diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex index e8d12a3..2db44e6 100644 --- a/sections/partie_1.tex +++ b/sections/partie_1.tex @@ -1100,108 +1100,55 @@ En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un \label{fig:abderlaas} \end{figure} -Une fois interpellé, le robot a attendu quelques secondes -probablement dû à un délai de temps de traitement de l’information- avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de -l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée et conscience, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé pour répondre à un comportement spécifique.\smallskip -Dans \cite{114} Nakaoka et al. avancent l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une technologie de contenu innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques -ont été combinés avec le feedback des utilisateurs quotidiens afin de mieux comprendre leurs attentes. Dans ce sens, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, en utilisant l’interface Choréonoïde pour programmer ses mouvements. Tout en -mettant en œuvre les mouvements de danse d’un chorégraphe très connu apprécié par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités de mouvement propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant -avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la perfection un humain. Je suis loin de mes intuitions concernant la spécificité des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront -à étudier de plus prêt ce phénomène. Dans \textit{Les corps multiples d’une machine performative}\cite{45} Louis Philippe Demers utilise le terme de ``machine performative ” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une -``saveur de vivacité ”. Pour lui, les expérimentations artistiques\cite{46} avec les robots sont des exemples réussies d’incorporation, grâce aux concepts comme le ``body- schema ” \cite{48_50} pour mieux implémenter dans les robots les -fonctionnalités du vivant. Sa vision de l’incorporation\cite{51_54} ouvre de -nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art hybride.\smallskip -Dans la même idée, d’autres chercheurs affirment que le comportement est le facteur le plus important dans l’avancement de la robotique\cite{[19]}. Cela -nous amène, à notre tour, à considérer le rôle des émotions dans la constitution d’un comportement. Dans mon contexte particulier de la danse, analyser les changements dans la conception et la configuration des projets d’art robotique, m’aide à mieux comprendre les possibilités d’interaction physique lors d’une -performance live. -HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en -œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de classification hybrides multimodaux\cite{136} et de l’apprentissage robotique interactif. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par -l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. De tels rôles peuvent être modulés comme dans\cite{[137], [138]}. Au lieu d’exécuter des mouvements -préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet\cite{[139]} pourraient -également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. -Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent l’apprentissage par renforcement \cite{[140]} sont actuellement en cours de -développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux et comportements afférents\cite{[141]}, tout en interagissant avec les humains. +Une fois interpellé, le robot a attendu quelques secondes -probablement dû au délai de traitement de l’information- avant d’ouvrir ses bras pour faire un câlin à l’humain. Chaque spectateur projette sa propre interprétation concernant le message du spectacle et finalement les deux interprètes ont des motivations indépendantes l’un de +l’autre. Si dans le cas de l’humain c’est clair que son action a été déterminée et consciente, dans le cas du robot, nous nous imaginons qu’il a été programmé pour répondre à un comportement spécifique.\smallskip +Dans\cite{nakaoka2011toward} Nakaoka et al. avancent l’idée qu’une version améliorée des robots HRP peut générer une technologie de contenu innovante à partir des technologies MoCap à l’origine des animations de personnages vidéo. Pour rendre cela possible, les développements technologiques ont été influencés par le feedback des utilisateurs en phase test, afin de mieux comprendre leurs attentes. Lors de cette expérimentation, le robot HRP-4C (l’équivalent féminin de HRP-4) a chanté et présenté une danse lors d’une performance au DC-EXPO 2010, en utilisant l’interface \gls{Choreonoid} pour programmer les mouvements. Tout en mettant en œuvre des mouvements de danse d’un chorégraphe apprécié par le public japonais, l’équipe a travaillé sur de nouvelles possibilités d'expression corporelle propres aux robots. En adaptant le sens artistique des idées aux contraintes techniques du robot et l’inverse, ils ont proposé un projet innovant avec un robot réaliste qui s’est confondu parmi des danseuses humaines habillées et maquillées de façon identique. Ceci est un exemple de robot qui imite à la perfection un humain. Tout ceci est évidement loin des projections concernant la spécificité des robots comme espèces à part entière, mais les prochaines pages nous aideront à étudier de plus prêt ce phénomène. + + +Dans \textit{Les corps multiples d’une machine performative}\cite{demers2016multiple} Louis Philippe Demers utilise le terme de ``machine performative ” pour illustrer une qualité des corps mécaniques dotées d’une ``saveur de vivacité ”. Pour lui, les expérimentations artistiques up-close\cite{demers2019up} avec les robots relèvent les défis concernant l’embodiment. Dernièrement, grâce à des concepts comme le ``body- schema\cite{johnson2008makes, de2021body, iscen2014body}” il est possible d'implémenter toute une série d'interactions close-contact. Ces concepts empruntés des sciences cognitives ouvrent des nouvelles possibilités d’expression pour les artistes et les formes d’art hybride.\smallskip + +Le domaine de Human-Robot-Interaction ou HRI a beaucoup évolué au cours des dernières années. Actuellement il se décline dans des sous-domaines comme Natural HRI mettant en +œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de classification hybrides multimodaux et de l’apprentissage robotique interactif\cite{yu2021robot}. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. Au lieu d’exécuter des mouvements préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet\cite{bouyarmane2018quadratic} pourraient également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent des techniques de \gls{reinforcement learning} sont actuellement en cours de développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux et comportements afférents, tout en interagissant avec les humains. \section{Différents formats de présentation} -Les projets artistiques avec des robots -visent des interactions multimodales. Sur scène, ces interactions privilégient -un contact physique avec des humains, facilité par des gestes, de la voix ou du -toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de -rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années -1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition -sur la scène artistique: l’Art Robotique. Initialement motivées par des rêves -personnels en lien avec des défis scientifiques, les premiers projets -artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les -automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à +Les projets artistiques avec des robots visent des interactions multimodales. Sur scène, ces interactions privilégient un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition +sur la scène artistique: l’Art Robotique. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Pour -cette synthèse, je vais donc commencer par les dispositifs maladroits des -années 1980, suivis par les expériences bioniques avec des exosquelettes une -décennie plus tard et les bras robotiques industriels en parallèle avec les +cette synthèse, je vais donc mentionner quelques dispositifs maladroits des +années 1980, suivis par des expériences bioniques avec des exosquelettes une +décennie plus tard, puis des bras robotiques industriels et des humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique, qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour élargir et questionner ses directions. -\vfill -A ce stade de mon état d’art, il me -paraît intéressant de proposer une analyse globale du rôle de l’art robotique -dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation -avec les machines. Cela me semble également intéressant d’investiguer dans -quelle mesure cet art peut devenir un miroir pour refléter des spéculations -transhumanistes, selon sa réception dans l’espace publique et les médias. -Lorsque nous regardons la littérature contemporaine (citer art) des roboticiens, -des artistes et des neuroscientifiques sont en cours d’établir les prémisses -d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, -afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres sélectionnées -informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout -en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis -presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences + +A ce stade de l'état d’art sur les projets artistiques avec des robots, nous pouvons pressentir le rôle de l’art robotique dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation avec les machines. Il est intéressant d’investiguer dans quelle mesure cet art peut devenir un miroir pour refléter des spéculations transhumanistes, selon sa réception dans l’espace publique et les médias. +Actuellement des roboticiens, des artistes et des neuroscientifiques travaillent pour établir les prémisses d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres que nous avons sélectionnées informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. Si -la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots +la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots, sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans notre vie quotidienne et nos cultures. La technologie est essentielle pour définir ce que les humains sont, du moins dans notre tradition occidentale, où la convergence entre l’homme et la machine est à la fois séduisante et repoussante. En contrepartie, la culture japonaise entretient une certaine distance avec la technologie, expliquant pourquoi les robots sont moins -problématiques ” là-bas, et comment ils ont été apprivoisés ” (citer) avant -d’être intégrés dans la société. Ce qui m’intéresse, en observant différents -formats et expériences artistiques, est de comprendre comment les robots -pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée ”, avant leur -industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. Cette -sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien -avec la scène. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la -littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les -défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. A ma -connaissance, il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la -manière dont l’Art Robotique doit être évaluée, cette synthèse s’appuie donc sur -des méthodes quantitatives utilisées dans les études existantes [19], [20] et -est complété par les retours artistiques des auteurs ou les archives des -processus de création et de réception. Le format des œuvres peut aller des -sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et -improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont -mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé rajouter également les +problématiques \textit{là-bas, et comment ils ont été apprivoisés}\cite{kaplan2004afraid} avant d’être intégrés dans la société. En observant différents +formats et expériences artistiques, ce qui m’intéresse est de comprendre comment les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée, avant leur +industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. +Ainsi c'est important de noter que cette sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien avec la scène. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. Puisqu'il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la manière dont l’Art Robotique doit être évaluée, cette synthèse s’appuie donc sur des méthodes quantitatives d'analyse étant complétée par les retours artistiques des auteurs ou les archives des processus de création et de réception. Le format des œuvres peut aller des sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé rajouter également les apparitions dans le média où des robots se présentent en tant que maîtres -spirituels ou artistes qui prônent un autre type de culture de divertissement -(citer), afin de voir comment le rapport à la scène est influencé par ce format. +spirituels ou artistes \footnote{https://www.youtube.com/watch?v=RH3Yk1spxtk}, afin de voir comment le rapport à la scène est influencé par ce statut publique que certains robots ont. De cette manière une caractéristique importante de cet étude, repose sur -l’hypothèse que les interactions homme-robot au contact rapproché [13], [14], -c’est-à-dire l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques [15]–[18], peut -améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs -non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus -d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est -ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ” -ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des -robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs -qui ont influencé le développement de l’Art Robotique. Pour argumenter ce -processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans -lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la +l’hypothèse que les interactions homme-robot dans un contact rapproché ou \gls{close-contact}, au travers l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques\cite{dahiya2009tactile}, \cite{silvera2015artificial}, peut améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs qui ont influencé le développement de l’art robotique. Pour argumenter ce processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres sélectionnées a facilité des découvertes en robotique sociale. Puisque les projets artistiques impliquant les robots ont été soumis à des contraintes technologiques (i.e. choix de matériaux influençant le message de l’œuvre d’art), je regarde comment ceux-ci sont considérés tout au long des processus de -création et comment ils ont été mis en scène.[i] +création et comment ils ont été mis en scène. + \subsection{D'où viennent les robots}