diff --git a/circu_these_3.txt b/circu_these_3.txt new file mode 100644 index 0000000..8321ac8 --- /dev/null +++ b/circu_these_3.txt @@ -0,0 +1,1687 @@ +3. Robots sur scène +3.1 Biomechanics 3.2 Faire danser les robots 3.3 Différents +formats et expériences + + +L’état d’art de ce chapitre se concentre sur le lien entre le mouvement du corps +humain, l’appréhension des enjeux que cela engendre pour la robotique puis +l’incorporation ou l’embodiment (citer) acquis à travers la danse, dans le +contexte des spectacles avec des robots [38]–[41]. Dans son livre "La robotique +: une récidive d’Héphaïstos !” [42] Jean-Paul Laumond décrit la controverse +entre la science- dont l’objectif est de «déduire» par rapport à la technologie +- préoccupé davantage par le « faire » et les observations empiriques. Pour lui, +la robotique est née de la tension entre ces deux approches contemporaines qui +correspondent à une « phénoménologie de la robotique », pour citer Laumond, +différente de la robotique inspirée des lois naturelles, regroupés sous le terme +de « bio-robotique ». Néanmoins ces deux disciplines s’inspirent à leur tour de +la physique, de la biologie, des neurosciences, de la psychologie et d’autres +théories complémentaires. Ainsi, la robotique peut être considérée comme un +moyen de comprendre et de mettre en œuvre la complexité du vivant, à travers un +mélange des savoirs-faire et des pratiques. Dans une démarche parallèle, proche +d’une approche sociologique, la complexité du vivant pourrait être appréhendée +aussi par l’art, comme discipline [44] à travers ses intentions « spéculatives +et provocatrices » [43]. L’artiste Simon Penny utilise la dichotomie entre une +forme de savoir qui réside dans l’abstraction et une autre qui réside dans la +réalité concrète du monde [43] pour introduire un concept émergent qu’il a +intitulé la « robotique culturelle ». Ce concept met en avant le lien entre les +robots et les sociétés dans lesquelles ces derniers évoluent. Si dans les +premiers chapitres nous avons pu comprendre le contexte artistique que cette +thèse défend, le suivant chapitre traite du rapport au corps dans la robotique +et les éventuels enjeux que cela soulève. + + + + +3.1 La biomécanique comme façon d’appréhender le corps + + +Le terme biomécanique regroupe la biologie comme science du vivant et la +mécanique comme science physique d’étude du mouvement- entre ses déformations et +ses états d’équilibre. Au sens large, cette discipline étudie la physiologie du +mouvement dans le corps humain avec ses fonctions et ses propriétés respectives. +Des disciplines comme la robotique, la médecine ou le design s’appuient sur des +principes de biomécanique pour mieux construire leurs hypothèses de recherche. +Dans le domaine artistique, les danseurs et les metteurs en scène se sont +également intéressés à la biomécanique pour développer leurs pratiques. + + + + +3.1.1. Meyerhold et son approche sociologique + + + + +La biomécanique a aussi donné nom à une discipline enseignée par le metteur en +scène russe Vsevolod Emilievitch Meyerhold. Cette discipline fait son apparition +au début du XXe siècle et cultive une conscience de soi dans l’espace ainsi +qu’un travail plastique et rythmique de l’acteur. Inspirée entre autres par la +commedia dell’arte et du travail des danseuses Isadora Duncan et Loïe Fuller, +cette méthode d’entraînement physique permet aux acteurs de développer leur +coordination et leur sens du rythme sur le plateau. + + +En comparaison avec d’autres éléments du théâtre, Meyerhold considérait le +mouvement scénique comme un des moyens d’expression les plus puissants. Ainsi +il dirige entre 1914 et 1917, dans son studio à Pétersbourg une série d’études +de pantomime accompagnées au piano. Parmi ces exercices- “Les Deux Smeraldina”, +“Le poignard” ou “La gifle”- reposent sur des activités corporelles comme le +bond ou la chute ainsi que des éléments d’acrobatie avec différents objets liés +à la tradition théâtrale- l’epée, la cape ou la canne. Par ces partitions +rigoureuses, l’acteur est censé comprendre l’importance des différents éléments +du corps les uns par rapport aux autres. Un exemple que Meyerhold citait lors de +ses exercices fait référence à l’importance des détails- quand le petit doigt +bouge, le corps entier doit supporter ce mouvement, pour rendre le petit doigt +visible jusqu’au fond de la salle. La plupart de ces exercices se font en +groupe, même si elles ne requièrent qu’une seule personne pour les pratiquer. +Lorsqu’une personne finit sa pratique, le reste du groupe reprend la totalité de +l’étude une seconde fois, pour enrichir les variations de propositions. “Le +poignard” et “La gifle” sont deux études qui s’exécutent en paire, pour +travailler la coordination et la précision entre les partenaires. L’élément clé +de la pratique de Meyerhold est ainsi le corps de l’acteur, considéré comme un +matériau à travailler individuellement mais aussi collectivement comme l’affirme +Béatrice Picon-Vallin: Le travail physique de l’acteur, découpé en segments +d’actions précisément délimités dans l’espace et dans le temps se caractérise +encore par un montage de matériaux hétérogènes unifiés par le rythme de l’action +et l’ironie de l’acteur : combinaison de techniques appartenant à différents +métiers du spectacle, de registres vocaux variés, création d’une sorte d’« +acteur collectif ». Les meilleurs comédiens ont l’équilibre des funambules, le +tronc monté sur ressorts des jongleurs, l’audace des acrobates, le coup de poing +du boxeur, le cri du ventriloque.[a] + + + + +En alternant travail individuel et travail collectif, les acteurs acquièrent des +bases solides d’interaction et une bonne capacité d’adaptation aux formats et +expériences. Comme le souligne Mel Gordon dans son article sur Meyerhold (citer +Gordon[b]), pour le metteur en scène russe la fonction du théâtre est d’abord +sociale afin d’éduquer et de promouvoir la reconstruction socialiste et +scientifique de son pays. Lorsque Stalin s’empare du pouvoir,la plupart des +secteurs de la société soviétique traversent des processus rapides de +collectivisation et d’industrialisation. Les théâtres, puis plus généralement la +culture, perdent progressivement leurs moyens et la liberté d’expression. +D’autres méthodes s’inventent. Le metteur en scène russe voit les troupes de +travailleurs semi-professionnels comme un outil pour éduquer les masses. Pour +améliorer sa formation d’acteurs, il applique des principes ou des méthodologies +scientifiques à la mode dans l’industrie soviétique, à ses fondements +théoriques. Parmi ces méthodologies, le Taylorisme est le résultat des +observations de l’ingénieur américain Frederick Winslow Taylor (1856-1915) sur +la gestion scientifique du travail et de la productivité. Au début des années +1910, sa méthode est largement appliquée dans l’industrie, notamment en Europe +et en Russie. Après avoir visité des usinés et examiné leurs chaînes de +production, l’ingénieur est arrivé à la conclusion que les mouvements physiques +des travailleurs influencent le rendement de la production. Lorsqu’il exécute +une tâche répétitive, un travailleur s’engage, souvent sans s’en rendre compte, +dans des mouvements superflus qui diminuent son efficacité. Pour Taylor, il est +question de trouver les mouvements et les gestes les plus efficaces, dans ce +qu’il a appelé une “économie du mouvement". Pour faire cela, il a dû prendre en +considération des facteurs comme les rythmes de travail et l’équilibre des +postures. Toujours pour Gordon, les idées de Meyerhold croisent également celles +de la psychologie fonctionnelle- dont le psychologue William James a mis les +bases, ainsi que celles du béhaviorisme. Entre autres James considère la +conscience et ses états transitoires comme directement liés au corps physique, +alors que certains schémas d’activité musculaire suscitent des états émotionnels +équivalents. En Russie à la même époque, des médecins comme Vladimir Bekhterev +ou Ivan Pavlov ont aussi entamé des recherches sur les comportements et le +conditionnement des réflexes humains. Selon eux tout comportement humain peut +s’expliquer par l’histoire des interactions de l’individu avec son +environnement. + + +En s’inspirant de ces observations, Meyerhold les applique à sa méthode +d’entraînement physique des acteurs. Les effets de ce processus sont ressentis +lors des spectacles dont le rythme des acteurs est proche d’une chorégraphie. Si +le décor est souvent inspiré par le courant constructiviste - dont la +philosophie repose sur l’austérité et les motifs non-figuratifs, les +déplacements des acteurs dessinent des parcours géométriques à la façon d’une +danse des motifs. Ces parcours dépendent du nombre pair ou impair des acteurs. +Ils créent des constellations dans l’espace qui donnent aux spectateurs la +sensation d’une mécanisation des processus artistiques. + + +D’une façon avant-gardiste et engagée, Meyerhold a dédié son travail à la lutte +des classes, aux problèmes sociaux, en espérant contribuer à la création d’un +nouveau type humain. Le culte de personnalité et les dérives du régime +totalitaire stalinien ont fait que son théâtre soit fermé en 1938 et le metteur +en scène exécuté en 1940, malgré le fait qu’il soutenait pleinement les idées +communiste. + + + + + + +3.2 Faire danser les robots + + + + +3.2.1 Nouvelles formes de corporéité sur scène Pour comprendre comment mettre +en scène les robots, je commence mon analyse avec les problématiques liées à la +représentation du corps dans les propositions scéniques contemporaines. + + +Une certaine partie de la communauté artistique de la danse semble œuvrer à une +compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et +chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps +ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité avec l’émergence des principes +neuroscientifiques et somatiques. Le livre “Disjunctive Captures of the Body and +Movement” (citer Bojana[c]) interroge des formes de corporéité qui défient la +subjectivité pour donner une façon propre d’habiter le corps. Pour cela, Bojana +cite des choreographs tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour +qui la danse est avant tout un lieu d’expérimentation. Elle questionne +l’expérience subjective du mouvement, tout comme des chercheurs comme Stamatia +Portanova qui travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la +danse (citer Stamatia[d]). Dans le chapitre “Can objects be processes?”, +Portanova se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du +temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Dans le contexte d’une +monde dominé par les ordinateurs et les sciences computationnelles, elle désigne +le glitch comme facteur perturbateur, capable de transgresser les lois physiques +et de provoquer une faille anachronique: “...the appearance of the new takes the +form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between +past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are +selected in an occasion of experience, in order to determine what the future +occasion will be. “ Son hypothesis se construit autour du travail de William +Forsythe. Le spectacle “One Flat Thing, reproduced “ (2000) a comme l’objet “ +Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced” - un site vidéo créé par la +compagnie de danse Forsythe en collaboration l’Université d’Ohio comme outil +unconventional de visualisation des paramètres chorégraphiques. Les paramètres +captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en +lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie - pour explorer sous un +autre ongle les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le +site Synchronous Objects ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori, +malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de +représentation- puisque le temps de la performance est unique dans sa +temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant +dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la +représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère. + + + + +Défis chorégraphiques dans la représentation du corps + + + + +Les œuvres chorégraphiques que Bojana analyse ne remplacent pas les danseurs par +des agents non-humains ou des systèmes numériques comme dans l’étude de +Portanova. En échange, elles mettent en scène le corps comme support physique du +mouvement, à la lisière entre expérience subjective et objective. Bojana insiste +sur la manière dont la relation entre le corps et le mouvement est rendue +impersonnelle, dé-subjectivé, mais aussi dé-objectivé sur la base d’une +perturbation délibérée entre sujet et objet. + + +Pour mieux définir ces concepts, dans son optique la subjectivation traite le +corps comme une source d’expression de soi. Ainsi par le mouvement jaillit +l’envie du corps d’exprimer son expérience émotionnelle intérieure. A l’inverse, +l’objectivation restreint le corps à un simple instrument d’articulation +physique, dont le mouvement se fait « en » et « pour » lui-même. + + +Dès les premières pages de son livre, Bojana nous introduit au concept deleuzien +de reconnaissance où le corps et le mouvement se situent dans des relations +d’interdépendance. L’identité subjective du danseur est reflétée et représentée +dans l’identité objective du mouvement. Cela l’aide à mieux définir un corps en +mouvement et comprendre les facteurs qui facilitent ce processus de symbiose. + + +Déconstruire le corps humain signifie également construire une multiplicité de +corps à partir de ses membres. Par le fait d’éviter l’unification d’une seule +figure reconnaissable dans sa forme et son image, le corps est objectivé. Comme +Bojana le souligne dans son livre, le partitionner pour recomposer ses parties +dans un processus de devenir, laisse apparaître des nouveaux corps différents +et méconnaissables. + + +En ce qui concerne mon contexte particulier de spectacles avec des robots, je +réfléchis aux deux - corps et mouvement - en contrepoids avec la machine. +Lorsque les danseurs réalisent une synthèse entre le corps et le mouvement, les +machines deviennent la structure qui anime un “corps hybride en mouvement”. +Cette objectivation opère à plusieurs niveaux, physique et phénoménologique, +avec pour seul indicateur pour l’expressivité humaine. + + + + +Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps +réorganisés, comme un processus perpétuel: + + +Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; +they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a +nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves +to other partial objects. (AO: 46)[e] + + + + +Ces constats, des véritables défis chorégraphiques, ont encouragé Bojana à +regarder de plus prêt les performances qui adressent ces problèmes sur le +plateau. + + +Le spectacle “Nvsbl” (2006) d’Ester Salomon met en scène quatre performeuses +gravitant à partir de quatre coins de la scène vers le centre- parcourant 5,5 +mètres pendant une période d’environ 80 minutes. La trajectoire qu’elles +effectuent est si alambiquée et prolongée dans la durée que ni les spectateurs +ni les interprètes n’arrivent à saisir complètement le déplacement dans +l’espace. Alors que les spectateurs peuvent enregistrer la transformation +rétrospectivement - en détournant le regard puis en regardant en arrière pour +vérifier s’il y a eu un avancement - cette expérience reste en dessous du seuil +de perception (Sabisch 2011 : 186). + + +Pour parler de son projet, la chorégraphe cite la critique Peggy Phelan pour +qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement +pendant le temps de la représentation: + + + “…Our visual perception therefore does not provide us with a complete picture + or idea of reality. Nevertheless, we use visible reality as an effect of + reality in order to construct our image of reality.” + + +Lors de la création du “Nvsbl”, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des +techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre +antérieur. Lors de la représentation, tous les paramètres par lesquels le +mouvement est habituellement perçu et reconnu sont suspendus (citer Bojana). +Aucun élément corporel ne peut être distingué comme initiateur du mouvement, +puisque chaque performeuse est impliquée dans un mouvement perpétuel qui opère à +son intérieur. Les chercheurs (citer Invisibility and Oscillation: The Processes +of Looking in Eszter Salamon’s Nvsbl) évoquent le concept de regard oscillatoire +(oscillating gaze) pour faire référence au mouvement d’attention qui sollicité +le spectateur pour regarder autrement ce que se déploie devant ses yeux. Des +nombreuses parties du corps s’engagent simultanément dans un processus de +dépliage de formes, comme un corps vivant laisse entrevoir son statut d’objet. + + +Un deuxième travail mentionné par Bojana fait référence à la manière de créer +avec des objets et des dispositifs moins technologiques. Elle prend comme +exemple le spectacle “It’s in the air” (2008) par Ingvartsen and Jefta +VanDinther dont il est question de réinventer le corps et ses limites dans un +contexte où les lois physiques sont transgressées. Ce spectacle où un homme et +une femme performent sur deux trampolines géantes, s’organise autour de +plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le +corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de +la personne qui subisse le rebond: + + +We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a +trampoline can do for us . . . . By introducing the trampolines as a resistance +to the movement production we force ourselves to reconsider everything we know +about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm +and phrasing. (Ingvartsen and van Dinther 2007: 1) + + +Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre +le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps +mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne +l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon de +Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et +mécanique, en compétition avec la gravité. Sa désubjectivation en relation avec +des trampolines, montre comment des dispositifs techniques moins complexes que +les robots peuvent nous interpeller tout autant. + + + +3.2.2 La corporéité des robots + + +Au cours des dernières décennies, des chercheurs dans différents domaines de la +robotique ont étayé l’importance du mouvement[10] dans la mise en place des +interactions avec les robots. Pour la grande majorité d’entre eux, le contrôle +optimal est le facteur clé pour améliorer tout travail collaboratif homme-robot. +Leur objectif est de générer des commandes motrices adaptées à plusieurs +contextes et contraintes. Certaines études mesurent l’effet de l’imitation sur +le HRI [19] alors que d’autres se concentrent sur l’improvisation et +l’apprentissage par renforcement. A notre échelle, cette recherche-création +s’attache à comprendre comment la perception du mouvement peut augmenter la +complicité avec les systèmes artificiels. De manière large, elle interroge la +façon dont le comportement et le mouvement définissent la capacité d’agence et +l’autonomie des robots- concepts que nous allons aborder dans les prochains +chapitres. + + +Pour programmer [f]des robots qui dansent, il faut trouver des analogies entre +les symboles abstraits des ordinateurs et les signaux physiques des corps en +mouvement. Selon le roboticien Jean-Pierre Laumont, un mouvement est perçu par +les autres dès son achèvement dans l’espace physique (citer livre Laumont). Pour +lui, toute analyse du mouvement humain, traduisible aux robots, se concentre sur +la relation entre l’espace physique et l’espace corporel. Les roboticiens sont +confrontés à ces questions quand ils modélisent un espace physique comme +l’espace opérationnel dans lequel les actions du robot sont exprimées, alors que +l’espace du corps est, pour eux, l’espace de contrôle ou l’espace de +configuration du système robotique considéré. + + +Leur travail se concentre sur la prise en compte des informations cinématiques +d’un mouvement tout comme sur les informations dynamiques - par exemple les +forces de contact avec l’environnement lors d’un mouvement. La dynamique permet +entre autres, de contrôler la stabilité du robot pour générer des mouvements +fluides et sûrs. Comparativement à la biomécanique, qui permet d’affiner +l’interaction du corps humain avec son environnement, la dynamique est un +critère important pour observer la qualité d’un mouvement et mesurer sa +performance. Ainsi les humains, comme les animaux, utilisent des forces de +contact pour générer du mouvement et se tenir debout face à la gravité. Pour +cela, ils effectuent des tâches complexes où ils adaptent leur corps à +l’environnement de façon spontanée. La communauté scientifique à formalisé cette +propriété innée dans la théorie des primitives de mouvement dynamique (en +anglais Dynamic Movement Primitives ou DMP). + +Pour programmer des mouvements similaires à une danse, il faut les décomposer +dans une séquence de mouvements élémentaires, basée à son tour sur des +primitives de mouvements dynamiques. Lorsqu’il s’agit de modéliser les processus +psycho-somatiques ou les émotions qui déterminent une danse, les choses +deviennent en général compliquées. Des avancées en neurosciences s’intéressent à +ce type de défis (citer études). +À cet égard, chaque mouvement peut être modélisé sous la forme d’une équation +mathématique qui respecte les lois physiques. Cette équation est à son tour +traduite en langage de programmation. Des modèles mathématiques sous-jacents à +l’analyse de la dynamique du mouvement humain correspondent à des modèles +descriptifs basés sur une multitude de variables mécaniques. Dans ce sens, les +équations de mouvement ont une terminologie spécifique, selon leur domaine +d’utilisation. De façon générale, elles décrivent le mouvement d’un objet +physique selon les lois de la mécanique newtonienne.[g] Ce mouvement peut être +représenté sous la forme de coordonnées sphériques, cylindriques ou +cartésiennes. Il comprend l’accélération de l’objet en fonction de sa position, +de sa vitesse, de sa masse et les variables connexes. Selon Laumond, en +robotique une équation de mouvement est définie comme un moyen de comprendre la +relation qui varie entre le temps pour un mouvement spécifique, le moment des +forces appliquées sur l’environnement et les forces générées par les muscles et +transmises par couples articulaires. + + +Pour les humains, la capacité de combiner et d’adapter des unités de mouvement +de base en tâches complexes, se produit par la coordination entre des muscles et +des articulations. Puisque le corps humain dispose d’approximativement 700 +muscles, 360 articulations et 206 os (citer livre Tozsten), le même mouvement +peut être réalisé en activant différentes parties du corps. Définir le mouvement +à partir des multiples stratégies possibles dévient encore plus compliqué +lorsque nous prenons en compte la spécificité de chaque individu. Cette +spécificité est souvent observée lors des séances d’éducation somatique où +l’intuition et le ressenti du praticien comptent plus que les statistiques et +les équations mathématiques. Néanmoins une fois une hypothèse émise, elle doit +être vérifiée scientifiquement pour pouvoir être validée et acceptée par la +communauté scientifique. C’est en cela qu’un travail intuitif et instinctif en +danse contemporaine est parfois difficilement transposée en robotique. + + +En fonction des mesures disponibles et de la partie du corps qui initie le +mouvement humain, différentes approches peuvent être envisagées. Certaines +études [12, 13] se concentrent seulement sur le mouvement des extrémités ou du +torse, ce que correspond au task-space ou l’espace des tâches en robotique [11]. +En effet, la plus grande partie du corps humain est le torse; représentant en +moyenne 43 % du poids corporel total alors que les cuisses, le bas des jambes et +les pieds constituent les 37% restants du poids total - suivis par les membres +supérieurs (13%) et la tête et le cou (7%) (citer Tzeren). Une approche plus +pratique est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse +capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système +musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données +expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps +réel dépend de la fréquence d’enregistrement. Les roboticiens utilisent des +techniques de Motion Capture [h]combinées à des technologies comme le Learning +from Paradigme [112] qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la +cinématique inverse ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la +dynamique inversée de l’espace opérationnel [113] (OSID). L’objectif de ces +technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul +optimal. Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des +robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et +se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements +synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et +l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le +tempo, ce qui ne lui laisse que très peu de possibilités d’improvisation. De +plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à +exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent +en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur +humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les +technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS, l’artiste peut se +connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en +temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler +le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques +basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du +mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement +inspirer la communauté artistique. En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 +minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain a embrassé +l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID +développé par LAAS. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- +peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon +devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de +reconnaître un vieil ami. Une fois interpellé, le robot a attendu quelques +secondes -probablement dû à un délai de temps de traitement de l’information- +avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur +projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et +finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de +l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée +et conscience, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé +pour répondre à un comportement spécifique. Dans [114] Nakaoka et al. avancent +l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une "technologie de +contenu" innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de +personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques +ont été combinés avec le feedback des utilisateurs quotidiens afin de mieux +comprendre leurs attentes. Dans ce sens, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin +de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, +en utilisant l’interface Choréonoïde pour programmer ses mouvements. Tout en +mettant en œuvre les mouvements de danse d’un chorégraphe très connu apprécié +par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités de +mouvement propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux +contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant +avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées +et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la +perfection un humain. Je suis loin de mes intuitions concernant la spécificité +des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront +à étudier de plus prêt ce phénomène. Dans “Les corps multiples d’une machine +performative » [45] Louis Philippe Demers utilise le terme de « machine +performative » pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une « +saveur de vivacité ». Pour lui, les expérimentations artistiques [46] avec les +robots sont des exemples réussies d’incorporation, grâce aux concepts comme le « +body- schema » [48]– [50] pour mieux implémenter dans les robots les +fonctionnalités du vivant. Sa vision de l’incorporation [51]–[54] ouvre de +nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art +hybride. Dans la même idée, d’autres chercheurs affirment que le comportement +est le facteur le plus important dans l’avancement de la robotique [19]. Cela +nous amène, à notre tour, à considérer le rôle des émotions dans la constitution +d’un comportement. Dans mon contexte particulier de la danse, analyser les +changements dans la conception et la configuration des projets d’art robotique, +m’aide à mieux comprendre les possibilités d’interaction physique lors d’une +performance live. HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. +Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en +œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de +classification hybrides multimodaux [136] et de l’apprentissage robotique +interactif. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de +nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par +l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix +binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. De tels rôles +peuvent être modulés comme dans [137], [138]. Au lieu d’exécuter des mouvements +préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de +l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux +espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet [139] pourraient +également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un +seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. +Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement +des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des +améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent +l’apprentissage par renforcement [140] sont actuellement en cours de +développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux +et comportements afférents[141], tout en interagissant avec les humains. + + + + +3.3 Différents formats de présentation Les projets artistiques avec des robots +visent des interactions multimodales. Sur scène, ces interactions privilégient +un contact physique avec des humains, facilité par des gestes, de la voix ou du +toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de +rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années +1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition +sur la scène artistique: l’Art Robotique. Initialement motivées par des rêves +personnels en lien avec des défis scientifiques, les premiers projets +artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les +automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à +leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Pour +cette synthèse, je vais donc commencer par les dispositifs maladroits des +années 1980, suivis par les expériences bioniques avec des exosquelettes une +décennie plus tard et les bras robotiques industriels en parallèle avec les +humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près +l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique, +qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour +élargir et questionner ses directions. A ce stade de mon état d’art, il me +paraît intéressant de proposer une analyse globale du rôle de l’art robotique +dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation +avec les machines. Cela me semble également intéressant d’investiguer dans +quelle mesure cet art peut devenir un miroir pour refléter des spéculations +transhumanistes, selon sa réception dans l’espace publique et les médias. +Lorsque nous regardons la littérature contemporaine (citer art) des roboticiens, +des artistes et des neuroscientifiques sont en cours d’établir les prémisses +d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, +afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres sélectionnées +informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout +en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis +presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences +traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une +meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. Si +la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots +sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans +notre vie quotidienne et nos cultures. La technologie est essentielle pour +définir ce que les humains sont, du moins dans notre tradition occidentale, où +la convergence entre l’homme et la machine est à la fois séduisante et +repoussante. En contrepartie, la culture japonaise entretient une certaine +distance avec la technologie, expliquant pourquoi les robots sont moins « +problématiques » là-bas, et comment ils ont été « apprivoisés » (citer) avant +d’être intégrés dans la société. Ce qui m’intéresse, en observant différents +formats et expériences artistiques, est de comprendre comment les robots +pourraient trouver à travers l’art, une condition « indomptée », avant leur +industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. Cette +sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien +avec la scène. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la +littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les +défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. A ma +connaissance, il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la +manière dont l’Art Robotique doit être évaluée, cette synthèse s’appuie donc sur +des méthodes quantitatives utilisées dans les études existantes [19], [20] et +est complété par les retours artistiques des auteurs ou les archives des +processus de création et de réception. Le format des œuvres peut aller des +sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et +improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont +mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé rajouter également les +apparitions dans le média où des robots se présentent en tant que maîtres +spirituels ou artistes qui prônent un autre type de culture de divertissement +(citer), afin de voir comment le rapport à la scène est influencé par ce format. +De cette manière une caractéristique importante de cet étude, repose sur +l’hypothèse que les interactions homme-robot au contact rapproché [13], [14], +c’est-à-dire l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques [15]–[18], peut +améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs +non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus +d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est +ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition « indomptée » +ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des +robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs +qui ont influencé le développement de l’Art Robotique. Pour argumenter ce +processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans +lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la +façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres +sélectionnées a facilité des découvertes en robotique sociale. Puisque les +projets artistiques impliquant les robots ont été soumis à des contraintes +technologiques (i.e. choix de matériaux influençant le message de l’œuvre +d’art), je regarde comment ceux-ci sont considérés tout au long des processus de +création et comment ils ont été mis en scène.[i] + + +3.3.1 Comment les robots sont apparus Lorsque nous pensons à des robots, nous +imaginons des dispositifs intelligents, autonomes du point de vue de +l’alimentation, programmés pour « ressentir » et « interagir » avec nous et +l’environnement [21]. En contrepoids, l’art veut faciliter l’accès à la +dimension sensorielle de notre existence. Pour faire cela, les artistes misent +sur l’affect (voir les sentiments du public) à travers une manipulation +astucieuse de qualités tangibles » [22 citation penny anglais]. D’une manière +prédictible, la définition de chaque terme est soumise à des évolutions +permanentes, prouvant leur importance dans les préoccupations courantes de notre +société. Interroger ces transformations dans le contexte de l’Art Robotique, +aide à déterminer leur caractère dans les prochaines années. + + +Pas si loin du monde de l’art, la fascination pour des artefacts et des machines +qui pourraient éventuellement devenir "vivants", a longtemps peuplé les rêves +des humains. Quelques-uns de ces artefacts- les automates- ont été identifiés +par des chercheurs [23], [21] comme vecteurs du développement technologique de +nos sociétés. La définition du terme Automata sous-entend l’existence des +dispositifs mécaniques qui se déplacent de manière autonome sans être +directement manipulés par des humains. Remontant l’histoire pour identifier +leurs origines, nous remarquons l’existence d’appareils mécaniques mobiles +autonomes à Alexandrie vers le IVe siècle av. J.-C. [21] ainsi l’utilisation des +« gardiens robotiques automatisés » en bois, conçus à l’époque du roi indien +Ajatasatru de Magadha un siècle plus tard [21]. Quelque temps plus tard, le +polymathe Ismail al-Jazari - suronmé "le père de la robotique" parmi les +roboticiens d’aujourd’hui - a construit plusieurs automates humanoïdes pendant +la période islamique du XIIIe siècle. Trois siècles plus tard Léonard de Vinci +aurait présenté à la cour de Milan son chevalier mécanique. Dès le XVIIIe +siècle, Jacques de Vaucanson présente lors des salons et des expositions +privées, des inventions comme son célèbre "joueur de flûte" avec des poumons +artificiels, ainsi que un « canard qui pouvait manger, déféquer et flotter sur +l’eau [23] comme son double animal » [24]. Selon [25] et [24], Vaucason aurait +même été mandaté par le roi Louis XV pour construire secrètement un androïde de +taille humaine vraisemblable dans les plus petits détails à des fonctions +biologiques du corps humain - respiration, circulation, digestion, mouvement. +Compte tenu des limitations techniques et matérielles de cette période, ce +projet a malheureusement dû échouer. Vers la même époque, Wolfgang von Kempelen +trompe son public en cachant un vrai humain dans son automate joueur d’échecs +appelé “Le Turc", en invitant les nobles à défier les capacités « +intellectuelles » de sa machine. Un siècle plus tard, des inventions pratiques +comme le phonographe ou le Cinématographe des frères Lumière confirment +l’intérêt des spectateurs pour un goût du spectacle inspiré par la science, +mettant en avant des machines ressemblant à des humains et éventuellement des +robots. L’histoire de la robotique est étroitement liée à celle d’art [26], la +sculpture anthropomorphe et la marionnette influençant la robotique plus que le +design des ordinateurs. La différence entre les automates et les robots sociaux, +indépendamment de leur utilisation ou de leur forme, est que les premiers sont +des « artefacts uniques, créés à la main » [27] alors que les derniers sont +produits en masse, de façon automatisée. + + +Gakutensoku, une nouvelle race ? Au début du XXe siècle, l’écrivain tchèque +Karel Capek écrit R.U.R.- Rossumovi Univerzalni Roboti (Les Robots Universels de +Rossum) - une pièce de théâtre sur des créatures artificielles travaillant en +usine. Ces créatures appelées "roboti" étaient facilement confondus avec les +humains en raison de leur forme et de leurs capacités. Conçus pour remplacer le +travail humain, ils apparaissent capables de réfléchir par eux-mêmes. D’abord +heureux de travailler pour les humains, ils finissent par prendre conscience de +leur état et décident de se rebeller contre les humains. Puisque cela peut +potentiellement provoquer leur propre extinction [28], ils changent de +perspective et décident de sauver l’avenir de l’humanité. Le texte gagne +rapidement en notoriété et est traduit dans plus de trente langues à la fin du +1923 [27]. Le terme « robot » [29] est désormais employé pour désigner des +androïdes et des automates ("robota" signifiant « travail forcé » en tchèque). +Le nom du créateur des robots - Rossum [30] - pourrait renvoyer au mot tchèque « +rozum » signifiant « raison », « sagesse » ou "bon sens" [31]. Dans cette +interprétation, les créatures de Capek correspondaient à des « serfs apportent +la raison aux humains ». Aujourd’hui seulement le terme « robot » [32], [26] +désigne ce que nous appelons des machines programmables autonomes. Leurs +applications se sont diversifiées[33], [34] (impactant des domaines comme la +médecine, l’aéronautique, le militaire) et notre interaction avec les robots et +leur impact à long terme sur nos vies [4] est en pleine expansion [35]. R.U.R. a +été diffusé dans le monde entier et a conduit à différentes réactions parmi ses +spectateurs. Au Japon, le spectacle a été présenté en 1924 sous le titre de « +Jinzo Ningen » (Homme Artificiel)[36]. Quatre ans plus tard, Makoto Nishimura- +un biologiste marin sans aucune connaissance préalable en mécanique ni en +ingénierie - a décidé de construire de toutes pièces une créature autonome +équivalente, qu’il a nommée « Gakutensoku » . Ce terme traduit par « apprendre +des règles de nature » vient en réponse aux médias de l’époque où les machines +sont dépeintes comme des "serviteurs" des humains. Ainsi naît le premier robot +fabriqué au Japon, selon son créateur "le premier membre d’une nouvelle espèce, +dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine en +élargissant nos horizons intellectuels » [37]. A partir de ce premier exemple, +c’est intéressant d’imaginer comment les robots pourraient devenir un jour une +race à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de “conscience +artificielle”. Cette thèse traite des exemples qui apportent les “pour” et les +“contre” d’une telle projection, avec l’art comme terrain idéal +d’expérimentations. + + +3.3.2 L’Art Robotique du début de XXème siècle à nos jours Avant les années 2000 +Au début du 20ème siècle, les artistes se sont intéressés à la cinétique et les +sculptures en mouvement. Après les machines de Jean Tinguely [26] et de Marcel +Duchamps, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’oeuvre Robot K-456 (1964) - +probablement le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique. +Son nom vient de l’œuvre de Mozart “Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si +bémol majeur ”, témoignant des liens entre la musique et la robotique. Ce +prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par +Shuya Abe [55] pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New +York. Lors de son apparition publique, le robot K-456 a marché dans les rues de +New York pour diffuser l’enregistrement du discours du président John F. +Kennedy. Il a également été impliqué dans une série d’actions type happenings, +comme celle dans laquelle il fait semblant de déféquer devant des passants. Plus +tard, dévenu célebre par à son utilisation de la vidéo et des médias de +l’époque, Paik crée une oeuvre où Merce Cunningham est dedoublé en train de +dancer sur des fonds de couleur qui alternent entre bleu, blanc et transparent. +Cette œuvre intitulée Merce by Merce by Paik (1973) confirme les intuitions de +l’artiste quant à l’impact des moyens technologiques sur la perception humaine. +Ainsi il nous fait perdre le focus de la perception du mouvement dansé, en +jouant avec l’environnement qui contient le danseur (citer Stamatia). Le projet +K-456 reste toujours en cours et vingt ans plus tard, le robot prend part à une +simulation d’accident intitulée « La première catastrophe du 21e siècle ». Cette +fois une voiture conduite par l’artiste Bill Anastasi [56] lui rentre dedans en +traversant la route. Dans ce