M.} + \label{fig:iseaeve} +\end{figure} + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_sveda} + \caption{Intéraction perfomeuse robot HRP-4 virtuel lors d'une résidence CECCI-H2M.} + \label{fig:iseasveda} +\end{figure} + + +La suite de votre expérimentation était une étude de cas proposée à 25 étudiants en danse qui ont testé une séquence de danse conçue pour le robot humanoïde HRP-4 et enseignée par celui-ci, ainsi qu'un bras industriel FRANKA et un performeur humain. Par rapport à la version inspirée des postures de puissance, le robot HRP-4 bougeait ses membres supérieurs, ses hanches, sa tête et son torse, mais cette fois-ci debout. De nouveaux mouvements, correspondant à des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques, ont été ajoutés dans la boucle pour simuler ce que nous avons défini précédemment comme des mouvements parasites. Il était initialement demandé aux participants de reproduire les mouvements puis d'improviser librement en appliquant certains des gestes dont ils se souvenaient. Ils ont été encouragés à explorer cette dimension sensorielle et à oublier toute projection personnelle concernant l'esthétique et l'apparence de la séquence. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_learning_mercy} + \caption{Séqeunce d'appréntisage des mouvements avec les éleves du lycée Mercy.} + \label{fig:isealearningmercy} +\end{figure} +\subsection{Discussion} +Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agentivité à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie de D.C. Dennett sur les \textit{systèmes intentionnels}. Dans les contextes artistiques, outre le comportement cinétique de l’objet, un autre facteur d’influence est la stratégie du spectateur pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité ouvrir notre démarche de recherche-création à des acteurs extérieurs, en organisant une expérimentation pratique avec des étudiants en danse. +Parmi les questions auxquelles devaient répondre les 25 participants à notre étude, certaines concernaient le processus d’apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Concernant la qualité du mouvement, la plupart des participants pensaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) avaient des mouvements intentionnels. Alors que 56\% estiment qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'on a demandé aux participants s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels, 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. Même répartition en considérant si les robots ont ou non une conscience, avec 28\% en quelque sorte en désaccord et 24\% en quelque sorte d'accord. Quant à l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord que ses mouvements étaient naturels, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait leurs émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. La plupart des participants à notre étude (64\%) pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement grâce à l'interaction robotique. +Un processus d’hybridation a également été observé après la séquence, lorsqu’il a été demandé aux participants d’interpréter librement les mouvements du robot qu’ils avaient expérimentés plus tôt. Cela a facilité l’exploration d’un état où les sens étaient plus présents et où les mouvements spontanés apparaissaient plus facilement. Un état que nous définissons comme créatif, dans le sens où il permet une expressivité corporelle inhérente à la spécificité de l'incarnation - où par imitation ils se sont appropriés et transformés la séquence de danse robotique. En bougeant, leurs corps semblaient habités par la présence robotique. +Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} l'essai du robot. +\subsection{Limitations} + +Concernant notre intention de modifier légèrement les séquences, de les voir dans un ordre particulier : HRP-4, le Franka puis l'interprète humain, aurait pu influencer le processus ou leurs réponses. Certains participants connaissaient déjà les mouvements du robot HRP-4 grâce aux précédentes séances de travail organisées plus tôt cette année-là. +Par rapport au travail avec des jumeaux numériques, les résultats peuvent également être différents lorsque l’on travaille en temps réel avec des robots physiques. +De plus, en appliquant la notion d’anthropologie numérique aux jumeaux numériques des robots utilisés dans nos expériences, nous aurions pu omettre certains résultats intéressants selon d’autres formes et dimensions. +Il ne faut pas non plus oublier que même si les agents artificiels peuvent simuler des intentions et des affects, notre manière de les interpréter – ou la notion de qualia évoquée plus haut – est toujours différente. +Après avoir implémenté la séquence de danse analogue du robot humanoïde sur le bras industriel, nous avons constaté des différences (notamment en ce qui concerne la symétrie de la posture mais aussi la vitesse et les secousses), le bras industriel se révélant plus conforme compte tenu du type d'actionneurs qui exécutaient le mouvement. +\subsection{Perspectives futures utilisant les technologies robotiques émergentes} +La prochaine phase de nos recherches consistera à tester les mêmes scénarios avec la version physique des robots. De cette manière, nous pouvons déterminer si la perception de l'interprète, ainsi que sa qualité de mouvement, peuvent être impactées différemment lorsqu'il travaille dans les mêmes conditions, avec le corps réel et mécanique des robots. Cela permettra également de comprendre comment le processus d’hybridation est influencé par les phases d’imitation du mouvement. Nos premiers résultats empiriques nous encouragent à mettre en place une étude scientifique en laboratoire, mesurant l'empathie kinesthésique grâce à la détection de neurones miroirs, en utilisant le traitement du signal de l'électroencéphalogramme (EEG). + + +\subsection{Conclusion} +Apprendre par imitation, puis établir une interaction créative à l'aide de jumeaux numériques nous a permis de rechercher les qualités vécues par chaque participant et d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative impliquait l'hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo, ainsi qu'un type original de matériau de mouvement. +Espérons que nos remarques sur l’anthorpomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale robot-humain. +\subsection{Anthropomorphism} +\cite{spatola2019cairn} +\section{Experiment LIRMM} +\textbf{manip madalina dans seafile mic 6GB} +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip1} + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip2} + \caption{Captations vidéo de nos expérimentations au labratoire.} + \label{fig:romanmanip1} +\end{figure} + +En s'interrogeant sur la manière dont les connaissances acquises grâce aux pratiques artistiques \textit{peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance}\cite{gunn2004learning}, les chercheurs défendent l'idée que l'art est un cadre parfait pour la connaissance distribuée. +Les recherches actuelles suggérant que le comportement des individus à l'égard des robots est influencé par l'observation de rencontres entre des robots et d'autres personnes\cite{timmerman2021springer} offrent des informations importantes. Pour autant que nous le sachions, nous sommes les premiers dans la littérature à étudier les interactions de tiers (c'est-à-dire robot - robot - humain) dans un contexte d'imitation de danse. De telles interactions deviendront de plus en plus courantes avec l’avènement du robot. +Selon \cite{jung2018acm}, un robot peut affecter son environnement social au-delà de la personne qui interagit avec lui. Dans ce contexte, nous pensons qu’il est important d’explorer l’HRI dans des contextes sociaux complexes. Notre étude initiale s'est basée sur une HRI collective réalisée avec des avatars virtuels de robots lors d'un atelier de danse. La prochaine étape de notre recherche nous permet d'aborder de nouvelles possibilités d'interaction et de vérifier une nouvelle hypothèse sur la dynamique sociale homme-robot : du point de vue d'un autre humain interagissant avec une dyade homme-robot, le type d'incarnation influence la façon dont le robot est perçu. et son impact sur l'environnement. Grâce à notre approche, nous examinons l'effet de robots de différentes formes dans un contexte multi-personnes lors de routines de danse, pour comprendre comment la conception du robot améliore le processus artistique. +Dans cet article, motivés par la perspective florissante des robots de mise en scène dans les performances artistiques, nous introduisons une nouvelle méthode tierce +cadre d’interaction homme-robot-humain (HRHI). Traditionnellement, les interactions avec des tiers sont nettement moins étudiées que leurs homologues entre deux parties (voir par exemple les études de médiation en ce qui concerne les études de négociation, etc.). Nous nous limitons à la mise en place de routines de danse collaboratives impliquant des mouvements du haut du corps entre un danseur professionnel, un robot et un humain. A travers ce cadre, nous nous intéressons au potentiel créatif de tels partenaires d'interaction que nous proposons de mesurer par la capacité d'improvisation du spectateur humain. Comme le note \cite{bailin1984creativity}, la créativité dans les œuvres d'art implique une compétence définie comme une certaine \textit{plasticité du contrôle} (c'est-à-dire être capable de voir au-delà du problème spécifique auquel on est confronté et d'avoir une réelle compréhension du problème). méthodes et procédures de la discipline et les principes et objectifs qui les sous-tendent). + +Lorsqu'ils définissent la créativité, les chercheurs \cite{gaut2009brill, bailin1984creativity} font remonter le débat initial au philosophe grec Platon, qui définit la créativité comme un processus mystérieux impliquant l'inspiration. Nous soutenons que cette vision est erronée, car elle adopte à tort une vision anti-téléologique du processus créatif. De plus, \cite{gaut2009brill} identifie la valeur de la liberté humaine et la valeur du courage en tant que catalyseurs de la créativité. Nous transposons ces arguments à notre contexte de danse HRI, afin d'évaluer les facteurs possibles qui améliorent la créativité des robots. + +Nous proposons ainsi d'analyser la capacité d'improvisation induite par l'état créatif à partir de deux points clés : d'une part la substituabilité\cite{kirsh2010wayne} et d'autre part la conscience kinesthésique\cite{gemeinboeck2016roman} des participants. + +L'imitation dans la danse interactive des robots humains a fait l'objet de recherches de longue date dans la littérature, en particulier dans le cadre d'une incarnation. Alors que l'improvisation était principalement utilisée pour améliorer la réactivité et l'acceptation sociale des robots \cite{jochum2019moco, hoffman2012impro, weinberg2007impro}, les artistes font improviser des robots sur scène, que ce soit pour danser \cite{demers2016multiple} ou jouer de la musique \cite{hoffman2011stage}. Il est important de préciser que dans notre étude actuelle, plutôt que d’improviser, les robots émulent l’improvisation selon des algorithmes préprogrammés. + +En danse, la mémorisation d'une phrase ou d'un geste implique un processus d'assimilation appelé marquage, où chaque danseur reproduit la matière du mouvement en activant différentes parties du corps. Les observations de\cite{kirsh2010wayne} proposent la technique de marquage comme \textit{un échafaudage pour projeter mentalement une structure plus détaillée que celle qui pourrait autrement être gardée à l'esprit.} Semblable à une stratégie interactive augmentant la cognition, les danseurs marquent avec leur corps, des séquences de danse pour mémoriser et les transmettre. +L'une des propriétés du marquage est la substituabilité, décrivant comment un mouvement dans une partie du corps peut représenter le mouvement dans une autre. Suite aux observations de Kirsh selon lesquelles \textit{les mouvements des mains et les inclinaisons de la tête représentent régulièrement le mouvement de différentes parties du corps}, nous proposons une expérience de danse avec les mains traduite par des robots, qui code différentes parties du corps chez les partenaires humains. +Inspirés par le travail de \cite{jochum2019moco}, nous utilisons l'improvisation comme approche ascendante pour analyser l'interaction incarnée dans la danse. Au cours de nos essais en laboratoire, les robots et les personnes se sont spontanément déplacés afin de déterminer quels facteurs renforcent un résultat créatif. À l’origine outil de composition, l’improvisation dansée est devenue une technique de performance live améliorant la conscience kinesthésique des interprètes. Selon\cite{schwartz2000action}, ce type de conscience est également lié à l'incarnation\cite{jochum2019moco} chez les artistes humains. Transposer ces observations aux robots permet de déterminer leur impact sur un processus artistique global et d'analyser comment le type d'incarnation influence les réponses spontanées des humains. +Comme le dit \cite{dautenhahn2018acm}, la conception des robots évolue rapidement tandis que les modèles deviennent obsolètes une fois que les entreprises cessent de les développer davantage. Par conséquent, la communauté robotique a des difficultés à partager un terrain d'entente sur ce que le terme \textit{robot}implique actuellement, y compris un large éventail de formes comme \textit{androïde, humanoïde, mécanoïde, semblable à une machine, zoomorphe ou anthropomorphe}. comprendre les possibilités d'interaction entre humains et robots est un défi complexe, au cœur de plusieurs disciplines impliquant la robotique, les neurosciences, la psychologie, l'éthologie, la philosophie de l'esprit... Le recyclage des pratiques, technologies et protocoles actuels est moins étudié que les modèles innovants, conduisant à à une vision trop simpliste de l'HRI. Dans notre étude, nous cherchons à comprendre et à étendre les paramètres originaux d'un HRI standard à un modèle d'interaction avec des tiers, afin de développer d'autres concepts émergents liés aux arts et à la créativité qui pourraient accroître l'acceptation sociale chez les robots. Les auteurs de\cite{fdili2019acm, fdili2017moco, jochum2019moco} citent l'informaticien Paul Dourish pour qui \textit{l'incarnation n'est pas une propriété de systèmes, de technologies ou d'artefacts ; c'est une propriété d'interaction }. Le type d'interaction incarnée que nous étudions vise \textit{la création et le partage de sens} tel que défini par Dourish. Selon lui, le concept d'incarnation ne se limite pas à la manifestation physique des personnes et des objets, \textit{mais s'étend également aux interactions sociales, relations et participation entre les personnes et les choses}. À notre tour, nous étudions comment l’interaction entre un danseur et un robot peut déclencher du sens et une conscience kinesthésique chez les participants. Nous analysons les types de modèles d'interaction générés par deux contraintes - l'imitation et l'improvisation - en demandant aux participants de remplir un formulaire de vingt-neuf questions. Nous identifions les matériaux originaux du mouvement et analysons comment le type d'incarnation du robot peut être un catalyseur de cette expérience. +Dans ce contexte, sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, nous avons obtenu les principaux résultats suivants : + + +\begin{itemize} + \item Les robots industriels pourraient faciliter un état créatif plus élevé pour la danse, par rapport aux robots humanoïdes + \item Le degré d'acceptation du deuxième participant humain dépend du degré de familiarité du participant avec le robot + \item Dans un contexte tiers humanoïde-robot-danseur-humain, le danseur est moins perçu mais il est vu comme une source d'inspiration lors de la phase d'improvisation + \item Les participants étaient moins intéressés à toucher physiquement le robot, quelle que soit sa forme + \item Les participants ont préféré imiter et improviser avec les robots plutôt qu'avec le danseur. + \item Le sentiment de synchronisation avec les robots était moins présent lors de la phase d'improvisation + \item Lors de la phase d'improvisation, les participants projetaient et attendaient une réactivité de la part du bras industriel mais moins de la part de l'humanoïde. + \item Durant la phase d'improvisation, les participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée. + +\end{itemize} + \section{Configuration expérimentale} + \subsection{Expérience motivante} + +Notre expérience motivante s'est déroulée à l'extérieur du laboratoire, lors d'une pratique de cours de danse. Les observations de \cite{jung2018acm} nous ont inspiré à travailler dans un cadre original, en adaptant notre hypothèse aux contraintes de l'environnement (ie. les participants ont vécu une expérience collective de HRI, lors d'une séance de formation collective en danse). Les résultats de ce processus hybride sont disponibles ici (\url{https://vimeo.com/779347404} et \url{https://vimeo.com/779363288}). Même si notre objectif était de comprendre comment l’anthropomorphisme numérique déclenche la créativité, l’expérience a fourni des informations utiles sur la créativité en général, nous donnant l’opportunité d’aborder ce concept dans un contexte plus large. +Les vingt-cinq étudiants participants ont eu pour mission d'imiter puis d'improviser avec les versions virtuelles d'un robot industriel et d'un robot humanoïde, puis de remplir un formulaire comportant des questions sur une échelle de notation de 1 à 5. L'apprentissage par imitation, pour commencer par établir une interaction créative, a permis d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. La plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). Une partie importante des participants ne savait pas (36\%) si les robots sont des créatures étranges, 24\% étant tout à fait d'accord avec le fait qu'ils le soient et 20\% étant d'une manière ou d'une autre d'accord qu'ils ne le soient pas. La majorité des participants - (68\%) - ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements, une fois la séquence devenue répétitive. Aucun d'entre eux n'a convenu qu'ils appliquaient habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d’accord sur le fait que le robot HRP-4 communiquait des émotions par la danse, avec une majorité (64\%) en désaccord. