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3. Robots sur scène
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3.1 Biomechanics 3.2 Faire danser les robots 3.3 Différents
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formats et expériences
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L’état d’art de ce chapitre se concentre sur le lien entre le mouvement du corps
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humain, l’appréhension des enjeux que cela engendre pour la robotique puis
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l’incorporation ou l’embodiment (citer) acquis à travers la danse, dans le
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contexte des spectacles avec des robots [38]–[41]. Dans son livre "La robotique
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: une récidive d’Héphaïstos !” [42] Jean-Paul Laumond décrit la controverse
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entre la science- dont l’objectif est de déduire” par rapport à la technologie
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- préoccupé davantage par le faire ” et les observations empiriques. Pour lui,
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la robotique est née de la tension entre ces deux approches contemporaines qui
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correspondent à une phénoménologie de la robotique ”, pour citer Laumond,
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différente de la robotique inspirée des lois naturelles, regroupés sous le terme
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de bio-robotique ”. Néanmoins ces deux disciplines s’inspirent à leur tour de
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la physique, de la biologie, des neurosciences, de la psychologie et d’autres
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théories complémentaires. Ainsi, la robotique peut être considérée comme un
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moyen de comprendre et de mettre en œuvre la complexité du vivant, à travers un
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mélange des savoirs-faire et des pratiques. Dans une démarche parallèle, proche
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d’une approche sociologique, la complexité du vivant pourrait être appréhendée
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aussi par l’art, comme discipline [44] à travers ses intentions spéculatives
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et provocatrices ” [43]. L’artiste Simon Penny utilise la dichotomie entre une
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forme de savoir qui réside dans l’abstraction et une autre qui réside dans la
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réalité concrète du monde [43] pour introduire un concept émergent qu’il a
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intitulé la robotique culturelle ”. Ce concept met en avant le lien entre les
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robots et les sociétés dans lesquelles ces derniers évoluent. Si dans les
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premiers chapitres nous avons pu comprendre le contexte artistique que cette
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thèse défend, le suivant chapitre traite du rapport au corps dans la robotique
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et les éventuels enjeux que cela soulève.
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3.1 La biomécanique comme façon d’appréhender le corps
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Le terme biomécanique regroupe la biologie comme science du vivant et la
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mécanique comme science physique d’étude du mouvement- entre ses déformations et
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ses états d’équilibre. Au sens large, cette discipline étudie la physiologie du
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mouvement dans le corps humain avec ses fonctions et ses propriétés respectives.
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Des disciplines comme la robotique, la médecine ou le design s’appuient sur des
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principes de biomécanique pour mieux construire leurs hypothèses de recherche.
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Dans le domaine artistique, les danseurs et les metteurs en scène se sont
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également intéressés à la biomécanique pour développer leurs pratiques.
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3.1.1. Meyerhold et son approche sociologique
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La biomécanique a aussi donné nom à une discipline enseignée par le metteur en
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scène russe Vsevolod Emilievitch Meyerhold. Cette discipline fait son apparition
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au début du XXe siècle et cultive une conscience de soi dans l’espace ainsi
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qu’un travail plastique et rythmique de l’acteur. Inspirée entre autres par la
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commedia dell’arte et du travail des danseuses Isadora Duncan et Loïe Fuller,
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cette méthode d’entraînement physique permet aux acteurs de développer leur
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coordination et leur sens du rythme sur le plateau.
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En comparaison avec d’autres éléments du théâtre, Meyerhold considérait le
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mouvement scénique comme un des moyens d’expression les plus puissants. Ainsi
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il dirige entre 1914 et 1917, dans son studio à Pétersbourg une série d’études
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de pantomime accompagnées au piano. Parmi ces exercices- Les Deux Smeraldina”,
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Le poignard” ou La gifle”- reposent sur des activités corporelles comme le
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bond ou la chute ainsi que des éléments d’acrobatie avec différents objets liés
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à la tradition théâtrale- l’epée, la cape ou la canne. Par ces partitions
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rigoureuses, l’acteur est censé comprendre l’importance des différents éléments
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du corps les uns par rapport aux autres. Un exemple que Meyerhold citait lors de
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ses exercices fait référence à l’importance des détails- quand le petit doigt
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bouge, le corps entier doit supporter ce mouvement, pour rendre le petit doigt
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visible jusqu’au fond de la salle. La plupart de ces exercices se font en
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groupe, même si elles ne requièrent qu’une seule personne pour les pratiquer.
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Lorsqu’une personne finit sa pratique, le reste du groupe reprend la totalité de
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l’étude une seconde fois, pour enrichir les variations de propositions. Le
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poignard” et La gifle” sont deux études qui s’exécutent en paire, pour
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travailler la coordination et la précision entre les partenaires. L’élément clé
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de la pratique de Meyerhold est ainsi le corps de l’acteur, considéré comme un
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matériau à travailler individuellement mais aussi collectivement comme l’affirme
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Béatrice Picon-Vallin: Le travail physique de l’acteur, découpé en segments
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d’actions précisément délimités dans l’espace et dans le temps se caractérise
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encore par un montage de matériaux hétérogènes unifiés par le rythme de l’action
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et l’ironie de l’acteur : combinaison de techniques appartenant à différents
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métiers du spectacle, de registres vocaux variés, création d’une sorte d’
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acteur collectif ”. Les meilleurs comédiens ont l’équilibre des funambules, le
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tronc monté sur ressorts des jongleurs, l’audace des acrobates, le coup de poing
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du boxeur, le cri du ventriloque.[a]
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En alternant travail individuel et travail collectif, les acteurs acquièrent des
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bases solides d’interaction et une bonne capacité d’adaptation aux formats et
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expériences. Comme le souligne Mel Gordon dans son article sur Meyerhold (citer
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Gordon[b]), pour le metteur en scène russe la fonction du théâtre est d’abord
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sociale afin d’éduquer et de promouvoir la reconstruction socialiste et
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scientifique de son pays. Lorsque Stalin s’empare du pouvoir,la plupart des
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secteurs de la société soviétique traversent des processus rapides de
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collectivisation et d’industrialisation. Les théâtres, puis plus généralement la
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culture, perdent progressivement leurs moyens et la liberté d’expression.
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D’autres méthodes s’inventent. Le metteur en scène russe voit les troupes de
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travailleurs semi-professionnels comme un outil pour éduquer les masses. Pour
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améliorer sa formation d’acteurs, il applique des principes ou des méthodologies
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scientifiques à la mode dans l’industrie soviétique, à ses fondements
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théoriques. Parmi ces méthodologies, le Taylorisme est le résultat des
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observations de l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) sur
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la gestion scientifique du travail et de la productivité. Au début des années
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1910, sa méthode est largement appliquée dans l’industrie, notamment en Europe
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et en Russie. Après avoir visité des usinés et examiné leurs chaînes de
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production, l’ingénieur est arrivé à la conclusion que les mouvements physiques
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des travailleurs influencent le rendement de la production. Lorsqu’il exécute
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une tâche répétitive, un travailleur s’engage, souvent sans s’en rendre compte,
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dans des mouvements superflus qui diminuent son efficacité. Pour Taylor, il est
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question de trouver les mouvements et les gestes les plus efficaces, dans ce
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qu’il a appelé une économie du mouvement". Pour faire cela, il a dû prendre en
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considération des facteurs comme les rythmes de travail et l’équilibre des
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postures. Toujours pour Gordon, les idées de Meyerhold croisent également celles
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de la psychologie fonctionnelle- dont le psychologue William James a mis les
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bases, ainsi que celles du béhaviorisme. Entre autres James considère la
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conscience et ses états transitoires comme directement liés au corps physique,
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alors que certains schémas d’activité musculaire suscitent des états émotionnels
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équivalents. En Russie à la même époque, des médecins comme Vladimir Bekhterev
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ou Ivan Pavlov ont aussi entamé des recherches sur les comportements et le
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conditionnement des réflexes humains. Selon eux tout comportement humain peut
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s’expliquer par l’histoire des interactions de l’individu avec son
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environnement.
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En s’inspirant de ces observations, Meyerhold les applique à sa méthode
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d’entraînement physique des acteurs. Les effets de ce processus sont ressentis
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lors des spectacles dont le rythme des acteurs est proche d’une chorégraphie. Si
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le décor est souvent inspiré par le courant constructiviste - dont la
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philosophie repose sur l’austérité et les motifs non-figuratifs, les
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déplacements des acteurs dessinent des parcours géométriques à la façon d’une
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danse des motifs. Ces parcours dépendent du nombre pair ou impair des acteurs.
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Ils créent des constellations dans l’espace qui donnent aux spectateurs la
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sensation d’une mécanisation des processus artistiques.
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D’une façon avant-gardiste et engagée, Meyerhold a dédié son travail à la lutte
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des classes, aux problèmes sociaux, en espérant contribuer à la création d’un
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nouveau type humain. Le culte de personnalité et les dérives du régime
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totalitaire stalinien ont fait que son théâtre soit fermé en 1938 et le metteur
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en scène exécuté en 1940, malgré le fait qu’il soutenait pleinement les idées
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communiste.
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3.2 Faire danser les robots
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3.2.1 Nouvelles formes de corporéité sur scène Pour comprendre comment mettre
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en scène les robots, je commence mon analyse avec les problématiques liées à la
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représentation du corps dans les propositions scéniques contemporaines.
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Une certaine partie de la communauté artistique de la danse semble œuvrer à une
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compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et
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chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps
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ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité avec l’émergence des principes
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neuroscientifiques et somatiques. Le livre Disjunctive Captures of the Body and
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Movement” (citer Bojana[c]) interroge des formes de corporéité qui défient la
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subjectivité pour donner une façon propre d’habiter le corps. Pour cela, Bojana
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cite des choreographs tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour
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qui la danse est avant tout un lieu d’expérimentation. Elle questionne
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l’expérience subjective du mouvement, tout comme des chercheurs comme Stamatia
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Portanova qui travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la
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danse (citer Stamatia[d]). Dans le chapitre Can objects be processes?”,
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Portanova se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du
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temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Dans le contexte d’une
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monde dominé par les ordinateurs et les sciences computationnelles, elle désigne
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le glitch comme facteur perturbateur, capable de transgresser les lois physiques
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et de provoquer une faille anachronique: ...the appearance of the new takes the
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form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between
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past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are
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selected in an occasion of experience, in order to determine what the future
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occasion will be. Son hypothesis se construit autour du travail de William
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Forsythe. Le spectacle One Flat Thing, reproduced (2000) a comme l’objet
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Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced” - un site vidéo créé par la
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compagnie de danse Forsythe en collaboration l’Université d’Ohio comme outil
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unconventional de visualisation des paramètres chorégraphiques. Les paramètres
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captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en
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lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie - pour explorer sous un
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autre ongle les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le
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site Synchronous Objects ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori,
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malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de
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représentation- puisque le temps de la performance est unique dans sa
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temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant
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dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la
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représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère.
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Défis chorégraphiques dans la représentation du corps
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Les œuvres chorégraphiques que Bojana analyse ne remplacent pas les danseurs par
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des agents non-humains ou des systèmes numériques comme dans l’étude de
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Portanova. En échange, elles mettent en scène le corps comme support physique du
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mouvement, à la lisière entre expérience subjective et objective. Bojana insiste
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sur la manière dont la relation entre le corps et le mouvement est rendue
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impersonnelle, dé-subjectivé, mais aussi dé-objectivé sur la base d’une
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perturbation délibérée entre sujet et objet.
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Pour mieux définir ces concepts, dans son optique la subjectivation traite le
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corps comme une source d’expression de soi. Ainsi par le mouvement jaillit
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l’envie du corps d’exprimer son expérience émotionnelle intérieure. A l’inverse,
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l’objectivation restreint le corps à un simple instrument d’articulation
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physique, dont le mouvement se fait en ” et pour ” lui-même.
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Dès les premières pages de son livre, Bojana nous introduit au concept deleuzien
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de reconnaissance où le corps et le mouvement se situent dans des relations
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d’interdépendance. L’identité subjective du danseur est reflétée et représentée
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dans l’identité objective du mouvement. Cela l’aide à mieux définir un corps en
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mouvement et comprendre les facteurs qui facilitent ce processus de symbiose.
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Déconstruire le corps humain signifie également construire une multiplicité de
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corps à partir de ses membres. Par le fait d’éviter l’unification d’une seule
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figure reconnaissable dans sa forme et son image, le corps est objectivé. Comme
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Bojana le souligne dans son livre, le partitionner pour recomposer ses parties
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dans un processus de devenir, laisse apparaître des nouveaux corps différents
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et méconnaissables.
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En ce qui concerne mon contexte particulier de spectacles avec des robots, je
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réfléchis aux deux - corps et mouvement - en contrepoids avec la machine.
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Lorsque les danseurs réalisent une synthèse entre le corps et le mouvement, les
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machines deviennent la structure qui anime un corps hybride en mouvement”.
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Cette objectivation opère à plusieurs niveaux, physique et phénoménologique,
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avec pour seul indicateur pour l’expressivité humaine.
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Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps
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réorganisés, comme un processus perpétuel:
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Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons;
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they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a
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nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves
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to other partial objects. (AO: 46)[e]
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Ces constats, des véritables défis chorégraphiques, ont encouragé Bojana à
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regarder de plus prêt les performances qui adressent ces problèmes sur le
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plateau.
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Le spectacle Nvsbl” (2006) d’Ester Salomon met en scène quatre performeuses
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gravitant à partir de quatre coins de la scène vers le centre- parcourant 5,5
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mètres pendant une période d’environ 80 minutes. La trajectoire qu’elles
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effectuent est si alambiquée et prolongée dans la durée que ni les spectateurs
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ni les interprètes n’arrivent à saisir complètement le déplacement dans
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l’espace. Alors que les spectateurs peuvent enregistrer la transformation
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rétrospectivement - en détournant le regard puis en regardant en arrière pour
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vérifier s’il y a eu un avancement - cette expérience reste en dessous du seuil
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de perception (Sabisch 2011 : 186).
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Pour parler de son projet, la chorégraphe cite la critique Peggy Phelan pour
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qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement
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pendant le temps de la représentation:
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…Our visual perception therefore does not provide us with a complete picture
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or idea of reality. Nevertheless, we use visible reality as an effect of
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reality in order to construct our image of reality.”
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Lors de la création du Nvsbl”, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des
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techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre
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antérieur. Lors de la représentation, tous les paramètres par lesquels le
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mouvement est habituellement perçu et reconnu sont suspendus (citer Bojana).