premier exemple, nous soulignons l’intention de +l’artiste de provoquer des interactions physiques et de donner l’illusion des +processus physiologiques propres au robot, similaire au Canard de Vaucanson. Les +spectateurs de cette performance assistent à une rencontre entre deux machines +où un robot actionné par un humain (la voiture) heurte un autre. Leur rencontre +conduit à la destruction du premier, projetant, sans probablement vouloir, une +relation de confrontation entre les humains et les robots, avec des robots qui +combattent pour dominer la race humaine. Ce scénario menaçant des robots +destructifs a été réitéré tout au long des années suivantes. Lors des +représentations données par Survival Research Laboratories, des machines souvent +à grande échelle rivalisent pour s’entre-détruire [26], [57]. A la même époque, +les artistes Bill Vorn et Louis Philippe Demers dépeignaient les robots comme +des animaux sauvages se contestant un cube de métal (qui représente un morceau +de viande) dans « Au bord du chaos » (1995). Dans sa performance "A- positif » +(1997) [58] Eduardo Kak est littéralement connecté à un robot, à travers une +aiguille intraveineuse qui transfuse son propre sang à la machine, afin +d’allumer avec l’oxygène du liquide[28] la flamme d’un dispositif électronique. +L’acte pourrait être interprété comme une métaphore pour alimenter la machine, +la nourrir. Cela peut aussi signifier une tentative de le rendre humain, voir +comment sa réalité physique peut ou pas transgresser les lois biologiques du +vivant. Cette association de sang et de métal, du vivant et de l’artificiel, à +son l’origine dans la littérature du début de 19e siècle alors que des écrivains +comme Mary Shelley, préconisent ce que les chercheurs ont depuis identifié comme +le « syndrome de Frankenstein » [8], [59]. En analysant les facteurs [10] qui +influencent l’acceptation des robots humanoïdes, les chercheurs travaillent pour +mieux expliquer nos attentes envers ceux-ci. De façon similaire, plusieurs films +[11], [60] mettent en scène des humains artificiels et des études sociologiques +[61], [62] pour examiner comment l’attitude envers ces robots est influencée par +leur antériorité et popularité dans le média. Bien que certains artistes +expulsent des pulsions morbides dans leurs projets d’art robotique, d’autres se +concentrent sur des émotions moins destructrices. Une approche originale est +d’utiliser l’ennui et l’épuisement comme forme de résistance face aux capacités +infinies de la machine. L’œuvre “Helpless Robot" de Norman White (1987) [63] est +un exemple. Après presque un décennie des recherches, il developpe des robots +capables de ce qu’il définit comme de "la santé mentale artificielle" et dans +une certaine mesure des « robots antisociaux » [28]. Avec le sentiment de +l’ennui comme point de départ, il a créé un robot qui suivait les gens présents +à sa performance. Ce robot soupirait de temps en temps et s’arrêtait lorsque +quelqu’un lui donnait trop d’instructions. La prochaine version est un tronc +pyramidal d’environ 2m de haut, conscient de son propre mouvement et du +mouvement autour de lui. Ce robot s’arrêtait puis demandait aux visiteurs de le +tourner, étant capable d’exprimer pas moins de 512 instructions vocales [26]. +Après qu’un humain répondait à sa requête, il se plaignait en disant que le +virage devrait être plus précis, obligeant le visiteur à le retoucher, afin +d’ajuster son emplacement encore et encore. Il est important de noter que +l’interaction physique entre le robot et l’utilisateur est initiée dans ce cas +par le robot. D’autres expérimentations artistiques, comme par exemple « Heart +Robot » de David McGoran (2008) décrit dans les pages suivantes, s’appuient sur +un constat similaire. Les robots qui demandent de l’aide à des humains [64], +ont plus de chances d’engager un contact physique avec eux et peut-être d’être « +acceptés » dans la société. Plus tard, Norman White participe à une +collaboration avec sa collègue artiste Laura Kikuka. L’œuvre, intitulée Them +fucking robots » (1988) [63], met en place une performance live où deux robots +-mâle et femelle- simulent une relation sexuelle avec des voix enregistrées, des +pistons et des fluides mécaniques pour caricaturer une forme de copulation +biologique. Les deux artistes se sont mis d’accord sur leurs artefactes sans se +voir et n’ont convenu en amont que sur certaines spécifications techniques 10 +comme la dimension de leur robots. Je note ici l’utilisation du thème de la +sexualité comme prétexte pour provoquer et éventuellement amuser le public. Les +robots n’exprimant ni des traits humains érotiques, ni de la séduction. Le titre +de la performance est proche d’un "jeu de mots dénonçant un cri de sectarisme +contre une minorité déjà détestée» [28]. Même type de promiscuité chez Marcel Li +Antunez Roca dont le premier travail intitulé « Epizoo »(1994), met en scène +l’interprète qui à la discrétion des spectateurs son propre corps. Ainsi son +nez, ses fesses, ses pectoraux, sa bouche ou ses oreilles sont contrôlés en live +sur le plateau, via un exosquelette pneumatique. Vêtue uniquement d’un string, +Roca se tient debout sur la plateforme circulaire tournante de sa performance, +tel un cobaye. Pendant ce temps son corps et ainsi les quelques éléments +scéniques (lumière, son) sont contrôlés avec une souris par les spectateurs. De +même, en utilisant les écrans d’ordinateurs, des parties de son corps nu +seraient rassemblées dans une imagerie fétichiste. Cela conduit finalement au +développement d’un des concepts clés de Roca - "la méta-membrane [65] » par +laquelle l’artiste est transformé en une interface entre l’œuvre d’art et son +public, grace à la technologie. Membres d’une scène artistique émergente qui +veut couper les traditions, afin d’y établir un nouveau courant, Antunez Roca et +Kac résument leurs idées dans un manifeste [66] où ils déclarent entre autres +que "les microprocesseurs sont aussi importants dans l’art robotique que les +brosses, peinture, et les toiles sont en peinture ». Faisant référence à ces +projets artistiques, Dixon emploie les termes de "camp art" et de "performances +métalliques" pour définir une sub-catégorie de l’Art Robotique spécifique des +années 80 et 90, où la chair et la mécanique se mélangent dans des associations +kitsch. Ces œuvres d’art provocatrices et parfois violentes soutiennent que +"l’humanisation des machines et la déshumanisation des humains » sont +implacables, avant de prôner un retour à la nature salvatrice [28]. C’est +important de noter qu’à ce stade de l’expérimentation, la fascination humaine +pour la technologie est étroitement liée à un sentiment indéfini d’impuissance +traduit par la moquerie, la promiscuité ou la violence. Une tentative de +transformer ces « peurs et fascinations» [28] en quelque chose de plus +métaphysique, mais toujours soucieux de la rencontre entre le corps humain et la +machine, l’œuvre “Petit Mal »(1995) de Simon Penny met en scène un robot +complètement autonome. Ce robot va sentir et explorer son espace tout en +suscitant des réactions ludiques chez les visiteurs [67]. L’objectif de Penny +est de donner l’impression d’une intelligence et d’un comportement spécifiques +qui ne sont ni anthropomorphes ni zoomorphes, mais « propre à sa forme physique +et nature électronique » [44]. Cela donnait aussi l’impression d’être plus +intelligent qu’il ne l’était en réalité. L’artiste a créé un robot capable +d’imiter le comportement humain, soulignant l’importance de ce qu’il définit +comme "un mimesis dynamique" - le robot se déplaçant comme les humains, sans +avoir réellement une forme humaine. Sur son site, Penny décrit “Petit Mal" comme +un "anti- robot »dotée d’une autonomie d’environ 12 heures, ce qui représente +beaucoup compte tenu de l’époque de sa construction. Pour le construire, +l’artiste utilise le modèle d’un double pendule comme générateur de mouvement +auquel il rajoute des mouvements hésitants et des petits gestes pour renforcer +l’idée d’autonomie et de libre arbitre. Penny remarque également que parmi tous +les utilisateurs, les jeunes enfants seraient extrêmement curieux de le +connaître, tandis que les adolescents agissent de façon indifférente [67]. Dans +une autre approche, l’artiste japonais Momoyo Torimitsu performe « Miyata Jiro » +(1997) dans les rues de New York [68]. Habillée en infirmière, l’artiste assiste +un robot humain réaliste représentant un d’homme d’affaires. Ce qui choque les +passants est que le robot rampe sur son ventre tandis que l’infirmière le suit +pour remplacer de temps en temps les batteries qui l’alimentent - pour +l’anecdote des batteries de motocyclette stockées dans les fesses du robot. Ce +robot basique a un mécanisme de déplacement assez simple mais à cause de son +apparence réaliste, provoque un sentiment de mal à l’aise en sa présence [69]. +Encore une fois, l’interaction physique robot-performer est facilitée par la +mise en scène du robot dans une position de vulnérabilité par rapport à +l’humain. Cette fois le message artistique s’adresse aux humains, qui par leur +addiction au travail, “s’automatisent”. Pareil aux exemples de "Robot K-456" ou +"Petit Mal", je souligne la présence du robot dans les rues, dans l’espace +public, à la place des musées (où le robot serait davantage contemplé) ou du +laboratoire (où le robot serait un simple outil de recherche pour des tâches +industrielles). Des champs comme la "robotique située" [70] se concentrent sur +la façon dont les robots sont perçues dans des environnements complexes. En +comparaison avec un laboratoire, la personne qui interagit avec le robot dans +une école ou un hôpital ne remarquera pas ses limites techniques, étant plus +préoccupée par les indices de son comportement social. + + +Première décennie du XXIe siècle Autour de la première décennie du 21e siècle, +des chercheurs avancent l’hypothèse qu’environ 55% de la communication humaine +est basée sur du comportement non-verbal [71]. Bientôt, les artistes deviennent +intéressés par les robots et les machines qui "s’expriment" à travers des +mouvements et des gestes à la place des signaux sonores. Comme mentionné +précédemment, "Heart Robot" (2008) marque une transition dans la façon dont les +robots sont présentés dans l’espace publique. Cette fois, les machines bruyantes +et métalliques sont remplacées par une petite marionnette hybride capable de +toucher et être touchée. Marionnettiste lui-même ainsi que roboticien, Goran met +au défi la perception culturelle des robots grace aux émotions artificielles et +à l’intelligence sociale. Son robot ne peut pas marcher mais présente une forme +de respiration simulée, du pouls avec un affichage LED type "cœur" sur sa +poitrine et des clignotements. Ses yeux fonctionnent en quatre modes : endormi, +somnolent, éveillé et surpris. Ses mains ont trois doigts et un pouce pour +saisir d’ autres mains. Somme toute, cette créature assez fragile, de la taille +d’un enfant, s’oppose à l’image des robots puissants de la littérature de +Science Fiction. Il simule la respiration pour exprimer un état émotionnel +détendu. Les résultats de [20] montrent comment dans une certaine mesure, la +mise en œuvre des capacités de toucher dans les interactions avec les robots a +un potentiel thérapeutique sur les humains. Goran a présenté "Heart Robot » lors +de foires et d’événements culturels non liés à la robotique. La plupart des +utilisateurs adultes qui l’ont touche ou tenu dans leurs bras ont ressenti un +certain sentiment d’empathie [72] pour lui. Cependant, certains enfants et +adolescents ont manifesté des réactions agressives et un enfant a donné un coup +de poing au robot en face, pour voir comment il réagirait [64]. Cet exemple, +plutôt une exception dans l’accueil du "Heart Robot", prouve que la fascination +des humains pour les robots pourrait être enracinée dans un sentiment ambivalent +de peur et d’admiration généré par nos propres limites et projections en tant +qu’espèce, face à une potentielle autre. Pour revenir au robot Gakutensoku créé +par Nishimura, il est important de se rappeler que cela dépend surtout de nous, +humains, si les robots réfutent nos peurs les plus profondes, ou simplement les +confirment. J’ai mentionné la peur et l’effet d’étrangeté [69] que la présence +des robots peut avoir sur nous. J’aimerais donc par la suite analyser le travail +de Hiroshi Ishiguro avec l’œuvre "Telenoid R1" (2010). Professeur d’université +et chercheur sur des robots humanoïdes hyper-réalistes, il est le créateur de +"Geminoid HI" (2006)15- un androïde copie identique de lui-même [73]. L’objectif +de la recherche d’Ishiguro est d’enseigner l’expérience humaine aux androïdes. +Par ce projet présenté lors du Festival Ars Electronica, il a conçu un robot +téléopéré de petite taille, sans membres et qui pouvait manifester son +engagement qu’à travers des mimiques et du retour vocal. En comparaison avec « +Heart Robot" il a provoqué des réactions distinctes. Puisqu’il était piloté par +un opérateur humain, ce robot a été capable de passer d’une langue à l’autre +très rapidement, donnant l’impression d’être un "fantôme dans la machine" - +concept expliqué dans [74] comme indépendant de la machine elle-même (plutôt un +produit de l’influence des machines sur l’environnement). Cela peut aussi +rappeler en quelque sorte des robots de proximité de Demers [46] et de son +intention de rendre crédibles des agents peu crédibles. Plus probablement les +démonstrations d’élocution ou d’adaptabilité des robots motivent peu les +interactions physiques des spectateurs. La peur de l’humain d’être contrôlé par +un robot surpuissant augmente au fur et à mesure que le robot exprime plus +d’agence et d’autonomie. Cependant dans un étude avec des personnes âgées [75], +des chercheurs de l’équipe d’Ishiguro ont remarqué qu’en étreignant spontanément +Telenoid R1, les humains éprouvent de la sympathie pour lui. Toujours selon +l’article, cela peut éventuellement s’expliquer par le fait que les personnes +âgées ignorent le sens du concept de robot télé-opéré. De façon similaire, +d’autres robots d’Ishiguro ont participé à des projets de théâtre lors des +collaborations avec le metteur en scène Oriza Hirata [76]. Sur scène l’accent +est mis sur l’intrigue narrative donc les robots jouent leur propre rôle [77] et +ils sont « acceptés » dans leur singularité. L’effet d’étrangeté diminue par +conséquence. + + + +Pour aller plus loin sur ces considérations, le chercheur Guy Hoffman introduit +le concept "d’étrangeté sociale" [78] en relation avec les robots sociaux et +leur compagnie. Selon lui, les robots de compagnie peuvent déclencher des +troubles psychologiques importants, selon la fragilité et le profil émotionnel +des usagers. Dans ce contexte, les conventions scéniques peuvent devenir +l’environnement approprié pour que l’intelligence des robots exerce sans +contraintes sa spécificité. + +Parmi les formes performatives, la danse est celle qui exige beaucoup de contact +physique. Nous avons vu plus haut comment les paradigmes liés à la +représentation du corps en mouvement impactent les nouvelles créations +scéniques. A la fin des années 1960, des chorégraphes comme Deborah Hay, Steve +Paxton ou Lucinda Childs ont collaboré avec les experts en informatique des Bell +Labs, pour danser avec des machines pendant les événements E.A.T. (Expériences +en art et technologie). Presque à la même époque, Merce Cunningham utilisait +l’ordinateur pour créer des outils chorégraphiques [79] qui génèrent des +mouvements artificiels. Plus récemment, avec le développement des robots +industriels, les chorégraphes ont commencé à les inviter sur scène. Cela a +motivé les chercheurs à améliorer encore plus leur mouvement et capacités [80] +d’adaptation. Parmi les pionniers des projets de la danse robotique, j’aimerais +mentionner deux artistes qui ont choisi de mettre des machines +non-anthropomorphes sur scène. Le premier est la performance « Sans objet » +(2009) d’Aurélien Bory, où deux danseurs impressionnants par leur précision, +exécutent des acrobaties sur un bras industriel de General Motors [83]. Face à +la taille du robot, ils ressembleraient à des insectes qui sautaient sur une +branche d’arbre. A l’opposé la série « Actor # » (2008-2010) de Kris Verdonk +[81], [82] présente le spectacle « Dancer #3 » où la scène est vide, à +l’exception d’un petit robot maladroit qui a du mal à se tenir débout. Chaque +fois il retombe, sans jamais céder à son objectif, endurant inlassablement ce +processus d’essais et d’erreurs. Comme la séquence se répète, des bips sonores +choisis par Verdonk donnent l’impression d’une voix avec des soupirs de la part +du robot. Les spectateurs projettent une attitude empathique envers lui, comme +ils le font probablement avec les danseurs de Bory- bien que ceux-ci se mettent +en danger pour escalader le bras robotique. Certaines questions importantes +autour de l’automatisme et de l’autonomie émergent de ces deux exemples. Que se +passerait-il si le petit robot « abandonne » ses essais ? Ou si le robot géant « +décidait de secouer les humains qui pendent dessus ? Pourquoi le manque de +maîtrise du deuxième robot impressionne tout autant que la précision des +danseurs du premier exemple? Probablement parce-qu’un corps non-humain en +mouvement + +La persévérance d’un robot dans sa maladresse ou sa précision et endurance +élevées (qui sont évidemment des comportements pré-programmés ) sont à l’opposé +d’une figure humaine imparfaite qui vacille dans son indécision et incertitude. + + +Fascinées par la haute précision et la « froideur automatique » des robots +industriels, des chorégraphes émergents comme le Finlandais Thomas Freundlich, +la Britannique Merritt Moore ou l’Américaine Catie Cuan continuent de défier +leur potentiel créatif sur scène. Parmi d’autres, le travail du chorégraphe +taïwanais Huang Li, intitulé « Huang Yi & KUKA” impressionne par sa délicatesse +et sa puissance. Le l’artiste a mis plusieurs années à s’habituer à la +programmation d’un bras KUKA par lui-même [84]. La performance qu’il propose a +eu plusieurs versions depuis 2012, une seule minute de chorégraphie du robot +nécessitant 10 à 20 heures de programmation. Sur une musique classique de Joshua +Roman, l’homme et la machine interchangent des rôles. À la fois, le robot +manipule complètement le corps de l’interprète, en le touchant tendrement. La +fluidité de ses mouvements illustre les progrès réalisés par l’industrie +robotique des dernières années. Encore une fois, il paraît que les machines +peuvent exprimer tout leur potentiel sur scène, là où la rencontre avec les +humains est libérée du contexte productif de l’industrie. Pour souligner cette +observation, je m’appuie sur le commentaire de Bory concernant son propre +travail, pour qui « un robot industriel hors de son contexte devient aussi +inutile comme tout geste artistique devrait l’être » citer Bory. Ceci est +valable dans d’autres disciplines artistiques, par exemple en musique. Pour +appuyer cela je mentionne « Shimon live impro jazz performance » (2009) de Guy +Hoffman. Ici la machine est extraite de son contexte industriel et conçue +exclusivement pour un jam d’improvisation jazz. Shimon est un robot-joueur de +marimba capable d’improviser, conçu par Hoffman qui est lui-même musicien. Le +chercheur a utilisé une approche gestuelle pour son expression musicale, avec +des alternances entre des mouvements lents et rapides, des gestes grands et +petits pour travailler sa virtuosité. Comme dans la danse, chaque geste est +divisé en plusieurs phases qui se succèdent [85]. Pour modéliser les imprévus du +temps réel et faciliter des moments synchronisés non scénarisés lorsqu’ils +jouent ensemble, Hofmann a utilisé une méthode d’anticipation spécifique au +théâtre. Pour lui, les roboticiens devraient s’en inspirer plus par des +techniques de formation d’acteurs comme le « monologue intérieur continuel » +lors de la conception des robots capables de comportements reactifs[86]. En +travaillant avec des systèmes robotiques orientés vers l’action et la +perception, Hoffman a obtenu des mouvements rapides plus adaptés - son but étant +d’atteindre quelque chose proche de la "réactivité intuitive" d’un robot. Dans +une approche connexe, l’Université Waseda conçoit également des robots qui +improvisent de la musique en temps réel avec des partenaires humains. L’une de +leurs premières expériences d’improvisation est le “Waseda Flutist Robot” +(2008), un prototype ayant subi plusieurs améliorations depuis les années 1990 +[87], probablement version raffinée de l’Automate de Vaucanson du 18éme siècle. +Cependant la musique n’implique pas un contact physique entre interprètes, mis à +part un contact étroit avec les instruments de musique. Néanmoins le niveau de +complicité lors d’une improvisation musicale est suffisamment élevé pour établir +quelque chose semblable à une interaction physique, puisque le robot et l’humain +ont un statut égal lors d’une improvisation. Cette parité pourrait également +être maintenue et peut-être améliorée pour l’improvisation dansée, lorsque les +mouvements des robots ont une qualité de réponse similaire à celle des +danseurs. Au début des années 2000, le compositeur Japonais Suguru Goto a +construit des systèmes où les gestes des robots peuvent modifier en temps réel +le processus scénique[88]. Son prototype « Body Suit », créé par Patrice Pierrot +en 1997, a été initialement utilisé pour contrôler le son et les images générés +par un ordinateur sur scène. En 2003, son prochain projet « Robotic Music » +associant 5 robots à percussion, permet à un interprète doté d’un « Body Suit » +d’improviser en live via 12 capteurs de flexion, avec les percussions +acoustiques « robotisées », du son et de la lumière. Semblable à une musique +d’improvisation électroacoustique qui offre une grande liberté d’expression, le +comportement des robots ainsi que leur interactivité avec les autres partenaires +de scène stimulent l’imagerie artistique des spectateurs. La panorama des +possibilités d’expression artistique des robots continue avec un projet de +recherche de l’Université du Tohoku [89]–[91] qui développe des robots qui +dansent. Leur l’hypothèse principale est qu’en « comprenant » et en anticipant +les intentions humaines, un robot peut s’engager plus activement dans +l’interaction avec un humain. Pour faciliter une synchronisation du couple, +leurs études se concentrant sur la qualité des mouvements corporels [92] +soulignent l’importance d’ une analyse poussée des capteurs de mouvement +(MoCap). Une autre étude plus récente[93] utilise un robot enseignant la danse, +pour évaluer les compétences nécessaires lors des processus d’apprentissage HRI, +basées sur le contrôle de l’impédance adaptative et le retour haptique. Le robot +effectue un mouvement continu d’adaptation à la dynamique de l’interaction, +tandis que l’humain assume le rôle de suiveur. Dans ce contexte particulier, est +le mouvement une clé pour l’acceptation des robots dans les œuvres d’art en tant +que catégorie à part, spécifique à leur propre fonctionnement - ni propre aux +humain, ni propre à des objets, mais quelque chose entre les deux? Je continue +cette exploration d’Art Robotique avec deux artistes qui ont influencé la +recherche scientifique à travers leur pratique tout au long de leur vie. Tous +les deux ont imaginé des installations et des performances où les dispositifs +automatisés questionnent la capacité des robots à transgresser les +problématiques inter-espèces et éventuellement acquérir de «l’individualité» ou +une personnalité propre. Commençons tout d’abord avec Stelarc et son « +Articulated Head » (2010), devenu ensuite « Thinking Head Attention Model and +Behavior System » ou THAMBS [94]. Comparé au Bory, Stelarc a adapté +l’utilisation d’un bras robotique industriel Fanuc LR Mate 200ic avec un écran +de 17 pouces monté sur le robot pour créer un rendu 3D de sa tête, devenue tête +prothétique. Le système contient également un ensemble de capteurs comprenant de +la localisation auditive, de la vision stéréo ainsi qu’une vision monoculaire +pour faciliter une connaissance détaillée de la situation et de son +environnement. Cette forme de présence qui simule une prise de conscience, +confrontée au paradoxe «ghost in the shell» des robots d’Ishiguro, s’échappe de +peu aux critères de la vallée de l’étrangeté, puisqu’il s’agit d’une machine peu +réaliste, presque non-anthropomorphe et donc pas d’un humanoïde réaliste. Ceci +dit, dans [95] Hertah mentionne comment le robot a surpris (pour ne pas dire +effrayé) le personnel du laboratoire où ils travaillaient, en pleine nuit. Entré +en mode veille en raison de son inactivité, le robot a rapidement réagi dans le +noir, lancant un "Bonjour" enthousiaste à un employé qui effectuait son ronde de +nuit. Alors que l’interaction homme-robot s’est produite de façon accidentelle, +la réaction du gardien a été d’avoir peur, prouvant une fois de plus que les +humains craignent les robots quand ils sont imprévisibles. Dans une autre étude +portant sur le rôle du toucher dans les constructions empathiques avec les +robots et leur impact sur la santé [96], des chercheurs ont associé à un +moniteur affichant un visage humain, un dispositif doté de deux degrés de +liberté simulant une main capable de pression. L’ensemble avait certaines +limitations techniques, car les participants devaient tenir la main du robot en +continu pendant les essais. Différents scénarios d’interaction ont été proposés +pour analyser si le toucher combiné avec la parole ou les expressions faciales, +peuvent améliorer la relation avec un agent artificiel. Il a été conclu que le +toucher peut entraîner une interaction robotique réconfortante et emphatique, +quel que soit le contexte des signaux multimodaux qui expriment un état +d’affection. En ce qui concerne les critères qui relèvent de l’étrangeté sociale +mentionnés plus haut, je remarque un détail intéressant. La littérature [97] +offre de riches possibilités d’ expression dans le HRI. Cependant Stelarc a +toujours vu son « corps comme un prolongement des systèmes opérationnels». En +utilisant des prothèses et des exosquelettes qui actionnent ses mouvements, il +s’estompe face à la technologie. Dans ses œuvres, c’est l’humain (et non le +robot) qui devient étrange. Presque dans une approche contre-culturelle, Stelarc +a réussi à inverser le rapport à la technologie en l’intégrant dans son corps +[26], [98] à travers des dispositifs très originaux, comme son troisième bras ou +les pattes d’araignée. Le travail de Ken Rinaldo, artiste et chercheur intéressé +par l’hybridation homme-machine (ce qu’on appelle aujourd’hui bionique avancée) +apparaît dans la meme lignée. Son installation robotique « Enteric Consciousness +» (2010) est un exemple de biotechnologie, dont les principes sont similaires +aux celles des projets d’Eduardo Kac [28]. Dès 1993 l’artiste crée une +installation pour que des vrais poissons explorent l’environnement humain en +pilotant un aquarium automatisé [26] -sorte d’un robot piloté par des poissons. +Semblable à la performance "A-Positive" de Kac mentionnée auparavant, Rinaldo +est un pionnier dans le domaine de la biotechnologie. Dans sa contribution +intitulée : « Trans-Species Interfaces : A Manifesto for Symbiogenesis » [99], +is décrit son dernier travail comme une interface entre un récipient en verre +symbolisant un estomac rempli avec des cultures bactériennes vivantes et une +langue robotique de taille humaine capable de masser l’utilisateur lorsque la +flore bactérienne est en bonne santé. En utilisant des analogies entre le doigt +(comme extension du cerveau humain) et la langue (en tant que prolongement du +système nerveux entérique), Rinaldo propose une expérience corporelle +synesthésique. Son dispositif n’est pas un robot en soi, mais plutôt un +environnement robotique pour faciliter l’interactivité entre l’homme et les +machines, par l’intermédiaire du contact physique. La spécificité de chacun de +ces exemples est qu’ils défient le concept d’anthropomorphisme [100], [101] chez +les robots. Probablement ces deux artistes ont voulu créer des prototypes pour +des nouveaux espaces robotiques propres à la création artistique. Profitant de +ce contexte innovant, j’aimerais avancer la projection anthropologique suivante. +Pour une grande majorité des humains, les robots sont, du moins actuellement, +hors de portée. Ils pourraient les rencontrer dans les médias ou lors d’un +événement spécifique, mais pas interagir directement avec eux dans un contexte +privé. Ainsi, les robots peuvent apparaître comme différents (au sens « d’un +nature inconnue ») par rapport aux autres humains, des animaux domestiques ou +des dispositifs automatisés que nous connaissons dans notre vie courante. Autant +les imaginer descendants d’animaux sauvages, par leur rareté et leur +comportement peu connu. En supposant maintenant que l’interaction physique entre +les humains et les animaux sauvages a principalement été provoquée par les +premiers (puisque les animaux domestiques ont été inoculés la nécessité +d’interagir avec les humains pour survivre), comment un robot (ou système +robotique) qui a trouvé sa propre spécificité et son capacité d’agir, +interagissait avec nous? Le craindrons-nous, comme nous continuons à craindre +les animaux sauvages que nous n’avons pas réussi à apprivoiser ? Dans [20], les +chercheurs ont conçu un outil appelé ‘The Haptic Créature", pour étudier les +effets affectifs du toucher en HRI. Équipé d’un actionneur et des divers +capteurs de pression, température et vibrations, ce robot explore le potentiel +thérapeutique du toucher, partageant certaines caractéristiques animales comme +moyen d’exprimer un comportement affectif. + + +Ces dernières années + +L’histoire est cyclique et nous avons vu par le passé que des archétypes et des +leitmotivs se recyclent dans l’imaginaire collectif. Igor Stravinsky a composé +"Le Sacre du Printemps, l’une des œuvres musicales les plus influentes du 20ème +siècle. Cent ans après la première houleuse du ballet de Diaghilev, le +réalisateur Italien Roméo Castelucci reçoit une commande pour adapter +l’original. La performance « Le sacre du printemps » (2014) confirme le début +d’une nouvelle tendance dans le milieu de la performance artistique, coupant net +avec les pratiques traditionnelles et installant une esthétique de la « +disparition » sur scène [104]. Paradoxalement, le public présent lors de cette +première n’a pas été contrarié quand les robots ont pris le contrôle d’une scène +vide. Cela n’était pas la première fois dans un contexte artistique. Des +nombreux artistes ont déjà envisagé l’idée de remplacer l’humain avec des robots +sur scène, l’un d’entre eux il y a déjà cent ans [105]. Penny’s "Petit Mal" ou +Verdonk’s robot maladroit entre autres, sont des exemples plus récents de robots +agissant seuls sur un plateau. La différence réside ici dans le fait que les +robots remplacent les interprètes, ils ne jouent pas leur propre « rôle », comme +nous l’avons vu dans la section précédente. Dans une scénographie apocalyptique +sans humains sur scène, des os de vache devenus poudre pour les engrais, +pourraient symboliser un avenir lointain sans des danseurs réels. Les bras +robotiques et les machines suspendus au plafond, répandent cette poudre au +rythme de la musique de Stravinsky diffusée sur les haut-parleurs. La +technologie facilite l’invention d’un nouveau langage artistique, tandis que la +mythologie humaine est modifiée pour correspondre à de nouveaux défis. Les +spectateurs assimilent ces codes avec moins d’étonnement qu’il y a soixante ans. +Habitués à « côtoyer » les robots, pour citer Laumond, ils sympathisent avec +leur "faire", tout en assister à la représentation. De même, dans le spectacle « +Nobody is an island » (2021), le chorégraphe Wayne McGregor défie le potentiel +d’empathie d’une machine en mettant en place un écosystème hybride entre deux +performeurs et une sculpture automatisée créée par le groupe Random +International. La dynamique de cette rencontre tourne autour des possibilités +d’expression de la machine qui est capable d’identifier la présence humaine et +de réagir. Son design métallique pointu n’invite pas nécessairement à +l’interaction, cependant à travers ses mouvements et ses gestes doux, les +interprètes sont capables de s’approcher d’elle de manière « affectueuse ». Un +autre type de déconstruction des codes dans l’installation « Female Figure » +(2014) de Jordan Wolfsen. L’artiste a conçu une femme-robot qui exécute une +danse lubrique devant un miroir, tandis qu’elle est attaché à une tige +horizontale perçant son torse. Son apparence est similaire à un sex-toy [44] +avec les yeux couverts par un masque de sorcière, provoquant des sentiments +mêlés de désir et de répulsion chez les spectateurs. Fixant les visiteurs et se +regardant dansant, ce robot remet en cause le concept de « prise de conscience +de la prise de conscience » [106] – en abordant des questions sur l’émancipation +féminine du « regard masculin » et sur la manière dont la sexualité est abordée +dans notre société de consommation [107]. Pour aller plus loin sur cette +question d’apparence, des visiteurs de Disney’s Animal Kingdom sont déçus parce +que les vrais animaux ne sont pas aussi réalistes que les versions +animatroniques vues dans Disney World [9], [108]. Je me demande alors si +l’exposition excessive à des silhouettes hyper-sexualisées pourrait altérer la +vision des humains de la sexualité et de la séduction d’une manière analogique? +Trente ans plus tôt, White et Kikuka, entre autres, ont exploré la sexualité +d’une façon parodique. Mais est-ce que leur façon de considérer la sexualité a +été spécifique à leur époque? J’aimerais croire que cela a été spécifique aux +limites technologiques auxquelles ils étaient confrontés. De nos jours, puisque +l’industrie pornographique a accéléré le développement des robots et dispositifs +animatroniques sexualisés réalistes [109] [110], les artistes ont également +commencé à considérer ces robots hors de leur contexte. Pour questionner la +notion de sexualité à travers une œuvre, les spectateurs sont moins préoccupés +par la sexualité du robot, qu’ils sont avec la sexualité en tant que phénomène +social. Dans cette idée, tout ce qui est créé par nous, musique nosu sommes +humains, finit par remettre en question des aspects humains. Idéalement, l’art +devrait assurer un contexte neutre - où les deux questions anthropocentriques et +technocentriques sont abordées - mais sa réception est biaisée car les +spectateurs d’une œuvre éprouvent leur propre individualité et subjectivité en +l’admirant. En sélectionnant ces œuvres où le contact physique avec les robots +n’était pas privilégié selon les contextes respectifs, il y a toujours les mêmes +questions ontologiques concernant notre relation avec eux qui persistent. + +Comme déjà évoqué, souvent dans les propositions artistiques les plus fortes les +humains engagent un contact physique avec les robots. Par exemple dans la +performance "Sayonara" (2010) l’une des performances de Hiroshi Ishiguro, +Geminoid caresse la joue d’une femme qui pleure. Alors que dans le spectacle « +Spillikin » (2017) du Pipeline Theatre, un androïde tient la main d’une vieille +dame, pour la consoler de la perte de son mari. Le robot, construit par +Engeneering Arts company au Royaume-Uni est un «ancêtre» de l’Ameca Android, +impressionnant par le hyper-réalisme de ses expressions faciales. La même +technologie sera utilisée plus tard pour développer Ai-Da, le premier +robot-artiste au monde. + + + +En analysant ces exemples, le récit autour de l’interaction théâtrale aide à +créer et maintenir un environnement sûr pour les robots. Alors qu’en danse, +comme nous l’avons vu plus haut, les chorégraphes se mettent en danger, se +produisant avec des robots industriels dans des séquences de mouvement +dangereuses. Cette tendance a légèrement changé, lorsque la société française +Aldebaran Robotics a développé un robot de 58cm appelé NAO, facile à programmer +et accessible. Des chorégraphes comme Bianca Li ou Emmanuelle Grangier ont +travaillé avec ce robot d’une manière moins démonstrative. Dans la performance +de Li, "Robot" (2013), l’un des danseurs aide un NAO à se tenir debout, tandis +que d’autres NAO entrent en synchronie avec huit danseurs déguisés en robots. +Quant au travail de Grangier, passionnée par la rencontre avec l’arbitraire, +nous découvrons une apologie des bugs techniques. Dans « Link Human/Robot » +(2015), on peut voir un NAO trébuchant sur une danseuse et plus tard la serrant +dans ses bras. Suivant des questions analogues, le travail « School of Moon » +(2016) du chorégraphe français Eric Minh Cuong Castaing se concentre sur la +manière dont les humains pourraient cohabiter avec des robots. La force de sa +proposition réside dans la double nature de la forme - quelque part entre art +visuel et objet chorégraphique. Coproduit par le Ballet National de Marseille, +il implique la collaboration avec le roboticien Thomas Peyruse qui a configuré +cinq robots NAO et deux Poppy pour les différents étapes du projet- le travail a +été présenté sous divers formats qui ont conduit à des moments performatifs dans +des centres d’art et des écoles. L’artiste a mis en scène des enfants, danseurs +et robots de petite taille avec l’intention de représenter un communauté +post-humaniste où les humains et les robots performent ensemble des rituels +sacrés. L’attention est portée sur la perception et les mouvements lents grâce +au mapping vidéo en direct. Les enfants apparaissent imiter les robots de +manière délicate, suggérant une possible complicité avec eux. À un moment donné, +une fille tenant un faux pistolet le pointe vers un robot. Ce geste ambivalent +illustre à la fois un appel à la destruction mais aussi une forme de résignation +face aux possibilités et capacités infinies de la machine. Un autre projet qui +attire notre attention est « My Square Lady » (2015). Cette production d’opéra +implique un robot Myon dotée d’une forme de conscience proprioceptive et de la +rétroaction sensorimotrice, qui lui permettent d’improviser pendant la +représentation. A travers sa participation dans le spectacle, il nous fait +comprendre assez vite que son principal objectif est de comprendre la musique et +les émotions humaines. Il est amené à exprimer ses limites sur scène, forçant +les interprètes à s’adapter à son comportement. Son processus d’apprentissage +est authentique et se déroule dans des conditions réelles[105]. Hild Manfred, le +chercheur qui a configuré le robot avec ses collègues du Laboratoire de +Recherche en Neurorobotique de l’Université Humboldt de Berlin, est également +présent sur scène pendant le spectacle. Plus tard l’humanoïde modulaire est +démantelé pendant que des chanteurs, des musiciens et des chercheurs passent les +parties de son corps de l’une à l’autre. Ce geste est effectué de manière calme +et douce par rapport aux performances bruyantes vingt ans auparavant. +Probablement la problématique est restée la même depuis soixante ans et nous +projetons toujours inconsciemment de détruire les robots par peur qu’ils nous +détruisent en premier. Néanmoins l’attitude globale envers les robots a +légèrement changé, les humains étant plus résilients sur le plan conscient. De +plus, ce robot capable d’être démonté et réassemblé pendant la performance, +présente des caractéristiques fonctionnelles sur scène, différents du corps +humain et ses limites[11]. Le projet "Scary Beauty » (2018) en première mondiale +au Musée National des Sciences Émergentes et de l’Innovation (Miraikan) au Japon +est un autre exemple de projet d’opéra, impliquant cette fois un chef +d’orchestre androïde. Le projet est né de la collaboration entre le compositeur +Keiichiro Shibuya et l’androïde Alter 2, initialement construit dans le +laboratoire de Hiroshi Ishiburo de l’Université d’Osaka et programmé par +l’équipe de Takashi Ikegami à l’Université de Tokyo. Le robot a une apparence +étrange- mains et visage couverts de silicone, actionneurs à vue, sans sexe ni +âge- et est équipé d’un système pneumatique. Il a été conçu pour s’adapter aux +mouvements délicats propres aux conducteurs d’opéra. Après plusieurs essais, +l’équipe a choisi de se concentrer sur la répétitivité des mouvements de haut en +bas de l’épaule, plutôt que sur les mouvements de ses bras et mains. Résultat +ainsi une performance synchronisée où les musiciens suivant les indications de +l’androïde, jouent différemment d’un concert à l’autre. Pareil aux journaux du +début du XXe siècle qui ont poussé Nishimura à imaginer Gakutensoku, les robots +sont intensivement diffusés dans le média. Leurs technologies deviennent open +source sur les plateformes de développement pour créer des robots conformes qui +peuvent se déplacer et interagir avec une grande précision. Pour cela, les +chercheurs poussent leur inspiration dans les concepts et les découvertes de +différentes disciplines. Que cela est fait pour valoriser l’humain ou relever +des défis scientifiques - les robots sont conçus pour correspondre et peut-être +surpasser les attentes des humains. Si je reviens à la projection +anthropologique proposée auparavant en imaginant le corps modulaire du robot +Myon, je trouve intéressant d’imaginer des designs robotiques qui surprennent +les tendances actuelles. Des artistes nonconventionnels héritiers de la +tradition cyberpunk, comme l’Italien Marco Donnarumma ou la chanteuse +néerlandaise d’origine iranienne Svedaliza, passent leur temps dans des +laboratoires afin de développer leurs propres outils et aborder d’une façon +originelle ces questions. En parallèle, des artistes consacrées continuent à +réfléchir à la place que les robots occupent dans nos vies. Tous s’imaginent les +formes les plus extrêmes et les scénarios les plus paradoxaux de co-habitation +avec les robots. « Inferno »(2015) de Bill Vorn et Louis-Philippe Demers en fait +partie, en mettant en scène le côté sauvage, indompté, de la technologie. Cette +performance d’une soixantaine de minutes s’inspire de la représentation des +différents niveaux de l’enfer décrit dans l’œuvre éponyme de Dante. Trente-six +bénévoles parmi les spectateurs ont la possibilité d’expérimenter les limites de +leur corps, en abandonnant leur contrôle moteur à des dispositifs robotiques +type exo-squelettes pneumatiques qu’ils portent pendant la performance. Par son +esthétique, « Inferno » pourrait être inclus dans la classification « +performances des métaux » [28] que j’ai décrite précédemment. Au-delà de la peur +de perdre le contrôle de son corps, ici l’humain plonge dans les possibilités de +la machine, comme pour éprouver ses propres limites. Lors de cette performance, +les artistes ont observé qu’il y a un moment où les performeurs s’en remettaient +à la machine pour s’engager dans des mouvements exploratoires qui vont au-delà +de la chorégraphie originale [115]. A travers cet exemple, j’observe un autre +changement concernant la complicité entre l’homme et les robots. Nous pouvions +difficilement imaginer la même adhésion du public à l’invitation de Demers et +Vorn, sans passer par les propositions artistiques antérieures. Il fallait que +des artistes comme Marcel Li Antunez Roca testent sur eux-mêmes ces technologies +vingt ans plus tôt, afin de les rendre accessibles aux participants. Puisque les +artistes rêvent au moment où des robots pourraient devenir créatifs, les +roboticiens considèrent également la créativité comme un aspect important de +l’autonomie des robots [52], [116], [117]. En 2019, Ai-Da (le premier robot +humanoïde artiste au monde) a eu une intervention publique pour définir sa +démarche artistique qui