From 5976ce16bbd9d0d2c388f158c1c46197a8c44984 Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: Sorina Silvia Circu Date: Thu, 8 Jun 2023 02:02:39 +0200 Subject: [PATCH] adding text from chapter 2 --- sections/partie_1.tex | 1332 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++- 1 file changed, 1331 insertions(+), 1 deletion(-) diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex index 2d221fb..fee1c0c 100644 --- a/sections/partie_1.tex +++ b/sections/partie_1.tex @@ -293,9 +293,1339 @@ Voici un exemple d'acronyme \gls{bdd} et de glossaire \gls{dataflow} définis da % \caption{Une figure basé directement sur un fichier SVG.} %\end{figure} -\chapter{Titre du chapitre} +\chapter{Perception du corps et du mouvement dans la robotique} + +\textit{Affective schemas remain unconscious when not matched with accommodation.} J. +Piaget + + + +2.1 Approche cognitiviste pour la compréhension du corps + +2.1.1a Types de cognition + + +Pour témoigner de la difficulté de nommer les termes qui concernent ce chapitre, +et les appartenances que chaque auteur réclame, nous introduisons la définition +de l’artiste Simon Penny qui dans son anthologie Making sense: cognition, +computing, art and embodiment, énumère les quelques définitions en lien avec la +cognition : + + +“Confusion arises when discussing cognition, because several schools of thought +have quite different interpretations. As noted in part I, the autopoietic +conception of cognition is incompatible with the cognitivist conception (which +is derived from Anglo-American analytic philosophy, though ana­lytic +philosophers have accused cognitivists of being a bit sloppy). Continen­tal +philosophers (phenomenologists) draw distinctions differently. When Lakoff and +Johnson talk about the cognitive unconscious, their conceptions of the conscious +and unconscious diverge from Freudian ideas. One reason for this confusion of +terminology is precisely the condition of the paradigm shift itself. Neologisms +(some of them clunky) and borrowings from other languages abound because +existing language is built around dualist concepts. New language is needed. +Maturana and Varela coine autopoiesis. Gibson invented affordance. Likewise +umwelt and enactivim and other terms are now part of a new vocabulary.”(Penny +Making sense P. 195) + + + + +Au début du XXe siècle, entre un vision matérialiste et son contrepoids marqué +par le dualisme corps-esprit, des chercheurs tels Raymond Ruyer (citer papier +Ruyer) ou Bergson (citer matière et mémoire) expliquent l’activité cognitive +par la réalité physiologique du cerveau et son lien avec le corps. Ainsi Ruyer +affirmait que “c’est du cerveau réel, de sa subjectivité, que naissent les +sensations”, alors que pour Bergson le cerveau est un instrument en relation +avec le corps (citer Andrieu) dont le mouvement est compris par la mécanique. +Toujours pour Ruyer: “Le cerveau n’est pas un instrument, une machine à +fabriquer la conscience, la subjectivité. Comment une machine le pourrait-elle? +Tout l’organisme est, en soi, subjectivité. Le cerveau est un instrument à +transporter, appliquer la conscience primaire de l’organisme à la tâche +d’organisation du monde extérieur…le cerveau est le lieu de l’organisme par où +passent les circuits externes, la fabrication des outils et des machines, la +création des oeuvres d’art, des institutions sociales, l’organisation et +l’entretien de tous les produits de la culture. Le cerveau est en nous comme une +partie embryonnaire conservée. (...) Le “je” psychologique et cortical est le +résultat d’un devenir mais second car il côtoie l’organique de sa mémoire +corporelle. Cette coexistence est une intégration plutot qu’un emboîtement, car +l’activité de la conscience ne peut être séparée de son tissu vivant, se +définissant ainsi comme une conscience sensorielle” (citer Andrieu p.10) + + +Dans notre contexte spécifique, cette conscience du corps, de son vécu immanent +continent un savoir non-réfléchi et involontaire qui peut se cultiver par des +pratiques somatiques et d’éveil corporel. Notre démarche est d’attribuer au +mouvement une place primordiale dans la constitution de la conscience et de +l’être en général. + + +La theorie 4E de la cognition (The 4E cognition theory) + + +%https://www.researchgate.net/publication/280447321_Introduction_to_the_Special_Issue_on_4E_Cognition + + +Nous présentons le concept de cognition sous l’angle de la théorie 4E dont les +débats actuels se concentrent sur le lieu où se trouve la cognition et son lien +avec la perception et l’action.Une des prémisses de cette théorie est que +l’activité perceptive-motrice est constitutive pour la cognition (citer). + + +La théorie 4E de la cognition défend l’hypothèse selon laquelle la cognition est +plus qu’un modèle cartésien d’opération dans le cerveau. L’idée que le cerveau +est similaire à un ordinateur, promeut les phénomènes cognitifs entièrement +déterminés par leur rôle fonctionnel. Cependant dans la théorie 4E de la +cognition, les phénomènes cognitifs sont étudiés en lien avec leur +environnement. Des processus comme les détails biologiques et physiologiques du +corps d’un agent, définies comme des processus extra-crâniens, sont analysés +dans son environnement naturel actif. Cela donne suite à deux hypothèses +d’analyse: selon l’hypothèse forte, les processus cognitifs sont essentiellement +produites lors des processus extra-crâniens ; alors que pour l’hypothèse faible, +ils y sont seulement à moitié résultats des processus extra-crâniens. Ces +processus extra-crâniens sont à leur tour corporels (selon la dichotomie +cerveau-corps) ou extracorporels (impliquant un couplage +cerveau-corps-environnement). + + +Le livre offre des précisions concernant les caractéristiques centrales de la +théorie 4E, basée sur: la cognition incarnée ou incorporée (embodied), la +cognition ancrée (embedded),la cognition énactée (enacted) et la cognition +étendue (extended). + + +Dans les prochaines pages, un sub-chapitre de notre étude porte sur la cognition +incarnée, dont les désaccords entre les comportementalistes et les +cognitivistes, la situent au cœur des débats en neurosciences. Dans notre +contexte, cette propriété de la cognition d’être incorporée signifie être +causalement dépendante de processus extracorporels qui ont lieu dans +l’environnement proche du corps. Un autre sous-chapitre traite de l’enaction, +vue par le neurologue Francesco Varela comme thèse sur la continuité entre la +vie et l’esprit. + + + + + + + + + + +L’approche traditionnelle de la cognition se concentre sur les processus +neuronaux, alors que la théorie de la cognition 4E vise plutôt l’action +incarnée dans le corps. Cette théorie amène des nouvelles façons d’intégrer la +complexité des phénomènes cognitifs. Ces phénomènes sont étudiés sous un angle +physiologique, suivant les avancements dans plusieurs domaines connexes. Dans +son introduction au livre dédié à cette théorie (cite Menary), la position +intégrationniste du philosophe Richard Menary offre une nouvelle contribution à +l’approche incarnée et intégrée. Pour lui, les systèmes cognitifs fonctionnent +grâce à l’intégration des fonctions neuronales et corporelles avec les fonctions +de représentation. + + +Cognitivisme + + +La théorie 4E de la cognition marque également une rupture avec la vision +traditionnelle du cognitivisme- centrée autour de représentations et calculs +mentaux. Ce courant apparu dans les années 1950 a été promu entre outre par les +recherches de Jean Piaget sur la biologie du développement et sur les +découvertes en cybernétique, établie comme alternative à une science de l’esprit +selon Varela: + + +“The central intuition behind cognitivism is that intelligence—human +intelligence included—so resembles computation in its essential characteristics +that cognition can actually be defined as computations of symbolic +representations. Clearly this orientation could not have emerged without the +basis laid during the previous decade. The main difference was that one of the +many original, tentative ideas was now promoted to a full-blown hypothesis, with +a strong desire to set its boundaries apart from its broader, exploratory, and +interdisciplinary