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Aucun élément corporel ne peut être distingué comme initiateur du mouvement,
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puisque chaque performeuse est impliquée dans un mouvement perpétuel qui opère à
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son intérieur. Les chercheurs (citer Invisibility and Oscillation: The Processes
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of Looking in Eszter Salamon’s Nvsbl) évoquent le concept de regard oscillatoire
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(oscillating gaze) pour faire référence au mouvement d’attention qui sollicité
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le spectateur pour regarder autrement ce que se déploie devant ses yeux. Des
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nombreuses parties du corps s’engagent simultanément dans un processus de
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dépliage de formes, comme un corps vivant laisse entrevoir son statut d’objet.
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Un deuxième travail mentionné par Bojana fait référence à la manière de créer
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avec des objets et des dispositifs moins technologiques. Elle prend comme
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exemple le spectacle It’s in the air” (2008) par Ingvartsen and Jefta
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VanDinther dont il est question de réinventer le corps et ses limites dans un
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contexte où les lois physiques sont transgressées. Ce spectacle où un homme et
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une femme performent sur deux trampolines géantes, s’organise autour de
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plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le
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corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de
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la personne qui subisse le rebond:
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We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a
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trampoline can do for us . . . . By introducing the trampolines as a resistance
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to the movement production we force ourselves to reconsider everything we know
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about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm
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and phrasing. (Ingvartsen and van Dinther 2007: 1)
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Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre
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le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps
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mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne
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l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon de
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Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et
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mécanique, en compétition avec la gravité. Sa désubjectivation en relation avec
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des trampolines, montre comment des dispositifs techniques moins complexes que
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les robots peuvent nous interpeller tout autant.
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3.2.2 La corporéité des robots
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Au cours des dernières décennies, des chercheurs dans différents domaines de la
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robotique ont étayé l’importance du mouvement[10] dans la mise en place des
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interactions avec les robots. Pour la grande majorité d’entre eux, le contrôle
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optimal est le facteur clé pour améliorer tout travail collaboratif homme-robot.
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Leur objectif est de générer des commandes motrices adaptées à plusieurs
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contextes et contraintes. Certaines études mesurent l’effet de l’imitation sur
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le HRI [19] alors que d’autres se concentrent sur l’improvisation et
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l’apprentissage par renforcement. A notre échelle, cette recherche-création
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s’attache à comprendre comment la perception du mouvement peut augmenter la
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complicité avec les systèmes artificiels. De manière large, elle interroge la
|
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façon dont le comportement et le mouvement définissent la capacité d’agence et
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l’autonomie des robots- concepts que nous allons aborder dans les prochains
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chapitres.
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Pour programmer [f]des robots qui dansent, il faut trouver des analogies entre
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les symboles abstraits des ordinateurs et les signaux physiques des corps en
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mouvement. Selon le roboticien Jean-Pierre Laumont, un mouvement est perçu par
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les autres dès son achèvement dans l’espace physique (citer livre Laumont). Pour
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lui, toute analyse du mouvement humain, traduisible aux robots, se concentre sur
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la relation entre l’espace physique et l’espace corporel. Les roboticiens sont
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confrontés à ces questions quand ils modélisent un espace physique comme
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l’espace opérationnel dans lequel les actions du robot sont exprimées, alors que
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l’espace du corps est, pour eux, l’espace de contrôle ou l’espace de
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configuration du système robotique considéré.
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Leur travail se concentre sur la prise en compte des informations cinématiques
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d’un mouvement tout comme sur les informations dynamiques - par exemple les
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forces de contact avec l’environnement lors d’un mouvement. La dynamique permet
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entre autres, de contrôler la stabilité du robot pour générer des mouvements
|
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fluides et sûrs. Comparativement à la biomécanique, qui permet d’affiner
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l’interaction du corps humain avec son environnement, la dynamique est un
|
||
critère important pour observer la qualité d’un mouvement et mesurer sa
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performance. Ainsi les humains, comme les animaux, utilisent des forces de
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contact pour générer du mouvement et se tenir debout face à la gravité. Pour
|
||
cela, ils effectuent des tâches complexes où ils adaptent leur corps à
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||
l’environnement de façon spontanée. La communauté scientifique à formalisé cette
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||
propriété innée dans la théorie des primitives de mouvement dynamique (en
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anglais Dynamic Movement Primitives ou DMP).
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Pour programmer des mouvements similaires à une danse, il faut les décomposer
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dans une séquence de mouvements élémentaires, basée à son tour sur des
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primitives de mouvements dynamiques. Lorsqu’il s’agit de modéliser les processus
|
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psycho-somatiques ou les émotions qui déterminent une danse, les choses
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deviennent en général compliquées. Des avancées en neurosciences s’intéressent à
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ce type de défis (citer études).
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À cet égard, chaque mouvement peut être modélisé sous la forme d’une équation
|
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mathématique qui respecte les lois physiques. Cette équation est à son tour
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traduite en langage de programmation. Des modèles mathématiques sous-jacents à
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l’analyse de la dynamique du mouvement humain correspondent à des modèles
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descriptifs basés sur une multitude de variables mécaniques. Dans ce sens, les
|
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équations de mouvement ont une terminologie spécifique, selon leur domaine
|
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d’utilisation. De façon générale, elles décrivent le mouvement d’un objet
|
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physique selon les lois de la mécanique newtonienne.[g] Ce mouvement peut être
|
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représenté sous la forme de coordonnées sphériques, cylindriques ou
|
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cartésiennes. Il comprend l’accélération de l’objet en fonction de sa position,
|
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de sa vitesse, de sa masse et les variables connexes. Selon Laumond, en
|
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robotique une équation de mouvement est définie comme un moyen de comprendre la
|
||
relation qui varie entre le temps pour un mouvement spécifique, le moment des
|
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forces appliquées sur l’environnement et les forces générées par les muscles et
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transmises par couples articulaires.
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Pour les humains, la capacité de combiner et d’adapter des unités de mouvement
|
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de base en tâches complexes, se produit par la coordination entre des muscles et
|
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des articulations. Puisque le corps humain dispose d’approximativement 700
|
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muscles, 360 articulations et 206 os (citer livre Tozsten), le même mouvement
|
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peut être réalisé en activant différentes parties du corps. Définir le mouvement
|
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à partir des multiples stratégies possibles dévient encore plus compliqué
|
||
lorsque nous prenons en compte la spécificité de chaque individu. Cette
|
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spécificité est souvent observée lors des séances d’éducation somatique où
|
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l’intuition et le ressenti du praticien comptent plus que les statistiques et
|
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les équations mathématiques. Néanmoins une fois une hypothèse émise, elle doit
|
||
être vérifiée scientifiquement pour pouvoir être validée et acceptée par la
|
||
communauté scientifique. C’est en cela qu’un travail intuitif et instinctif en
|
||
danse contemporaine est parfois difficilement transposée en robotique.
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|
||
En fonction des mesures disponibles et de la partie du corps qui initie le
|
||
mouvement humain, différentes approches peuvent être envisagées. Certaines
|
||
études [12, 13] se concentrent seulement sur le mouvement des extrémités ou du
|
||
torse, ce que correspond au task-space ou l’espace des tâches en robotique [11].
|
||
En effet, la plus grande partie du corps humain est le torse; représentant en
|
||
moyenne 43 % du poids corporel total alors que les cuisses, le bas des jambes et
|
||
les pieds constituent les 37% restants du poids total - suivis par les membres
|
||
supérieurs (13%) et la tête et le cou (7%) (citer Tzeren). Une approche plus
|
||
pratique est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse
|
||
capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système
|
||
musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données
|
||
expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps
|
||
réel dépend de la fréquence d’enregistrement. Les roboticiens utilisent des
|
||
techniques de Motion Capture [h]combinées à des technologies comme le Learning
|
||
from Paradigme [112] qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la
|
||
cinématique inverse ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la
|
||
dynamique inversée de l’espace opérationnel [113] (OSID). L’objectif de ces
|
||
technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul
|
||
optimal. Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des
|
||
robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et
|
||
se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements
|
||
synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et
|
||
l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le
|
||
tempo, ce qui ne lui laisse que très peu de possibilités d’improvisation. De
|
||
plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à
|
||
exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent
|
||
en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur
|
||
humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les
|
||
technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS, l’artiste peut se
|
||
connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en
|
||
temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler
|
||
le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques
|
||
basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du
|
||
mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement
|
||
inspirer la communauté artistique. En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10
|
||
minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain a embrassé
|
||
l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID
|
||
développé par LAAS. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde-
|
||
peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon
|
||
devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de
|
||
reconnaître un vieil ami. Une fois interpellé, le robot a attendu quelques
|
||
secondes -probablement dû à un délai de temps de traitement de l’information-
|
||
avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur
|
||
projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et
|
||
finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de
|
||
l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée
|
||
et conscience, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé
|
||
pour répondre à un comportement spécifique. Dans [114] Nakaoka et al. avancent
|
||
l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une "technologie de
|
||
contenu" innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de
|
||
personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques
|
||
ont été combinés avec le feedback des utilisateurs quotidiens afin de mieux
|
||
comprendre leurs attentes. Dans ce sens, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin
|
||
de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010,
|
||
en utilisant l’interface Choréonoïde pour programmer ses mouvements. Tout en
|
||
mettant en œuvre les mouvements de danse d’un chorégraphe très connu apprécié
|
||
par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités de
|
||
mouvement propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux
|
||
contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant
|
||
avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées
|
||
et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la
|
||
perfection un humain. Je suis loin de mes intuitions concernant la spécificité
|
||
des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront
|
||
à étudier de plus prêt ce phénomène. Dans Les corps multiples d’une machine
|
||
performative ” [45] Louis Philippe Demers utilise le terme de machine
|
||
performative ” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une
|
||
saveur de vivacité ”. Pour lui, les expérimentations artistiques [46] avec les
|
||
robots sont des exemples réussies d’incorporation, grâce aux concepts comme le
|
||
body- schema ” [48]– [50] pour mieux implémenter dans les robots les
|
||
fonctionnalités du vivant. Sa vision de l’incorporation [51]–[54] ouvre de
|
||
nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art
|
||
hybride. Dans la même idée, d’autres chercheurs affirment que le comportement
|
||
est le facteur le plus important dans l’avancement de la robotique [19]. Cela
|
||
nous amène, à notre tour, à considérer le rôle des émotions dans la constitution
|
||
d’un comportement. Dans mon contexte particulier de la danse, analyser les
|
||
changements dans la conception et la configuration des projets d’art robotique,
|
||
m’aide à mieux comprendre les possibilités d’interaction physique lors d’une
|
||
performance live. HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années.
|
||
Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en
|
||
œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de
|
||
classification hybrides multimodaux [136] et de l’apprentissage robotique
|
||
interactif. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de
|
||
nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par
|
||
l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix
|
||
binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. De tels rôles
|
||
peuvent être modulés comme dans [137], [138]. Au lieu d’exécuter des mouvements
|
||
préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de
|
||
l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux
|
||
espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet [139] pourraient
|
||
également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un
|
||
seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes.
|
||
Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement
|
||
des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des
|
||
améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent
|
||
l’apprentissage par renforcement [140] sont actuellement en cours de
|
||
développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux
|
||
et comportements afférents[141], tout en interagissant avec les humains.
|
||
|
||
|
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||
3.3 Différents formats de présentation Les projets artistiques avec des robots
|
||
visent des interactions multimodales. Sur scène, ces interactions privilégient
|
||
un contact physique avec des humains, facilité par des gestes, de la voix ou du
|
||
toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de
|
||
rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années
|
||
1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition
|
||
sur la scène artistique: l’Art Robotique. Initialement motivées par des rêves
|
||
personnels en lien avec des défis scientifiques, les premiers projets
|
||
artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les
|
||
automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à
|
||
leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Pour
|
||
cette synthèse, je vais donc commencer par les dispositifs maladroits des
|
||
années 1980, suivis par les expériences bioniques avec des exosquelettes une
|
||
décennie plus tard et les bras robotiques industriels en parallèle avec les
|
||
humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près
|
||
l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique,
|
||
qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour
|
||
élargir et questionner ses directions. A ce stade de mon état d’art, il me
|
||
paraît intéressant de proposer une analyse globale du rôle de l’art robotique
|
||
dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation
|
||
avec les machines. Cela me semble également intéressant d’investiguer dans
|
||
quelle mesure cet art peut devenir un miroir pour refléter des spéculations
|
||
transhumanistes, selon sa réception dans l’espace publique et les médias.
|
||
Lorsque nous regardons la littérature contemporaine (citer art) des roboticiens,
|
||
des artistes et des neuroscientifiques sont en cours d’établir les prémisses
|
||
d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques,
|
||
afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres sélectionnées
|
||
informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout
|
||
en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis
|
||
presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences
|
||
traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une
|
||
meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. Si
|
||
la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots
|
||
sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans
|
||
notre vie quotidienne et nos cultures. La technologie est essentielle pour
|
||
définir ce que les humains sont, du moins dans notre tradition occidentale, où
|
||
la convergence entre l’homme et la machine est à la fois séduisante et
|
||
repoussante. En contrepartie, la culture japonaise entretient une certaine
|
||
distance avec la technologie, expliquant pourquoi les robots sont moins
|
||
problématiques ” là-bas, et comment ils ont été apprivoisés ” (citer) avant
|
||
d’être intégrés dans la société. Ce qui m’intéresse, en observant différents
|
||
formats et expériences artistiques, est de comprendre comment les robots
|
||
pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée ”, avant leur
|
||
industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. Cette
|
||
sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien
|
||
avec la scène. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la
|
||
littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les
|
||
défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. A ma
|
||
connaissance, il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la
|
||
manière dont l’Art Robotique doit être évaluée, cette synthèse s’appuie donc sur
|
||
des méthodes quantitatives utilisées dans les études existantes [19], [20] et
|
||
est complété par les retours artistiques des auteurs ou les archives des
|
||
processus de création et de réception. Le format des œuvres peut aller des
|
||
sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et
|
||
improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont
|
||
mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé rajouter également les
|
||
apparitions dans le média où des robots se présentent en tant que maîtres
|
||
spirituels ou artistes qui prônent un autre type de culture de divertissement
|
||
(citer), afin de voir comment le rapport à la scène est influencé par ce format.