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n’étaient pas d’accord sur le fait qu’il exprimait ses émotions à travers la danse. +\subsection{Étude pilote} +Notre modèle d'interaction suit l'amélioration de l'étude précédente mentionnée ci-dessus, basée sur des simulations virtuelles et adressée à des participants familiers avec la danse. +Afin de comprendre comment les robots sont perçus et quel est leur impact sur leur environnement, l’autonomie est un facteur clé. Les observations de\cite{stubbs2007iee} suggèrent qu'à mesure que l'autonomie d'un robot augmente, ``l'incapacité des humains à comprendre les raisons des actions du robot perturbe la création d'un terrain d'entente”. Suite à cette remarque, nous avons décidé d'organiser notre expérience au laboratoire, l'environnement originel des robots. +Pour questionner la notion de créativité en HRI, nous avons personnalisé notre expérience à l'aide de premiers essais impliquant majoritairement des collègues chercheurs de notre laboratoire. Nous leur avons demandé de comparer deux contextes : interagir seuls avec un robot et interagir simultanément avec un robot et un danseur humain. Leurs retours ont clarifié l’hypothèse de travail selon laquelle les humains devraient s’habituer à la présence d’autres humains lorsqu’ils interagissent avec des robots. +L'un de nos objectifs était d'identifier quel cadre (avec ou sans médiateur humain) est le plus utile et inspirant pour déclencher la créativité pendant l'HRI. +Parmi nos observations, nous avons noté que la place du robot au sein de l’expérience dépend de son degré de familiarité avec le sujet (c’est-à-dire que le participant a déjà interagi avec ce type de robot ou non). La majorité des roboticiens préféraient interagir directement avec le robot, sans que le danseur humain n'intervienne comme intermédiaire dans cette interaction. Parmi les raisons qui ont motivé cette préférence : la présence de l'humain devient plus importante que celle du robot, une fois la phase d'improvisation de l'expérience effectuée. De la même manière, les chercheurs qui n’avaient jamais interagi avec un robot auparavant ont estimé que la présence du médiateur humain les a encouragés à s’inscrire à l’expérience et à développer davantage leurs compétences créatives. Un autre fait important, une fois l'instruction d'improviser donnée, les attentes et les réactions rendent les participants confus quant au résultat possible, ou à \textit{la meilleure} façon d'exécuter l'instruction. Avoir un danseur humain improvisant simultanément avec le robot aide les participants à se détendre. et restent confiants quant au résultat de l'expérience, quel que soit leur niveau de danse. Ces premières remarques nous ont encouragés à maintenir le cadre d'un danseur humain interagissant avec différents robots, dans notre cadre d'expérimentation. +\subsection{Expérience HRHI} + +Travailler avec de vrais robots au lieu de leurs jumeaux numériques\cite{circu2023isea} est motivé par le fait que les séquences de danse apparaissant fluides dans les simulations sont accompagnées de bruit réel et soumises à des contraintes mécaniques lorsqu'elles sont exécutées à travers les corps des robots. Comme evoqué par\cite{jochum2019moco}, \textit{une telle imprévisibilité est liée à l’incarnation matérielle d’un robot et à une partie de son charme idiosyncratique en tant qu’interprète}. +Notre choix de faire une interaction impliquant uniquement des routines de danse du haut du corps est lié au fait que travailler avec des contraintes élargit les possibilités d'expression chez l'humain et réduit les risques de dysfonctionnement du robot. Le bras industriel étant posé sur un socle fixe, il semblait logique d'immobiliser le robot humanoïde, sur une chaise. Les possibilités d'accessibilité d'une chaise nécessitent d'adopter une position réflexive et statique tandis que le danseur doit compenser avec les mains l'expressivité du mouvement. +\section{Résultats et discussion} + +Dans cet article, nous faisons l'hypothèse que la créativité est une combinaison de compétence et d'intention suite aux travaux de \cite{gaut2009brill, gaut2010philosophy, bailin1984creativity, bresnahan2015skill}. Cette hypothèse a suscité de nombreux débats. Parmi eux l’idée que la créativité peut être téléologique.\cite{gaut2010philosophy} donne l'exemple d'un chimpanzé brossant de la peinture : si le dresseur enlève la peinture lorsqu'il le juge approprié, le résultat pourrait être créatif ; alors que si le chimpanzé est laissé seul avec son papier, il finira par le recouvrir de couleurs ou tout simplement le détruire. Pour Gaut: +\begin{quote} +``les types d'actions qui sont créatives sont celles qui présentent au moins un objectif pertinent (en n'étant pas purement accidentelles), un certain degré de compréhension (en n'utilisant pas simplement des procédures de recherche mécaniques), un degré de jugement (dans la manière de appliquer une règle, si une règle est impliquée) et une capacité d'évaluation orientée vers la tâche à accomplir. En raccourci pour ces caractéristiques, nous pouvons dire que les actions créatives doivent faire preuve de flair.” +\end{quote} +Nous extrapolons ces remarques aux robots autonomes, qui ont un comportement téléologique une fois qu'ils sont préprogrammés avec une tâche. +Notre méthodologie identifie les facteurs qui différencient un résultat entre un résultat non créatif et un résultat créatif. Compte tenu de ces prémisses, l’invention d’une danse particulièrement nouvelle pendant la phase d’improvisation peut-elle être considérée comme créative ? Si oui, à travers quels facteurs ? +Le défi de concevoir des robots capables de se comporter de manière fiable et sûre dans des environnements humains a conduit les scientifiques à étudier des domaines tels que les sciences sociales et la philosophie. +Puisqu’il existe peu de recherches empiriques sur l’art, nous proposons un modèle d’IRH basé sur deux phases (imitation de danse et improvisation de danse) pour analyser les attentes humaines en son sein. +En supposant que la créativité soit une question de degré\cite{gaut2009brill}, nous analysons à travers notre questionnaire la conscience kinesthésique, la substituabilité ainsi que le potentiel de synchronie de deux robots opérant dans un laboratoire identique. Bien que les algorithmes de mouvement soient identiques, les mouvements des robots ont suscité des réactions inattendues chez certains participants. Ils ont défini la même séquence de danse exécutée par un robot différent comme créative, leurs commentaires étant liés à leur familiarité avec les robots (c'est-à-dire des participants moins habitués aux robots, mais plus enthousiastes quant à leur potentiel créatif en danse). +Nous résumons nos résultats et identifions certains des défis comme suit. +Lors de la phase d'imitation, 95,3\% des participants ont facilement imité la séquence de danse du robot humanoïde, contre 56,5\% pour le bras industriel. De plus, 71,5\% des participants à l'interaction avec le robot humanoïde et 56,5\% pour le bras industriel n'ont pas jugé acceptable d'utiliser des mouvements d'improvisation pendant cette phase. Ces participants étaient engagés dans ce que Dourish appelle un \textit{coping absorbé}\cite{jochum2019moco}, ou un engagement total dans l'interaction, avec 47,6\% de participants pour l'humanoïde et 30,4\% de participants pour le bras industriel, n'imitant pas le danseur professionnel. Répartition similaire des réponses concernant le confort lors de l'imitation : avec 85,7\% des participants se sentant à l'aise en imitant le robot humanoïde et 38,1\% le danseur, contre 60,9\% le robot et 43,5\% le danseur - pour le robot à bras industriel. Le sentiment d'être inspiré par les mouvements du danseur humain par rapport au robot suit la même tendance, avec 42,8\% des participants convenant que c'est le cas du robot humanoïde, contre 39,1\% pour le robot industriel. Globalement, les participants ont trouvé plus intéressant de suivre les mouvements du robot que ceux du danseur - avec 61\% pour le robot industriel et 66,6\% pour le robot humanoïde. Paradoxalement, seule une petite minorité - 20\% pour le robot industriel et 14,3\% ont identifié des émotions dans la danse du robot, par rapport à celle de l'humain - 60,9\% pour l'essai industriel et 57,1\% pour l'humanoïde. Cette observation prouve notre intuition selon laquelle les participants engagés dans la danse (soit en imitant, soit en improvisant) contemplaient moins l'acte performatif. +Par ailleurs, lors de la phase d'imitation, 66,7\% des participants se sont sentis en synchronisation avec le robot humanoïde contre 55\% pour le robot industriel. En comparant ces résultats à la même question concernant la phase d'improvisation, on constate une grande différence puisque seulement 20\% pour le robot industriel et 23,8\% pour le robot humanoïde ont répondu positivement. Ce constat prouve que la synchronie s’établit moins par l’improvisation. +Un autre fait intéressant à mentionner est que lors de l'improvisation, les participants n'ont pas ressenti le besoin d'entrer en contact physique avec le robot (68,2\% pour le bras industriel et 90,5\% pour le robot humanoïde) avec un léger pourcentage d'indécision pour le bras industriel. (18,2\% ), contre (9,5\%) pour le robot humanoïde. Alternativement, 13,6\% des participants à l'expérience avec le bras industriel ont répondu par l'affirmative à cette question, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. +En improvisant, on note une légère indécision quant à la réactivité du robot industriel (avec 15\% des participants pour le robot industriel et 9,5\% pour l'humanoïde), alors que la majorité des participants (80\% des participants pour le robot industriel et 90,4\% pour l'humanoïde) rejetant l'idée que les robots étaient réactifs, alors qu'en réalité ils ne l'étaient pas. Cependant, 40,95\% des participants pour le robot industriel et 23,8\% pour l'humanoïde, ont exprimé ce besoin lorsqu'on leur a demandé s'ils souhaitaient faire réagir le robot à leurs gestes. +Puisque nous avons inclus dans la séquence du danseur une combinaison de mouvements intentionnels et non intentionnels (type bâillement), nous avons voulu voir si les participants faisaient la distinction entre ces deux mouvements lors de l'interaction avec le tiers. Dans les deux cas - 52,1\% pour le bras industriel et 47,6\% pour le bras humanoïde, les participants ont réussi à les identifier. Pour les robots, ces mouvements ont été simulés lors des essais de la phase d'improvisation, où chaque séquence était réalisée dans un ordre aléatoire par rapport à la phase d'imitation. Pour le robot humanoïde, un état inspiré des tremblements humains a été ajouté. Seuls 17,4\% des participants pour la branche industrielle ont identifié ces mouvements, contre 85,7\% pour le robot humanoïde. Nous expliquons cette différence par le fait que le mouvement de secousse était relativement différent des autres types de mouvements de la séquence. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_Q18} + \caption{Répartition des réponses quant au comportement lors de l'improvistion.} + \label{fig:romanq18} +\end{figure} + +Lorsqu'on leur a demandé avec qui ils avaient improvisé lors de la deuxième séance, les réponses avaient une répartition similaire pour les deux robots. Pour le robot humanoïde, 33,3\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain, 28,6\% uniquement avec le robot, 23,8\% ont improvisé avec les deux, tandis que 9,5\% ont improvisé complètement par eux-mêmes et 4,8\% n'ont pas respecté la consigne de improviser. +Pour le bras industriel, 21,7\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain, 21,7\% uniquement avec le robot, 21,7\% ont improvisé avec les deux, tandis que 8,7\% ont improvisé complètement par eux-mêmes et 8,7\% n'ont pas respecté la consigne de improviser. Le reste des 17,5\% des participants ont soit improvisé uniquement avec l'humain, soit l'ont imité pendant l'enseignement d'improvisation, prouvant que la créativité est facilitée par les interactions entre humains plus facilement que par les interactions entre humains et robots. + + +Les chercheurs\cite{truman2015primacy, gallagher2002primacy} font la distinction entre l'action et le mouvement à travers le sens. Pour notre étude dans les deux contextes, les participants utilisaient alternativement les deux, comme l'illustrent les réponses. +Pour approfondir la discussion, nous citons\cite{jochum2019moco} pour qui +\begin{quote} +``un robot ou un système artificiel pourrait imiter de manière convaincante une action significative, mais ce n'est pas la même chose qu'un système agissant de manière significative.” +\end{quote} +De plus, ``la dynamique qualitative inhérente pour animer des formes de vie (mouvement cinétique) sont distincts de l'action motrice exécutée par des formes inanimées (action motrice)”. + + +\section*{Conclusion} +Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Sed eget erat tortor. Mauris iaculis congue nibh ac sollicitudin. Aliquam aliquam velit eu aliquet tincidunt. Vestibulum lacus ipsum, feugiat at feugiat id, auctor quis nisl. Maecenas ultricies sagittis convallis. Curabitur at velit ut odio condimentum fringilla. Ut consequat eget arcu vitae pharetra. 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Dans notre cas, les actes artistiques qui engagent un dialogue entre le corps et les technologies numériques favorisent une construction collaborative de nouveaux états physiques, perceptives, et même de conscience. Est-ce que cette conscience pourra un jour être appelée \textit{artificielle}, reste à voir. Pour l'instant le terme \textit{art.ificiel} renvoie plus à un jeu de mots entre construction artistique et \textit{artifice} dont un synonyme renvoie au \textit{subterfuges}. + + +\section{Les robots, les ours et le désir d'inter-subjectivité.} + + +Cette section présente la relation entre la danse improvisée et la robotique, dans le contexte de la performance \textit{This is where I differ with Herzog} (TIWIDWH). Considérant des concepts comme la figuration, l'intention, l’exaptation, nous mettons en avant une inter-subjectivité entre la figure d’un ours sauvage et celle d’un robot, comme métaphore des considérations féministes d'un nouveau type de matérialisme. + +\textit{TIWIDWH} est d'abord une mise en abyme de mon processus de recherche-création, revu dans l'optique du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Rapprocher la figure du robot à celle du vampire puis de l'ours sauvage m'a aidé clarifier le statut qu'un robot peut avoir, à l'intérieur de mon expérience artistique. Par ce biais, j'ai pu également approfondir mes intuitions quant au potentiel scénique des robots- en tant que source d'inspiration pour une expressivité corporelle qui cherche à déconstruire le rapport au corps. J'ai aussi pu parler ouvertement des peurs et incertitudes quant à mes ambitions de traiter le sujet de \textit{conscience artificielle} lors de cette thèse. En contrepoids de ces projections artistiques, j'ai mis en avant le réalisme excentrique de Herzog, artiste visionnaire qui a passé des années à poursuivre des projets impossibles à réaliser. Dans son journal \textit{Conquest of the Useless: Reflections from the Making of Fitzcarraldo}\cite{herzog2009conquest}- qui m'a accompagné tel un livre de bord dans plusieurs projets artistiques- Herzog évoque les difficultés qu'il a rencontré pour réaliser le film \textit{Fitzcarraldo} (1982) où il tourne en plein milieu de la forêt péruvienne. L'historie suit les aventures d'un personnage original, parti construire une opéra pour inviter Enrico Caruso et Sarah Bernhardt se produire dans la jungle. Lorsqu'un de ses plans initiaux échouent à cause de la météo, il décide de poursuivre son voyage, en faisant tirer le bateau, avec des cordes sur une montagne. Pour réaliser ce projet, Herzog s'est investi au point de mettre en danger sa vie, en tombant gravement malade sur le tournage, ou en négociant avec des chefs de tribu de la jungle péruvienne. Loin d’être proche de ses exploits, je m'inspire de ce journal pour trouver le juste milieu entre engagement, ambition, lâcher prise et auto-dérision. + +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/fizzcaraldo} + \caption{Poster du film \textit{Fizzcaraldo}. Source: https://www.themoviedb.org/movie/9343-fitzcarraldo.