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\part{Des robots et des ours. Le travail de terrain et ses contraintes}
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\chapter*{Introduction}
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\begin{quote}{Choreography is a negotiation with the patterns your body is thinking.}
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Jonathan Burrows
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\end{quote}
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Cette partie résume mes observations empiriques après cinq laboratoires de recherche, six résidences artistiques, deux études de terrain et une présentation publique. Elle se conclut par des interrogations concernant les formes de conscience propres aux robots. Le premier chapitre traite des possibilités d'improvisation avec des machines. Ces machines consistent en objets électroniques inspirés par des principes de lowtech que j’ai construit et employé en dehors des robots du laboratoire. Le deuxième chapitre présente deux études de terrain autour de la danse et des robots. Un premier en dehors du laboratoire, avec des lycées en danse travaillant avec les doubles virtuels (en anglais \gls{digital twin}) des robots. Le second au laboratoire LIRMM, avec un bras industriel et un humanoïde réel, conçu pour des étudiants en informatique. Le troisième chapitre intitulé \textit{Robots, danse et conscience artificielle}, traite de la créativité et la capacité d’adaptation lors des projets de danse avec des robots. Il détaille une présentation publique qui synthétise mers observations sur ce que peut être une \gls{conscience artificielle}, en lien avec la danse inspirée par des pratiques somatiques. Une notion clé pour la lecture de ces chapitres est celle de l'improvisation en danse.
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La danse improvisée en tant qu'outil de développement chorégraphique et de renouvellement de formes, est relativement récente dans l'histoire de cet art. Au début du 20e siècle May Wigman, Loie Fuller puis Martha Graham et Merce Cunningham l'ont mis en avant, puis dans les années 1970, Steve Paxton développe la \gls{contact improvisation}. Avec le temps cette pratique est devenue constitutive de la danse contemporaine, aidant les danseurs à explorer leur créativité et se connecter avec leurs émotions pour générer du matériel chorégraphié. Pour Paxton, la pratique de la contact improvisation est basée sur la communication entre deux corps en mouvement. Leur contact physique est influencé par les lois physiques qui régissent leur mouvement : la gravité, l'élan, l'inertie. Le corps, afin de s’ouvrir à ces sensations, apprend à libérer les tensions musculaires excessives et à abandonner une certaine volonté de contrôler le flux naturel du mouvement. La pratique consiste à rouler, tomber, être à l'envers, suivre un point de contact physique, soutenir et donner du poids à un partenaire.
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Avec Deborah Hay, Yvonne Rainer, Trisha Brown et d'autres membres de ce qui allait bientôt devenir le \textit{Judson Dance Theatre}, Paxton a suivi des cours de composition basés sur des combinaisons aléatoires, avec Robert Dunn, au studio de Merce Cunningham. Lors de cette période d’apprentissage, le jeune chorégraphe s'est familiarisé avec une vision postmoderne de la danse. Pour une de ses restitutions publiques, il a proposé un spectacle de danse d'un minute où il reste assis sur un banc pour manger un sandwich. En 1972, il réunit un groupe des étudiant pour un travail à la galerie John Weber, ouvrant leur processus d'expérimentation à tous ceux qui voulaient les voir improviser.
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Toujours en 1970, Paxton, Rainer et plusieurs autres membres du Judson Dance Theatre créent le collectif \textit{Grand Union} pour travailler en collaboration, sans structure hiérarchique. Les présentations du groupe font état des moments improvisés et prises de position anarchiques à l’intérieur du dispositif scénique. Lorsqu'il mentionne cette époque, Paxton parle d'un laboratoire de possibilités des formes. À partir de 1986, il se concentre sur une autre technique intitulée \textit{Material for the Spine} (1986-2008), en français \textit{matériel pour la colonne vertébrale}. Comme son nom l'indique, cette exploration vise les muscles, les vertèbres et les récepteurs sensoriels en lien avec la colonne vertébrale et son rôle dans la marche comme préambule à la danse. Pour mes échauffement en danse je me suis parfois servie de cet enregistrement qui dirige une session de préparation de contact improvisation\footnote{https://soundcloud.com/the-amam/audio-recording-of-steve-paxton-guiding-the-small-dance}
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En écoutant la voix de Paxton, cela ressemble à une méditation debout axée sur les micro-mouvements que le corps effectue pour rester droit. Son objectif est d'explorer des états d'immobilité et de désorientation,partie d'une enquête physique sur les états de chute, de position debout et d'attrapage qui précédent un contact.
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L'improvisation dansée facilite la création du mouvement spontanée, sans planifier à l'avance aucun pas de danse ou chorégraphie. Les danseurs répondent à des contraintes, sans s’appuyer sur des schémas de mouvement prédéfinis. Selon leur niveau de lâcher-prise, ils peuvent chercher à créer des mouvements originaux ou à utiliser des mouvements familiers de manière unique. Dans notre contexte, un demi siècle après le début de la \gls{contact improvisation}, l'utilisation des outils numériques est une autre manière d'improviser, propre à la technicisation de nos sociétés. Cette improvisation représente une convergence entre le corps et la technologie, dont l'objectif est de faire émerger des gestes et mouvements qui sortent des motifs habituels des danseurs. Bien que les artistes ont utilisé des dispositifs numériques à partir des années 1960, ces pratiques étaient beaucoup plus expérimentales et exceptionnelles à l’époque. De nos jours, l’accès facile à ces technologies et le dynamisme de leurs avancées, encouragent chercheurs et artistes à comprendre comment leur utilisation transforme le mouvement. Les corps entrent dans un processus hybridation avec l'outil technique. Cette altérité est mise en avant comme ressort pour des nouvelles écritures du plateau où le corps devient un support technologique ou support \textit{pour la technologie}. Similaire à un jeu renouvelé, l'objectif n’est pas de savoir si les partenaires se ressemblent ou s’opposent, mais la façon dont leur imbrication facilité la créativité.
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Les codes culturels contemporains ont un impact sur le corps qui danse, notamment lorsqu'il s'agit d'une transcription gestuelle pour des interactions avec des agents non-humains. Lors d'une improvisation, les règles adaptatives de comportement sont influencées par l’expérience vécue et par les contraintes fixés en amont. Pendant un spectacle qui utilise des nouvelles technologies, la dialectique entre le corps expérientiel et le corps en état de \gls{représentation}, accueille un troisième facteur qui est celui de l’appareil technologique et son ubiquité. Il est important de comprendre les points de croisement entre ces trois dimensions avant de questionner leur impact sur la créativité.
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Nous considérons qu'improviser des mouvements de danse avec des robots peut être un enrichissement pour le renouvellement de la danse. Cela peut générer du matériel de danse innovant. Jusqu'à présent, les pratiques somatiques en danse, comme le Body Mind Centering ou Feldenkrais présentées dans la première partie, libérèrent le corps de l'appât d'une danse \textit{automatisée} ou standardisée. L’étape suivante est de rajouter l’altérité des agents non-humains, à ces expérimentations et d'observer les effets.
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Les robots et les humains peuvent exprimer des émotions au travers des gestes, cela implique principalement de contrôler des mouvements. Chez les humains, ces gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients, comme l'improvisation. Notre intention est de vérifier dans quelle mesure des mouvements improvisés peuvent être recontextualisés ou esthétisés lorsqu’ils sont appliqués aux robots et autre agents non-humains en situation de représentation.
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Un exemple de représentation est la performance du robot HRP-4C pour le DC-EXPO au Japon. Le robot exécute une danse synchronisée, entouré par quatre danseuses\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=LjbyxekEo6s}. Cette synchronisation est préprogrammée, réglée et apprise en amont, puis simplement reproduite sur scène plus comme un spectacle de danse automatisée, qui ne laisse aucun place à l'improvisation.
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Nous détaillons dans les prochaines chapitres nos expérimentations avec des robots et dispositifs automatisés capables de générer des mouvements improvisés, grâce aux algorithmes de planification et de contrôle.
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Tout au long de nos expériences de programmation en cours, les robots utilisent peu de retours de l'interprète. Sa présence seule produit un effet d’étrangeté et nous analysons dans les prochaines pages
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les possibles implications de ce type d'interaction. Les metteurs en scène ou chorégraphes travaillant avec des ingénieurs\cite{pluta2018laboratoire}, mettent en place une \textit{illusion théâtrale}, sortie de double convention selon laquelle les robots seraient autonomes et capable d’agir. A notre tour, en lieu de perpétuer cette illusion, nous considérons important que les robots apprennent à improviser. Ce processus imite l’improvisation humaine, en utilisant des techniques de programmation d’IA. Cependant, Penny souligne que les machines ne sont pas capables d’improviser et lorsqu’elles font quelque chose d’inattendu, il s'agit plutôt d'un \textit{bug} ou d'un dysfonctionnement\cite{penny2016improvisation}. En échange, du point de vue des roboticiens, l'improvisation sur scène peut s'apprendre et se programmer, grâce à des connaissances avancées en apprentissage automatique et en mathématiques statistiques aléatoires.
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En prenant état de ces observations contradictoires, notre objectif principal est d'analyser les possibilités de co-création avec des agents non-humains, à travers la danse improvisée. Nous mélangeons des techniques somatiques avec des dispositifs électroniques, dans un contexte artistique dynamique. Nous analysons l’effet de ces contraintes sur l’interprète, en mettant en place une méthodologie propre aux projets transdisciplinaires. Cette méthodologie nous aide à mieux comprendre la créativité dans les formes d'art basées sur l'interactivité homme-machine (H2M). Cela peut éventuellement faciliter la manière dont les robots sociaux sont intégrés dans la société.
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Dans ces expérimentations, nous employons un \textbf{modèle d'intelligence distribuée} en lien avec des principes de robotique cognitive. Cela s'approche d'une sorte d'\textit{Umwelt improvisé}\cite{penny2016improvisation} où des agents peuvent cohabiter le même espace (la scène) sans se connaître, puisque leurs \gls{umwelt} (c’est-à-dire leurs environnements sensoriels) ne se croisent pas. Cette cohabitation pourrait être suivie d'un état de co-création, à condition qu’un langage commun émerge entre ces entités humaines et artificielle.
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Afin de comprendre la complexité du comportement du robot HRP-4, nous considérons des principes de la cognition incarnée\cite{ziemke2016body}, comme le modèle d’intelligence distribuée présenté dans la première partie. Cela peut être décrit par des caractéristiques en lien avec l’incarnation, la capacité d'action (ou agence), l’émergence et l'extension de la machine dans son environnement. Dans notre cas particulier, l’émergence peut concerner plus directement la créativité, au sens où un comportement nouveau et complexe du robot peut être un source d'inspiration pour des expérimentations en danse. Alors que la capacité d'action, l'incarnation et l'extension se traduisent différemment pour des agents virtuels ou physiques. Les danseurs sont habitués à exprimer leur maîtrise de ces éléments sur scène, peu importe leur environnement. Les possibilités d’interaction que nous étudions renouvellent plusieurs expériences Human-to-Robot (H2R), sur scène. Dans cette recherche, nous nous intéressons davantage à un état d'inconfort ou d'adaptation à des comportements peu incontrôlés du robot. Certains artistes appellent cela des \textit{petits gestes incohérents}\cite{zaven2014effets}. En les mettant en avant, à la place des comportements précises et gestes maitrisés, les artistes recherchent un \textit{effet de présence}\cite{zaven2014effets} chez les robots. Sur scène, cet effet est déjà perçu chez les humains, reste à voir comment le convoquer chez les robots.
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Une fois acquises, ces gestes peuvent stimuler l’attention de l’interprète et maintenir un effet de surprise lors des improvisations. Leur rôle est de renforcer les points de croisement entre un corps expérientiel, un corps en état de représentation et un corps technologique, mentionnés plus haut. Les effets de cette hybridation impliquent également des considérations éthiques que nous allons décrire en fin de cette partie.
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\chapter{Improviser avec des machines}
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\section{Performances dématérialisées}
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\subsection{A.VOID}
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A.VOID est un projet numérique co-crée avec Isadora Teles de Castro en 2020. Conçu comme une série des performance collectives dématérialisées autour du son, du geste et de l'image, ce projet a un format hybride mélangeant radio, applications web et gestes devant une webcam.
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Contexte de création
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Impactées par les contraintes en lien avec la pandémie Covid19, nous nous sommes demandées, comme beaucoup d’autres, quel avenir pour l’art performatif et comment agir dans ce contexte extraordinaire. Face à des lieux de diffusion fermés, nous avons pensé organiser des performances collectives avec des utilisateurs qui se connectent en même temps que nous, pour co-créer ensemble. Cela a commencé en juillet 2020, quand nous avons présente notre premiere maquette A.VOID v1. en direct sur les ondes de Radio Galoche. Six mois plus tard, en décembre 2020, nous avons présentée la deuxième version du projet.
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Ainsi l’isolement social et l'impossibilité de se rencontrer pour expérimenter et créer, nous à contraint d'inventer des nouveaux outils. Nous avons proposé une plateforme accessible en ligne pour simuler un espace de rencontre virtuel. Les participants se sont connectés grâce à leurs téléphone portables ou ordinateurs. Une fois détecté, chaque mouvement devant la webcam a été lié à un vecteur graphique dévénu agent virtuel pour des interactions son-image-texte. Des gestes ont été analysée pour extraire la direction et vitesse du mouvement et ainsi influencer le déplacement de l'agent virtuel, lors d'une succession de scénarios d'exploration appelés ``scènes”.
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Parmi les objectifs du projet, nous avons cherché à:
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\begin{itemize}
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\item tester l’impact des technologiques numériques sur la créativité
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\item s'approprier des outils de création qui échappent aux contraintes du monde physique
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\item improviser avec une entité autonome virtuelle
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\item provoquer des synergies son-mouvement-image et convoquer l'aléatoire dans le processus de création
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\item proposer une manière inédite de s’impliquer dans une expérience artistique en tant que créateur
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\item proposer un cadre alternatif de réception d’une oeuvre artistique
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\item questionner le rapport performeur-scène, dans une situation de présence dématérialisée
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\end{itemize}
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Pour ma propre recherche en danse, ce projet m'a donné l'opportunité de comprendre intuitivement l’impact que la dématérialisation des gestes peut avoir sur le corps d'un danseur, tout comme cet impact peut influer les autres médiums comme le son ou les images. J'ai pu également observer comment l’abstraction d'un geste modifie le comportement autonome d’un agent virtuel et l'inverse.
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Lorsque les participants nous ont partagé leur incertitude quand au comportement attendu et à la synchronisation avec les outils numériques j'ai pu confirmer mes intuitions quant au rôle des dispositifs numériques dans la co-création. Ce moment flou, ou l'humain se sent abandonné devant l'opacité du dispositif technologique est devenu pour moi un vrai moment de lâcher-prise, catalyseur d'une expérience créative. Vidée de ses attentes et projections quant au résultat, le participant ne se regarde plus faire mais intègre le dispositif en pleine conscience, avec toutes ses sens. L'outil se transforme ainsi en véhicule d'exploration, dont les possibilités d'expression sont infinies.
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Dans le cas d'AVOID, selon le rythme et la vitesse du mouvement devant la webcam, le son a été plus fort, ou plus vite.
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Cela à confirmé l'importance des outils technologiques dans les processus de recherche-création. Persuadée que ce type d'état de pleine conscience à une composante synesthesique, j'ai poussée plus loin le lien entre son et geste. Les gestes ont fini ainsi se produire guidées par le son, dans l'intimité de chaque espace de représentation. Autre que moi et Isadora qui regardons la régie de la performance collective, chaque participant explorait son espace virtuel à son propre rythme. Des changements du son ou moments de silence ponctuait les transitions, encourageant une liberté d'expression pour chaque participant. Ainsi la fin était différente pour chacun d'entre eux, selon la dynamique d'exploration et les moments d'errance. Parfois des participants ont ignoré des instructions, ou manqué les observer, sans que cela soit contraignant pour notre processus. A titre personnel, cette opacité et manière de travailler est un moment privilégié loin des préoccupations pour un résultat visible. L'expérience subjective du spectateur, devenu performeur à l'intérieur de notre dispositif a été le vrai résultat de notre expérimentation.
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Cela a orienté mes recherches ultérieures sur la figure du robot et l'effet qu'il produit en tant que partenaire de scène.
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Parmi les notes de mon journal de bord de cette époque, j'écrivais le 4 novembre 2020:
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\textit{Comment le geste du robot, par son caractère aléatoire et imprévisible, peut changer/transformer le geste du danseur?
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Interagir avec une machine à laver, c’est comme interagir avec un robot? Quelque chose du comportement humain est déjà inconsciemment modifié face à un non-humain...}
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Description du projet:
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A.VOID cherche à modifier le rapport à une salle de spectacle, en créant des forme artistiques hybrides qui appartient aux spectateurs autant qu'aux artistes, capables d'exister indépendamment d'eux.
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La performance propose un espace virtuel d’exploration collective, où les participants questionnent leur identité à travers
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des sons, d'images et des textes qui interagissent avec eux.
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Les participants intègrent notre plateforme à travers le webcam d'un dispositif numérique portable (ordinateur ou téléphone). Nous proposons un cadre d'improvisation avec des instructions donnés via une plateforme radio ou vidéo. Des données de position du souris dédoublent les participants en agents virtuels dont les gestes devant la webcam influencent le comportement des agents autonomens virtuels.
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Ainsi dans notre système multi-agents, il y a deux catégories de participants:
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\begin{itemize}
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\item{A.G.A. qui signifie agent generatif autonome}
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\item{D.V.P. qui signifie dedoublement virtuel d'un participant}
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\end{itemize}
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Le D.V.P est le résultat des données de position du souris et des gestes devant la camera, que chaque participant fait lors de sa connexion.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/avoid_schema}
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\caption{Schéma d'interaction pour le systeme multi-agents}
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\label{fig:avoidschema}
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\end{figure}
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Chacun se connecte et explore cet espace dématérialisé, accessible seulement le jour de la performance.
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La durée de chaque expérimentation ou improvisation est d'environ 15 minutes. Selon les temps de connexion de chaque utilisateur et son interet pour la performance, nous maintenons la connexion au serveur ouverte environ 30min supplémentaires.
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La première scène est collective, montrant les avatars correspondants à chaque participant. La suite est une exploration individuelle. Au fur et à mesure que la performance avance, d’autres agents autonomes interagissent avec les participants. L'apparence des agents autonomes est similaire aux avatars des autres participants, afin d'entretenir une ambiguïté sur l'interaction entre des participants humains dédoublés ou des agents virtuels.
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A.VOID v1. est une proposition sonore d’isolement graphique. Les utilisateurs se connectent sur une plateforme en bougeant un objet de couleur rouge devant leur caméra. Ce déplacement est traduit sous la forme d'un point de couleur d'un canevas numérique. Sur ce canevas, un point central rouge représentant un mini-robot doit être touché pour lancer une nappe sonore. Nous captons le robot directement dans le plateau de la webradio via une webcam. Il est en train de danser maladroitement accompagné par les bruits faites par des utilisateurs connectés. Lorsque des autres points de couleur se touchent, d'autres sons émergent, le tout forme une nappe de bruitage sonore, doublé par les mouvements des utilisateurs.
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La performance diffusée en juillet 2020 est accessible en ligne, sur le site de Radio Galoche\footnote{http://www.galoche.online/emission/31/2020-07-03-10-30-avoid-i}
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A.VOID v2. continue notre questionnement sur la relation son-images-mouvement, dans une perspective synesthésique. Cette fois-ci nous avons imaginé une performance individuelle en plusieurs étapes, dont la durée reste à déterminer pour chaque participant. Nous diffusons la performance en direct à la radio pendant ses premières 15 minutes, mais un algorithme de vie artificielle évolutif continue d’interagir avec les inputs webcam de chaque utilisateur. Il s’agit donc d’une exploration personnelle sur la notion de soi et d’identité numérique. Lors de la dernière scène, une image pixelisée de la webcam de chaque participant est envahie par des agents virtuels évolutifs. Selon sa couleur, chaque pixel devient de la nourriture ou du poison pour ces agents virtuels, déformant l'image de fond qui capte le background de chaque participant. Par cela, notre intention est de questionner l'identité numérique ainsi que la possibilité de performer avec des entités generés par un contexte virtuel. L'interaction ne suit plus règles des systèmes physiques et c'est difficile de distinguer les agents réels des agents virtuels de cet ecosysteme. La présence humaine est traduite par des moyens d'expression propres à l’ordinateur ou au portable qui se connecte à l'application. C’est un type d'interaction re-contextualisée avec des entités autonomes virtuelles qui agissent directement sur l'humain.
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La performance diffusée en décembre 2020 est accessible en ligne, sur le site de Radio Galoche\footnote{https://www.galoche.online/emission/307/2020-12-12-12-20-avoid-ii}
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Parmi les mots-clés qui décrivent la dernière maquette du projet, nous nous sommes arrêtées sur: exploration synesthésique, performance dématérialisée, comportement aléatoire, geste dématérialisé,écosystème virtuel, dédoublement numérique.
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Nos notes de 8 décembre 2020 décrivent le scénario d'A.VOID v2, qui se déroule sous la forme d'un tableau en 10 scènes.
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Scène 1
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L’utilisateur se connecte et voit une interface graphique où il y a une ligne qui bouge (déplacement inspiré par l'algorithme flow fields)
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Scène 2
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Écran noir, un contour de main apparaît avec une ligne qui suit ce contour
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Scène 3 White Noise
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Flock statiques comme un ciel la nuit avec des étoiles filantes
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Scène 4
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Flock qui bougent suivant le mouvement de l'utilisateur
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Scène 5 SON1
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Ecran noir avec des flow fields et moment long d’improvisation son + flow fields
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Scène 6 SON2
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Flow fields qui se transforment en shadder, improvisation musicale continue
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Scène 7
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Juste shadder avec SON2
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Scène 8
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Shadder avec l'apparition du visage de participant (stop SON2)
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Scéne 9 White Noise
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Image du webcam pixelisée avec le flock qui revient 10sec puis des les algorithmes évolutifs
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Scène 10 White Noise
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Lecture du texte puis encore 10sec avec les flock évolutifs
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FIN
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fin de l’antenne alors que chaque participant peur continuer l'expérience individuellement pour voir les algorithmes évolutifs modifier l'image de fond
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\textbf{Extrait du texte qui a accompagné Avoid v2. lors de sa diffusion en decembre 2020: }
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\textit{Ce voyage commence par l’empreinte d’une main, tel les empreintes à l’ocre des hommes préhistoriques sur les murs des grottes. Cette main dont le mouvement peut modifier le son de notre dispositif, est le salut d’une personne dont on ne connaît pas l’identité, vers des autres, anonymes connectés à un serveur qui diffuse notre expérimentation.}
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\textit{Comme d’autres avant nous, nous aimerions dire que nous vivons un moment particulier dans l’Histoire de l'humanité. Est-ce que ce moment coïncide - en termes de mutation de l’esprit - avec ce que les humains préhistoriques ont ressenti lorsqu’ils ont créé ce que nous appelons aujourd’hui l’art rupestre? Peut-on dire que l’art numérique d’aujourd’hui sera l’art préhistorique de demain? Nous ne le saurons jamais. Mais ce que nous savons c’est que les possibilités qui se dessinent devant nos yeux sont infinies. Et notre rapport au monde, tel qu’il a été défini par nos ancêtres, est lui aussi en train de s'hybrider avec des machines dont l’existence ordonne la notre.}
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\textit{Le dernier repère de cette expérimentation est le reflet d’un visage. Notre propre visage à l'intérieur du dispositif numérique. Sur l'écran de votre ordinateur, ce visage se dédouble dans des matrices de 0 et de 1. Puis un algorithme de vie artificielle s’inscrit dans l'interface pour modifier ce reflet qui change au fur et à mesure que les algorithmes opèrent. Les personnes connectées au serveur- participants à notre expérimentation - peuvent rester regarder cette transformation un temps indéfini. Chaque portrait est modifié d'une façon unique et personne n'a accès au rendu final à part l'utilisateur lui-même.}
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\textit{Qui regardons-nous dans l'abysse de cette dématérialisation numérique? Est-ce nous, notre propre visage qui est altéré par des \textit{organismes numériques} ou ce sont des sosies d'une vie parallèle ? Sommes-nous ici et ailleurs? Et si oui, est-ce que nos sens se dédoublent, et ainsi se diluent, elles aussi dans l'absolu algorithmique?}
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\textit{Des étoiles filantes tombent sur le ciel virtuel de notre monde numérisé. Pas de réponse directe à toutes ces questions.
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}
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Paris, 12 décembre 2020, midi trente
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Le travail pour A.Void m'a permis d'explorer des intuitions quant à une dimension universelle de l'art, reliée aujourd'hui par la technologie. Quand un participant regarde le contour de sa main se dessiner sur l'écran, je ne peux pas m'empêcher penser aux premiers dessins pre-historiques, notamment celui de la grotte de Chauvet:
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/chauvet}
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\caption{dessin avec de la poudre de pigments en ocre pour réaliser des mains en négatif, il y a plus de 30000 ans}
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\label{fig:chauvet}
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\end{figure}
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La première fois que j'ai vu je n'ai pu pas m'empêcher de réfléchir à la signification de ce geste.
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La capture de mouvement est une pratique qui a été exploitée dans de nombreux domaines, mais particulièrement dans l'analyse biomécanique des populations sportives et cliniques. Est-cette image une première tentative de capture de mouvement, ou un acte artistique?
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En octobre 2021, lorsque j'ai donné le cours \textit{Perception, emotion and aesthetics of movement} (PEAMO), j'ai eu l'occasion de tester un format différent de la performance, avec les étudiants en Mastère Spécialisé Intelligence Artificielle et Mouvement pour la Robotique et les Systèmes Interactifs (MS AIMOVE) de l'école Mines Paris Tech. La performance a été adaptée au contexte, avec Isadora me rejoignant via skype pour présenter le projet et le lancer à distance.
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Les participants ont interrogé les caractère spontané des interactions, leur participation collective n'étant pas la meilleure façon d'interagir avec le dispositif puisqu'ils nt pu regardes les écrans d'autres participants pour comparer leur parcours.
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Pendant ce cours j'ai également fait une démonstration avec un capteur Leap Motion (LMC), pour montrer une alternative accessible à la captation des mouvements de mains. LMC est un petit périphérique USB qui se branche sur l'ordinateur. Il scanne une zone d'environ 0.22 m3 au-dessus de l'appareil, à l'aide de lumières LED et de capteurs de caméra. Cela lui est suffisant pour détecter les deux mains et les 10 doigts lorsqu'ils se déplacent dans l'espace devant l'ordinateur. Ensuite il traduit les données de position en informations numériques qui peuvent entre transformées en indices sonores ou visuels.
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Ce type de capteur offre un moyen peu coûteux de suivi des mains, sans utiliser des marqueurs de position. Son utilité est limitée par un petit champ de vision mais la précision de sa détection le rend intéressant pour des projets DIY.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/leap_motion}
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\caption{Mise en place d'une démonstration de capture de main avec la librairie open source LibFreenect}
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\label{fig:leap-motion}
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\end{figure}
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Les participants ont pu observer comment deux technologies différentes peuvent produire les mêmes effets.
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\textbf{Repères techniques}
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Pour ce projet, nous avons utilisé le langage de programmation P5.JS, dont les brouillons, en anglais \textit{sketches}, facilitent une connexion multi-utilisateurs pour co-créer ensemble. P5 est une librairie open source JavaScript accessible en ligne pour faciliter le \textit{creative coding}- une façon de programmer simplifiée, propre aux artistes. Ce langage est dérivé de Processing - une solution software imaginé comme façon simplifiée de programmer, grâce au contenu visuel de ses modules. Avec le temps, la communauté à fait évoluer le software dans un outil de création avec multiples applications, dont le P5.
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Bien que P5 est accessible dans un browser, pour pouvoir inviter plusieurs utilisateurs se connecter à la même page, nous avons du créer un server qui traite des demandes HTTP avec l'aide de la plateforme \textit{Heroku}\footnote{https://devcenter.heroku.com/categories/nodejs-support} et du code source \textit{Node.js} dédiées aux applications réseau- \textit{JavaScript network applications}.
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Grâce aux tutoriels open source du module \textit{sockets.io} nous avons pu inviter plusieurs participants accéder simultanément à notre performance. Le principe a été de transmettre les coordonnées mouseX, mouseY du souris de chaque utilisateur, sur une canevas graphique partagée en temps réel.
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Isadora a choisi explorer les possibilités graphiques de notre performance par les \textit{Shaders} - des effets visuels spéciaux qui s'exécutent sur la GPU (Graphic Processing Unit) d'un ordinateur. Cela lui a permis de traiter de nombreux pixels à la fois pour générer du bruit et appliquer des filtres inspirés par des algorithmes de vie artificielle.
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Le travail de recherche sonore, nous a conduit à employer la librairie \textit{P5sound}. Les fichiers utilisés comme bases sonores sont: \textit{le Piano Concerto \#2 in C Minor, Op. 18} (1901) par Serguei Rachmaninoff et \textit{le Concertino pour harpe et piano} (1927) par Germaine Tailleferre, en complément d'une nappe sonore de BruitBlanc, \textit{WhiteNoise} qui accompagne certaines scènes de la performance. Parmi les algorithmes de composition, nous avons choisi de détourner la fréquence et le volume sonore de ces fichiers, selon la position de chaque utilisateur sur le canevas et la vitesse de ses mouvements. Alternativement, dans la première version de la performance, nous avons associé un son au robot et un son à chaque interaction entre les positions des utilisateurs, créant un espace sonore qui illustrait les déplacements dans l'espace.
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\subsection{Émission radio sur la conscience artificielle}
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En juillet 2020, j'ai eu l'occasion d'animer l'émission radio \textit{Conscience Artificielle. Mythe ou Réalité?} dont les invités ont été des artistes-chercheurs. Parmi les invitées: Sooraj Krishna du laboratoire ISIR, puis Chu-Yin Chen, Isadora Teles de Castro et moi-même du laboratoire INREV\footnote{http://www.galoche.online/emission/33/2020-07-03-11-30-conscience-artificielle-mythe-ou-realite}.
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L'objectif de cette émission, structurée sous la forme d'un débat, a été d'échanger des points de vue personnels sur la question de la \gls{conscience artificielle}. La motivation principale a été de comprendre comment la science peut modéliser un phénomène qu'elle n'arrive pas à définir entièrement. Plus exactement, nous avons cherché à comprendre et aussi spéculer sur l'éventualité qu'une conscience humaine peut-être reproduite par des moyens artificiels (ou pas).
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J'ai préparé une série des références qui ont été distribués en amont de l'émission. Parmi eux, quelques extraits ont été écoutés en direct. La première mention a été le projet \textit{The Humain Brain Project} ou HBP. Ce projet scientifique d'envergure crée en 2013 vise à simuler le fonctionnement du cerveau humain grâce à un superordinateur, dont les résultats obtenus auraient pour but de développer des nouvelles thérapies médicales en réponse aux maladies neurologiques de notre époque.
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Dans le déroulée de l'émission nous avons également diffusé un extrait sonore du chercheur Stanislas Dehaene, ancien élève de l'École normale supérieure et docteur en psychologie cognitive. Professeur au Collège de France depuis 2005, il est responsable de la chaire de Psychologie Cognitive Expérimentale. Ses recherches se concentrent autour des bases cérébrales d'opérations les plus fondamentales du cerveau humain: la lecture, le calcul ou la prise de conscience.
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La prochaine référence partagée a été un extrait sonore qui évoque le concept d'\gls{umwelt}, à la croisée des chemins entre biologie, communication et sémiotique. Selon Jakob von Uexkull et Thomas A. Sebeok, l'\gls{umwelt} (pluriel : Umwelten) désigne l’environnement sensoriel propre à une espèce ou un individu, traduit en français par l'expression de \textit{monde propre}. La théorie de von Uexkull explique comment des organismes qui partageant le même environnement, font l'expérience de différents réalités sensorielles. Par exemple, une abeille qui partage le même environnement qu'une chauve-souris, sera sensible à la lumière polarisée tandis que la chauve-souris réagira aux ondes issues de l'écho-location. Les deux stimuli leur étant réciproquement inaccessibles, produisent une perception différente du monde extérieur pour chacun.
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Un autre article partagé, fait état d'une définition de la conscience en lien avec des états d'éveil\cite{vanhaudenhuyse2007elsevier}.
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Nous nous sommes inspirés par ce graphique qui met en relation le niveau d'éveil et l'environnemt:
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/conscience}
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\caption{Corrélation du niveau d'éveil avec la conscience de soi et de l'environnement. }
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\label{fig:conscience}
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\end{figure}
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Ensuite j'avais lu un extrait de l'article \textit{
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Action \& Enaction - Emergence de l'oeuvre d'art}\cite{lambert2017action} que Chu-Yin CHEN avait écrit en 2017:
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\begin{quote}
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``Quand je lance un caillou, je peux prévoir sa trajectoire et savoir où il ira. Mais, si je lâche mon chat, et bien que je l’aie apprivoisé, il s’échappe de ma main : il fuit pour se cacher ou il cherche à s’amuser. Quand je l’appelle, il joue à cache-cache, il fait tout ce qu’il veut dans cette maison. En fait, toutes les entités vivantes s’administrent par leurs propres lois qui caractérisent leur autonomie.”
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\end{quote}
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L'intelligence ou la conscience sont des concepts dont la définition varie suivant les domaines. C'est pourquoi, dès que notre raisonnement touche à l'intangible, il devient difficile de quantifier et rationaliser la conscience sans la réduire au seul fonctionnement du cerveau. Parmi les idées véhiculés lors des interventions, je mentionne celle où les émotions et la perception sont vues comme des composantes en lien avec la \gls{conscience}, tout comme les pensées ou le sens du soi. D'un point de vue psychologique, elle représente une sensation intériorisée immédiate qu'un être établit avec le monde. Dans ce sens, elle peut aussi être reliée aux notions de connaissance, d'intuition et de réflexivité.
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La conscience est également représentée par un parcours graduel entre le sommeil profond et la veille peuplé par des états intermédiaires. Selon le paradigme de la recherche scientifique utilisé, un état modifié de conscience (EMC) est un état mental différent de l’état de conscience ordinaire. Cet état représente une déviation dans le fonctionnement psychologique d'un individu, par rapport à certaines normes générales de la conscience à l'état de veille. De cette façon les rêves, les états hypnotiques, les hallucinations, la transe, la méditation, les états sous l'influence des drogues psychotropes ainsi que l'état végétatif ou le coma sont des exemples d'EMC.
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\textbf{illustration courbe EMC}
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Dans l'introduction de son livre \textit{Les États modifiés de conscience} (1987) Georges Lapassade, décrit les EMC comme:
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\begin{quote}
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``un certain nombre d’expériences au cours desquelles le sujet a l’impression que le fonctionnement habituel de sa conscience se dérègle et qu’il vit un autre rapport au monde, à lui-même, à son corps, à son identité.”\cite{lapassade1986emc}
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\end{quote}
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Plus tard, l'ethnologue évoque l'importance du dédoublement vu comme une dissociation spontanée entre deux dimensions fondamentales de la conscience modifiée. Pour Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active d’observation par laquelle le sujet prends acte de ce qu'il traverse. Le miroir d'une réalité propre, selon les capacités sensorielles de chacun, illustre ce que le sujet arrive à traduire consciemment.
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À leur tour, les invités illustrent ce problème sous la forme d'une paradigme récursive dont l'objectif est la connaissance de soi. Isadora parle d'un cycle d'apprentissage qui passe par plusieurs étapes: ``the more we try to simulate consciousness, the more we understand consciousness. Our actual state of consciousness is too ahead of what we try to simulate. Our trials are a way to understand our own consciousness, a late mirror from a millions of years ago.” Ces observations nous permettent de re-définir le concept de réalité, en nous appuyant sur les concepts théoriques de von Uexkull ou de Dehaene, ainsi que sur nos propres observations.