|
||
De cette manière une caractéristique importante de cet étude, repose sur
|
||
l’hypothèse que les interactions homme-robot au contact rapproché [13], [14],
|
||
c’est-à-dire l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques [15]–[18], peut
|
||
améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs
|
||
non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus
|
||
d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est
|
||
ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ”
|
||
ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des
|
||
robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs
|
||
qui ont influencé le développement de l’Art Robotique. Pour argumenter ce
|
||
processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans
|
||
lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la
|
||
façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres
|
||
sélectionnées a facilité des découvertes en robotique sociale. Puisque les
|
||
projets artistiques impliquant les robots ont été soumis à des contraintes
|
||
technologiques (i.e. choix de matériaux influençant le message de l’œuvre
|
||
d’art), je regarde comment ceux-ci sont considérés tout au long des processus de
|
||
création et comment ils ont été mis en scène.[i]
|
||
|
||
|
||
3.3.1 Comment les robots sont apparus Lorsque nous pensons à des robots, nous
|
||
imaginons des dispositifs intelligents, autonomes du point de vue de
|
||
l’alimentation, programmés pour ressentir ” et interagir ” avec nous et
|
||
l’environnement [21]. En contrepoids, l’art veut faciliter l’accès à la
|
||
dimension sensorielle de notre existence. Pour faire cela, les artistes misent
|
||
sur l’affect (voir les sentiments du public) à travers une manipulation
|
||
astucieuse de qualités tangibles ” [22 citation penny anglais]. D’une manière
|
||
prédictible, la définition de chaque terme est soumise à des évolutions
|
||
permanentes, prouvant leur importance dans les préoccupations courantes de notre
|
||
société. Interroger ces transformations dans le contexte de l’Art Robotique,
|
||
aide à déterminer leur caractère dans les prochaines années.
|
||
|
||
|
||
Pas si loin du monde de l’art, la fascination pour des artefacts et des machines
|
||
qui pourraient éventuellement devenir "vivants", a longtemps peuplé les rêves
|
||
des humains. Quelques-uns de ces artefacts- les automates- ont été identifiés
|
||
par des chercheurs [23], [21] comme vecteurs du développement technologique de
|
||
nos sociétés. La définition du terme Automata sous-entend l’existence des
|
||
dispositifs mécaniques qui se déplacent de manière autonome sans être
|
||
directement manipulés par des humains. Remontant l’histoire pour identifier
|
||
leurs origines, nous remarquons l’existence d’appareils mécaniques mobiles
|
||
autonomes à Alexandrie vers le IVe siècle av. J.-C. [21] ainsi l’utilisation des
|
||
gardiens robotiques automatisés ” en bois, conçus à l’époque du roi indien
|
||
Ajatasatru de Magadha un siècle plus tard [21]. Quelque temps plus tard, le
|
||
polymathe Ismail al-Jazari - suronmé "le père de la robotique" parmi les
|
||
roboticiens d’aujourd’hui - a construit plusieurs automates humanoïdes pendant
|
||
la période islamique du XIIIe siècle. Trois siècles plus tard Léonard de Vinci
|
||
aurait présenté à la cour de Milan son chevalier mécanique. Dès le XVIIIe
|
||
siècle, Jacques de Vaucanson présente lors des salons et des expositions
|
||
privées, des inventions comme son célèbre "joueur de flûte" avec des poumons
|
||
artificiels, ainsi que un canard qui pouvait manger, déféquer et flotter sur
|
||
l’eau [23] comme son double animal ” [24]. Selon [25] et [24], Vaucason aurait
|
||
même été mandaté par le roi Louis XV pour construire secrètement un androïde de
|
||
taille humaine vraisemblable dans les plus petits détails à des fonctions
|
||
biologiques du corps humain - respiration, circulation, digestion, mouvement.
|
||
Compte tenu des limitations techniques et matérielles de cette période, ce
|
||
projet a malheureusement dû échouer. Vers la même époque, Wolfgang von Kempelen
|
||
trompe son public en cachant un vrai humain dans son automate joueur d’échecs
|
||
appelé Le Turc", en invitant les nobles à défier les capacités
|
||
intellectuelles ” de sa machine. Un siècle plus tard, des inventions pratiques
|
||
comme le phonographe ou le Cinématographe des frères Lumière confirment
|
||
l’intérêt des spectateurs pour un goût du spectacle inspiré par la science,
|
||
mettant en avant des machines ressemblant à des humains et éventuellement des
|
||
robots. L’histoire de la robotique est étroitement liée à celle d’art [26], la
|
||
sculpture anthropomorphe et la marionnette influençant la robotique plus que le
|
||
design des ordinateurs. La différence entre les automates et les robots sociaux,
|
||
indépendamment de leur utilisation ou de leur forme, est que les premiers sont
|
||
des artefacts uniques, créés à la main ” [27] alors que les derniers sont
|
||
produits en masse, de façon automatisée.
|
||
|
||
|
||
Gakutensoku, une nouvelle race ? Au début du XXe siècle, l’écrivain tchèque
|
||
Karel Capek écrit R.U.R.- Rossumovi Univerzalni Roboti (Les Robots Universels de
|
||
Rossum) - une pièce de théâtre sur des créatures artificielles travaillant en
|
||
usine. Ces créatures appelées "roboti" étaient facilement confondus avec les
|
||
humains en raison de leur forme et de leurs capacités. Conçus pour remplacer le
|
||
travail humain, ils apparaissent capables de réfléchir par eux-mêmes. D’abord
|
||
heureux de travailler pour les humains, ils finissent par prendre conscience de
|
||
leur état et décident de se rebeller contre les humains. Puisque cela peut
|
||
potentiellement provoquer leur propre extinction [28], ils changent de
|
||
perspective et décident de sauver l’avenir de l’humanité. Le texte gagne
|
||
rapidement en notoriété et est traduit dans plus de trente langues à la fin du
|
||
1923 [27]. Le terme robot ” [29] est désormais employé pour désigner des
|
||
androïdes et des automates ("robota" signifiant travail forcé ” en tchèque).
|
||
Le nom du créateur des robots - Rossum [30] - pourrait renvoyer au mot tchèque
|
||
rozum ” signifiant raison ”, sagesse ” ou "bon sens" [31]. Dans cette
|
||
interprétation, les créatures de Capek correspondaient à des serfs apportent
|
||
la raison aux humains ”. Aujourd’hui seulement le terme robot ” [32], [26]
|
||
désigne ce que nous appelons des machines programmables autonomes. Leurs
|
||
applications se sont diversifiées[33], [34] (impactant des domaines comme la
|
||
médecine, l’aéronautique, le militaire) et notre interaction avec les robots et
|
||
leur impact à long terme sur nos vies [4] est en pleine expansion [35]. R.U.R. a
|
||
été diffusé dans le monde entier et a conduit à différentes réactions parmi ses
|
||
spectateurs. Au Japon, le spectacle a été présenté en 1924 sous le titre de
|
||
Jinzo Ningen ” (Homme Artificiel)[36]. Quatre ans plus tard, Makoto Nishimura-
|
||
un biologiste marin sans aucune connaissance préalable en mécanique ni en
|
||
ingénierie - a décidé de construire de toutes pièces une créature autonome
|
||
équivalente, qu’il a nommée Gakutensoku ” . Ce terme traduit par apprendre
|
||
des règles de nature ” vient en réponse aux médias de l’époque où les machines
|
||
sont dépeintes comme des "serviteurs" des humains. Ainsi naît le premier robot
|
||
fabriqué au Japon, selon son créateur "le premier membre d’une nouvelle espèce,
|
||
dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine en
|
||
élargissant nos horizons intellectuels ” [37]. A partir de ce premier exemple,
|
||
c’est intéressant d’imaginer comment les robots pourraient devenir un jour une
|
||
race à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de conscience
|
||
artificielle”. Cette thèse traite des exemples qui apportent les pour” et les
|
||
contre” d’une telle projection, avec l’art comme terrain idéal
|
||
d’expérimentations.
|
||
|
||
|
||
3.3.2 L’Art Robotique du début de XXème siècle à nos jours Avant les années 2000
|
||
Au début du 20ème siècle, les artistes se sont intéressés à la cinétique et les
|
||
sculptures en mouvement. Après les machines de Jean Tinguely [26] et de Marcel
|
||
Duchamps, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’oeuvre Robot K-456 (1964) -
|
||
probablement le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique.
|
||
Son nom vient de l’œuvre de Mozart Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si
|
||
bémol majeur ”, témoignant des liens entre la musique et la robotique. Ce
|
||
prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par
|
||
Shuya Abe [55] pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New
|
||
York. Lors de son apparition publique, le robot K-456 a marché dans les rues de
|
||
New York pour diffuser l’enregistrement du discours du président John F.
|
||
Kennedy. Il a également été impliqué dans une série d’actions type happenings,
|
||
comme celle dans laquelle il fait semblant de déféquer devant des passants. Plus
|
||
tard, dévenu célebre par à son utilisation de la vidéo et des médias de
|
||
l’époque, Paik crée une oeuvre où Merce Cunningham est dedoublé en train de
|
||
dancer sur des fonds de couleur qui alternent entre bleu, blanc et transparent.
|
||
Cette œuvre intitulée Merce by Merce by Paik (1973) confirme les intuitions de
|
||
l’artiste quant à l’impact des moyens technologiques sur la perception humaine.
|
||
Ainsi il nous fait perdre le focus de la perception du mouvement dansé, en
|
||
jouant avec l’environnement qui contient le danseur (citer Stamatia). Le projet
|
||
K-456 reste toujours en cours et vingt ans plus tard, le robot prend part à une
|
||
simulation d’accident intitulée La première catastrophe du 21e siècle ”. Cette
|
||
fois une voiture conduite par l’artiste Bill Anastasi [56] lui rentre dedans en
|
||
traversant la route. Dans ce premier exemple, nous soulignons l’intention de
|
||
l’artiste de provoquer des interactions physiques et de donner l’illusion des
|
||
processus physiologiques propres au robot, similaire au Canard de Vaucanson. Les
|
||
spectateurs de cette performance assistent à une rencontre entre deux machines
|
||
où un robot actionné par un humain (la voiture) heurte un autre. Leur rencontre
|
||
conduit à la destruction du premier, projetant, sans probablement vouloir, une
|
||
relation de confrontation entre les humains et les robots, avec des robots qui
|
||
combattent pour dominer la race humaine. Ce scénario menaçant des robots
|
||
destructifs a été réitéré tout au long des années suivantes. Lors des
|
||
représentations données par Survival Research Laboratories, des machines souvent
|
||
à grande échelle rivalisent pour s’entre-détruire [26], [57]. A la même époque,
|
||
les artistes Bill Vorn et Louis Philippe Demers dépeignaient les robots comme
|
||
des animaux sauvages se contestant un cube de métal (qui représente un morceau
|
||
de viande) dans Au bord du chaos ” (1995). Dans sa performance "A- positif ”
|
||
(1997) [58] Eduardo Kak est littéralement connecté à un robot, à travers une
|
||
aiguille intraveineuse qui transfuse son propre sang à la machine, afin
|
||
d’allumer avec l’oxygène du liquide[28] la flamme d’un dispositif électronique.
|
||
L’acte pourrait être interprété comme une métaphore pour alimenter la machine,
|
||
la nourrir. Cela peut aussi signifier une tentative de le rendre humain, voir
|
||
comment sa réalité physique peut ou pas transgresser les lois biologiques du
|
||
vivant. Cette association de sang et de métal, du vivant et de l’artificiel, à
|
||
son l’origine dans la littérature du début de 19e siècle alors que des écrivains
|
||
comme Mary Shelley, préconisent ce que les chercheurs ont depuis identifié comme
|
||
le syndrome de Frankenstein ” [8], [59]. En analysant les facteurs [10] qui
|
||
influencent l’acceptation des robots humanoïdes, les chercheurs travaillent pour
|
||
mieux expliquer nos attentes envers ceux-ci. De façon similaire, plusieurs films
|
||
[11], [60] mettent en scène des humains artificiels et des études sociologiques
|
||
[61], [62] pour examiner comment l’attitude envers ces robots est influencée par
|
||
leur antériorité et popularité dans le média. Bien que certains artistes
|
||
expulsent des pulsions morbides dans leurs projets d’art robotique, d’autres se
|
||
concentrent sur des émotions moins destructrices. Une approche originale est
|
||
d’utiliser l’ennui et l’épuisement comme forme de résistance face aux capacités
|
||
infinies de la machine. L’œuvre Helpless Robot" de Norman White (1987) [63] est
|
||
un exemple. Après presque un décennie des recherches, il developpe des robots
|
||
capables de ce qu’il définit comme de "la santé mentale artificielle" et dans
|
||
une certaine mesure des robots antisociaux ” [28]. Avec le sentiment de
|
||
l’ennui comme point de départ, il a créé un robot qui suivait les gens présents
|
||
à sa performance. Ce robot soupirait de temps en temps et s’arrêtait lorsque
|
||
quelqu’un lui donnait trop d’instructions. La prochaine version est un tronc
|
||
pyramidal d’environ 2m de haut, conscient de son propre mouvement et du
|
||
mouvement autour de lui. Ce robot s’arrêtait puis demandait aux visiteurs de le
|
||
tourner, étant capable d’exprimer pas moins de 512 instructions vocales [26].