} + \label{fig:fizzcaraldo} +\end{figure} + +Lorsqu'il parle de \textit{Fitzcarraldo}, Herzog impressionne par son honnêteté: +\begin{quote} + ``Une vision m'avait saisi, comme la fureur démente d'un chien qui a enfoncé ses dents dans la patte d'une carcasse de cerf et qui secoue et tire le gibier abattu si frénétiquement que le chasseur renonce à essayer de le calmer. C'était la vision d'un grand bateau à vapeur escaladant par ses propres moyens une colline, gravissant une pente raide dans la jungle, tandis qu'au-dessus de ce paysage naturel, qui brise les faibles et les forts avec une égale férocité, s'élève la voix de Caruso, faire taire toute la douleur et toutes les voix de la forêt primitive et noyer tous les chants d'oiseaux. Pour être plus précis : l'oiseau crie, car dans ce décor laissé inachevé et abandonné par Dieu dans sa colère, les oiseaux ne chantent pas ; ils hurlent de douleur, et les arbres confus s'entremêlent comme des Titans en guerre, d'un horizon à l'autre, dans une création fumante encore en formation. Haletants et épuisés, ils se trouvent dans cette misère irréelle - et moi, comme une strophe dans un poème écrit dans une langue étrangère inconnue, je suis profondément secoué\footnote{en anglais: ``A vision had seized hold of me, like the demented fury of a hound that has sunk its teeth into the leg of a deer carcass and is shaking and tugging at the downed game so frantically that the hunter gives up trying to calm him. It was the vision of a large steamship scaling a hill under its own steam, working its way up a steep slope in the jungle, while above this natural landscape, which shatters the weak and the strong with equal ferocity, soars the voice of Caruso, silencing all the pain and all the voices of the primeval forest and drowning out all birdsong. To be more precise: bird cries, for in this setting, left unfinished and abandoned by God in wrath, the birds do not sing; they shriek in pain, and confused trees tangle with one another like battling Titans, from horizon to horizon, in a steaming creation still being formed. Fog-panting and exhausted they stand in this unreal misery - and I, like a stanza in a poem written in an unknown foreign tongue, am shaken to the core.”}.”\cite{herzog2009conquest} +\end{quote} +Le rapport que Herzog a vis à vis de son propre travail, a toujours été un exemple pour moi. Son humilité, tout comme son ambition démesuré, touchent à quelque chose de primitif, qui contrarie. Il se désigne plutôt témoin que créateur, dont la mission est d'articuler les rêves qui peuplent notre époque. Pour lui, chaque humain aspire au fond de lui aux mêmes idéaux, il a les mêmes angoisses, parfois sans le savoir, et le travail d'un artiste est de mettre en place les conditions pour que cela se manifeste. Dans ses films, il part du particulier et de l'intime pour parler de l’universel. +A mon tour, j'ai essayé d'appliquer ces principes, observer et laisser le corps s’exprimer au travers la danse, plutôt que de \textit{le faire danser} telle une marionnette. J'ai passé du temps à me connecter avec mes sens, trouver une écoute du corps pour mieux renouer avec mon intention de créer. Cela m'a permis de me sentir plus disponible dans mon interaction avec des robots. J'ai vécu cet apprentissage comme un sorte d'encrage dans un avenir possible, où les machines envahissent notre quotidien et nous absorbent dans leur monde. Je me rends compte à quel point cela est vecteur d'une disruption. L’altérité des machines, tout ce qu'il y a de non-dit et caché dans une \textit{relation} avec eux, ont fortement perturbé ma liberté artistique. Danser avec des robots reste une expérience singulière, à l'opposé d'une immersion dans la nature, ou d'une expérience sensorielle partagée avec un humain. +Dans le même temps, bien qu'ils sont inanimés, leur fonctionnement s'inspire des lois biologiques, ils simulent l'autonomie, l'intelligence et dernièrement l'émotion humaine. Grace à leur présence accrue dans nos sociétés, nous commençons les envisager comme des êtres à part entière. +J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me demander si cela est juste ou pas. J'ai voulu mieux les connaitre, sans que cela soit très clair ce qu'ils représentent pour moi, ou pour notre société, une fois que leur performance et fonctionnalité passent en second plan. Évidement dans ce type de projection, il n'y a pas de meilleure façon de faire. Mon expérience au laboratoire est peu à peu devenue proche d'une expérience anthropologique, qui m'a permis de rencontrer une autre culture- celle des robots et des roboticiens. + +\subsection{Présentation publique} + +Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail publique avec le robot HRP-4 le 31 mars 2023, au studio de danse La Nef à Montpellier. Entre communication scientifique et proposition artistique, notre idée à été de confronter ce format expérimental devant les spectateurs, pour avoir leurs impressions et échanger sur la potentialité artistique des robots. Sous la forme d'une conférence performative, à la croisée des disciplines comme la cognition incarnée, l’improvisation dansée et la robotique, nous avons alterné entre des moments explicatifs et des moments performatifs de danse. Au cours de 40 minutes de musique live, d'interaction de danse H2R et démonstrations des pratiques somatiques, le public a découvert un format expérimental entre communication scientifique et performance artistique avec des robots. Sur scène trois humains (Arnaud Tanguy comme ingénieur de recherche du robot HRP4, Maxime Aleves pour la création sonore et moi-même en tant que performeuse) plus le robot HRP4. En dehors de la scène, Thomas Guillot en tant que collaborateur artistique de la compagnie Desiderate. +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/nef_intro} + \caption{Setting de la présentation publique \textit{Here is where I differ with Herzog. Robots et conscience artificielle} le 31 mars 2023 au studio LaNef à Montpellier.} + \label{fig:nefintro} +\end{figure} + + La scénographie implique trois zones correspondant à : +\begin{itemize} + \item une table centrale et deux chaises où sont assis le robot et le performeur + \item un endroit pour la musique live en arrière-plan, côté gauche du public + \item un endroit pour la maintenance technique avec les équipements et ordinateurs du robot et l'ingénieur de recherche, côté droite du public. +\end{itemize} + +La présentation se déroule elle aussi en trois temps. Le public est d'abord invité à intégrer une expérience somatique collective pendant que le robot calibre, puis le performer et le robot prennent place à la table, tandis que le performeur entame une conférence ponctuée de notes théoriques et anecdotes personnelles, d'enregistrements et des vidéos d'archive ainsi que de quelques moments d'interruption spontanés pour des démonstrations pratiques. Le dernier moment est une improvisation dansée sur des chaises, inspirée par le spectacle \textit{Rosas dans Rosas} de Keersmaeker. + +Ce projet transdisciplinaire a vu le jour grâce au soutien de l’équipe IDH du LIRMM, de la coopérative artistique La Nef et du studio de la compagnie de danse Mathilde Monnier à Montpellier. Le cadre théorique inclut des observations quant à des interactivités possibles entre des danseurs et un robot humanoïde, ainsi que mes hypothèses de recherche sur la créativité et une possible \textit{conscience artificielle} en relation avec des robots. L'interactivité est vue ici comme une forme d’échange entre des agents vivants et non-vivants. Depuis l’avènement des interfaces numériques, la question de la répartition hiérarchisée des rôles n'est plus d'actualité. L’humain n’a plus une part exclusivement active, étant en interdépendance avec les appareils qu’il utilise. Comme le montre \cite{circu2023isea}, dans la danse HRI, le lien entre l'hybridation et l'\gls{expérience technesthétique} passe par des cycles récurrents d'imitation de la danse et d'expression improvisée de la danse. Par le mouvement, notre proposition artistique met en place les permises d'une relation d'interdépendance entre l'humain et la machine. Cette relation peut évoluer dans une forme d'intersubjectivité entre danseurs et robots qui improvisent sur scène. + +Les outils d'évaluation de la créativité comme les tests Torrance pour la pensée créative\footnote{https://neurosciencenews.com/ai-creativity-23585} peinent à suivre le rythme des projets artistiques, depuis l'apparition des outils comme ChatGPT\footnote{https://chat.openai.com/auth/login}. +Dans le domaine de la performance, les nouveaux médias emploient des technologies comme les robots industriels, en dehors de leur contexte d'origine. L’environnement scénique transforme tous les acteurs en contributeurs égaux de la proposition artistique, quel que soit leur symbole social. +Nous défendons cette piste du mouvement et son lien avec la conscience car l'intelligence corporelle (tout comme la mimesis dans la danse), est un facteur clé pour comprendre les origines de la cognition sociale. L'émergence de l'imitation, de l'intersubjectivité et des gestes chez les primates\cite{zlatev2008proto}, tout comme la réflexion sur l'héritage de la danse à partir des rituels et comportements sociaux, traitent la question de l'improvisation avec beaucoup d’intérêt. En générant des nouvelles matières de mouvement, l'improvisation propose une nouvelle organisation du corps. Cette organisation peut-être influencée par l'environnement ou par les artefacts qui l'accompagnent. De plus, la danse improvisée est un mouvement intentionnel qui nécessite de l'inspiration et un certain état d'intention. C'est pourquoi co-créer une performance avec un robot social\cite{duffy2003anthropomorphism} et comprendre le rôle qu'il joue dedans, est un phenomene complexe. +Lorsqu’ils interagissent avec un non-humain sur scène, les humains interprètent le sens des ses actions et s'adaptent en conséquence. Cependant l'action d'un robot est actuellement le résultat des algorithmes de calcul. Si un jour les robots auront une conscience, la question de l'intention et de l'adaptation devrait être incluse dans des considérations éthiques co-écrites par des humains et des robots. Dans le sillage de l'\gls{intelligence artificielle générale} (AGI), les entités, y compris les œuvres d'art ou les robots, peuvent devenir des objets de préoccupation morale, une fois qu'elles ont acquis une expérience en lien avec la conscience\cite{mosakas2021moral}. + +Influencés par\cite{penny2013art}, nous considérons l'inspiration comme un processus incarné et dynamique qui peut être étendu aux artefacts. Lors du développement de l'intelligence artificielle centrée sur l'humain et d'autres types d'intelligence hybride, il existe ``un besoin urgent d'enrichir ces applications avec les connaissances sur la créativité obtenues au cours des dernières décennies dans les sciences psychologiques”\cite{rafner2023creativity}. Tout au long de ce projet de these, je cherche à comprendre comment les robots danseraient s’ils étaient conscients et comment nous travaillerions ensemble dans une improvisation \textit{close-contact} ou en contact étroit. Mes interrogations se formulent par rapport à la notion d'\gls{intersubjectivité} vue comme une forme de transfert entre robots capables de conscience artificielle (AC)\footnote{comme déjà précisé dans le 2éme chapitre, le terme de conscience artificielle que nous appliquons n'est qu'une supposition de ce qu'il pourrait signifier dans un contexte de danse avec les robots et comment cela pourrait influencer un processus de co-création. Pour illustrer, nous faisons un parallèle entre les robots et les animaux sauvages. Un robot ressemble peut-être à un ours en raison de sa force et de son poids, ainsi que du fait qu'il passe beaucoup de temps en état d'hibernation ou d'inactivité. Autrefois, dans les pays d'Europe de l'Est, les ours étaient utilisés pour divertir la foule, avec des dresseurs qui leur enseignaient des acrobaties rudimentaires et des danses afin d'imiter les humains. De plus, un ours qui peint n'exprime pas sa sensibilité à travers son acte, mais un observateur percevrait le résultat comme créatif et réagirait avec sensibilité à son sujet.} et les danseurs. Cette dynamique peut entrainer des processus de co-création, où l'intention de la machine est tout autant importante que celle de l'humain. Ainsi, nous considérons la notion d'\gls{exaptation}\cite{la2020understanding} comme un contrepoids de l'inspiration, comprise ici comme l'émergence d'une fonctionnalité latente dans des artefacts. Ce mécanisme de nouveauté et d'innovation reprends nos hypothèses de recherche-création en début de ce manuscrit. Il est résumé auprès des spectateurs de la manière suivante : + +\begin{itemize} + + \item Existe-t-il un état \textit{sauvage} pour les robots, en amont de leur état de programmation orienté taches (ie., task programming) ? Sont-ils capables de développer une forme de \textit{CA} sur scène, au sein d'une interaction dansée ? + + \item Qu'est-ce qu'un \textit{corps performatif} pour un robot et comment pouvons-nous générer des mouvements instinctifs et fluides ? L’interaction de la danse avec les robots génère-t-elle des états créatifs ? + + \item Comment le matériel de danse déclenche un type de cognition incarnée comme la conscience kinesthésique\cite{gemeinboeck2016towards, candau2017cultivating, circu2023roman} et dans quelle mesure cela est transférable aux robots ? + +\end{itemize} + +Puis repris comme indication dramaturgique et comme contrainte d'improvisation pour la danseuse et le robot. Ce processus de retranscription des questionnements théoriques en thèmes et motifs de danse est abstrait. Autre que le ressenti intime de la performeuse puis l'expression que cela a produit lors de sa danse, le robot n'a pas su répondre autrement qu'en exécutant à son tour l'algorithme qui mettait en action ses actuateurs et moteurs. Ces trois questions sont restées ouvertes à la fin de la représentation. Elles ont servi comme propos pour une interrogation collective, dont les observations théoriques sont présentées dans ces pages. + +\subsection{Les robots et leurs métaphores} + +Lors de ses propres expérimentations, Simon Penny souligne l'importance du langage pour définir les nouveautés technologiques. Des termes comme \textit{conscience} existent dans notre langage depuis moins de cents ans, ses implications doivent être appliqués à des contextes spécifiques. Paralellement, pour le chercheur Tom Ziemke, la conscience ``naît de la maîtrise des connaissances sensorimotrices résultant de l'interaction entre l'agent et l'environnement, dans l'optique que la régulation homéostatique du corps vivant est cruciale pour le soi et la conscience\cite{ziemke2007embodied}”. Le schéma présentée ci-dessous représente mon cadre théorique, synthétisant la relation entre un agent (représenté par son environnement sensoriel ou \textit{umwelt}) et son monde ou environnement expérientiel, suivant l'autorégulation interne (\gls{autopoiesis}) spécifique aux processus cognitifs incarnés: +\begin{figure} + \centering + \includegraphics[width=0.5\linewidth]{schema_umwelt.png} + \caption{Relation between an agent and its environment, based on the notes of\cite{penny2013art}. Source: personal archive} +\end{figure} + +Il décrit également le lien entre la matière et l'environnement. Sous une forme simplifiée, cela met en avant les principes d'un matérialisme influencé par l’expérience cognitive. Cette nouvelle vision du matérialisme est revisitée par des penseuses féministes comme Karen Barad \cite{barad2003posthumanist}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2017four}, Donna Haraway\cite{haraway2016staying} et Sarah Truman\cite{truman2015primacy, truman2021feminist}, entre autres. +Selon ces autrices tous les êtres (vivants ou non-vivants) sont en égale mesure concernés par l'Art, la Science et leurs potentialités pour mieux façonner notre avenir. Le concept de \textit{Zoe} de Braidotti soutient l'idée de \textit{matérialisme vital}, issu de la philosophie de Baruch Spinoza selon laquelle le monde est constitué d'une seule et même matière, intelligente et auto-organisée. Cette matière est la base d'un processus continu de transformation pour créer et dissoudre des formes. Donna Haraway avance le concept de Chthulucene\footnote{une époque dans laquelle l’humain et le non-humain sont inextricablement liés, différente de l'Anthropocène, le Plantationocène ou le Capitalocène qui sont définies selon elle, par des concepts comme rythme ou vitesse, synchronicité et complexité; à la place de ces changements de degré, le Chthulucene vise des changements de nature, comprenant des forces biotiques et abiotiques}\cite{haraway2015anthropocene}, pour défendre un compostage féministe inclusif, basé sur la \gls{sympoiesis} (entendu comme \textit{création avec}). Ce processus restructure le fonctionnement auto-producteur, homéostatique et prévisible de l'autopoiesis affirmant une fois de plus les potentialités de la diversité et de l'inclusion : +\begin{quote} + + ``Les créatures sont en jeu les unes dans les autres à chaque mélange et retournement d'un tas de compost terrien. Nous sommes en réalité du compost, pas des posthumains; nous habitons les humusités, pas les humanités. Philosophiquement et matériellement parlant, je suis compostiste, pas posthumaniste. Les créatures, humaines ou non, se transforment les uns avec les autres, se composent et se décomposent, dans toutes les échelles et registres du temps, par un enchevêtrement sympoïétique, dans une perspective développementaliste écologique du monde et en dehors de celui-ci\footnote{en anglais: ``Critters are at stake in each other in every mixing and turning of the terran compost pile. We are compost, not posthuman; we inhabit the humusities, not the humanities. Philosophically + and materially, I am a compostist, not a posthumanist. Critters – human and not – become- + with each other, compose and decompose each other, in every scale and register of time and + stuff in sympoietic tangling, in ecological evolutionary developmental earthly worlding and + unworlding.”