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\textbf{If you throw a robot, what would the robot do?}
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Les échanges ont continué en avançant l'idée d'une possible conscience pour les robots, en lien avec la \gls{boucle perception-action-cognition}. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle la seule possibilité réelle d'une tel objectif, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais et facteurs cela doit se produire pour générer une expression crédible d'une effet de conscience ou ``make a believable expression of consciousness” pour citer Sooraj. Nous avons pris comme point de départ le comportement des organismes vivants. De cette manière, nous nous sommes demandées comment mieux anticiper le comportement qui vise la trajectoire d'un robot jetée, par rapport au trajectoire du chat ou de la pierre dans l'exemple de Chu-Yin. Nous avons conclu que le comportement émergeant d'un système complexe dépend également de l'influence de son environnemt. Le degré d'incertitude des conditions de l'environnement doit être pris en compte. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que la ré-activité et l'autonomie de ce type de système, est-ce que
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garantit sa réussite. Un robot qui s'adapte aux conditions de son environnemt avec les mêmes instincts qu'un humain, sera l'émulation parfaite. Cependant autant que nous ne connaissons pas dans les plus brefs détails notre propre fonctionnement en tant qu'espèce, nous n'y arriverons pas à la modéliser.
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Rétro-activement, la pensée du Michel Bibtol peut pousser plus loin l'exercice de spéculation fait pendant l'émission radio. Suite aux nombreuses échanges, nous n'avons pas fait écho à l'article \cite{bitbol2018cp} que faisait partie de notre matériel didactique pour entrer dans la matière. Le philosophe de sciences semble conclure mieux que nous le débat:
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\begin{quote}
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``Et d’ailleurs, pourquoi voudrait-on plus que cela ? Pourquoi voudrait-on que les robots soient \textit{réellement} le siège ou le centre de perspective d’une conscience phénoménale, en
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supplément de leur comportement analogue à celui d’un être conscient ? Qu’est-ce que cela nous apporterait de plus par rapport au \textit{comme si} ? Une seule chose : la potentialité de
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s’incarner soi-même, de se ré-incarner faudrait-il dire, dans un robot et d’affranchir ainsi le flux d’identification vécu que nous appelons \textit{ego} de ce corps malade et mortel. Le test pour
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savoir si quelqu’un a réussi à se convaincre de cette possibilité serait de lui poser cette simple mais dérangeante question : \textit{accepteriez-vous de mourir à l’instant si vous saviez que votre structure cognitive et vos habitus comportementaux ont été intégralement téléchargés dans un robot?} Ou auriez-vous un doute, celui que la structure cognitive en question, n’ayant aucun vécu associé, vous seriez alors mort pour de bon ?”
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\end{quote}
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Selon S.Dehaene, la conscience opère une intégration ainsi qu'une amplification des informations venues de différentes parties du cerveau. Chacune de ces parties traite à son tour, de façon automatique et non consciente, une partie des informations provenant de différents sous-modules. Pour le neuro-scientifique, ce fonctionnement hiérarchique basé sur le tri d’informations, permettra au robot d'adapter son comportement à chaque situation nouvelle.
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Actuellement les robots autorégulent en partie leur comportement, selon leurs tâches et capacités de calcul. Pour atteindre une autonomie décisionnelle, ils devraient simuler à 100\% un comportement humain. Grâce aux avancées en neurosciences, les architectures cognitives robotiques s'inspirent de plus en plus de mécanismes conscients d’intégration de l’information. Cependant ces mécanismes ne sont pas parfaitement compris, tout comme celles inconscients qui restent encore opaques et difficile à simuler.
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Dans ce contexte, la théorie de l’information intégrée proposée par Giulio Tononi apporte des réponses complémentaires. Cette théorie avance l'hypothèse que l’accès à conscience d’un individu est lié à la quantité d’information intégrée dans son cerveau.
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La thèse de Dehaene\cite{dehaene2021springer} approfondie cette perspective. Ainsi la définition de la conscience est donné en trois temps- celle de la conscience qui traite d'une information disponible globalement dans le cerveau ou qui peut-être utilisée à tout moment (C1 - global availability of relevant information) avec l'interprétation subjective de cette information (C2 - self-monitoring), mais aussi celle qui résulte des processus inconscients (C0 - unconsciouss processing).
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/C1C2}
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\caption{Illustration de la relation entre les composantes C0-C2 de la conscience, selon les observations théoriques de S. Dehaene}
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\label{fig:c1c2}
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\end{figure}
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La composante C1, celle de la disponibilité de l'information à tout moment, fait référence au caractère transitif de la conscience. Dans l'exemple de Dehaene, cela corresponds au pilote d'une voiture qui comprends la signification d'un voyant qui s'allume. Ainsi la représentation mentale du voyant rouge est intégrée dans un système cognitif d'interprétation de symboles. Cette information est disponible globalement pour des autres associations, autant qu'elle reste consciente.
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Une autre propreté de la conscience est son caractère reflexif. Cela signifie qu'un système cognitif est auto-référentiel, capable de s'auto-évaluer selon un contexte donné afin d'obtenir des informations nouvelles. Par exemple, l'être humain qui récupère de façon automatique des informations sur la position de son corps, pour mieux l'ajuster en cas de disconfort. Dehaene décrit cela comme une introspection, vue comme moyen de produire des représentations internes propres concernant les habilités de quelqu'un. Alors qu'une grande partie de l'information de notre environnement est décodée et stockée dans le cerveau sans que nous l'utilisons de façon conscience. Parfois des souvenirs peuvent influer nos décisions et états conscients, mais la plupart du temps cette masse d'information est opaque et opère au niveau de notre inconscient.
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Selon Dehaene\cite{dehaene2021springer}, la composante C0 est siège des processus d'apprentissage et de notre coordination et la plupart des robots fonctionnent grâce à ses principes. Élargir ce modèle aux composantes C1 et C2 est un défi pour les chercheurs en robotique:
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\begin{quote}
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``How could machines be endowed with C1 and C2 computations? Let us return to the car light example. In current machines, the \textit{low gas} light is a prototypical example of an unconscious modular signal (C0). When the light flashes, all other processors in the machine remain uninformed and unchanged: fuel continues to be injected in the carburetor, the car passes gas stations without stopping (although they might be present on the GPS map), etc. Current cars or cell phones are mere collections of specialized modules that are largely \textit{unaware} of each other. Endowing this machine with global information availability (C1) would allow these modules to share information and collaborate to address the impending problem (much like humans do when they become aware of the light, or elephants of thirst).”
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\end{quote}
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Dans les exemples de Dehaene, un éléphant est capable de parcourir jusqu'au 50km pour retrouver une source d'eau lorsqu'il a soif, en intégrant des informations de son environnement et des indices par rapport aux autres fois quand il a eu soif. Nous pouvons espérer qu'un jour, des robots conscients de leur environnement et de leurs expériences passés, seront capables de s'auto-réguler et fonctionner de manière autonome dans un éco-système où ils seront tout autant intégrés qu'un espèce vivante.
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\section{Objets électroniques}
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\subsection{M.I.P. ou comment rendre l'électronique créative}
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Une instance intéressante de ma recherche-création a été la préparation, entre décembre 2021 et mai 2022, d'un Module Pédagogique Innovant (M.I.P.) pour l'école doctorale EUR-ArTeC. Cette expérience d'enseignement m'a permise de conceptualiser mes questionements dans un cadre académique et ainsi les confronter et adapter à un contexte général de recherche.
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De cette façon, l'atelier laboratoire \textit{Interfaces Magiques : objets connectés pour la performance artistique} a été conçu comme un partage des connaissances autour du design et de la création d'accessoires électroniques interactifs et connectés pour des performances artistiques. Proposé comme un espace d’expérimentation mixte entre arts performatifs, électronique et création d’objets connectés, ce module m'a permis de réfléchir à comment des interfaces connectées peuvent enrichir la créativité d'un performeur et comment un spectateur intègre cette proposition.
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Le projet a été conçu et animé en collaboration avec Isadora Teles de Castro, dans le cadre du projet ArTeC: \textit{Co-Evolution, Co-Création \& Improvisation H2M (CECCI H2M): Promouvoir une coévolution comportementale durable avec une co-création émergente Homme-Machine} dont j'ai fait mention dans l'introduction de ce travail.
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Il a eu lieu du 6 au 9 mai, de 10 h à 18 h, dans mon studio artistique au DOC! (26 rue du Docteur Potain, 75019 Paris) puis le 27 mai en ligne, pour discussion et retour d'expérience.
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Les sept participantes ont été des étudiantes en M1 et M2 de l'école EUR-ArTeC. Puisque l'objectif pédagogique a été l’appropriation des dispositifs électroniques connectés dans un contexte artistique, elles:
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\begin{itemize}
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\item ont acquis des concepts et des références sur les accessoires électroniques interactifs portables, ainsi que sur les objets \textit{Internet of Things} (IoT) connectés et leur contexte de création artistique
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\item ont expérimenté une première étape de planification, prototypage et réalisation d'interface à des fins performatives et artistiques
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\item ont acquis des bases en électronique et informatique qui leur permettront de s’imaginer leurs propres projets créatifs en interfaçant ensemble des modules électroniques (capteurs, actuateurs, carte contrôleur)
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\item ont eu l’occasion de personnaliser leurs propres outils et accessoires lors d’un exercice dramaturgique en lien avec le féminisme et l’hybridation du corps
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\end{itemize}
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La version intégrale du cahier de bord est disponible en ligne\footnote{https://interfacesmagiques.tumblr.com}.
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L'atelier a été structuré en plusieurs étapes. D'abord nous avons mis en place un syllabus contenant un état de l'art des projets créatifs utilisant du matériel électronique et le lien vers des tutoriels de \textit{creative coding} et projets DIY qui nous ont inspiré. Ensuite nous avons présenté notre propre matériel électronique et quelques capteurs avant de commencer le travail pratique de familiarisation et expérimentation avec les \textit{boards} Arduino et les capteurs. Le troisième temps a été celui de la réalisation d'une maquette collective, pensée comme étude de cas des connaissances acquises. Grâce à l'utilisation de capteurs, des servo-moteurs et de formes textiles plissées et pliées, les participantes ont appris à créer une extension corporelle portable connectée aux mouvements d'un autre corps. Dans les semaines qui ont précédé cet atelier, nous avons également organisé un temps d'échange et de retour d'expérience.
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Une partie importante pour les prémices du projet, a été le partage des ressources bibliographiques. Parmi les artistes qui nous ont le plus inspiré, il y a le travail de Katie Hartman. Son livre \cite{hartman2014make} présente les bases de l'électronique pour des projets créatifs, ainsi que des exemples de code et d'autres astuces et ressources partagés par la communauté. Artiste, chercheuse et pédagogue basée à Toronto, le travail de Hartman couvre des domaines comme la physique, l'informatique, l'électronique portable et l'art conceptuel. Fondatrice du \textit{Social Body Lab}, elle coordonne une équipe de recherche dédiée à l'exploration de technologies centrées sur le corps dans
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un contexte social. Pour Hartman, le corps humain est une interface primaire en lien avec le monde extérieur et son projet d'utiliser des dispositifs portables (c'est à dire \textit{wearables}) est pensé en lien avec l'augmentation de nos capacités sensorielles.
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Une expérience qu'elle propose décrit les consignes pour l'écoute et l'amplification des bruits produits par une partie de notre corps. J'ai utilisé ses conseils lors des étapes de recherches ultérieurs, grâce à l'aide des capteurs sonores (microphones piézoélectriques). Je parlerai de mes observations dans les prochaines pages.
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Cependant il est important de mentionner que cette approche informelle, au caractère ludique de Hartman m'a réconciliée et aidée à mieux comprendre le rapport au corps, par le biais d'une technologie simplifiée (\textit{lowtech}).
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Au même titre, Hannah Perner-Wilson et Mika Satomi, dont le travail est répertorié en ligne sur le site \textit{How to get what you want}.
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Leur idée est de mettre à disposition des références ``compréhensibles, accessibles et maintenables” qui encouragent les participants à contribuer ultérieurement, une fois les bases acquises. Les deux artistes et chercheuses cherchent à souder la communauté du collectif KOBAKANT\footnote{https://www.kobakant.at} qu'elles ont créé en 2008. Pour cela, elles explorent (souvent avec de l'auto-ironie et de l'humour) l'artisanat textile et l'électronique comme outils critiques des aspects technologiques de notre société.
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Sur leur site, elles expriment leur credo de la façon suivante:
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\begin{quote}
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``KOBAKANT croit que la technologie existe pour être piratée, faite à la main et modifiée par tout le monde pour mieux répondre à nos besoins et désirs personnels.”
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\end{quote}
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Le travail individuel de Hannah Perner-Wilson s'est constitué en parallèle autour du projet \textit{Wearable Studio Practice} (WSP). WSP représente une collection d'objets portables - \textit{wearables} - qui facilite la création de projets électroniques nomades, comme moyen d'expérimenter le monde.
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Pour elle, l'acte de fabriquer - \textit{making} - est une forme d'expression créative en lien avec la nature. Je rajoute à cela l'importance de l'héritage de Rosalind Picard et son travail au laboratoire MIT, où elle a développé sa thèse sur l'importance des émotions dans la programmation - \textit{affective computing} où le concept même d'ordinateur est revisité du point de vue de son utilité. Si la plupart des ordinateurs sont utilisés d'une façon identique, son équipe imagine des ordinateurs qui peuvent être portés comme des lunettes ou des vêtements, pour interagir avec l'utilisateur en fonction de son contexte. Son hypothèse est que les technologies peuvent augmenter nos capacités affectives, puisque la communication intermédiée par un ordinateur offre de multiples possibilités d'expression\cite{picard2000affective} par rapport à la communication inter-personnelle. Sa démarche a motivé les prochaines générations des chercheuses à s'affranchir des nouvelles limites et oser penser différemment. Peu à peu, l'accès aux ressources s'est démocratisé et ces projets de recherche sont devenus Open Source pour inspirer le travail de Perner-Wilson ou Hartman, quelque part à la lisière entre l'académique et le \textit{do-it-yourself} (DIY).
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En suivant les avancées dans ce type de communauté scientifique, dont les membres sont souvent appelés \textit{makers}, la possibilité de créer des appareils portables ludiques pour amplifier, étendre ou renverser notre langage corporel, reste une activité récréative capable d'inspirer plusieurs domaines plus ``sérieux”, dont la robotique. La décentralisation des pratiques et le partage des ressources déterminent une partie de \textit{makers} à détourner le rôle de ces dispositifs dans les interactions sociales. Ils explorent ainsi les moyens d'étendre physiquement leur propre expressivité par l'intermédiaire de l'électronique portable. Ce qui fait que les roboticiens profitent également de l'invention des nouvelles pratiques ou matériaux, pour affiner leurs prototypes.
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Dans notre contexte pédagogique, après cette première phase théorique, nous avons lancé un module pratique avec un petit inventaire des capteurs, \textit{breadboards}, microcontrôleurs, \textit{connectors} et le reste des matériaux disponibles pour les participantes.
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\textbf{Performance collective comme rendu pratique}
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La synthèse de nos expérimentations a été traduite sous la forme d'un moment performatif collectif. Pour se préparer, les participantes ont du créer un dispositif électronique connecté. Ensuite nous avons fait un travail dramaturgique pour interroger le potentiel scénique de ce dispositif, le message transmis et le rôle du dispositif connecté dans la performance.
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Dans la liste des capteurs que nous avons utilisé, j'évoque celui qui a le plus inspiré les participantes - le
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velostat. Ce type de capteur est utilisé dans beaucoup de projets artistiques DIY à cause de sa conductivité électrique, donnée par le noir de carbone qui imprègne sa structure. Velostat a des propretés piézorésistives, sa résistance diminue avec la flexion ou la pression, ce qui fait de lui un capteur flexible très accessible. Il est par exemple utilisé pour fabriquer les chaussures qui s'allument lorsque le porteur marche. Nous l'avons utilisé comme ``deuxième peau” pour une de nos performeuse, qui s'est collé ce matériel sur plusieurs parties de son corps, notamment la plante du pied.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/velostat_pied}
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\caption{détail de la performance - poser son pied par terre modifie la valeur de la tension du Velostat.}
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\label{fig:velostat-pied}
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\end{figure}
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Une fois qu'elle a posé son pied par terre la résistance a changé. Un petit servo-moteur connecté à distance, partie d'un accessoire porté par une deuxième performeuse, est actionné chaque fois que la résistance du Velostat change.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/servo_m}
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\caption{détail de la performance - un signal envoyé via une connexion \textit{wifi} modifie l'accessoire servo-moteur selon les valeurs récupérées du capteur Velostat}
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\label{fig:servom}
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\end{figure}
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Parmi les idées qui ont peuplé notre exercice de recherche-création collectif, \textit{la guerrière empêchée} s'est imposé comme une figure matriarcale effigie d'une femme cybrog engagée qui réclame sa place au monde.
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Son corps (dédoublé par les accessoires que nos deux performeuses portaient) disposait d'une tête qui communiquait avec les pieds pour réfléchir.
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J'ai partagé avec les participantes le manifeste de Donna Harraway\cite{haraway2010cyborg}, dont l'écriture nous a accompagné tout au long de ce moment de recherche dramaturgique:
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\begin{quote}
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``Les machines modernes sont essentiellement des dispositifs microélectroniques : elles sont omniprésentes et invisibles. La machinerie moderne est un dieu irrévérencieux et insolent, se moquant de l’ubiquité et de la spiritualité du Père. La puce de silicium est une surface pour l’écriture ; elle est gravée à des échelles moléculaires perturbées uniquement par le bruit atomique, l’interférence ultime pour les scores nucléaires. L’écriture, le pouvoir et la technologie sont des partenaires anciens dans les histoires occidentales sur l’origine de la civilisation, mais la miniaturisation a changé notre expérience des mécanismes. La miniaturisation s’est révélée être une question de pouvoir ; ce qui est petit n’est pas tant beau que prééminemment dangereux, comme dans le cas des missiles de croisière... Nos meilleures machines sont faites de lumière ; elles sont toutes légères et propres parce qu’elles ne sont rien d’autre que des signaux, des ondes électromagnétiques, une section du spectre. Et ces machines sont éminemment portables, mobiles — une source de douleur humaine immense à Détroit et Singapour. Les gens ne sont pas aussi fluides, étant à la fois matériels et opaques. Les cyborgs sont éther, quintessence.\footnote{en version originale: ``Modern machines are quintessentially microelectronic devices: they are everywhere and they are invisible. Modern machinery is an irreverent upstart god, mocking the Father’s ubiquity and spirituality. The silicon chip is a surface for writing; it is etched in molecular scales disturbed only by atmoic noise, the ultimate interference for nuclear scores. Writing, power, and technology are old partners in Western stories of the origin of civilization, but miniaturization has changed our experience of mechanism. Miniaturization has turned out to be about power; small is not so much beautiful as pre-eminently dangerous, as in cruise missiles... Our best machines are made of sunshine; they are all light and clean because they are nothing but signals, electromagnetic waves, a section of the spectrum. And these machines are eminently portable, mobile—a matter of immense human pain in Detroit and Singapore. People are nowhere near so fluid, being both material and opaque. Cyborgs are ether, quintessence.”}.”
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\end{quote}
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Lors du processus de création nous avons beaucoup interrogé nos limites et la nécessité de \textit{bien faire pour réussir en tant que femmes}. Le prototype final, entre prothèse et objet de castration relevait de nos doutes et ambitions en marge de la création. Un court extrait de cette présentation est disponible sur le blog de l'atelier\footnote{https://interfacesmagiques.tumblr.com/post/696462906243579904/day-4-the-performance-video}.
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\textbf{Capter la charge électrique dans les muscles pour la transformer en son}\smallskip
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Le module que j'ai pris en charge pour une démonstration pratique utilise un capteur électromyographique (EMG) de surface appelé \textit{MyoWare Muscle Sensor Kit}.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/myoware}
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\caption{capteur électromyographique de surface}
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\label{fig:myoware}
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\end{figure}
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L'électromyographie est une technique qui mesure l'activité électrique musculaire à l'aide d'électrodes placées sur la peau, au-dessus du muscle. Cette mesure est prise lors d'une contraction musculaire et vise son amplitude maximale ou sa fréquence médiane. Certaines EMG captent également l'activité involontaire des muscles. Dans le domaine médical, un examen EMG est fait lorsqu’une personne présente des symptômes d’un trouble musculaire ou nerveux. Cette procédure évalue l’état de santé des muscles et des motoneurones qui les contrôlent.
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Je me suis intéressée à ce type de capteur parce que les muscles sont les véritables déclencheurs du mouvement humain.
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À leur tour, ils sont contrôlés par des cellules nerveuses (motoneurones) qui transmettent les signaux électriques au cerveau pour provoquer des mouvements de contraction et de relaxation. Ces deux phases provoquent une différence de potentiel dans le signal électrique. Grâce aux tendons qui les fixent sur des os, les muscles actionnent le squelette et le font bouger articulation par articulation, suivant différents angles de rotation. Cette mécanique de calcul et perpétuel ajustement se produit de façon autonome. Si elle est étudiée par les ingénieurs bio-mécaniciens pour être modélisée, elle me fascine en tant que artiste par son opacité quant à la conversion entre les signaux électriques et la pensée. Parfois quand je danse je verbalise une action pour un de mes membres - par exemple \textit{Lève ta main}, alors que des autres fois j'oublie mon corps. Qui est ce \textit{je} s'adressant à mon corps à la deuxième personne ? Où disparaît-il quand cela se produit de manière automatique ?
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Loin de ces questions ontologiques, un capteur EMG traduit la différence de potentiel électrique entre deux muscles. Cela se traduit par des graphiques ou des chiffres qui sont ensuite nettoyés par l'intermédiaire de filtres. Ces données représentent un \textit{input} pour générer du son, des images ou contrôler à distance des dispositifs électroniques comme les robots.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/signal_emg}
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\caption{Enveloppe du signal capté, les valeurs en rouge sont les valeurs avant l'application du filtre.}
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\label{fig:signalemg}
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\end{figure}
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Dans la démonstration que j'ai préparée, l'EMG était connecté à un \textit{board} Arduino Uno et à mon bras. Le signal capté a été ensuite transformé en son grâce à un contrôleur midi simulé avec le logiciel PureData. Le code Arduino qui a permis la configuration du capteur et la transformation du signal est disponible plus bas.
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\begin{lstlisting}
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int EMGPin = A0;
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unsigned long sampling_period = 4; // milliseconds => ~256Hz must check if read does not take too much time !
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unsigned long nextread = 0ul; //0 unsigned long (de 8 bytes)
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unsigned long current_millis = 0ul;
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const size_t bufferSize = 32;
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int data_buffer[bufferSize]; //array de 32 pour stoquer
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size_t data_ptr = 0; // adresse de chaque ecriture
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bool enabled = false; //est-ce que je capture ou pas
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void setup() {
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// put your setup code here, to run once:
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Serial.begin(9600);
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for (int i = 0; i < bufferSize; i++)
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{
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data_buffer[i] = 0; //toutes les valeurs sont a 0, intialisation de l'array 0
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}
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}
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void loop() {
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while (enabled) //tant que je capte
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{
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current_millis = millis(); //le temps, la valeur en milisecondes depuis que le board est ON
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//si on depase le 4ms (temps de sampling) on execute le code suivant
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if (current_millis > nextread) // avant de mesurer, je verifie si un certain temps s'est passe pour pas mesurer trop vite
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{
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data_buffer[data_ptr] = analogRead(EMGPin); // a chaque interation on inscrit dans la prochiane caise du tableau la val analogique lu sur le pin
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//Serial.println(data_buffer[data_ptr]);
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// Serial.write(data_buffer[data_ptr]);
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data_ptr = (data_ptr+1)%bufferSize;
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//lorsque le tableau est rempli on repasse a la caisse 0 et l'iteration
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nextread = current_millis + sampling_period; // la prochaine fois que je vais lire
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if (data_ptr == 0)
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{
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Serial.write((byte*) data_buffer, 2*bufferSize); // cast = ca convertit databuffer en un pointer d'octet, en arduino uno 1 int = 2 bytes
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}
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}
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}
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CheckSerial(); //je regarde dans mon port( buffer associe au port)
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}
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void CheckSerial()
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{
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if (Serial.available() > 0)
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{
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enabled = !enabled;
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FlushSerial(); //je vide le buffer du port serie
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// data_ptr = 0;
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}
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}
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void FlushSerial()
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{
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while(Serial.available() > 0)
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{
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byte garbage = Serial.read();
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}
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}
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\end{lstlisting}
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/PD}
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\caption{L’implémentation des filtres qui traitent de manière synthétique le son.}
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\label{fig:pd}
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\end{figure}
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Le lien pour suivre cette démonstration est disponible en bas de page\footnote{https://vimeo.com/855601666?share=copy}.
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Lors de mes résidences artistiques dans le studio de Mathilde Monnier à Montpellier j'ai eu l'occasion d'améliorer ce prototype et le tester avec plusieurs mouvements, pour mieux comprendre mon écriture corporelle à l'aide du son.
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Plus bas, un extrait vidéo d'un des moments de recherche-création\footnote{https://vimeo.com/718376555?share=copy}.
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À travers ces essais et maquettes j'ai pu mieux éduquer mes sens et ma perception à une présence active où mon corps se désorganise pour mieux apparaître. Me perdre dans ce mélange de présence(s). Comme Kozel le remarque dans son livre \textit{Closer: performance, technologies, phenomenology}, nous avons besoin des machines pour objectiver notre présence-absence. La technologie devient un repère pour l'humain, qui se retrouve au-delà de sa propre subjectivité:
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\begin{quote}
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``Les exemples de la vue, du toucher et du mouvement révèlent que la relation de réversibilité est "toujours imminente et jamais réalisée en fait" (Merleau-Ponty, 1968, p. 147). Il est impossible de surestimer l'importance de la dynamique de la réversibilité dans la pensée tardive de Merleau-Ponty. Il l'a pensée de fond en comble et revenait toujours à cette vérité troublante : je vois et je suis vu. L'importance de cela réside dans une instabilité fondamentale au sein de notre insertion corporelle dans le monde, un démantèlement des notions fermement établies de subjectivité et d'identité, voire de signification. Le corps "n'est pas un soi par transparence, comme la pensée, qui ne pense son objet qu'en l'assimilant, en le constituant, en le transformant en pensée. Il est un soi par confusion" (Merleau-Ponty, 1964a, p. 163). Sans cette dynamique incertaine et superposée, nous ne serions pas vraiment chair, nous n'aurions pas un corps humain, il "n'y aurait pas d'humanité" (ibid.). L'humanité est, paradoxalement, réalisée par une distance incorporée dans le soi à travers une émigration vers l'extérieur\footnote{``The examples of sight, touch, and movement reveal that the relation of reversibility is \textit{always imminent and never realized in fact} (Merleau-Ponty 1968, 147). It is impossible to over-exaggerate the
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importance of the dynamic of reversibility in Merleau-Ponty’s late thought. He thought it inside and
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out, and always returned to the unsettling truth that I see and am seen. The significance of this is a
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fundamental lack of stability within our corporeal insertion in the world, a dismantling of firmly set
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notions of subjectivity and identity, even of meaning. The body \textit{is not a self through transparence,
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like thought, which only thinks its object by assimilating it, by constituting it, by transforming it
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into thought. It is a self through confusion} (Merleau-Ponty 1964a, 163). Without this overlapping,
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uncertain dynamic we would not really be flesh, we would not have the body of a human being,
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there \textit{would be no humanity} (ibid.). The humanity is, paradoxically, achieved through a distance
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being incorporated into the self through the emigration into the outside.”}.”
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\cite{kozel2008closer}
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\end{quote}
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Avec Isadora, nous nous sommes appuyées sur ses observations pour comprendre ce rapport à la corporéité et aux dispositifs connectés dans notre cadre d'improvisation sociale créative. Ainsi leur influence et les possibles dérives éthiques en lien avec la question du corps et ses limites, deviennent moins critiques du point de vue des \textit{wearables} DIY. Comparé à la robotique, ces dispositifs sont plus accessibles car moins compliqués et moins chers. Ils constituent une première étape dans la cohabitation avec une technologie accessible, ludique et non-invasive, pensée en lien avec l'humain. Pour moi cela se constitue dans une sorte de \textit{low-tech} expérimental et expérientiel qui m'aide à mieux structurer la relation avec la technologie.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/capteur-de-distance-ultrason}
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\caption{Exemple de capteur ultrason de 5V utilisé pour des projets Arduino}
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\label{fig:capteur-de-distance-ultrason}
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\end{figure}
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Cette bande de fréquences fait référence à des fréquences audio qui se situent en dehors de la gamme d'audition humaine (20 kHz). Les capteurs à ultrasons se reposent sur ces fréquences pour détecter la présence d'un obstacle ou pour calculer la distance d'un objet distant.
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\subsection{L'animata qui anticipe le robot}
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Dans une autre expérimentation, j'ai traité cette question de la \textit{low-tech} et son importance dans ma recherche sur les robots, en travaillant avec un \gls{dispositif animatronique} ou animata. Cette fois il s'agissait d'un dispositif électronique autonome, similaire à un \textit{animal électronique}. La structure d'une animata dépend de son utilité. Pour mon processus de recherche-création j'ai eu besoin de comprendre comment l'improvisation dansée peut être influencée par un déplacement spatial aléatoire. J'ai ainsi construit un dispositif dotée d'un capteur ultrasons HC-SR04 dont la seule contrainte était d'éviter les obstacles.
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Cette bande de fréquences fait référence à des fréquences audio qui se situent en dehors de la gamme d'audition humaine (20 kHz). Les capteurs à ultrasons se reposent sur ces fréquences pour détecter la présence d'un obstacle ou pour calculer la distance d'un objet distant.
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Le fonctionnement de base de ce type de capteur est semblable à la manière dont les chauves-souris utilisent l'écholocation pour se repérer en vol :
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\begin{itemize}
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\item un émetteur envoie une rafale d'ondes sonores à haute fréquence (entre 23 kHz et 40 kHz)
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\item lorsque l'impulsion sonore frappe un objet, une partie des ondes sonores est réfléchie vers un récepteur
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\item en mesurant le temps qui s'écoule entre le moment où le capteur émet et reçoit ce signal ultrasonore, la distance à l'objet peut être calculée à l'aide de la formule suivante :
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\begin{equation}\label{key}
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d = 0.5*c*t
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\end{equation}
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où \textit{d} représente la distance en mètres, \textit{c} la vitesse du son (343 mètre par seconde) et \textit{t} le temps en secondes entre l'émission et la réception
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\end{itemize}
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Le schéma plus bas représente le monde de fonctionnement du capteur.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/schema_ultrason}
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\caption{Exemple de calcul de la distance entre un émetteur et un récepteur à ultrasons. Source de l'image: CUI Devices}
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\label{fig:schema-capteur-de-distance-ultrason}
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\end{figure}
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Plus tard, j'ai décidé de remplacer le capteur sonore HC-SR04 avec un capteur laser TOF10120.
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\begin{figure}
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\centering
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/capteur_tof}
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\caption{Capteur TOF10120, dont la distance couverte est entre 5 cm et 180 cm.}
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\label{fig:capteurtof}
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\end{figure}
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Parmi les caractéristiques de ce capteur, je mentionne une distance de portée précise avec une mise au point automatique, à grande vitesse. Cette technologie innovante de \textit{Time of Flight} (ToF) - en français ``temps de vol” - a été d'abord la base du fonctionnement des radars. Avec le temps, la fréquence plus élevée d'un émetteur ToF basé sur la lumière, permet au signal de prendre divers modèles d'ondes, y compris les ondes carrées d'un oscillateur (différente des signaux sinusoïdaux analogiques que l'on trouve plus couramment des systèmes radar) et ainsi être plus réactif et précis. La technologie ToF fonctionne d'une manière similaire aux capteurs ultrasons. Une source (émetteur) émette de courtes impulsions infrarouges pour ensuite mesurer le temps nécessaire à la lumière pour être réfléchie (réceptionnée). Actuellement les capteurs Tof sont utilisés dans la robotique, à l'œuvre pour diverses applications de vision qui utilisent des algorithmes de \gls{machine learning}.
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Une fois que cette question de comportement d'animata a été réglée et ses arrêts et déplacements sont devenus plus nets, je me suis concentrée sur nos possibilités d’interaction. Après quelques prototypages et retouches l'animata ressemblait à une sorte d'insecte avec des roues.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.5\linewidth]{images/tof_bureau}
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\includegraphics[width=0.5\linewidth]{images/tof_bureau2}
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\caption{La dernière phase du prototype, avant la résidence pratique}
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\label{fig:tofbureau}
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\end{figure}
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Pour mon imaginaire artistique, je me suis dit à l'époque qu'il avait perdu son ouïe mais gagné de la vision en échange. Cela a également influencé ma façon d'imaginer sa présence lors des improvisations. Au premier abord j'ai fermé mes yeux, en pensant à sa cécité induite. Sur les photos que j'ai montré plus haut, le capteur ultrasons ressemble à une paire d'yeux, bien qu'en réalité il opère avec du son. En échange le capteur \textit{infrared} est plus petit et son apparence peut suggérer des oreilles à la place des yeux. \textit{Fermer donc les yeux pour mieux entendre} à été une de mes premiers explorations sensorielles avec un non-humain.
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En avril 2021 lors d'une de mes premières résidences de recherche dans le studio de Mathilde Monnier, j'ai commencé par des exercices somatiques qui n'impliquent pas la vue. Immobile, je choisissais un endroit dans l'espace puis je laissais mon corps se reposer pour capturer son empreinte dans l'espace. J'imaginais mon enveloppe corporelle, je visualisais la position spatiale de chacun de mes membres, j’écoutais le son de ma respiration puis les bruits autour de moi - de plus proche au plus lointain. Au fur et à mesure des mois, j'ai adapté cet exercice à plusieurs versions. Je suis arrivée à le faire début, les yeux fermes, en bougeant. Souvent la trajectoire que j'imaginais n'était pas la même que celle de mes déplacements réels dans l'espace. Cet endroit d'incertitude, l'écart entre ce que je visualisais et là où mon corps m'amenait représentait une sorte d’errance joyeuse. Il restait à voir comment une animata, qui à mon sens avait un comportement similaire, pouvait interagir avec moi. Plus concrètement la question se posait inversement - comment moi dans cette joyeuse errance, j'ai pu interagir avec \textit{Autre} chose, dont le comportement était aléatoire.
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Parmi les scénarios d'interaction que j'ai imaginé, j'ai voulu comprendre l'incidence de son mouvement aléatoire sur mon improvisation spatiale ou l'impact de ses arrêts sur mon propre déplacement. Au sens plus large, la manière dont une improvisation dansée avec ce type de partenaire est différente d'une séance d'improvisation avec un humain, m’intéressait.
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La mise en pratique de ces scénarios s'est produite lors d'une résidence d'essai en juillet 2021, comme expérimentation préliminaire du projet CECCI-H2M.
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Des vidéos de séances d'improvisation sont accessibles intégralement.
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Le premier exemple\footnote{https://vimeo.com/855838173} montre une danse avec le capteur ultrasons,
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le deuxième est une démonstration du capteur infrarouge \footnote{ https://vimeo.com/856034468}, alors que la dernière vidéo montre une maquette présentée lors d'une résidence de création\footnote{https://vimeo.com/856039742}. Cette maquette est le résultat de l’interaction entre moi en tant que performeuse, l'animata et une projection des algorithmes visuels d'Isadora Teles de Castro.