roots, where the social and biological sciences figured +preeminently with all their multifarious complexity.” (Varela P. 40) + + + + +Les modèles théoriques et pratiques inspirés par cognitivisme, comme le +constructivisme, placent les mécanismes de construction active des savoirs et +l’apprentissage au centre de leur préoccupation. A son tour, le cognitivisme +hérite des approchés précédentes la préoccupation pour le comportement, à la +place des processus internes de cerveau, comme processus d’acquisition de +savoirs. Un des questionnements du cognitivisme est de démontrer comment les +états intentionnels qui ont des propriétés causales (désirs, intentions), sont +physiquement possibles et capables de provoquer un comportement. Pour expliquer +cela, Valera utilise la notion de calcul symbolique où les calculs sont définis +comme opérations sur des symboles qui respectent ou sont contraints par ces +valeurs sémantiques. Cependant il souligne qu’un ordinateur ne fonctionne que +sur la forme physique des symboles qu’il calcule; il n’a pas accès à leur valeur +sémantique. Avec le temps, l’idée que la logique ne suffit pas pour simuler et +comprendre le fonctionnement du cerveau, dont le fonctionnement est distributif, +a fait émerger de points de vue contradictoires sur le cognitivisme. + + + + + + +Dans le livre “4E Cognition: Historical Roots, Key Concepts, and Central +Issues”, Albert Newen, Shaun Gallagher, and Leon De Bruin offrent une +perspective globale de la théorie 4E de la cognition. Leur chapitre +“Brain–Body–Environment Coupling and Basic Sensory” explore le concept +d’intentionnalité propre à cette approche. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle la +perception est orientée vers l’action, conduit à considérer l’intentionnalité +motrice comme facteur qui la facilité : “The notion that perception is +action-oriented leads to a consideration of a very basic motor intentionality —a +concept that derives from phenomenology (e.g., Merleau-Ponty 2012), but that can +also be found in pragmatists such as John Dewey. As Robert Brandom notes, citing +Dewey, the “most fundamental kind of intentionality (in the sense of +directedness toward objects) is the practical involvement with objects exhibited +by a sentient creature dealing skillfully with its world” (2008, p. 178). This +captures a form of intentionality that is built into skillful bodily movement in +tandem with environmental demands.” Pour nous, ce genre d’intentionnalité qui ne +part pas le résultat d’un processus mental, est représentatif pour l’état +d’intentionnalité de geste dansé, mais aussi des robots. Alternativement, la +notion d’incarnation, telle qu’elle est définie dans la théorie 4E, nécessite un +couplage complexe entre le cerveau, le corps et l’environnement. Ce couplage est +la base de tout système robotique où les processus internes sont en lien direct +avec l’environnement. + + +Le role de l’affecte Le concept d’affecte est également au cœur des études sur +la cognition dans la théorie 4E où l’émotion est vue comme une affectivité +située. Dans cette acceptation, la cognition n’est pas un processus +quantifiable, similaire à un modèle informatique. L’affect nécessite une +conception incarnée et située de la cognition. Les processus empathiques de la +petite enfance ou les situations sociales sophistiquées qui caractérisent l’âge +adulte, donnent une dimension plus complexe à ce phénomène. Ainsi nous +remarquons que ce n’est pas seulement le sentiment conscient d’émotion qui est +important. Les processus affectifs inconscients comme la faim ou la fatigue, la +douleur ou le plaisir jouent un rôle tout aussi important, et peuvent biaiser la +perception. + + + + +De façon similaire, la chercheuse Branka Zei Pollermann introduit “le modèle +unifié de cognition” basé sur les théories de Jean Piaget, Ludwig von +Bertalanffy et Louis J. Prieto . Ce modèle stipule que les espaces affectives +(affected spaces) facilitent des comportements adaptatifs lors des processus +cognitifs. + + +La théorie générale des systèmes trouve aujourd’hui de multiples applications. +La modélisation des organismes humains, appelés comme “systèmes ouverts” par +Ludwig von Bertalanffy , intéresse les roboticiens également et nous allons +détailler cela dans les prochaines pages. + + +L.J Prieto (1975) base sa théorie autour du concept de praxis (vu comme action +intentionnelle) et la façon dont cela structure la cognition. Il identifie “une +caractéristique qui semble apparaître toujours dans la connaissance scientifique +et qui ne se retrouve pas, en revanche, dans la connaissance non scientifique, à +savoir l’explicitation des concepts avec lesquels la connaissance en question +opère.” + + +Alors que Jean Piaget identifie deux concepts-clé pour caractériser +l’interaction des systèmes dites intelligentes avec l’environnement. Le premier +est le concept d’ assimilation des schémas de comportement préexistant et +l’autre le concept d’adaptation- considéré comme moment d’équilibre entre deux +états, évoquant un sentiment de plaisir si cet équilibre atteint. + + +Selon la théorie de Piaget, l’intelligence humaine se développe avec l’âge +passant par plusieurs étapes parmi lesquelles: l’intelligence +logico-mathématique, musicale, spatiale, corporelle-kinesthésique, +interpersonnelle et ainsi de suite. Le chercheur Olivier Houdé, specialiste en +developpement cognitif, complète cette théorie (citer Houdé), en situant trois +phases de l’intelligence humaine modélisés dans des algorithmes: l’intelligence +sensori-motrice (avant 6 ans), l’intelligence opérationnelle concrète tel comme +définie par Jean Piaget (entre 7 et 12 ans) et l’intelligence propre à la +résistance cognitive, nommé intelligence opérationnelle formelle (de +l’adolescence à l’âge adulte) permettant le raisonnement scientifique et l’ +apprentissage des valeurs et normes sociales. + + +Dans son analyse “A unified model of cognition, emotion and action”, Pollermann +montre comment le comportement adaptatif d’un système est défini par sa capacité +de correspondre aux cinq critères suivants: “A.sentir l’environnement externe et +interne, interpréter puis stocker l’information B. utiliser la mémoire et les +signaux perceptives pour décider C. réguler les ressources internes( pour les +humains il s’agit d’ ajustements au niveau somatique et neuroendocrin) D. +transformer les actions choisies en modèles de comportement E. evaluer le rendu +(perception, procession de l’information et mémoire)” + + +De façon analogique, ces critères correspondent à des propriétés des émotions, +caractérisées par des attributs comme la valence (critère A et E via des stimuli +extérieurs), la capacité d’activation (critère C et D, selon les feedback de +sous-systèmes) et la potence (correspondant au critère B). Plus loin en parlant +des émotions, Pollermann cite le neuropsychologist Douglas Watt pour qui lorsque +les paramètres de base dépassent les variations connues, l’état est ressenti et +interprété comme émotionnel: “When internal physiological states are outside a +desirable range, both visceral sensations and action dispositions are +activated.” + + + + + + +Les auteurs se questionnent également sur le rôle des représentations mentales +concernant cette théorie. + + +Dans les années 1990, Varela, Thompson et Rosch écrivent “The Embodied Mind- +Cognitive Science and Human Experience” pour faire un état de lieu des +caractéristiques des sciences cognitives, plus précisément la façon dont le +cerveau, le corps et l’environnement sont intégrés dans la cognition. Ils lient +l’avènement de cette discipline à celle de la cybernétique, en lui associant +plusieurs découvertes qui ont influencé à leur tour d’autre domaines parmi +lesquelles nous mentionnons: l’utilisation de la logique mathématique pour +modéliser le système nerveux en neuroscience, l’invention des machines et +algorithmes pour traiter de l’information et définir une intelligence +artificielle, des mises en pratique de la théorie des systèmes en ingénierie +par la théorie du contrôle en robotique, les premiers exemples de systèmes +auto-organisés, etc. + + + + +Concernant les prochaines étapes dans les sciences cognitives, les