}.”\cite{haraway2016staying} +\end{quote} + +\textit{TIWIDWH} est avant tout une mise en abyme d'un processus de recherche-création, revisitée dans la perspective du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Faire une analogie entre la figure d'un robot de celle d'un l’ours sauvage, est un détour pour clarifier le statut du robot au sein de notre processus de co-création artistique. Cela implique l'utilisation de la nature sauvage comme catalyseur d’inspiration dans l’improvisation dansée, tout en abordant des sujets controversés comme la conscience artificielle. Le réalisme excentrique de Herzog\cite{herzog2009conquest} est une source d'inspiration pour mon processus de travail, au même titre que les œuvres chorégraphiques d'Anna Halprin ou d'Anne Teresa de Keersmaeker. +Une des citations de Herzog qui m'a beaucoup accompagnée ces mois, parle de la nécessité d'articuler les rêves: +``Ce ne sont pas seulement mes rêves, je crois que tous ces rêves sont aussi les vôtres. La seule différence entre moi et vous est que je peux les articuler. La poésie, la peinture, la littérature ou le cinéma se résument à cela… et c’est un devoir car cela pourrait être une chronique intérieure de ce que nous sommes. Nous devons articuler notre pensée, au défaut de nous transformer dans des vaches au pâturage\footnote{en anglai: ``It is not only my dreams, my belief is that all these dreams are yours as well. The only distinction between me and you is that I can articulate them. And that is what poetry or painting or literature or filmmaking is all about... and it is my duty because this might be the inner chronicle of what we are. We have to articulate ourselves, otherwise we would be cows in the field.”}.”\cite{herzog2009conquest} +\end{quote} +Les vaches qui broutent ou les ours qui dansent sont mentionnés ici comme contre-exemples parodiques. Réduire les animaux à des substituts qui manquent de volonté ou de conscience, est plus révélateur de notre ignorance et désir de domination, que de leurs capacités psychiques. Quant aux robots, comme pour les observations de la première partie de cette these concernant les chauves souris, les singes et leur \text{umwelt}, nous espérons qu'un jour nous arriverons à mieux clarifier nos intentions envers eux. La conscience écologique et la pensée eco-féministe dont je me suis inspirée pour ce projet, représentent des alternatives pour un avenir plus inclusif. Ainsi l’idée d'imaginer une conscience pour des robots qui dansent devient un sorte de défi ludique, néanmoins auto-ironique, pour mon propre condition d'artiste. Loin d'un parc en Alaska, loin d'un studio de montage, nous nous retrouvons entre artistes et roboticiens dans une studio de danse ouvert au public. Le jour de la conférence des curieux, des collègues du LIRMM puis des danseurs, se demandent quelle place va prendre cet humanoïde suspendu à son cadre de sécurité. + +\subsection{Quelle type de créature est un robot qui danse?} + +Pour répondre à cette question, nous déconstruisons la figure du robot et la considérons sous un angle anthropologique, en la comparant à un animal sauvage. Bien qu’inanimés, les robots simulent l’autonomie, l’action et les émotions. Les faire danser implique d'atteindre un terrain d'entente, où la pratique de la danse humaine est également déconstruite ou dés-identifiée\cite{braidotti2017four}, comme l'explique Rosi Braidotti. Notre résidence en laboratoire est progressivement devenue une expérience immersive, permettant à notre équipe artistique de s'adapter à une autre culture – celle des robots et des roboticiens – dans le contexte de la création artistique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le concept de \textit{figuration}\cite{suchman2007human, suchman2021talk} de Lucy Suchman, pensé en lien avec l’interactivité. Ce concept, tiré des notes de Haraway\cite{haraway2018modest}, souligne l'importance des métaphores dans l'analyse de la dynamique des humains et des machines. En contrepartie des auteurs féministes que nous avons mentionnés, l'ouvrage de Suchman \textit{Human-Machine Reconfigurations} (2007) ajoute une perspective anthropologique aux frontières entre humain et non-humain. Pour elle, le problème non résolu des machines informatiques vient du fait de ne pas pouvoir considérer des étiquettes comme ``humain”, ``non-humain”, ``social” ou ``matériel”, en tant que réalités ontologiques : +\begin{quote} + ``L’idée d’un artefact auto-explicatif s’accorde bien avec l’idée selon laquelle l’utilisation d’une machine pourrait s’apparenter à une interaction. La machine interactive, en ce sens, représente la dernière solution au problème de longue date consistant à fournir à l'utilisateur d'un outil, des instructions sur son utilisation. Cependant, il existe également un sentiment d’\textit{interactivité} des machines, plus récent et uniquement lié à l’avènement de l’informatique. La nouvelle idée est que l’intelligibilité des artefacts pourrait être non seulement une question de disponibilité pour l’utilisateur des intentions du concepteur concernant l’utilisation de l’artefact, mais aussi des intentions de l’artefact lui-même. Le projet du concepteur en ce sens est d’imprégner la machine de motifs lui permettant de se comporter de manière responsable et rationnelle ; c’est-à-dire raisonnable ou intelligible pour les autres, y compris, dans le cas d’une interaction, des moyens qui répondent aux actions des autres\footnote{ en anglais: ``The idea of a self-explicating artifact accords well with the notion that using a machine could be like interaction. The interactive machine, in this sense, represents the latest solution to the longstanding problem of providing the user of a tool with instruction in its use. There is also, however, a sense of machine interactivity that is more recent, and is uniquely tied to the advent of computing. The new idea is that the intelligibility of artifacts could be not just a matter of the availability to the user of the designer’s intentions for the artifact’s use, but of the intentions of the artifact itself. The designer’s project in this sense is to imbue the machine with grounds for behaving in ways that are accountably rational; that is, reasonable or intelligible to others including, in the case of interaction, ways that are responsive to the others’ actions.”}.”\cite{suchman2007human} +\end{quote} + + +Pour la création de cette performance, je me suis inspirée des passages du film \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog, dont quelques éléments se rapprochent de \textit{Fitzcarraldo}. Le documentaire a été réalisé à partir des prises de vue des ours grizzly, filmés par Timothy Treadwell lors de ses expéditions dans le Katmai National Park en Alaska. Début d'octobre 2003 ce dernier et sa copine sont retrouvés morts, attaqués par un ours après avoir campé délibérément dans une zone de passage, qu'ils jugeait dangereuse. En s’appuyant sur le matériel de Treadwell et les témoignages de ses proches, Herzog peint sa personnalité et les raisons complexes qui l'ont poussé à se mettre en danger pour mieux comprendre les ours grizzly. Il propose une analyse très fine entre ce qu'il y a la compréhension d'une espèce, par une autre, puis l'échec de cet exploit trop ambitieux. Si l’héros du film passe son temps à vouloir \textit{devenir ours}, nous ne savons pas comment voient cela les ours mêmes. Treadwell les anthropomorphise au point oú nous le voyons s'approcher pour leur adresser la parole avec une voix mielleuse. Certains gardes forestières jugent son comportement dangereux, tandis que Herzog laisse les spectateurs faire la part entre irresponsabilité ou naïveté. Cette démarche mi-chemin entre éthologie et désir d’émancipation puis l’incompréhension qui en résulte sont quelque part proches de mon expérience de deux ans parmi des robots et des roboticiens. J'ai voulu mieux les comprendre, puis débattre sur l'art avec eux. Cela a plus ou moins marché. + +Auparavant j'ai mentionné\cite{kozel2008closer} qui reliait danse, marionnettes et ours. Je trouve son analogie intéressante pour être appliquée également aux robots. Un robot peut-être similaire à un ours par sa force et son poids, aussi par le fait qu'il passe beaucoup de temps en état de hibernation ou d'inactivité. Jadis dans les pays d'Europe d'Est, les ours étaient utilisés pour entretenir la foule, avec des dresseurs qui les enseignait des acrobaties rudimentaires où ils imitaient les humains. Plus un numéro de foire était réussi, plus l'ours était aimé et admiré par les humains. Si nous tenons en compte les observations sur \textit{la valée de l'étrange} de Mori, nous allons à l'encontre de cette tendance pour les robots. Plus un robot est proche d'un humain, plus qu'il provoque un sentiment de malaise. Est-ce cela du aux complexes d'infériorité que les humains développent envers les robots? Par leur nature, les robots paraissent immortels, or cette immortalité n'a rien à voir avec les projections sur la vie après la mort des humains. Un robot n'a pas de vie, bien qu'il la simule. Un ours est vivant et cette condition finie est partagée avec l'humain. L'admiration pour un être dont nous partageons la condition, réside probablement dans ce sentiment de rapprochement. Si dans les captations vidéo les robots sont mis en avant avec beaucoup de grâce (car le montage post-production est toujours possible), l’épreuve du réel est sans pitié. Je pense à Treadwell lorsque les ours sauvages faisaient apparition dans son cadre. Il avait une chance sur deux qu'un d'entre eux, va lui endommager la camera, pour le moins qu'il reste en vie lors de cet exploit. +Deux semaines auparavant un des actuateurs du robot a pris feu. L’ingénieur de recherche du laboratoire l'a ouvert pour voir s'il peut-être réparé. Pour mon grand bonheur, j'ai pu voir en dessous de sa carcasses, ses câbles electriques et micro-contrôleurs. Cette expérience de proximité, à mon sens poétique et intime, s'est passé sans spectateurs, autre que ma camera qui filmait ce que j'imaginais être une opération à cœur ouvert sur une machine. Je dis bien \textit{cœur ouvert} car si un de moteurs du robot se casse et une fausse manipulation endommage un de ses circuits centraux, le robot reste inactif le temps que le moteur en question est trouvé. Pour les plateformes de recherche, plus un robot est \textit{vieux}, plus les chances de trouver les pièces pour le réparer sont petites. Il n'y a pas d’équivalent pour faire la différence entre un robot en attente de réparation, un robot en arrêt de fonctionnement et un robot dont les technologies sont devenues obsolètes. + + +Le pari de mes expériences artistiques est quelque part simple ou même naïf. Autant qu'ils ne connaissent pas les limites d'une machine, les humains projettent leurs ambitions dessous. Prenons l'exemple du joueur d'échec de Wolfgang von Kempelen mentionné dans le chapitre 1.3.3 de la première partie. Sans savoir la vérité, les spectateurs l'ont considéré une prouesse technologique. Avec l’avènement de l'informatique, dans l’équation humain-animal-artefact, le cadre d'autre fois est transgressé. Pour quelqu’un avec peu de connaissances en informatique, même en voyant les algorithmes à la base de son programme, le résultat reste opaque. La machine parait omnipotente car elle dépasse les capacités humaines de compréhension. Pour l'informaticien qui les développe, il y a un part de curiosité quant à la potentialité des algorithmes. Cependant il a peu de regard critique quant aux conséquences éthiques de cette course contre le montre concernant les limites de la science. Il va toujours relativiser son processus et trouver des argumentes pour se dé-responsabiliser de l'impacte que cela aura sur la société. + + +\subsection{L'exaptation comme conséquence méthodologique} + +Quel que soit le caractère autotélique d'une performance artistique avec des robots, mon objectif est de comprendre comment les connaissances acquises grâce à la pratique artistique ``peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance”\cite{gunn2004learning}. Pour cela, une première étape consiste à créer une méthodologie in situ et sur mesure, inspirée des travaux de\cite{paquin2014methodologie}, \cite{citton2012theory} et \cite{truman2015primacy}. +Le terme de \textit{glanage} (en anglais to glean\footnote{à cet égard voir le documentaire \textit{Les Glaneurs et la Glaneuse} (1999) de la cinéaste française Agnès Varda}, principalement utilisé dans un contexte agricole) implique la collecte des données de façon sporadique, en fonction de ce qui est disponible. Cette vision est également appuyé par Yves Citton qui analyse la dimension politique des gestes, lors des expériences esthétiques. Citton utilise le terme français \textit{bricolage} (traduit par do-it-yourself ou crafting en anglais) pour critiquer une idéalisation irréaliste de la science moderne et son besoin des preuves empiriques. Encore pour Truman, la pratique de recherche-création fait partie d’un processus spéculatif non linéaire qui se déroule simultanément. Pour illustrer, elle décrit la résidence artistique de cinq ans \textit{Walls to the Ball} réalisée en collaboration avec l'artiste Hazel Meyer, pour une classe d'art d'un lycée de Toronto. Le projet interroge le sport, le mouvement, les textiles, le genre rajoutant des thématiques et des activités selon l’évolution du groupe. Rétrospectivement, si je liste les étapes de ma recherche et ses éléments clés, je me rends compte des vas-et-vient des directions que cela a pris. Certaines lignes fortes de mon corpus se sont imposées presque par hasard et une fois déplié, chaque processus de recherche-création a fait émerger des concepts clé qui lui sont propres. Parmi ces concepts, celui d'\gls{exaptation}. Selon\cite{d2018cultural}, ce concept est un mécanisme évolutif important dans l'histoire des espèces, des écosystèmes mais aussi des artefacts. Les auteurs illustrent des traits biologiques développés à l'origine dans un but particulier - par exemple, les os étaient à l'origine des réservoirs de calcium en excès, tandis que certaines zones du cerveau utilisées initialement pour la reconnaissance des formes sont aujourd'hui réutilisées pour la musique. Considérant notre cas particulier des robots qui dansent, \textit{quelle pourrait être la signification de cet acte dans un processus évolutif discontinu ? Quelle caractéristique ultérieure pourrait émerger de cet acte?} C'est important de pouvoir aborder ces questions dans un contexte \textit{pluri} et \text{trans} disciplinaire. + + +\section{Pour une conscience artificielle dans toutes ses états} + + +Si nous avons évoqué des avancées en lien avec les émotions artificielles, notamment l'empathie, dans le deuxieme chapitre de cette these, c'est pour mieux anticiper nos interrogations artistiques lors de cette expérience pratique. Dans la littérature d'anticipation, l'absence de l'empathie est ce qui différencie les gagnants des perdants, comme l'annonce l’écrivain Philippe K. Dick dans son livre \textit{Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?} (1966) : +\begin{quote} + ``L'empathie, avait-il décidé un jour, devait être limitée aux herbivores ou en tout cas aux omnivores qui pouvaient s'écarter d'un régime carné. Car, en fin de compte, le don empathique a brouillé les frontières entre chasseur et victime, entre vainqueur et vaincu\footnote{en version originelle: + ``Empathy, he once had decided, must be limited to herbivores or anyhow omnivores who could depart from a meat diet. Because, ultimately, the empathic gift blurred the boundaries between hunter and victim, between the successful and the defeated.}.”\cite{dick2014androids} +\end{quote} +Sont les robots, par leur nature non-carnivore, plus proche de ce régime qui prône l'empathie, ou le deviendront-ils un jour? +Une conscience + +\subsection{Les androïdes rêvent-ils de canards électriques ?