|
||
Après qu’un humain répondait à sa requête, il se plaignait en disant que le
|
||
virage devrait être plus précis, obligeant le visiteur à le retoucher, afin
|
||
d’ajuster son emplacement encore et encore. Il est important de noter que
|
||
l’interaction physique entre le robot et l’utilisateur est initiée dans ce cas
|
||
par le robot. D’autres expérimentations artistiques, comme par exemple Heart
|
||
Robot ” de David McGoran (2008) décrit dans les pages suivantes, s’appuient sur
|
||
un constat similaire. Les robots qui demandent de l’aide à des humains [64],
|
||
ont plus de chances d’engager un contact physique avec eux et peut-être d’être
|
||
acceptés ” dans la société. Plus tard, Norman White participe à une
|
||
collaboration avec sa collègue artiste Laura Kikuka. L’œuvre, intitulée Them
|
||
fucking robots ” (1988) [63], met en place une performance live où deux robots
|
||
-mâle et femelle- simulent une relation sexuelle avec des voix enregistrées, des
|
||
pistons et des fluides mécaniques pour caricaturer une forme de copulation
|
||
biologique. Les deux artistes se sont mis d’accord sur leurs artefactes sans se
|
||
voir et n’ont convenu en amont que sur certaines spécifications techniques 10
|
||
comme la dimension de leur robots. Je note ici l’utilisation du thème de la
|
||
sexualité comme prétexte pour provoquer et éventuellement amuser le public. Les
|
||
robots n’exprimant ni des traits humains érotiques, ni de la séduction. Le titre
|
||
de la performance est proche d’un "jeu de mots dénonçant un cri de sectarisme
|
||
contre une minorité déjà détestée” [28]. Même type de promiscuité chez Marcel Li
|
||
Antunez Roca dont le premier travail intitulé Epizoo ”(1994), met en scène
|
||
l’interprète qui à la discrétion des spectateurs son propre corps. Ainsi son
|
||
nez, ses fesses, ses pectoraux, sa bouche ou ses oreilles sont contrôlés en live
|
||
sur le plateau, via un exosquelette pneumatique. Vêtue uniquement d’un string,
|
||
Roca se tient debout sur la plateforme circulaire tournante de sa performance,
|
||
tel un cobaye. Pendant ce temps son corps et ainsi les quelques éléments
|
||
scéniques (lumière, son) sont contrôlés avec une souris par les spectateurs. De
|
||
même, en utilisant les écrans d’ordinateurs, des parties de son corps nu
|
||
seraient rassemblées dans une imagerie fétichiste. Cela conduit finalement au
|
||
développement d’un des concepts clés de Roca - "la méta-membrane [65] ” par
|
||
laquelle l’artiste est transformé en une interface entre l’œuvre d’art et son
|
||
public, grace à la technologie. Membres d’une scène artistique émergente qui
|
||
veut couper les traditions, afin d’y établir un nouveau courant, Antunez Roca et
|
||
Kac résument leurs idées dans un manifeste [66] où ils déclarent entre autres
|
||
que "les microprocesseurs sont aussi importants dans l’art robotique que les
|
||
brosses, peinture, et les toiles sont en peinture ”. Faisant référence à ces
|
||
projets artistiques, Dixon emploie les termes de "camp art" et de "performances
|
||
métalliques" pour définir une sub-catégorie de l’Art Robotique spécifique des
|
||
années 80 et 90, où la chair et la mécanique se mélangent dans des associations
|
||
kitsch. Ces œuvres d’art provocatrices et parfois violentes soutiennent que
|
||
"l’humanisation des machines et la déshumanisation des humains ” sont
|
||
implacables, avant de prôner un retour à la nature salvatrice [28]. C’est
|
||
important de noter qu’à ce stade de l’expérimentation, la fascination humaine
|
||
pour la technologie est étroitement liée à un sentiment indéfini d’impuissance
|
||
traduit par la moquerie, la promiscuité ou la violence. Une tentative de
|
||
transformer ces peurs et fascinations” [28] en quelque chose de plus
|
||
métaphysique, mais toujours soucieux de la rencontre entre le corps humain et la
|
||
machine, l’œuvre Petit Mal ”(1995) de Simon Penny met en scène un robot
|
||
complètement autonome. Ce robot va sentir et explorer son espace tout en
|
||
suscitant des réactions ludiques chez les visiteurs [67]. L’objectif de Penny
|
||
est de donner l’impression d’une intelligence et d’un comportement spécifiques
|
||
qui ne sont ni anthropomorphes ni zoomorphes, mais propre à sa forme physique
|
||
et nature électronique ” [44]. Cela donnait aussi l’impression d’être plus
|
||
intelligent qu’il ne l’était en réalité. L’artiste a créé un robot capable
|
||
d’imiter le comportement humain, soulignant l’importance de ce qu’il définit
|
||
comme "un mimesis dynamique" - le robot se déplaçant comme les humains, sans
|
||
avoir réellement une forme humaine. Sur son site, Penny décrit Petit Mal" comme
|
||
un "anti- robot ”dotée d’une autonomie d’environ 12 heures, ce qui représente
|
||
beaucoup compte tenu de l’époque de sa construction. Pour le construire,
|
||
l’artiste utilise le modèle d’un double pendule comme générateur de mouvement
|
||
auquel il rajoute des mouvements hésitants et des petits gestes pour renforcer
|
||
l’idée d’autonomie et de libre arbitre. Penny remarque également que parmi tous
|
||
les utilisateurs, les jeunes enfants seraient extrêmement curieux de le
|
||
connaître, tandis que les adolescents agissent de façon indifférente [67]. Dans
|
||
une autre approche, l’artiste japonais Momoyo Torimitsu performe Miyata Jiro ”
|
||
(1997) dans les rues de New York [68]. Habillée en infirmière, l’artiste assiste
|
||
un robot humain réaliste représentant un d’homme d’affaires. Ce qui choque les
|
||
passants est que le robot rampe sur son ventre tandis que l’infirmière le suit
|
||
pour remplacer de temps en temps les batteries qui l’alimentent - pour
|
||
l’anecdote des batteries de motocyclette stockées dans les fesses du robot. Ce
|
||
robot basique a un mécanisme de déplacement assez simple mais à cause de son
|
||
apparence réaliste, provoque un sentiment de mal à l’aise en sa présence [69].
|
||
Encore une fois, l’interaction physique robot-performer est facilitée par la
|
||
mise en scène du robot dans une position de vulnérabilité par rapport à
|
||
l’humain. Cette fois le message artistique s’adresse aux humains, qui par leur
|
||
addiction au travail, s’automatisent”. Pareil aux exemples de "Robot K-456" ou
|
||
"Petit Mal", je souligne la présence du robot dans les rues, dans l’espace
|
||
public, à la place des musées (où le robot serait davantage contemplé) ou du
|
||
laboratoire (où le robot serait un simple outil de recherche pour des tâches
|
||
industrielles). Des champs comme la "robotique située" [70] se concentrent sur
|
||
la façon dont les robots sont perçues dans des environnements complexes. En
|
||
comparaison avec un laboratoire, la personne qui interagit avec le robot dans
|
||
une école ou un hôpital ne remarquera pas ses limites techniques, étant plus
|
||
préoccupée par les indices de son comportement social.
|
||
|
||
|
||
Première décennie du XXIe siècle Autour de la première décennie du 21e siècle,
|
||
des chercheurs avancent l’hypothèse qu’environ 55% de la communication humaine
|
||
est basée sur du comportement non-verbal [71]. Bientôt, les artistes deviennent
|
||
intéressés par les robots et les machines qui "s’expriment" à travers des
|
||
mouvements et des gestes à la place des signaux sonores. Comme mentionné
|
||
précédemment, "Heart Robot" (2008) marque une transition dans la façon dont les
|
||
robots sont présentés dans l’espace publique. Cette fois, les machines bruyantes
|
||
et métalliques sont remplacées par une petite marionnette hybride capable de
|
||
toucher et être touchée. Marionnettiste lui-même ainsi que roboticien, Goran met
|
||
au défi la perception culturelle des robots grace aux émotions artificielles et
|
||
à l’intelligence sociale. Son robot ne peut pas marcher mais présente une forme
|
||
de respiration simulée, du pouls avec un affichage LED type "cœur" sur sa
|
||
poitrine et des clignotements. Ses yeux fonctionnent en quatre modes : endormi,
|
||
somnolent, éveillé et surpris. Ses mains ont trois doigts et un pouce pour
|
||
saisir d’ autres mains. Somme toute, cette créature assez fragile, de la taille
|
||
d’un enfant, s’oppose à l’image des robots puissants de la littérature de
|
||
Science Fiction. Il simule la respiration pour exprimer un état émotionnel
|
||
détendu. Les résultats de [20] montrent comment dans une certaine mesure, la
|
||
mise en œuvre des capacités de toucher dans les interactions avec les robots a
|
||
un potentiel thérapeutique sur les humains. Goran a présenté "Heart Robot ” lors
|
||
de foires et d’événements culturels non liés à la robotique. La plupart des
|
||
utilisateurs adultes qui l’ont touche ou tenu dans leurs bras ont ressenti un
|
||
certain sentiment d’empathie [72] pour lui. Cependant, certains enfants et
|
||
adolescents ont manifesté des réactions agressives et un enfant a donné un coup
|
||
de poing au robot en face, pour voir comment il réagirait [64]. Cet exemple,
|
||
plutôt une exception dans l’accueil du "Heart Robot", prouve que la fascination
|
||
des humains pour les robots pourrait être enracinée dans un sentiment ambivalent
|
||
de peur et d’admiration généré par nos propres limites et projections en tant
|
||
qu’espèce, face à une potentielle autre. Pour revenir au robot Gakutensoku créé
|
||
par Nishimura, il est important de se rappeler que cela dépend surtout de nous,
|
||
humains, si les robots réfutent nos peurs les plus profondes, ou simplement les
|
||
confirment. J’ai mentionné la peur et l’effet d’étrangeté [69] que la présence
|
||
des robots peut avoir sur nous. J’aimerais donc par la suite analyser le travail
|
||
de Hiroshi Ishiguro avec l’œuvre "Telenoid R1" (2010). Professeur d’université
|
||
et chercheur sur des robots humanoïdes hyper-réalistes, il est le créateur de
|
||
"Geminoid HI" (2006)15- un androïde copie identique de lui-même [73]. L’objectif
|
||
de la recherche d’Ishiguro est d’enseigner l’expérience humaine aux androïdes.
|
||
Par ce projet présenté lors du Festival Ars Electronica, il a conçu un robot
|
||
téléopéré de petite taille, sans membres et qui pouvait manifester son
|
||
engagement qu’à travers des mimiques et du retour vocal. En comparaison avec
|
||
Heart Robot" il a provoqué des réactions distinctes. Puisqu’il était piloté par
|
||
un opérateur humain, ce robot a été capable de passer d’une langue à l’autre
|
||
très rapidement, donnant l’impression d’être un "fantôme dans la machine" -
|
||
concept expliqué dans [74] comme indépendant de la machine elle-même (plutôt un
|
||
produit de l’influence des machines sur l’environnement). Cela peut aussi
|
||
rappeler en quelque sorte des robots de proximité de Demers [46] et de son
|
||
intention de rendre crédibles des agents peu crédibles. Plus probablement les
|
||
démonstrations d’élocution ou d’adaptabilité des robots motivent peu les
|
||
interactions physiques des spectateurs. La peur de l’humain d’être contrôlé par
|
||
un robot surpuissant augmente au fur et à mesure que le robot exprime plus
|
||
d’agence et d’autonomie. Cependant dans un étude avec des personnes âgées [75],
|
||
des chercheurs de l’équipe d’Ishiguro ont remarqué qu’en étreignant spontanément
|
||
Telenoid R1, les humains éprouvent de la sympathie pour lui. Toujours selon
|
||
l’article, cela peut éventuellement s’expliquer par le fait que les personnes
|
||
âgées ignorent le sens du concept de robot télé-opéré. De façon similaire,
|
||
d’autres robots d’Ishiguro ont participé à des projets de théâtre lors des
|
||
collaborations avec le metteur en scène Oriza Hirata [76]. Sur scène l’accent
|
||
est mis sur l’intrigue narrative donc les robots jouent leur propre rôle [77] et
|
||
ils sont acceptés ” dans leur singularité. L’effet d’étrangeté diminue par
|
||
conséquence.
|
||
|
||
|
||
|
||
Pour aller plus loin sur ces considérations, le chercheur Guy Hoffman introduit
|
||
le concept "d’étrangeté sociale" [78] en relation avec les robots sociaux et
|
||
leur compagnie. Selon lui, les robots de compagnie peuvent déclencher des
|
||
troubles psychologiques importants, selon la fragilité et le profil émotionnel
|
||
des usagers. Dans ce contexte, les conventions scéniques peuvent devenir
|
||
l’environnement approprié pour que l’intelligence des robots exerce sans
|
||
contraintes sa spécificité.
|
||
|
||
Parmi les formes performatives, la danse est celle qui exige beaucoup de contact
|
||
physique. Nous avons vu plus haut comment les paradigmes liés à la
|
||
représentation du corps en mouvement impactent les nouvelles créations
|
||
scéniques. A la fin des années 1960, des chorégraphes comme Deborah Hay, Steve
|
||
Paxton ou Lucinda Childs ont collaboré avec les experts en informatique des Bell
|
||
Labs, pour danser avec des machines pendant les événements E.A.T. (Expériences
|
||
en art et technologie). Presque à la même époque, Merce Cunningham utilisait
|
||
l’ordinateur pour créer des outils chorégraphiques [79] qui génèrent des
|
||
mouvements artificiels. Plus récemment, avec le développement des robots
|
||
industriels, les chorégraphes ont commencé à les inviter sur scène. Cela a
|
||
motivé les chercheurs à améliorer encore plus leur mouvement et capacités [80]
|
||
d’adaptation. Parmi les pionniers des projets de la danse robotique, j’aimerais
|
||
mentionner deux artistes qui ont choisi de mettre des machines
|
||
non-anthropomorphes sur scène. Le premier est la performance Sans objet ”
|
||
(2009) d’Aurélien Bory, où deux danseurs impressionnants par leur précision,
|
||
exécutent des acrobaties sur un bras industriel de General Motors [83]. Face à
|
||
la taille du robot, ils ressembleraient à des insectes qui sautaient sur une
|
||
branche d’arbre. A l’opposé la série Actor # ” (2008-2010) de Kris Verdonk
|
||
[81], [82] présente le spectacle Dancer #3 ” où la scène est vide, à
|
||
l’exception d’un petit robot maladroit qui a du mal à se tenir débout. Chaque
|
||
fois il retombe, sans jamais céder à son objectif, endurant inlassablement ce
|
||
processus d’essais et d’erreurs. Comme la séquence se répète, des bips sonores
|
||
choisis par Verdonk donnent l’impression d’une voix avec des soupirs de la part
|
||
du robot. Les spectateurs projettent une attitude empathique envers lui, comme
|
||
ils le font probablement avec les danseurs de Bory- bien que ceux-ci se mettent
|
||
en danger pour escalader le bras robotique. Certaines questions importantes
|
||
autour de l’automatisme et de l’autonomie émergent de ces deux exemples. Que se
|
||
passerait-il si le petit robot abandonne ” ses essais ? Ou si le robot géant
|
||
décidait de secouer les humains qui pendent dessus ? Pourquoi le manque de
|
||
maîtrise du deuxième robot impressionne tout autant que la précision des
|
||
danseurs du premier exemple? Probablement parce-qu’un corps non-humain en
|
||
mouvement
|
||
|
||
La persévérance d’un robot dans sa maladresse ou sa précision et endurance
|
||
élevées (qui sont évidemment des comportements pré-programmés ) sont à l’opposé
|
||
d’une figure humaine imparfaite qui vacille dans son indécision et incertitude.