approches et +directions sont différentes selon le modèle théorique qu’elles réclament comme +point d’origine. Lors des dernières décennies, ces disciplines ont suscité +beaucoup de débats entre les prises de position fonctionnelles des +neurobiologistes qui ignorent le rôle du corps et les phénoménologues et +philosophes qui visent le vécu expérientiel. La théorie de 4E est vue par la +communauté scientifique comme la plus récente tentative de structurer ces +approches et renouveler les avancées théoriques du début de XXe siècle. C’est +également important de remarquer le fait que ces nouveaux paradigmes et concepts +ont également engendré l’apparition des nouvelles disciplines comme la +philosophie de l’esprit (de l’anglais : philosophy of mind) dont la question +centrale est la relation entre corps et esprit et leur ancrage dans +l’environnement, ou la philosophie des sciences (de l’anglais : philosophy of +mind) qui étudie la nature même de l’activité scientifique et ses spécificités +et l’épistémologie (du grec épistemos-”science” et logos “ discours”), dont +l’objet est l’analyse critique d’une science en particulier, du point de vue de +son évolution, sa valeur, et sa portée scientifique et philosophique. C’est +également important de mentionner leur impact sur des disciplines connexes, tels +les études sur la conscience, dont les débats et arguments ont suivi de pret +ceux sur la cognition. + + + + + + +2.1.1b Types de conscience + + + + +Souvent nous disons qu’un organisme vivant est conscient lorsqu’il est éveillé. +Quelle sera alors le qualificatif pour les robots ou d’autres types d’organismes +artificiels? + + +Nous partons de l’hypothèse que pour les organismes vivants, chacun a son +propre ressenti concernant la conscience. Si pour l’intelligence, des propriétés +tels : calcul mental, apprentissage et mémoire arrivent à mieux définir ses +propriétés, nous avons vu plus haut que pour la conscience ce qui est important +c’est l’expérience subjective immédiate- le qualia. En parallèle avec +l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, +la capacité de prédire l’environnement ou de témoigner des comportements +complexes, structurent notre imaginaire autour de cette notion. Étant donné +l’imprécision des concepts et la multiplicité des points de vue selon les +disciplines, il semble peu probable que nous nous mettions d’accord sur une +seule définition de la conscience dans notre étude. Ce qui nous intéresse +cependant est de comprendre dans quelle mesure le dualisme corps-esprit et le +matérialisme trouvent un écho dans l’exercice artistique que nous imaginons Cet +exercice prend appui sur plusieurs concepts propres à chaque vision (dualiste ou +moniste) dans une tentative de les homogénéiser. + + +Puisque les débats sur la conscience, comme ceux sur la cognition se heurtent +toujours à des questions de définition, nous allons tenter définir ce terme +selon différentes disciplines. La plus importante est la vision +neuroscientifique et neurobiologique du terme. + + +Pour cela nous nous appuyons sur la littérature (citer livre Firston et art Anil +Seth). Selon les critères que les chercheurs emploient, il existent différentes +propriétés de la conscience. + + +Un premier critère est celui du niveau de conscience, propre aux créatures +vivantes- ce niveau varie entre plusieurs étapes parmi lesquelles les états +végétatifs, les états de sommeil sans rêve et l’état d’éveil conscient vif)/. +Le deuxième est de se concentrer sur le contenu de la conscience et ainsi avoir +une connaissance réflexive de son propre état mental. Si pour les créatures +vivantes, il existe des sortes de “stimuli autoréférentiels” (citer paper +vanhaudenhuyse) (comme le fait de suivre son reflet dans le miroir) pour +détecter son propre niveau de conscience, pour les machines ce phénomène n’a pas +encore pu être implémenté. L’article (citer paper vanhaudenhuyse) propose un +schéma qui détaille la corrélation entre le niveau d’éveil et la conscience de +soi et de l’environnement. Ainsi nous apprenons qu’il existe des variations +entre l’état végetatif (propre aux patients réveillés d’une coma sans état de +conscience détectée)caractérisé par des mouvements réflexes, et l’état de +conscience minimale ou le patient est capable de comportements incohérents mais +reproductibles et soutenus, montrant de signes clairs de conscience de leur +environnement et d’eux mêmes. Plus loin les auteurs font la distinction entre la +conscience et la conscience de soi, en listant les propriétés de la conscience +de soi: “ la conscience qu’il existe d’autres consciences que la nôtre; notre +capacité de répondre adéquatement à des stimuli de l’environnement; notre +aptitude à reconnaître notre corps comme étant lenôtre; la métaconscience nous +permet de comprendre nos comportements et ceux des autres en terme de désirs +etcroyances; la connaissance que nous avons de nous-mêmes comme le narrateur de +notre propre vie” (paper vanhaudenhuyse p.529) + + +Cependant lorsque identifiés grâce à la neuro-imagerie fonctionnelle, les +processus autoréférentiels semblent présents seulement lors des états d’éveil +actif. Dans la même mesure, lors des états de conscience altérés dont +l’évolution n’est pas linéaire, le rapport à l’environnement est déterminant. +Nous nous demandons alors quelle analogie appliquer sur notre étude de cas ? + + +Il existe ensuite un autre type de classification selon la nature +phénoménologique de la conscience et son accessibilité, suivant les recherches +du philosophe Ned Block qui différencie la conscience phénoménologique (comment +une certaine expérience est perçue par le sujet) de celle définie comme +conscience d’accès (disponible pour des processus cognitifs comme le langage). +Block décrit les deux de la façon suivante: "Phenomenal consciousness is +experience; the phenomenally conscious aspect of a state is what it is like to +be in that state. The mark of access-consciousness, by contrast, is availability +for use in reasoning and rationally guiding speech and action." (citer Block) +Ainsi la conscience phénoménale résulte d’expériences sensorielles et de notre +perception mélangeant de sensations comme l’ouïe ou l’odorat, des sensations +type douleur ou perceptions type proprioception, ainsi que des émotions tel la +peur, parmi autres. A l’opposée, la conscience d’accès est disponible pour une +utilisation dans le raisonnement et pour le contrôle conscient direct de +l’action et de la parole. Pour Block, la « rapportabilité » de la conscience +d’accès est d’une grande importance pratique. Selon lui, la conscience d’accès +doit être « représentative » car seul le contenu représentatif peut figurer dans +le raisonnement. Des exemples de conscience d’accès sont les pensées, les +croyances et les désirs. + + + + +Une conséquence directe de cette classification de Block qui divise la +conscience en deux types, est le fait de considérer l’esprit comme résultant de +processus fondamentalement logiques et ainsi modélisable d’un point de vue +algorithmique. Cette vision computationnelle de l’esprit implique également que +la conscience peut être modélisée par un programme informatique. Pour détailler, +sa tentative de décrire une certaine conscience comme une conscience phénoménale +ne peut pas réussir à identifier une catégorie distincte d’états conscients. +Comme mentionné ci-dessus, Block estime que la conscience phénoménale et la +conscience d’accès interagissent normalement, mais il est possible d’avoir une +conscience d’accès sans conscience phénoménale. En particulier, Block croit +comme Dennet que les zombies (entendu ici comme des androïdes) sont possibles et +qu’un robot qui est de point de vue informatique identique à une personne, +pourrait exister tout en n’ayant aucune conscience phénoménale. Cependant à la +différence de Dannet, Block affirme qu’il existe des expériences conscientes +difficilement traduisibles par des algorithmes. Pour lui, l’existence de ces +expériences relève « du problème difficile » de la conscience. + + + + + + +Parmi les théories des sciences cognitives qui identifient les états +psychologiques à des processus neurophysiologiques, la théorie de l’identité +esprit-cerveau