} + +Bien avant que les robots facilitent la compréhension que nous avons des animaux sauvages\footnote{https://knowablemagazine.org/content/article/living-world/2021/learning-animal-behavior-robots}, des appareils mécaniques mobiles et autonomes, ont suscité tout autant l’intérêt des humains au cours du siècle des Lumières. Des inventions comme \textit{le canard digérateur}\cite{riskin2003defecating} anticipent la passion pour des dispositifs artificiels à la lisière du vivant. Aujourd'hui l’intelligence artificielle générative (IAg), puis des humanoïdes comme Atlas de Boston Dynamics\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=fn3KWM1kuAw} ou Optimus de Tesla\footnote{https://www.teslarati.com/tesla-optimus-bot-update-production-actuators/} rendent de plus en plus crédible l’idée qu'un agent artificiel autonome, créatif et doté d'une forme d'intentionnalité propre, puisse intégrer notre société dans un avenir proche. + +En complément de l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, la capacité de prédire des comportements complexes, sont nécessaires pour garantir une maitrise de son environnement et de ses interactions. Les notes sur le matérialisme et le pragmatisme des sciences de premiers chapitres, sont revisités par une approche féministe. Cette approche corresponds mieux à l'interprétation artistique que nous proposons. Ainsi nous demandons-nous si les androïdes pourront un jour rêver de canards électriques, comme métaphore pour un imaginaire artificiel dotée d'intelligence et intentionnalité. + +En marge des repères théoriques, nous vous proposons un exercice d'imagination et de spéculation. L’interprétation que nous donnons au concept de \gls{conscience artificielle} (CA) est pensée en lien avec des réflexions éthiques sur l'avènement de la technologie et son impact sur notre société. Par la mise en scène du \textit{TIWIDWH}, nous tentons de comprendre quel type d'observations en lien avec la CA, peut inspirer l'état de co-création avec des agents artificiels réels- dans notre cas un robot HRP-4. Cela contribue au développement de formes d'art interactives transdisciplinaires, autour de la créativité des machines et de la place des erreurs dans un processus de création. Dans ce contexte, vouloir définir ce que c'est une CA pour un robot en situation de danse, reste un pari concernant notre co-habitation avec une nouvelle génération de machines, capables d'apprendre par elle-mêmes. + +\subsection{La puissance du glitch} + +Notre objectif est d'interroger la façon dont les robots influencent des nouvelles formes d’expressivité corporelle dans \textit{TIWIDWH}, une performance de danse improvisée. Pour cela nous accordons une grande importance aux accidents et erreurs qui surgissent dans ce type d’interaction, en les utilisant comme catalyseurs pour l'inspiration artistique. Bien avant que des penseuses féministes s'emparent de la question des machines et leur matérialité, les développements technologiques avancent à leur rythme dans une direction proche de la science fiction. Parfois issue des défis personnelles des auteurs hétéro-normées en quête d'une hégémonie du savoir, la science perd son capacité d'auto-critique. Cette capacité est réhabilitée au début des années 80, lorsque des approches pluridisciplinaires donnent suite à des échanges et des mises en question des enjeux. + +Au cours des dernières décennies, les possibilités d’interaction des robots humanoïdes ont été évaluées sous différents environnements et conditions\cite{circu2023roman}. Faire passer des robots du laboratoire à la scène reste un défi à bien des égards\cite{pluta2018laboratoire, circu2021lausanne}, malgré le fait que nous sommes habitués à les idéaliser comme des \textit{objets sociaux totaux}\cite{zaven2014effets}. Alors qu'ils sont déjà présents sur le marché du travail dans les secteurs privés et publiques, pourquoi pas les inviter sur scène ? Tout comme les humains, les robots peuvent être vulnérables, surtout lorsqu'ils sont utilisés comme des plateformes de recherche académiques, comme dans le cas du robot HRP-4, protagoniste dans \textit{TIWIDWH}. L'apparence physique de HRP-4 est le résultat des observations en design ergonomique. Avec une taille de 151 cm et pesant 39 kg, son apparence est similaire à celle d'un humain. Une fois les contraintes techniques résolues, le faire danser devient un exercice de mise en scène factice. Cependant lorsque nous aimerions voir des mouvements surgir spontanément de ses actuateurs, tels les muscles d'un danseur en improvisation, les choses deviennent plus difficiles, voir impossibles. + +Quelle analogie pourrons-nous appliquer au présent étude de cas, à la recherche d'une forme de CA pour les robots? Des robots sauvages ou des zombies en transe, pourront mieux témoigner d'un état proche de \gls{qualia}? Le mode expérientiel humain est complexe. Il y a besoin de plus que d'un simple truisme pour comprendre comment modéliser notre compréhension. Parmi les approches pluridisciplinaires récentes, nous nous concentrons sur le nouveau maternalisme et le FEP, en lien avec les pensées féministes et la \textit{Théorie 4e de la cognition} mentionnées auparavant. Ces théories étudient les phénomènes cognitifs sous un angle physiologique, suivant les observations empiriques de plusieurs domaines connexes. La robotique s'inspire à son tour d'elles pour développer des robots ancrés dans leur environnent, capables d'interactions multimodales complexes. + +Cette orientation posthumaniste féministe, nous aide à analyser le lien entre des études sur la conscience, la danse et la robotique, pour mieux comprendre les effets des concepts émergents comme la CA, sur la création artistique. Ainsi, mettre en scène des robots dotées de formes de CA, relève des nouveaux défis. La chercheuse Stamatia Portanova désigne le \textit{glitch} comme élément capable de transgresser les lois physiques et de provoquer une faille anachronique dans des représentations scéniques: +\begin{quote} + ``l’émergence prend la forme d'un glitch, comme une interruption de la chaîne relationnelle continue entre passé et futur, du moment où les données passées sont valorisées et où des idées particulières sont sélectionnées dans une occasion d'expérience, afin de déterminer quelle sera cette future occasion d’émergence\footnote{en version originale: ``the appearance of the new takes the form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are selected in an occasion of experience, in order to determine what the future occasion will be.”}.”\cite{portanova2013moving} +\end{quote} + +Ce motif, repris par la penseuse féministe Legacy Russell dans son manifeste\footnote{https://www.legacyrussell.com/GLITCHFEMINISM}, revendique un besoin d’appropriation des erreurs technologiques, comme alternative aux dérives politiques d'un monde technocrate en manque d'auto-critique. Le \textit{glitch} de Russell\cite{keyes2021review} revendique une violence des corps qui se des-identifient des normes patriarcales. Bien avant son manifeste, des pionnières comme Braidotti, Haraway, Bara ou Truman déjà mentionnées, ont su anticiper un potentiel restaurateur dans la défaillance technologique. Leur nouveau matérialisme est également celui de l'erreur assumée, celui de \textit{faire avec}. + + +\subsection{L'humain comme instrument au service des robots qui dansent} + +Nous mettons l'accent sur des interactions gestuelles et leur signification pour voir comment une possible co-création avec des robots peut avoir lieu. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle, la seule possibilité réelle d'une CA pour HRP-4, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais cela doit se produire pour générer une expression crédible d'un \textit{effet de conscience}. + +Dans notre contexte des danse, le type de cognition qui influe sur les actions est depuis le début incarnée. Dans \textit{TIWIDWH} le robot et la performeuse sont assis face à face à une table et improvisent une série des mouvementes de bras inspirées par le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} (1983) d'Anne Teresa de Keersmaeker. +Chez les humains, les gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients. Dans notre exploration artistique, nous avons choisi d’examiner ce dernier cas. Quelques mois auparavant, notre performeuse s'est emparée d'une série des mouvements des bras, dont l’enchainement est devenu inconscient. En le répétant, ces gestes ont été déformés. Cela nous a donné l'opportunité de vérifier dans quelle mesure ils peuvent être recontextualisés et identifiés lorsqu’ils sont programmés pour correspondre à des robots. Ensuite nous avons programmé cet ensemble de mouvements dans une sorte de base données. Cela a permis a HRP-4 de générer deux types de mouvements : +\begin{itemize} + \item mouvements intentionnels (lever les bras en synchrone, fléchir un coude puis l'autre, tourner la tête, etc) + \item mouvements réflexes, c'est-à-dire non intentionnels (propres à la sphère intime comme un bailement ou un tremblement) +\end{itemize} +\textbf{Détailler les variables} + +\cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. La danse de HRP-4 se résume à un enchainement des variables C++, dont la taille du fichier ne dépasse pas une dizaine de kilo-bytes. Chaque variable prends une valeur pour orienter une articulation. Il y a peu de place pour l'imagination humaine, telle que nous la connaissons. A l’intérieur de son algorithme, HRP-4 peut combiner l’ensemble des mouvements dans un ordre aléatoire et improviser la durée de chaque séquence. La performeuse, prenant acte de cela, doit modifier ses séquences en conséquence. L'improvisation donne suite à un contact physique, initié par le robot. Ce contact (tant attendu) a fait objet des tentatives échouées de mise en situation, tel la fresque \textit{La création d'Adam}\footnote{https://unsouffledhistoires.com/cropped-michel-ange-la-creation-d-adam5-jpg/} par Michel-Ange, perturbée par un glitch. Après quelques essais, le moment de ce contact et implicitement la durée de l’improvisation, restaient inconnus pour la performeuse, le jour de la représentation. Toujours assise sur la chaise, cette fois le visage contre la table et les mains allongés dans la direction du HRP-4, il a fallu que le robot essaie deux fois toucher sa main, avant qu'elle comprenne que c'est la fin de la séance d'improvisation. +Ce mouvement intentionnel du robot qui s'est pas passé comme prévu, lui a inspiré un sentiment d'étrangeté, sorte de \gls{awareness of awareness} ou \textit{conscience d'une forme de (in)conscience}\cite{jochum2016cultivating}. Pour la performeuse, cet type d’imprévu peut bloquer la fluidité des mouvements ou en tout cas provoquer une perturbation dans le processus d'improvisation, pareil à un glitch dans les jeux vidéo. Cet enchainement est similaire à une séquence de mouvements intentionnels, dont des mouvements réflexes s’insèrent de manière spontanée. Bien consciente que les machines ne sont pas capables d’improviser (tel que nous entendons cela lors d'une intention inconsciente), la performeuse s'imagine que lorsque HRP-4 propose quelque chose d’inattendu, il s'agit probablement d'un bug ou d'un dysfonctionnement\cite{penny2016improvisation}. Alors que les mouvements réflexes, dans notre cas des tremblements des bras de HRP-4 (sorte de bug pré-programmés), produisent un effet de surprise, parfois comique à cause du bruit occasionnel des actuateurs. Ce qui est intéressant de remarquer, c'est que dans notre cas le bug était partagée entre performeuse et robot. Elle n'a pas remarqué le signal du robot, or celui-ci l'a donné sous une autre forme que celle prévue. Pour l'ethnologue Georges Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active d’observation par laquelle le sujet prends acte de ce qu'il traverse\cite{lapassade1986emc}. Dans notre étude de cas, la performeuse expérimente ce premier état, tandis que HRP-4 aurait pu probablement traverser le deuxieme, s'il était doté d'une CA. + + + +\section*{Conclusion} + +L'agriculture, l'écriture et la technologie sont relativement récentes dans l'histoire de l'humanité\cite{brooks1990elephants}. Des notions comme l’intersubjectivité et la conscience ne sont apparues qu’au cours des dernières décennies. \cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. Issu de formes rituelles, elle canalise les émotions des spectateurs et des interprètes. Il en va de même pour les improvisations de danse contemporaine avec des robots. Quelle que soit sa complexité, la compréhension de la danse opère à un niveau intuitif. Lorsque Brook a écrit son livre, les éléphants n'avaient pas encore appris à jouer aux échecs. Quelques décennies plus tard, plus précisément en 2016, AlphaGo de DeepMind battra Lee Sedol au championnat du monde de Go en Corée du Sud\footnote{https://spectrum.ieee.org/alphago-wins-match-against-top-go-player }. Depuis, les progrès exponentiels d'AGI n'ont cessé de nous surprendre. Concernant la danse, les paris continuent. Devrions-nous imaginer autre chose après avoir vu les robots de Boston Dynamics danser sur la chanson \textit{Do you love me \footnote{https://spectrum.ieee.org/how-boston-dynamics-taught-its-robots-to-dance}} ? + +Lors du \textit{TIWIDWH} un robot qui a perdu sont statut de robot, est devenu un ours fictif. Nous avons pris le temps de lui demander nous raconter ses rêves, par des gestes. Une performeuse s'est mise à sa disposition, tel un instrument de musique, pour l'aider à exécuter des mouvements improvisées. Leur \textit{danse}, apparait comme une sorte d'intersection entre deux \textit{umwelts}, conditionnée par des contraintes techniques et des signaux d'interaction. Le fait que l'humain arrive à s'inspirer des accidents ou des imprécisions, confirme la capacité de résilience de notre espèce. Il n'est pas sur que dans le cas d'un robot comme Atlas (sujet à des exigences de performance dans un marché fort compétitif) ce droit à l'erreur sera maintenu une fois le choix présenté. + +Après cette expérience, il nous semble évident que la beauté des imperfections, cette forme hybride de \textit{glitch}, c'est aussi ce qu'anime notre intérêt pour les robots. A l'opposé, leur caractère identique lors des fabrications en série s'annonce comme un danger pour ce qu'il y a d'impermanent et de précieux pour le vivant. Comme l'explique le neurologue Stanislas Dehaene, la puissance de calcul du cerveau humain avec son réseau de 16 milliards de neurones corticaux, dépasse notre imagination actuelle. Pour des entrées sensorielles strictement identiques, le cerveau humain ne réagit pas de la même façon\cite{dehaene2014odile}, influencé par les émotions et les souvenirs de chaque individu. A l’intérieur de chaque boite crânienne, la vie cachée de représentations subjectives, fluctue sans cesse d'une manière partiellement autonome. En écho à ses penses, le philosophe de sciences Michel Bibtol nous demande si nous sommes prêts à mourir à l'instant où la science nous garantit la \gls{Singularité}, ou par ses mots lorsque +``notre structure cognitive et nos habitus comportementaux ont été intégralement téléchargés dans un robot”\cite{bitbol2018cp}. + +N'ayant pas de réponse à sa question, nous savons que vivre c'est précieux, car c'est unique. Dans l'acte artistique, l'humain accomplit ce qu'il y a de l'ordre d’irrationnel. Avoir un robot comme partenaire pour un tel exploit, n'a pas fini de nous interpeller. Accepter les états de conscience que ce robot pourra vivre dans sa spécificité, c'est arrêter une vision anthropocentrique du monde et prendre sa place parmi les autre organismes vivants et non-vivants qui la constituent. Dans la suite du monde imaginé par K. Dick, le robots capables de CA occuperont une catégorie à part parmi les carnivores et herbivores qui existent déjà. Cela sera contre-intuitif d'imaginer des machines carnivores et herbivores. Si l'empathie est le dernier rempart pour l'acceptation de l'autre, comment ferions-nous pour être surs que les machines en ont besoin? + + +\clearpage + +\chapter*{Conclusion de la partie II} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Conclusion} +Les conclusions de cette deuxieme partie des expérimentations pratiques, nous renvoient à l'importance d'une méthodologie propre aux projets pluridisciplinaire. Pour le chercheur Louis-Claude Paquin, que nous avons déjà évoqué: +\begin{quote} +``la problématique de la recherche-création se construit par raffinement successif, dans un aller-retour entre le désir consigné dans l’énoncé de projet produit précédemment à partir d’une amorce et le résultat de recherches. Cet aller-retour +cherche autant à compléter le double cadrage entrepris précédemment (cf.) – celui par rapport à la sphère conceptuelle, qui permet de donner du sens, et celui par +rapport à un corpus d’œuvres apparentées, qui permet de déterminer la pertinence communicationnelle ou artistique – qu’à résoudre les incertitudes quant à la technique, aux matériaux et aux autres aspects pratiques touchés par la réalisation du projet.” +\cite{paquin2014methodologie} +\end{quote} +En ce que concerne cette these, je peux dire que nos problématiques fonctionnent dans un cadre théorique, mais ont des difficultés lors de leur mise en œuvre qui implique une réelle adaptation et un réajustement continuel. A son tour, Sarah Truman décrit comment sa recherche est guidée par certains principes et théories au détriment des autres, et comment ceux-ci influencent la manière dont elle mène sa recherche, en expliquant également son point de vue concernant la base théorique qu'elle choisit: +\begin{quote} + ``Par ‘méthodologie’ j’entends la logique, l’éthique, les théories et la perspective qui guident mon approche de la recherche et influencent les méthodes que je peux utiliser. Cela explique les théories qui sous-tendent ma compréhension du fonctionnement de la recherche-création. + \footnote{en version originale: ``By ‘methodology’ I mean the logic, ethics, theories, and angle of approach that guide how I approach research and inform the various methods that I might use. This is me talking through + the theories that inform how I think research-creation operates. .”