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Le choix de commencer mon exploration avec un exemple physique simplifié, vient du besoin de construire un substitut au robot. Ce substitut est un Arduino avec des roues, dont le corps est en carton. Les seuls attributs de cet appareil sont sa capacité de détection de mouvements et d’obstacles. Utilisant peu les capacités comportementales, j'ai poursuivi un point commun entre l’intelligence inhérente au corps humain et la réaction d'un \textit{Autre}, proche d'un animal ou insecte dont le corps est mécanique. Cette approche de l'animata s'inspire du fait qu'il est possible d'étudier la cognition humaine à travers une approche \textit{bottom-up}. Cette approche part d'architectures de contrôle minimales et d'environnements simples pour les rendre ensuite progressivement plus complexes\cite{bret2005interacting}. Lors de cet essai, l'influence de la présence de l'animata sur mon propre expression corporelle m'a fait reconsidérer mes objectifs lors d'une possible interaction avec HRP-4 sur scène.
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Comparés aux robots industriels très puissants et rapides, les robots collaborateurs sont plus conformes, avec des performances plus lentes, mouvements élastiques inspirés de la nature. Leur capacité à complexifier leur propre comportement est directement liée à leur capacité à interagir avec l’environnement\cite{brooks1990elephants}. Le robot HRP-4 n'a pas été conçu en utilisant des contraintes industrielles. Il est une plateforme de recherche, capable de résoudre des problèmes complexes comme conduire une voiture\cite{paolillo2018autonomous} ou avoir des compétences de fabrication\cite{kheddar2019humanoid}. Puisque son fonctionnement repose sur un contrôle de l'espace des tâches\cite{bolotnikova2019multi}, nous avons pensé tester sa capacité d'incarnation\cite{aymerich2016second}, pour l'adapter à un contexte d'interaction avec les humains plus intuitif et peut-être primitif, comme la danse improvisée.
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Cet objectif d’une relation H2R interdépendante et co-créative, a été abordé à travers les étapes suivantes :
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\begin{itemize}
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\item étudier le comportement autonome des humanoïdes
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\item concevoir des modèles élémentaires Arduino qui simulent un type de comportement autonome humanoïde
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\item improviser des séquences de danse/mouvements avec le modèle élémentaire
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\item analyser l’impact du comportement de la machine sur les mouvements de l’interprète
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\item identifier les mouvements réflexes chez l'interprète
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\item adapter puis appliquer certains d'entre eux au HRP-4 virtuel, en utilisant des statistiques et des fonctions aléatoires
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\item créer un scénario de mouvement pour HRP-4 virtuel combinant des mouvements réflexes et intentionnels
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\item improviser avec HRP-4 virtuel en utilisant ce scénario
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\item analyser l'effet de ce geste sur l'interprète
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\end{itemize}
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\section{Des robots sauvages}
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Des hybridations homme-machine que le professeur Masahiro Mori a étudié dans son graphique de la \textit{vallée de l'étrangeté}, mentionnée dans la première partie de cette thèse, croisent les regards féministes de Donna Haraway\cite{haraway2016staying}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2019posthuman} et Karen Barad\cite{barad2003posthumanist} pour évoquer de nouveaux types d'humanités et humanismes. La place de la femme, entre techno-chamane et sorcière, rejoint la critique de Zigmunt Bauman sur la liquéfaction de nos identités\cite{bauman2006vie}. Dans ce contexte, la danse apparaît comme une forme de \textit{des-identification}, dernier rempart avant la fin du monde. Mais de quelle danse pouvons-nous parler lorsque nous évoquons les robots?
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Travailler à partir de leurs mouvements peut paraître une double mise en abyme du mouvement humain et animal, dont la robotique s’inspire pour créer ses modèles. Cependant je vois cette danse comme un endroit de liberté, face à l’automatisation des machines. Bien qu’ils arrivent petit à petit à exécuter des mouvements techniques, les robots ne sont pas dotés d'intentions, d’un vécu expérientiel qui nourrit leur geste. Ni de la créativité, malgré ce que les médias nous laissent croire.
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En ce qui me concerne, la danse m'a appris beaucoup de choses sur l'intelligence de mon corps, sur mon instinct, sur le fait d’être présente. Elle fait partie intégrante de ma vie depuis mon enfance. Au début cela à été un moyen d’évacuer mes émotions et de faire la fête. Avec le temps c'est devenu un médium pour interroger d'autres pratiques et domaines d'activité comme la robotique et les neurosciences. La pratique chorégraphique est pour moi étroitement liée à l'improvisation, puisque c'est là que je retrouve ce plaisir spontané de danser, d'inventer des mondes.
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Dans le cadre de cette recherche-création, j’ai fait des analogies entre les robots et les ours sauvages, puis entre les robots et les vampires dans le projet \textit{TIWIDWH} (2023). La façon dont j’improvise et je m’empare des outils chorégraphiques en lien avec les robots est un processus en cours de développement. Mes observations théoriques trouvent ou ne trouvent pas une expression propre lors de rendus pratiques. Je trouve intéressant de mettre ces deux perspectives en tension, puis de partager les conclusions.
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Ma pratique quotidienne est un mélange d'exercices de prise de conscience des sensations, de yoga et d'étirements. Lorsque je danse, j'essaie de suivre presque automatiquement l'enchaînement des mouvements. Idéalement j'aimerais avoir plus de technique, bien que j’apprécie cette corporalité \textit{autre}, façonnée par des rencontres en laboratoire, programmation des robots, mise en place d'ateliers pluridisciplinaires et techniques de danse. Le fait d'émuler des mouvements des robots est une occasion de relativiser ma manière de danser.
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Ce qui m’intéresse est de travailler à partir d'autres physicalités, notamment celles des robots. Pour cela j'accorde une importance particulière à la manière dont l'enchaînement des mouvements s'organise, son origine, sa vitesse et la capacité de rotation de l'articulation en question. J'accompagne cela par des sensations internes, en m'imaginant que mon corps se transforme selon l’équation de mouvement du robot. Le plus important est de saisir mon intention derrière ce mouvement, bien que dans le cas du robot cela n'existe pas réellement.
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Je travaille en accordant plus d'importance au processus, qu'au résultat final. L'articulation entre mon intuition et la forme que cela peut prendre se fait par l’écriture. Mon approche est inspirée entre autres par les écrits des dramaturges de la danse comme Guy Cools\cite{cools2021dance} et Jonathan Burrows dont je me suis beaucoup appuyée sur le cahier de bord\cite{burrows2010choreographer}, puis des chorégraphes comme Deborah Hay et Anna Halprin que j'ai déjà évoquées dans la partie théorique. En suivant leurs observations j’intègre à mon tour la prise de notes comme une pratique incorporée, dont la danse s'inspire pour mieux clarifier le processus de composition et d'improvisation. Je conçois tout cela comme un processus de réflexion où l'improvisation est une sorte de négociation entre ce que mon corps m'apprend et l'évolution de mes opinions vis à vis des robots dans ce contexte. Interroger leur figure pour voir ce que cela renvoie par rapport à mes craintes et peurs quant à l’avenir. L’utilisation de l’improvisation comme outil pour trouver du matériel est étroitement liée aux processus chorégraphiques type collage ou \textit{copy-paste}, pour citer Burrows. Pour mon premier spectacle \textit{En attendant que la vie passe} (2019) j'ai d'abord trouvé les tableaux, puis décidé ensuite de l'ordre dans lequel ils s’enchaînent. Lors des improvisations, une grande partie des trouvailles n'ont pas pu être reproduites, c'est en cela que les notes de Burrows ont pu me consoler quant à la suite. J’ai pu comprendre que ce qui ne peut pas être reproduit laisse de l'espace pour déployer de nouvelles choses. Ainsi j'espère trouver une manière de danser qui n’est pas une imitation des mouvements des robots, mais plutôt une manière de danse propre à ce type d’interaction.
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La place que le corps prends à l’intérieur de ce projet concerne sa des-identification, ou pour citer Cools, une forme de confusion que l’expérience somatique de la danse peut produire lors d'un processus de création. Le dramaturge utilise comme point de référence le travail du praticien somatique Stanley Keleman dont j'ai découvert le travail à cette occasion. Pour Kelman l’une des fonctions de l’art est de créer des images évocatrices qui touchent et résonnent profondément dans notre système d’impulsions, pour nous aider mieux explorer notre propre qualité de mouvement. J'adapte à mon tour des outils de Cools, comme le \textit{Repeating Distance}, concernant l'exploration de l'espace de la performance et du paysage environnant, en tant que témoin. Imaginer la vie des robots sans les humains et les incarner ou danser à leur place est un détour pour mieux comprendre l’actualité qui m’entoure. Ce projet de thèse est devenu une sorte de traduction d’une \textit{vie secrète des robots}, tels des jouets qui s’animent, une fois la lumière du magasin éteinte. Probablement la phrase qui résume le mieux ce défi est celle de Pina Bausch, évoquée lors de son discours de remerciements pour le prix Kyoto (une de plus importantes distinctions dans le domaine de l'art\footnote{https://www.pinabausch.org/en/post/what-moves-me}) à la Fondation Inamori, au Japon:
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\textit{I’m not interested in how people move. I’m interested in what makes them move.}
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- Pina Bausch
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\cite{mullis2013cambridge, kozel2008closer}
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\subsection{Laboratoire d'expérimentation sur le lâcher-prise}
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Début 2023, après trois ans de travail individuel, j'ai eu l'occasion d'ouvrir ma pratique aux membres du collectif OpenSource. Créé en 2014, ce collectif propose un espace de rencontre, de réflexion et d’échange artistiques fondé sur la pratique de la mise en scène, dans une optique de mutualisation, de partage et de décloisonnement. Leur intérêt pour la recherche pratique en mise en scène met en avant son caractère solitaire et individualiste. Cela faisait écho à ma recherche doctorale, puisque la recherche-création autour des robots m'a contrainte a moins travailler en collectif ces dernières années.
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J'ai ainsi proposé une séance de travail sur le lâcher-prise, dans le cadre d'une session d’expérimentation à Anis Gras Le lieu de l'autre à Arcueil, du 16 au 20 janvier 2023.
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Cette séance a été co-dirigée avec Erika Guillouzouic, comédienne et metteuse en scène, membre active du collectif.
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Son titre - \textit{Le lâcher-prise : Pensée du corps et intelligence sensorielle} - laisse deviner le postulat de départ de ce laboratoire collectif. Mon idée était de questionner la possibilité d'un mise à jour de l’imagination, récurrente et facilement accessible à travers le corps, à l'intérieur d'un processus créatif intense et contraignant. Comme si je rêvais inconsciemment de trouver une recette magique à mes propres tourments.
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Ainsi cette session d’expérimentation a été orientée autour des processus de recherche-création en lien avec des pratiques somatiques\cite{jay2014pratiques} et des notions telle l'\gls{intelligence sensorielle}. J'avais auparavant participé à des sessions de recherche d'Open Source, proposées par d'autres membres du collectif. Cette fois il s'agissait pour moi d'ouvrir ma recherche aux autres metteurs en scène peu familiers avec la danse, la somatique ou même les notions de robotique dont je m'inspire. Puis de voir comment cela s'articule avec leurs profil, avec leurs besoins et expériences. Chaque participant avait sa manière de faire puis aussi ses résistances quant au thème choisie.
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J'ai constitué le cadre de la session autour des exercices pratiques et des échanges théoriques, avec comme focus un autre type d'intelligence - celle qu'opère lorsque nos sens et notre perception s’activent - l'intelligence sensorielle. Nous avons expérimenté des mouvements peu intéressants pour la danse contemporaine, notamment des mouvements produits de façon automatique sans chercher un rendu esthétique. Cela nous a fait comprendre comment les émotions peuvent influencer les caractéristiques physiques d'un corps en mouvement, comment les articulations se mettent en marche quand on écoute le vécu du corps.
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En s'appuyant sur des repères dans des disciplines comme la philosophie, la robotique ou et les neurosciences, entre autres, nous avons tenté de définir ce que pourrait correspondre à une \gls{intelligence du mouvement} propre au corps et son vécu, dans un contexte artistique. Ainsi nous nous sommes concentrés sur ce qui échappe à notre quotidien, sur ce qui met l’intelligence analytique à l'arrêt pour faire place au spontané et à l’inattendu. En d'autres mots, nous avons cherché à laisser les corps s'exprimer.
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En amont de la séance, nous avons demandé aux participants de nous faire parvenir un récit en lien avec une expérience de lâcher-prise, sous la forme d’un enregistrement audio entre 3 et 10 minutes. Parmi les exemples reçus, il y avait la question d'abandon lors d’une représentation en tant qu’interprète, puis en tant que spectateur, mélangés avec des exemples de la vie privée. Nous avons mis en place des ressources collectives pour encourager le partage des sensibilités, des goûts et des expériences. Cela a pris la forme des repères bibliographiques, fichiers audio, supports vidéo et images. Les participants ont du réfléchir à une musique, une image ou un objet qui leur évoque le sentiment de lâcher-prise. Un coin détente et aussi une enceinte audio ont été mis à disposition pendant toute la session, pour que chacun puisse lancer un fichier sonore et interrompre le rythme des échanges, à tout moment.
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Afin d’encourager les débats et les échanges sur les disciplines transversales, j'ai mis à disposition une liste d' articles scientifiques. Bien que parfois leur contenu était trop ciblé ou spécifique, cela a inspiré notre processus de travail. Selon les échos et les discussions, cette liste s'est étoffée avec des extraits des livres, vidéos et articles partagés collectivement.
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Plus bas une liste de questions soulevées pendant la session, ainsi que des réflexions et observations quant à l'idée de d'abandon de soi:
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\begin{itemize}
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\item Lâcher-prise, ce ne serait pas de l’ordre de l’abandon ?
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\item Le lâcher-prise est-il individuel ?
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\item Cherchons-nous le lâcher-prise ou le plaisir de la sensation corporelle ?
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\item Comment un acteur s’adapte à son public ?
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\item L’expérimentation fait apprentissage.
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\item Comment ré-injecter du silence ?
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\item Comment laisser la place à l’imaginaire du ou de la spectateur•trice ?
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\item Est-ce que le lâcher-prise c’est un ``T’as qu’à t’en foutre ?”
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\item Comment le regard se travaille-t-il ?
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\item Quelle est l’expérience de l’intelligence sensorielle, perçue personnellement, que j’ai vécue ?
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\item Pourquoi cherche-t-on à lâcher-prise ?
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\item Comment fais-tu pour arriver à un état de lâcher-prise ?
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\item Que laissons-nous derrière lorsque nous cherchons le lâcher-prise ?
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\end{itemize}
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Le fait de traiter ces thèmes collectivement, d'ouvrir sa boîte à outils et sa méthodologie quant aux défis et objectifs d'un groupe de recherche éphémère, implique une mise en commun des ressources, des objectifs et des envies.
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Si le thème de l'abandon de soi et de lâcher-prise m'intéresse depuis longtemps, la pratique de la danse a été un des premiers moyens pour y accéder. J'ai commencé par combiner et adapter certains exercices d'échauffement afin de moins me concentrer sur le résultat d'une improvisation. Par le biais de cette session de recherche, j’ai pu les partager avec d'autres personnes pour avoir un premier retour d’expérience. Parmi les membres du collectif, très peu ont une expérience avancée en danse. Il y a eu certains qui ont avoué ne pas aimer cette pratique, ou ne pas se sentir à l’aise pour danser en public. Aborder le lâcher-prise par la danse leur est paru contre-intuitif au premier abord.
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Mon défi a été de voir s’il y a, en danse, une façon de convoquer un abandon de soi de façon directe, puis retrouver une dimension somatique dedans, indépendamment du rapport à la danse des participants. Alors que les processus Open Source sont collaboratifs, le cadre proposé initialement s'est beaucoup élargi au fur et à mesure que nous avons avancé dans l'exploration.
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\caption{Exploration sensorielle ludique: etre en mouvement avec les yeux fermés.}
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\label{fig:lp3}
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Les quatre dernières années j’ai peu travaillé collectivement en dehors de mon projet de thèse. La rencontre avec Open Source à Anis Gras, lieu qui m'a accueilli plusieurs fois en résidence, a été un retour à l'effervescence du terrain, aux sources.
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J’avais préparé un planning et imaginé des portes d'entrée selon les niveaux d’intérêt de chacun. Cela s'est fait en lien avec mes recherches scientifiques sur l'\gls{intelligence sensorielle} en interaction avec des robots. J'ai même pris quelques unes de mes hypothèses de recherche concernant les robots comme exemple. Comme souvent dans ce groupe de travail, une synergie collective s’est installée et je me suis retrouvée à devoir littéralement ``lâcher” certains objectifs initiaux et surtout accueillir des besoins nouveaux, autres que ceux que javais moi-même anticipés. Notamment la question du lâcher-prise collectif et la question du groupe qui s'auto-organise par inertie.
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Dès lundi, les quelques définitions du mot lâcher-prise, puis les extraits sonores avec les expériences de chacun m’ont permis de comprendre que cela sera une exploration propre à l’énergie de chacun des participants. Un processus hétérogène entre les initiés à la danse, les curieux et les paniqués, entre regard critique et auto-dérision. Leur retour méfiant quant aux rapprochements entre la technologie et l'\gls{intelligence sensorielle} m’ont fait comprendre que le groupe trouvera son cheminement et moi mon apprentissage avec, comme une sorte de ``méta” lâcher-prise à l’intérieur d’un processus de recherche collaboratif.
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Mercredi, le troisième jour de travail lors d’un moment d’échange collectif, certains participants ont voulu mettre de côté la question du corps, comme un sorte de rébellion quant au dictat de la sensorialité. Ils prônaient un retour aux textes, à la pensée critique, loin du vécu expérientiel. J'ai interprété cette réaction comme une sorte de panique quant à la perte de repères que ce type de travail peut provoquer. Comme si quelque part ils aimeraient toucher de la terre, du solide, après s’être laissés porter par les courants d'une recherche fondamentale sur l'abandon de soi. Retrouver leurs repères propres à chacun. J'ai pensé que mon travail en tant que co-directrice de la session était d'aider le groupe à clarifier son cheminement, le guider sans le diriger. Proche de ce que j'avais fait plusieurs fois pour mes projets de théâtre...une metteuse en scène, finalement. J'étais donc prête à abandonner. À ma surprise, d'autres participants ont proposé faire juste une pause pour y revenir vendredi en fin de séance. Signe que notre travail préoccupait bien les esprits, nous avons eu un débat sur ce qu'est une \gls{intelligence sensorielle} dans le train de retour d'Anis Gras. Un de membres du collectif me rappelle que les objectifs de la session ne sont pas forcément ceux d’une recherche académique, qu'il faut accepter la nouvelle direction que la session peut prendre. Cette idée de proposer un cadre puis le laisser se transformer collectivement m'était claire en début de session. Cependant je n'arrivais pas à trouver les arguments pour exprimer mon ressenti émotionnel. Pour moi, ce moment de remise en question faisait partie du processus. Il devenait tout aussi important de repréciser le cadre et ses permutations pour comprendre comment une \gls{intelligence sensorielle} peut se manifester par le lâcher-prise. Le lendemain, suite à une grève du RER nous avons travaillé chez un des participants. Nous avons décidé de faire une improvisation collective in situ. Nous avions visité la Gare du Nord en tant que touristes en repérant bien l’environnent sensoriel de ce lieu - les odeurs, les images, les sons et la texture des objets.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_6}
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\caption{Moment d'improvisation collective à la Gare du Nord: exploration sensorielle d'un portable.}
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\label{fig:lp6}
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Cela a déplacé les limites du jeu ailleurs, encore une fois. J’ai eu plusieurs moments où j’ai joué avec la consigne, pour voir ce que cela produisait si je lâchais le cadre. Tout en observant les autres faire pareil. Cela m’a renvoyée à des expériences similaires faites en marge d’un projet inspiré par le film \textit{Idioterne} de Lars von Trier. J'ai retrouvé cet extrait de mes notes:
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\begin{quote}
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``Il y a quelque chose de jubilatoire dans le fou rire, lorsqu’il est honnête. Comme une relâche, probablement la respiration, le sommeil ont beaucoup à voir avec le lâcher-prise. Cependant j’entend par intelligence quelque chose d’adaptatif, qui se met en œuvre pour faire émerger du nouveau. Comme voir quelque chose qu’on a déjà vu, mais sentir qu’on le voit différemment.”
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\end{quote}
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Puisque le terme de lâcher-prise a été très présent dès le début de la session, il nous a fallu du temps pour comprendre comment évoquer les attentes envers une possible définition universelle de ce terme. Pour certains participants la question du corps et de l'\gls{intelligence sensorielle} a été vécue en lisière de cette question du lâcher-prise, parfois sans une prise de conscience directe. Comme imaginé, la question de la robotique et même plus largement celle du numérique ont effleuré à peine l'esprit des membres du collectif. Alors que cela fait partie des problématiques sociétales où chacun donne un avis et s'y intéresse (d'autant plus mes collègues d'Open Source). Avec le temps, je pense avoir compris pourquoi cela s’était produit. Si pour moi le lien entre la robotique et le corps ou la sensorialité est évident, pour certains cela peut paraître tiré par les cheveux justement parce qu'un robot est l'opposé d'un corps vivant, sensoriel.
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Parmi les retours d’expérience, le danseur et chorégraphe Gerry Quévreux évoquait l'exercice de sieste volontaire pratiqué ensemble, pour témoigner de la rapidité avec laquelle son esprit s'est remis en marche après: ``je parvenais à raccrocher les wagons ensuite, à me relier d’une manière à ce qui s’est joué sans moi pendant un moment.” Curieusement il reliait cela à un autre exercice pratique, celui d'écriture automatique que j'avais proposé le premier jour d'exploration et qui est devenu ensuite une sorte d'exercice préféré du groupe: ``la pratique de l’écriture spontanée a été une vraie retrouvaille et je décèle là-dedans quelque chose qui me fait toucher un lâcher-prise créatif. Je veille moins au sens, il y a la présence du rythme, la scansion.” Je déduis de son témoignage à quel point la créativité est dissociée de l'exactitude et de la précision. Alors que les robots sont justement conçus pour cela - être précis et exacts dans leurs actions. Probablement si nous avions cherché plus les antonymes de l’état de lâcher-prise, nous serions tombés d’accord sur le fait que le mot “concentration” en fait partie. Tout en n'en faisant pas partie proprement. Puisque dans un autre témoignage Gerry parle d'état modifié de conscience pour illustrer le lâcher-prise. Alors peut-être s'agit-il d’un autre type de concentration ?
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_5}
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\caption{Mouvements automatiques pendant nos exercices d'improvisation corporelle.}
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Cela rejoint l’intervention du chercheur en musique et sciences cognitives Luc Pererra que j'avais invité pour nous parler de son travail sur le rythme. Selon lui, le rythme structure la connaissance: ``même inconscient le cerveau peut enregistrer des choses, par le rythme, de manière rythmique. Le fœtus fait ça dès 4 mois.” L'intervention de Luc, ainsi que les extraits musicaux qu'ils a partagé ont beaucoup éveillé notre sensibilité. À tel point que cela risque de devenir le souvenir le plus marquant de notre semaine de travail. Presque tous, nous gardons aujourd'hui un souvenir précieux de la voix de la chanteuse indienne Nina Burmi dont le chant, indéchiffrable au niveau des paroles, à résonné en nous à un autre niveau d'entente sensorielle\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=kfBvz2rG-NI}.
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Cette expérience collective d'adhésion à une musique inconnue a été pour moi une belle preuve de notre synergie en tant que groupe. Je n'ai pas les arguments pour analyser cela d'un point de vue neuro-scientifique, mais probablement quelque chose du caractère imprévu de cette proposition, sa fréquence sonore et sa rythmique a su induire en nous, au moment de l'écoute, un état de concentration et d'éveil sensoriel. Pendant ce moment nous nous sommes sortis de notre cadre de recherche et probablement avons vécu un véritable lâcher-prise collectif. Est-ce là à cause du caractère imprévu de la situation ? Est-ce là plutôt dû au niveau d'investissement de l’interprète dans son chant? Ou plutôt à cause de la fréquence du chant ?
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Ces questions ont continué de nourrir ma recherche bien après la session Open Source.
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Au moment de ces observations rétrospectives, je ne peux pas m’empêcher de considérer le témoignage des deux autres participants à la session. Pour des raisons éthiques et personelles je préfère garder leur anonymat. Le hasard a fait que deux metteurs en scène avec de maladies impliquant des problèmes locomoteurs et neurologiques ont exprimé leur intérêt pour la session. Un d’entre eux est un ami âgé d’une soixantaine d’années qui, suite à une maladie auto-immune, s’est retrouvé en incapacité motrice pendant une période de temps. Depuis il a retrouvé une certaine mobilité mais reste dépendant de son traitement. L'autre a la trentaine, mais en proie d'une maladie neurodégénérative sérieuse avec des soins hospitaliers récurrents. Il m'avait fait part, lors de nos échanges par Whatsapp, des expériences de réveil de coma, puis de sa vie actuelle avec une dilatabilité qui conditionne son travail lourdement. Les deux ont intégré la session de façon ponctuelle. L’un d’entre eux n’a pu être finalement présent qu’en distanciel, tandis que l'autre a participé à une de nos expérimentations collectives. Leur attitude envers le travail, leur contribution et engagement (même à distance) m'ont beaucoup touchée. Les mots ``somatique” et ``thérapie” ont eu tout d'un coup une autre portée pour moi. Malgré son dis-confort physique, mon ami s'est coordonné admirablement, comme si rien n'était. Il était là, actif et tonique, engagé dans son travail corporel, à l'écoute de ses partenaires. Il avait envie d'essayer, de se mettre en jeu collectivement. De ``jouer” au sens que les enfants donnent à ce terme. Nous avons exploré ensemble nos différences dans un état d’ingénuité et de nativité. À un moment donné, quelqu'un a donné la consigne d'oublier une partie de son corps. J'ai pensé à lui, à nos échanges auparavant et au fait qu'il y a quelques années c'était son corps qui a ``oublié” de répondre, comme si une partie de lui s’était mise en veille volontairement. Je l'ai regardé et vu qu'il était ailleurs, à l'écoute de son exploration sensorielle. Je me suis surprise à l'observer pendant que nous nous déplacions dans l’espace et j'ai senti que c'était moi celle qui n'était pas là. Lui, il était dedans. Dedans lui-même, si je peux dire. Je ne sais pas si ce type de rencontre que nous faisons avec nous-même est quelque chose dont nous nous apercevons lorsque cela se produit. Probablement que non. Cependant cet état, j'ose dire ``de grâce”, devient moteur de l'énergie dont nous disposons pour toutes nos actions qui le précédent. Probablement, la fréquence avec laquelle nous pouvons faire cet aller-retour de reconnexion avec nous-mêmes, détermine notre tonus ou degré de fatigue. Plus ces moments de reconnexion sont lointains plus nous devenons fatigués. Comme si en puisant au plus profond de nous-mêmes, nous activons une énergie propre sous-jacente. Je me rends compte que cette façon de parler, d'évoquer des observations, des impressions perceptives peut s’apprêter à un registre ambigu, proche de la ``thérapie”. Le jour d’avant, alors qu’il n’était pas là, nous avons lu le premier chapitre du livre de Peter Levine\cite{levine2010unspoken} où il évoque son accident de voiture et la perte de contrôle de son propre corps. J'avais découvert ce livre alors que je cherchais à comprendre d’où venait mon intérêt pour les tremblements et \textit{le shaking} décrit dans le premier chapitre de cette these. Le travail de Levine faisait partie des ressources de l'atelier sur le lâcher-prise, bien avant que je connaisse la volonté de participer à la séance de mon ami.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/lp_2}
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\caption{Brainstorming pour mieux définir le concept de lâcher-prise.}
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\label{fig:lp2}
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\end{figure}
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Dans ce contexte, je préfère préciser mon positionnement quant aux dérives dues à la confusion entre des pratiques et des expertises en danse. Les concepts somatiques que j’applique en danse n’ont rien à voir avec une dimension thérapeutique. Elles ont pour objectif une meilleure appréhension de soi-même et facilitent des prises de conscience, mais autant moi que les gens avec qui j'ai pu travailler jusqu'à là, n'avons pas de compétences en médecine. L'art se veut un endroit d’exploration et par sa dimension critique il peut amener à des observations ou des constats personnels en lien avec des soins. N’est-ce pas un des objectifs de l'art de soigner le monde ? D'autant plus quand il s'agit de la danse et du corps. Pour revenir au corps, le moment est peut-être venu d’évoquer la manière dont Bruno Latour le décrit. Cette façon de considérer le corps a été édifiante pour mon travail avec les robots, mais elle s'élargit de plus en plus, alors que j’interagis collectivement avec des humains et des non-humains:
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\begin{quote}
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``Avoir un corps, c'est apprendre à être affecté, c'est-à-dire \textit{effectué}, déplacé, mis en mouvement par d'autres entités, humaines ou non humaines. Si vous ne vous engagez pas dans cet apprentissage, vous devenez insensible, stupide, vous tombez raide mort. Équipé d'une telle définition pathologique du corps, on n'est pas obligé de définir une essence, une substance (ce qu'est le corps par nature), mais plutôt, je soutiendrai, une interface qui devient de plus en plus descriptible à mesure qu'elle apprend à être affectée par de plus en plus d'éléments. Le corps n'est donc pas une résidence provisoire de quelque chose de supérieur – une âme immortelle, l'universel ou la pensée – mais ce qui laisse une trajectoire dynamique par laquelle nous apprenons à enregistrer et à devenir sensibles à ce dont le monde est fait. Telle est la grande vertu de cette définition : il n'y a aucun sens à définir directement le corps, mais seulement à rendre le corps sensible à ce que sont ces autres éléments. En se concentrant sur le corps, on est immédiatement – ou plutôt, médiatement – dirigé vers ce dont le corps a pris conscience. C'est ma façon d'interpréter la phrase de James : Notre corps lui-même est l'exemple éclatant de l'ambiguïté\footnote{
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``To have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead.
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Equipped with such a patho-logical definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be
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affected by more and more elements. The body is thus not a provisional residence of something superior – an immortal soul, the universal or thought – but what leaves a dynamic trajectory by which we learn to register and become sensitive
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to what the world is made of. Such is the great virtue of this definition: there is no sense in defining the body directly, but only in rendering the body sensitive to what these other elements are. By focusing on the body, one is immediately – or rather, mediately – directed to what the body has become aware of. This is my way of interpreting James’s sentence: \textit{Our body itself is the palmary instance of the ambiguous.”}.”}
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\cite{latour2004talk}
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\end{quote}
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Alors je souligne ici l'importance de cette perspective du corps-interface que Bruno Latour a su anticiper bien avant les avancements du numérique. Comprendre par quoi nous sommes agis, avec quoi nous sommes en lien, nous aide à mieux nous connaître. Comme Anna Halprin l’évoque mieux que moi, ce type d'introspection est individuelle et a beaucoup plus à voir avec des chemins de vie et des personnalités qu'avec des thérapies. En d'autre mots, l'art peut être une thérapie pour soi-même, mais elle ne peut pas faire du prosélytisme pour une solution universelle. Peut-être que cela se réduit à ce que le metteur en scène Mathieu Hout a partagé avec nous à la fin d'une journée d'exploration Open Source. Pour lui le fait de s'appliquer et d’être honnête dans cette recherche collective est ce qui compte le plus, au delà des résultats de la session. En cherchant ce qui peut être un lâcher-prise collectif, il nous partage ses notes de la journée, parmi lesquelles figurent ces mots: ``Je suis avec toi. Peut-être qu’il ne s’agit que de ça. Être avec.”
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J'aimerais revenir à l'impact que cette session d’expérimentation a eu sur mon propre laboratoire de recherche-création, en quatrième année de thèse. Cela m’a aidée à comprendre que le cheminement n'est jamais fini, qu'il s'agit d'un travail qui s'affine au fur et à mesure que j'avance. J'ai pu également confirmer mes motivations, mieux accepter mes doutes quant aux risques d'une appropriation thérapeutique de ma démarche en danse. Puisqu'il s'agit de notions vagues, j'ai mis cette fois à l'écart les robots, pour mieux comprendre comment travailler cela entre humains. J'ai cultivé une sorte d'écoute polymorphe, en pensant toujours que cela m'aidera à mieux comprendre les robots. Puis l'écart entre le mode de pensée des metteurs en scène, en comparaison de celui des roboticiens fait encore ressentir ses ondes de choc. D'autant plus que pour moi quand le corps est en veille, loin du plateau, c'est compliqué de s'écouter, de se comprendre collectivement. Intégrer une pluralité de points de vue, des interrogations et des critiques m'a fait du bien, car cela m'a rappelé que l'art est l'endroit qui peut intégrer toutes ces différences. Cela m'a également aidée à mieux structurer les cadres conceptuels et méthodologiques de ma recherche quant à la danse et à la robotique.
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Les mots d'Erika résonnent encore, bien après que cette séance de travail s'est achevée:
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\begin{quote}
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``Cette recherche infuse encore beaucoup en moi. J’ai comme l’impression que quelque chose a bougé, qu’un nouveau voyage a commencé et qu’il sera toujours temps d’ouvrir le cahier où j’ai posé des mots pendant la session pour y revenir. Le cahier comme un retour aux sources, retour à la compréhension, aux expériences et aux rebonds, pour appréhender le voyage avec sérénité.”
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\end{quote}
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Je pense, comme elle, que cette session m'a aidé à mieux intégrer l’écriture dans mon processus de recherche-création en danse, mieux expliciter mes besoins pour pouvoir les traduire selon le contexte. Comme une sorte de double-regard d'un moi celle qui agit, puis moi celle qui observe l'action et ses retentissements. Pour exprimer le lien entre la conscience et la danse, Kozel évoque la couleur rouge\cite{kozel2008closer}, tout comme David Chalmers l'a fait lorsqu’il a donné des exemples du problème difficile de la conscience. Ainsi l'incapacité d'expliquer une expérience perceptive est tout autant opaque, que l’expérience phénoménologique de la couleur rouge décrite par Merleau-Ponty:
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\begin{quote}
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``La chorégraphie concerne la variation et les relations, entre les corps dans l'espace et le temps. La description de la couleur rouge par Merleau-Ponty révèle une compréhension de la chorégraphie qui peut être appliquée à l'échange de données : ce rouge est ce qu'il est seulement en se connectant de sa place avec d'autres rouges autour de lui, avec lesquels il forme une constellation, et il attire ou est attiré par d'autres couleurs, les repousse ou est repoussé par elles, les domine ou est dominé par elles, existant comme un nœud dans les modalités temporelles du simultané et du successif (ibid., 13 2). Cette dynamique d'attraction et de répulsion, de partage et de confinement, formant une constellation changeante à travers le temps, est une manière de comprendre la chorégraphie des données favorisée par les dispositifs portables. Mon corps peut ne pas exister, en faisant un clin d'œil à la provocation de Godard, mais en tant que tissu conjonctif, je vis un espace de potentiel encore plus grand, une corporalité élargie qui est imprégnée d'espaces interstitiels que j'atteins dans l'espoir et la vulnérabilité, parfois dans le désir et la colère, ou que je cherche à étirer dans la peur ou la douleur. Je suis comme la couleur rouge habitant des zones élastiques d'interface entre moi et moi-même, ou entre moi et les autres. La performance se produit dans ces espaces interstitiels, à la fois les performances quotidiennes et les performances artistiques\footnote{en version originale: ``Choreography is about variation and relations, between bodies in space and time. Merleau-Ponty’s description of the color red reveals an understanding of choreography that can be
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mapped onto the exchange of data: \textit{this red is what it is only by connecting up from its place with
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other reds about it, with which it forms a constellation}, and it attracts or is attracted by other colors, repels them or is repelled by them, dominates or is dominated by them, existing as a \textit{node} in the temporal modalities of the simultaneous and the successive (ibid., 13 2 ). This dynamic of attraction and repulsion, sharing and containment, forming a shifting constellation across time is a way of understanding the data choreography fostered by wearable devices. My body may not exist,
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nodding to Godard’s provocation, but as connective tissue I live an even greater space of potential, an expanded corporeality that is permeated by interstitial spaces that I reach across in hope and in vulnerability, sometimes in lust and anger, or that I seek to stretch in fear or pain. I am like the color red inhabiting elastic zones of interface between myself and myself, or between myself and others. Performance occurs in these interstitial spaces, both everyday performances and artistic performances.”}.”