est apparue dans les années 1960. Pour les partisans de cette +hypothèse, les états mentaux et les états du cerveau sont numériquement +identiques. L’idée que les pensées et notre esprit résident exclusivement dans +des processus neurophysiologiques étant une perspective naturaliste, les +neurosciences nous permettent de comprendre en quoi certaines structures et +certains processus neurophysiologiques du cerveau sont prédictibles par des +machines. Cependant, les phénomènes mentaux sont multiples et chaque individu +les traduit différemment dans sa personnalité. Nos perceptions, sensations, +désirs, et croyances sont influencés par notre contexte socio-culturel. Pour les +anticiper par des prédictions, les scientifiques doivent faire appel à d’ autres +méthodes et théories. Un courant dérivé de cette théorie de l’identité +esprit-cerveau est l’instrumentalisme, mis en place par le philosophe et penseur +Daniel Dannett. Cette théorie considère les modèles scientifiques comme des +instruments, nous permettant d’analyser et modéliser les phénomènes pour ensuite +les devancer par des prédictions. Ses positions concernant le libre arbitre et +la conscience ont suscité beaucoup de controverses. Ainsi dans son livre +“Consciousness Explained” (1991) il explique comment la conscience est le +résultat des processus cognitives et physiologiques dans le cerveau. Son +analogie de la conscience vue comme un article académique coécrit par une +poignée de scientifiques explique comment plusieurs processus mentaux peuvent +exister simultanément dans le cerveau, sans forcément se connaître l’ un +l’autre. Ce principe correspond à un état où plusieurs brouillons coexistent +simultanément et indépendamment de chaque contribution- attestant l’existence +du papier principal. En extrapolant ces principes au terme de conscience, il nie +cependant l’existence de qualia, vu comme expérience subjective directe et +personnelle. Des philosophes tels John Searle ont suggéré qu’il y a quelque +chose de fondamental dans l’expérience subjective qui ne peut pas être capturé +par les programmes informatiques conventionnels. Dans une de leurs +correspondances, Searle réponds à ses arguments de la façon suivante: + + +“To make explicit the differences between conscious events and, for example, +mountains and molecules, I said consciousness has a first-person or subjective +ontology. By that I mean that conscious states only exist when experienced by a +subject and they exist only from the first-person point of view of that subject. +Such events are the data which a theory of consciousness is supposed to explain. +In my account of consciousness I start with the data; Dennett denies the +existence of the data. To put it as clearly as I can: in his book, Consciousness +Explained, Dennett denies the existence of consciousness. He continues to use +the word, but he means something different by it. For him, it refers only to +third-person phenomena, not to the first-person conscious feelings and +experiences we all have. For Dennett there is no difference between us humans +and complex zombies who lack any inner feelings, because we are all just complex +zombies.” + + +Un des arguments le plus fameux que Searle avance dans leur débat est celui +appelé the ‘Chinese Room Argument’, où une personne enfermée dans une chambre +communique avec l’extérieur en chinois, sans comprendre les symboles chinois. Ce +fonctionnement est similaire aux algorithmes de traduction qui exécutent des +équivalences entre des mots, sans saisir leur sens. + + + + + + + + + + + + +The hard problem of consciousnes + + +Dans son article, “Facing Up to the Problem of Consciousness” le philosophe +David J. Chalmers affirme qu’il n’y a pas qu’un seul problème lorsque nous +essayons de définir la conscience. Pour lui il s’agit d’un terme ambigu en +référence à des phénomènes différents, et propose de diviser les objectifs en +deux catégories- le problème facile de la conscience et le problème difficile de +la conscience. Le problème facile de la conscience continent les hypothèses qui +pourront trouver leurs solutions dans l’avenir immédiat- notamment les processus +neurophysiologiques dans le cerveau et l’intelligence sensorielle du corps qui +donnent accès à des explications des capacités et des fonctions cognitives. +Chalmers illustre les phénomènes qui correspondent à cet état. Pour lui un état +mental est conscient lorsqu’il est décrit par des mots, ou lorsqu’il est +accessible comme ressenti interne. Un système est conscient de certaines +informations lorsqu’il traite et intègre cette information, puis modifie son +comportement en conséquence. De la même façon, une action est consciente quand +elle est délibérée. Alors que le problème difficile de la conscience atteste de +l’incapacité de modéliser certaines expériences subjectives et leur vécu. Pour +citer Chalmers: “Is undeniable that some organisms are subjects of experience. +But the question of how it is that these systems are subjects of experience is +perplexing. Why is it that when our cognitive systems engage in visual and +auditory information-processing, we have visual or auditory experience: the +quality of deep blue, the sensation of middle C? How can we explain why there is +something it is like to entertain a mental image, or to experience an emotion? +It is widely agreed that experience arises from a physical basis, but we have no +good explanation of why and how it arises. Why should physical processing give +rise to a rich inner life at all? It seems objectively unreasonable that it +should, and yet it does.”(Chalmers p.3) Son argumentation va plus loin, en +donnant l’exemple de la perception visuelle. Il décrit comment les formes +d’ondes électromagnétiques empiétant sur la rétine, sont discriminées et +catégorisées par un système visuel pour que cette catégorisation est vécue comme +la sensation de vif rouge. Ensuite, il montre comment l’expérience consciente +qui survient lorsque ces fonctions sont exécutées, est difficile à expliquer et +vérifier - correspondant à ce que la communauté philosophique a défini comme une +sorte de “lacune explicative entre les fonctions et l’expérience”. Il propose +que les théories sur la conscience traitent l’expérience comme partie +intégrante: “I suggest that a theory of consciousness should take experience as +fundamental. We know that a theory of consciousness requires the addition of +something fundamental to our ontology, as everything in physical theory is +compatible with the absence of consciousness. We might add some entirely new +nonphysical feature, from which experience can be derived, but it is hard to see +what such a feature would be like. More likely, we will take experience itself +as a fundamental feature of the world, alongside mass, charge, and +space-time.”(Chalmers p.14) En anglais le terme de conscience permet une +déclinaison en deux instances, celle de conscience comme vécu expérientiel et +celui d’awareness ou forme de réceptivité caractérisé par le principe de la +cohérence: “Various specific hypotheses have been put forward. For example, +Crick and Koch (1990) suggest that 40-Hz oscillations may be the neural +correlate of consciousness, whereas Libet (1993) suggests that +temporally-extended neural activity is central.If we accept the principle of +coherence, the most direct physical correlate of consciousness is awareness: the +process whereby information is made directly available for global control. The +different specific hypotheses can be interpreted as empirical suggestions about +how awareness might be achieved. For example, Crick and Koch suggest that 40-Hz +oscillations are the gateway by which information is integrated into working +memory and thereby made available to later processes. Similarly, it is natural +to suppose that Libet’s temporally extended activity is relevant precisely +because only that sort of activity achieves global availability.” Pareil au +Chalmers, Block croit que nous pouvons avoir des expériences conscientes qui ne +sont pas traduisibles par des algorithmes de calcul. Un exemple de conscience +phénoménale discuté par Block est un bruit fort que nous ne remarquons pas +consciemment parce