}.” + \cite{truman2021feminist} +\end{quote} + +Ma base théorique contient un mélange des références scientifiques en robotique, sciences cognitives mais aussi des notes sur la danse et les pratiques somatiques, comme nous avons vu dans la première partie de cette these. +L’implémentation robotique considère des principes de la théorie 4E de la cognition ou \gls{The 4E Cognition Theory}, ainsi que du Principe de l'énergie libre ou \gls{Free Energy Principle} (FEP), pour considérer des notions tels la \gls{conscience artificielle} et la créativité. + + +Cadre théorique en neurosciences et en intelligence artificielle que nous avons décrit dans le deuxieme chapitre de la première partie de cette these, le FEP propose une explication unifiée de divers aspects des systèmes biologiques, notamment la perception, l'action, l'apprentissage et l'homéostasie. Il repose sur l’idée que les systèmes biologiques, comme le cerveau, s’efforcent de minimiser une quantité d'énergie disponible pour calculer l'écart entre les états internes et l'environnement externe. Le FEP permets de vérifier si le modèle interne du cerveau correspond aux entrées sensorielles réelles qu'il reçoit de l'environnement. L’objectif principal du cerveau est de minimiser cette énergie libre en mettant à jour son modèle interne afin de mieux prédire les entrées sensorielles. +De façon concrète, ce processus de minimisation de l’énergie est réalisé par la perception, l’action et l’apprentissage. + +Différentes techniques de danse et des pratiques somatiques fournissent aujourd'hui des informations sur la manière dont le mouvement affecte la structure du corps, et l'inverse. Deux ou plusieurs corps s'équilibrent selon la règle d'un contact continu, transférant le poids et composant des mouvements de manière spontanée. Comme nous avons vu plus haut, suite à ses recherches au sein de \textit{Judson Dance Theater} et ultérieurement \textit{Grand Union}, Paxton met les bases du contact improvisation. Cette approche, devenue entre temps discipline, analyse les effets d'un changement d'orientation spatio-kinesthésique du corps, lors des contacts tactiles. Suivant des contraintes de temps, le performeur se concentre sur les limites de son espace corporel par rapport à l'espace extérieur. Cela permet au mouvement d'apparaitre en coordination avec les autres corps qui l'entourent. Généralement ce type de mouvement est soutenu et spontané, décorrélé d'un rendu final, représentable. Comme la plupart des pratiques de danse postmodernes, la contact improvisation s’intéresse d'avantage à une transformation de l'expérience esthétique lors des processus de recherche du mouvement. Il existe ainsi un spectre des possibilités qui définissent le mouvement, et des multiples manières pour l’exécuter. Le motif de la chaise a traversé divers moments dans l'historie de la danse. Dans une de ses œuvres de jeunesse, Steve Paxton utilise une chaise pour deux performeurs qui sourient devant le public, cherchant à trouver leur place. Ensuite Anna Theresa de Kaersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin parmi autres, ont crée toute une partition pour une danse assise dans \textit{Rosas dans Rosas} (1983), \textit{Echad mi Yodea} (1998) respectivement \textit{Seniors Rocking} (2005) que nous avons déjà mentionné. + +Ces approches de la danse postmoderne trouvent également un contrepoids dans la philosophie contemporaine, entre autre dans le travail de Felix Guattari et Gilles Deleuze\cite{babych2023paxton}. Chez eux, la question du corps est traitée en parallèle avec celle du \textit{devenir} lors qu'ils emploient des termes comme le \gls{corps sans organes} (BWO), ou le concept d'objet ou \textit{machine} dans des œuvres comme \textit{Thousand Plateaus} +ou \textit{Anti-Oedipe}. Le \textit{BWO} par exemple, propose un modèle de corporéité \textit{dont la structure est proche des mouvements browniens}\footnote{body bupon which that which serves as organs is distributed according to crowd phenomena in a Brownian Move\cite{deleuze1996plateaus}}. Selon cette théorie, les organes correspondent à des objets partiaux ou des machines de désir telles des graines, tandis que le corps qui les contienne peut correspondre à un champ, lorsque ces graines ont éclos. Cette vision fragmentée du corps est aussi celle d'un robot humanoïde, dont les articulations fonctionnent parfois indépendamment de l'ensemble. + +Lorsque la robotique s’intéresse à des processus créatifs, des sous-domaines adjacents émergent, ouvrant à des possibilités passionnantes pour l’avenir. Ces possibilités remettent actuellement en question notre compréhension de ce que signifie être créatif, notamment par l’avènement de l'art génératif et des robots comme Ai-Da. Si la robotique peut améliorer la créativité humaine en automatisant les tâches répétitives, les humains peuvent tout autant améliorer le cadre de cette collaboration. Les artistes et les ingénieurs travaillent aux côtés des robots pour repousser les limites de l’expression créative, grâce à de nouveaux médiums et techniques qui créent des expériences dynamiques et immersives en temps réel. Leurs considérations éthiques et philosophiques ainsi que les échanges avec d'autres professionnels, amènent une réflexion plus profonde sur notre avenir ensemble. + + + +https://www.guycools.com/publications + + +Creativity is a complex and multifaceted phenomenon that manifests in various forms and contexts. While there isn't a single definition that encompasses all aspects of creativity, it is often described as the ability to generate novel and valuable ideas, solutions, or products. Here are some key elements that contribute to the understanding of creativity: + +Novelty: Creativity involves the generation of ideas, insights, or solutions that are original and unconventional. It often entails breaking away from conventional thinking patterns and exploring new possibilities. + +Value: Creativity goes beyond mere novelty; it also involves producing ideas or solutions that are meaningful, useful, or valuable in some way. The value of creative output can be subjective and context-dependent. + +Flexibility: Creativity is characterized by the ability to think flexibly and adaptively, considering multiple perspectives, approaches, and possibilities. Creative individuals often demonstrate openness to new experiences and willingness to explore unconventional ideas. + +Originality: Creativity involves the production of ideas or expressions that are unique to the individual or group. While creativity may draw on existing knowledge or influences, it typically results in something that is distinctively different from what came before. + +Problem-Solving: Creativity often plays a crucial role in problem-solving, innovation, and overcoming challenges. Creative individuals are adept at identifying problems, generating alternative solutions, and thinking outside the box to find novel approaches. + +Expression and Communication: Creativity can be expressed through various mediums, including art, music, literature, science, technology, and business. It serves as a means of self-expression, communication, and cultural exploration. + +Process and Product: Creativity encompasses both the process of generating ideas and the products or outcomes that result from these creative endeavors. The creative process may involve experimentation, iteration, and refinement to achieve the desired outcome. + +Contextual Influence: Creativity is influenced by various factors, including cultural, social, environmental, and individual factors. The context in which creativity occurs shapes the nature and expression of creative ideas and solutions. + +Overall, creativity is a dynamic and multifaceted phenomenon that plays a fundamental role in human cognition, expression, innovation, and cultural evolution. It is a valuable and essential aspect of human experience that drives progress, exploration, and self-discovery. + + + + +Les éléments sensoriels fasciaux sont plus diffus à travers +le corps plutôt que localisé autour des articulations. Fait +s'occuper de cette capacité sensorielle modifie le moment de +une danse de contact ? +Utiliser les informations sensorielles des mécanorécepteurs +aide à voir avec et à travers le corps. Quand cela +l'information, ainsi que l'intéroception, l'expropriocep- +le sens tif et proprioceptif est incorporé, j’ai +remarqué qu'il y a une tendance de l'expérience d'un contact +danser pour passer davantage au temps du corps, qui a tendance à +plus lent que l’heure de l’horloge. Plus il y a d'informations traitées +d'un coup, le temps plus lent semble passer + +considèrent souvent la conscience et la pensée comme +plus central, et l'inconscient plus diffus, et +je vis souvent ma danse de cette façon. Quand je me concentre davantage +conceptuellement (espace, temps, relations, composition), +Je vis la danse comme étant plus centrale. Quand je suis plus +axée sur la sensation (poids, intéroception), la danse est +vécu de manière plus interne et diffuse, dans le sens où +l'ensemble du système est accordé et bourdonne sans aucun bruit +un seul aspect se distinguant plus qu'un autre pour des raisons très +long. J'ai tendance à corréler le central à l'externe, et le +diffuse vers l’intérieur. En pratique, le défi est souvent de savoir comment +intégrer les mondes intérieur et extérieur, le monde central et +les aspects ou qualités diffuses de notre conscience. Est-ce +possible d'être dans les deux ou faut-il osciller entre les deux + +Comme mon corps est plus que la somme de ses parties, la contribution +La création des différents systèmes corporels crée un ensemble complexe, +expérience élaborée et synergique de la totalité, +cohérence, coordination et intégrité, car je ne suis pas en mesure +pour isoler fonctionnellement les systèmes les uns des autres. Comme le +\textit{organe de l'intériorité}, le \gls{fascia} me fournit davantage de +un sentiment de connexion entre l'extérieur et le +à l'intérieur de mon corps. +Par rapport à la connaissance antérieure du corps, puisque +l'époque du muscle humain grec, connaissances actuelles +continue de fournir des images et des expériences inédites du +corps, comme la tenségrité humaine. Ainsi, le passage de +la vision dualiste du corps composé de parties +faire un organisme entier à la vision complexe du corps +comme différencié d'un tout unique en fonctionnel +des systèmes qui interagissent en synergie. De cette évolution +cadre de référence, les conceptions actuelles du corps continuent +transformer et affecter mon sens et ma perception du mouvement. +ment et l'incarnation ainsi que ma pratique du Contact +Improvisation. + + +L'équipe de chercheurs soutient que nous devrions porter notre attention sur +comprendre et nourrir la co-créativité, l’interaction entre +les humains et les machines vers ce que l'on appelle une IA centrée sur l'humain +et intelligence hybride. Nous pourrons ainsi développer +des interfaces qui, en même temps, garantissent à la fois des niveaux élevés de +l'automatisation grâce à l'IA et au contrôle humain et soutiennent ainsi un +relation qui s’autonomise de manière optimale. +Rafner déclare : +À ce jour, la plupart des études sur la co-créativité homme-IA proviennent +du domaine de l'interaction homme-machine et se concentrer sur les capacités +de l’IA et de la conception et de la dynamique des interactions. Même si ces avancées +sont essentiels pour comprendre la dynamique entre les humains et les algorithmes +et les attitudes humaines envers le processus et le produit de co-création, il y a +est un besoin urgent d'enrichir ces applications avec des informations sur +créativité obtenue au cours des dernières décennies dans les sciences psychologiques. +À l'heure actuelle, nous devons éloigner la conversation des questions telles que : +L’IA peut-elle être créative ? L’une des raisons à cela est que définir la créativité n’est pas +clair et net. Lorsque l’on enquête sur les humains uniquement, les machines uniquement et les humains. +Co-créativité de l'IA, nous devons considérer le type et le niveau de créativité +en question, des activités créatives quotidiennes (par exemple, créer de nouveaux +recettes, œuvres d'art ou musique) qui se prêtent peut-être mieux à la machine +l'automatisation à des contributions qui changent de paradigme et qui peuvent nécessiter +intervention humaine de niveau supérieur. +De plus, il est beaucoup plus significatif d'envisager des questions nuancées +comme, Quelles sont les similitudes et les différences dans la cognition humaine, +comportement, motivation et auto-efficacité entre la co-créativité humain-IA +et la créativité humaine ? explique Rafner. + +Ce dialogue entre sensation et mouvement stimule le développement ultérieur du +être humain. Elle constitue le fondement de notre perception unique et, à travers elle, de notre perception de nous-mêmes1 ; + +Après avoir donné une brève introduction aux connaissances somatiques sous-jacentes aux DMP et à leurs +importance pour les cours de mouvement pour les enfants, les adultes et les enfants accompagnés de leurs soignants, j'espère que vous +pourrait en apprécier la complexité et le lien avec le développement humain. En tant qu'êtres sociaux, nous sommes +en couple. Prendre conscience de ces relations commence par prendre conscience de soi-même. +Nous pouvons commencer ici et maintenant à ressentir et ressentir notre corps et sa relation avec l'environnement et avec +ce matériel écrit. Qu’est-ce que l’éveil dans vos besoins intérieurs et vos nécessités nourricières ? Voudriez-vous +aimez-vous aller au sol, vous allonger et sentir le sol vous soutenir ? Sentir votre sol en dessous et +votre souffle vous bouge. Qu’est-ce qui vous attire ou qu’est-ce qui éveille votre curiosité ? Où serait +tu aimes évoluer vers ? Remarquez ces besoins et donnez-vous la permission de les suivre et de ressentir +l'effet de cela. Si cela signifie rester immobile ou bouger très peu, suivez ceci. Si cela signifie aller vite +ou gros, foncez. Je voudrais conclure ce chapitre avec deux exemples pratiques à tester avec +quelqu'un (un enfant/un adulte) avec qui vous vous sentez à l'aise et que vous pourriez essayer à la maison : + +Des compétences multimodale sensori-motrices. + +Les questions théoriques sont encrées dans des expérimentations pratiques + +Des HRI sur mesure qui se focalisent sur l’expérience d'incorporation. +En tant que danseuse et chercheuse, je propose un cadre par lequel nous pouvons adresser des questions relatives aux nouvelles technologies. + +Si Maturana et Varela ont placé le cadre concernant la cognition sur un terrain biologique, + +Certaines pages de ces chapitres traitent des compréhensions actuelles et historiques concernant la cognition et la conscience. +Cela se produit dans un espace péri-personnel et infra-corporel +Des espaces de projection hybrides, des environements ou des agents peuvent traverser différentes écologies du corps. +Selon ces approches, c'est important de comprendre ce que c'est nécessaire pour développer un langage chorégraphique du point de vue de la robotique et des neurosciences. +Espace péri-personnel, infra-corporel +Attunement et l'education de la porprioception comme des fondamentaux + +Hylomorphism and the Dance of Agency +Représentations contingentes + +Dans chacun de ces expérimentations, j'ai pu utiliser la co-création artistique pour mieux comprendre mes questionnements théoriques. + +Dans son livre \textit{Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects} (2021) la chercheuse Sarah Truman entreprend des études dans la pensée spéculative et la théorie des affects. Elle questionne la notion de représentation (en anglais \textit{representationalism}) comme résultat d'une recherche quantitative dans les arts, en proposant des processus de recherche-création comme alternative aux activités de pratique et théorie artistique. Loin de penser que les projets artistique ne peuvent pas donner suite à des enjeux théoriques. Cependant, selon Truman ce que distingue la recherche-création de toute pratique artistique est le fait d'incorporer directement une composante théorique dans le projet artistique, et d'employer le cadre académique comme structure de référence pour l'acte artistique. Ainsi la théorie fait partie intégrante du processus, elle informe les méthodes et la pensée pendant et après le projet \footnote{Theory + primes the projects: it informs the methods and thinking during the projects and + after the project is over.