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\end{quote}
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\subsection{La rencontre avec HRP-4}
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J'ai commencé ce projet de thèse probablement pour comprendre d'où vient ma fascination pour les robots. Si je remonte au temps de mon enfance, j'associe à la figure du robot celle d'une poupée. Je précise que si aujourd'hui j’associe robots et poupées, je fais cela avec le plus grand sérieux. Un enfant considère son compagnon de jeu comme son égal. Mes poupées n'étaient jamais ``des jouets”, mais des êtres à part entière, autant mystérieuses et intrigantes que ma \textit{compréhension} des adultes qui m'entouraient. Si à l'époque je ne partageais pas des dilemmes ontologiques quant au sens de la vie ou de l'art, les choses n'étaient pas moins compliquées. Petite, j'attendais que les poupées réagissent à mes propositions de jeu. Au défaut d'une réaction de leur part, je compensais avec beaucoup de scénarios et des propositions de jeu, pendant notre ``interaction”. Autant que nécessaire pour que je n'observe pas leur immobilité. Serait-il aussi le cas aujourd'hui avec les robots ? Est-ce que j’attends d’eux qu'ils soient de véritables partenaires, des co-créateurs ? À défaut d'une réponse concrète, j'avance des propositions et des esquisses pour que mon terrain de jeu soit moins ``désert” ?
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En contrepoids, les ingénieurs sont animés par d'autres motivations pour construire ces robots. Au premier abord, ils cherchent à réconcilier le besoin des compagnons aimables et empathiques, mais qui réalisent en même temps des tâches qui nous ennuient ou qui sont dangereuses. Pour faire cela, ces robots doivent pouvoir travailler dans l’environnement humain tel qu’il est actuellement conçu et utiliser les outils des humains tels que les humains les utilisent\cite{kajita2014springer}. Si les êtres humains ont besoin de multiples outils pour faire avancer leur travail, il en va de même pour les robots. Cependant ces outils sont intégrés dans le corps d'un robot. L'effecteur final (en anglais \textit{End Effector}) représente son dernier joint - la paume de la main, la tête sont des exemples d'end effectors. Cet effecteur est aussi l'endroit où le robot saisit au plus précis son environement. C'est là, par exemple, que se produit le contact entre un robot et un objet. Ainsi l'end effector est un outil dont la forme peut changer pour chaque tâche spécifique, modifiant la morphologie du robot et son apparence. Pour ces raisons pratiques, les robots humanoïdes sont ceux dont la communauté scientifique se préoccupe actuellement le plus.
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C'est ainsi que commence mon aventure avec l'humanoïde HRP-4. Un matin d'hiver, arrivée pour la première fois seule en face à face avec lui, j’enlève la housse de protection qui le cache et je l'observe dans son immobilité. Un tas de ferraille et de plastique qui condense de la technologie de pointe, résultat de plus de vingt ans de recherches et expérimentations. Au Japon, le savoir-faire développé par Kawada Industries et l'Institut national des sciences et technologies industrielles avancées (ASIT) a été mis au service des robots HRP dès les années 1990. De cette façon, le HRP-4 s'est positionné parmi les robots le plus avancés du marché, lors de son apparition en 2009. Son poids léger (39 kg et 1 514 mm), ses 34 DOF (degrees of freedom ou articulations actives), le choix de matériaux et moteurs (avec une puissance maximale de 80W) plus le solver QP integré dans l’interface mcrtc\cite{bouyarmane2018quadratic}, lui ont permis d’exécuter des mouvements précis et fluides, gagnant son statut de robot ``à l’image d’un athlète mince mais bien musclé\footnote{https://spectrum.ieee.org/hrp4-hides-it-all-somewhere}.”
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Arrivée au LIRMM en mars 2021, mon objectif était de \textit{faire} danser cet athlète. Au grand désespoir de mon encadrant, je ne savais pas à l'époque quelle forme cette danse prendrait. Je savais juste qu'il y aurait une étape d’apprivoisement entre nous, pour comprendre ensemble ce que nous devions faire. Pour faire cela j'ai plongé dans la littérature scientifique, un peu comme en découvrant une langue étrangère. Malgré mes études d'ingénieur auparavant, la façon de concevoir les robots au LIRMM a peu à voir avec mes connaissances en ingénierie de systèmes. Quelques mois après mon arrivée, en tombant sur le paragraphe suivant, je me rends compte de la difficulté de ma situation:
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\begin{quote}
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``Lorsque nous disons \textit{marcher}, nous entendons \textit{avancer par appuis successifs des pieds sur le sol, sur un sol irrégulier et peut-être en pente, comportant des obstacles et des inconnues, tout en conservant notre équilibre vertical}. Or, le robot brut que vous récupérez est semblable à une casserole articulée. Vous aurez beau transmettre cette définition à votre casserole –aussi articulée et élaborée soit-elle–, elle ne marchera pas si elle ne la \textit{comprend} pas. Il faut donc traduire cette définition en un langage qui soit \textit{compris} par le robot, et qui lui permette de bouger comme nous le désirons.”
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\end{quote}
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Alors éclot dans mon imagination le besoin de reconsidérer cette idée de \textit{danse}. J’envisage la danse comme quelque chose de plus intime, sorte de mouvement interne nourri par de doutes et des envies, par de l'instinct. Dans un premier temps cela prendra la forme de gestes, afin de voir si ce qu'il y a de l'organique dedans peut être modélisé par des équations et algorithmes. D'un trait simplifié, cette exploration peut se traduire par la phrase suivante :
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\textit{Do androids dream of electrical sheeps ?}\cite{rhee2013hopkins}, ou dans notre cas \textit{Les androïdes rêvent-ils de la danse à la place des moutons électriques ? }
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Si je résume peut être trop facilement le sens du livre de Philippe K. Dick, l’étude\cite{benesch1999jstor} apporte une interprétation intéressante à cette notion de subjectivité. L'auteur s'appuie sur la thèse de la chercheuse américaine Kathleen Woodward concernant les émotions, pour faire un parallèle avec l'essai de Jacques Lacan sur la construction de soi. Le psychanalyste français identifie le stade du miroir comme étape primordiale dans la formation et l'assurance de soi. Selon lui la construction d’un \textit{Autre} à travers l’imagerie commence par l’identification à un double reflété dans le miroir. Pour les chercheurs de\cite{benesch1999jstor} les androïdes remplacent à une échelle sociale ce double, l’anxiété des humains à l’égard des androïdes exprimant en réalité une anxiété relative à l’identité humaine en tant qu’espèce. Alors il me restait à imaginer une danse pour un robot humanoïde, conçu à partir des mouvements des humains mais sans leur \textit{conscience}. Ces mouvements, limités par des contraintes matérielles, sont à leur tour imités par un humain (moi). Une sorte de boucle réflexive où le point de départ devient le point d'arrivée, en décalage. C'est justement ce décalage qui représente, à mon sens, ce qu'il y a d’incompréhensible entre moi et le robot. La peur d'un\textit{Autre} plus performant, inconnu et distant qui n'arrive pas à se reconnaitre (ou reconnaitre son potentiel) dans un miroir.
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Pour contrecarrer cette peur, les standards et normes de sécurité qui valident sa mise en marche sont parmi les aspects les plus importants dans le fonctionnement d'un robot. Des tests doivent être effectués en permanence pour vérifier la bonne connectivité de ses circuits électroniques et les limites des articulations du robot. C'est pour cela que HRP-4 est calibré chaque fois à son démarrage\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=wqdCfBpnBWA}.
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Comme pour les animaux, plus un robot est grand et lourd, plus il peut s’avérer ``dangereux”. Selon le contexte, les protocoles de sécurité utilisent des \textit{sensors} laser (comme celui que j'ai utilisé pour le projet avec l'animata) ou des délimitations (en led ou même des grilles en métal) qui entourent le robot. Pour un robot industriel par exemple, sa vitesse peut être adaptée selon les distances de proximité détectés par le \textit{sensor} laser. De cette manière, les délimitations en lumière peuvent représenter un périmètre de sécurité. Une fois ce périmètre de sécurité franchi, le robot va s’arrêter automatiquement.
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Au LIRMM j'ai eu l'opportunité de programmer et interagir avec un robot industriel Franka KUKA. La base de ce robot est fixée au sol, ce qui fait que son système mécanique est libre, dans la limite de ses actuateurs. En comparaison avec le robot HRP-4, son fonctionnement est assez intuitif. Ce robot dispose d'un mode de configuration basé sur un code couleur, où chaque couleur décrit l'état interne de la machine.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/color_code_panda}
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\caption{Code couleur pour le fontionnement du bras robotique Panda. Source: FRANKA EMIKA ROBOT’S INSTRUCTION HANDBOOK}
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\label{fig:color-code-panda}
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\end{figure}
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Son manuel d'utilisation donne des instructions quant à la distance de sécurité et la manière d’interagir avec.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/safety_panda}
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\caption{Utilisation du bras robotique Panda lors d'un contact physique. Source: FRANKA EMIKA ROBOT’S INSTRUCTION HANDBOOK}
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\label{fig:schema-manual-panda-utilisation}
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\end{figure}
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Dans le mode apprentissage, il n'est pas nécessaire de programmer le robot dans l'interface mcrtc. L'utilisateur exécute une série de mouvements que le robot va reproduire une fois ce mode désactivé. Cependant son utilisation est limitée à des tâches ponctuelles, pour un meilleur contrôle du robot l’interface de programmation étant la solution optimale.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/schema_manual_panda}
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\caption{Fonctionnement du mode apprentisage pour le bras robotique Panda. Source: FRANKA EMIKA ROBOT’S INSTRUCTION HANDBOOK}
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\label{fig:schema-manual-panda-fonctionnement}
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\end{figure}
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Une fois les questions de sécurité traitées, la rapidité avec laquelle un robot réagit à un événement externe détermine son degré ``d'intelligence”.
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Pour faire preuve de cette intelligence, les contrôleurs d'un robot assurent le contrôle de son mouvement ainsi que sa ``communication” avec le monde physique. Décrits comme des systèmes à deux niveaux, ils comprennent des aspects mécaniques et informatiques. En pratique, ils visent à commander électriquement les actionneurs d'un robot pour lui faire rejoindre une position ou lui faire suivre une trajectoire. Ainsi le contrôle de robots nécessite l'intégration de types de problèmes différents. Pour illustrer cela, les roboticiens parlent de deux niveaux. Le niveau ``haut” est associé aux problèmes de calcul et des logiciels, alors que le niveau ``bas” est associé aux aspects d'exécution (plus précisément au fonctionnement des actionneurs). Une architecture de contrôle est nécessaire, pour déterminer la communication entre les différents modules et interfaces. Son rôle est de déterminer ce qui fonctionne en temps réel et quel type de hiérarchie est la meilleure pour faire communiquer ces modules. La planification de trajectoire est un exemple de module pour l'architecture de contrôle.
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Pour modéliser un robot, les chercheurs établissent d'abord son modèle mathématique avec des matrices de transformation pour représenter les coordonnées de ses articulations. Ce modèle, basé sur des équations de mouvement, permettra l'incorporation, ou l'\gls{embodiment}, du robot dans des simulations informatiques.
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Un robot humanoïde peut être aussi vu comme une plateforme d’intégration pour de nombreuses technologies robotiques. Son contrôle se réalise grâce aux tâches développées pour des interfaces de calcul. L’environnement de développement intégré (en anglais \textit{unified computer interface}) \textit{mcrtc} utilise des algorithmes de programmation quantique (en anglais \textit{quadratic programming ou QP}). Ce type de programmation non linéaire a été créé au début des années 1950. Il vise l'optimisation, par une valeur minimale, de certaines fonctions quadratiques multivariées soumises à des contraintes linéaires.
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Parmi les paquets de données disponibles dans l'interface mcrtc, mc-hrp4 fournit une implémentation RobotModule pour le robot HRP-4 et ses différentes versions. En tant qu'interface graphique dynamique, mcrtc prend comme
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entrée les informations des capteurs du HRP-4 (optiques, d'unité de mesure inertielle, de force ou de couple selon le cas) ainsi que la description de ses surfaces de contact. Ses sorties visent
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la position souhaitée, l'accélération, la vitesse de couple.
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La librairie Task permet l'optimisation du corps entier. Parmi les types de tâches pour lesquelles le robot est programmé on trouve :
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\begin{itemize}
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\item la tâche de regard pour garder les sujets en vue
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\item la tâche PBVS qui lui permet de déplacer la main gauche selon la vision
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\item la tâche de stabilisation qui implique le CoM et la position ou la force des joints pour maintenir l'équilibre
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\end{itemize}
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La stabilisation peut absorber des perturbations inattendues comme les forces dynamiques non modélisées, du bruit. Elle vise à réduire la différence de valeurs entre le système de contrôle et le système réel.
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Parmi ses contraintes, il est possible de configurer en mcrtc:
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\begin{itemize}
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\item l'évitement de collisions
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\item les limites de la rotation des joints
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\item les dynamiques (limites de couple) et les contacts (force-friction et géométrie)
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\end{itemize}
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Un \textit{solver} est un programme informatique autonome destiné à calculer les solutions d'un problème mathématique. Il peut regrouper une bibliothèque de logiciels pour optimiser ses solutions.
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Les contrôleurs basés sur un solveur QP facilitent l’exécution de tâches complexes, lors de la programmation en temps réel de leurs contraintes.
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Le solveur QP est pondéré ou hiérarchique, en modifiant ses paramètres de \textit{weights} ou \textit{stifness} de chaque tâche.
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Les modélisations mathématiques résolues grâce à la QP traduisent ensuite des commandes pour les moteurs. Selon le voltage reçu, les actionneurs vont tourner avec des vitesses et rotations spécifiques. L'impédance électrique mesure l'opposition d'un circuit électrique au passage d'un courant alternatif sinusoïdal. À son opposé, l'admittance détermine dans quelle mesure le courant traverse un circuit électronique. Le contrôle d'admittance, à l'instar du contrôle d'impédance, vise à imposer un comportement dynamique au robot. Ce robot est soumis à des forces de contact externes, comme l'inertie, la rigidité ou l'amortissement. Le livre \cite{natale2020springer} propose un schéma qui résume ce fonctionnement.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/admittance}
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\caption{Schéma qui illustre le fonctionnement de l'admittance. Source: le livre\cite{natale2020springer}}
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\label{fig:admittance}
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\end{figure}
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Une autre approche de programmation mcrtc implique des diagrammes d'états, également appelés \gls{Finite-State Machine} (ou FSM). Ces états peuvent être programmés en cpp ou Python et extensibles dans des fichiers YAML. Ils ont de type imbriqués ou en anglais \textit{nested} (un état est lui-même un FSM) ou parallèles (plusieurs états sont exécutés en parallèle). Lors d'une visualisation dans l'interface rviz, un curseur affiche la valeur de chaque joint.
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Pour passer d'un état FSM à l'autre, une carte de transition est détaillée dans le fichier YAML de configuration du contrôleur. L’interface mcrtc permet ainsi une optimisation du contrôle de l'espace de travail. Cela se produit par l'exécution du même code autant en simulation que sur le robot réel. Grâce au travail de développement des roboticiens de l'équipe I.D.H. il est possible de modifier les tâches et les contraintes, ainsi que les états FSM et leurs ordres d’exécution également dans le fichier YAML.
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Selon \cite{kajita2014springer} un robot est un système articulé constitué de plusieurs corps rigides. Par l’analyse et le regroupement des mouvements de chaque corps, les roboticiens obtiennent la dynamique d'un système complet. Avant cela, la cinématique étudie comment les différentes parties du robot se mettent en marche pour qu'il bouge. Les capteurs des robots sont l'équivalent de sens des humains. Les accéléromètres et les gyroscopes par exemple, servent à préciser les accélérations linéaires et angulaires des articulations du robot. Parallèlement, les capteurs d'effort déterminent les forces et les moments des points de contact avec l’extérieur. Un robot humanoïde ayant \textit{n} articulations, possède \textit{n + 6} degrés de liberté car sa base est un corps libre dans l’espace 3D\cite{kajita2014springer}.
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Le mouvement des articulations du robot est décrit par des rotations dans l’espace en trois dimensions (X, Y, Z correspondant aux mouvements de \textit{Pitch}, \textit{Yawn} et \textit{Roll} (qui représentent en aviation les trois axes-latéral, vertical et longitudinal). En connaissant une de ces coordonnées, les roboticiens calculent les vitesses angulaires et leur relation avec les dérivées des matrices de rotation. Dans le livre\cite{kajita2014springer}, les auteurs décrivent les principes de la cinématique directe - en anglais \gls{direct kinematics} - qui permet de trouver la position et l’orientation d’un segment (par exemple la main) à partir de ses angles articulaires. Il explique également comment déterminer les angles articulaires à partir de la position et de l'orientation d’un segment donné. Cela correspond à une équation inversée de la précédente, appelée cinématique inversée - en anglais \gls{inverse kinemactis}.
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\begin{quote}
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``Quoi qu’il en soit, la relation entre les dérivées de la position et de l’orientation d’un segment, et celles des angles articulaires, peut être représentée par des équations linéaires. Ainsi, le problème de la cinématique inverse peut être résolu par la détermination des solutions d’un système d’équations linéaires, puis en intégrant ces solutions. La matrice des coefficients du système d’équations linéaires est appelée \textit{Jacobienne des vitesses}. Elle représente un concept important dans beaucoup de domaines, la robotique comprise.”
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\end{quote}
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La fonction principale d'un contrôleur est d'interpréter le programme d'application du robot puis de convertir cela en actions physiques. Chaque contrôleur possède un modèle interne de la structure cinématique et dynamique du robot. Selon les algorithmes et les équations de mouvement utilisés, cela est traduit par des capacités avancées de planification et de synchronisation de trajectoire. De cette manière, un robot peut synchroniser de manière précise les mouvements de chaque articulation. Selon les objectifs de chaque tâche, des milliers de paramètres sont pris en compte pour le configurer. Parmi les contrôleurs de base du HRP-4, les plus courants sont le contrôleur basé sur son Centre de Masse, en anglais \textit{Center of Mass} ou tout simplement CoM, ainsi que le contrôleur qui détermine sa posture ou \textit{Posture task}.
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Me voilà en train d'imaginer (ou rêver comme les androïdes de Dick) une danse pour un robot humanoïde pas (encore) conscient. Rien que pour rester debout, nous les humains devons faire preuve d'équilibre et d'auto-gestion de nos capacités motrices. Une posture debout normale est souvent comparée au mouvement d'un pendule inversé dont la base est
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fixe. Bien que la position debout semble statique pour un observateur extérieur, elle se caractérise par de légères oscillations par lesquelles le corps se balance en avant, en arrière ou sur le côté. Le centre de masse, situé proche de la première vertèbre sacrée du corps humain, change avec ces oscillations.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/Pendulum}
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\caption{Source: le livre \cite{oatis2009kinesiology}}
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\label{fig:pendulum}
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\end{figure}
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Lorsque nous répartissons nos forces ou changeons de point de contact avec le sol, notre équilibre s'ajuste de façon automatique. Comme décrit dans le livre de \cite{nakaoka2010intuitive}, une partie de ce travail \textit{pas conscient} est réalisée par des automatismes dans la perception humaine.
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\begin{quote}
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``En l’occurrence, lorsque vous désirez saisir une bouteille sur une table, votre attention se porte sur la main qui doit assurer la saisie. Lorsque vous désirez vous asseoir, vous vous concentrez sur le positionnement de votre bassin par rapport à la chaise. Pour taper dans une balle, vous portez votre attention sur le pied qui doit frapper la balle. La partie sur laquelle nous fixons notre attention ne nécessite que quelques
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degrés de liberté pour être déplacée. (...) De l’autre côté,
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les parties qui ne nécessitent pas une attention consciente peuvent être utilisées pour conserver l’équilibre.”
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\end{quote}
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/cCoG}
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\caption{Le changement de la posture influence sur le CoM. Source: https://www.quora.com/What-part-is-the-center-of-gravity-in-our-body}
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\label{fig:ccog}
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\end{figure}
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Le centre de masse se déplace de manière automatique pour assurer notre stabilité. Lorsque nous dansons, il se déplace d'une manière encore plus instable. Comment faire tenir debout un robot en prenant compte de toutes ces contraintes?
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Pour lui, une erreur liée à la CoM est constituée de la différence entre la valeur souhaitée de la CoM et sa valeur équivalente en simulation. Pour mieux anticiper ces erreurs, le livre\cite{kajita2014springer} décrit la méthode Zero Movement Point (ZMP). Ce concept joue un rôle primordial dans l’équilibre en position verticale des robots humanoïdes, lorsqu’ils se déplacent. Puisqu’un robot humanoïde n'est pas fixé au sol, il doit maintenir un contact entre ses semelles et le sol quand il se déplace. Lorsque la semelle du pied de support perd le contact avec le sol, le robot tombe. Pour qu'il reste debout, son CoM doit faire partie du ZMP. Cette méthode est généralement utilisée pour déterminer la possibilité ou l’impossibilité de maintenir ce contact, sans utiliser des équations du mouvement.
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\begin{quote}
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``Le ZMP peut être considéré comme l’extension dynamique du principe de projection. Il est utilisé pour planifier des modèles de mouvements qui permettent au robot de marcher tout en conservant le contact entre la semelle du pied de support et le sol.”
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\end{quote}
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Le concept du ZMP appliqué à un système en mouvement est illustré plus bas.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/ZMP}
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\caption{Relation ZMP-CoM. Source: le livre \cite{kajita2014springer}}
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\label{fig:zmp}
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\end{figure}
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/ZMP_CoM}
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\caption{Explication ZMP. Source: le livre \cite{kajita2014springer}}
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\label{fig:zmpcom}
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\end{figure}
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Une autre notion importante à considérer est le centre de gravité. Celui-ci peut se déplacer en fonction de la posture de l'individu et de la position de ses membres, tout comme le CoM. Son rôle est d'aider le corps ne pas s'écraser contre la gravité. Quand un humain se retrouve en position assise, son centre de gravité se situe à la base de sa colonne vertébrale, au niveau du sacrum. La majorité du poids de son corps est répartie dans la moitié inférieure, le bassin et les jambes supportant la majorité de cette charge.
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En parallèle avec ces recherches sur l'équilibre et les postures, les chercheurs de l'équipe AIST ont considéré utile d'investiguer les autres possibilités d'expression physique du robot HRP-4. Ainsi ils ont développé un modèle de comportement utilisant les mouvements de l’ensemble de son corps - le premier robot humanoïde de taille humaine pouvant s’allonger et se relever. Ce mouvement est illustré par la figure suivante:
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/kajita_tomber}
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\caption{Illustration des mouvements pour se redresser d'une chute. Source: le livre\cite{kajita2014springer}}
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\label{fig:kajitatomber}
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\end{figure}
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En voyant ces images, nous ne pouvons pas nous empêcher de \textit{voir} un humain. La plupart de ses gestes et mouvements sont faciles à identifier, car ils appartiennent aux humains qui se relèvent ou qui tombent. Ces observations notées dans mes cahiers de bord, m'ont fait considérer l'option d'assoir le robot sur une chaise. Choix radical, émergé probablement d'un désir de pousser la limite de la convention artistique de la danse. Lorsqu'ils sont assis les humains réfléchissent ou attendent. Il y a donc une forte activité mentale, alors que le corps se repose. Des chorégraphes qui m'inspirent ont déjà traité cette question en danse. Anna Teresa de Keersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin, dont j'ai cité le travail dans la première partie de cette thèse, ont su mettre au défi les stéréotypes en lien avec la chaise, l'immobilité et la danse. À mon tour, j'ai pensé intéressante l'idée de faire danser HRP-4, assis sur une chaise.
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D'abord parce que, avec quelques exceptions dans le monde animal, s'assoir est propre (seulement) aux humains. Ensuite parce que cet acte de s'assoir impose un état réflexif. Dernièrement parce que la chaise, en tant qu'objet scénique inanimé, a un statut particulier dans l'histoire de la danse et ce statut je vais le détailler dans les prochaines pages. Avant d'introduire les arguments qui appuient une dialectique de la disparition, de parler des objets en tant que processus - comme dans l’œuvre de Bojana Cvejic\cite{cvejic2015disjunctive} mentionnée dans le chapitre 1.3 - j'aimerais présenter l'objet chaise en contraste avec l'objet robot.
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Déjà en 1913, Marcel Duchamp propose son premier Ready Made - \textit{La Roue de bicyclette}. Cette sculpture est composée de deux objets du quotidien en opposition l’un à l’autre: une roue de bicyclette fixée sur un tabouret\footnote{https://www.wikiart.org/en/marcel-duchamp/bicycle-wheel-1913}. Si la roue représente la vitesse, la chaise s'oppose à cette dynamique en imposant un arrêt.
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En 1964 Joseph Beuys présente une chaise couverte d'un bloc de graisse dans son œuvre \textit{Chaise de graisse}. Le récit qui accompagne son installation évoque un épisode en Crimée, pendant la seconde guerre mondiale, lorsque Beuys perd le contrôle de son avion. Il se fait sauver la vie par des Tatars qui l'enveloppent de graisse animale et de feutre pour le maintenir au chaud. Ce souvenir facilite une prise de conscience pour l'artiste, qui va dédier sa vie aux actions artistiques engagées et à la quête de la spiritualité. La métaphore de la graisse\footnote{https://www.tate.org.uk/art/artworks/beuys-fat-chair-ar00088} empêche quelqu'un s'assoir, ou bien le présente comme un bloc de graisse. Dans les deux cas, la chaise est un élément actif de la proposition artistique dont la présence impose un moment d'introspection. Assoir un robot humanoïde sur une chaise invite à une déconstruction du regard. Lorsque le robot est inactif, c'est un objet inanimé. Pareil à une roue de bicyclette, il peut se mettre en marche ou pas. Si ce robot avait eu une forme non-anthropomorphe, la question de s'assoir pour réfléchir aurait été moins présente. Cependant, dans le cas du robot humanoïde, nous voyons \textit{quelque chose} se reposer sur une chaise. Est-ce que cela veut dire qu'une action physique vient d'avoir eu lieu?
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En parallèle avec ma démarche dramaturgique, j'ai du programmer ce robot. C'était une étape contraignante et fatigante durant mon initiation à la robotique humanoïde au LIRMM. Les premiers esquisses de ce processus montrent bien comment le robot, telle la série photographique du designer italien Bruno Munari\footnote{https://www.ideabooks.nl/9788875703899-bruno-munari-seeking-comfort-in-an-uncomfortable-chair}s'assoit plutôt à côté de la chaise, que correctement dessus.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/err_chair}
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\caption{Scénario du robot sur la chaise: erreurs de programmation.}
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\label{fig:err-chair}
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\end{figure}
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Après des mois d'erreurs et d’errance dans le monde de roboticiens, pas loin des 700 heures que Marina Abramovic à passée assise sur une chaise dans le musée MoMa\footnote{hhttps://www.moma.org/audio/playlist/243/3133}, me voilà plus proche d'un résultat. Le robot reste assis sur une chaise, bien qu'il n'arrive toujours pas à faire des gestes expressifs.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/sit_fall}
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\caption{Scénario du robot sur la chaise: premières ébauches.}
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\label{fig:sit-fall}
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\end{figure}
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Les mouvements du robot, tout comme mes capacités de programmation ne sont pas encore au point. Les mains de HRP-4 n'ont pas des doigts articulés pour l'instant, pour pouvoir travailler des gestes comme dans le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} de Keersmaeker. Néanmoins, je me suis beaucoup rapportée au travail de la chorégraphe belge pour préparer cette phase. Son approche du rythme et de la répétition m'a aidée comprendre comment mieux structurer les enchaînements des gestes du HRP-4. J'ai choisi comme repère des gestes faits avec les deux mains que j'ai repris par des variations en changeant la place de mes pieds.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/rosas}
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\caption{Extrait du spectacle Rosas danst Rosas. Source photo: www.rosas.be}
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\label{fig:rosas}
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\end{figure}
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Des états avec des bras et des jambes qui se succèdent selon une durée déterminée m'ont permis de mieux \textit{composer} la danse du HRP-4.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/chaise_silvia}
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\caption{Recherche sur les postures du robot.}
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\label{fig:chaisesilvia}
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\end{figure}
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Une autre étape dans ma recherche a été de chercher les mouvements du robot par l’intermédiaire de la \gls{motion capture}. L'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H. a développé un plugin pour relier les 34 DOF de HRP-4 et les 17 capteurs inertiels XSENS.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/xens}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/MoCap_Silvia}
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\caption{Mise en place d'une démo avec le systéme MoCap Xsens dans l'interface mcrtc.}
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\label{fig:xens}
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\end{figure}
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Le \gls{digital twin} du robot suit les mouvements de l'humain lors d'une première (et unique) simulation en mcrtc.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/mocap_demo}
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\caption{Captation de la simulation avec le costume XSens dans RviZ.}
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\label{fig:mocap-demo}
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\end{figure}
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Des exemples de mouvements que j'ai fait pendant les simulations n'arrivent pas être réalisés sur le robot réel. En effet les mouvements qui dépassent les limites des articulations et l'angle de rotation des actuateurs sont automatiquement corrigés ou adaptés à la version réelle du robot pour pas l’endommager. Les mouvements deviennent plus \textit{conventionnels} pour respecter l'intégrité du système physique du robot.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/still_mocap}
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\caption{Exemple de postures lors de la simulation avec le costume XSens.}
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\label{fig:still-mocap}
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J'ai abandonné cette façon de travailler avec HRP-4, parce que cela se rapprochait trop de l'idée de marionnette. Bien que c'est une discipline à part entière avec une longue tradition en Orient où HRP-4 a été développé, je rajoute ici le point de vue de Kozel\cite{kozel2008closer} qui mentionne Kleist et sa vision de la marionnette. La danse peut s'y inspirer et d’autres projets ont présentés des dispositifs assez impressionnants. Cependant mon intérêt est de considérer le robot comme partenaire de danse, tout en respectant les contraintes liées à sa physicalité.
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\begin{quote}
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``La marionnette est un art frère de l'animation de performance, semblable à une pratique alchimique, avec une longue histoire de transformation du bois, du tissu et de la ficelle en êtres humains, animaux ou fantastiques. En écrivant sur le théâtre de marionnettes en 1811, Heinrich von Kleist a réfléchi à la grâce démontrée par les humains, les animaux et les marionnettes, et il a situé l'âme au centre de gravité. Le danseur humain ne s'en est pas bien sorti dans la comparaison, car la grâce était considérée comme existant en plus grande quantité chez les marionnettes et les animaux en raison de l'impact obstructif que le pouvoir de réflexion humain avait sur le chemin du flux pur du mouvement. Il a tiré cette conclusion sur la base de deux duos conceptuels : une comparaison du mouvement d'un danseur avec celui d'une marionnette à ficelles, suivie d'une anecdote d'un duel d'escrime entre un homme et un ours. Ce n'est pas tant la suggestion qu'un danseur est une simple marionnette qui est intéressante, mais plutôt la façon dont les observations sur la localisation de l'âme sont obtenues à travers les relations intercorporelles, bien que hypothétiques, entre les entités\footnote{en version originale: ``Puppetry is a sister art of performance animation, akin to an alchemical practice, with a long history of transforming wood, cloth, and string into human, animal, or fantastical beings. Writing on the puppet theater in 18 11 , Heinrich von Kleist reflected upon grace as demonstrated by humans, animals, and marionettes, and he located the soul in the center of gravity. The human dancer did not fare well in the comparison, for grace was seen to exist in greater quantities in puppets and animals due to the obstructive impact the human power of reflection had on the path of the pure flow of movement. He drew this conclusion on the basis of two conceptual duets: a comparison of the movement of a dancer with that of a string puppet, followed by an anecdote of a fencing duel between a man and a bear. It is less the suggestion that a dancer is a mere puppet that is of interest than the way observations on the location of the soul are arrived at through the intercorporeal relations, albeit hypothetical, between entities.”}.”
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\end{quote}
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Après quelques mois de travail et errance, toujours avec l'aide de l'ingénieur de recherche de l'équipe I.D.H., j'ai mis en place des transitions FSM pour mieux travailler le rythme de la séquence. Les mouvements du robot sont beaucoup plus restreints, notamment car j'ai pu le faire croiser ses jambes. Cette contrainte m'a fait explorer différemment le mouvement des bras et d’engager également la tête dans ces séquences.
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\caption{Scénario du robot sur la chaise: enchaînement aléatoire de postures.}
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\label{fig:hrpchair}
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Une fois la boucle de mouvements mise au point, j'ai passé du temps à tester différentes simulations et enchaînements avant de faire \textit{danser} le robot réel.
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Le 17 septembre 2022, lors de la soirée d'ouverture de la saison 2022-2023 d'Enghien-les-Bains, nous avons présenté la performance \textit{Le mythe de l'Immorta} dans le cadre du projet CECCI-H2M. Le \gls{digital twin} du robot HRP-4 est intervenu, en contraste avec un écosystème virtuel qui interagissait avec des performeuses. L’enchaînement de ses postures a suivi des itérations inspirées par l’algorithme de la courbe du Dragon\footnote{Cet algorithme provient des systèmes de règles génératives et est à la base un système de Lindenmayer (ou système de réécriture ou grammaire formelle inventé en 1968 par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer)}. Ce système reproduit les processus de développement et de prolifération de plantes ou de bactéries. Pour l'équipe de projet, cette façon de combiner l'organicité du monde vivant avec l'expression des machines est intuitive. Le choix de projeter le robot sur une image de 2 m sur 3 m, en contraste avec les performeuses en taille réelle, marque une distance entre l'humain et la machine. De plus, cette configuration scénique évoque l'image d'un artefact devenu totem. La représentation centrale du robot humanoïde transforme le mouvement dansé en vecteur d'influence pour un monde centré sur la technologie et ses obsessions. Mon objectif lors de ce travail a été de comprendre comment une corporalité ``dématérialisée” du robot pourrait stimuler une réponse décalée de la part du performeur.
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Cela s'inscrit dans mes intentions premières pour établir un dialogue non verbal où homme et machine déploient leur vulnérabilité sur scène. Des extraits de cette performance sont disponibles ici\footnote{https://vimeo.com/755637977}.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/immorta}
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\caption{Extraits de la captation vidéo de la performance ``Le mythe de l'Immorta”.}
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\label{fig:immorta}
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Cela renvoie également à la quête d'un état de créativité par l'empathie. Pour évaluer la complicité H2R, nous nous appuyons sur le sentiment d'empathie\cite{ziemke2008role} - vu comme une capacité à comprendre émotionnellement ce que ressentent les autres et nous imaginer à leur place. En danse, Susan Foster propose une analyse sociologique de la danse et de l'empathie kinesthésique perçue par le spectateur\cite{foster2010choreographing}. Dans notre cadre d'art et sciences, les robots ne ressentent pas, bien que la littérature scientifique\cite{asada2015towards, belkaid2016interactions} indique comment les robots s'appuient sur des émotions artificielles (c'est-à-dire des structures algorithmiques symboliquement considérées comme jouant le rôle et l'action des émotions) pour générer des mouvements. Ils analysent leur environnement à l'aide de capteurs et y réagissent selon les lois de l'utilisateur définies par l'utilisateur. L'interprète imagine ce que ressent le robot (c'est-à-dire son \textit{umwelt}), puis
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utilise cette projection comme source d'inspiration pour son improvisation dansée. Plus on comprend la technique
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caractéristique du HRP-4, plus on peut imaginer comment il devrait \textit{ressentir} et cultiver des intentions artistiques en lien avec cela.