que nous faisons attention à autre chose. Dans sa +classification, le fait d’entendre le bruit (puisque nous ne pouvons pas couvrir +notre oreille comme la paupière) relève de la conscience phénoménale alors que +le fait de ne pas s’en rendre compte relève de la conscience d’accès. Cela +suggère que ce type de conscience phénoménale décrite par Block, est basée sur +une activité cérébrale classifiée comme inconsciente donc difficilement +modélisable par des algorithmes de calcul. + + +Le rôle de l’introspection L’introspection peut nous permettre d’être conscients +des processus mentaux qui semblent avoir une séquence linéaire comme la +production de la parole ou des lignes de raisonnement. Elle agit également lors +des actes artistiques. Pendant la phase de création, un artiste sonde son +imaginaire pour clarifier ses intuitions. Lorsque nous faisons référence à +l’exemple de Block, c’est intéressant de mentionner un possible scénario où la +personne aurait prêté attention au bruit auparavant ignoré, comme un type +d’expérience subjective, à la limite de la conscience d’accès, pour ensuite +déterminer à partir de quand le bruit est devenu conscient. Cette introspection +liée à un stimulus extérieur, trouve son équivalent dans l’acte d’introspection +de l’artiste qui veut mieux comprendre sa démarche. La distinction de Block +entre conscience phénoménale et conscience d’accès a des implications +importantes pour les neuroscientifiques et les informaticiens qui cherchent à +modéliser une conscience artificielle dans des dispositifs tels les robots. Mais +une fois cette intention exprimée, comment pouvons-nous savoir si l’algorithme +a produit une conscience semblable à celle de l’homme? Dans la même mesure, +produire ces expériences subjectives de la conscience phénoménale dans des +robots implique des considérations éthiques. Heureusement le moyen pour doter +rationnellement les machines de nos expériences personnelles, parfois +irrationnelles, n’est pas encore à notre portée. Selon les avancées des sciences +cela pourra se faire par des mécanismes non informatiques. Même si la communauté +scientifique est divisée et de nombreux neuro-biologistes et informaticiens +estiment que les philosophes sont trop pessimistes quant aux capacités des +algorithmes à modéliser la conscience humaine, il est important de comprendre +nos motivations et intentions face à cela. Peu importe ce que nous identifions +comme processus physiques qui génèrent la conscience, tant que nous ne pouvons +pas comprendre comment ils se manifestent dans chaque individualité nous ne +comprendrons pas leur impacte une fois réalisée. Mais une fois cela fait, il +reste toujours un problème de vérification car en construisant des machines qui +fonctionnent comme nous, nous n’avons aucun moyen de savoir si le rendu +biologique suffit pour une expérience intérieure interne. En d’autre termes, +comment pouvons-nous savoir si un robot a une conscience phénoménale alors que +notre moyen actuel pour déterminer cela dans les humains passe par le vécu +expérientiel? + + +D’autres philosophes tels Thomas Nagel affirment qu’il est impossible de +déterminer les points communs entre une expérience directe, évoquée à la +première personne et les descriptions à la troisième personne des expériences +passées qui forment à leur tour des modèles. Dans son article "What Is It Like +to Be a Bat?" (1974) traduit en français par “ Qu’est-ce que cela veut dire +d’être un chauve-souri?”, le philosophe décrit la conscience comme un phénomène +partagé par beaucoup des organismes vivants (notamment les mammifères dont le +chauve-souris), dans le même temps faisant une distinction entre conscience et +perception sensorielle. Pour lui, ce que tous les organismes partagent, c’est ce +qu’il appelle le « caractère subjectif de l’expérience ». Cette nature +subjective bloque toute tentative d’expliquer la conscience par des moyens +objectifs comme les neurosciences ou la robotique. L’auteur a choisi la +métaphore des chauves-souris en raison de leur appareil sensoriel originel. En +effet, les chauves-souris utilisent l’écholocalisation pour naviguer et +percevoir des objets, cette méthode de perception étant similaire à la vision +des humains. L’auteur affirme que les humains dotés de sens similaires ne +peuvent pas cependant expérimenter l’état d’esprit d’une chauve-souris, puisque +leur cerveau ne s’est pas développé comme celui d’une chauve-souris dès sa +naissance. En échange des comportements de type voler, naviguer en sonar ou se +suspendre à l’envers comme une chauve-souris, faciliteront des expériences +similaires à ce qu’une chauve-souris peut vivre. Cette hypothèse est évoqué avec +des autres mots par Penny qui mentionne l’origine du concept de spécificité des +capacités sensorielles, dans son chapitre “The biology of cognition”. Ainsi +Penny mentionne le travail du biologiste Jacob Von Uexkull, au début du XXe +siècle : “Von Uexkull argued that the experiential world of a creature is +specific to that species, given to it by virtue of its particular suite of +sensorimotor capabilities. He called this the creature’s umwelt, which we might +translate as life-world or experience-world. Put simply, in sensory experience, +there is no objective world "out there." By this logic, mind and world are +simultaneously cocreated. (...)Different species do not share umwelts, even if +they happen to be physi­cally colocated. Umwelts may intersect, like Venn +diagrams, in which case different species can identify similar things. Creatures +may cohabit the same "place" and be unaware of each other because their umwelts +do not inter­sect, due to differences of scale, sensory capability, and so on. +Some animals construct their umwelts via senses others do not have—such as the +infra­red sensing of some snakes, the echolocation of bats, the electro-sensing +of platypus and some weakly electric fish, and the magneto-sensing of the +hammerhead shark.” (penny making sense p. 17 + + +Ainsi selon les capacités sensorielles de chacun, il est possible d’avoir une +conscience phénoménale et d’accéder à la conscience d’accès indépendamment, bien +qu’en général, les deux interagissent. + + +Le papier (citer friston p. 195) liste également les propriétés de la +conscience: avoir un contenu phénoménal spécifique, être en contact direct avec +la réalité et pas ses représentations, être instantanée. La conscience dévient +alors un aspect direct et privé de la vie mentale de chacun, puisque cela nous +est impossible de faire l’expérience d’une autre conscience que la nôtre. Nous +pouvons faire cependant l’expérience d’une subjectivité, en écoutant le ressenti +d’une autre personne. + + +Dans son article, “Consciousness: The last 50 years.” le neuroscientifique Anil +K. Seth souligne le caractère interdisciplinaire des études sur la conscience et +la volonté de tisser des ponts entre les expériences phénoménologiques et le +fonctionnement neuronal. Pour lui, l’expérience phénoménologique ne peut pas +exister sans l’ancrage du corps dans son environnement - en anglais “ an +environment embedded embodiment processes”. Seth trace l’histoire des études sur +la conscience , en tant que phénomène neurologique identifiant une première +étape entre 1960 et 1990. Ainsi, après un intérêt particulier pour des études +comportementales, les scientifiques mettent les bases d’une nouvelle science +cognitive. Cette science atteste l’existence d’un état mental interne qui fait +la médiation entre réponse et stimulation et qui fait beaucoup de polémique à +son époque. Seth cite entre autres le psychologue Stuart Sutherland qui +affirmait en 1989 : “Consciousness is a fascinating but elusive phenomenon. It +is impossible to specify what it is, what it does, or why it evolved. Nothing +worth reading has been written on it. “ Tandis que des autres chercheurs qu’il +cite, se heurtent aux limites de leurs recherches respectives quant à l’unité de +la conscience. Il note la contribution de Michael Gazzaniga sur le fait que +possiblement la conscience se manifeste à travers plusieurs processus selon les +hémisphères cérébraux (alternant des processus cognitifs entre l’hémisphère +droit et gauche). Aussi celle