\cite{truman2021feminist}} + +\begin{quote} + + + \cite{truman2021feminist} +\end{quote} + +Truman relie la recherche-création de la spéculation située, en anglais \gls{situated speculation}. +Ce concept propre au \gls{matérialisme féministe} active la pensée de divers domaines comme la philosophie des systèmes, l’écologie, les sciences humaines et les études queer et trans. +Ces problématiques perturbent les orientations communes en matière de méthodologie de recherche de diverses manières, +notamment : impliquer directement les chercheurs, les artistes et les théories en cas de +recherche; donner la priorité à l'affect et à la relationnalité ; repenser le représentationnalisme; +et reconnaître que penser avec des concepts théoriques et créer de l'art +sont également des recherches « empiriques ». +Lorsqu’on me demande d’articuler un fil conducteur entre tous ces aspects disparates… +ories et comment elles se manifestent dans la recherche, je dis : elles perturbent l’humanisme. Ce +est généralement suivi de la question : qu’entendez-vous par « humanisme » ? Dans le +section suivante, je vais expliquer ce que j'entends par humanisme et ma méthode +pour compliquer l'humanisme en invoquant l'inhumain et le récit +humain. Une fois cela établi, j’aborderai la spéculation située, l’activation rigoureuse. +tion, émergence, affirmation (refus) et plus-que-représentation en cinq mouvements +pour ma façon de penser le processus de recherche-création. + +I have thought with the notion of the inhuman as a way +of troubling humanism from both within and without (Springgay Truman, +2017; Truman, 2017, 2019b). This thinking has been informed by various queer +scholars who challenge Eurowestern humanism but recognize the dangers of +declaring a post-human position in a world that is very much still governed by + +Jeffrey Cohen (2015) outlines how the inhuman as a concept describes an +“estranged interiority” (p. 10). As a Janus word or auto-antonym, “in” in the +inhuman can operate both as negative prefix (presuming difference from the +human) while simultaneously also describe being within or of the human (as +an intimacy). The paradoxical function of the term creates a frictional thinking +space that keeps me and my methodology in tension. This aligns with Kathryn +Yusoff’s (2021) assertion of why she continues to think with the concept of the +inhuman in her research: because it is “counter intuitive, unsettles the norma- +tive paths of thought – queers your trails +” (personal communication). +Similarly, José Esteban Muñoz (2015) proposes thinking with the inhuman as a +“necessary queer labor of the incommensurate” (p. 209). This labor is queer in +that it subverts the silos and stratification of kinds of being, and incommensurate +because as humans we cannot know the inhuman (or human) due to the limits +of our knowledge production. Thinking the inhuman does not mean flattening +the boundaries between human and nonhuman, nor is it a practice that demands +the inhuman’s inclusion into the category of the human. Instead, Luciano and +Chen (2015) argue, the “inhuman points to the violence that the category of the +human contains within itself ” (p. 196) and propose inhumanisms (note the plural, +similar to Wynter’s genres of human) as a generative concept: an unfolding, rather +than a spatial designator of a particular kind of entity. + +While post-humanism has been applauded for its attempts at de-centering the human, and +acknowledging an emergent, relational subject, it has also been critiqued for dissolving race, +gender, and sexual orientation markers among humans; erasing difference between humans and +non-humans; and inadvertently re-inscribing anthropomorphism (King, 2017; Livingstone +Puar, 2011). See my SAGE encyclopedia entry on feminist new materialisms (Truman, 2019a); +also, similar critiques have been made toward affect theory (Palmer, 2017). + +Situated speculation +The structure of conventional qualitative research projects often requires research- +ers to presume to know in advance: this is demonstrated through an approach to +research design that states what we’re looking for, what it might mean, what +its outcomes might be, and who will benefit from it, all before embarking on a +study. This process is normally built on some kind of knowledge of the field and, +hopefully, a situated and ethical approach to speculating on what might occur or +develop during the research. While I think all of these aspects of conventional +qualitative research can and should be speculated on before embarking on a study, +students are rarely taught to think about this process as speculative. Following +queer-feminist theorists, and informed by feminist materialist and process phi- +losophers, in this section I think through situated-speculative thought as an inte- +gral part of research-creation. To do so, I unpack some theoretical influences that +inform my understanding of speculation. +Research-creation, like all research and creative practice, is in part a specu- +lative process. As an artist and researcher embarks on a project, and throughout +that project, they speculate about different times/spaces from a particular time/ +space, and in so doing shape and co-compose what could be. + +he differential link +between a situated curiosity and speculative possibilities or potentialities9 fuels +much feminist materialist thought. ‘Situatedness,’ as conceptualized by Haraway +(1991), might mean the actual physical situation from where speculation occurs, +but also refers to shifting, inherited, self-identified, and externally forced subject +positionalities, including race, gender, class, sexuality, ability, as well as the the- +oretical positionality (concepts) a researcher speculates with. Åsberg, Thiele, and +Van der Tuin (2015) outline how feminist thought has always been speculative, +while remaining critically contextualized. Through speculative alter-worlding, +materialist feminisms “envision a different difference from within” an inherited +context (Åsberg et al., 2015, p. 160). A researcher’s positionality and intentional- +ity have material effects on what the research-creation might produce. In order +to keep being critical, a ‘critical positionality’10 cannot proceed from a fixed +position: it is constantly being modified by what we read and encounter through +the arts, or scientific research practices, or through discussions with participants, +and in the event of research-creation. In this regard, the researchers themselves +are also in process. The speculative process proposes what could be. It might +usher in a different world while simultaneously changing us: this is the power +and potential of speculative thought and storying practices. + +Affect +Research-creation scholar Derek McCormack (2008) has argued that the +practice of research-creation is tethered to an “ethical commitment to learning +to become affected” (p. 9). In this regard, affect is a capacity that sounds like it +is tethered to an individual who has become committed (or has the intention) to +being affected. This capacity might vary wildly in different circumstances and +situations. As a scholar, I might propose the question: how can I prime myself to +become affected? But I also must consider how different affective intensities might +circulate through, and land differently on, diverse research participants in my +research-creation projects (Ahmed, 2004b), and consider how different affects +make us feel differently (Probyn, 2010). +Rigorous activation +How do I get from speculating about what could be to enacting a project? If I’m +talking about research-creation, which I am in this book, then I am proposing +a way to artistically create an event (text, song, cultural production) of what it is +that I am curious about. In other words, I figure out how to make an artistic +event of what I want to research: that’s the creation part. I’m not talking about +investigating something that’s already happened. It is fine to research something +that has already happened, but that’s not what I’m talking about here: I’m talking +about creating the thing/event that I want to investigate. Sometimes this occurs +with other participants, such as in the example of my research in schools or with +other publics. Sometimes this is a solo artistic project. +Creating the thing that I want to investigate is not an ‘anything goes’ pro- +cess. Creation requires curation: specifically, curation of how I will approach +the research encounter, and how I will activate artistic practices and theoretical +resources. It takes planning, including ethics protocols, co-ordination with par- +ticipants, and curation of materials. In other words, I have to turn up with a plan +of what I am going to do and with protocols in place, even though the event +of what might emerge is speculative and unknown. In terms of working with +students in schools, this process can take months of pre-planning and getting to +know the students, parental consent, and giving students background knowledge +on a topic or arts practice. When organizing public events with WalkingLab, it +requires pre-walking routes, considering issues of access, and how the police +(who could show up) might react to different bodies and groups in public spaces +Body +Many +scholars of the more-than-human turn have thought through the body as emer- +gent, co-imbricated, and co-produced in situ. I understand the body as a nexus of +related forces that have different durations and rates of change that are constantly +emerging and in relation to/with other bodies, inheritances, social situations, and +larger geopolitical affects. Bodies are never static (even once they materialize), +but rather are ontogenetic. This has ramifications for research-creation methods +and school-based learning as it leads us to consider bodies (and the spaces they +move in relation to) as always in excess of themselves and full of virtual potential, +while still recognizing how race, gender, sexuality, and ability are also constantly +co-produced and asserted in these relational exchanges. +Feminist theoretical physicist Karen Barad’s work (2003, 2007) has specifi- +cally helped me think through how events and bodies emerge in research (and how research emerges). For Barad (2007), the world’s basic ontological units are +not bounded individual entities, but what she terms phenomena that are consti- +tuted through intra-acting agencies, or relata that do not precede their relations +and therefore cannot be known before their intra-action. Barad’s approach moves +away from a metaphysics of individualism that precedes encounters, deconstructs +the reductionist ontology of classical physics, and describes instead how indeter- +minacy20 is entangled through all being (and all research events). Importantly, +embedded in Barad’s thought is an ethical attunement to and responsibility for +how this world emerges or unfolds and for what happens after it emerged and +unfolded (discussed below).21 +Barad’s descriptions of ontological indeterminacy are fashioned after the +wave-particle performances in physics double-slit experiments. In the experi- +ments, what come to be called waves or particles perform differently based on +how they are measured or ‘cut’ into one state or the other: in other words, until +that cut is made, they exist in a state of indeterminacy.22 Further to this, even the +experiment’s measuring apparatus (including the test tubes, the centrifuges, and +the hadron colliders, but also including the researchers, the concepts, the white- +ness etc.) is part of the indeterminacy: it does not entirely pre-exist the event +and is therefore “perpetually open to rearrangements, rearticulations, and other +reworkings” (p. 817).23 Barad’s notion of the agentic cut isn’t solely a cutting +away from—as in making a part separate from a pre-existing whole—but also +a cutting together: “Cuts cut ‘things’ together and apart. Cuts are not enacted +rom the outside, nor are they ever enacted once and for all” (Barad, 2007, +p. 179). Thinking with this ongoing agentic cutting and (in)separability—or +what Barad (2003) calls the “the local condition of exteriority-within-phenomena” +(p. 815)—unsettles the classical position of exteriority between what is observed +and the observer of a research event. This view queers traditional notions of +research objectivity in that it conceptualizes the researcher as directly implicated +(and co-produced!) in the research event.24 +Although events, bodies, and subjectivities are emergent, that does not pre- +clude the necessity to speculate on how things could become in the future. If I +consider an emergence as not just the materialization of an object or subject, but as +also accompanied by an ethico-political tending, each moment becomes charged +with the potentiality and necessity to respond to what matters: where emergence +meets emergency. In other words, to consider ‘What is the emergency here?’ This +practical and speculative question keeps the event in tension. The actual/virtual +differential that I discussed above plays out throughout the research event, and +throughout the process of thinking with and writing up. What emerges and how +we engage with it occurs within the research event but is also speculative, feeling +toward the future. Thinking with the event: what is made possible? What is the +potential: how do I “read for futurity?” (Muñoz, 2009, p. 99). (Re)presenting +the event: what is made possible? What is the potential? These questions/prop- +ositions become precursors for the next event. Radically, these future-worlds +are actually and virtually connected to this one. + +Representation +Discussions of how to represent research events is an ongoing concern in +the academy. Scholars have tried everything from verbatim representations of +every guttural sound, including transcribing ‘uhms’ and ‘ahs’ and breaths from +interview recordings in hopes of authentically capturing the true meaning of +the speaker’s utterances; to refusing to discuss research unless the research par- +ticipants are co-presenting (which can be important politically but can also add +considerably to participants’ labor and may not ameliorate power relations); to +other extremes of saying outright that it’s impossible to re-present something +(like a dance or a gesture), and myriad other tactics in between. +Performance studies scholar Rebecca Schneider (2011) ponders whether the +cultural and scholarly concern about the un-capturability of artistic events is pre- +determined by an ongoing (Eurowestern) “habituation to the logic of the archive?” +(p. 98, italics mine). I would answer ‘yes’ to that question. So, what is the ‘logic +of the archive’? In Archive Fever (1995), Derrida explicates how the term archive +derives from arkheion: “a house, a domicile, an address, the residence of superior +magistrates, the archons, those who commanded” (p. 2). While an archive rep- +resents a physical (or virtual) space that houses ‘objective’ documentation of past +‘events,’ it also has inherent within its name a designation of authority regard- +ing who can archive, who has access to the archive, and who can interpret the +archive: it is a settler colonial (imperialist) project, which is mirrored in how +science and humanities research treats data, interpretation, and representation. +However, as Derrida shows, there are flaws in archival logic: Derrida argues +that what is archived is always changed by the archiving process and as such, +“archivization produces as much as it records the event” (Derrida, 1995, p. 17). To +explain this aporia, Derrida describes the process of documentation (in an archive +or other research): through archival procedures we seek to preserve an object or +experience by removing it from circulation, seek to legitimize an event by nam- +ing and recording it, seek to forget an event through remembering it in another +form, and seek to seal the meaning of something that can never be closed. Similar +to his readings of texts, Derrida shows that although a version of archival logic is +predominant in our culture, the logic of its practice undoes its own certainty: “… +The archivist always produces more archive, and that is why the archive is never +closed. It opens out to the future …” (1995, p. 45). As such, instead of sealing or +fixing meaning, archival procedures and other forms of recording always produce +more meanings that might affirm or undo archival logics. +As a way of deliberately intervening in and un-thinking the logic of the archive +and its procedures of documentation and representation, research-creation scholar +Andrew Murphie (2016) explicates a mode of practice that he calls anarchival. A +current research-creation example of this practice is Stephanie Springgay’s The +Instant Class Kit, which unsettles historical ‘Fluxkits’ with contemporary Black, +Indigenous, people of color, and queer artistic interventions into the archive +(Springgay, A. Truman, MacLean, 2019). Artist, Black studies scholar, and +participant in the Instant Class Kit, Syrus Marcus Ware (2017) has argued for +the necessity of even ‘counter-archiving’ practices to challenge the inherent +whiteness of archival procedures and logics even in the LGBTQIA+ commu- +nity’s seemingly already-counter-cultural space. Even deliberate anarchiving or +counter-archiving affirms something. +Thinking alongside these scholars, my approach to research-creation is firstly +concerned with the ways that I am generating (not collecting or representing) +research ‘data;’ secondly, how what happens in the event might prompt further +thought; and thirdly, how ‘re-producing’ those events and the theories I think +with may engender further thought (Shannon Truman, 2020; Truman, 2016; +Truman Shannon, 2018). In this way, writing about research projects is always +more than (and less than) the events that occurred. But more importantly, writ- +ing is an event in itself: instead of this recognition causing a crisis of representa- +tion, or closing down of meaning, I view it as an opening. As such, in this book, +I think with research-creation projects using various other theorists and theories +that correspond to, agitate, and frictionally rub against the research events to +consider how they engender further thought. This process is speculative, affec- +tive, and occupies a queer time/space, and might require me to re-think even +the theories I use. +In some of the research-creation projects that are discussed in this book, +the art practice (for example, postcard inscriptions or song composition), is the +research-creation project and the more-than-representation of it. But there’s also a +layer of scholarly writing and engagement that’s happening in this particular ‘out- +put’ that is interpretive (although, I always attempt to think with aspects of the +events in relation to theory rather than close down meaning). After McCormack +(2015), I view more-than-representational thought as a mode of “working (with) +worldly relations – relations in which thinking is already entangled – in order +to transform or recompose these relations anew” (McCormack, 2015, p. 92). +More-than-representational theory has a different approach to the temporality +of knowledge than most theories used in qualitative research; its theorists are less +interested in representing empirical or essential realities that occur before the act +of representation than in “… enacting multiple and diverse potentials of what +knowledge can become afterwards” (Vannini, 2015, p. 12). Thus, a more-than-rep- +resentational approach to research focuses on animation rather than representation, +creation rather than reports, and fosters new constellations of meaning-making. +Each re-presentation creates a new event. While research-creation (particularly +when manifesting as arts forms) can instantiate more-than-representational the- +ory, I think qualitative researchers or humanities scholars in general can take it on +and realize that we’re all creating while we’re writing.28 +While I believe all texts open up to interpretation because of the nature of +them, as a researcher re-presenting events that have humans involved, I want to +assert that it’s important to consider Stengers’ (2011) speculative question “Who +is, or will be, affected, and how?” (p. 62), both throughout a research event and +each time a new reading/writing is completed on ‘data.’ And although that ques- +tion can likely never be answered, it is a guide for thinking about the material +effects of the theories I draw on and how research is conducted and represented. + + + +le set de cartes \textit{Oblique Strategies} de Brian Eno +Eno et son ami artiste Peter Schmidt ont sorti les cartes Oblique Strategies en 1975, lorsqu'ils ont réalisé qu'ils avaient tous deux développé indépendamment des ensembles d'idées pour s'aider à trouver des solutions créatives à des situations difficiles. \textit{Les stratégies obliques ont évolué lorsque j'ai été confronté à un certain nombre de situations de travail où la panique de la situation, en particulier dans les studios, avait tendance à me faire rapidement oublier qu'il existait d'autres façons de travailler et qu'il existait des manières tangentielles d'attaquer des problèmes qui étaient difficiles à résoudre. à bien des égards, plus intéressante que l’approche frontale directe}, expliquait Eno dans une interview avec Charles Amirkhanian en 1980. + +L’antécédent le plus clair des cartes Stratégies obliques était l’adoption par John Cage de l’ancien système de divination chinois, le I Ching, pour prendre des décisions musicales. D’autres concepts liés aux stratégies obliques étaient les Fluxkits et les boîtes Fluxus fantaisistes et inventifs du mouvement Fluxus – un exemple particulièrement inspiré de ces boîtes, par George Brecht, s’appelait la boîte igname d’eau. Les boîtes contenaient souvent des cartes avec des paroles pleines d'esprit ou des instructions spécifiques. + +Un autre prédécesseur possible des cartes de stratégies obliques était les cartes \textit{ Distant Early Warning } du théoricien des médias Marshall McLuhan, publiées en 1969. Certaines des cartes de McLuhan, imprimées sur un jeu de cartes de poker ordinaire, contenaient des citations d'autres penseurs (une carte lisait La propagande est toute culture en action (Jacques Ellul) ; d'autres avaient des citations classiques de McLuhan (le dix de carreau disait \textit{Le médium est le message}) ; une carte du roi disait \textit{Dans le monde des aveugles, le borgne est un idiot halluciné} ; le neuf de pique arborait l'avertissement inquiétant \textit{Avec les banques de données, nous sommes enregistrés, dactylographiés et nettoyés}. + +La méthodologie I Ching de Cage était gracieuse et complexe, et les cartes Distant Early Warning de McLuhan frôlaient le tout simplement loufoque – presque comme des fortunes en biscuits de fortune provenant d'un univers d'études médiatiques bizarre. Les cartes Stratégies obliques, quant à elles, avaient un objectif utilitaire spécifique. Les cartes originales ont été conçues pour aider les artistes et les musiciens à sortir des ornières créatives et à se détendre en studio. Chaque stratégie oblique avait un aphorisme différent : \textit{Acceptez les conseils}, lisez-en un. Imaginez la musique comme une série d'événements déconnectés, lit-on dans un autre. Humaniser quelque chose sans erreur. + +\textbf{Handbook of Cheoregraphy} + +\textit{Choreography is a negotiation with the patterns your body is thinking.} +Jonathan Burrows + +Pour son duo avec le compositeur Matteo Fargion, intitulé \textit{Both Sitting Duet}\footnote{https://vimeo.com/showcase/6691019/video/361765765}, ils ont reçu le prix New York Dance et Performance Bessie Award en 2004. Les deux performeurs restent assis sur des chaises, en exécutant une série de danses très courtes. Leur intention est de transmettre une traduction directe entre son et image. Pour cela ils reprennent note pour note et mesure pour mesure, la pièce pour violon et piano \textit{For John Cage} (1984) de Morton Feldman. + +En danse, nous travaillons désormais avec une multiplicité de techniques : physique, improvisation, compositionnelle et performative. + +Le ballet contre danse moderne, théâtre contre danse abstraite, improvisation versus set-dance, conceptuel versus dancey-dance. On nous dit constamment que notre forme d'art est minoritaire intérêt, difficile à comprendre et mauvais pour communiquer + +Sometimes I think every piece I’ve made has been an attempt +to recreate his solo, over and over again. + +This freedom is also there, sometimes, in set forms: the +freedom not to be responsible for making a choice, the +freedom to deviate because I have something to deviate +from. + +70 of the complexity may be enough. +There is, embodied within the form of Tai Chi, the idea that +you use only 70 of your capacity and force. The missing +30 is the space within which your body has room to +develop. +Many great pieces grow from processes which accept that +what is lost leaves room for something else to arrive. + +Cut and paste: +The use of improvisation as a tool to find material is intim- +ately linked to that kind of choreographic process which +finds things first and then decides the order to put them in. +Let’s call this process ‘cut and paste’. It’s a very good way +to work for many people. +Cut and paste is perhaps the most effective way to deal with +fragments found by improvising. We improvise to find the +strongest movements and then use cut and paste to put +them together – we develop skills of cutting and pasting +which draw us back each time to improvisation as a primary +tool to find material. It is a practice that can trap us into +thinking this is the only way to work. + +Usually when you steal something consciously it looks +nothing like the thing you’ve stolen. + +If you choose to work with material which references other +sources, do you want the audience to stop at the reference +or do you want it to point them towards something more +open or ambiguous? +Is the reference visible, and if so is it meant to be? +A reference which stops us at itself is, on occasion, exactly +what you might need. +The reference will not do your work for you, but if you use +it for the right reasons in the right context then it might do +the work which you want it to do. +The first things the audience see when a performance begins +form a contract. This contract teaches the audience how to +read the performance, at the same time as the performance +is unfolding. +The contract is the key to understanding the continuity +that holds and gives sense to the piece. This is as true of an +abstract piece as of a narrative piece. +When a piece makes sense to us it appears to reach a point +where we would accept anything that happens. The con- +tinuity of unfolding objects has set up a series of clues which +teach us how to read, anticipate, recognise and be surprised +by what follows. +Sometimes, however, a piece takes a turn that drops the +continuity in the wrong way, and we lose interest. +This doesn’t mean that a piece can’t subvert our +expectations. +Constantly subverting our expectations also arrives at +continuity. diff --git a/sections/preambule.tex b/sections/preambule.tex new file mode 100644 index 0000000..5eaf825 --- /dev/null +++ b/sections/preambule.tex @@ -0,0 +1,322 @@ +% Source: https://github.com/DorianDepriester/TemplateThese/blob/master/Preambule.tex +%% Réglage des fontes et typo +\usepackage[utf8]{inputenc} % LaTeX, comprend les accents ! +\usepackage{lmodern} +\usepackage[T1]{fontenc} +\usepackage[bottom]{footmisc} +\usepackage[french]{babel} +% \frenchbsetup{ +% FrenchFootnotes=false, +% AutoSpaceFootnotes=false +% } +% %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% +% % Bibliographie +\usepackage[ + defernumbers, + style=ext-numeric, + sorting=nty, + articlein=false, + backend=bibtex8]{biblatex} +\addbibresource{bibliography.bib} +\DeclareLabelname[movie]{ + \field{director} + \field{producer} +} + +\DeclareBibliographyDriver{movie}{% + \printnames{editor}% + \newunit\newblock + \printfield{title}% + \newunit + \printfield{year}% + \finentry} + +\DefineBibliographyStrings{french}{% + in = {dans}, + % director = {réalisateur}, + % scriptwriter = {scénariste}, +} + +\DeclareNameAlias{author}{family-given} +\DeclareNameAlias{sortname}{family-given} +\DeclareNameAlias{editor}{family-given} +\DeclareNameAlias{editor}{family-given} +\renewcommand*{\multinamedelim}{\addcomma\space} +\renewcommand*{\finalnamedelim}{\addcomma\space} +\renewcommand*{\nameyeardelim}{\addcomma\space} + +\defbibfilter{papers}{ + type=article or + type=inproceedings +} + + +\usepackage[autostyle=true,french=guillemets]{csquotes} +\MakeOuterQuote{"} +\MakeAutoQuote{«}{»} +\MakeBlockQuote{<}{|}{>} +% %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% +% % Allure générale du document + +\usepackage[section]{placeins} % Place un FloatBarrier à chaque nouvelle section +\usepackage{epigraph} +\usepackage[font={small}]{caption} +\usepackage{tocloft} +\addtolength{\cftchapnumwidth}{1em} +\addtolength{\cftsecnumwidth}{1em} +\addtolength{\cftsubsecnumwidth}{1em} +\addtolength{\cftfignumwidth}{1em} +\addtolength{\cfttabnumwidth}{1em} +\addtolength{\cftbeforechapskip}{-1pt} +\usepackage[titletoc, title]{appendix} +\usepackage{titlesec} +\titlespacing{\paragraph}{0pt}{\medskipamount}{5pt} +\titleformat{\paragraph}[runin]{\normalfont\normalsize\bfseries}{\theparagraph}{0em}{}[~:\space] +% %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% +% %% Mise en forme du texte +\usepackage{blindtext} +\usepackage{svg} +\usepackage{graphicx} +\graphicspath{{images/}{../images/}} + +\usepackage{enumerate} +\usepackage{enumitem} +\usepackage{array} +\usepackage{multirow} +\usepackage{rotating} +\usepackage{tabularx} +\usepackage{xcolor} +\usepackage{dramatist} +\usepackage{qrcode}%[draft] +\usepackage{caption} +\usepackage[position=bottom]{subcaption} +\usepackage{pdfpages} +\usepackage{comment} +% \usepackage{pst-barcode} +\usepackage{longtable} +\usepackage{tikz} +\usepackage{amsmath} +\usepackage{listings} +\usepackage{booktabs} + +% %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% +% %% Navigation dans le document +\usepackage[ + pdftex, + pdfborder={0 0 0}, + colorlinks=false, + linkcolor=black, + citecolor=black +]{hyperref} % Créera automatiquement les liens internes au PDF +% Doit être chargé en dernier (Sauf exceptions ci-dessous) +\usepackage{bookmark} +\usepackage{xurl} +% %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% +% %% Packages qui doivent être chargés APRES hyperref +\usepackage[top=2.5cm, bottom=2cm, left=3cm, right=2.5cm, + headheight=15pt]{geometry} + +\usepackage{fancyhdr} % Entête et pieds de page. 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file diff --git a/sections/remerciements.tex b/sections/remerciements.tex new file mode 100644 index 0000000..8a2159b --- /dev/null +++ b/sections/remerciements.tex @@ -0,0 +1,4 @@ +\chapter*{Remerciements} +\addcontentsline{toc}{chapter}{Remerciements} + +\blindtext diff --git a/sections/titlepage.tex b/sections/titlepage.tex new file mode 100644 index 0000000..029bad8 --- /dev/null +++ b/sections/titlepage.tex @@ -0,0 +1,58 @@ +\begin{titlepage} + + \unitlength 1cm + \begin{center} + \vspace{1.6cm} + {\large \scshape Université paris 8 - Vincennes Saint-Denis\\} + \vspace{1.6pt} + {\normalsize \scshape École doctorale esthétique, Sciences et Technologies des Arts\\} + \vspace{1.6pt} + {\normalsize Laboratoire Arts des Images et Art Contemporain (EA 4010)\\} + \vspace{1.6pt} + {\normalsize Équipe de recherche Image Numérique et Réalité Virtuelle\\} + \vspace{52pt} + {\LARGE Thèse}\\ + \vspace{42pt} + + {\normalsize Pour obtenir le grade de \\} + \vspace{1.6pt} + {\normalsize \scshape Docteur de l'Université Paris 8 \\} + \vspace{1.6pt} + {\normalsize Discipline : Esthétique, sciences et technologies des arts\\} + \vspace{1.6pt} + {\normalsize Spécialité : Images numériques\\} + + \vspace{2cm} + + \rule{15.25cm}{1.5pt} + + \vspace{12pt} + + {\LARGE \bfseries Danser avec les robots: le corps performatif et \textit{la conscience artificielle}}\\ + + \vspace{12pt} + \rule{15.25cm}{1.5pt} + + \vspace{2cm} + + {Thèse Soutenue le XX/XX/XX par Sorina-Silvia \textsc{Cîrcu} \\} + \vspace{1.6pt} + {sous la direction de M/Mme XXXX \textsc{XXX}\\} + \vspace{1cm} + + \end{center} + \vspace{1cm} +\begin{center} + \textbf{Membres du jury}\\ +\end{center} + \noindent\begin{tabular*}{\textwidth}{l @{\extracolsep{\fill}} r} + \vspace{1.6pt} + Prénom \textsc{Nom} (PR/DR/MCF...) & Université \\ + \vspace{1.6pt} + Prénom \textsc{Nom} (PR/DR/MCF...) & Université \\ + \vspace{1.6pt} + Prénom \textsc{Nom} (PR/DR/MCF...) & Université \\ + \vspace{1.6pt} + Prénom \textsc{Nom} (PR/DR/MCF...) & Université \\ + \end{tabular*} +\end{titlepage} \ No newline at end of file diff --git a/thesis.tex b/thesis.tex new file mode 100644 index 0000000..9de47b0 --- /dev/null +++ b/thesis.tex @@ -0,0 +1,121 @@ +\documentclass[a4paper, 12pt, twoside, table, dvipsnames]{book} +\input{sections/preambule} +\usepackage{listings} + +% \pdfcompresslevel=0 +% \pdfobjcompresslevel=0 +% Chapter numbering reset +\makeatletter\@addtoreset{chapter}{part}\makeatother% + +\author{Sorina-Silvia \scshape{Cîrcu}} +\title{Danser avec les robots: le corps performatif et \textit{la conscience artificielle}} +\date{18 06 2023} + +% Méta-données du PDF +\hypersetup{ + pdfauthor={Sorina-Silvia Cîrcu}, + pdfsubject={Manuscrit de thèse de doctorat}, + pdftitle={Danser avec les robots: le corps performatif et \textit{la conscience artificielle}}, + pdfkeywords={Art, Robotique, Intéraction} +} +\addto\extrasfrench{% + \def\chapterautorefname{Chapitre}% + \def\sectionautorefname{Section} + \def\subsectionautorefname{Sous-section} + \def\appendixautorefname{Annexe} + \def\figureautorefname{Figure} + \def\tableautorefname{Tableau} +} + +\newcommand{\soft}[1]{\emph{#1}} +\renewcommand{\thepart}{Partie \Roman{part}\space:} +\renewcommand{\thechapter}{\Roman{part}.\arabic{chapter}} +\counterwithout{footnote}{chapter} +% \cftsetindents{sec}{1em}{3em} + +% \renewcommand\cftpartpresnum{Partie~} + +% First Use With Hyperlinked Footnote Description (see: http://tug.ctan.org/macros/latex/contrib/glossaries/glossaries-user.pdf) +\newcommand{\isfootnoteenabled}[3]{% + \expandafter\if\glsentryenablef{#1}\relax% + #2% + \else% + #3% + \fi% +} +\renewcommand*{\glsentryfmt}{% +\glsgenentryfmt +\isfootnoteenabled{\glslabel}{\ifglsused{\glslabel}{}{\footnote{\glsentrydesc{\glslabel}}}}{}% +} + +\renewcommand\arraystretch{1.5} + +\newcommand{\grayline}{\arrayrulecolor{gray}\hline\arrayrulecolor{black}} +\newcommand\btrule[1]{\specialrule{#1}{0pt}{0pt}} +\newcommand\hyph{-\penalty0\hskip0pt\relax} + +\begin{document} + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + % Page de titre % + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + \include{sections/glossaire} + \include{sections/titlepage} + + + \thispagestyle{plain} + \cleardoublepage + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + % Page de citation % + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + + \pagestyle{plain} + \vspace*{0.3\textheight} + \enquote{\itshape + We work in the dark - we do what we can - we give what we have. Our doubt is our passion, and our passion is our task. The rest is the madness of art. + }\bigbreak + \hfill ― Henry James, The Middle Years. + + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + % Préambule % + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + + \include{sections/abstract} + + \include{sections/remerciements} + + \cleardoublepage + \pagestyle{corps} + \tableofcontents + + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + % Contenu du document % + %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% + + \include{sections/introduction} + + \include{sections/partie_1} + + \include{sections/partie_2} + + \bookmarksetup{startatroot} + + \include{sections/conclusion} + + \printglossary[type=\acronymtype , title={Liste des acronymes}] + + \printglossary[title=Glossaire,toctitle=Glossaire] + + \include{sections/bibliography} + + \cleardoublepage + \listoffigures + \clearpage + \listoftables + + % Annexes + \begin{appendices} + \include{annexes/interview_toto} + \include{annexes/interview_moufassa} + + \end{appendices} +\end{document} \ No newline at end of file diff --git a/titlepage_export.tex b/titlepage_export.tex new file mode 100644 index 0000000..b8a5968 --- /dev/null +++ b/titlepage_export.tex @@ -0,0 +1,5 @@ +\documentclass{article} % Not really important +\usepackage{pdfpages} +\begin{document} +\includepdf[pages={1}]{phd.pdf} +\end{document} \ No newline at end of file