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À première vue, HRP-4 m'induit un sentiment de malaise et de curiosité. Proche d'un Daft Punk
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androïde, impressionnant par sa mobilité physique, je me suis demandée ce qui pouvait bien résider sous sa carrosserie en plastique. À l'occasion j'ai pu découvrir, lors qu'un de ses actuateurs est tombée en panne\footnote{captation vimeo Arnaud qui répare les fils}. La complexité de ses algorithmes et interfaces d'utilisation le rendent inaccessible et mystérieux. Mon rêve était de le démonter pour découvrir sa carcasse électrique : ses servomoteurs, ses fils et ses microcontrôleurs, comme une sorte d’exploration en dessous d'une deuxième peau. D'un jouet exquis à taille humaine, HRP-4 est devenu davantage un \textit{Autre} indompté, au sens de différent et d'inconnu, que j'ai dû apprendre lentement à configurer et engager dans mes pratiques artistiques.
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Nos expériences antérieures m'ont aidé à comprendre comment un \gls{dispositif animatronique} suscitait chez l'interprète une réaction instinctive, sorte de réponse empathique. En tant qu’interprète je me suis facilement imaginée à la place de la petite animata. Probablement le facteur qui a contribué à cette projection est son apparence petite (environ 30 cm) et fragile (en carton). En comparaison, l’apparence physique du HRP-4 est le résultat de principes de conception ergonomique mais aussi de l’influence de la littérature SF sur la robotique. Cela pourrait donc ne pas induire un sentiment de vulnérabilité, malgré sa taille (151 cm) et son poids (39 kg) similaires à ceux d'un humain. Dans ce contexte, un contact physique\cite{aymerich2017object, bolotnikoval2018compliant} sur scène, pourrait renforcer
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le sentiment d'empathie que nous recherchons.
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Puisqu'il s'agit d'un spectacle de danse, il ne faut pas oublier que parfois le mouvement peut renforcer un sentiment d'étrangeté lors d'une interaction physique. Un sentiment de \textit{conscience de la conscience}\cite{jochum2016cultivating}, pourrait détourner l'attention des
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mouvements et gestes incohérents. C'est pourquoi nous avons voulu examiner plus en profondeur le rôle que joue le mouvement dans nos propres scénarios interactifs de danse.
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Le cadre de nos premières improvisations de mouvements est basique : musique et
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séquences de mouvement expressives donnant l'illusion d'une communication, entre l'interprète et le
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robot. Ce dernier n'est pas programmé pour réagir à la musique. Des mouvements instables ou des arrêts peu nets
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sont interprétés comme des hésitations de la part de l’interprète. De plus, le caractère imprévisible de son comportement génèrent une complicité ludique, centrée autour de la spontanéité de la machine capable de transgresser les lois des interactions sociales. Cela nous rappelle les improvisations avec l'animata, où le fait de s'arrêter très près de l'artiste (car c'était le seul point en mouvement sur
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scène) donnent l'impression d'une intimité avec la performeuse. De plus, lorsque le performeur proposait un geste et que l'animata l'ignorait, le performeur s'est concentré sur l'attribution d'un autre sens à cette réaction pour continuer l'improvisation au lieu d'interpréter cela comme un refus. De même, lorsque le robot donne l'impression de suivre ou d'imiter le rythme de l'interprète, l'interprète profite de cette opportunité pour s'accorder avec le nouveau mouvement du robot, afin de maintenir une continuité du mouvement. De cette façon, la réponse subjective de l'interprète contribue à entretenir l’illusion d'une complicité sur scène.
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Avant de réaliser des improvisations avec HRP-4, nous avons travaillé avec son avatar virtuel, en utilisant l'interface de contrôleur unifiée mcrtc. Nos premiers essais d'improvisation
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sont loin des \textit{comportements imprévus ou non explicitement programmés}\cite{bret2005interacting}. Comme le confirme la littérature \cite{chandrasekharan2000software}, un agent virtuel utilise
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une représentation du monde inspirée d'un modèle réel, alors qu'un robot utilise le monde réel comme modèle.
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Nous sommes partis au départ de l'hypothèse que les robots collaboratifs (de par leur niveau de complexité et
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conformité des mouvements de leur corps) peuvent stimuler l’imagination de l’interprète et atteindre un certain sentiment d'\textit{empathie} indépendamment d'une modification de distance entre les deux. Plus précisément, puisque ses mouvements et ses gestes s'inspirent des mouvements du corps humain, il est plus facile pour l’interprète de leur donner un sens, lorsque la distance entre lui et le robot est constante. C'est pourquoi nous nous sommes imaginées un scénario d'interaction basé sur ces principes.
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Dans une de nos premières expériences, le robot virtuel HRP-4 est préprogrammé pour rester immobile et alternativement équilibrer ses mouvements. Son centre de masse (CoM) se déplace de droite à gauche sur l'axe y, crée une séquence rythmique similaire à une danse lente. L'interprète imite cette fréquence pour donner l'impression d'une danse corps à corps dématérialisée entre elle et l'avatar du robot. Lorsque nécessaire, l'interprète propose des séquences d'improvisation en réponse. Dans une autre expérience, le double virtuel du HRP-4 est manipulé par un opérateur humain,
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lors des exercices d'improvisation. Cela contraint l'interprète à réagir spontanément. L’opérateur humain
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n’a pas préparé la séquence de mouvements à l’avance, pour pouvoir réagir aux propositions de l’interprète.
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Cette expérience pourrait littéralement correspondre à une séquence d'improvisation de danse entre humains,
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mediée par le corps d’un robot virtuel. Cette situation a été abordée dans un contexte différent par Zaven Paré qui
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a fait une expérience de téléopération robotique en interaction avec Geminoid3 dans son ouvrage \textit{Le Robot et la Pomme}\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=HqP9kBPEtMQ} (2009). Des modèles d'interactivité similaires sont mis en œuvre dans le laboratoire INREV mettant l'accent sur importance de l’humain comme moteur et traducteur de l’interaction homme-machine\cite{plessiet2019mitmi}.
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Ces expérimentations préliminaires nous montrent comment le sentiment de complicité et d'empathie avec une machine est renforcé par le mouvement, le mimétisme et les similitudes dans la conception ou l’apparence. Lors d'une improvisation avec le double virtuel de HRP-4, l'interprète peut facilement anticiper quelles articulations bougent, sans qu’il connaisse la séquence des mouvements du robot. Dans une certaine mesure, lorsque notre vision périphérique est activée, nous pouvons ressentir la présence du robot virtuel sans vraiment le regarder. C'est une condition essentielle pour l'improvisation dansée. Reste à déterminer si cela peut être qualifié de réaction empathique, puis à comprendre comment cette condition déclenche la créativité. Entre les deux, il est important souligner le rôle de l'adaptation aux moments inattendus et contraintes techniques. Considérer les contingences comme des catalyseurs pour ce type d’interaction, augmente le spectre possibilités de collaboration. En échangeant avec des roboticiens, l’interprète va avoir une connaissance préalable des fonctionnalités et des comportements d'un robot afin de stimuler tout son potentiel sur scène. Cela lui permettra également d'être prêt à improviser lorsque des événements inattendus se produisent, pour les intègrent dans le processus de co-création.
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Dans les prochaines phases de ma recherche-création, nous allons travailler sur d'autres scénarios d'interaction afin de comprendre la différence entre le fait d'improviser avec un HRP-4 réel et son double virtuel. Valoriser son mouvement implique identifier la séquence la plus appropriée de mouvements dont il est capable sur scène. Par conséquent, apprivoiser l'\textit{Autre} représenté par HRP-4 et mon intention de co-créer avec lui, dépend de mes capacités de programmation mais aussi du contexte actuel de ses développements technologiques.
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\section*{Conclusion}
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Une partie de ma recherche sur le mouvement de HRP-4 s'est déroulée lors de plusieurs semaines de résidence au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains, dans le cadre du projet CECCI-H2M du dispositif Artec. En juillet 2021, lors d'une première phase de ce projet, nous avons travaillé avec une version simplifiée du robot - une animata Arduino construite pour des déplacements aléatoires dans l’espace. Cette étape nous a permis de tester l’interaction avec un prototype doté d’un comportement involontaire. Lors des improvisations sur le plateau, nous avons cherché un terrain d’entente entre l’\gls{intelligence du corps} humain, la réponse du corps machinal de l’animata et la réactivité de l’environnement virtuel. L’influence de ces éléments artificiels sur l’expression corporelle du performeur, ainsi que les mouvements du \gls{dispositif animatronique}, sa fragilité et sa dimension réduite, ont provoqué une interaction instinctive, en marge d’une construction rationnelle basée sur de la réciprocité.
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Quelques mois plus tard, lors d'une deuxième phase du projet nous avons projeté les mouvements du robot virtuel HRP-4 sur la performeuse afin de tester une forme de mimétisme gestuel. Cela nous a également permis d’approfondir les concepts d’altérité et d’autonomie des dispositifs robotiques\cite{jochum2013deus}. Les qualités de \textit{sauvage} ainsi que la notion d’\gls{umwelt} ont accompagné cette résidence artistique. Après quelques tests avec le robot virtuel, nous avons pu constater à quel point le virtuel reste une manifestation mystérieuse qui suscite l’imagination des artistes. Cela n’est possible qu’à partir de l’interprétation du virtuel comme un organisme différent, en manifestant une autonomie sensible à la perception du performeur. Cela nous a également permis de réfléchir aux contraintes issus de l’intégration des éléments virtuels et réels dans un projet performatif. Comme une négociation entre les solutions software et les dispositifs hardware, l’illusion du réel versus l’imaginaire virtuel et la place que chacune de ces dimensions occupe sur le plateau, représentent une phase importante de ce projet.
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Lors de la suite du travail pour CECCI-H2M, fait toujours avec l'avatar virtuel de HRP-4, nous avons partagé des questionnements autour de l’altérité de sa figure mécanique et le concept d'\textit{uncanny} produit par ses mouvements remarquablement naturels. Les différences entre l’organicité du corps humain et l’artificialité du robot ont ainsi devenu une source d’inspiration, comme une matière à détourner. En 2022, pour imaginer de nouvelles formes d’écriture corporelle en vue d’une improvisation performative, le travail de programmation du robot HRP-4 a été réalisé en plusieurs étapes. D’abord une familiarisation avec les systèmes MoCap utilisés par l’équipe du laboratoire et l’installation de plugins qui nous ont permis de simuler en temps réel les séquences de mouvement de l'humain sur le robot virtuel. Ensuite, des tests avec le robot HRP réel ont été réalisés en mars 2022. Dans un premier temps, j’ai décidé d'associer la figure du robot à celle d’un danseur de slow, réalisant quelques tests d’interaction réelle avec la version physique du HRP-4. Ensuite j’ai effectué un travail de gestes inspirés par les postures de dirigeants politiques, pour voir dans quelle mesure les postures de pouvoir sont incarnées par des gestuelles et non par des attitudes. Le pouvoir que nous leur désignons est parfois le pouvoir de fascination que leur potentiel exerce sur nous, sans s’en rendre compte. Dans cette configuration centrée sur la fascination d’un objet inanimé, nous avons voulu comprendre dans quelle mesure le mouvement et les gestes dansés deviennent vecteurs d’influence.
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Ces premiers tests ont facilité la mise en place d’une séquence de mouvements sur une chaise. Le choix de faire s’asseoir le robot sur une chaise s'impose d'abord comme résultat de nos réflexions sur les contraintes d’équilibre du robot, observées lors des séances d’improvisation. La mise en place la plus simple, pensée avec les ingénieurs de l’équipe de prof. Kheddar, a été l’organisation de ces séquences dans des programmes de type \gls{Finite-State Machine} (ou FSM) qui permettent une meilleure organisation des transitions entre différentes postures.
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Une autre séquence de mouvements a été préparée pour une troisième et dernière résidence de création au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains en septembre 2022. À l’intérieur de cette séquence, les états sont enchaînés selon une règle inspirée par la quatrième itération de l’algorithme de la courbe du Dragon. Pour correspondre aux quatre postures choisies initialement, nous avons opéré une conversion entre les états de la courbe du Dragon et les états FSM. Pour la performance \textit{Le mythe de l’Immorta} présentée lors de notre sortie de résidence, un travail de synchronisation avec les sons produits par Hui-Tin Hong a été fait sur place. Une autre séquence de code, cette fois montrant le robot en train d'applaudir, a été ajoutée ultérieurement. Ainsi, le robot virtuel est apparu à deux moments différents de la performance : d'abord assis sur une chaise pour présenter sa danse, puis debout à la fin pour applaudir les spectateurs. Le rythme de certains mouvements a été modifié pour correspondre à la musique. Une pause de six secondes a été introduite dans la séquence pour marquer un moment d’arrêt : le robot virtuel tourne la tête pour regarder le public. Ce geste a été interprété par les spectateurs comme une manière d’évaluer la danse des performeuses.
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En parallèle avec le projet CECCI-H2M, d'autres moments de recherche et d'écriture corporelle ont été possibles grâce à la mise à disposition du studio de répétition de la chorégraphe Mathilde Monnier à Montpellier. Des laboratoire de recherche inspirés par mes expériences d’éducation somatique ainsi que par l’utilisation des outils comme le \textit{Shaking}, constituent une boîte aux outils pour rechercher une corporéité ``autre” sur le plateau. J'ai également pu effectuer une exploration sur le lien entre le son et le mouvement, pour continuer mes expérimentations Arduino précédentes. Ainsi avec l’aide du logiciel PureData nous avons créé un prototype de capteur EmG pour convertir le signal électrique de mes muscles en du son aléatoire. Ce prototype, testé lors d’une résidence artistique à la Halle Tropismes a Montpellier, a été présenté dans le cadre du Module Pédagogique Innovant ``Objets Magiques”, conçu en collaboration avec Isadora Télés de Castro, en mai 2022, toujours pour le projet CECCI-H2M.
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\chapter{Étude(s) de terrain}
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\section{Expérimenter l'anthropomorphisme au Lycée Notre Dame de la Merci}
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Lorsque le corpus des œuvres et des articles me l'a permis, j'ai commencé à hiérarchiser mes observations en hypothèses de recherche à étudier sur le terrain. Le premier de ces études s'est fait à l’extérieur du laboratoire, en collaboration avec une classe de danse du Lycée Merci, en automne 2022 à Montpellier. Je suis allée donner quelques ateliers de danse, partager ma recherche et faire la connaissance des élèves dans le studio. Je les ai ensuite sollicités pour participer à l'une de mes expériences pratiques, dont le thème est l'anthropomorphisme.
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Les vingt-cinq élèves qui ont participé à cette étude ont eu pour mission d'imiter puis d'improviser avec les versions virtuelles d'un robot industriel et d'un robot humanoïde, puis de remplir un formulaire comportant des questions sur une échelle de notation de 1 à 5. Lors de cette interaction créative, l'apprentissage par imitation a permis d'améliorer la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée.
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Pour cette première expérience de recherche-création in situ, j'ai imaginé des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d’anthropomorphisme\cite{spatola2019cairn} chez les \gls{digital twin}s - ou les jumeaux numériques des robots du laboratoire. Les robots impliqués dans cet étude de terrain ont des dimensions similaires, bien qu’initialement conçus pour des missions différentes. Comme point de départ, nous utilisons le matériel de mouvement implémenté dans le robot HRP-4 pour la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot humanoïde et un bras industriel sont programmés dans une série de mouvements analogues, basés principalement sur la rotation des membres supérieurs et de la tête du robot humanoïde. En considérant le terme d'interactivité pour mieux définir leur interaction, nous observons comment différents matériaux de mouvement stimulent la créativité à travers un processus d'hybridation entre l'humain et la machine. Dans cette perspective, nous déterminons comment les danseurs vivent des expériences sensibles et se sentent inspirés en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par un robot humanoïde, un bras industriel et un humain. Leurs retours me permettent de mieux comprendre l’impact de l’anthropomorphisme dans la réalisation d’une interaction homme-robot durable.
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Avant de passer au travail pratique avec les élèves, nous avons échangé sur les concepts théoriques qui animent cette expérimentation. Tout d'abord le concept d'anthropomorphisme que je prendrai le temps d'expliciter pour faciliter la compréhension des autres études que nous avons pu faire par la suite. Depuis le 6e siècle avant notre ère, lorsque le terme a été utilisé pour la première fois pour décrire des phénomènes religieux\cite{demers2015playmouth}, l'anthropomorphisme a accompagné l'intention de l'humanité de reproduire ses caractéristiques dans différents environnements. L'anthropomorphisme (du mot grec \textit{anthropos} signifiant ``humain” et \textit{morphe} signifiant ``forme”) est décrit dans\cite{duffy2003anthropomorphism} comme:
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\begin{quote}
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``la tendance à attribuer des caractéristiques humaines à des objets inanimés, des animaux et d'autres entités dans le but de nous aider à rationaliser leurs actions. C'est attribuer des états cognitifs ou émotionnels à quelque chose sur la base de l'observation afin de rationaliser le comportement d'une entité dans un environnement social donné\footnote{en version originale: ``the tendency to attribute human characteristics to inanimate objects, animals and others with a view to helping us rationalize their actions. It is attributing cognitive or emotional states to something based on observation in order to rationalize an entity’s behavior in a given social environment.”}.”
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\end{quote}
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Il s'agit donc d'attribuer des états cognitifs ou émotionnels à quelque chose en se basant sur l'observation, afin de rationaliser le comportement d'une entité dans un environnement social donné. Comme discuté dans\cite{tisseron2011animal}, une composante essentielle de l'esprit humain est de prêter certaines caractéristiques de notre vie psychique, en projetant notre fonctionnement physique et psychologique dans des objets. Selon le travail de recherche fait par Rita Baddoura :
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\begin{quote}
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``les humains attribuent, souvent sans le savoir, des traits de personnalité aux machines en fonction non seulement de leur apparence extérieure, mais aussi de leur fonctionnement et de leurs compétences.”
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\cite{baddoura2013homme}
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\end{quote}
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Je souligne que nous faisons ici référence à l’anthropomorphisme dans une perspective humaniste plus large, en tant que propriété d’un système autonome qui permet d’attribuer des caractéristiques et des intentions humaines à des entités non humaines, comme les robots. La robotique semble être intéressée par ces perspectives, en développant des artefacts qui remettent en question l'idée même d'humanité\cite{romic2021ijsr}. Nous nous appuyons sur les chercheurs\cite{breazeal2004social, breazeal2005robot} pour définir la place que les robots peuvent occuper dans notre étude, en les considérant comme des outils (aider l'humain à accomplir une tâche - dans notre cas développer une chorégraphie), comme des avatars (puisque le robot s'engage dans une certaine présence sociale avec d'autres personnes - dans notre cas les spectateurs d'un spectacle de danse) et surtout en tant que partenaires (établir un processus de co-working avec un collaborateur - dans notre cas co-créer avec un robot une séquence de mouvements proche de la danse).
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Une autre interprétation proposée par le philosophe français Bruno Latour donne à l'anthropomorphisme des définitions complémentaires : \textit{ce qui a une forme humaine} et \textit{ce qui donne forme aux humains}. En prenant appui sur cela \cite{stojnic2015digital} encourage les chercheurs à envisager l'\textit{anthropomorphisme numérique} comme un concept qui intègre ces points de vue de Latour. À mon tour, je rajoute à cela des notions clés comme l'agence de l'anglais \textit{agency}\cite{jochum2017computation} et l'autonomie\cite{bisig2022generative, jochum2013deus}, pour notre contexte particulier de danse avec des robots. Pour le chercheur Brian Duffy un robot social \textit{peut être perçu comme l'interface entre l'homme et la technologie}\cite{duffy2003anthropomorphism}. L’utilisation de fonctionnalités socialement acceptables dans un système robotique contribue à briser la barrière entre l’espace de l’information numérique et les personnes qui s'engagent dans des interactions avec ces systèmes. Alors que le design des robots devient modulaire\cite{siedel2011concept} et que les extensions corporelles inspirent des performances artistiques qui remettent en question les capacités humaines\cite{jochum2018becoming}, une étude anthropologique\cite{vidal2007anthropomorphism} compare l'HRI au type de connexion exprimée dans les anciens rituels religieux entre dieux et humains. Cela souligne l'influence des robots sur nos sociétés dans les décennies à venir.
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Alors que nous évoluons actuellement vers une ère post-humaniste, où les humains augmentent leurs capacités à l’aide d’exosquelettes et de divers appareils connectés, la définition du corps humain et la façon dont il interagit avec son environnement changent en conséquence. Mes études de terrain s'intéressent à la manière dont ces paradigmes affectent la créativité et leur impact sur les pratiques sociales collaboratives comme la danse. La chercheuse Marie-Aline Villard évoque l'analogie étymologique entre la danse (de l'indo européen dix, racine de tension) et les émotions (du latin émovere : ou mise en mouvement)\cite{villard2016propos}. À la recherche d'une forme qualitative d'interaction entre des performeurs et des robots, nous analysons l’impact de ces projections anthropologiques sur la danse. Dans les pages suivantes, je décris comment nous avons crée cette séquence de mouvements au lycée, en expliquant nos phases de travail menant au concept d'hybridation H2R. Nous discutons ensuite les résultats et les perspectives de cette expérimentation avec ses implications pour les prochaines étapes de ma recherche-création.
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Pour analyser le processus de création d'un langage chorégraphique original inspiré des robots, nous nous appuyions sur les pratiques somatiques et l'\gls{intelligence du mouvement}. Selon l'artiste Louis Philippe Demers, toute forme abstraite et inerte \textit{peut devenir fluide, organique et éventuellement anthropomorphe par les seuls moyens de contextualisation et de mouvement}\cite{demers2015playmouth}. Un des objectifs de cette étude de terrain est de vérifier dans quelle mesure le concept d’anthropomorphisme renforce la créativité en interaction homme-robot (HRI) et influence la création artistique. Nous étudions en outre comment la forme d'un robot peut influencer l'interprète en générant des mouvements involontaires similaires à des réponses kinesthésiques\footnote{selon \cite{bogart2004viewpoints} une réponse kinesthésique implique ``une réaction spontanée à un mouvement qui se produit en dehors de vous ; le moment dans lequel vous réagissez aux événements externes tels que le mouvement ou le son ; le mouvement impulsif qui résulte d'une stimulation des sens : c'est-à-dire quelqu'un applaudit devant vos yeux et vous clignez des yeux en réponse ; ou quelqu'un claque une porte et vous vous levez impulsivement de votre chaise.”}.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_panda}
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\caption{Mouvements du robot industriel Panda Franka.}
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\label{fig:iseapanda}
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\end{figure}
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Une autre piste d'exploration confronte l’idée selon laquelle travailler avec l'avatar d’un robot, peut favoriser un état d’hybridation entre le corps de l’interprète et le corps virtuel du robot. Nous soulignons ainsi le processus par lequel le rôle du robot passe de l’outil à celui de compagnon de travail. Plus tard je me demande comment cette individuation symbiotique entre un robot et un humain peut influencer la production de performances artistiques.
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Comment reproduire plus facilement une séquence de danse selon le type de robot ? Le retour de l’interprète change-t-il une fois que le type de robot a changé ?
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\subsection{Des digital twins comme facilitateurs de l'interactivité}
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Les élèves sont invités à mémoriser, puis à improviser la séquence de mouvements analogues indiquée par différents partenaires de danse virtuels. Les séquences filmées ont le même format et la même durée (environ 1min). La première séquence est enseignée par un robot humanoïde, la seconde par un bras industriel et la dernière par un interprète humain. Les séquences ont la même structure mais diffèrent par la qualité du mouvement, selon le professeur. Ensuite, les danseurs sont invités à interpréter librement les mouvements et à improviser collectivement une séquence de danse libre, recyclant les mouvements qu'ils considéraient comme les plus inspirants. La méthode d'analyse est une enquête de 23 questions que les participants sont invités à remplir à la fin de l'expérience.
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En Occident, les robots sont souvent conçus pour imiter le comportement humain, principalement en tant qu'outils de travail ou pour assister les humains dans des tâches complexes. Cependant, dans des contextes créatifs, leur fonction est plus ontologique, dans la mesure où ils peuvent contribuer à la création de sens en interaction avec le processus artistique qui les intègre. Pour l’artiste et chercheur Simon Penny, la cognition ne se produit pas exclusivement dans le cerveau, étant \textit{loin d’être une manipulation logique de jetons symboliques} \cite{penny2015emergence, penny2022sensorimotor}. Les processus mentaux comme l’inspiration sont incarnés, intégrés dans des tissus corporels non neuronaux (donc étendus en artefacts, systèmes sociaux et réseaux culturels), Penny soulignant également leur nature dynamique. À travers nos expériences de recherche-création, nous imaginons des séquences de mouvements qui remettent en question le concept d'anthropomorphisme chez les robots interactifs.Le plateau de danse, en tant que médiateur de leur rencontre, offre de nouvelles possibilités d'expression et, par conséquent, d'interaction. Dans notre cas particulier, nous appliquons le terme d'\textit{interactivité}\cite{bret2005interacting, bret2015creation} pour définir la relation entre humains et robots. Initialement inspirée par l'interaction humaine, l'interactivité s'est complexifiée avec le développement des nouvelles technologies et des nouveaux médias, ouvrant la voie à un processus de transformation continu. En mélangeant le vivant et le non-vivant, la réalité et les simulations, le physique et le virtuel, l'interactivité facilite une perméabilité entre l'humain et la technologie. Comme l'indique Baddoura:
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\begin{quote}
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``les interfaces interactives contemporaines échappent au contrôle total de l'homme et créent une situation nouvelle où celui-ci n'a plus un rôle exclusivement actif face à son outil. Il s’agit plutôt d’un échange, d’une interdépendance caractérisée de plus en plus par leur interactivité.”
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\cite{baddoura2013homme}
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\end{quote}
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Dans sa thèse, Baddoura fait une analogie entre la manière dont la technologie façonne les interactions virtuelles et la compréhension du corps humain\cite{baddoura2013homme}. Les individus qui cherchent à agrandir, modifier ou fragmenter leur corps sont des indicateurs des changements en cours dans nos interactions quotidiennes.
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L’identité étant multipliée, diluée ou absorbée dans le monde numérique, la tendance est de projeter les mêmes attentes sur le corps humain. Les neurosciences, la robotique ou l’art n’envisagent pas des concepts comme l’incarnation ou l’anthropomorphisme de la même manière. Dans \cite{johnson2007we}, le corps est défini comme un ensemble de processus organiques qui vont au-delà de l'expérience de la sensation et du mouvement. Cela peut inclure des réseaux sociaux tels que les familles et des artefacts culturellement construits. En parallèle, des termes anthropologiques comme \textit{domestication du corps}\cite{joffrey2015humanoides} analysent la manière dont le corps est segmenté en unités selon le domaine de recherche qui l'aborde. Dans le domaine des arts, des pionniers comme Stelarc ont toujours considéré leur corps comme un terrain de jeu pour des expériences technologiques\cite{stephens2016we}. Avec ses performances utilisant un troisième bras ou des pattes d'araignée, l'artiste brouille les frontières entre l'humain et la machine, créant des scénographies particulièrement originales. Alors que les roboticiens conçoivent des robots capables d'\textit{imiter} les humains grâce à leur ressemblance et leurs capacités collaboratives \cite{evrard2009homotopy}. Les chercheurs montrent que la forme générale d'un robot joue un rôle clé dans l'évocation des émotions souhaitées chez les utilisateurs\cite{hwang2013effects}. Des études mesurent le degré d'acceptation des robots humanoïdes\cite{nomura2012social,kaplan2004ws}, influencé par la conscience de notre propre \gls{schéma corporel}\cite{hoffmann2021body}. De plus, des concepts tels que \textit{l'étrangeté sociale}\cite{hoffman2020social} examinent comment notre besoin d'unicité et d'engagement dans des interactions authentiques est affecté par le développement des robots sociaux.
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L’idée de commencer à expérimenter avec l’avatar virtuel d’un robot est née lors d’un travail en laboratoire avec les roboticiens de l’équipe IDH pour le projet \textit{Le mythe de l'Immorta}. Le robot HRP-4 étant peu disponible à cette époque, nous avons réalisé une résidence artistique dans laquelle son double virtuel représentait le réel.Le robot a exécuté une série de mouvements inspirés des postures de pouvoir des dirigeants politiques assis sur des chaises. Lors de l'improvisation, sa corporéité imaginaire déclenchait diverses réponses kinesthésiques chez l'interprète, ce qui a éveillé notre curiosité et nous a poussés à approfondir la compréhension de ce phénomène. L'étude \cite{sohier2022degre} note la distinction entre les robots virtualisés et les simulations informatiques nécessaires au fonctionnement des robots dans le monde réel. Pour aller plus loin dans cette étude actuelle, nous employons le terme de \textit{digital twin}\footnote{selon IBM, alors qu'une simulation étudie généralement un processus particulier, un double numérique peut lui-même exécuter un certain nombre de simulations utiles afin d'étudier plusieurs processus.} à la place de\textit{simulations}, en raison de leur traitement des données en temps réel et de la possibilité d'étudier plusieurs processus dans diverses simulations.
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L’anthropologue Joffrey Becker retrace le processus d'hybridation entre le corps humain et les objets technologiques dès la préhistoire, lorsque l'anatomie de notre main s'est adaptée à la manipulation d'objets comme les outils de sculpture\cite{joffrey2015humanoides}. Il soutient que la notion de réflexivité occupe une place centrale dans le fonctionnement de l'anthropomorphisme, citant l'anthropologue culturel Victor Turner pour qui \textit{l'humain est plus qu'un animal performatif, étant proche d'un animale qui se réalise}. Par analogie, créer une séquence de danse robotique est aussi un processus réflexif. L'humain joue un double rôle d'initiateur et de récepteur de mouvement (dans le sens où il réagit à la proposition faite par le robot), tandis que ce dernier devient un médium traduisant, à travers ses contraintes mécaniques, l'architecture corporelle qu'il est censé incorporer, en alternant le modèle initial.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_couchot2}
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\caption{Mise à jour du schèma illustrant les principes d'E. Couchot.}
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\label{fig:iseacouchot2}
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Pour approfondir notre compréhension du concept d'hybridation, nous le définissons en relation avec le travail de l'artiste numérique Edmond Couchot. Pour lui l'hybridation se situe toujours dans l'expérience, \textit{plus précisément dans la relation entre le sensible, le corps et son environnement}\cite{sohier2022degre}. Le chercheur Rémy Sohier souligne la nature de cette hybridation en citant l’artiste pour qui cela renvoie à \textit{un état évolutif, de l’humain à l’artificiel et de l’artificiel à l’humain}. Dans sa classification des agents artificiels, Couchot fait une distinction entre les robots et les humains artificiels, en utilisant les concepts de matérialité et d'autonomie pour comparer les deux. Pour l'autonomie, sa classification s'oriente autour de deux polarités : l'avatar fantoche (niveau minimal d'autonomie) et l'acteur autonome (niveau maximal d'autonomie). Concernant sa définition de la matérialité, il structure ses observations autour de l'expérience technesthésique comme étant:
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\begin{quote}
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``une expérience sensible vécue dans l'acte technique [qui] constitue une sorte d'habitus perceptuel, de connaissance sensorielle, partagée par chaque membre d'un société et façonner ses manières d'être et d'agir, de penser, par des voies différentes de celles du langage et de la pensée symbolique.”
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\cite{sohier2022degre}
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\end{quote}
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Il est intéressant de noter que cette expérience implique la disparition de soi, en s'appuyant sur les restes de l'expérience des autres avec la technologie. Cela rejoint l'observation de Becker\cite{joffrey2015humanoides} pour qui l'histoire des gestes partagés, retrace l'évolution de l'humanité dans sa relation avec la technologie.
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L'un des enjeux de cette étude de terrain est d'explorer la dimension intermédiaire qui se manifeste entre la qualité du mouvement de deux entités distinctes : l'humain et le robot. Une expérience réalisée avec un robot Poppy favorise l'émergence du concept d'\gls{empathie kinesthésique}, illustrée par le décalage et la tension qui opèrent une fois le geste transmis de l'humain au robot\cite{villard2016propos}. Dans notre cas particulier, dans les improvisations en temps réel, une fois le robot HRP-4 programmé pour reproduire une séquence de danse, la chorégraphie peut être modifiée en fonction des caractéristiques techniques du robot - état des actionneurs et de la batterie, problème de code, limitations articulaires. Nous appelons ce type d'inférence des \textit{mouvements parasites}, nécessitant une adaptation sensori-motrice de la part de la machine vers l'humain. En comparaison, en travaillant avec des jumeaux numériques, les réglages se font au niveau de la vidéo-projection. Le concept de morphing\cite{villard2016propos}, emprunté au traitement de l'image, offre une analogie intéressante avec la production de mouvement, définissant un processus de réhabilitation et de réajustement continu des corps, ainsi que de leur transformation en formes. Pour approfondir cette idée, j'ai projeté l'image du robot sur le corps du performeur habillé en blanc, lors d'une de mes résidences de recherche à Montpellier.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_moi_hrp}
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\caption{Comparatif de mouvements performeuse - robot HRP4.}
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\label{fig:iseamoihrp}
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\end{figure}
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À notre grande surprise, les images se sont superposées, créant une figure hybride entre le robot et la machine. Après plusieurs essais, le performeur s'est adapté à cette interaction particulière avec le robot, construisant ainsi une figure symbiotique, à la fois humaine et robotique.
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\subsection{Expérience technesthésique vécue lors des ateliers et au studio}
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Comme extension de cet étude de cas, nous analysons comment différentes propositions de mouvement sont intégrés par des artistes lorsqu'ils dansent avec des robots. Notre objectif est de déterminer comment les utilisateurs expérimentent un état proche de \gls{qualia}\footnote{selon l'Encyclopédie de philosophie de Stanford, les philosophes utilisent souvent le terme ``qualia” (singulier ``quale”) pour faire référence aux aspects phénoménaux de nos vies mentales. Le statut des qualia est vivement débattu en philosophie, en grande partie parce qu’il est essentiel à une bonne compréhension de la nature de la conscience. Les qualia sont au cœur même de la problématique corps-esprit.}, tout en apprenant par imitation une séquence de danse démontrée consécutivement par des agents humains et non humains. Dans un contexte où le corps et l’esprit sont la même expression d’un processus organique\cite{mark2007meaning}, les arts et l’esthétique représentent des tentatives ontologiques pour trouver un sens. Après avoir travaillé avec le double jumeau du robot HRP-4 pour la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}, j'ai voulu comprendre comment les robots sont perçus par leurs partenaires humains lors des pratiques créatives en dehors de la scène.