de Benjamin Libert qui fait des expériences en +lien avec le libre arbitre et les mouvements volontaires. + + +La deuxième étape dans l’évolution des études sur la conscience commence dans +les années 1990 jusqu’au moment présent. Cette période est marqué par les études +de Christoph Koch dont le papier “Towards a neurobiological theory of +consciousness” inspirent la voie de ce qu’aujourd’hui s’appelle “the hard +problem of consciousness” ou la simulation neurobiologique de la conscience +comme processus purement physiologique. Seth mentionne également Karl Friston +dont le principe d’énergie libre (Free Energy Principle- FEP) renforce +l’hypothèse que la perception est influencée par l’action, au niveau neuronal. +Devenu entre-temps principe normatif qui décrit les systèmes adaptatifs capables +d’auto-organisation, le FEP est sujet à des nombreux débats dans la communauté +scientifique, notamment en lien avec le concept de représentation ou +modification interne propre aux organismes vivants (cite pezzulo et sims) . + + + + +Relation conscience-action + + +Dans le chapitre “What’s the use of consciousness” du livre The Pragmatic Turn +Toward Action-Oriented Views in Cognitive Science, résultat d’une semaine de +débats entre neurologues, psychologues et philosophes, Anil Seth décrit une +nouvelle approche dans les sciences cognitives qui vise le rôle de l’action dans +les processus cognitives et implicitement la conscience. A l’opposé des +représentations internes suite au calcul mental, l’action favorise une vision +énactée (enacted), ancrée (embedded) et incorporée (embodied) de systèmes +cognitifs. Pour Seth, cela marque une tournure pragmatique dans l’évolution de +ces sciences et leur vécu expérientiel associé. Avec ses collègues, ils +établissent quatre approche théoriques clé, pour mieux définir leur cadre: 1/ le +cerveau Baesyian (Baesyian brain) - cette approche définit la perception comme +un processus d’inférence des signaux sensorielles; elle définit aussi le rôle +des erreurs comme moyen d’affiner cette inférence 2/ la contingence +sensori-motrice (sensorimotor contingency- SMC)- pour cette approche, la +perception est une capacité d’engagement dans l’environnement qui s’améliore +avec le temps 3/ le système de control adaptatif-distributif(distributed +adaptive control- DAC)- envisage le cerveau comme outil incorporé en relation +avec l’environnement 4/ l’autonomie énactée est un principe qui stipule +l’importance de l’autonomie et de l’auto-organisation pour la cognition, en lien +avec le travail du neurologue Francesco Varela. + + +Une de leurs questions principales est “Comment l’action structure la conscience +et qu’est ce que détermine la cognition de l’action?”(cite page 262) + + +Schema of theoretical frameworks qui ont servi comme discussions pour la +relation action-conscience. P 266 Frist + + + + + + +La boucle perception-action-cognition + + +Toujours dans le même chapitre, les chercheurs Chris D. Frith et Thomas +Metzinger partent de l’idée que la conscience en tant qu’expérience subjective, +influence certains comportements. Ainsi ils abordent la question de la +conscience du point de vue de la théorie de l’évolution, en précisant que sa +présence, détectée chez certains animaux et humains, implique un “certain +avantage évolutif”. Ils identifient la relation perception-action-cognition +comme cadre d’exploration pour les expériences subjectives: “conscious +experience could then be a single, generative model of reality including a mode +of the self as currently acting, perceiving, and thinking.” (friston, p.194) + + + + +Dans le monde des machines, les résultats les plus concluants pour illustrer des +processus mentaux sont dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avant de +comprendre ce qu’est la conscience artificielle, nous nous appuyons sur les +résultats et les problématiques propres à ce domaine. + + + + + + +Homéostasie physiologique, IA et autopoièse + + +Le philosophe et psychologue Zoltan Torey, décrit dans son livre “The crucible +of consciousness” la difficulté des scientifiques d’argumenter l’existence de +la conscience, au-delà du formalisme mathématico-logique. Pour lui le formalisme +est seulement une spécification des opérations et transactions neuronales dans +le cerveau. Ces opérations deviennent des instances de protocoles pour des +machines. Mais, comme le remarque Roger Penrose, que Torey cite: “Algorithms +themselves never ascertain truths. It would be as easy to make an algorithm +produce nothing but falsehood as it would be to make it produce truths. One +needs external insights to decide the validity or otherwise of an algorithm.” +Ces “discriminants externes” sont pour Torey, la preuve même que les systèmes +gouvernés par ce formalisme sont incomplets. De plus, il extrapole sa +démonstration à tout système formel- mathématique, logique ou philosophie +analytique, en précisant que le cerveau qui a généré ces formalismes par des +opérations mentales ne peut pas être modélisé par un ordinateur- puisque que cet +ordinateur ne génère pas des autres systemes à son tour. + + +Cela rejoint, au moins en partie, la visions de Michel Bitbol pour qui +l’expérience phénoménologique de la conscience ne peut pas être vérifié par des +critères: + + +“ nous n’avons rigoureusement aucun critère nous permettant de savoir, ni même +de deviner, qu’un artéfact fabriqué par nous est ou n’est pas doté de conscience +phénoménale. Il est vrai que nous pourrions tomber dessus par hasard, et mettre +en place les conditions d’une conscience phénoménale sans le faire exprès; mais +dans ce cas, nul signe, pas le plus petit indice, ne nous permettrait de savoir +que nous avons réussi (ou de savoir le contraire). C’est ce que signale à juste +titre le neurobiologiste Jesse Prinz : « À quel degré de proximité avec le +cerveau humain un ordinateur doit-il parvenir, avant que nous puissions dire +qu’il est probablement conscient ? Il n’y a aucune manière de répondre à cette +question. »” La conscience artificielle : Une critique pensée et vécue. Michel +Bitbol Archives Husserl, France Chroniques Phénoménologiques, 2018 + + +Pour aller plus loin, des chercheurs (citer art multitudes) sintérrogent sur la +façon dont notre société s’est emparé du phénomène de l’intelligence +artificielle, notamment sa branche connexionniste avec ses prédictions calculées +et des ouvriers à la tâche qui nourrissent des algorithmes de machine learning. +Puisque cela se répercute dans toutes les domaines de nos vies, ils prônent une +culture critique de l’IA, et les biais statistiques que cela engendre, en +prenant conscience du fait que “nous sommes les sens et la conscience des +machines”. Ainsi la perspective d’une “weak AI” (où les programmes simulent et +modélisent la pensée humaine), prédomine celle de “strong AI”(où les programmes +“pensent” par elles-mêmes). + + +De la même manière, le neurologue Stanislas Dehaene considère que les processus +inconscients, sont la preuve que la conscience ne peut-pas être modélisée: “We +cannot be conscious of what we are not conscious of”. This truism has deep +consequences. Because we are blind to our unconscious processes, we tend to +underestimate their role in our mental life. However, cognitive neuroscientists +developed various means of presenting images or sounds without inducing any +conscious experience and then used behavioral and brain imaging to probe their +processing depth(...) Subliminal digits, words, faces, or objects can be +invariantly recognized and influence motor, semantic, and decision levels of +processing. Neuroimaging methods reveal that the vast majority of brain areas +can be activated nonconsciously.” What is consciousness, and could machines have +it? Stanislas Dehaene, Lau H, Kouider S, revue Science, 2017 + + + + +Pour mieux illustrer le concept d’intelligence artificielle, nous faisons +référence aux raisonnements de la philosophe Catherine Malabou. Pour elle, il +s’agit d’une relation de coopération entre humain et machine: + + + + +“J’ai refusé dès le début de me placer dans l’optique d’une compétition entre +homme et machine. C’est la façon de voir la plus courante, je la laisse à +d’autres et préfère tenter