utilise la peinture comme moyen d’expression. Même si +Ai-Da a été conçue avec des algorithmes d’IA complexes pour rendre son bras +robotique capable de toucher et de peindre, nous ne pouvons pas parler de sa +spécificité puisque son rôle est d’imiter à la perfection les artistes humains. +Probablement des gens autour d’elle, tout en écoutant son discours comme s’ ils +écoutent le discours de n’importe quel artiste, sont moins intéressés par le +contact physique - comme ils le feraient, par exemple, en touchant Helpless +Robot ou tenant dans leurs bras Heart Robot. De plus, les moments où Ai-Da est +capable de feedback verbal "spontané", sont plutôt maladroits et imprécis. Alors +que le robot déclare qu’il crée de l’art avec d’autres artistes humains, nous +devons garder à l’esprit que dans les exemples précédents où des robots et des +humains co-créant ensemble à travers la musique, les techniques d’improvisation +ont été bien préparés à l’avance. Par conséquent, il pourrait y avoir peu de +place pour la liberté et la spontanéité dans cette quête d’autonomie à travers +la créativité. Dans une tentative originale de répondre à ces questions, une +équipe de scientifiques du Canada ont décidé de mettre en place une expérience +où les humains interagissent seuls avec un robot auto-stoppeur. Ils ont ainsi +conçu HitchBot - un véritable aventurier qui voyage en auto-stop, sans pouvoir +se déplacer mais doté de l’expression orale, de la reconnaissance vocale et des +interactions visuelles limitées. Proche du design de Heart Robot, il n’est pas +assisté par ses développeurs lorsqu’il interagit avec les humains. Pour être +autonome, il repose sur une batterie solaire, de l’ Internet mais aussi des +bonnes intentions des personnes qui le prennent dans leur voiture. Ses +concepteurs n’ont pas contrôlé à distance HitchBot, ils ont seulement vérifié +son itinéraire lors d’un premier voyage de 26 jours au Canada (documenté toutes +les 20 min par une caméra envoyant des photos de son expérience). Suite à une +forte médiatisation du projet, le robot a ensuite participé à des expériences de +voyage en Europe. En 2015, il est même arrivé aux États-Unis mais peu de temps +après a fini par être démantelé [118] et abandonné près d’une autoroute. +Inspirée par cette histoire, la metteuse en scène française Linda Blanchet a +créé en 2019 le spectacle "Killing robots". Le projet aborde des questions +d’éthique concernant les robots, mêlant documentaire et fiction. J’aimerais +souligner le fait que HitchBot ne fait pas partie de la catégorie des robots +capables des effets d’inquiétante étrangeté, puisqu’il n’est pas un robot +hyperréaliste. Il n’avait certainement pas une grande autonomie, ni de l’agence +et, comme dans le cas du projet "Heart Robot", il comptait sur l’empathie +humaine pour compenser sa vulnérabilité -ne pas pouvoir bouger ou faire des +gestes, à moins d’être porté par des humains. C’était une « créature plutôt +vulnérable » qui, dans une certaine mesure, pourrait être comparée au robot +aveugle que Louis Philippe Demers a créé en 2013. Ce robot, fixé à une table, +est composé de deux bras mécaniques montés sur la même base. J’ai délibérément +choisi de clore cet état d’art avec lui, même si sa mise en scène est très +basique. Je suis convaincue de la force de la proposition qui réside dans ce +cadre simple. Dans un espace théâtral peu éclairé, le robot explore délicatement +le visage de la personne assise devant lui. Ce geste est ce que les humains +aveugles sont censés faire lorsqu’ils reconnaissent les personnes ou les objets +autour d’eux [106]. Dans certaines versions de l’installation, un miroir de +taille moyenne (comme dans l’œuvreFemale Figure" de Wolfsen) est placé derrière +le robot - permettant aux visiteurs de s’observer pendant l’interaction. Ainsi, +le milieu artistique garantit un espace sûr pour l’expérimentation. Les +spectateurs finissent par se laisser toucher par le robot. Le différence entre +les expériences de Demers et la triste fin de HitchBot est qu’aucune convention +artistique n’a été établie avec les utilisateurs de HitchBot [119]. Des études +sociales confirment que les gens sont plus susceptibles d’attribuer de la raison +et des états mentaux aux robots, plutôt que des états émotionnels ou des +sentiments [120]. En retournant à nos observations initiales, une fois de plus +le contexte de la scène artistique apparaît comme un environnement sûr et neutre +pour apprendre à connaître les robots. Il y a vingt ans, les roboticiens +imaginaient un processus irréversible concernant notre transformation en +machines [12]. Cependant, certains ont réfuté cette hypothèse, insistant sur le +fait qu’aucun robot ne pourra prendre le contrôle de nos vies, puisque nous +aurions tous déjà muté le moment où les robots auraient atteint la Singularité. +Comme l’art a presque toujours anticipé les transformations dans nos sociétés, +parfois sans même s’en rendre compte, peut-être que des œuvres post-humanistes +sont étroitement liées à cette intuition. Comme dans les spéculations en +robotique, ces œuvres pourraient annoncer un point de non-retour pour nos +perspectives en tant qu’espèces. Au fur et à mesure que les deux disciplines +évoluent, nos croyances en l’avenir changent également. Les lignes deviennent +floues et ce n’est pas très clair où les humains et les robots se rencontreront +en fin d’Anthropocène [36], [102], [103]. Si les robots vont coloniser les +villes actuelles ou hybrider les modèles familiaux posthumains [36], l’art +robotique contemporain pourrait-il concilier la projection fataliste concernant +notre cohabitation avec les machines ou est-ce reflétant simplement un +porte-parole transhumaniste ? Si l’art devait être inutile, alors comment +pourrait-elle éviter le piège de la prédiction de la domination de la +technologie sur l’humanité? Le sujet de l’adversité envers les robots, présent +dans les premiers exemples où les robots étaient manipulés par la force ou la +violence, se dissout lentement dans les prémisses post-humaines d’un monde en +mutation. Quels gestes seraient appropriés dans ce contexte? Devons-nous +concentrer notre attention sur des manières douces d’interagir avec les robots +au lieu de s’amuser à les démonter ? Cela éviterait-il la condition +prédéterminée des humains qui les créent et donc établissent sans vouloir une +relation de concurrence ou de domination avec eux ? + + + + + + + + +IV. DISCUSSION Dans la plupart des exemples de cet état d’art, les humains +considèrent les robots et leurs spécificités avec les critères d’évaluation +spécifiques aux œuvres d’art. Pour résumer notre prémisse initiale, j’ai avancé +l’idée que les robots peuvent être mieux perçus et compris à travers les +représentations artistiques. A. L’analyse des œuvres robotiques citées L’analyse +actuelle couvre des informations sur une quarantaine d’œuvres d’art robotique. +Cette liste n’est certainement pas exhaustive, encore restreinte à des +interactions qui présentent une proximité directe ou proche du contact physique +avec les robots. Qu’il s’agisse d’installations interactives (20%), des études +d’art robotique (12%) ou des performances (68%), ces œuvres traitent des sujets +liés à la société (35 %), au domaine du vivant et à la biologie (9 %) ou un +mélange entre des deux (9 %), ainsi que la musique (12 %), la danse (23 %) ou +une combinaison entre les deux (12 %). Comme vu plus haut, l’apparence est un +facteur important pour facilliter la comprehension de la spécificité des robots. +Les robots ou les dispositifs robotiques déployés sont majoritairement +anthropomorphes (65%) variant d’une majorité des dispositifs de taille humaine +(59 %) à des plus petits (26 %) ou plus grands (15%) que l’échelle humaine. +Suite à la projection anthropologique sur les robots comme animaux sauvages, +dans certains essais scientifiques [121] les répondants décrivent les robots +collaboratifs comme étant similaires aux animaux. L’une des raisons peut etre +l’attribution et l’execution des tâches simples par les robots. D’autres sujets +invoquent l’auto- dépréciation humaine par rapport aux performances du robot +[121] indépendamment de son apparence. Proche des modèles de corporeité humaine +pour les robots, l’anthropomorphisme est compris ici comme une « faculté +d’attribuer des caractéristiques humaines à des objets inanimés, animaux et +autres en vue de nous aider à rationaliser leur actions » [101]. Autrement dit, +en projetant notre interprétation sur les actions des robots, nous leur +délèguons une présence anthropomorphique, quelle que soit leur apparence. Cela +pourrait augmenter l’acceptation des robots dans la société, avec l’aide de +l’art. Comme vu précédemment et également mentionné dans [122], les robots +pourraient déclencher encore plus des réactions empathiques parmi les +spectateurs à travers de la mise en scène, puisqu’ils interprétent les recits +subjectivement et aiment donner des sens cachés aux actions de ce derniers. +D’autre part, le concept de « robot-centered HRI » développé dans [34] met +l’accent sur la vision du robot en tant que créature, "c’est-à-dire, une entité +autonome qui poursuit ses propres objectifs sur la base de ses motivations, ses +pulsions et ses émotions. » De plus, « l’interaction avec les gens lui sert à +répondre à certains de ses « besoins » (tels qu’identifiés par le concepteur du +robot et modélisé par l’architecture de contrôle interne); par exemple, les +besoins sociaux sont satisfaits par l’interaction, même si l’interaction +n’implique aucune tâche particulière ». Intéressant de mentionner comment, selon +une autre étude [8], un robot utilisé dans une œuvre d’art doit également être +présenté comme un dispositif utile pour être mieux accepté dans le monde +occidental. Puisqu’il a été souligné plus haut que le but de l’art est surtout +de créer du sens, il y a peu de place pour des robots utilitaires dans les +travaux sélectionnés - preuve que les robots sont considérés comme autonomes à +travers l’art. De plus, en raison de la perspective interdisciplinaire des +projets d’art robotique, l’auteur est susceptible de traiter sur scène ou dans +d’autres contextes artistiques, des sujets qui sont moins présents dans la +société, puisque ses conventions et ses contraintes seront moins présentes +aussi. Suivant cette idée, il semble que non seulement l’apparence, mais aussi +le comportement - impliquant les gestes et les mouvements de robots - sont +importants. Ainsi les chercheurs soutiennent que l’incarnation (l’embodiment) +est un aspect clé pour l’interaction HRI [39]. De plus, une incarnation au plus +prés de la nature [5] est souvent citée comme nécessaire pour réaliser une +interaction sociale significative. Ainsi selon la littérature [2], les robots +peuvent être : socialement évocateurs, socialement réceptifs et sociables. Dans +[54], Dautenhahn mentionne également les robots socialement situés - entourés +d’un environnement social qu’ils perçoivent et auxquels ils réagissent. Comme +défini dans [3], un « robot interactif nécessite des capacités spécifiques : il +va pouvoir exprimer et percevoir des émotions, communiquer dans un dialogue +complexe, apprendre et reconnaître les modèles d’autres agents". Par leur +fonction, les projets artistiques facilitent ce type de comportement et nous +avons vu dans nos exemples que les robots au design particulier comme par +exemple« Telenoid R1 » ou hyper-réalistes comme "Ai-Da", peuvent facilement +interagir lors des divers événements sociaux comme les foires d’art et les +galeries. Avec 38% des œuvres présentées dans l’espace public : dans les rues +(par exemple, "Miyata Jiro", "Petit Mal") ainsi que lors des événements +publiques ou dans les laboratoires (par exemple, "Telenoid R1", "Heart Robot" +entre autres), il semble que l’Art Robotique n’ait pas de espace de +représentation prédisposé. Dans le même temps, faire des robots qui réagissent à +leur environnement, plus disponibles pour interagir avec les passants, pourrait +améliorer l’opinion publique sur leur autonomie. Qu’il s’agisse d’une illusion +ou pas, les robots sur scène suivent des critères d’interaction sociale. Dans la +meme lignée, des études [117] montrent comment la créativité globale s’améliore +lors des interactions avec des robots sociaux. Revenant aux exemples précédents, +il est important de comprendre que le fait de créer des projets artistiques avec +des robots sociaux inspirés par la figure de Gakutensoku pourrait éventuellement +apaiser les craintes technocentriques actuelles sur la robotique, afin de +faciliter leur acceptation. Alors que les humains se comprennent mieux grâce aux +developpements dans les sciences cognitives, la figure du robot devient +également plus complexe. Dans [101], Duffy soutient que peut-être le «la version +synthétique numérique mécaniste de l’homme » n’est qu’une représentation de +l’idée de l’homme. D’autres études [5], [77], [123] considèrent les robots de +type humain les meilleurs outils pour identifier quel type de comportement et +d’actions sont perçus comme propres à notre espace et importants pour notre +developpement. Reste à comprendre quel comportement et attitude nous attendons +des robots en situation de représentation. De même, le langage corporel et le +comportement pourraient compenser les éventuels effets d’étrangeté causés par la +manque des expressions faciales des artefacts [124], de la même manière que les +modèles dynamiques [125] aident à identifier les affects humains dans le +mouvement. Puisque la communication tactile a un contenu informatif proche de la +communication visuelle et vocale, les usagers recherchent naturellement +l’interaction par le toucher et s’attendent même que un jour les robots +d’apparence inanimée peuvent répondre à leur stimulation tactile [17]. En +conséquence, de plus en plus de roboticiens conçoivent des dispositifs +d’identification par le toucher, sur toute ou presque toute la surface du robot +[126], également définie comme « peau artificielle» [127]. Plusieurs types +d’interactions corporelles qui font appel à ce type de stimulations tactiles, +contribuent à une meilleure perception des robots [15]–[17]. Même si peu de +robots que j’ai mentionné, ont été délibérément conçus pour ce type +d’interaction tactile, cet aspect a été intuitivement abordé dans certaines +œuvres d’art [66], [99], [128]. Concernant l’interaction physique, alors que la +majorité des oeuvres (82%) impliquent une certaine forme d’interaction +physique(29 %) ou de toucher (53 %), le type de contact avec le corps entier +prévalait (41 %), suivi des contacts ponctuels (20,5 %) et des contact avec les +membres (12%). Dans cette mesure, la mise en œuvre des concepts de neuroscience +comme le « schéma corporel » chez les robots peut augmenter leurs capacités +d’interaction. Les recherches dans [49] soulignent l’importance de ce concept +dans la planification et le contrôle de mouvement. Quant aux technologies +employés : 24 % impliquent des téléopérations, 14 % divers types de logiciels +commercialisés, 6% de biotechnologies tandis que 56% sont des solutions sur +mesure. Ainsi mieux developper la mobilité des robots pourrait nous aider à +comprendre des concepts paradoxaux comme celui de « ghost in the shell », de « +l’étrangeté sociale » ou « le syndrome de Frankenstein » expliquant comment la +peur et la fascination pour les robots coexistent dans notre imaginaire, quelle +que soit leur apparence et comportement. Alors que 62 % des robots et appareils +robotiques sont conçus exclusivement pour les artistes, 20% sont personnalisés à +partir des robots industriels et le reste de 18% sont des robots industriels +très peu modifiés. [101] suggère qu’une fois que les robots domestiques +progressent du statut « outil à celui de compagnon au travers différents +environnements et contextes comme l’art, leur rôle et leurs interactions +changent aussi sensiblement. De plus, d’après [129], plus les caractéristiques +corporelles sont des copies identiques du fonctionnement humain, plus les robots +sont jugées comme autonomes et adaptifs. D’autre part [130] illustre comment +l’apparence humaine peut contribuer à induire des sentiments négatifs chez les +utilisateurs. Des catégories comme "incarnation de l’organisme" [52] où la +cognition se produit dans toute organisme et "incarnation de l’organisme" [52] +où la cognition ne peut se produire que dans des corps vivants, amplifient le +débat sur l’incarnation la plus optimale concernant les robots. En s’appuyant +sur les aspects technologiques des représentations du corps, les chercheurs +espèrent identifier quelles propriétés du schéma corporel biologique que nous +avons mentionné plus tôt, pourraient être transférés aux robots pour les rendre +plus adaptatifs et résilients (certaines études comme [131], [132] relient ces +propriétés à l’aisance collaborative41). D’après [128], toute morphologie peut +conduire à différentes perceptions de causalité et d’intention, tandis que le +mouvement est considéré comme un facteur prioritaire dans le perception du +comportement et de l’autonomie d’un agent [19]. Parmi les œuvres mentionnés, 38 +% sont des dispositifs robotiques mobiles, oeuvrant sur des surfaces scéniques +d’environ 100 m2 pour 35% d’entre eux, plus de 500 m2 (tout en se produisant +dans les rues et divers espaces non-conventionnelles) pour 9% des cas et moins +de 5 m2 pour 56% d’entre eux. Cette majorité de robots mobiles qui interagissent +dans de petites surfaces, souligne la necessité d’un contact étroit avec les +robots. Néanmoins, cette zone d’interaction varie de plusieurs centimètres (dans +le cas du "The Blind Robot" par exemple) à plusieurs milliers de milles lorsque +le robot voyage avec des gens (comme dans le cas de "HitchBot") - révélant la +proxémie (proxemics) comme un facteur important qui pourrait influencer +àl’avenir les interactions H2R. + + + +Pour l’instant les androïdes hyper réalistes ont une base fixe et ne peuvent pas +encore se déplacer, en attendant que les technologies émergentes impliquant de +la MoCap et les alorithmes qui favorisent la marche, sont intorduits à leurs +capacités. Dans une étude [133] impliquant deux robots Wakamaru, les chercheurs +ont employé la distance sociale comme indicateur pour comprendre l’acceptation +des robots par des utilisateurs. Les résultats confirment que l’expérience +utilisateur peut être améliorée lorsque le robot superviseur est proche et le +robot subordonné est distant par rapport à l’utilisateur. Chose intéressante et +le fait que, loin des prédictions initiales, les performances des participants +semblent se détériorer lorsque le robot est trop proche, quelle que soit sa +distance d’action. Évidemment ceci est un étude scientifique dont l’objectif est +loin de celui des œuvres artistiques, où, au contraire, un contact proche peut +renforcer la complicité entre les interprètes et les robots, du moins du point +de vue des spectateurs. Puisque les espaces où l’interaction a lieu lors de ces +performances ou installations varient de plusieurs mètres ("Helpless robot") à +des centaines de mètres carrés mètres ("My Square Lady"), il me paraît que +l’interaction renforce le sentiment de complicité avec les robots, à condition +que la convention artistique soit adaptée en fonction de l’objectifde l’œuvre, +le thème et son contexte de la représentation. B. Limites Un aspect important +confirmé tout au long de cette enquête est que très peu d’informations (41%) ont +été fournies sur la stratégie de contrôle et les spécifications de sécurité des +robots employés lors des performances artistiques. Des oeuvres utilisant des +robots industriels qui ne sont pas certifiés pour l’évaluation des risques, +mettent la vie des artistes et des spectateurs en péril. Ainsi c’est important +de mentionner que l’industrie du divertissement s’adapte partiellement à ces +règles et réglementations, tandis que les robots industriels doivent se +conformer à des procédures de sécurité très strictes. Lorsqu’un robot est +employé lors des événements largement diffusés, comme par exemple lors du +concours Eurovision en 2016 le chorégraphe Fredrik « Benke »Rydman a du +respecter un cahier de charges et des restrictions importantes. Pareil pour la +Tournée « Timeless » de l’artiste internationale Mylene Farmer en 2013. La +distance entre les interprètes et le robots est très grande. Plus récemment, des +normes comme l’ISO/TS 15066 et l’ISO 102101845 qui assurent la cohérence des +caractéristiques essentielles telles que la sécurité et la fiabilité des cobots +devient très importante pour les contextes de travail en dehors de l’industrie. +Avec 53% des robots ou dispositifs robotiques étant le moteur de l’interatcion +et 15 % supplémentaires ayant à la fois le rôle de suiveur et de leader dans les +œuvres d’art, il est important de prendre en considération les procédures de +sécurité et les contraintes techniques de déploiement des robots dans des +environnements complexes. J’aimerais également souligner que même si les robots +jouaient un rôle principal (76 %) dans le cadre de l’œuvre d’art, la plupart des +rôles de leader/suiveur qui leur étaient assignés étaient en fait des +interactions simulées, bien répétées à l’avance, prouvant que les technologies +actuelles sont moins performantes que ce que les humains imaginent. Lorsque j’ai +mentionnés au début de cette analyse les craintes au sujet du potentiel +destructeur de la technologie et la maniere dont cela va modifier nos vies – il +reste toujours l’espoir qu’une sécurité et éthique renforcée sont les facteurs +clé pour améliorer l’impacte de la technologie sur nos vies, commencant par les +projets artistiques. En conséquence, les perspectives enrichissantes de la +nouvelle robotique, l’IA et les capteurs intelligents, accompagnées d’une +éthique interdisciplinaire forte [119], [134] [130], apporteront à la création +artistique des raisons d’appassement quant aux préoccupations actuelles +concernant la sécurité et les risques, tout en améliorant les possibilités +d’interaction non simulées, en temps réel. C. Perspectives futures dans les +technologies robotiques émergentes Cet état d’art orientée autour de +l’interaction homme-robot en contact proche releve à quel point les artistes ne +sont peut-être pas conscients des subtilités technologiques actuelles +développées dans les laboratoires, dont certains déjà déployés dans les +industries. Ils ne soint moins au courant des certifications appropriées en +matière de cobotique et de sécurité. En absence d’une méthodologie officielle, +les artistes invités à exploiter le plein potentiel de la technologie, décident +de l’utiliser avec parcimonie. C’est le cas de chorégraphies de renommée +internationale comme le Suédois Pontus Lidberg ou la Canadienne Isabelle Van +Grimde qui ont développé des projets utilisant des algorithmes en machine +learning (ML), autour des rencontres entre une intelligence humaine et une +artificielle sur scène. Comprendre les effets de la proximité et l’utiliser avec +justesse dans robotique reste un défi et au moins pour l’art les possibilités de +création sont infinies. A travers cette synthèse, j’ai tente fournir une liste +non exhaustive de ces possibilités, ainsi que de possibles convergences entre +plusieurs domaines et leur lien avec l’industrie, une fois que des prototypes +attirent l’attention des scientifiques. De même, les artistes pourraient +utiliser des techniques de reconnaissance des émotions issues des neurosciences +et de la psychologie cognitive. Des capteurs physiologiques comme la reponse +galvanique cutanée (GSR), l’électromyographie (EMG), la fréquence de la +réspiration (RR), la fréquence cardiaque (FC) et l’électroencéphalographie (EEG) +peut être portés et utilisés par les artistes pour fabriquer des robots +conscients des émotions des artistes et construire une œuvre interactive à +partir de ces bases. Des domaines comme la robotique de développement +élargissent notre compréhension de phénomenes tels la synchronie [135] pour +mieux décoder des signaux non verbaux appropriés quand les robots doivent +intégrer des éléments externes pour intéragir avec les humains. + + + + + + +V.CONCLUSION Cette analyse révèle que les attentes et les angoisses envers les +robots sont également présentes dans les œuvres d’art robotiques, quel que soit +de leur thème, leurs contraintes techniques ou leur design. Dans nos écosystèmes +sociaux complexes, il n’est souvent pas facile de distinguer les raisons qui +génèrent l’un ou l’autre. Quant à l’exemple du HitchBot, aprés l’analyse des +denriers données le concernnat, ses créateurs n’ont pas pu déterminer pourquoi +le robot a été démantelé. Ils ont décide d’arrêter le projet et ne pas réparer +HitchBot. Peut-être des prochaines études sociologiques ou anthropologiques +pourrait determiner si sa destruction a été causée par un acte inconscient de +peur de la part de quelqu’un qui ne voulait pas comprendre les robots. Certes +est qu’à la fin du XXIe siècle, l’Art et la Robotique vont entreprendre des +transformations majeures, laissant place à l’imagination quant à leur possible +relation et impact dans nos vies. Dans [142], les autheurs affirment que +l’intelligence originaire des primates a évolué pour résoudre des problèmes +sociaux et seulment plus tard a été étendue à des problèmes extérieurs du +domaine social comme la technologie. Depuis il est important de se rappeller que +l’intelligence du robot est "conçue et exploité dans la mesure du possible pour +se conformer aux lois, droits fondamentaux, libertés, y compris de la vie privée +» [6]. En réfléchissant à ces questions, les roboticiens, les artistes et les +universitaires posent les bases d’une éthique envers les machines [120] pour que +"des robots personnifiés et d’autres systèmes informatiques incarnés peuvent +représenter une nouvelle catégorie ontologique. » Pour cela [134], concevent les +humains, pas les machines, comme le principal agents responsables dans +l’équation. Compte tenu de ce principe éthique dans l’évolution de +l’intelligence, applicable à la fois aux systèmes naturels et artificiels [142], +j’imagine avec impatience la contribution de la robotique sociale et de l’art à +la culture générale. Si les artistes inspirent le développement de la robotique +ou l ‘inverse, les deux disciplines continueront de surprendre nos attentes pour +lors des prochaines années. Tout au long de cette aalyse,j’ai eu tendance à +croire que les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition « +indomptée » [8] avant leur conception humaine. Idéalement notre relation avec +eux pourrait s’améliorer à l’aide d’expérimentations artistiques centrés sur +l’interaction de contact proche ainsi que le toucher [143]. Puisque les robots +ne sont pas capables d’intentions jusqu’à présent, nous ne pouvons que espérer +mieux nous comprendre [144] nous-memes en tant qu’espèce, en les observant eux +nous imiter + + + + + +[a]Picon-Vallin, Béatrice. Meyerhold, Le Cocu magnifique. Éditions Subjectile, +2017. [b]Gordon, Mel. "Meyerhold’s Biomechanics." The Drama Review 18.3 (1974): +73-88. [c]Disjunctive Captures of the Body and Movement (livre Bojana) +[d]Disjunctive Captures of the Body and Movement (livre Bojana) [e]Bojana p.83 +[f]"The human body is a machine whose movements are directed by the soul," wrote +René Descartes in the early seventeenth century. The intrin- sic mechanisms of +this machine gradually became clear through the hard work of Renaissance +scientists. Leonardo da Vinci is one such scientist from this period of +enlightenment. [g]livre Tozeren. The laws of motion can be summarized as fol- +lows: A body in our universe is subjected to a multitude of forces exerted by +other bodies. The forces exchanged between any two bodies are equal in magnitude +but opposite in direction. When the forces acting on a body balance each other, +the body either remains at rest or, if it were in mo- tion, moves with constant +velocity. Otherwise, the body accelerates in the direction of the net unbalanced +force. [h]parler Xsens [i]Pour ce faire, je met en place une analyse autour des +fonctionnalités suivantes : • le type d’œuvres d’art ; • le principal +message/idée/philosophie véhiculé par l’artiste; • la forme du robot : +anthropomorphe ou non ; • la conception du robot : (i) le robot a-t-il été conçu +pour le but de l’œuvre d’art ou (ii) une industrie existante robot +d’essai/service et si oui, (iii) a-t-il été personnalisé pour l’œuvre d’art +spécifique ; • la mobilité du robot pendant la performance artistique, +c’est-à-dire fixe ou mobile ; • pour les robots mobiles : (i) la zone de +fonctionnement couverte et (ii) sa présence dans l’espace public ; • le type +d’interaction : (i) contact physique (toucher), ou (ii) interaction par contact +étroit (pas de contact); • la zone/le type de contact : (i) ponctuel survenant +sur un terminal point, (ii) mains-membres, (iii) contact de tout le corps, (iv) +avec intermédiaire d’objet • le rôle du robot lors du contact : meneur ou +suiveur ; • le rôle du robot dans une œuvre performative : principal caractère, +caractère secondaire, caractère négligeable ; • l’existence de stratégies de +contrôle et de procédures de sécurité.