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Les ingénieurs peuvent facilement pré-programmer des intentions liées à des émotions ou à des comportements humains spécifiques chez les robots, en utilisant une approche de boucle affective\cite{damiano2020emotions}. Cette approche se concentre sur la capacité du robot à engager les humains dans des échanges basés sur des affects, et ainsi à attribuer du sens à leur comportement. En 2010, une interface utilisateur pour créer des mouvements corporels\cite{nakaoka2010intuitive} a été implémentée dans un robot HRP-4C lors d'un spectacle de danse. Le robot exécute des mouvements de danse synchronisés, entouré par quatre danseuses, donnant l’impression d’être une copie parfaite d’un interprète humain. Comme évoqué par\cite{penny2016improvisation}, nous attendons des œuvres d'art de nous surprendre. Pour cela, nous imaginons des interactions qui se concentrent sur des \gls{mouvements spontanés} et des comportements inattendus des robots, questionnant un ``effet de présence”\cite{zaven2014effets} sur scène. Pour explorer les potentialités de ces interactions créatives, nous avons programmé et testé différents scénarios. Ces configurations impliquent des imitations et des mouvements aléatoires qui nous aident à comprendre comment les corps artificiels et organiques peuvent s'adapter mutuellement pour atteindre un état d'hybridité.
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Dans le cadre du projet CECCI-H2M, pour le développement de notre première séquence de danse avec HRP-4, nous avons dû prendre en compte différentes contraintes : la manière dont le robot stabilise son centre de masse, son autonomie en position debout et le mécanisme de sécurité qui lui permet de se déplacer. Ces contraintes m'ont conduit à reconsidérer mes projections et à imaginer, dans un premier temps, une interaction dansée assise, où le robot est également assis. J'ai choisi de travailler sur les postures de célèbres dirigeants politiques. Le fait que ces dirigeants soient assis, en train de réfléchir, mais que leur raisonnement ait influencé le cours de notre vie quotidienne, a transformé la figure du robot en une figure totémique, habitée par des gestes de pouvoir. La séquence de danse a été transposée sur scène dans le \gls{digital twin} de HRP-4 lors de la performance \textit{Le mythe de l'Immorta}.
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Dans une autre version de ce projet, l’interprète a interagi en temps réel avec l’environnement génératif non anthropomorphe E.V.E., créé par Isadora Teles de Castro, ainsi qu'avec le HRP-4 virtuel, de nature anthropomorphe. Le résultat de cette expérience nous a montré que les mouvements répétitifs de HRP-4 génèrent un sentiment d’oppression chez l’interprète, déclenchant un besoin de se réfugier dans des mouvements rappelant les réponses kinesthésiques mentionnées précédemment. À l'opposé, la réactivité d'E.V.E. lui a permis d'oublier facilement la séquence initiale et de construire une rythmique nouvelle sur place. Les deux systèmes ont été identifiés comme \textit{partenaires de scène} par l'interprète, le robot évoquant un sentiment d'absence ou un phénomène de \gls{ghost in the machine}\footnote{https://www.imdb.com/title/tt0113568/}.
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\caption{Interaction performeuse- E.V.E. lors d'une résidence CECCI-H2M. Source : archives personelles. }
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\label{fig:iseaeve}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/isea_sveda}
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\caption{Interaction performeuse robot HRP-4 virtuel lors d'une résidence CECCI-H2M. Source : archives personelles.}
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\label{fig:iseasveda}
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Une fois ces observations extraites du cadre de recherche initial, j'ai éprouvé le besoin de les confronter à un contexte plus large. J'ai inclus dans l’expérience un robot industriel, pour voir si son design non anthropomorphe (tout comme E.V.E.) suscite des réactions différentes en comparaison avec l’humanoïde. L'étude de terrain a été proposée à 25 élèves en danse qui ont testé une séquence de mouvement conçue pour le robot humanoïde HRP-4 et enseignée par celui-ci, ainsi que par un bras industriel FRANKA et par un performeur humain. Par rapport à la version inspirée des postures de pouvoir du projet CECCI-H2M, le robot HRP-4 a été présenté debout, bougeant ses membres supérieurs, ses hanches, sa tête et son torse. De nouveaux mouvements, correspondant à des \gls{mouvements réflexes} et similaires à des réponses kinesthésiques ont été ajoutés dans la boucle pour simuler ce que j'ai précédemment défini comme des mouvements parasites. Ensuite, j'ai demandé aux participants de reproduire les mouvements dont ils se souvenaient, puis d'improviser librement selon leurs envies. Tout au long des ateliers, ils ont été encouragés à explorer une dimension sensorielle et à mettre de côté toute projection personnelle concernant l'esthétique et le rendu de la séquence.
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\caption{Séquence d’apprentissage des mouvements avec les élèves du lycée Merci.}
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\label{fig:isealearningmercy}
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Dans\cite{jochum2017computation, duffy2003anthropomorphism}, les chercheurs relient la notion d'agence à la question de l'anthropomorphisme, citant la théorie du cognitiviste D.C. Dennett sur les \textit{systèmes intentionnels}\cite{dennett1993consciousness}. Dans les contextes artistiques, en plus du comportement kinésique de l’objet, un autre facteur influençant le ressenti du spectateur est sa stratégie pour comprendre et prédire le comportement de l’objet performant. Nous avons donc souhaité élargir notre démarche de recherche-création en intégrant des acteurs extérieurs, en leur demandant de remplir des questionnaires de satisfaction après l'expérience.
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Parmi les questions auxquelles les participants de notre étude ont dû répondre, certaines portaient sur le processus d'apprentissage par imitation du mouvement. La plupart des participants n'ont trouvé aucune différence significative dans la manière dont le robot (56\%) présentait le mouvement, par rapport à l'humain (76\%). Cependant, la plupart des participants étaient fortement d'accord sur le fait qu'il était plus facile de suivre les mouvements du robot humanoïde (64\%), par rapport au bras industriel (8\%). En ce qui concerne la qualité du mouvement, les participants estimaient que le robot humanoïde (44\%) et le bras robotique (44\%) exécutaient des mouvements intentionnels. Alors que plus de la moitié d'entre eux (56\%) estimaient qu'il leur a été facile de détecter les \textit{mouvements parasites} de la séquence. Une légère différence a été observée lorsqu'ils ont dû estimer s'ils pouvaient distinguer les mouvements intentionnels des mouvements non intentionnels : 28\% des participants étant d'accord et 24\% tout à fait d'accord que c'était facile. Une proportion significative des participants (36\%) ne savait pas si les robots étaient des créatures étranges, tandis que 24\% étaient tout à fait d'accord pour le penser et 20\% étaient, d'une manière ou d'une autre, en désaccord. La répartition était similaire concernant la question de la conscience des robots, avec 28 \% en désaccord et 24\% en accord. En ce qui concerne l'interactivité créative, la majorité des participants (68\%) ont ressenti le besoin d'ajouter d'autres mouvements lorsque la séquence devenait répétitive. Aucun des participants n'a déclaré appliquer habituellement les mouvements appris lorsqu'ils dansaient, tandis que très peu d'entre eux ont convenu que les mouvements étaient naturels pour le robot HRP-4 (8\%) et le robot Franka (16\%). Il est intéressant de noter que, pour le robot Franka, 4\% des participants étaient tout à fait d'accord pour dire que ses mouvements étaient naturels, tandis qu'aucun participant ne partageait ce sentiment pour le robot humanoïde. Concernant les émotions, seulement 12\% des participants étaient d'accord que le robot HRP-4 communiquait des émotions par la danse, une majorité (64\%) étant en désaccord et 24\% étant indécis. Quant aux émotions du robot Franka, 80\% des participants n'étaient pas d'accord avec le fait qu'il les exprimait à travers la danse, tandis que 8\% étaient indécis et 4\% d'une manière ou d'une autre d'accord. Il est intéressant de noter que 8\% des participants pensaient que le robot Franka communiquait des émotions à travers sa danse. De plus, la majorité des participants à notre étude (64\%) a déclaré qu'ils pourraient consacrer plus de temps à comprendre le mouvement humain grâce à l'interaction avec un robot.
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Un processus d’hybridation a également été observé après la séquence, lorsque les participants ont été invités à interpréter librement les mouvements du robot qu’ils avaient expérimentés précédemment. Cela a facilité l’apparition d’un état où les sens étaient plus présents, avec des gestes et des \gls{mouvements spontanés}. Nous définissons cet état comme créatif, car il favorise une expressivité corporelle propre aux phénomènes d'incarnation, permettant aux participants de s'approprier et de transformer la séquence de danse robotique par l'imitation. En se mouvant, leurs corps semblaient habités par une présence robotique. Les résultats de l'expérimentation sont disponibles avant\footnote{ https://vimeo.com/779347404} et après\footnote{https://vimeo.com/779363288} un essai avec les deux robots.
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En ce qui concerne les biais potentiels de ces expériences, le fait de présenter les robots dans un ordre spécifique (HRP-4, puis Franka, et enfin l'interprète humain) a pu influencer les réponses des participants. De plus, certains d'entre eux avaient déjà une connaissance des mouvements du robot HRP-4 grâce aux séances de travail organisées plus tôt dans l'année. Par rapport au travail fait avec des \gls{digital twin}s, les résultats pourraient également varier si nous travaillions en temps réel avec des robots physiques. De plus, nous pourrions avoir omis certains résultats intéressants en utilisant seulement ces deux formes et dimensions de robots. Il est également important de rappeler que, bien que les agents artificiels puissent simuler des intentions et des affects, notre façon de les interpréter — c'est-à-dire la notion de \gls{qualia} évoquée précédemment — reste toujours individuelle. Après avoir implémenté la séquence de danse analogue du robot humanoïde sur le bras industriel, nous avons observé des différences notables, notamment en termes de symétrie de la posture, ainsi que de vitesse et de secousses. Le bras industriel s'est révélé plus conforme en raison du type d'actionneurs responsables de l'exécution du mouvement.
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\subsection{Perspectives futures pour l'anthropomorphisme en utilisant des technologies robotiques émergentes}
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Une prochaine phase de cet étude de terrain m'a permis de tester des scénarios équivalents avec la version physique des robots. De cette manière, nous avons pu déterminer si la perception de l'interprète, ainsi que sa qualité de mouvement, peuvent être impactées différemment lorsqu'il travaille dans les mêmes conditions avec le corps réel et mécanique des robots. Cela m'a également permis de comprendre comment le processus d’hybridation est influencé par les phases d’imitation du mouvement. Ces premiers résultats empiriques nous encouragent à mettre en place une étude scientifique en laboratoire, mesurant l'\gls{empathie kinesthésique}\cite{barrero2019dance, foster2010choreographing} grâce à la détection des \gls{neurones miroirs}\cite{gallese1996action}, en utilisant le traitement du signal de l'électroencéphalogramme (EEG).
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Apprendre par imitation et établir une interaction créative à l'aide de \gls{digital twin}s nous a permis d'explorer les qualités vécues par chaque participant tout en améliorant la qualité globale du mouvement grâce à l'improvisation dansée. Ce type d'interactivité créative implique une hybridation entre humains et robots, générant de nouvelles formes visuelles lors de la projection vidéo et créant ainsi un matériau de mouvement original. Nous espérons que ces réflexions sur l’anthropomorphisme numérique stimuleront davantage les échanges entre roboticiens et artistes, anticipant une nouvelle phase d’individuation dans la relation globale entre robots et humains.
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En résumé, le sujet de l'anthropomorphisme présente des possibilités captivantes dans le cadre des nouvelles technologies robotiques. En redéfinissant les interactions humaines et en remettant en question notre compréhension de la subjectivité et de la conscience, nous aurions la chance de mieux préparer notre avenir, les robots anthropomorphes jouant un rôle essentiel dans l'éducation et la formation de demain.
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\section{Expérimenter la créativité au LIRMM}
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Après les travaux pratiques effectués au Lycée Merci avec les robots virtuels, la deuxième étude de terrain a eu lieu au LIRMM, près de deux ans après mon arrivée au laboratoire.
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_manip2}
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\caption{Captations vidéo de nos expérimentations au laboratoire.}
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Pour comprendre comment les connaissances acquises à travers des pratiques artistiques peuvent être liées à d'autres formes de savoir perçues par le public comme plus ou moins autoritaires ou dignes de confiance\cite{gunn2004learning}, les chercheurs désignent l'art comme cadre idéal pour acquérir de la connaissance distribuée. Pour influencer le comportement des individus envers les robots, il est envisageable d'augmenter le nombre de rencontres \textit{amicales} entre des robots et d'autres personnes\cite{timmerman2021springer}. Les interactions tierces (c'est-à-dire robot - robot - humain ou HRHI) dans des contextes d'imitation de danse deviendront de plus en plus courantes avec l'intégration croissante des robots dans nos sociétés. Cependant cette intégration doit se faire dans un cadre moins compétitif. Selon \cite{jung2018acm}, un robot peut influencer son environnement social au-delà de la personne qui interagit directement avec lui. Dans ce contexte, nous pensons qu'il est essentiel d'étudier les interactions humain-robot (HRI) dans des environnements sociaux complexes. Notre étude initiale s'est basée sur une HRI collective, réalisée avec des avatars virtuels de robots lors des improvisations en danse. Cette nouvelle étape de ma recherche-création me permet d'explorer de nouvelles possibilités d'interaction et de tester une hypothèse concernant la dynamique sociale entre humains et robots, lorsque plusieurs personnes sont présentes.
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Du point de vue d'un observateur humain interagissant avec une dyade homme-robot, le type d'incorporation (\gls{embodiment}) influence à la fois la perception du robot et son impact sur l'environnement. Grâce à cela, j'ai pu expérimenter avec de robots de formes variées dans un contexte multi-participant de routines de danse, afin de comprendre comment la conception du robot enrichit notre processus créatif. Ainsi, motivés par la présence accrue des robots dans les performances artistiques, nous avons introduit une nouvelle méthode en tant que cadre tiers d'interaction HRHI. Traditionnellement, les interactions avec des tiers sont nettement moins étudiées que leurs homologues entre deux parties. Pour nous faciliter la tâche, nous nous limitons, comme dans l'étude précédente, à la mise en place de routines de danse collaboratives impliquant des mouvements du haut du corps exécutés par un danseur professionnel, un robot industriel, et un humanoïde. À travers ce cadre, nous proposons de mesurer la capacité d'improvisation du participant humain. Comme évoqué dans \cite{bailin1984creativity}, la créativité dans les œuvres d'art implique une compétence liée à une certaine \textit{plasticité du contrôle} – c'est-à-dire la capacité à voir au-delà du problème spécifique auquel nous sommes confrontés ou à avoir une compréhension approfondie du problème pour savoir s'en détacher.
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Lorsqu'ils définissent la créativité, des chercheurs \cite{gaut2009brill, bailin1984creativity} font remonter le débat jusqu'au philosophe grec Platon, qui considérait la créativité comme un processus mystérieux mélangeant de l'inspiration et de l'introspection. Après ces expériences en recherche-création, ma vision peut sembler erronée, car elle adopte une perspective anti-téléologique du processus créatif. Proche de la vision du philosophe Berys Gaut, j'identifie la liberté humaine et le courage comme catalyseurs de la créativité\cite{gaut2009brill}. Transposer ces arguments à notre contexte de danse HRHI m'aide à évaluer les facteurs susceptibles d'améliorer la créativité en lien avec des robots. Cela implique d'analyser la capacité d'improvisation induite par l'état créatif à partir de deux points clés : d'une part la substituabilité\cite{kirsh2010wayne} et d'autre part la \gls{empathie kinesthésique}\cite{gemeinboeck2016roman} des participants.
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L'imitation dans la danse interactive entre robots et humains a fait l'objet de recherches de longue date dans la littérature, en particulier concernant l'\gls{embodiment}. Alors que l'improvisation est principalement utilisée pour améliorer la réactivité et l'acceptation sociale des robots \cite{jochum2019moco, hoffman2012impro, weinberg2007impro}, les artistes font improviser des robots sur scène, que ce soit pour danser \cite{demers2016multiple} ou pour jouer de la musique \cite{hoffman2011stage}. Il est tout aussi important de préciser que dans notre étude actuelle, plutôt que d’improviser, les robots émulent l’improvisation en suivant des algorithmes préprogrammés. En danse, la mémorisation d'une phrase ou d'un geste implique un processus d'assimilation appelé \textit{marquage}, où chaque danseur reproduit le mouvement en activant différentes parties de son corps. Le chercheur en sciences cognitives David Kirsh décrit cette technique de marquage comme \textit{un échafaudage pour projeter mentalement une structure plus détaillée que celle qui pourrait autrement être gardée à l'esprit}\cite{kirsh2010wayne}. Nourris par une stratégie interactive qui enrichit leur perception, les danseurs marquent des séquences de danse avec leur corps d'abord pour les mémoriser, puis pour les transmettre. L'une des propriétés du marquage est la \textit{substituabilité}, décrivant comment un mouvement d'une partie du corps peut être traduit par le mouvement d'une autre. Suite aux observations de Kirsh selon lesquelles \textit{les mouvements des mains et les inclinaisons de la tête représentent régulièrement le mouvement de différentes parties du corps}\cite{kirsh2010wayne}, nous avons imaginé une séquence de danse pour les mains traduite par des robots. Cette séquence peut être exécutée par n'importe quel autre segment du corps humain, dans la vitesse et le rythme originel.
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À l’origine un outil de composition, l’improvisation dansée est devenue une technique pour améliorer la conscience kinesthésique des interprètes. Selon\cite{schwartz2000action}, ce type de conscience est également lié à l'incarnation\cite{jochum2019moco}. Transposer ces observations aux robots permet de déterminer leur impact sur un processus artistique global et aussi de comprendre comment le type d'incarnation influence les réponses spontanées des danseurs. Inspirée par le travail de \cite{jochum2019moco}, j'utilise l'improvisation comme une technique qui me permets d'analyser des formes incarnées d'interaction lors d'une danse avec les robots. Au cours de cette étude, les participants se sont spontanément déplacés dans l'espace afin de déterminer quels facteurs renforcent cette improvisation ou facilitent une forme de substituabilité quand des autres parties du corps prennent le dessous.
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Comme affirmé par la chercheuse en robotique sociale Kerstin Dautenhahn, la construction et conception des robots évolue rapidement tandis que les modèles deviennent obsolètes une fois que les entreprises cessent de les développer davantage. Par conséquent, la communauté robotique a des difficultés à trouver un consensus concernant ce que le terme \textit{robot} implique réellement, y compris pour un large éventail de formes comme \textit{androïde, humanoïde, mécanoïde, semblable à une machine, zoomorphe ou anthropomorphe}\cite{dautenhahn2018acm}. Comprendre les possibilités d'interaction entre humains et robots est un défi complexe, au cœur de plusieurs disciplines impliquant la robotique, les neurosciences, la psychologie, l'éthologie, la philosophie de l'esprit, parmi autres. La quête pour des modèles innovants prend le dessus sur le recyclage des pratiques, technologies et protocoles actuels, qui sont moins étudiés et améliorés, conduisant à une vision appauvrie de HRI. Par cet deuxième étude de terrain, j'ai cherché à étendre les paramètres originaux d'un HRI standard à un modèle d'interaction avec plusieurs humains. Ceci dans le but de développer de nouveaux concepts émergents liés aux arts et à la créativité, qui pourraient faciliter l’intégration dans la société des robots. Les auteurs des études comme les \cite{fdili2019acm, fdili2017moco, jochum2019moco} citent l'informaticien Paul Dourish pour qui l\gls{embodiment} ou l'incorporation, n'est pas une propriété de systèmes, de technologies ou d'artefacts, mais une propriété de l'interaction. Le type d'interaction incorporée que m’intéresse vise \textit{la création et le partage du sens} tel que défini par Dourish. Selon lui, le concept d'incorporation ne se limite pas à la manifestation physique des personnes et des objets, mais s'étend également à leurs interactions sociales et leurs relations. À notre échelle, cette étude examine comment l’interaction entre un danseur et un robot peut générer du sens et susciter une \gls{empathie kinesthésique} chez les autres participants. Lors de l’expérience proposée, nous avons analysé les types de modèles d'interaction générés par deux contraintes - l'imitation et l'improvisation des mouvements d'un corps robotique et d'un corps humain- en demandant aux participants de remplir un formulaire de vingt-neuf questions à la fin de l'expérience. Cela m'a permis de recueillir des données sur le type d'incorporation d'un robot inclus dans une expérience de danse et improvisation. Sur la base de l’expérience mentionnée ci-dessus, avec mes collègues du LIRMM qui m'ont aidé réaliser cette expérience parmi lesquels la chercheuse Madalina Croitoru, nous nous sommes arrivées aux observations suivantes :
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\begin{itemize}
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\item Par rapport aux robots humanoïdes, les robots industriels pourraient faciliter un état créatif plus élevé pour la danse,
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\item Le degré d'acceptation du deuxième participant humain dépend de son degré de familiarité avec le robot
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\item Dans un contexte tiers humanoïde-robot-danseur-humain, le danseur est moins perçu mais il est vu comme une source d'inspiration lors de la phase d'improvisation
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\item Les participants étaient moins intéressés à toucher physiquement le robot, quelle que soit sa forme
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\item Les participants ont préféré imiter et improviser avec les robots plutôt qu'avec le danseur
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\item Le sentiment de synchronisation avec les robots était moins présent lors de la phase d'improvisation
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\item Lors de la phase d'improvisation, les participants projetaient et attendaient une réactivité de la part du bras industriel mais moins de la part de l'humanoïde
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\item Durant la phase d'improvisation, la plupart des participants n'ont pas interagi avec la danseuse humaine, ni l'ont imitée
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\end{itemize}
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\subsection{Configuration expérimentale HRHI}
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Dans ma première étude de terrain, les participants ont vécu une expérience collective de HRI, qui s'est déroulée à l'extérieur du laboratoire, lors des ateliers de danse avec des avatars virtuels. Ce que j'ai compris sur la créativité en général, m'a donné l’opportunité d’aborder ce concept dans un contexte plus large. En consultant la littérature, les observations de Malte Jung et Pamela Hinds m'ont inspirées à travailler dans un cadre original, en adaptant nos hypothèses aux contraintes de l'environnement\cite{jung2018acm}. Cette fois environnement est peuplée par deux humains à la place de un. Le modèle d'interaction que j'ai choisi cherche donc l'amélioration de cette étude précédente, basée sur des simulations virtuelles et adressée à des participants familiers avec la danse.
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Afin de comprendre comment les robots sont perçus et quel est leur impact dans un environnement avec des autres humains, l’autonomie est un facteur clé. Les observations de Kristen Stubbs, spécialiste en téléopérations, suggèrent qu'à mesure que l'autonomie d'un robot augmente, ``l'incapacité des humains à comprendre les raisons des actions du robot perturbe la création d'un terrain d'entente”\cite{stubbs2007iee}. Suite à cette remarque, j'ai décidé d'organiser notre expérience au laboratoire, l'environnement de prédilection des robots, avec des participants peu familiers avec la danse. Pour questionner la notion de créativité en HRI, nous avons d'abord re-travaillé notre expérience en impliquant majoritairement des collègues chercheurs du laboratoire. Nous leur avons demandé de comparer deux contextes : interagir seuls avec un robot versus interagir simultanément avec un robot et un danseur humain. Cette comparaison nous a permis de comprendre les différences perçues dans la dynamique de l'interaction, notamment en termes de coordination des mouvements, de ressenti émotionnel et d'empathie kinesthésique. Ces premiers retours ont clarifié l’hypothèse de travail selon laquelle les humains devraient s’habituer à la présence d’autres humains lorsqu’ils interagissent avec des robots. L'un de mes objectifs était d'identifier quel cadre (avec ou sans un médiateur humain) est le plus pertinent pour déclencher la créativité lors d'une HRI avec de la danse. Parmi les constats, j'ai pu remarquer que la place du robot au sein d'une étude de terrain dépend de son degré de familiarité avec le sujet (c’est-à-dire combien de temps ce participant a déjà interagi avec ce type de robot). La majorité des roboticiens ont préféré interagir directement avec le robot, sans que le danseur humain n'intervienne dans cette interaction. Une des raisons qui a motivé ce choix est que pour eux la présence de l'humain devient plus importante que celle du robot. De la même manière, les chercheurs qui n’ont jamais interagi avec un robot auparavant ont estimé que la présence du médiateur humain les encourageait à intégrer l’expérience et à développer davantage leurs compétences créatives. Un autre fait important, c'est qu'une fois l'instruction d'improviser donnée, leurs propres projections peuvent rendre les participants confus quant au résultat attendu, car ils réfléchissent trop à la \textit{meilleure} façon d'exécuter l'instruction. Avoir un danseur humain qui improvise simultanément avec le robot aide les participants à se détendre. Ils restent confiants quant au résultat de l'expérience, quel que soit leur niveau de danse. Ces premières remarques nous ont encouragés à maintenir le cadre d'un danseur humain interagissant avec les robots participants à notre étude de terrain.
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En échange, travailler avec de vrais robots à la place de leurs doubles numériques \cite{circu2023isea} rend les séquences de danse moins fluides que dans les simulations. Les robots sont accompagnés par le bruit réel et soumis à des contraintes techniques. Comme évoqué par la chercheuse et artiste Elizabeth Jochum, \textit{une telle imprévisibilité est liée à l’incarnation matérielle d’un robot et à une partie de son charme idiosyncratique en tant qu’interprète}\cite{jochum2019moco}. Mon choix de faire une interaction impliquant uniquement des routines de danse du haut du corps est lié au fait que travailler avec des contraintes élargit les possibilités d'expression chez l'humain tout en réduisant les risques de dysfonctionnement du robot. De plus, le bras industriel étant posé sur un socle fixe, il semblait logique d'immobiliser le robot humanoïde, sur une chaise.
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\subsection{Résultats et discussion}
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Lors de cette expérimentation, nous sommes partis de l'hypothèse que la créativité est une combinaison des compétences et d'intention\cite{gaut2009brill, gaut2010philosophy, bailin1984creativity, bresnahan2015skill}. Cette hypothèse a suscité de nombreux débats, parmi lesquels l’idée que la créativité peut être téléologique. Gaut donne l'exemple d'un chimpanzé brossant de la peinture : si le dresseur enlève la peinture lorsqu'il le juge approprié, le résultat pourrait être créatif ; alors que si le chimpanzé est laissé seul avec son papier, il finira par le recouvrir de couleurs ou tout simplement le détruire. Pour le philosophe:
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\begin{quote}
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``les types d'actions qui sont créatives sont celles qui présentent au moins un objectif pertinent (en n'étant pas purement accidentelles), un certain degré de compréhension (en n'utilisant pas simplement des procédures de recherche mécaniques), un degré de jugement (dans la manière de appliquer une règle, si une règle est impliquée) et une capacité d'évaluation orientée vers la tâche à accomplir. En raccourci pour ces caractéristiques, nous pouvons dire que les actions créatives doivent faire preuve de flair.”
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\cite{gaut2010philosophy}
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\end{quote}
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Ces remarques peuvent être appliquées aux robots autonomes, qui ont un comportement téléologique une fois qu'ils sont préprogrammés avec une tâche. Cela nous a contraints à identifier les facteurs qui différencient un résultat non créatif d'un résultat créatif. Compte tenu de ces prémisses, l’invention d’une danse particulièrement nouvelle pendant la phase d’improvisation peut-elle être considérée comme créative ? Si oui, à travers quels facteurs ?
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En parallèle, le défi de concevoir des robots capables de se comporter de manière fiable et sûre dans des environnements humains a conduit les scientifiques à étudier des domaines tels que les sciences sociales et la philosophie. Si la créativité est une question de degré\cite{gaut2009brill}, le questionnaire soumis à la fin de l’expérience nous a permis d'étudier comment la conscience kinesthésique, la substituabilité ainsi que le potentiel de synchronie de deux robots opérant dans un contexte identique. Bien que les algorithmes de mouvement soient identiques, les mouvements des robots ont suscité des réactions différentes chez certains participants. Ils ont défini la même séquence de danse exécutée par un robot comme créative par rapport à l'autre. Les commentaires étant liés à leur familiarité avec les robots. Ainsi, des participants moins habitués aux robots sont plus enthousiastes quant à leur potentiel créatif en danse.
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Les données nous ont aidé à identifier certains des défis comme par exemple lors de la phase d'imitation 95,3\% des participants ont facilement imité la séquence de danse du robot humanoïde, contre 56,5\% pour le bras industriel. Ces participants étaient engagés dans ce que Dourish appelle un \textit{coping absorbé}\cite{jochum2019moco}, ou un engagement total dans l'interaction, correspondant à 47,6\% des participants pour l'humanoïde et à 30,4\% des participants pour le bras industriel. Une répartition intéressante des réponses concernant le sentiment de confort lors de la phase d'imitation : 85,7\% des participants se sont sentis à l'aise en imitant le robot humanoïde et 38,1\% en imitant le danseur, contre 60,9\% des participants imitant le robot industriel et 43,5\% des participants imitant le danseur. Le sentiment d'être inspiré par les mouvements du danseur par rapport au robot suit la même tendance, avec 42,8\% des participants convenant qu'ils ont suivi le robot humanoïde, contre 39,1\% des participants ayant suivi le robot industriel. Globalement, les participants ont trouvé plus intéressant de suivre les mouvements du robot que ceux du danseur - avec 61\% des réponses favorables concernant le r obot industriel et 66,6\% concernant le robot humanoïde. Paradoxalement, seule une petite minorité - 20\% pour le robot industriel et 14,3\% pour le humanoïde ont identifié des émotions dans la danse du robot. Alors que 60,9\% des participants engagés dans une interaction avec le robot industriel et 57,1\% avec le robot humanoïde ont trouvé que la danse de l'humain exprimait des émotions. Cette observation indique que les participants engagés dans la danse (soit en imitant, soit en improvisant) contemplaient moins l'acte performatif et expriment plutôt leurs convictions et opinions générales lors d'un feedback. Par ailleurs, lors de la phase d'imitation, 66,7\% des participants se sont sentis en synchronisation avec le robot humanoïde contre 55\% des participants avec le robot industriel. En comparant ces résultats lors de la phase d'improvisation, je constate une grande différence puisque seulement 20\% pour le robot industriel et 23,8\% pour le robot humanoïde ont répondu positivement à cette question sur la synchronicité. Ce constat prouve tout de même que la synchronicité se produit plus difficilement par l’improvisation en danse.
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Un autre fait intéressant à mentionner est que lors de l'improvisation, les participants n'ont pas ressenti le besoin d'entrer en contact physique avec le robot (68,2\% pour le bras industriel et 90,5\% pour le robot humanoïde), avec un léger pourcentage d'indécision pour le bras industriel - 18,2\% versus 9,5\% pour le robot humanoïde. Alternativement, 13,6\% des participants à l'expérience avec le bras industriel ont répondu par l'affirmative à cette question, alors qu'aucun pour le robot humanoïde. En improvisation, je note une légère indécision quant à la réactivité du robot industriel. Ainsi, 80\% des participants pour le robot industriel et 90,4\% des participants pour l'humanoïde ont rejeté l'idée que les robots étaient réactifs, alors qu'en réalité ils ne l'étaient pas. Cependant, 40,95\% des participants pour le robot industriel et 23,8\% des participants pour l'humanoïde ont exprimé le besoin d'interagir avec des éléments réactifs.
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Des chercheurs comme Sarah Truman ou le philosophe Shaun Gallagher voit la distinction entre l'action et le mouvement à travers les sens, par des \textit{primitives de mouvement} \cite{truman2015primacy, gallagher2002primacy}. Ces éléments de base du mouvement sont ensuite complexifiés lorsque nous dansons. Elles y sont également utilisés pour classifier les possibilités de mouvement des robots. Pour Elizabeth Jochum \textit{un robot ou un système artificiel pourrait imiter de manière convaincante une action significative, mais ce n'est pas la même chose qu'un système agissant de manière significative}\cite{jochum2019moco}. De plus, \textit{la dynamique qualitative inhérente pour animer des formes de vie (mouvement cinétique) sont distincts de l'action motrice exécutée par des formes inanimées (action motrice)}\cite{jochum2019moco}. Puisque nous avons inclus dans la séquence du danseur une combinaison de mouvements intentionnels et non intentionnels (type bâillement), nous avons voulu voir si les participants faisaient la distinction entre ces deux mouvements lors de l'interaction avec l'humain. Dans les deux cas - 52,1\% pour le bras industriel et 47,6\% pour le robot humanoïde, les participants ont réussi à les identifier. Ces mouvements ont été simulés lors des essais de la phase d'improvisation, où chaque séquence était réalisée dans un ordre aléatoire par rapport à la phase d'imitation. Pour le robot humanoïde, un état inspiré des tremblements humains a été ajouté. Seuls 17,4\% des participants pour le robot industriel ont identifié ces mouvements, contre 85,7\% pour le robot humanoïde. Nous expliquons cette différence par le fait que le mouvement de tremblement était relativement différent des autres types de mouvements de la séquence de danse.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/roman_Q18}
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\caption{Répartition des réponses quant au comportement lors de l'improvistion.}
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\label{fig:romanq18}
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\end{figure}
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Pour le robot humanoïde, 33,3\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain alors que 28,6\% des participants affirment avoir improvisé uniquement avec le robot, 23,8\% des participants pensent avoir improvisé avec les deux, tandis que 9,5\% des participants ont improvisé complètement par eux-mêmes et 4,8\% des participants n'ont pas respecté la consigne de improviser.
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Pour le bras industriel, 21,7\% des participants ont improvisé uniquement avec l'humain, 21,7\% uniquement avec le robot, 21,7\% des participants ont improvisé avec les deux, tandis que 8,7\% des participants ont improvisé complètement par eux-mêmes et 8,7\% des participants n'ont pas respecté la consigne de improviser.
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Le reste des 17,5\% des participants ont soit improvisé uniquement avec l'humain, soit l'ont imité pendant l'enseignement d'improvisation, prouvant que la créativité est facilitée par les interactions entre humains plus facilement que par les interactions entre humains et robots.
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\section*{Conclusion}
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Ces deux expérimentations m'ont offert la possibilité de mettre en œuvre des observation théoriques, des envies et des intuitions quant au potentiel scénique des robots et leur manière de nous inspirer lorsque nous dansons avec eux. L’expérience avec des \gls{digital twin}s au Lycée Merci m'a permis de tester un dispositif à l’extérieur du laboratoire, ou \textit{into the wild}\cite{sabanovic2006iwamc}. Suite à cette première immersion, j'ai pu affiner l’étude HRHI au LIRMM, avec des non danseurs. Dans les deux cas, avec des robots virtuels puis des robots réels, les humains ont ressenti plus de liberté en interagissant avec une entité non-anthropomorphe. D'ailleurs la consigne d'imiter des mouvements s'est avérée contre-productive, en suscitant des réactions de rire ou des blocages de la part des participants, puisque dans leur imaginaire les robots sont associés à un type de mouvement propre aux récits SciFi: mouvements mécaniques et saccadés, lents et lourdes. Ayant plus ou moins réussi à interroger et parfois même défier certaines attentes, je considère ces études de terrain réussies malgré leurs contraintes. Lors d'une session au LIRMM, une participante est restée immobile, après la consigne en m'expliquant qu'elle ne sait pas quel type de danse est adéquat dans la compagnie d'un robot.
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La présence des humains dans les interactions avec des robots reste encore à définir : dans certains cas elle a facilité la mise en confiance, dans d'autres elle a fini par inhiber les participants. Probablement, les mêmes observations sont valables pour les robots sans forcément lier cela à leur design. La question de l'anthropomorphisme, qu'il soit digital ou réel est également plus complexe lorsque nous la relions au mouvement. Le type de mouvement est lui aussi un aspect à prendre en compte, puisque à ce jour la danse des robots reste prisonnière d'un imaginaire collectif sensible aux jeux vidéo et aux films du type \textit{Star Wars}. J’élargis ma définition de la créativité avec les observations de Berys Gaut et je comprends mieux celle de l'interaction incorporé en m'appuyant sur la vision de Paul Dourish dont quelques observations rejoignent celles de la cognition intégrée (voir \gls{embedded cognition}) de Lucy Suchman. Je retiens de ces expérimentations mes notes sur l'\gls{empathie kinesthésique} éprouvée par certains participants à l'étude HRHI, puis mon expérience technesthésique avec les \gls{digital twin} des robots, comme forme de hybridation influencée par l’expérience.