d’ouvrir une autre voie. En effet, choisir la +compétition, c’est perdre à tous les coups. Car la mise en concurrence +homme/machine est un faux problème. Pour de multiples raisons. J’en évoquerai +une seule ici. Croire qu’il existe une réalité humaine intacte de toute +aliénation technologique est une illusion qui s’effondre facilement dès que l’on +prend en compte le fait que le cerveau humain – parlons de lui puisque c’est +bien de lui qu’il s’agit – s’est développé épigénétiquement dans son interaction +avec les artefacts. Leroi-Gourhan l’explique magnifiquement. Du silex à la +cybernétique, le mécanisme de l’interaction est le même. Notre cerveau ne peut +fonctionner qu’à se mettre au dehors, à prolonger son système par des prothèses +(cf. « l’exorganologie » de Bernard Stiegler), au point qu’il est impossible de +faire la part, dans l’évolution cérébrale des hommes depuis la préhistoire, +entre nature et technique. Un cerveau qui ne serait pas prolongé par des +artifices serait un cerveau mort.” + + +Malabou souligne la distinction entre le concept philosophique d’intellect et +celui d’intelligence, dont l’apparition est plutôt liée au Bergson et au +développement de la psychologie expérimentale en fin de XIXe siècle. Elle +défend un point de vue matérialiste selon lequel: “l’esprit, l’entendement, +disons toutes les fonctions intellectuelles, comme on voudra les appeler, sont +étroitement dépendantes des bases matérielles et organiques sur lesquelles elles +reposent. Ayant beaucoup travaillé sur le cerveau, je suis convaincue qu’il +n’existe pas de lieu séparé qui abriterait les opérations mentales et +cognitives, elles dérivent toutes de processus neuronaux. Il est donc impossible +de ne pas associer intelligence et cerveau.” Cependant, réduire l’intelligence +humaine a du calcul mathématique et des termes quantitatifs, n’a pas de sens +pour elle, sauf si ce calcul invente les concepts sur lesquels il résonne. Plus +spécifiquement, elle propose comme définition minima de l’intelligence +“l’invention de son objet”. + + +Dans un entretien avec Catherine Malabou, le cinéaste Ariel Kyrou cite le livre +“Cerveau augmenté, homme diminué” du philosophe Miguel Benasayag pour qui « la +pensée n’est pas déposée dans les réseaux de neurones comme un software figé +installé dans le hardware. Elle est distribuée dans le corps et dans le milieu, +dans l’échange entre l’un et l’autre, ainsi que dans l’histoire – s’inscrivant +ainsi dans une évolution complexe qui n’a aucun rapport avec celle des versions +successives de logiciels enrichis de nouvelles lignes de code informatique (2.0, +2.1, 2.12, etc.). » Pour Kyrou l’aboutissement de tout cela sera une IA qui +arrive par elle-même à définir son sujet de recherche. Puis il évoque ce qu’il +identifie comme différences entre sa pensée et celle de Malabou, notamment du +point de vue des conséquences que les avancées de la recherche en IA +apporteront. Il évoque également ce qu’ils partagent comme opinions autour de +trois axes: “la façon dont les « techniques », du silex à l’écriture et +dorénavant au monde numérique, contribuent à fabriquer et à faire évoluer notre +cerveau, comme l’ont montré l’archéologue et ethnologue André Leroi-Gourhan et +sur un registre philosophique selon moi déterminant Bernard Stiegler ; la +nécessité d’éviter tout réductionnisme, d’où qu’il vienne, qu’il se veuille +scientifique, psychologique ou philosophique ; et enfin l’importance cruciale de +laisser grandes ouvertes les portes du futur, c’est-à-dire de ne jamais réduire +l’avenir à une voie unique, qui serait connue d’avance des « sachant » de toutes +obédiences.”(citer Kyrou) La perspective théorique que dans un futur plus ou +moins lointain, un autre type d’intelligence- plurielle, imprévisible et +complémentaire à l’intelligence humaine- verra le jour. Ainsi l’intelligence +artificielle connexionniste transpose le modèle des réseaux de neurones et leur +façon de traiter l’information basée sur des calculs à des machines, tandis que +l’intelligence artificielle symbolique traite cette information par la +manipulation de symboles en explorant des données massives sur le comportement +humain. + + +Hémisphère droite comme symbole de la créativité Hémisphère gauche comme symbole +de la pensée analytique + + + + + + +2.1.2 Embodiment. Body schema vs. Body image + + + + +Le début des années 1990 est marqué par la publication de plusieurs ouvrages +comme celles de Brooks, Dreyfus et Varela, Thompson \& Rosch. Plusieurs de ces +ouvrages mentionnent le terme de cognition incarnée- Embodied Cognition qui +englobe des notions en sciences cognitives, informatique et phénoménologie mais +aussi linguistique et mysticisme oriental parmi autres. TRente ans plus tard, +l’artiste et chercheur Simon Penny va plus loin dans l’appréhension du phénomène +de la conscience en le liant à celui de la cognition: + + +“Cognition is held not to occur (exclusively) in the head or necessarily in some +immaterial space of logical manipulation of symbolic tokens. These approaches +propose, in different ways, that cognition is embodied; integrated with +non-neural bodily tissues; or extends into artifacts, the designed +environment,social systems, and cultural networks (...) We cannot meaningfully +speak of intelligence as occurring exclusively inside the skull, connecting to +the body and the world via mechanistic sensors and effectors. On the contrary, +cognition is biologically material and embodied, and discussing it outside such +contexts is of dubious value. Furthermore, cognition is dynamic; it occurs as a +temporally ongoing relational engagement with architectures, artifacts, tools, +language, human (and interspecies) relationships, and social systems. (...) The +computer is a machine for manipulating symbols. The world is not symbols; we +turn the world into symbols for the computer. Humans are the analog to digital +interface between the world and the internet. The world remains outside the +computer and outside the symbolic, but under the hegemony of the digital, the +conflation of the products of computing with the world, bizarrely, goes +unremarked.” Simon Penny in Making Sense: Cognition, Computing, Art, and +Embodiment (2019) + + + + + + + + + + + + + + +How the body shapes the mind + + + + + + + + + + +Dans son livre, Gallagher présente le rôle du schéma corporel dans une gamme de +fonctions cognitives perceptives, parmi lesquelles la différenciation de soi et +des autres. “In the beginning, that is, at the time of our birth, our human +capacities for perception and behavior have already been shaped by our movement. +Prenatal bodily movement has already been organized along the lines of our own +human shape, in proprioceptive and cross-modal registrations, in ways that +provide a capacity for experiencing a basic distinction between our own embodied +existence and everything else. As a result, when we first open our eyes, not +only can we see but also our vision, imperfect as it is, is already attuned to +those shapes that resemble our own shape. More precisely and quite literally, we +can see our own possibilities in the faces of others. The infant, minutes after +birth, is capable of imitating the gesture that it sees on the face of another +person. It is thus capable of a certain kind of movement that foreshadows +intentional action, and that propels it into a human world. “ (p.1) + + +Dans son livre “How the body shapes the mind”, le philosophe Shaun Gallagher +avance l’idée que la compréhension scientifique et phénoménologique du corps +est essentielle pour comprendre des phénomènes tels que la conscience ou la +cognition. Son approche vise à développer un vocabulaire commun inspiré par +“les processus cérébraux en neurosciences, les expressions comportementales en +psychologie, les préoccupations de conception en intelligence artificielle et en +robotique, et les débats sur l’expérience incarnée dans la phénoménologie et la +philosophie de l’esprit”. Entre outre, son livre traite des phénomènes tels +l’apprentissage de nouveau-nés par l’imitation, la conscience de soi, le libre +arbitre, la cognition sociale et l’intersubjectivité, la perception intermodale +pour en citer