|
||
|
||
|
||
Fascinées par la haute précision et la froideur automatique ” des robots
|
||
industriels, des chorégraphes émergents comme le Finlandais Thomas Freundlich,
|
||
la Britannique Merritt Moore ou l’Américaine Catie Cuan continuent de défier
|
||
leur potentiel créatif sur scène. Parmi d’autres, le travail du chorégraphe
|
||
taïwanais Huang Li, intitulé Huang Yi & KUKA” impressionne par sa délicatesse
|
||
et sa puissance. Le l’artiste a mis plusieurs années à s’habituer à la
|
||
programmation d’un bras KUKA par lui-même [84]. La performance qu’il propose a
|
||
eu plusieurs versions depuis 2012, une seule minute de chorégraphie du robot
|
||
nécessitant 10 à 20 heures de programmation. Sur une musique classique de Joshua
|
||
Roman, l’homme et la machine interchangent des rôles. À la fois, le robot
|
||
manipule complètement le corps de l’interprète, en le touchant tendrement. La
|
||
fluidité de ses mouvements illustre les progrès réalisés par l’industrie
|
||
robotique des dernières années. Encore une fois, il paraît que les machines
|
||
peuvent exprimer tout leur potentiel sur scène, là où la rencontre avec les
|
||
humains est libérée du contexte productif de l’industrie. Pour souligner cette
|
||
observation, je m’appuie sur le commentaire de Bory concernant son propre
|
||
travail, pour qui un robot industriel hors de son contexte devient aussi
|
||
inutile comme tout geste artistique devrait l’être ” citer Bory. Ceci est
|
||
valable dans d’autres disciplines artistiques, par exemple en musique. Pour
|
||
appuyer cela je mentionne Shimon live impro jazz performance ” (2009) de Guy
|
||
Hoffman. Ici la machine est extraite de son contexte industriel et conçue
|
||
exclusivement pour un jam d’improvisation jazz. Shimon est un robot-joueur de
|
||
marimba capable d’improviser, conçu par Hoffman qui est lui-même musicien. Le
|
||
chercheur a utilisé une approche gestuelle pour son expression musicale, avec
|
||
des alternances entre des mouvements lents et rapides, des gestes grands et
|
||
petits pour travailler sa virtuosité. Comme dans la danse, chaque geste est
|
||
divisé en plusieurs phases qui se succèdent [85]. Pour modéliser les imprévus du
|
||
temps réel et faciliter des moments synchronisés non scénarisés lorsqu’ils
|
||
jouent ensemble, Hofmann a utilisé une méthode d’anticipation spécifique au
|
||
théâtre. Pour lui, les roboticiens devraient s’en inspirer plus par des
|
||
techniques de formation d’acteurs comme le monologue intérieur continuel ”
|
||
lors de la conception des robots capables de comportements reactifs[86]. En
|
||
travaillant avec des systèmes robotiques orientés vers l’action et la
|
||
perception, Hoffman a obtenu des mouvements rapides plus adaptés - son but étant
|
||
d’atteindre quelque chose proche de la "réactivité intuitive" d’un robot. Dans
|
||
une approche connexe, l’Université Waseda conçoit également des robots qui
|
||
improvisent de la musique en temps réel avec des partenaires humains. L’une de
|
||
leurs premières expériences d’improvisation est le Waseda Flutist Robot”
|
||
(2008), un prototype ayant subi plusieurs améliorations depuis les années 1990
|
||
[87], probablement version raffinée de l’Automate de Vaucanson du 18éme siècle.
|
||
Cependant la musique n’implique pas un contact physique entre interprètes, mis à
|
||
part un contact étroit avec les instruments de musique. Néanmoins le niveau de
|
||
complicité lors d’une improvisation musicale est suffisamment élevé pour établir
|
||
quelque chose semblable à une interaction physique, puisque le robot et l’humain
|
||
ont un statut égal lors d’une improvisation. Cette parité pourrait également
|
||
être maintenue et peut-être améliorée pour l’improvisation dansée, lorsque les
|
||
mouvements des robots ont une qualité de réponse similaire à celle des
|
||
danseurs. Au début des années 2000, le compositeur Japonais Suguru Goto a
|
||
construit des systèmes où les gestes des robots peuvent modifier en temps réel
|
||
le processus scénique[88]. Son prototype Body Suit ”, créé par Patrice Pierrot
|
||
en 1997, a été initialement utilisé pour contrôler le son et les images générés
|
||
par un ordinateur sur scène. En 2003, son prochain projet Robotic Music ”
|
||
associant 5 robots à percussion, permet à un interprète doté d’un Body Suit ”
|
||
d’improviser en live via 12 capteurs de flexion, avec les percussions
|
||
acoustiques robotisées ”, du son et de la lumière. Semblable à une musique
|
||
d’improvisation électroacoustique qui offre une grande liberté d’expression, le
|
||
comportement des robots ainsi que leur interactivité avec les autres partenaires
|
||
de scène stimulent l’imagerie artistique des spectateurs. La panorama des
|
||
possibilités d’expression artistique des robots continue avec un projet de
|
||
recherche de l’Université du Tohoku [89]–[91] qui développe des robots qui
|
||
dansent. Leur l’hypothèse principale est qu’en comprenant ” et en anticipant
|
||
les intentions humaines, un robot peut s’engager plus activement dans
|
||
l’interaction avec un humain. Pour faciliter une synchronisation du couple,
|
||
leurs études se concentrant sur la qualité des mouvements corporels [92]
|
||
soulignent l’importance d’ une analyse poussée des capteurs de mouvement
|
||
(MoCap). Une autre étude plus récente[93] utilise un robot enseignant la danse,
|
||
pour évaluer les compétences nécessaires lors des processus d’apprentissage HRI,
|
||
basées sur le contrôle de l’impédance adaptative et le retour haptique. Le robot
|
||
effectue un mouvement continu d’adaptation à la dynamique de l’interaction,
|
||
tandis que l’humain assume le rôle de suiveur. Dans ce contexte particulier, est
|
||
le mouvement une clé pour l’acceptation des robots dans les œuvres d’art en tant
|
||
que catégorie à part, spécifique à leur propre fonctionnement - ni propre aux
|
||
humain, ni propre à des objets, mais quelque chose entre les deux? Je continue
|
||
cette exploration d’Art Robotique avec deux artistes qui ont influencé la
|
||
recherche scientifique à travers leur pratique tout au long de leur vie. Tous
|
||
les deux ont imaginé des installations et des performances où les dispositifs
|
||
automatisés questionnent la capacité des robots à transgresser les
|
||
problématiques inter-espèces et éventuellement acquérir de l’individualité” ou
|
||
une personnalité propre. Commençons tout d’abord avec Stelarc et son
|
||
Articulated Head ” (2010), devenu ensuite Thinking Head Attention Model and
|
||
Behavior System ” ou THAMBS [94]. Comparé au Bory, Stelarc a adapté
|
||
l’utilisation d’un bras robotique industriel Fanuc LR Mate 200ic avec un écran
|
||
de 17 pouces monté sur le robot pour créer un rendu 3D de sa tête, devenue tête
|
||
prothétique. Le système contient également un ensemble de capteurs comprenant de
|
||
la localisation auditive, de la vision stéréo ainsi qu’une vision monoculaire
|
||
pour faciliter une connaissance détaillée de la situation et de son
|
||
environnement. Cette forme de présence qui simule une prise de conscience,
|
||
confrontée au paradoxe ghost in the shell” des robots d’Ishiguro, s’échappe de
|
||
peu aux critères de la vallée de l’étrangeté, puisqu’il s’agit d’une machine peu
|
||
réaliste, presque non-anthropomorphe et donc pas d’un humanoïde réaliste. Ceci
|
||
dit, dans [95] Hertah mentionne comment le robot a surpris (pour ne pas dire
|
||
effrayé) le personnel du laboratoire où ils travaillaient, en pleine nuit. Entré
|
||
en mode veille en raison de son inactivité, le robot a rapidement réagi dans le
|
||
noir, lancant un "Bonjour" enthousiaste à un employé qui effectuait son ronde de
|
||
nuit. Alors que l’interaction homme-robot s’est produite de façon accidentelle,
|
||
la réaction du gardien a été d’avoir peur, prouvant une fois de plus que les
|
||
humains craignent les robots quand ils sont imprévisibles. Dans une autre étude
|
||
portant sur le rôle du toucher dans les constructions empathiques avec les
|
||
robots et leur impact sur la santé [96], des chercheurs ont associé à un
|
||
moniteur affichant un visage humain, un dispositif doté de deux degrés de
|
||
liberté simulant une main capable de pression. L’ensemble avait certaines
|
||
limitations techniques, car les participants devaient tenir la main du robot en
|
||
continu pendant les essais. Différents scénarios d’interaction ont été proposés
|
||
pour analyser si le toucher combiné avec la parole ou les expressions faciales,
|
||
peuvent améliorer la relation avec un agent artificiel. Il a été conclu que le
|
||
toucher peut entraîner une interaction robotique réconfortante et emphatique,
|
||
quel que soit le contexte des signaux multimodaux qui expriment un état
|
||
d’affection. En ce qui concerne les critères qui relèvent de l’étrangeté sociale
|
||
mentionnés plus haut, je remarque un détail intéressant. La littérature [97]
|
||
offre de riches possibilités d’ expression dans le HRI. Cependant Stelarc a
|
||
toujours vu son corps comme un prolongement des systèmes opérationnels”. En
|
||
utilisant des prothèses et des exosquelettes qui actionnent ses mouvements, il
|
||
s’estompe face à la technologie. Dans ses œuvres, c’est l’humain (et non le
|
||
robot) qui devient étrange. Presque dans une approche contre-culturelle, Stelarc
|
||
a réussi à inverser le rapport à la technologie en l’intégrant dans son corps
|
||
[26], [98] à travers des dispositifs très originaux, comme son troisième bras ou
|
||
les pattes d’araignée. Le travail de Ken Rinaldo, artiste et chercheur intéressé
|
||
par l’hybridation homme-machine (ce qu’on appelle aujourd’hui bionique avancée)
|
||
apparaît dans la meme lignée. Son installation robotique Enteric Consciousness
|
||
” (2010) est un exemple de biotechnologie, dont les principes sont similaires
|
||
aux celles des projets d’Eduardo Kac [28]. Dès 1993 l’artiste crée une
|
||
installation pour que des vrais poissons explorent l’environnement humain en
|
||
pilotant un aquarium automatisé [26] -sorte d’un robot piloté par des poissons.
|
||
Semblable à la performance "A-Positive" de Kac mentionnée auparavant, Rinaldo
|
||
est un pionnier dans le domaine de la biotechnologie. Dans sa contribution
|
||
intitulée : Trans-Species Interfaces : A Manifesto for Symbiogenesis ” [99],
|
||
is décrit son dernier travail comme une interface entre un récipient en verre
|
||
symbolisant un estomac rempli avec des cultures bactériennes vivantes et une
|
||
langue robotique de taille humaine capable de masser l’utilisateur lorsque la
|
||
flore bactérienne est en bonne santé. En utilisant des analogies entre le doigt
|
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(comme extension du cerveau humain) et la langue (en tant que prolongement du
|
||
système nerveux entérique), Rinaldo propose une expérience corporelle
|
||
synesthésique. Son dispositif n’est pas un robot en soi, mais plutôt un
|
||
environnement robotique pour faciliter l’interactivité entre l’homme et les
|
||
machines, par l’intermédiaire du contact physique. La spécificité de chacun de
|
||
ces exemples est qu’ils défient le concept d’anthropomorphisme [100], [101] chez
|
||
les robots. Probablement ces deux artistes ont voulu créer des prototypes pour
|
||
des nouveaux espaces robotiques propres à la création artistique. Profitant de
|
||
ce contexte innovant, j’aimerais avancer la projection anthropologique suivante.
|
||
Pour une grande majorité des humains, les robots sont, du moins actuellement,
|
||
hors de portée. Ils pourraient les rencontrer dans les médias ou lors d’un
|
||
événement spécifique, mais pas interagir directement avec eux dans un contexte
|
||
privé. Ainsi, les robots peuvent apparaître comme différents (au sens d’un
|
||
nature inconnue ”) par rapport aux autres humains, des animaux domestiques ou
|
||
des dispositifs automatisés que nous connaissons dans notre vie courante. Autant
|
||
les imaginer descendants d’animaux sauvages, par leur rareté et leur
|
||
comportement peu connu. En supposant maintenant que l’interaction physique entre
|
||
les humains et les animaux sauvages a principalement été provoquée par les
|
||
premiers (puisque les animaux domestiques ont été inoculés la nécessité
|
||
d’interagir avec les humains pour survivre), comment un robot (ou système
|
||
robotique) qui a trouvé sa propre spécificité et son capacité d’agir,
|
||
interagissait avec nous? Le craindrons-nous, comme nous continuons à craindre
|
||
les animaux sauvages que nous n’avons pas réussi à apprivoiser ? Dans [20], les
|
||
chercheurs ont conçu un outil appelé ‘The Haptic Créature", pour étudier les
|
||
effets affectifs du toucher en HRI. Équipé d’un actionneur et des divers
|
||
capteurs de pression, température et vibrations, ce robot explore le potentiel
|
||
thérapeutique du toucher, partageant certaines caractéristiques animales comme
|
||
moyen d’exprimer un comportement affectif.
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||
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||
Ces dernières années
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||
L’histoire est cyclique et nous avons vu par le passé que des archétypes et des
|
||
leitmotivs se recyclent dans l’imaginaire collectif. Igor Stravinsky a composé
|
||
"Le Sacre du Printemps, l’une des œuvres musicales les plus influentes du 20ème
|
||
siècle. Cent ans après la première houleuse du ballet de Diaghilev, le
|
||
réalisateur Italien Roméo Castelucci reçoit une commande pour adapter
|
||
l’original. La performance Le sacre du printemps ” (2014) confirme le début
|
||
d’une nouvelle tendance dans le milieu de la performance artistique, coupant net
|
||
avec les pratiques traditionnelles et installant une esthétique de la
|
||
disparition ” sur scène [104]. Paradoxalement, le public présent lors de cette
|
||
première n’a pas été contrarié quand les robots ont pris le contrôle d’une scène
|
||
vide. Cela n’était pas la première fois dans un contexte artistique. Des
|
||
nombreux artistes ont déjà envisagé l’idée de remplacer l’humain avec des robots
|
||
sur scène, l’un d’entre eux il y a déjà cent ans [105]. Penny’s "Petit Mal" ou
|
||
Verdonk’s robot maladroit entre autres, sont des exemples plus récents de robots
|
||
agissant seuls sur un plateau. La différence réside ici dans le fait que les
|
||
robots remplacent les interprètes, ils ne jouent pas leur propre rôle ”, comme
|
||
nous l’avons vu dans la section précédente. Dans une scénographie apocalyptique
|
||
sans humains sur scène, des os de vache devenus poudre pour les engrais,
|
||
pourraient symboliser un avenir lointain sans des danseurs réels. Les bras
|
||
robotiques et les machines suspendus au plafond, répandent cette poudre au
|
||
rythme de la musique de Stravinsky diffusée sur les haut-parleurs. La
|
||
technologie facilite l’invention d’un nouveau langage artistique, tandis que la
|
||
mythologie humaine est modifiée pour correspondre à de nouveaux défis. Les
|
||
spectateurs assimilent ces codes avec moins d’étonnement qu’il y a soixante ans.