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Somme toute, ces études de terrain et les questionnaires soumises aux participants m'ont permis de réfléchir aux implications d'une danse créative avec des robots et de questionner des éventuels préjugés liés à ce type d’interaction artistique.
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\chapter{Robots, danse et \textit{conscience art.ificielle}}
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L’élément central de mon étude reste le corps et son vécu expérientiel, sa connaissance sensorielle et ce qui l’amène à se mouvoir et à danser. À la description du corps par Latour que j'ai mentionnée plus haut, je rajoute celle de Hubert Godard\cite{godard1994geste} pour qui \textit{le corps n'existe pas, nous sommes que du tissu conjonctif\footnote{The body does not exist, we are nothing but connective tissue.}.}
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Cela nous permet d'envisager les composantes sociales et culturelles du corps, dans sa dynamique avec l’environnent. Dans notre cas, les actes artistiques qui engagent un dialogue entre le corps et les technologies numériques favorisent une construction collaborative de nouveaux états physiques, perceptifs, et même de conscience.
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Que cette conscience puisse un jour être appelée \textit{artificielle} reste à voir.
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Pour l'instant le terme \textit{art.ificiel} renvoie plus à un jeu de mots entre construction artistique et \textit{artifice}, dont un synonyme est le mot \textit{subterfuge}\footnote{la définition de ce mot dans le dictionnaire Larousse.fr vient du latin classique \textit{subterfugere} (ou fuir secrètement), pour indiquer un moyen habile et détourné pour se tirer d'un embarras.}.
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\section{Les robots, les ours et le désir d'inter-subjectivité.}
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Cette section présente la relation entre la danse improvisée et la robotique, dans le contexte de la performance \textit{This is where I differ with Herzog} (TIWIDWH). Considérant des concepts comme la figuration, l'intention, l'\gls{exaptation}, nous mettons en avant une inter-subjectivité entre la figure d’un ours sauvage et celle d’un robot, comme métaphore des considérations féministes d'un nouveau type de matérialisme.
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\textit{TIWIDWH} est d'abord une mise en abyme de mon processus de recherche-création, revu dans l'optique du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Rapprocher la figure du robot à celle du vampire puis de l'ours sauvage m'a aidée à clarifier le statut qu'un robot peut avoir, à l'intérieur de mon expérience artistique. Par ce biais, j'ai pu également approfondir mes intuitions quant au potentiel scénique des robots - en tant que source d'inspiration pour une expressivité corporelle qui cherche à déconstruire le rapport au corps. J'ai aussi pu parler ouvertement des peurs et incertitudes quant à mes ambitions de traiter le sujet de \gls{conscience artificielle} lors de cette thèse. En contrepoids de ces projections artistiques, j'ai mis en avant le réalisme excentrique de Herzog, artiste visionnaire qui a passé des années à poursuivre des projets impossibles à réaliser. Dans son journal \textit{Conquest of the Useless: Reflections from the Making of Fitzcarraldo}\cite{herzog2009conquest} - qui m'a accompagné tel un livre de bord dans plusieurs projets artistiques - Herzog évoque les difficultés qu'il a rencontré pour réaliser le film \textit{Fitzcarraldo} (1982) où il tourne en plein milieu de la forêt péruvienne. L'historie suit les aventures d'un personnage original, parti construire un opéra pour inviter Enrico Caruso et Sarah Bernhardt à se produire dans la jungle. Lorsqu'un de ses plans initiaux échouent à cause de la météo, il décide de poursuivre son voyage, en faisant tirer le bateau, avec des cordes sur une montagne. Pour réaliser ce projet, Herzog s'est investi au point de mettre en danger sa vie, en tombant gravement malade sur le tournage, ou en négociant avec des chefs de tribu de la jungle péruvienne. Loin d’être proche de ses exploits, je m'inspire de ce journal pour trouver le juste milieu entre engagement, ambition, lâcher-prise et auto-dérision.
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/fizzcaraldo}
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\caption{Poster du film \textit{Fizzcaraldo}. Source: https://www.themoviedb.org/movie/9343-fitzcarraldo.}
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\label{fig:fizzcaraldo}
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\end{figure}
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Lorsqu'il parle de \textit{Fitzcarraldo}, Herzog impressionne par son honnêteté:
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\begin{quote}
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``Une vision m'avait saisi, comme la fureur démente d'un chien qui a enfoncé ses dents dans la patte d'une carcasse de cerf et qui secoue et tire le gibier abattu si frénétiquement que le chasseur renonce à essayer de le calmer. C'était la vision d'un grand bateau à vapeur escaladant par ses propres moyens une colline, gravissant une pente raide dans la jungle, tandis qu'au-dessus de ce paysage naturel, qui brise les faibles et les forts avec une égale férocité, s'élève la voix de Caruso, faire taire toute la douleur et toutes les voix de la forêt primitive et noyer tous les chants d'oiseaux. Pour être plus précis : l'oiseau crie, car dans ce décor laissé inachevé et abandonné par Dieu dans sa colère, les oiseaux ne chantent pas ; ils hurlent de douleur, et les arbres confus s'entremêlent comme des Titans en guerre, d'un horizon à l'autre, dans une création fumante encore en formation. Haletants et épuisés, ils se trouvent dans cette misère irréelle - et moi, comme une strophe dans un poème écrit dans une langue étrangère inconnue, je suis profondément secoué\footnote{en anglais: ``A vision had seized hold of me, like the demented fury of a hound that has sunk its teeth into the leg of a deer carcass and is shaking and tugging at the downed game so frantically that the hunter gives up trying to calm him. It was the vision of a large steamship scaling a hill under its own steam, working its way up a steep slope in the jungle, while above this natural landscape, which shatters the weak and the strong with equal ferocity, soars the voice of Caruso, silencing all the pain and all the voices of the primeval forest and drowning out all birdsong. To be more precise: bird cries, for in this setting, left unfinished and abandoned by God in wrath, the birds do not sing; they shriek in pain, and confused trees tangle with one another like battling Titans, from horizon to horizon, in a steaming creation still being formed. Fog-panting and exhausted they stand in this unreal misery - and I, like a stanza in a poem written in an unknown foreign tongue, am shaken to the core.”}.”\cite{herzog2009conquest}
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\end{quote}
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Le rapport que Herzog a vis à vis de son propre travail, a toujours été un exemple pour moi. Son humilité, tout comme son ambition démesuré, touchent à quelque chose de primitif, qui contrarie. Il se désigne plutôt témoin que créateur, dont la mission est d'articuler les rêves qui peuplent notre époque. Pour lui, chaque humain aspire au fond de lui aux mêmes idéaux, il a les mêmes angoisses, parfois sans le savoir, et le travail d'un artiste est de mettre en place les conditions pour que cela se manifeste. Dans ses films, il part du particulier et de l'intime pour parler de l’universel.
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À ma façon, j'ai essayé d'appliquer ces principes, observer et laisser le corps s’exprimer à travers la danse, plutôt que de \textit{le faire danser} telle une marionnette. J'ai passé du temps à me connecter avec mes sens, trouver une écoute du corps pour mieux renouer avec mon intention de créer. Cela m'a permis de me sentir plus disponible dans mon interaction avec des robots. J'ai vécu cet apprentissage comme une sorte d’ancrage dans un avenir possible, où les machines envahissent notre quotidien et nous absorbent dans leur monde. Je me rends compte à quel point cela est vecteur d'une disruption. L’altérité des machines, tout ce qu'il y a de non-dit et caché dans une \textit{relation} avec eux, ont fortement perturbé ma liberté artistique. Danser avec des robots reste une expérience singulière, à l'opposé d'une immersion dans la nature, ou d'une expérience sensorielle partagée avec un humain.
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Dans le même temps, bien qu'ils sont inanimés, leur fonctionnement s'inspire des lois biologiques, ils simulent l'autonomie, l'intelligence et dernièrement l'émotion humaine. Grâce à leur présence accrue dans nos sociétés, nous commençons à les envisager comme des êtres à part entière.
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J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me demander si cela est juste ou pas. J’ai voulu mieux les connaître, sans que ce qu’ils représentent soit très clair ni pour moi ni pour notre société, une fois que leur performance et fonctionnalité passent en second plan. Évidemment dans ce type de projection, il n'y a pas de meilleure façon de faire. Mon expérience au laboratoire est peu à peu devenue proche d'une expérience anthropologique, qui m'a permis de rencontrer une autre culture - celle des robots et des roboticiens.
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\subsection{Présentation publique}
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Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail public avec le robot HRP-4 le 31 mars 2023, au studio de danse La Nef à Montpellier. Entre communication scientifique et proposition artistique, notre idée à été de confronter ce format expérimental devant les spectateurs, pour avoir leurs impressions et échanger sur la potentialité artistique des robots. Sous la forme d'une conférence performative, à la croisée des disciplines comme la cognition incarnée, l’improvisation dansée et la robotique, nous avons alterné entre des moments explicatifs et des moments performatifs de danse. Au cours de 40 minutes de musique live, d'interaction de danse H2R et démonstrations des pratiques somatiques, le public a découvert un format expérimental entre communication scientifique et performance artistique avec des robots. Sur scène il y avait trois humains (Arnaud Tanguy comme ingénieur de recherche du robot HRP-4, Maxime Aleves pour la création sonore et moi-même en tant que performeuse) plus le robot HRP-4. En dehors de la scène se trouvait Thomas Guillot, le collaborateur artistique de longue date de la compagnie Desiderate.
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\caption{Setting de la présentation publique \textit{Here is where I differ with Herzog. Robots et conscience artificielle} le 31 mars 2023 au studio LaNef à Montpellier.}
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\label{fig:nefintro}
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La scénographie implique trois zones correspondant à :
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\item une table centrale et deux chaises où sont assis le robot et le performeur
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\item un endroit pour la musique live en arrière-plan, côté gauche du public
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\item un endroit pour la maintenance technique avec les équipements et ordinateurs du robot et l'ingénieur de recherche, côté droit du public
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La présentation se déroule elle aussi en trois temps. Le public est d'abord invité à intégrer une expérience somatique collective pendant que le robot calibre, puis le performer et le robot prennent place à la table, tandis que le performeur entame une conférence ponctuée de notes théoriques et anecdotes personnelles, d'enregistrements et de vidéos d'archive ainsi que de quelques moments d'interruption spontanés pour des démonstrations pratiques. Le dernier moment est une improvisation dansée sur des chaises, inspirée par le spectacle \textit{Rosas dans Rosas} de De Keersmaeker.
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Ce projet transdisciplinaire a vu le jour grâce au soutien de l’équipe IDH du LIRMM, de la coopérative artistique La Nef et du studio de la compagnie de danse Mathilde Monnier à Montpellier. Le cadre théorique inclut des observations quant à des interactivités possibles entre des danseurs et un robot humanoïde, ainsi que mes hypothèses de recherche sur la créativité et une possible \gls{conscience artificielle} en relation avec des robots. L'interactivité est vue ici comme une forme d’échange entre des agents vivants et non-vivants. Depuis l’avènement des interfaces numériques, la question de la répartition hiérarchisée des rôles n'est plus d'actualité. L’humain n’a plus une part exclusivement active, étant en interdépendance avec les appareils qu’il utilise. Comme le montre \cite{circu2023isea}, dans la danse qui implique une HRI le lien entre l'hybridation et l'\gls{expérience technesthétique} passe par des cycles récurrents d'imitation de la danse et d'expression improvisée de la danse. Par le mouvement, notre proposition artistique met en place les permises d'une relation d'interdépendance entre l'humain et la machine. Cette relation peut évoluer dans une forme d'\gls{intersubjectivité} entre danseurs et robots qui improvisent sur scène.
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Les outils d'évaluation de la créativité comme les tests Torrance pour la pensée créative\footnote{https://neurosciencenews.com/ai-creativity-23585} peinent à suivre le rythme des projets artistiques, depuis l'apparition des outils comme ChatGPT\footnote{https://chat.openai.com/auth/login}.
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Dans le domaine de la performance, les nouveaux médias emploient des technologies comme les robots industriels, en dehors de leur contexte d'origine. L’environnement scénique transforme tous les acteurs en contributeurs égaux de la proposition artistique, quel que soit leur symbole social.
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Nous défendons cette piste du mouvement et son lien avec la conscience car l'intelligence corporelle (tout comme la mimesis dans la danse), est un facteur clé pour comprendre les origines de la cognition sociale. L'émergence de l'imitation, de l'\gls{intersubjectivité} et des gestes chez les primates\cite{zlatev2008proto}, tout comme la réflexion sur l'héritage de la danse à partir des rituels et comportements sociaux, traitent la question de l'improvisation avec beaucoup d’intérêt. En générant de nouvelles matières de mouvement, l'improvisation propose une nouvelle organisation du corps. Cette organisation peut être influencée par l'environnement ou par les artefacts qui l'accompagnent. De plus, la danse improvisée est un mouvement intentionnel qui nécessite de l'inspiration et un certain état d'intention. C'est pourquoi co-créer une performance avec un robot social\cite{duffy2003anthropomorphism} et comprendre le rôle qu'il joue dedans, est un phénomène complexe.
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Lorsqu’ils interagissent avec un non-humain sur scène, les humains interprètent le sens des ses actions et s'adaptent en conséquence. Cependant l'action d'un robot est actuellement le résultat des algorithmes de calcul. Si un jour les robots auront une conscience, la question de l'intention et de l'adaptation devrait être incluse dans des considérations éthiques co-écrites par des humains et des robots. Dans le sillage de l'\gls{intelligence artificielle générale} (AGI), les entités, y compris les œuvres d'art ou les robots, peuvent devenir des objets de préoccupation morale, une fois qu'elles ont acquis une expérience en lien avec la conscience\cite{mosakas2021moral}.
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Des recherches concernant l’éthique des machines mettent en parallèle le cas des animaux artistes\cite{trentesaux2020ethique}. L'exemple de l'éléphant Yumeka\footnote{https://www.chinadaily.com.cn/a/201806/06/WS5b173a52a31001b82571e6a0.html} soulève des questions quant à la paternité et l'appartenance de ces nouvelles compétences artistiques. Nous pouvons l'extrapoler à des robots dotés d'une \gls{intelligence artificielle générative}, mais leur créativité et intention artistique nous échappent.
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Influencés par \cite{penny2013art}, nous considérons l'inspiration comme un processus incarné et dynamique qui peut être étendu aux artefacts. Lors du développement de l'intelligence artificielle centrée sur l'humain et d'autres types d'intelligence hybride, il existe ``un besoin urgent d'enrichir ces applications avec les connaissances sur la créativité obtenues au cours des dernières décennies dans les sciences psychologiques”\cite{rafner2023creativity}. Tout au long de ce projet de thèse, je cherche à comprendre comment les robots danseraient s’ils étaient conscients et comment nous travaillerions ensemble dans une improvisation \textit{close-contact} ou en contact étroit. Mes interrogations se formulent par rapport à la notion d'\gls{intersubjectivité} vue comme une forme de transfert entre robots capables de \gls{conscience artificielle} (AC)\footnote{comme déjà précisé dans le 2éme chapitre, le terme de conscience artificielle que nous appliquons n'est qu'une supposition de ce qu'il pourrait signifier dans un contexte de danse avec les robots et comment cela pourrait influencer un processus de co-création. Pour illustrer, nous faisons un parallèle entre les robots et les animaux sauvages. Un robot ressemble peut-être à un ours en raison de sa force et de son poids, ainsi que du fait qu'il passe beaucoup de temps en état d'hibernation ou d'inactivité. Autrefois, dans les pays d'Europe de l'Est, les ours étaient utilisés pour divertir la foule, avec des dresseurs qui leur enseignaient des acrobaties rudimentaires et des danses afin d'imiter les humains. De plus, un ours qui peint n'exprime pas sa sensibilité à travers son acte, mais un observateur percevrait le résultat comme créatif et réagirait avec sensibilité à son sujet.} et les danseurs. Cette dynamique peut entrainer des processus de co-création, où l'intention de la machine est tout autant importante que celle de l'humain. Ainsi, nous considérons la notion d'\gls{exaptation}\cite{la2020understanding} comme un contrepoids de l'inspiration, comprise ici comme l'émergence d'une fonctionnalité latente dans des artefacts. Ce mécanisme de nouveauté et d'innovation reprend nos hypothèses de recherche-création présentées au début de ce manuscrit. Il est résumé auprès des spectateurs de la manière suivante :
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\item Existe-t-il un état \textit{sauvage} pour les robots, en amont de leur état de programmation orienté tâches (c'est à dire task programming) ? Sont-ils capables de développer une forme de \textit{CA} sur scène, au sein d'une interaction dansée ?
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\item Qu'est-ce qu'un \textit{corps performatif} pour un robot et comment pouvons-nous générer des mouvements instinctifs et fluides ? L’interaction de la danse avec les robots génère-t-elle des états créatifs ?
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\item Comment le matériel de danse déclenche un type de cognition incarnée comme la conscience kinesthésique\cite{gemeinboeck2016roman, candau2017cultivating, circu2023roman} et dans quelle mesure cela est transférable aux robots ?
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Ces questions sont reformulées comme indication dramaturgique et comme contrainte d'improvisation lorsque la danseuse interagit avec le robot. Ce processus de retranscription ou de traduction des questionnements théoriques en thèmes et motifs de danse reste abstrait. Autre que le ressenti intime de la performeuse puis l'expression que cela a produit lors de sa danse, il n'y a pas de dialogue possible. Le robot ne peut pas répondre à ces questions autrement qu'en exécutant à son tour l'algorithme qui mettait en action ses actuateurs et moteurs. C'est pour cela que nos trois questions sont restées ouvertes à la fin de la représentation. Elles ont servi comme propos pour une interrogation collective, dont les observations théoriques sont présentées dans ces pages.
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\subsection{Les robots et leurs métaphores}
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Lors de ses propres expérimentations, Simon Penny souligne l'importance du langage pour définir les nouveautés technologiques. Des termes comme \textit{conscience} existent dans notre langage depuis moins de cent ans, ses implications doivent être appliquées à des contextes spécifiques. Parallèlement, pour le chercheur Tom Ziemke, la conscience ``naît de la maîtrise des connaissances sensorimotrices résultant de l'interaction entre l'agent et l'environnement, dans l'optique que la régulation homéostatique du corps vivant est cruciale pour le soi et la conscience\cite{ziemke2007embodied}”. Le schéma présenté ci-dessous représente mon cadre théorique, synthétisant la relation entre un agent (représenté par son environnement sensoriel ou \gls{umwelt}) et son monde ou environnement expérientiel, suivant l'autorégulation interne (\gls{autopoiesis}) spécifique aux processus cognitifs incarnés.
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\caption{Relation entre un agent et son environnement, basée sur les notes de\cite{penny2013art}. Source: archive personnelle}
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Il décrit également le lien entre la matière et l'environnement, revisité dans la perspective du \gls{matérialisme féministe} que nous avons déjà mentionné. Sous une forme simplifiée, cela met en avant les principes d'un matérialisme influencé par l’expérience cognitive. Cette nouvelle vision du matérialisme est revisitée par des penseuses féministes comme Karen Barad\cite{barad2003posthumanist}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2017four}, Donna Haraway\cite{haraway2016staying} et Sarah Truman\cite{truman2015primacy, truman2021feminist}, entre autres.
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Selon ces autrices tous les êtres (vivants ou non-vivants) sont en égale mesure concernés par l'Art, la Science et leurs potentialités pour mieux façonner notre avenir. Le concept de \textit{Zoe} de Braidotti soutient l'idée de \textit{matérialisme vital}, issu de la philosophie de Baruch Spinoza selon laquelle le monde est constitué d'une seule et même matière, intelligente et auto-organisée. Cette matière est la base d'un processus continu de transformation pour créer et dissoudre des formes. Donna Haraway avance le concept de Chthulucene\footnote{une époque dans laquelle l’humain et le non-humain sont inextricablement liés, différente de l'Anthropocène, le Plantationocène ou le Capitalocène qui sont définies selon elle, par des concepts comme rythme ou vitesse, synchronicité et complexité; à la place de ces changements de degré, le Chthulucene vise des changements de nature, comprenant des forces biotiques et abiotiques}\cite{haraway2015anthropocene}, pour défendre un compostage féministe inclusif, basé sur la \gls{sympoiesis} (entendu comme \textit{création avec}). Ce processus restructure le fonctionnement auto-producteur, homéostatique et prévisible de l'autopoiesis affirmant une fois de plus les potentialités de la diversité et de l'inclusion :
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\begin{quote}
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``Les créatures sont en jeu les unes dans les autres à chaque mélange et retournement d'un tas de compost terrien. Nous sommes en réalité du compost, pas des posthumains; nous habitons les humusités, pas les humanités. Philosophiquement et matériellement parlant, je suis compostiste, pas posthumaniste. Les créatures, humaines ou non, se transforment les unes avec les autres, se composent et se décomposent, dans toutes les échelles et registres du temps, par un enchevêtrement sympoïétique, dans une perspective développementaliste écologique du monde et en dehors de celui-ci\footnote{en anglais: ``Critters are at stake in each other in every mixing and turning of the terran compost pile. We are compost, not posthuman; we inhabit the humusities, not the humanities. Philosophically
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and materially, I am a compostist, not a posthumanist. Critters – human and not – become-
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with each other, compose and decompose each other, in every scale and register of time and
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stuff in sympoietic tangling, in ecological evolutionary developmental earthly worlding and
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unworlding.”}.”\cite{haraway2016staying}
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\end{quote}
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\textit{TIWIDWH} est avant tout une mise en abyme d'un processus de recherche-création, revisitée dans la perspective du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Le réalisme excentrique de Herzog\cite{herzog2009conquest} est une source d'inspiration pour mon processus de travail, au même titre que les œuvres chorégraphiques d'Anna Halprin ou d'Anne Teresa de Keersmaeker. Faire une analogie entre la figure d'un robot de celle d'un l’ours sauvage est un détour pour clarifier le statut du robot au sein de notre processus de co-création artistique. Si dans l'introduction de ce travail, j'ai rapproché les robots de la catégorie des danseurs piétons\cite{ginot2014penser} d'Isabelle Ginot, l'utilisation de la nature sauvage comme catalyseur dans l’improvisation dansée nous permet d’élargir le débat, en abordant des sujets controversés comme la \gls{conscience artificielle} dans une perspective anthropologique.
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Une des citations de Herzog, qui m’a beaucoup accompagnée ces mois, parle de la nécessité d’articuler les rêves
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\begin{quote}
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``Ce ne sont pas seulement mes rêves, je crois que tous ces rêves sont aussi les vôtres. La seule différence entre moi et vous est que je peux les articuler. La poésie, la peinture, la littérature ou le cinéma se résument à cela… et c’est un devoir car cela pourrait être une chronique intérieure de ce que nous sommes. Nous devons articuler notre pensée, à défaut de nous transformer en vaches du pâturage\footnote{en anglai: ``It is not only my dreams, my belief is that all these dreams are yours as well. The only distinction between me and you is that I can articulate them. And that is what poetry or painting or literature or filmmaking is all about... and it is my duty because this might be the inner chronicle of what we are. We have to articulate ourselves, otherwise we would be cows in the field.”}.”\cite{herzog2009conquest}
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\end{quote}
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Les vaches qui broutent ou les ours qui dansent sont mentionnés ici comme contre-exemples parodiques. Réduire les animaux à des substituts qui manquent de volonté ou de conscience est plus révélateur de notre ignorance et désir de domination que de leurs capacités psychiques. Quant aux robots, comme pour les observations de la première partie de cette thèse concernant les chauves-souris, les singes et leur \gls{umwelt}, nous espérons qu'un jour nous arriverons à mieux clarifier nos intentions envers eux. La conscience écologique et la pensée eco-féministe, dont je me suis inspirée pour ce projet, représentent des alternatives pour un avenir plus inclusif. Ainsi l’idée d'imaginer une conscience pour des robots qui dansent devient une sorte de défi ludique, néanmoins auto-ironique, pour ma propre condition d'artiste. Loin d'un parc en Alaska, loin d'un studio de montage, nous nous retrouvons entre artistes et roboticiens dans un studio de danse ouvert au public. Le jour de la conférence des curieux, des collègues du LIRMM puis des danseurs se demandent quelle place va prendre cet humanoïde suspendu à son cadre de sécurité.
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\subsection{Quel type de créature est un robot qui danse?}
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Pour répondre à cette question nous déconstruisons la figure du robot et la considérons sous un angle anthropologique, en la comparant à un animal sauvage. Bien qu’inanimés, les robots simulent l’autonomie, l’action et les émotions. Les faire danser implique d'atteindre un terrain d'entente, où la pratique de la danse humaine est également déconstruite ou dés-identifiée\cite{braidotti2017four}, comme l'explique Rosi Braidotti. Notre résidence en laboratoire est progressivement devenue une expérience immersive, permettant à notre équipe artistique de s'adapter à une autre culture – celle des robots et des roboticiens – dans le contexte de la création artistique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le concept de \textit{figuration}\cite{suchman2007human, suchman2021talk} de Lucy Suchman, pensé en lien avec l’interactivité. Ce concept, tiré des notes de Haraway\cite{haraway2018modest}, souligne l'importance des métaphores dans l'analyse de la dynamique des humains et des machines. En contrepartie des auteurs féministes que nous avons mentionnés, l'ouvrage de Suchman \textit{Human-Machine Reconfigurations} (2007) ajoute une perspective anthropologique aux frontières entre humain et non-humain. Pour elle, le problème non résolu des machines informatiques vient du fait de ne pas pouvoir considérer des étiquettes comme ``humain”, ``non-humain”, ``social” ou ``matériel”, en tant que réalités ontologiques :
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\begin{quote}
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``L’idée d’un artefact auto-explicatif s’accorde bien avec l’idée selon laquelle l’utilisation d’une machine pourrait s’apparenter à une interaction. La machine interactive, en ce sens, représente la dernière solution au problème de longue date consistant à fournir à l'utilisateur d'un outil, des instructions sur son utilisation. Cependant, il existe également un sentiment d’\textit{interactivité} des machines, plus récent et uniquement lié à l’avènement de l’informatique. La nouvelle idée est que l’intelligibilité des artefacts pourrait être non seulement une question de disponibilité pour l’utilisateur des intentions du concepteur concernant l’utilisation de l’artefact, mais aussi des intentions de l’artefact lui-même. Le projet du concepteur en ce sens est d’imprégner la machine de motifs lui permettant de se comporter de manière responsable et rationnelle ; c’est-à-dire raisonnable ou intelligible pour les autres, y compris, dans le cas d’une interaction, des moyens qui répondent aux actions des autres\footnote{en anglais: ``The idea of a self-explicating artifact accords well with the notion that using a machine could be like interaction. The interactive machine, in this sense, represents the latest solution to the longstanding problem of providing the user of a tool with instruction in its use. There is also, however, a sense of machine interactivity that is more recent, and is uniquely tied to the advent of computing. The new idea is that the intelligibility of artifacts could be not just a matter of the availability to the user of the designer’s intentions for the artifact’s use, but of the intentions of the artifact itself. The designer’s project in this sense is to imbue the machine with grounds for behaving in ways that are accountably rational; that is, reasonable or intelligible to others including, in the case of interaction, ways that are responsive to the others’ actions.”}.”\cite{suchman2007human}
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\end{quote}
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Pour la création de cette performance, je me suis inspirée des passages du film \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog, dont quelques éléments se rapprochent de \textit{Fitzcarraldo}. Le documentaire a été réalisé à partir des prises de vue des ours grizzly, filmés par Timothy Treadwell lors de ses expéditions dans le Katmai National Park en Alaska. Au début du mois d’octobre 2003, ce dernier et sa copine sont retrouvés morts, attaqués par un ours après avoir campé délibérément dans une zone de passage, qu'ils jugeaient dangereuse. En s’appuyant sur le matériel de Treadwell et les témoignages de ses proches, Herzog peint sa personnalité et les raisons complexes qui l'ont poussé à se mettre en danger pour mieux comprendre les ours grizzly. Son fine analyse met en avant l'échec de cet exploit jugé trop ambitieux et parfois infantile. Si le héros du film passe son temps à vouloir \textit{devenir ours}, nous ne savons pas comment les ours eux-mêmes voient cela. Treadwell les anthropomorphise au point oú nous le voyons s'approcher pour leur adresser la parole avec une voix mielleuse. Certains gardes forestiers jugent son comportement dangereux, tandis que Herzog laisse les spectateurs faire la part entre irresponsabilité ou naïveté. Cette démarche à mi-chemin entre éthologie et désir d’émancipation puis l’incompréhension qui en résulte, est quelque part proche de mon expérience de deux ans parmi des robots et des roboticiens. J'ai voulu mieux les comprendre, puis débattre sur l'art avec eux. Cela a plus ou moins marché.
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Auparavant j'ai mentionné\cite{kozel2008closer} qui reliait danse, marionnettes et ours. Je trouve son analogie intéressante pour être appliquée également aux robots. Un robot peut-être similaire à un ours par sa force et son poids, aussi par le fait qu'il passe beaucoup de temps en état de hibernation ou d'inactivité. Jadis dans les pays d'Europe de l'Est, les ours étaient utilisés pour entretenir la foule, avec des dresseurs qui leur enseignaient des acrobaties rudimentaires où ils imitaient les humains. Plus un numéro de foire était réussi, plus l'ours était aimé et admiré par les humains. Si nous tenons en compte les observations sur \textit{la valée de l'étrange} de Mori, nous allons à l'encontre de cette tendance pour les robots. Plus un robot est proche d'un humain, plus il provoque un sentiment de malaise. Est-ce dû aux complexes d'infériorité que les humains développent envers les robots? Par leur nature, les robots paraissent immortels, or cette immortalité n'a rien à voir avec les projections sur la vie après la mort des humains. Un robot n'a pas de vie, bien qu'il la simule. Un ours est vivant et cette condition finie est partagée avec l'humain. L'admiration pour un être dont nous partageons la condition réside probablement dans ce sentiment de rapprochement. Si dans les captations vidéo les robots sont mis en avant avec beaucoup de grâce (car le montage post-production est toujours possible), l’épreuve du réel est sans pitié. Je pense à Treadwell lorsque les ours sauvages faisaient apparition dans son cadre. Il avait une chance sur deux qu'un d'entre eux, aille lui endommager la camera, pour le moins qu'il reste en vie lors de cet exploit.
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Deux semaines auparavant un des actuateurs du robot avait pris feu. L’ingénieur de recherche du laboratoire l'a ouvert pour voir s'il pouvait être réparé. Pour mon grand bonheur, j'ai pu voir en dessous de sa carcasse, ses câbles electriques et micro-contrôleurs. Cette expérience de proximité, à mon sens poétique et intime, s'est passée sans spectateurs, en dehors ma camera qui filmait ce que j'imaginais être une opération à cœur ouvert sur une machine. Je dis bien \textit{cœur ouvert} car si un des moteurs du robot se casse et une fausse manipulation endommage un de ses circuits centraux, le robot reste inactif le temps que le moteur en question soit trouvé. Pour les plateformes de recherche, plus un robot est \textit{vieux}, plus les chances de trouver les pièces pour le réparer sont petites. Il n'y a pas d’équivalent pour faire la différence entre un robot en attente de réparation, un robot en arrêt de fonctionnement et un robot dont les technologies sont devenues obsolètes.
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Le pari de mes expériences artistiques est quelque part simple ou même naïf. Autant qu'ils ne connaissent pas les limites d'une machine, les humains y projettent leurs ambitions. Prenons l'exemple du joueur d'échec de Wolfgang von Kempelen mentionné dans le chapitre 1.3.3 de la première partie. Sans savoir la vérité, les spectateurs l'ont considéré comme une prouesse technologique. Avec l’avènement de l'informatique, dans l’équation humain-animal-artefact, le cadre d'autrefois est transgressé. Pour quelqu’un avec peu de connaissances en informatique, même en voyant les algorithmes à la base de son programme, le résultat reste opaque. La machine parait omnipotente car elle dépasse les capacités humaines de compréhension. Pour l'informaticien qui les développe, il y a une part de curiosité quant à la potentialité des algorithmes. Cependant il a peu de regard critique quant aux conséquences éthiques de cette course contre la montre concernant les limites de la science. Il va toujours relativiser son processus et trouver des arguments pour se dé-responsabiliser de l'impact que cela aura sur la société.
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\subsection{L'exaptation comme conséquence méthodologique}
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Quel que soit le caractère autotélique d'une performance artistique avec des robots, mon objectif est de comprendre comment les connaissances acquises grâce à la pratique artistique ``peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance”\cite{gunn2004learning}. Pour cela, une première étape consiste à créer une méthodologie in situ et sur mesure, inspirée des travaux de \cite{paquin2014methodologie}, \cite{citton2012theory} et \cite{truman2015primacy}.
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Le terme de \textit{glanage} (en anglais to glean\footnote{à cet égard voir le documentaire \textit{Les Glaneurs et la Glaneuse} (1999) de la cinéaste française Agnès Varda}, principalement utilisé dans un contexte agricole) implique la collecte des données de façon sporadique, en fonction de ce qui est disponible. Cette vision est également appuyée par Yves Citton qui analyse la dimension politique des gestes, lors des expériences esthétiques. Citton utilise le terme français \textit{bricolage} (traduit par \textit{do-it-yourself} ou \textit{crafting}, en anglais) pour critiquer une idéalisation irréaliste de la science moderne et son besoin de preuves empiriques.
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À ce procédé du glanage, je rajouterais une pratique ludique utilisée lors de mes résidences artistiques: le jeu de cartes \textit{Oblique Strategies} de Brian Eno.
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\caption{Exemple des cartes qui font partie du set \textit{Oblique Strategies} (1975) de Brian Eno.}
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Eno et son ami artiste Peter Schmidt ont sorti ces cartes en 1975, pour partager leur processus de travail, mais aussi pour aider des autres artistes trouver des solutions lors de blocages liés au travail. L’adoption de ces cartes, s'inscrit dans une tradition où John Cage faisait appel à l’ancien système de divination chinois, le I Ching\footnote{https://johncage.org/pp/John-Cage-Work-Detail.cfm?work\_ID=134}, pour introduire du hasard dans sa manière de composer. À mon tour, j'ai appliqué plus ou moins les consignes. Ce qui m'a le plus aidée, je pense, est le moment de mise en place de cette stratégie par la décision de sortir les cartes, comme une sorte de temporalité propre à une mise en abyme de la recherche. Souvent lors de temps morts ou des doutes concernant le rendu artistique de mes explorations, piocher une de ces cartes m'a aidée à déconnecter de mes questions qui tournaient en boucle, pour relativiser et avancer autrement que prévu.
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Un autre repère dans la mise en place de mon processus de composition en danse a été le cahier d'exercices pratiques \cite{burrows2010choreographer} de Jonathan Burows. L'artiste m'aide à me situer par rapport à une multiplicité de techniques de représentation en danse (physique, d'improvisation, compositionnelle et performative). Il revendique une liberté des formes et techniques en danse contemporaine, à l'opposé d'une forme d'art minoritaire, difficile à comprendre et à communiquer. Pour son duo avec le compositeur Matteo Fargion, intitulé \textit{Both Sitting Duet}\footnote{https://vimeo.com/showcase/6691019/video/361765765}, ils ont reçu le prix New York Dance et Performance Bessie Award en 2004. Les deux performeurs restent assis sur des chaises, en exécutant une série de danses très courtes. Leur intention est de transmettre une traduction directe entre son et image. Pour cela ils reprennent, note pour note, la pièce pour violon et piano \textit{For John Cage} (1984) de Morton Feldman. Sa technique intitulée \textit{cut and paste} est largement utilisée dans les processus de composition issues de la \gls{contact improvisation}. Son principe de base est de trouver d'abord les mouvements et décider ensuite de l'ordre dans lequel les mettre. Selon Burrows, cette technique peut vite nous faire oublier que d'autres modalités de travail existent. Il cite également l'emprunt ou la référence à des partitions existantes comme moyen de générer du contenu original, lorsque cela est fait de manière consciente: \textit{généralement, lorsque vous volez quelque chose consciemment, cela ne ressemble en rien à la chose que vous avez volée. (...) La référence ne fera pas votre travail à votre place, mais si vous l'utilisez pour les bonnes raisons dans le bon contexte, elle pourrait faire le travail que vous souhaitez qu'elle fasse\footnote{ en original: usually when you steal something consciously it looks nothing like the thing you’ve stolen. (...) The reference will not do your work for you, but if you use it for the right reasons in the right context then it might do the work which you want it to do.}}.