|
||
Habitués à côtoyer ” les robots, pour citer Laumond, ils sympathisent avec
|
||
leur "faire", tout en assister à la représentation. De même, dans le spectacle
|
||
Nobody is an island ” (2021), le chorégraphe Wayne McGregor défie le potentiel
|
||
d’empathie d’une machine en mettant en place un écosystème hybride entre deux
|
||
performeurs et une sculpture automatisée créée par le groupe Random
|
||
International. La dynamique de cette rencontre tourne autour des possibilités
|
||
d’expression de la machine qui est capable d’identifier la présence humaine et
|
||
de réagir. Son design métallique pointu n’invite pas nécessairement à
|
||
l’interaction, cependant à travers ses mouvements et ses gestes doux, les
|
||
interprètes sont capables de s’approcher d’elle de manière affectueuse ”. Un
|
||
autre type de déconstruction des codes dans l’installation Female Figure ”
|
||
(2014) de Jordan Wolfsen. L’artiste a conçu une femme-robot qui exécute une
|
||
danse lubrique devant un miroir, tandis qu’elle est attaché à une tige
|
||
horizontale perçant son torse. Son apparence est similaire à un sex-toy [44]
|
||
avec les yeux couverts par un masque de sorcière, provoquant des sentiments
|
||
mêlés de désir et de répulsion chez les spectateurs. Fixant les visiteurs et se
|
||
regardant dansant, ce robot remet en cause le concept de prise de conscience
|
||
de la prise de conscience ” [106] – en abordant des questions sur l’émancipation
|
||
féminine du regard masculin ” et sur la manière dont la sexualité est abordée
|
||
dans notre société de consommation [107]. Pour aller plus loin sur cette
|
||
question d’apparence, des visiteurs de Disney’s Animal Kingdom sont déçus parce
|
||
que les vrais animaux ne sont pas aussi réalistes que les versions
|
||
animatroniques vues dans Disney World [9], [108]. Je me demande alors si
|
||
l’exposition excessive à des silhouettes hyper-sexualisées pourrait altérer la
|
||
vision des humains de la sexualité et de la séduction d’une manière analogique?
|
||
Trente ans plus tôt, White et Kikuka, entre autres, ont exploré la sexualité
|
||
d’une façon parodique. Mais est-ce que leur façon de considérer la sexualité a
|
||
été spécifique à leur époque? J’aimerais croire que cela a été spécifique aux
|
||
limites technologiques auxquelles ils étaient confrontés. De nos jours, puisque
|
||
l’industrie pornographique a accéléré le développement des robots et dispositifs
|
||
animatroniques sexualisés réalistes [109] [110], les artistes ont également
|
||
commencé à considérer ces robots hors de leur contexte. Pour questionner la
|
||
notion de sexualité à travers une œuvre, les spectateurs sont moins préoccupés
|
||
par la sexualité du robot, qu’ils sont avec la sexualité en tant que phénomène
|
||
social. Dans cette idée, tout ce qui est créé par nous, musique nosu sommes
|
||
humains, finit par remettre en question des aspects humains. Idéalement, l’art
|
||
devrait assurer un contexte neutre - où les deux questions anthropocentriques et
|
||
technocentriques sont abordées - mais sa réception est biaisée car les
|
||
spectateurs d’une œuvre éprouvent leur propre individualité et subjectivité en
|
||
l’admirant. En sélectionnant ces œuvres où le contact physique avec les robots
|
||
n’était pas privilégié selon les contextes respectifs, il y a toujours les mêmes
|
||
questions ontologiques concernant notre relation avec eux qui persistent.
|
||
|
||
Comme déjà évoqué, souvent dans les propositions artistiques les plus fortes les
|
||
humains engagent un contact physique avec les robots. Par exemple dans la
|
||
performance "Sayonara" (2010) l’une des performances de Hiroshi Ishiguro,
|
||
Geminoid caresse la joue d’une femme qui pleure. Alors que dans le spectacle
|
||
Spillikin ” (2017) du Pipeline Theatre, un androïde tient la main d’une vieille
|
||
dame, pour la consoler de la perte de son mari. Le robot, construit par
|
||
Engeneering Arts company au Royaume-Uni est un ancêtre” de l’Ameca Android,
|
||
impressionnant par le hyper-réalisme de ses expressions faciales. La même
|
||
technologie sera utilisée plus tard pour développer Ai-Da, le premier
|
||
robot-artiste au monde.
|
||
|
||
|
||
|
||
En analysant ces exemples, le récit autour de l’interaction théâtrale aide à
|
||
créer et maintenir un environnement sûr pour les robots. Alors qu’en danse,
|
||
comme nous l’avons vu plus haut, les chorégraphes se mettent en danger, se
|
||
produisant avec des robots industriels dans des séquences de mouvement
|
||
dangereuses. Cette tendance a légèrement changé, lorsque la société française
|
||
Aldebaran Robotics a développé un robot de 58cm appelé NAO, facile à programmer
|
||
et accessible. Des chorégraphes comme Bianca Li ou Emmanuelle Grangier ont
|
||
travaillé avec ce robot d’une manière moins démonstrative. Dans la performance
|
||
de Li, "Robot" (2013), l’un des danseurs aide un NAO à se tenir debout, tandis
|
||
que d’autres NAO entrent en synchronie avec huit danseurs déguisés en robots.
|
||
Quant au travail de Grangier, passionnée par la rencontre avec l’arbitraire,
|
||
nous découvrons une apologie des bugs techniques. Dans Link Human/Robot ”
|
||
(2015), on peut voir un NAO trébuchant sur une danseuse et plus tard la serrant
|
||
dans ses bras. Suivant des questions analogues, le travail School of Moon ”
|
||
(2016) du chorégraphe français Eric Minh Cuong Castaing se concentre sur la
|
||
manière dont les humains pourraient cohabiter avec des robots. La force de sa
|
||
proposition réside dans la double nature de la forme - quelque part entre art
|
||
visuel et objet chorégraphique. Coproduit par le Ballet National de Marseille,
|
||
il implique la collaboration avec le roboticien Thomas Peyruse qui a configuré
|
||
cinq robots NAO et deux Poppy pour les différents étapes du projet- le travail a
|
||
été présenté sous divers formats qui ont conduit à des moments performatifs dans
|
||
des centres d’art et des écoles. L’artiste a mis en scène des enfants, danseurs
|
||
et robots de petite taille avec l’intention de représenter un communauté
|
||
post-humaniste où les humains et les robots performent ensemble des rituels
|
||
sacrés. L’attention est portée sur la perception et les mouvements lents grâce
|
||
au mapping vidéo en direct. Les enfants apparaissent imiter les robots de
|
||
manière délicate, suggérant une possible complicité avec eux. À un moment donné,
|
||
une fille tenant un faux pistolet le pointe vers un robot. Ce geste ambivalent
|
||
illustre à la fois un appel à la destruction mais aussi une forme de résignation
|
||
face aux possibilités et capacités infinies de la machine. Un autre projet qui
|
||
attire notre attention est My Square Lady ” (2015). Cette production d’opéra
|
||
implique un robot Myon dotée d’une forme de conscience proprioceptive et de la
|
||
rétroaction sensorimotrice, qui lui permettent d’improviser pendant la
|
||
représentation. A travers sa participation dans le spectacle, il nous fait
|
||
comprendre assez vite que son principal objectif est de comprendre la musique et
|
||
les émotions humaines. Il est amené à exprimer ses limites sur scène, forçant
|
||
les interprètes à s’adapter à son comportement. Son processus d’apprentissage
|
||
est authentique et se déroule dans des conditions réelles[105]. Hild Manfred, le
|
||
chercheur qui a configuré le robot avec ses collègues du Laboratoire de
|
||
Recherche en Neurorobotique de l’Université Humboldt de Berlin, est également
|
||
présent sur scène pendant le spectacle. Plus tard l’humanoïde modulaire est
|
||
démantelé pendant que des chanteurs, des musiciens et des chercheurs passent les
|
||
parties de son corps de l’une à l’autre. Ce geste est effectué de manière calme
|
||
et douce par rapport aux performances bruyantes vingt ans auparavant.
|
||
Probablement la problématique est restée la même depuis soixante ans et nous
|
||
projetons toujours inconsciemment de détruire les robots par peur qu’ils nous
|
||
détruisent en premier. Néanmoins l’attitude globale envers les robots a
|
||
légèrement changé, les humains étant plus résilients sur le plan conscient. De
|
||
plus, ce robot capable d’être démonté et réassemblé pendant la performance,
|
||
présente des caractéristiques fonctionnelles sur scène, différents du corps
|
||
humain et ses limites[11]. Le projet "Scary Beauty ” (2018) en première mondiale
|
||
au Musée National des Sciences Émergentes et de l’Innovation (Miraikan) au Japon
|
||
est un autre exemple de projet d’opéra, impliquant cette fois un chef
|
||
d’orchestre androïde. Le projet est né de la collaboration entre le compositeur
|
||
Keiichiro Shibuya et l’androïde Alter 2, initialement construit dans le
|
||
laboratoire de Hiroshi Ishiburo de l’Université d’Osaka et programmé par
|
||
l’équipe de Takashi Ikegami à l’Université de Tokyo. Le robot a une apparence
|
||
étrange- mains et visage couverts de silicone, actionneurs à vue, sans sexe ni
|
||
âge- et est équipé d’un système pneumatique. Il a été conçu pour s’adapter aux
|
||
mouvements délicats propres aux conducteurs d’opéra. Après plusieurs essais,
|
||
l’équipe a choisi de se concentrer sur la répétitivité des mouvements de haut en
|
||
bas de l’épaule, plutôt que sur les mouvements de ses bras et mains. Résultat
|
||
ainsi une performance synchronisée où les musiciens suivant les indications de
|
||
l’androïde, jouent différemment d’un concert à l’autre. Pareil aux journaux du
|
||
début du XXe siècle qui ont poussé Nishimura à imaginer Gakutensoku, les robots
|
||
sont intensivement diffusés dans le média. Leurs technologies deviennent open
|
||
source sur les plateformes de développement pour créer des robots conformes qui
|
||
peuvent se déplacer et interagir avec une grande précision. Pour cela, les
|
||
chercheurs poussent leur inspiration dans les concepts et les découvertes de
|
||
différentes disciplines. Que cela est fait pour valoriser l’humain ou relever
|
||
des défis scientifiques - les robots sont conçus pour correspondre et peut-être
|
||
surpasser les attentes des humains. Si je reviens à la projection
|
||
anthropologique proposée auparavant en imaginant le corps modulaire du robot
|
||
Myon, je trouve intéressant d’imaginer des designs robotiques qui surprennent
|
||
les tendances actuelles. Des artistes nonconventionnels héritiers de la
|
||
tradition cyberpunk, comme l’Italien Marco Donnarumma ou la chanteuse
|
||
néerlandaise d’origine iranienne Svedaliza, passent leur temps dans des
|
||
laboratoires afin de développer leurs propres outils et aborder d’une façon
|
||
originelle ces questions. En parallèle, des artistes consacrées continuent à
|
||
réfléchir à la place que les robots occupent dans nos vies. Tous s’imaginent les
|
||
formes les plus extrêmes et les scénarios les plus paradoxaux de co-habitation
|
||
avec les robots. Inferno ”(2015) de Bill Vorn et Louis-Philippe Demers en fait
|
||
partie, en mettant en scène le côté sauvage, indompté, de la technologie. Cette
|
||
performance d’une soixantaine de minutes s’inspire de la représentation des
|
||
différents niveaux de l’enfer décrit dans l’œuvre éponyme de Dante. Trente-six
|
||
bénévoles parmi les spectateurs ont la possibilité d’expérimenter les limites de
|
||
leur corps, en abandonnant leur contrôle moteur à des dispositifs robotiques
|
||
type exo-squelettes pneumatiques qu’ils portent pendant la performance. Par son
|
||
esthétique, Inferno ” pourrait être inclus dans la classification
|
||
performances des métaux ” [28] que j’ai décrite précédemment. Au-delà de la peur
|
||
de perdre le contrôle de son corps, ici l’humain plonge dans les possibilités de
|
||
la machine, comme pour éprouver ses propres limites. Lors de cette performance,
|
||
les artistes ont observé qu’il y a un moment où les performeurs s’en remettaient
|
||
à la machine pour s’engager dans des mouvements exploratoires qui vont au-delà
|
||
de la chorégraphie originale [115]. A travers cet exemple, j’observe un autre
|
||
changement concernant la complicité entre l’homme et les robots. Nous pouvions
|
||
difficilement imaginer la même adhésion du public à l’invitation de Demers et
|
||
Vorn, sans passer par les propositions artistiques antérieures. Il fallait que
|
||
des artistes comme Marcel Li Antunez Roca testent sur eux-mêmes ces technologies
|
||
vingt ans plus tôt, afin de les rendre accessibles aux participants. Puisque les
|
||
artistes rêvent au moment où des robots pourraient devenir créatifs, les
|
||
roboticiens considèrent également la créativité comme un aspect important de
|
||
l’autonomie des robots [52], [116], [117]. En 2019, Ai-Da (le premier robot
|
||
humanoïde artiste au monde) a eu une intervention publique pour définir sa
|
||
démarche artistique qui utilise la peinture comme moyen d’expression. Même si
|
||
Ai-Da a été conçue avec des algorithmes d’IA complexes pour rendre son bras
|
||
robotique capable de toucher et de peindre, nous ne pouvons pas parler de sa
|
||
spécificité puisque son rôle est d’imiter à la perfection les artistes humains.
|
||
Probablement des gens autour d’elle, tout en écoutant son discours comme s’ ils
|
||
écoutent le discours de n’importe quel artiste, sont moins intéressés par le
|
||
contact physique - comme ils le feraient, par exemple, en touchant Helpless
|
||
Robot ou tenant dans leurs bras Heart Robot. De plus, les moments où Ai-Da est
|
||
capable de feedback verbal "spontané", sont plutôt maladroits et imprécis. Alors
|
||
que le robot déclare qu’il crée de l’art avec d’autres artistes humains, nous
|
||
devons garder à l’esprit que dans les exemples précédents où des robots et des
|
||
humains co-créant ensemble à travers la musique, les techniques d’improvisation
|
||
ont été bien préparés à l’avance. Par conséquent, il pourrait y avoir peu de
|
||
place pour la liberté et la spontanéité dans cette quête d’autonomie à travers
|
||
la créativité. Dans une tentative originale de répondre à ces questions, une
|
||
équipe de scientifiques du Canada ont décidé de mettre en place une expérience
|
||
où les humains interagissent seuls avec un robot auto-stoppeur. Ils ont ainsi
|
||
conçu HitchBot - un véritable aventurier qui voyage en auto-stop, sans pouvoir
|
||
se déplacer mais doté de l’expression orale, de la reconnaissance vocale et des
|
||
interactions visuelles limitées. Proche du design de Heart Robot, il n’est pas
|
||
assisté par ses développeurs lorsqu’il interagit avec les humains. Pour être
|
||
autonome, il repose sur une batterie solaire, de l’ Internet mais aussi des
|
||
bonnes intentions des personnes qui le prennent dans leur voiture. Ses
|
||
concepteurs n’ont pas contrôlé à distance HitchBot, ils ont seulement vérifié
|
||
son itinéraire lors d’un premier voyage de 26 jours au Canada (documenté toutes
|
||
les 20 min par une caméra envoyant des photos de son expérience). Suite à une
|
||
forte médiatisation du projet, le robot a ensuite participé à des expériences de
|
||
voyage en Europe. En 2015, il est même arrivé aux États-Unis mais peu de temps
|
||
après a fini par être démantelé [118] et abandonné près d’une autoroute.
|
||
Inspirée par cette histoire, la metteuse en scène française Linda Blanchet a
|
||
créé en 2019 le spectacle "Killing robots". Le projet aborde des questions
|
||
d’éthique concernant les robots, mêlant documentaire et fiction. J’aimerais
|
||
souligner le fait que HitchBot ne fait pas partie de la catégorie des robots
|
||
capables des effets d’inquiétante étrangeté, puisqu’il n’est pas un robot
|
||
hyperréaliste. Il n’avait certainement pas une grande autonomie, ni de l’agence
|
||
et, comme dans le cas du projet "Heart Robot", il comptait sur l’empathie
|
||
humaine pour compenser sa vulnérabilité -ne pas pouvoir bouger ou faire des
|
||
gestes, à moins d’être porté par des humains. C’était une créature plutôt
|
||
vulnérable ” qui, dans une certaine mesure, pourrait être comparée au robot
|
||
aveugle que Louis Philippe Demers a créé en 2013. Ce robot, fixé à une table,
|
||
est composé de deux bras mécaniques montés sur la même base. J’ai délibérément
|
||
choisi de clore cet état d’art avec lui, même si sa mise en scène est très
|
||
basique. Je suis convaincue de la force de la proposition qui réside dans ce
|
||
cadre simple. Dans un espace théâtral peu éclairé, le robot explore délicatement
|
||
le visage de la personne assise devant lui. Ce geste est ce que les humains
|
||
aveugles sont censés faire lorsqu’ils reconnaissent les personnes ou les objets
|
||
autour d’eux [106]. Dans certaines versions de l’installation, un miroir de
|
||
taille moyenne (comme dans l’œuvreFemale Figure" de Wolfsen) est placé derrière
|
||
le robot - permettant aux visiteurs de s’observer pendant l’interaction. Ainsi,
|
||
le milieu artistique garantit un espace sûr pour l’expérimentation. Les
|
||
spectateurs finissent par se laisser toucher par le robot. Le différence entre
|
||
les expériences de Demers et la triste fin de HitchBot est qu’aucune convention
|
||
artistique n’a été établie avec les utilisateurs de HitchBot [119]. Des études
|
||
sociales confirment que les gens sont plus susceptibles d’attribuer de la raison
|
||
et des états mentaux aux robots, plutôt que des états émotionnels ou des
|
||
sentiments [120]. En retournant à nos observations initiales, une fois de plus
|
||
le contexte de la scène artistique apparaît comme un environnement sûr et neutre
|
||
pour apprendre à connaître les robots. Il y a vingt ans, les roboticiens
|
||
imaginaient un processus irréversible concernant notre transformation en
|
||
machines [12]. Cependant, certains ont réfuté cette hypothèse, insistant sur le
|
||
fait qu’aucun robot ne pourra prendre le contrôle de nos vies, puisque nous
|
||
aurions tous déjà muté le moment où les robots auraient atteint la Singularité.
|
||
Comme l’art a presque toujours anticipé les transformations dans nos sociétés,
|
||
parfois sans même s’en rendre compte, peut-être que des œuvres post-humanistes
|
||
sont étroitement liées à cette intuition. Comme dans les spéculations en
|
||
robotique, ces œuvres pourraient annoncer un point de non-retour pour nos
|
||
perspectives en tant qu’espèces. Au fur et à mesure que les deux disciplines
|
||
évoluent, nos croyances en l’avenir changent également. Les lignes deviennent
|
||
floues et ce n’est pas très clair où les humains et les robots se rencontreront
|
||
en fin d’Anthropocène [36], [102], [103]. Si les robots vont coloniser les
|
||
villes actuelles ou hybrider les modèles familiaux posthumains [36], l’art
|
||
robotique contemporain pourrait-il concilier la projection fataliste concernant
|
||
notre cohabitation avec les machines ou est-ce reflétant simplement un
|
||
porte-parole transhumaniste ? Si l’art devait être inutile, alors comment
|
||
pourrait-elle éviter le piège de la prédiction de la domination de la
|
||
technologie sur l’humanité? Le sujet de l’adversité envers les robots, présent
|
||
dans les premiers exemples où les robots étaient manipulés par la force ou la
|
||
violence, se dissout lentement dans les prémisses post-humaines d’un monde en
|
||
mutation. Quels gestes seraient appropriés dans ce contexte? Devons-nous
|
||
concentrer notre attention sur des manières douces d’interagir avec les robots
|
||
au lieu de s’amuser à les démonter ? Cela éviterait-il la condition
|
||
prédéterminée des humains qui les créent et donc établissent sans vouloir une
|
||
relation de concurrence ou de domination avec eux ?
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
IV. DISCUSSION Dans la plupart des exemples de cet état d’art, les humains
|
||
considèrent les robots et leurs spécificités avec les critères d’évaluation
|
||
spécifiques aux œuvres d’art. Pour résumer notre prémisse initiale, j’ai avancé
|
||
l’idée que les robots peuvent être mieux perçus et compris à travers les
|
||
représentations artistiques. A. L’analyse des œuvres robotiques citées L’analyse
|
||
actuelle couvre des informations sur une quarantaine d’œuvres d’art robotique.
|
||
Cette liste n’est certainement pas exhaustive, encore restreinte à des
|
||
interactions qui présentent une proximité directe ou proche du contact physique
|
||
avec les robots. Qu’il s’agisse d’installations interactives (20%), des études
|
||
d’art robotique (12%) ou des performances (68%), ces œuvres traitent des sujets
|
||
liés à la société (35 %), au domaine du vivant et à la biologie (9 %) ou un
|
||
mélange entre des deux (9 %), ainsi que la musique (12 %), la danse (23 %) ou
|
||
une combinaison entre les deux (12 %). Comme vu plus haut, l’apparence est un
|
||
facteur important pour facilliter la comprehension de la spécificité des robots.
|
||
Les robots ou les dispositifs robotiques déployés sont majoritairement
|
||
anthropomorphes (65%) variant d’une majorité des dispositifs de taille humaine
|
||
(59 %) à des plus petits (26 %) ou plus grands (15%) que l’échelle humaine.
|
||
Suite à la projection anthropologique sur les robots comme animaux sauvages,
|
||
dans certains essais scientifiques [121] les répondants décrivent les robots
|
||
collaboratifs comme étant similaires aux animaux. L’une des raisons peut etre
|
||
l’attribution et l’execution des tâches simples par les robots. D’autres sujets
|
||
invoquent l’auto- dépréciation humaine par rapport aux performances du robot
|
||
[121] indépendamment de son apparence. Proche des modèles de corporeité humaine
|
||
pour les robots, l’anthropomorphisme est compris ici comme une faculté
|
||
d’attribuer des caractéristiques humaines à des objets inanimés, animaux et
|
||
autres en vue de nous aider à rationaliser leur actions ” [101]. Autrement dit,
|
||
en projetant notre interprétation sur les actions des robots, nous leur
|
||
délèguons une présence anthropomorphique, quelle que soit leur apparence. Cela
|
||
pourrait augmenter l’acceptation des robots dans la société, avec l’aide de
|
||
l’art. Comme vu précédemment et également mentionné dans [122], les robots
|
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pourraient déclencher encore plus des réactions empathiques parmi les
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spectateurs à travers de la mise en scène, puisqu’ils interprétent les recits
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subjectivement et aiment donner des sens cachés aux actions de ce derniers.
|
||
D’autre part, le concept de robot-centered HRI ” développé dans [34] met
|
||
l’accent sur la vision du robot en tant que créature, "c’est-à-dire, une entité
|
||
autonome qui poursuit ses propres objectifs sur la base de ses motivations, ses
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pulsions et ses émotions. ” De plus, l’interaction avec les gens lui sert à
|
||
répondre à certains de ses besoins ” (tels qu’identifiés par le concepteur du
|
||
robot et modélisé par l’architecture de contrôle interne); par exemple, les
|
||
besoins sociaux sont satisfaits par l’interaction, même si l’interaction
|
||
n’implique aucune tâche particulière ”. Intéressant de mentionner comment, selon
|
||
une autre étude [8], un robot utilisé dans une œuvre d’art doit également être
|
||
présenté comme un dispositif utile pour être mieux accepté dans le monde
|
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occidental. Puisqu’il a été souligné plus haut que le but de l’art est surtout
|
||
de créer du sens, il y a peu de place pour des robots utilitaires dans les
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||
travaux sélectionnés - preuve que les robots sont considérés comme autonomes à
|
||
travers l’art. De plus, en raison de la perspective interdisciplinaire des
|
||
projets d’art robotique, l’auteur est susceptible de traiter sur scène ou dans
|
||
d’autres contextes artistiques, des sujets qui sont moins présents dans la
|
||
société, puisque ses conventions et ses contraintes seront moins présentes
|
||
aussi. Suivant cette idée, il semble que non seulement l’apparence, mais aussi
|
||
le comportement - impliquant les gestes et les mouvements de robots - sont
|
||
importants. Ainsi les chercheurs soutiennent que l’incarnation (l’embodiment)
|
||
est un aspect clé pour l’interaction HRI [39]. De plus, une incarnation au plus
|
||
prés de la nature [5] est souvent citée comme nécessaire pour réaliser une
|
||
interaction sociale significative. Ainsi selon la littérature [2], les robots
|
||
peuvent être : socialement évocateurs, socialement réceptifs et sociables. Dans
|
||
[54], Dautenhahn mentionne également les robots socialement situés - entourés
|
||
d’un environnement social qu’ils perçoivent et auxquels ils réagissent. Comme
|
||
défini dans [3], un robot interactif nécessite des capacités spécifiques : il
|
||
va pouvoir exprimer et percevoir des émotions, communiquer dans un dialogue
|
||
complexe, apprendre et reconnaître les modèles d’autres agents". Par leur
|
||
fonction, les projets artistiques facilitent ce type de comportement et nous
|
||
avons vu dans nos exemples que les robots au design particulier comme par
|
||
exemple Telenoid R1 ” ou hyper-réalistes comme "Ai-Da", peuvent facilement
|
||
interagir lors des divers événements sociaux comme les foires d’art et les
|
||
galeries. Avec 38% des œuvres présentées dans l’espace public : dans les rues
|
||
(par exemple, "Miyata Jiro", "Petit Mal") ainsi que lors des événements
|
||
publiques ou dans les laboratoires (par exemple, "Telenoid R1", "Heart Robot"
|
||
entre autres), il semble que l’Art Robotique n’ait pas de espace de
|
||
représentation prédisposé. Dans le même temps, faire des robots qui réagissent à
|
||
leur environnement, plus disponibles pour interagir avec les passants, pourrait
|
||
améliorer l’opinion publique sur leur autonomie. Qu’il s’agisse d’une illusion
|
||
ou pas, les robots sur scène suivent des critères d’interaction sociale. Dans la
|
||
meme lignée, des études [117] montrent comment la créativité globale s’améliore
|
||
lors des interactions avec des robots sociaux. Revenant aux exemples précédents,
|
||
il est important de comprendre que le fait de créer des projets artistiques avec
|
||
des robots sociaux inspirés par la figure de Gakutensoku pourrait éventuellement
|
||
apaiser les craintes technocentriques actuelles sur la robotique, afin de
|
||
faciliter leur acceptation. Alors que les humains se comprennent mieux grâce aux
|
||
developpements dans les sciences cognitives, la figure du robot devient
|
||
également plus complexe. Dans [101], Duffy soutient que peut-être le la version
|
||
synthétique numérique mécaniste de l’homme ” n’est qu’une représentation de
|
||
l’idée de l’homme. D’autres études [5], [77], [123] considèrent les robots de
|
||
type humain les meilleurs outils pour identifier quel type de comportement et
|
||
d’actions sont perçus comme propres à notre espace et importants pour notre
|
||
developpement. Reste à comprendre quel comportement et attitude nous attendons
|
||
des robots en situation de représentation. De même, le langage corporel et le
|
||
comportement pourraient compenser les éventuels effets d’étrangeté causés par la
|
||
manque des expressions faciales des artefacts [124], de la même manière que les
|
||
modèles dynamiques [125] aident à identifier les affects humains dans le
|
||
mouvement. Puisque la communication tactile a un contenu informatif proche de la
|
||
communication visuelle et vocale, les usagers recherchent naturellement
|
||
l’interaction par le toucher et s’attendent même que un jour les robots
|
||
d’apparence inanimée peuvent répondre à leur stimulation tactile [17]. En
|
||
conséquence, de plus en plus de roboticiens conçoivent des dispositifs
|
||
d’identification par le toucher, sur toute ou presque toute la surface du robot
|
||
[126], également définie comme peau artificielle” [127]. Plusieurs types
|
||
d’interactions corporelles qui font appel à ce type de stimulations tactiles,
|
||
contribuent à une meilleure perception des robots [15]–[17]. Même si peu de
|
||
robots que j’ai mentionné, ont été délibérément conçus pour ce type
|
||
d’interaction tactile, cet aspect a été intuitivement abordé dans certaines
|
||
œuvres d’art [66], [99], [128]. Concernant l’interaction physique, alors que la
|
||
majorité des oeuvres (82%) impliquent une certaine forme d’interaction
|
||
physique(29 %) ou de toucher (53 %), le type de contact avec le corps entier
|
||
prévalait (41 %), suivi des contacts ponctuels (20,5 %) et des contact avec les
|
||
membres (12%). Dans cette mesure, la mise en œuvre des concepts de neuroscience
|
||
comme le schéma corporel ” chez les robots peut augmenter leurs capacités
|
||
d’interaction. Les recherches dans [49] soulignent l’importance de ce concept
|
||
dans la planification et le contrôle de mouvement. Quant aux technologies
|
||
employés : 24 % impliquent des téléopérations, 14 % divers types de logiciels
|
||
commercialisés, 6% de biotechnologies tandis que 56% sont des solutions sur
|
||
mesure. Ainsi mieux developper la mobilité des robots pourrait nous aider à
|
||
comprendre des concepts paradoxaux comme celui de ghost in the shell ”, de
|
||
l’étrangeté sociale ” ou le syndrome de Frankenstein ” expliquant comment la
|
||
peur et la fascination pour les robots coexistent dans notre imaginaire, quelle
|
||
que soit leur apparence et comportement. Alors que 62 % des robots et appareils
|
||
robotiques sont conçus exclusivement pour les artistes, 20% sont personnalisés à
|
||
partir des robots industriels et le reste de 18% sont des robots industriels
|
||
très peu modifiés. [101] suggère qu’une fois que les robots domestiques
|
||
progressent du statut outil à celui de compagnon au travers différents
|
||
environnements et contextes comme l’art, leur rôle et leurs interactions
|
||
changent aussi sensiblement. De plus, d’après [129], plus les caractéristiques
|
||
corporelles sont des copies identiques du fonctionnement humain, plus les robots
|
||
sont jugées comme autonomes et adaptifs. D’autre part [130] illustre comment
|
||
l’apparence humaine peut contribuer à induire des sentiments négatifs chez les
|
||
utilisateurs. Des catégories comme "incarnation de l’organisme" [52] où la
|
||
cognition se produit dans toute organisme et "incarnation de l’organisme" [52]
|
||
où la cognition ne peut se produire que dans des corps vivants, amplifient le
|
||
débat sur l’incarnation la plus optimale concernant les robots. En s’appuyant
|
||
sur les aspects technologiques des représentations du corps, les chercheurs
|
||
espèrent identifier quelles propriétés du schéma corporel biologique que nous
|
||
avons mentionné plus tôt, pourraient être transférés aux robots pour les rendre
|
||
plus adaptatifs et résilients (certaines études comme [131], [132] relient ces
|
||
propriétés à l’aisance collaborative41). D’après [128], toute morphologie peut
|
||
conduire à différentes perceptions de causalité et d’intention, tandis que le
|
||
mouvement est considéré comme un facteur prioritaire dans le perception du
|
||
comportement et de l’autonomie d’un agent [19]. Parmi les œuvres mentionnés, 38
|
||
% sont des dispositifs robotiques mobiles, oeuvrant sur des surfaces scéniques
|
||
d’environ 100 m2 pour 35% d’entre eux, plus de 500 m2 (tout en se produisant
|
||
dans les rues et divers espaces non-conventionnelles) pour 9% des cas et moins
|
||
de 5 m2 pour 56% d’entre eux. Cette majorité de robots mobiles qui interagissent
|
||
dans de petites surfaces, souligne la necessité d’un contact étroit avec les
|
||
robots. Néanmoins, cette zone d’interaction varie de plusieurs centimètres (dans
|
||
le cas du "The Blind Robot" par exemple) à plusieurs milliers de milles lorsque
|
||
le robot voyage avec des gens (comme dans le cas de "HitchBot") - révélant la
|
||
proxémie (proxemics) comme un facteur important qui pourrait influencer
|
||
àl’avenir les interactions H2R.