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J'ai abordé la question de l'emprunt en rendant hommage aux artistes que j'admire, en m'inscrivant dans la continuité de leur recherche. Le leitmotiv de la chaise comme objet scénographique, présent dans l'œuvre de De Keersmaeker, s'intègre à mon processus de travail au sens large. Sans m'en rendre compte, cette influence se retrouve dans mon précédent spectacle, \textit{En attendant que la vie passe}, qui utilise une trame sonore composée de sons extraits de diverses œuvres, interviews et bandes sonores. Parmi ces matériaux et collages sonores, on retrouve \textit{Rosas danst Rosas}.
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La pratique de recherche-création fait partie d’un processus spéculatif non linéaire qui se déroule simultanément. Pour illustrer, Sarah Truman décrit la résidence artistique de cinq ans \textit{Walls to the Ball} réalisée en collaboration avec l'artiste Hazel Meyer, pour une classe d'art d'un lycée de Toronto. Le projet interroge le sport, le mouvement, les textiles, le genre rajoutant des thématiques et des activités selon l’évolution du groupe. Rétrospectivement, si je liste les étapes de ma recherche et ses éléments clés, je me rends compte des vas-et-vient des directions que cela a pris. Certaines lignes fortes de mon corpus se sont imposées presque par hasard et une fois déplié, chaque processus de recherche-création a fait émerger des concepts clé qui lui sont propres. Parmi ces concepts nous trouvons celui d'\gls{exaptation}. Selon \cite{d2018cultural}, ce concept est un mécanisme évolutif important dans l'histoire des espèces, des écosystèmes mais aussi des artefacts. Les auteurs illustrent des traits biologiques développés à l'origine dans un but particulier - par exemple, les os étaient à l'origine des réservoirs de calcium en excès, tandis que certaines zones du cerveau utilisées initialement pour la reconnaissance des formes sont aujourd'hui réutilisées pour la musique. Considérant notre cas particulier des robots qui dansent, \textit{quelle pourrait être la signification de cet acte dans un processus évolutif discontinu ? Quelle caractéristique ultérieure pourrait émerger de cet acte?} Il est important de pouvoir aborder ces questions dans un contexte \textit{pluri} et \textit{trans} disciplinaire.
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\section{Pour une conscience artificielle dans toutes ses états}
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Si nous avons évoqué des avancées en lien avec les émotions artificielles, notamment l'empathie, dans le deuxième chapitre de cette thèse, c'est pour mieux anticiper nos interrogations artistiques lors de cette expérience pratique. Dans la littérature d'anticipation, l'absence de l'empathie est ce qui différencie les gagnants des perdants, comme l'annonce l’écrivain Philippe K. Dick dans son livre \textit{Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?} (1966) :
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\begin{quote}
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``L'empathie, avait-il décidé un jour, devait être limitée aux herbivores ou en tout cas aux omnivores qui pouvaient s'écarter d'un régime carné. Car, en fin de compte, le don empathique a brouillé les frontières entre chasseur et victime, entre vainqueur et vaincu\footnote{en version originale:
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``Empathy, he once had decided, must be limited to herbivores or anyhow omnivores who could depart from a meat diet. Because, ultimately, the empathic gift blurred the boundaries between hunter and victim, between the successful and the defeated.}.”\cite{dick2014androids}
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\end{quote}
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Dans le scénario post-apocalyptique de K. Dick, l’empathie est une caractéristique entièrement humaine. Les robots sont-ils, par leur nature non-carnivore, plus proches de ce régime qui prône l’empathie, ou le deviendront-ils un jour ?
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\subsection{Les androïdes rêvent-ils de canards électriques ?}
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Bien avant que les robots facilitent la compréhension que nous avons des animaux sauvages\footnote{https://knowablemagazine.org/content/article/living-world/2021/learning-animal-behavior-robots}, des appareils mécaniques mobiles et autonomes ont suscité tout autant l’intérêt des humains au cours du siècle des Lumières. Des inventions comme \textit{le canard digérateur}\cite{riskin2003defecating} anticipent la passion pour des dispositifs artificiels à la lisière du vivant. Aujourd'hui l’intelligence artificielle générative (IAg), puis des humanoïdes comme Atlas de Boston Dynamics\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=fn3KWM1kuAw} ou Optimus de Tesla\footnote{https://www.teslarati.com/tesla-optimus-bot-update-production-actuators/} rendent de plus en plus crédible l’idée qu'un agent artificiel autonome, créatif et doté d'une forme d'intentionnalité propre, puisse intégrer notre société dans un avenir proche.
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En complément de l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, la capacité de prédire des comportements complexes, sont nécessaires pour garantir une maîtrise de son environnement et de ses interactions. Les notes sur le matérialisme et le pragmatisme des sciences de premiers chapitres, sont revisitées par une approche féministe. Cette approche correspond mieux à l'interprétation artistique que nous proposons. Ainsi nous demandons-nous si les androïdes pourront un jour rêver de canards électriques, comme métaphore pour un imaginaire artificiel doté d'intelligence et intentionnalité.
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En marge des repères théoriques, nous vous proposons un exercice d'imagination et de spéculation. L’interprétation que nous donnons au concept de \gls{conscience artificielle} (CA) est pensée en lien avec des réflexions éthiques sur l'avènement de la technologie et son impact sur notre société. Par la mise en scène du \textit{TIWIDWH}, nous tentons de comprendre quel type d'observations en lien avec la CA peut inspirer l'état de co-création avec des agents artificiels réels - dans notre cas un robot HRP-4. Cela contribue au développement de formes d'art interactives transdisciplinaires, autour de la créativité des machines et de la place des erreurs dans un processus de création. Dans ce contexte, vouloir définir ce qu’est une CA pour un robot en situation de danse reste un pari concernant notre co-habitation avec une nouvelle génération de machines capables d'apprendre par elle-mêmes.
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\subsection{La puissance du glitch}
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Notre objectif est d'interroger la façon dont les robots influencent de nouvelles formes d’expressivité corporelle dans \textit{TIWIDWH}, une performance de danse improvisée. Pour cela nous accordons une grande importance aux accidents et erreurs qui surgissent dans ce type d’interaction, en les utilisant comme catalyseurs pour l'inspiration artistique. Bien avant que des penseuses féministes s'emparent de la question des machines et leur matérialité, les développements technologiques avancent à leur rythme dans une direction proche de la science fiction. Parfois issue des défis personnels des auteurs hétéro-normés en quête d'une hégémonie du savoir, la science perd sa capacité d'auto-critique. Cette capacité est réhabilitée au début des années 1980, lorsque des approches pluridisciplinaires donnent suite à des échanges et des mises en question des enjeux.
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Au cours des dernières décennies, les possibilités d’interaction des robots humanoïdes ont été évaluées sous différents environnements et conditions\cite{circu2023roman}. Faire passer des robots du laboratoire à la scène reste un défi à bien des égards\cite{pluta2018laboratoire, circu2021lausanne}, malgré le fait que nous soyons habitués à les idéaliser comme des \textit{objets sociaux totaux}\cite{zaven2014effets}. Alors qu'ils sont déjà présents sur le marché du travail dans les secteurs privés et publics, pourquoi ne pas les inviter sur scène ? Tout comme les humains, les robots peuvent être vulnérables, surtout lorsqu'ils sont utilisés comme des plateformes de recherche académiques, comme dans le cas du robot HRP-4, protagoniste dans \textit{TIWIDWH}. L'apparence physique de HRP-4 est le résultat des observations en design ergonomique. Avec une taille de 151 cm et pesant 39 kg, son apparence est similaire à celle d'un humain. Une fois les contraintes techniques résolues, le faire danser devient un exercice de mise en scène factice. Cependant lorsque nous aimerions voire des mouvements surgir spontanément de ses actuateurs, tels les muscles d'un danseur en improvisation, les choses deviennent plus difficiles, voir impossibles.
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Quelle analogie pourrons-nous appliquer à la présente étude de cas, à la recherche d'une forme de CA pour les robots ? Des robots sauvages ou des zombies en transe, pourront mieux témoigner d'un état proche de \gls{qualia}? Le mode expérientiel humain est complexe. Il y a besoin de plus que d'un simple truisme pour comprendre comment modéliser notre compréhension. Parmi les approches pluridisciplinaires récentes, nous nous concentrons sur le nouveau maternalisme et le FEP, en lien avec les pensées féministes et la \textit{Théorie 4E de la cognition} (ou \gls{The 4E Cognition Theory}) mentionnées auparavant. Ces théories étudient les phénomènes cognitifs sous un angle physiologique, suivant les observations empiriques de plusieurs domaines connexes. La robotique s'inspire à son tour d'elles pour développer des robots ancrés dans leur environnent, capables d'interactions multimodales complexes.
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Cette orientation post-humaniste féministe, nous aide à analyser le lien entre des études sur la conscience, la danse et la robotique, pour mieux comprendre les effets des concepts émergents comme la CA, sur la création artistique. Ainsi, mettre en scène des robots dotés de formes de CA relève des nouveaux défis. La chercheuse Stamatia Portanova désigne le \textit{glitch} comme élément capable de transgresser les lois physiques et de provoquer une faille anachronique dans des représentations scéniques:
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\begin{quote}
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``l’émergence prend la forme d'un glitch, comme une interruption de la chaîne relationnelle continue entre passé et futur, du moment où les données passées sont valorisées et où des idées particulières sont sélectionnées dans une occasion d'expérience, afin de déterminer quelle sera cette future occasion d’émergence\footnote{en version originale: ``the appearance of the new takes the form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are selected in an occasion of experience, in order to determine what the future occasion will be.”}.”\cite{portanova2013moving}
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\end{quote}
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Ce motif, repris par la penseuse féministe Legacy Russell dans son manifeste\footnote{https://www.legacyrussell.com/GLITCHFEMINISM}, revendique un besoin d’appropriation des erreurs technologiques, comme alternative aux dérives politiques d'un monde technocrate en manque d'auto-critique. Le \textit{glitch} de Russell\cite{keyes2021review} revendique une violence des corps qui se des-identifient des normes patriarcales. Bien avant son manifeste, des pionnières comme Braidotti, Haraway, Barad ou Truman, déjà mentionnées, ont su anticiper un potentiel restaurateur dans la défaillance technologique. Leur nouveau matérialisme est également celui de l'erreur assumée, celui de \textit{faire avec}.
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\subsection{L'humain comme instrument au service des robots qui dansent}
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Autrefois les gens étaient plus dans l'action et dans le \textit{faire}, tandis qu'aujourd'hui nous nous
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habituons à réfléchir et oublions ainsi notre corps. Mon domaine d'exploration se concentre sur la
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relation entre le corps et la conscience, avec une définition de la danse assez large. Dans mon travail de composition, je perçois le corps pareil à un instrument de musique en train de dessiner l'espace. Le rendu final
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provoque dans chaque spectateur une émotion différente, selon son interprétation et son expérience de
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vie.
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Dans cette proposition artistique, j'ai décidé de travailler dans une économie des gestes scéniques.
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J'ai choisi de me concentrer sur une seule partie du corps - les mains et les mettre en valeur grâce aux
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outils numériques. Les mains nous servent pour interagir et nous coordonner avec d'autres. Des centaines de milliers d’années auparavant, nos ancêtres ont réussi à coordonner les mouvements de leur pouce pour manipuler les premiers outils, écrire, et ainsi bâtir des civilisations, dont celles d'aujourd'hui. Mon souhait est de comprendre quel est notre rapport aux mains aujourd'hui : sommes-nous encore capables de construire avec, ou au contraire les regardons-nous comme des vestiges bientôt inutiles ?
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Les rythmes et modalités quotidiennes d'utilisation de mains sont multiples. Entre des gestes précis des métiers comme celui de chirurgien, des gestes intimes qui traduisent nos émotions et des gestes involontaires ou inconscients, j'ai choisi des mélanges subtiles, afin d'interroger l'endroit où un geste \textit{s’esthétise} et est \textit{vu}.
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L'idée de créer des danses de mains m'est apparue comme une possibilité de s'approprier des
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repères conventionnels et d'ouvrir un espace d'interprétation inhabituelle pour le spectateur. Mon souhait
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est de prendre le quotidien comme point de départ et arriver à un point de sublimation du micro-geste,
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comme tentative de valorisation de ce qui est en marge.
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Dans ce contexte, le tremblement de mains est signe d’émotions fortes telles la peur
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ou l'angoisse, comme si ce que le cerveau exprime est traduit par le corps. En échange, les maladies neurodégénératives typent Parkinson modifient notre rapport aux membres supérieurs et à la coordination, et génèrent des tremblements involontaires. Si ces maladies sont apparues à notre époque, c'est peut-être aussi parce que la relation entre le corps et l'esprit s'est modifiée avec l'arrivée du numérique. Dans mon interprétation artistique, par des exercices somatiques comme le Shaking décrit dans le premier chapitre, le tremblement perçu comme perturbation de la fluidité du mouvement pointe le refus du corps de se soumettre à l’esprit.
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Donner à voir, mettre en scène, un élément propre à notre quotidien à coté d'un robot, nous permet d'interroger l'impact du numérique dans nos vies. Cela représente également l'occasion d'ouvrir un espace de réflexion plus large, autour de notre devenir prochain en tant qu’espèce. Nous mettons l'accent sur des interactions gestuelles et leur signification pour voir comment une possible co-création avec des robots peut avoir lieu. Puisque une simulation semble, à l’heure actuelle, la seule possibilité réelle d'une CA pour HRP-4, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais cela doit se produire pour générer une expression crédible d'un \textit{effet de conscience}.
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Dans \textit{TIWIDWH} le robot et la performeuse sont assis face à face à une table et improvisent une série des mouvementes de bras inspirée par le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} (1983) d'Anne Teresa De Keersmaeker. Ce contexte de danse indique un type de cognition qui influe sur des actions, qui est donc incarnée, \gls{embodied cognition}. D'habitude les gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients comme les réflexes. Dans notre exploration artistique, nous avons choisi d’examiner ce dernier cas et questionner les \gls{mouvements spontanés} et les \gls{mouvements réflexes} propres aux pratiques somatiques. Quelques mois auparavant, notre performeuse s'est emparée d'une série des mouvements de bras, dont l’enchaînement est devenu réflexe. En le répétant, ces gestes ont été déformés. Cela nous a donné l'opportunité de vérifier dans quelle mesure ils peuvent être recontextualisés et identifiés lorsqu’ils sont programmés pour correspondre à des robots. Ensuite nous avons programmé cet ensemble de mouvements dans une sorte de base de données. Cela a permis à HRP-4 de générer deux types de mouvements :
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\begin{itemize}
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\item mouvements intentionnels (lever les bras en synchrone, fléchir un coude puis l'autre, tourner la tête, etc.)
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\item mouvements spontanés ou réflexes, c'est-à-dire non intentionnels (propres à la sphère intime comme un bâillement ou un tremblement)
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\end{itemize}
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\textbf{Détailler les variables}
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\cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. La danse de HRP-4 se résume à une série des variables C++, dont la taille du fichier ne dépasse pas une dizaine de kilo-bytes. Chaque variable prend une valeur pour orienter une articulation. Il y a peu de place pour l'imagination humaine, telle que nous la connaissons. À l’intérieur de son algorithme, HRP-4 peut combiner l’ensemble des mouvements dans un ordre aléatoire et improviser la durée de chaque séquence. La performeuse, prenant acte de cela, doit modifier ses séquences en conséquence. L'improvisation donne suite à un contact physique, initié par le robot. Ce contact (tant attendu) a fait objet des tentatives échouées de mise en situation, telle la fresque \textit{La création d'Adam}\footnote{https://unsouffledhistoires.com/cropped-michel-ange-la-creation-d-adam5-jpg/} par Michel-Ange, perturbée par un \textit{glitch}. Après quelques essais, le moment de ce contact et implicitement la durée de l’improvisation, restaient inconnus pour la performeuse, le jour de la représentation. Toujours assise sur la chaise, cette fois le visage contre la table et les mains allongées dans la direction du HRP-4, il a fallu que le robot essaie deux fois de toucher sa main dans une sorte d’émulation d'une \gls{réponse kinesthésique}, avant qu'elle comprenne que c'est la fin de la séance d'improvisation.
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Ce mouvement non intentionnel du robot qui ne s'est pas passé comme prévu lui a inspiré un sentiment d'étrangeté, sorte de \gls{awareness of awareness} ou \textit{conscience d'une forme de (in)conscience}\cite{jochum2016cultivating}. Pour la performeuse, ce type d’imprévu peut bloquer la fluidité des mouvements ou en tout cas provoquer une perturbation dans le processus d'improvisation, pareil à un \textit{glitch} dans les jeux vidéo. L'enchaînement est similaire à une séquence de mouvements intentionnels, dont des mouvements réflexes s’insèrent de manière spontanée. Bien consciente que les machines ne sont pas capables d’improviser, la performeuse s'imagine que lorsque HRP-4 propose quelque chose d’inattendu, il s'agit probablement d'un dysfonctionnement\cite{penny2016improvisation}. Le public n'arrive à discriminer entre leurs actions et leurs intentions, pensant que tout fait partie du scénario de base. Une fois la convention établie, même pour le public les mouvements réflexes, dans notre cas des tremblements des bras de HRP-4 (sorte d'erreur pré-programmée), produisent un effet de surprise, parfois comique à cause du bruit occasionnel des actuateurs. Ce qui est intéressant de remarquer est que dans notre cas le \textit{bug} est partagé entre performeuse et robot. Elle n'a pas remarqué le signal du robot, or celui-ci l'a donné sous une forme prévue. Pour l'ethnologue Georges Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active, d’observation, par laquelle le sujet prend acte de ce qu'il traverse\cite{lapassade1986emc}. Dans notre étude de cas, la performeuse expérimente ce premier état, tandis que HRP-4 aurait pu probablement traverser le deuxième, s'il était doté d'une CA.
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\section*{Conclusion}
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L'agriculture, l'écriture et la technologie sont relativement récentes dans l'histoire de l'humanité\cite{brooks1990elephants}. Des notions comme l’\gls{intersubjectivité} et la \gls{conscience} ne sont apparues qu’au cours des dernières décennies. \cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. Issue de formes rituelles, elle canalise les émotions des spectateurs et des interprètes. Il en va de même pour les improvisations de danse contemporaine avec des robots. Quelle que soit sa complexité, la compréhension de la danse opère à un niveau intuitif. Lorsque Brook a écrit son livre, les éléphants n'avaient pas encore appris à jouer aux échecs. Quelques décennies plus tard, plus précisément en 2016, AlphaGo de DeepMind battra Lee Sedol au championnat du monde de Go en Corée du Sud\footnote{https://spectrum.ieee.org/alphago-wins-match-against-top-go-player }. Depuis, les progrès exponentiels d'AGI n'ont cessé de nous surprendre. Concernant la danse, les paris continuent. Devrions-nous imaginer autre chose après avoir vu les robots de Boston Dynamics danser sur la chanson \textit{Do you love me \footnote{https://spectrum.ieee.org/how-boston-dynamics-taught-its-robots-to-dance}} ?
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Dans chacune des expérimentations pratiques que j’ai évoquées, j'ai pu utiliser la co-création artistique pour mieux comprendre mes questionnements théoriques. Lors du \textit{TIWIDWH} un robot qui a perdu sont statut de robot est devenu un ours lors d'un exercice fictif de projection. Nous avons pris le temps de lui \textit{demander} de nous raconter ses rêves, par des gestes. Une performeuse s'est mise à sa disposition, tel un instrument de musique, pour l'aider à exécuter des mouvements improvisés. Leur \textit{danse} a lieu à l'intersection entre deux \gls{umwelt}s, conditionnée par des contraintes techniques et des signaux d'interaction. Lorsque l'humain arrive à s'inspirer des accidents ou des imprécisions, cela confirme la capacité de résilience de notre espèce. Il n’est pas sûr que dans le cas d'un robot comme Atlas (sujet à des exigences de performance dans un marché fort compétitif) ce droit à l'erreur sera maintenu une fois le choix présenté. D'ailleurs sa version HD à été retirée du marché après 11 années d’impressionnantes démonstrations de force et de prouesses\footnote{https://www.bbc.com/news/articles/ck7ly07gmx4o}:
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\begin{figure}
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\includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/humanoid24}
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\caption{Liste des robots humanoïdes, avril 2024.}
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\label{fig:humanoid24}
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\end{figure}
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Après notre petit exercice de fiction, il nous semble évident que la beauté des imperfections, cette forme hybride de \textit{glitch}, est aussi ce qu'anime notre intérêt pour les robots. À l'opposé, leur caractère identique lors des fabrications en série s'annonce comme une contrainte vis-à-vis des caractéristiques impermanentes et précieuses du vivant. Comme l'explique le neurologue Stanislas Dehaene, la puissance de calcul du cerveau humain avec son réseau de 16 milliards de neurones corticaux, dépasse notre imagination actuelle. Pour des entrées sensorielles strictement identiques, le cerveau humain ne réagit pas de la même façon\cite{dehaene2014odile}, influencé par les émotions et les souvenirs de chaque individu. À l’intérieur de chaque boîte crânienne, la vie cachée de représentations subjectives fluctue sans cesse d'une manière partiellement autonome. En écho à ses penses, le philosophe de sciences Michel Bibtol nous demande si nous sommes prêts à mourir à l'instant où la science nous garantit la \gls{Singularité}, ou par ses mots lorsque ``notre structure cognitive et nos habitus comportementaux ont été intégralement téléchargés dans un robot”\cite{bitbol2018cp}.
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N'ayant pas de réponse à sa question, nous savons que vivre est précieux car unique. Dans l'acte artistique, l'humain accomplit ce qu'il y a d'ordre d’irrationnel, il cherche aveuglement à émouvoir et à s’émouvoir. Avoir un robot comme partenaire pour un tel exploit n'a pas fini de nous interpeller. Accepter les états de conscience que ce robot pourra vivre dans sa spécificité, c'est arrêter une vision anthropocentrique du monde et prendre sa place parmi les autre organismes vivants et non-vivants qui la constituent. Dans la suite du monde imaginé par K. Dick, les robots capables de CA occuperont une catégorie à part parmi les carnivores et herbivores qui existent déjà. Cela sera contre-intuitif d'imaginer des machines carnivores et herbivores. Si l'empathie est le dernier rempart pour l'acceptation de l'autre, comment ferions-nous pour être sûrs que les machines en auront aussi besoin ?
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\clearpage
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\chapter*{Conclusion de la partie II}
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\addcontentsline{toc}{chapter}{Conclusion}
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Les conclusions de cette deuxième partie des expérimentations pratiques, nous renvoient à la nécessite d'une méthodologie propre aux projets pluridisciplinaires en \gls{art robotique}. Pour le chercheur Louis-Claude Paquin, que nous avons déjà évoqué, ``la problématique de la recherche-création se construit par raffinement successif, dans un aller-retour entre le désir consigné dans l’énoncé de projet produit précédemment à partir d’une amorce et le résultat de recherches”\cite{paquin2014methodologie}. En ce que concerne cette thèse et son exercice de création par la recherche, je peux dire avec le recul que nos problématiques fonctionnent dans un cadre théorique, mais ont des difficultés lors de leur mise en œuvre. De plus cette mise en œuvre implique une grande capacité adaptation, tout comme un réajustement continuel des moyens et des temporalités. Des autres chercheurs avant nous comme Sarah Truman, décrivent comment leur recherche est guidée par certains principes et théories au détriment des autres, et comment ceux-ci influencent la manière dont la base théorique se concrétise au fil du temps:
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\begin{quote}
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``Par ‘méthodologie’ j’entends la logique, l’éthique, les théories et la perspective qui guident mon approche de la recherche et influencent les méthodes que je peux utiliser. Cela explique les théories qui sous-tendent ma compréhension du fonctionnement de la recherche-création.
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\footnote{en version originale: ``By ‘methodology’ I mean the logic, ethics, theories, and angle of approach that guide how I approach research and inform the various methods that I might use. This is me talking through
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the theories that inform how I think research-creation operates.”}.”
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\cite{truman2021feminist}
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\end{quote}
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Lorsque j'ai parlé du \textit{glanage}, de l'\gls{exaptation} et du \textit{slow science} dans les chapitres précédents, j'ai fait appel à des formes de validation par de l'identification et de l'appartenance à des écoles de pensée déjà confirmés. Ces expérimentateurs, proche des prestidigitateurs à la manière de Brian Eno, qui fabriquent de la science sans objet comme Aurélien Bory, m'ont rassuré pendant mes moments de doute. Ma base théorique reste en permanente mise à jour, ou \textit{work in progress} et contient un mélange des références scientifiques en robotique, sciences cognitives, tout comme des notes sur la danse et les pratiques somatiques, évoqués dans la première partie de cette thèse. La partie robotique s'attache aux principes de robotique cognitive développementale, tout en s'inspirant des exemples de la \gls{robotique culturelle} et sociale. Les chercheurs que je cite font appel à des avancées théoriques comme celles de la théorie 4E de la cognition - \gls{The 4E Cognition Theory}, ou celles du principe de l'énergie libre - \gls{Free Energy Principle} (FEP), pour m'aider questionner des hypothèses de recherche en lien avec la \gls{conscience artificielle} et la créativité. Dans le cadre théorique inspiré par les neurosciences et l'intelligence artificielle, décrit dans le deuxième chapitre de la première partie de cette thèse, le FEP propose une explication unifiée de divers aspects des systèmes biologiques. Selon cette théorie, le cerveau humain s’efforce de minimiser une quantité d'énergie disponible pour calculer l'écart entre les états internes et l'environnement externe. Cela permets de vérifier si le modèle interne du cerveau correspond aux entrées sensorielles réelles qu'il reçoit de l'environnement, son objectif étant de minimiser cette énergie libre en mettant à jour son modèle interne afin de mieux prédire les entrées sensorielles. De façon concrète, ce processus de minimisation de l’énergie est réalisé par la perception, l’action et l’apprentissage. Comme ces processus sont également propres à des actes de création artistique, nous élargissons la projection en évoquant l'\gls{exaptation} comme possible conséquence méthodologique d'une danse propre aux robots. L'adaptation opportuniste à des contextes comme la danse (qui à la base n'est pas une activité spécifique aux robots), nous permet d’élargir notre projection initiale, en nous imaginant des formes de \gls{conscience artificielle}. Dans ce nouveau cadre, proche du \gls{posthumanisme}, nourri par des observations propres au \gls{matérialisme féministe}, les robots sont à leur tour considérés comme des espèces à part entière, en co-évolution avec des humains à la recherche d'une nouvelle manière de danser. Si cette projection tient plus du spectre de la robotique culturelle, que de la robotique cognitive développementale, elle reste néanmoins une pure spéculation artistique, nourrie par les concepts et théories qui m'ont accompagné ces quatre derniers années et aussi par mon intention créative.
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La créativité est un phénomène complexe, qui se manifeste sous diverses formes et contextes. Comme pour la \gls{conscience}, il n’existe pas de définition unique, englobant tous les aspects multiformes de la créativité. Celle-ci est souvent décrite comme une capacité d'innovation, mais en danse elle relève aussi d'une capacité d'adaptation, d'agence et d'improvisation. Dans les processus collaboratifs, cette créativité est autotélique. Pour amener plus loin cette idée, des artistes comme Michel Paysant\footnote{https://www.michelpaysant.fr} évoquent une sorte d'utilité \textit{des-appliquée} de l'art. Au fil des mois d' expérimentations, nous nous sommes interrogés à notre tour sur la fonction de l'art robotique. Dans son livre \textit{Feminist speculations and the practice of research-creation: Writing pedagogies and intertextual affects} (2021) la chercheuse Sarah Truman entreprend une pensée spéculative basée sur la théorie des affects. Elle questionne la notion de \gls{représentation} (en anglais \textit{representationalism}) comme résultat d'une recherche quantitative dans les arts, en proposant des laboratoires de recherche-création en échange. Selon Truman ce que distingue la recherche-création de toute pratique artistique, est le fait d'incorporer directement une composante théorique dans le projet artistique, et d'employer le cadre académique comme structure de référence pour l'acte artistique. Ainsi \textit{la théorie fait partie intégrante du processus, elle informe les méthodes et la pensée pendant et après le projet\footnote{Theory primes the projects: it informs the methods and thinking during the projects and after the project is over.\cite{truman2021feminist}}}. En outre, Truman relie la recherche-création à une forme de spéculation située, en anglais \textit{situated speculation}. Ce concept est propre au \gls{matérialisme féministe}, imprégné par la philosophie des systèmes, l’écologie, les sciences humaines et les études queer parmi autres. Une spéculation située cherche à défier l'humanisme traditionnel, dans une approche post-humaniste. Dans notre contexte, cela a impliqué imaginer des autres formes de danse, et aussi un autre statut, différent de celui d'outil, pour les robots impliqués dans nos processus de co-création.
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Différentes techniques en danse et dans les pratiques somatiques fournissent aujourd'hui des informations sur la manière dont le mouvement affecte la structure du corps, et l'inverse. Deux ou plusieurs corps s'équilibrent selon la règle d'un contact continu, transférant le poids et composant des mouvements de manière spontanée. Comme nous avons vu plus haut, suite à ses recherches au sein de \textit{Judson Dance Theater} et ultérieurement \textit{Grand Union}, Paxton pose les bases du \gls{contact improvisation}. Cette approche, devenue entre temps discipline, analyse les effets d'un changement d'orientation spatio-kinesthésique du corps, lors des contacts tactiles. Suivant des contraintes de temps, le performeur se concentre sur les limites de son espace corporel par rapport à l'espace extérieur. Cela permet au mouvement d'apparaitre en coordination avec les autres corps qui l'entourent. Généralement ce type de mouvement est soutenu et spontané, décorrélé d'un rendu final, représentable. Comme la plupart des pratiques de \gls{danse postmoderne}s, la \gls{contact improvisation} s’intéresse d'avantage à une transformation de l'expérience esthétique lors des processus de recherche du mouvement. Elle promut ainsi un spectre des possibilités qui définissent le mouvement, et des multiples manières pour l’exécuter. Le motif de la chaise a traversé divers moments dans l'historie de la danse. Autre que Burrows que j'ai cité plus haut, dans une de ses œuvres de jeunesse intitulé \textit{Smile}, Steve Paxton utilise une chaise pour deux performeurs qui sourient devant le public, cherchant à trouver leur place. Cela élargit le cercle d'Anna Theresa de Kaersmaeker, Anna Halprin ou Ohad Naharin parmi autres, qui ont crée toute une partition pour une danse assise, avec d'autres moyens et intentions que les miennes. Mettre un robot sur une chaise, peut paraître quelque-part anachronique car si nous considérons le statut d'objet outil de la chaise, nous cherchons à déconstruire ce statut pour le robot. Cependant, travailler avec la contrainte est un autre outil important pour tout processus méthodologique et c'est aussi ce qui nous a permis de nous rentre compte à quel point l'humain assis à son tour sur une chaise, peut devenir un outil au service du robot, à son tour. En d'autre mots, la chaise permet d’égaliser ces deux présences et leur status dans un contexte de \gls{représentation}.
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En tant que danseuse et chercheuse, j'ai proposé un cadre pour adresser des questions relatives aux nouvelles technologies: des HRI sur mesure qui se focalisent sur l’expérience d'incorporation, ou d'\gls{embodiment}, en danse et leurs représentations contingentes. Mes questions théoriques, encrées dans des expérimentations pratiques visant des compétences sensori-motrices multimodales, ont du être revisités plusieurs fois. Certaines pages de ces chapitres ont traité des paradigmes actuelles dans la cognition et la conscience, des espaces de projection hybrides, des environnements ou des agents capables de traverser différentes écologies du corps. Dans ce contexte marqué par la robotique et les neurosciences, il a été important de comprendre de quels moyens nous disposons pour développer un langage chorégraphique innovant. Couramment, les chercheurs nous encouragent à porter notre attention sur la meilleure manière de comprendre et nourrir la co-créativité avec des machines. Il ne faut pas oublier cependant, que lorsque la \gls{robotique culturelle} s’intéresse à des processus créatifs, elle s'approche de quelque chose d'immuable, propre à l’espèce humaine. Des sous-domaines adjacents émergent, ouvrant à des possibilités passionnantes pour l’avenir. Ces possibilités remettent en question notre compréhension de l'état créatif, notamment par l’avènement de l'art génératif du GAI et des robots comme Ai-Da. Si la robotique peut améliorer la créativité humaine en automatisant les tâches répétitives, les humains doivent améliorer le cadre de cette collaboration. Les artistes et les ingénieurs travaillent aux côtés des robots pour repousser les limites de l’expression créative, grâce à de nouveaux médiums et techniques qui créent des expériences dynamiques et immersives en temps réel. Leurs considérations éthiques et philosophiques, ainsi que les échanges avec d'autres professionnels, amènent une réflexion plus profonde sur notre avenir ensemble.
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En attendant, les perspectives post-humanistes nous permettent de recontextualiser le corps, dans une optique d’échange et d'\gls{intersubjectivité}s:
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\begin{quote}
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``Je comprends le corps comme un point de convergence de forces interreliées qui ont des durées et des taux de changement différents, et qui émergent constamment en relation avec d'autres corps, héritages, situations sociales et affects géopolitiques plus larges. Les corps ne sont jamais statiques (même une fois matérialisés), mais sont plutôt ontogénétiques. Cela a des répercussions sur les méthodes de recherche-création et l'apprentissage en milieu scolaire, car cela nous amène à considérer les corps (et les espaces dans lesquels ils se déplacent) comme étant toujours en excès d'eux-mêmes et pleins de potentiel virtuel, tout en reconnaissant comment la race, le genre, la sexualité et la capacité sont également constamment co-produits et affirmés dans ces échanges relationnels\footnote{en version originale: ``I understand the body as a nexus of
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related forces that have different durations and rates of change that are constantly
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emerging and in relation to/with other bodies, inheritances, social situations, and
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larger geopolitical affects. Bodies are never static (even once they materialize),
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but rather are ontogenetic. This has ramifications for research-creation methods
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and school-based learning as it leads us to consider bodies (and the spaces they
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move in relation to) as always in excess of themselves and full of virtual potential,
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while still recognizing how race, gender, sexuality, and ability are also constantly
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co-produced and asserted in these relational exchanges.”}.”
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\cite{truman2021feminist}
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\end{quote}
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Dans un monde où les définitions et les théories se renouvellent et se recontextualisent constamment, l'art peut paraître un medium qui peine à suivre le rythme. Son fonction indirecte est celle d'un archivage de ces changements. Les quelques retours d'experience, nous encouragent à continuer notre spéculation sur des éventuelles mutations concernant l'\gls{intelligence du corps} tout comme l'\gls{intelligence du mouvement}. Cela nous permettra de réfléchir à la place que les représentations artistiques avec des robots peuvent avoir dedans et aux nouvelles modalités de création qu'elles impliquent.
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