|
||
|
||
|
||
|
||
Pour l’instant les androïdes hyper réalistes ont une base fixe et ne peuvent pas
|
||
encore se déplacer, en attendant que les technologies émergentes impliquant de
|
||
la MoCap et les alorithmes qui favorisent la marche, sont intorduits à leurs
|
||
capacités. Dans une étude [133] impliquant deux robots Wakamaru, les chercheurs
|
||
ont employé la distance sociale comme indicateur pour comprendre l’acceptation
|
||
des robots par des utilisateurs. Les résultats confirment que l’expérience
|
||
utilisateur peut être améliorée lorsque le robot superviseur est proche et le
|
||
robot subordonné est distant par rapport à l’utilisateur. Chose intéressante et
|
||
le fait que, loin des prédictions initiales, les performances des participants
|
||
semblent se détériorer lorsque le robot est trop proche, quelle que soit sa
|
||
distance d’action. Évidemment ceci est un étude scientifique dont l’objectif est
|
||
loin de celui des œuvres artistiques, où, au contraire, un contact proche peut
|
||
renforcer la complicité entre les interprètes et les robots, du moins du point
|
||
de vue des spectateurs. Puisque les espaces où l’interaction a lieu lors de ces
|
||
performances ou installations varient de plusieurs mètres ("Helpless robot") à
|
||
des centaines de mètres carrés mètres ("My Square Lady"), il me paraît que
|
||
l’interaction renforce le sentiment de complicité avec les robots, à condition
|
||
que la convention artistique soit adaptée en fonction de l’objectifde l’œuvre,
|
||
le thème et son contexte de la représentation. B. Limites Un aspect important
|
||
confirmé tout au long de cette enquête est que très peu d’informations (41%) ont
|
||
été fournies sur la stratégie de contrôle et les spécifications de sécurité des
|
||
robots employés lors des performances artistiques. Des oeuvres utilisant des
|
||
robots industriels qui ne sont pas certifiés pour l’évaluation des risques,
|
||
mettent la vie des artistes et des spectateurs en péril. Ainsi c’est important
|
||
de mentionner que l’industrie du divertissement s’adapte partiellement à ces
|
||
règles et réglementations, tandis que les robots industriels doivent se
|
||
conformer à des procédures de sécurité très strictes. Lorsqu’un robot est
|
||
employé lors des événements largement diffusés, comme par exemple lors du
|
||
concours Eurovision en 2016 le chorégraphe Fredrik Benke ”Rydman a du
|
||
respecter un cahier de charges et des restrictions importantes. Pareil pour la
|
||
Tournée Timeless ” de l’artiste internationale Mylene Farmer en 2013. La
|
||
distance entre les interprètes et le robots est très grande. Plus récemment, des
|
||
normes comme l’ISO/TS 15066 et l’ISO 102101845 qui assurent la cohérence des
|
||
caractéristiques essentielles telles que la sécurité et la fiabilité des cobots
|
||
devient très importante pour les contextes de travail en dehors de l’industrie.
|
||
Avec 53% des robots ou dispositifs robotiques étant le moteur de l’interatcion
|
||
et 15 % supplémentaires ayant à la fois le rôle de suiveur et de leader dans les
|
||
œuvres d’art, il est important de prendre en considération les procédures de
|
||
sécurité et les contraintes techniques de déploiement des robots dans des
|
||
environnements complexes. J’aimerais également souligner que même si les robots
|
||
jouaient un rôle principal (76 %) dans le cadre de l’œuvre d’art, la plupart des
|
||
rôles de leader/suiveur qui leur étaient assignés étaient en fait des
|
||
interactions simulées, bien répétées à l’avance, prouvant que les technologies
|
||
actuelles sont moins performantes que ce que les humains imaginent. Lorsque j’ai
|
||
mentionnés au début de cette analyse les craintes au sujet du potentiel
|
||
destructeur de la technologie et la maniere dont cela va modifier nos vies – il
|
||
reste toujours l’espoir qu’une sécurité et éthique renforcée sont les facteurs
|
||
clé pour améliorer l’impacte de la technologie sur nos vies, commencant par les
|
||
projets artistiques. En conséquence, les perspectives enrichissantes de la
|
||
nouvelle robotique, l’IA et les capteurs intelligents, accompagnées d’une
|
||
éthique interdisciplinaire forte [119], [134] [130], apporteront à la création
|
||
artistique des raisons d’appassement quant aux préoccupations actuelles
|
||
concernant la sécurité et les risques, tout en améliorant les possibilités
|
||
d’interaction non simulées, en temps réel. C. Perspectives futures dans les
|
||
technologies robotiques émergentes Cet état d’art orientée autour de
|
||
l’interaction homme-robot en contact proche releve à quel point les artistes ne
|
||
sont peut-être pas conscients des subtilités technologiques actuelles
|
||
développées dans les laboratoires, dont certains déjà déployés dans les
|
||
industries. Ils ne soint moins au courant des certifications appropriées en
|
||
matière de cobotique et de sécurité. En absence d’une méthodologie officielle,
|
||
les artistes invités à exploiter le plein potentiel de la technologie, décident
|
||
de l’utiliser avec parcimonie. C’est le cas de chorégraphies de renommée
|
||
internationale comme le Suédois Pontus Lidberg ou la Canadienne Isabelle Van
|
||
Grimde qui ont développé des projets utilisant des algorithmes en machine
|
||
learning (ML), autour des rencontres entre une intelligence humaine et une
|
||
artificielle sur scène. Comprendre les effets de la proximité et l’utiliser avec
|
||
justesse dans robotique reste un défi et au moins pour l’art les possibilités de
|
||
création sont infinies. A travers cette synthèse, j’ai tente fournir une liste
|
||
non exhaustive de ces possibilités, ainsi que de possibles convergences entre
|
||
plusieurs domaines et leur lien avec l’industrie, une fois que des prototypes
|
||
attirent l’attention des scientifiques. De même, les artistes pourraient
|
||
utiliser des techniques de reconnaissance des émotions issues des neurosciences
|
||
et de la psychologie cognitive. Des capteurs physiologiques comme la reponse
|
||
galvanique cutanée (GSR), l’électromyographie (EMG), la fréquence de la
|
||
réspiration (RR), la fréquence cardiaque (FC) et l’électroencéphalographie (EEG)
|
||
peut être portés et utilisés par les artistes pour fabriquer des robots
|
||
conscients des émotions des artistes et construire une œuvre interactive à
|
||
partir de ces bases. Des domaines comme la robotique de développement
|
||
élargissent notre compréhension de phénomenes tels la synchronie [135] pour
|
||
mieux décoder des signaux non verbaux appropriés quand les robots doivent
|
||
intégrer des éléments externes pour intéragir avec les humains.
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
V.CONCLUSION Cette analyse révèle que les attentes et les angoisses envers les
|
||
robots sont également présentes dans les œuvres d’art robotiques, quel que soit
|
||
de leur thème, leurs contraintes techniques ou leur design. Dans nos écosystèmes
|
||
sociaux complexes, il n’est souvent pas facile de distinguer les raisons qui
|
||
génèrent l’un ou l’autre. Quant à l’exemple du HitchBot, aprés l’analyse des
|
||
denriers données le concernnat, ses créateurs n’ont pas pu déterminer pourquoi
|
||
le robot a été démantelé. Ils ont décide d’arrêter le projet et ne pas réparer
|
||
HitchBot. Peut-être des prochaines études sociologiques ou anthropologiques
|
||
pourrait determiner si sa destruction a été causée par un acte inconscient de
|
||
peur de la part de quelqu’un qui ne voulait pas comprendre les robots. Certes
|
||
est qu’à la fin du XXIe siècle, l’Art et la Robotique vont entreprendre des
|
||
transformations majeures, laissant place à l’imagination quant à leur possible
|
||
relation et impact dans nos vies. Dans [142], les autheurs affirment que
|
||
l’intelligence originaire des primates a évolué pour résoudre des problèmes
|
||
sociaux et seulment plus tard a été étendue à des problèmes extérieurs du
|
||
domaine social comme la technologie. Depuis il est important de se rappeller que
|
||
l’intelligence du robot est "conçue et exploité dans la mesure du possible pour
|
||
se conformer aux lois, droits fondamentaux, libertés, y compris de la vie privée
|
||
” [6]. En réfléchissant à ces questions, les roboticiens, les artistes et les
|
||
universitaires posent les bases d’une éthique envers les machines [120] pour que
|
||
"des robots personnifiés et d’autres systèmes informatiques incarnés peuvent
|
||
représenter une nouvelle catégorie ontologique. ” Pour cela [134], concevent les
|
||
humains, pas les machines, comme le principal agents responsables dans
|
||
l’équation. Compte tenu de ce principe éthique dans l’évolution de
|
||
l’intelligence, applicable à la fois aux systèmes naturels et artificiels [142],
|
||
j’imagine avec impatience la contribution de la robotique sociale et de l’art à
|
||
la culture générale. Si les artistes inspirent le développement de la robotique
|
||
ou l ‘inverse, les deux disciplines continueront de surprendre nos attentes pour
|
||
lors des prochaines années. Tout au long de cette aalyse,j’ai eu tendance à
|
||
croire que les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition
|
||
indomptée ” [8] avant leur conception humaine. Idéalement notre relation avec
|
||
eux pourrait s’améliorer à l’aide d’expérimentations artistiques centrés sur
|
||
l’interaction de contact proche ainsi que le toucher [143]. Puisque les robots
|
||
ne sont pas capables d’intentions jusqu’à présent, nous ne pouvons que espérer
|
||
mieux nous comprendre [144] nous-memes en tant qu’espèce, en les observant eux
|
||
nous imiter
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
|
||
[a]Picon-Vallin, Béatrice. Meyerhold, Le Cocu magnifique. Éditions Subjectile,
|
||
2017. [b]Gordon, Mel. "Meyerhold’s Biomechanics." The Drama Review 18.3 (1974):
|
||
73-88. [c]Disjunctive Captures of the Body and Movement (livre Bojana)
|
||
[d]Disjunctive Captures of the Body and Movement (livre Bojana) [e]Bojana p.83
|
||
[f]"The human body is a machine whose movements are directed by the soul," wrote
|
||
René Descartes in the early seventeenth century. The intrin- sic mechanisms of
|
||
this machine gradually became clear through the hard work of Renaissance
|
||
scientists. Leonardo da Vinci is one such scientist from this period of
|
||
enlightenment. [g]livre Tozeren. The laws of motion can be summarized as fol-
|
||
lows: A body in our universe is subjected to a multitude of forces exerted by
|
||
other bodies. The forces exchanged between any two bodies are equal in magnitude
|
||
but opposite in direction. When the forces acting on a body balance each other,
|
||
the body either remains at rest or, if it were in mo- tion, moves with constant
|
||
velocity. Otherwise, the body accelerates in the direction of the net unbalanced
|
||
force. [h]parler Xsens [i]Pour ce faire, je met en place une analyse autour des
|
||
fonctionnalités suivantes : • le type d’œuvres d’art ; • le principal
|
||
message/idée/philosophie véhiculé par l’artiste; • la forme du robot :
|
||
anthropomorphe ou non ; • la conception du robot : (i) le robot a-t-il été conçu
|
||
pour le but de l’œuvre d’art ou (ii) une industrie existante robot
|
||
d’essai/service et si oui, (iii) a-t-il été personnalisé pour l’œuvre d’art
|
||
spécifique ; • la mobilité du robot pendant la performance artistique,
|
||
c’est-à-dire fixe ou mobile ; • pour les robots mobiles : (i) la zone de
|
||
fonctionnement couverte et (ii) sa présence dans l’espace public ; • le type
|
||
d’interaction : (i) contact physique (toucher), ou (ii) interaction par contact
|
||
étroit (pas de contact); • la zone/le type de contact : (i) ponctuel survenant
|
||
sur un terminal point, (ii) mains-membres, (iii) contact de tout le corps, (iv)
|
||
avec intermédiaire d’objet • le rôle du robot lors du contact : meneur ou
|
||
suiveur ; • le rôle du robot dans une œuvre performative : principal caractère,
|
||
caractère secondaire, caractère négligeable ; • l’existence de stratégies de
|
||
contrôle et de procédures de sécurité.
|