quelques-unes des thématiques abordées. Gallagher aborde ces +sujets au travers des concepts comme l’’image corporelle et le schéma corporel, +la proprioception et la théorie de l’enactivisme. Une de ses hypothèses est la +théorie de l’ancrage physique ou the physical grounding hypothesis (PGH) en +anglais. Cette théorie stipule que le contenu et le fonctionnement de l’esprit +sont fondés sur les propriétés physiques et l’expérience incarnée de l’agent. +Loin de promouvoir l’influence du physique sur le mental, Gallagher souligne la +complexité des facteurs impliquées dans toute explication adéquate de la +cognition. + + +Plus loin, le chercheur décrit le concept de schéma corporel et sa différence +par rapport à l’image corporelle. Ainsi dans son acceptation le schéma corporel +est un système de capacités sensori-motrices, englobant tous les aspects +non-conscients du contrôle moteur, y compris les processus sous-corticaux, +pré-moteurs et moteurs dans le cerveau. Il mentionne également les systèmes +d’information nécessaires au bon fonctionnement de ces processus. Il distingue +le concept de schéma corporel de celui d’’image corporelle vu comme résultat +des expériences perceptives du corps. Gallagher distingue les différences entre +les deux termes au niveau conceptuel, mais aussi au niveau empirique donnant +l’exemple d’un patient qui dans un état de négligence ne se préoccupe de son +image de soi pour se laver ou s’habiller. Cependant ses capacités motrices +telles que la marche ou les tâches bimanuelles telles restent intactes et il les +exerce. Cela montre que même si l’image corporelle est altérée ou endommagée, le +schéma corporel reste intact. + + +De même, les sujets qui ont perdu un membre ont la capacité de le ressentir +(citer the limb phanom theory). Plus loin, Gallagher illustre le cas des +malformations congénitales, où le membre fantôme est signalé quelques années +après la naissance, d’habitude après une intervention chirurgicale, un accident +ou un autre événement corporel important. Ainsi la probabilité qu’un schéma +corporel ou une image corporelles soient innés, est très réduite. Dans les cas +de membres fantômes, des informations contradictoires entre la proprioception +(qui pourrait indiquer la présence d’un membre) et la vision (qui l’infirme) se +basent sur la vision. + + + + + + +2.1.3 Théories sur l’enaction + + + + +Les paradigmes sur l’énaction (enactive theory) ont émergé avec la publication +du livre The Embodied Mind que nous avons déjà mentionné plus haut. Cette +théorie stipule que les expériences perceptives ne sont pas des événements +internes dans notre tête, mais plutôt des actions que nous produisons à travers +notre exploration sensorimotrice de l’ environnement. Dernièrement les sciences +cognitives se sont orientées vers l’autonomie biologique et la subjectivité +comme concepts clés de la cognition incarnée (cite Ziemke AI). + + + + + + +2.1.4 Anthropomorphism. Animacy and animacy + + +Pourquoi l’intelligence a besoin d’un corps ? + + +Dans leur livre “How the body shapes the way we think, Rolf Pfeifer et Josh +Bongard soulignent l’importance de la morphologie du corps et ainsi de +l’embodiment sur l’intelligence d’un système. Leur point de départ est le +fonctionnement humain qu’ils extrapolent aux machines, avec l’idée que pour être +intelligent, nous avons besoin d’un corps physiques: + + +“One of the most elementary capacities of any creature is categorization: the +ability to make distinctions in the real world. If we cannot distinguish food +from nonfood, dangerous from safe objects and situations, our parents from other +people, or our home from the rest of the world, we are not going to survive for +very long. Likewise, robots incapable of making basic distinctions, e.g., a +household robot that cannot distinguish garbage from antiques, a vacuum cleaner +from a dishwasher, or pets from babies will not be very useful. We will attempt +to demonstrate that the formation of such categories is very directly determined +by our embodiment, i.e., our morphology and the material properties of our body. +Morphology includes the shape of the body, the kinds of limbs and where they are +attached, the kinds of sensors (eyes, ears, nose, skin for touch and +temperature, mouth for taste) and where on the body they are found. By material +properties we mean, for example, the deformability of the fingertips and of the +skin, or the elasticity of the muscle-tendon system. When interacting with the +real world, the body is stimulated in very particular ways, and this stimulation +provides, in a sense, the raw material for the brain to work with. As we will +see later, this raw material can be used to create categories—cups, apples, +pets, people—that describe the environment in a natural way.” (How the body, +p.2) Indépendamment des multiples perspectives et définitions impliquées dans le +concept d’ intelligence, ce que Pfeifer et Bongard considèrent intuitivement +comme intelligent est investi par deux caractéristiques: la capacité +d’adaptation et la diversité. Plus concrètement, les agents intelligents se +conforment toujours aux exigences physiques et les règles sociales de leur +environnement, et exploiter ces règles pour produire différents comportements +selon le contexte: + + +“All animals, humans, and robots have to comply with the fact that there is +gravity and friction, and that locomotion requires energy: there is simply no +way out of it. But adapting to these constraints and exploiting them in +particular ways opens up the possibility of walking, running, drinking from a +cup, putting dishes on a table, playing soccer, or riding a bicycle. Diversity +means that the agent can perform many different types of behavior so that he—or +she or it—can react appropriately to a given situation. An agent that only +walks, or only plays chess, or only runs is intuitively considered less +intelligent than one that can also build toy cars out of a Lego kit, pour beer +into a glass, and give a lecture in front of a critical audience. Learning, +which is mentioned in many definitions of intelligence, is a powerful means for +increasing behavioral diversity over time.” (Rolf Pfeifer et Josh Bongard p.16) + + + + +Le libre arbitre vs “the readiness potential” + + +Pour aller plus loin et illustrer leur point de vue sur la dualité corps-esprit, +ils citent l’expérience du neurologue Benjamin Libet qui, avec ses collègues, +investigue les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action +intentionnelle a lieu. Plus spécifiquement, l’expérience demande aux +participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, +ils regardent une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer +l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision +consciente de vouloir exécuter un mouvement de doigt. Pendant ces +instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des +capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des +doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent +que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le +mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent +conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de +“readiness potential” (potentiel de préparation) - pour illustrer le fait que +la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif +après le début de l’activité cérébrale pertinente. Cette expérience démontre que +le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous +entendons par “décisions consciente” et influe sur les débats actuels concernant +l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est +toujours difficile de modéliser le facteur de “readiness potential” , rendre des +robots capables de prendre des décisions “conscientes” reste un défi. Cependant +cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes +d’exploration et hypothèses de recherche. + + +Une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec +l’environnement. Si un agent ou un système à un corps physique (is embedded), il +est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et +aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. +Ainsi cela pose de nouveaux défis pour ce qu’il y a de capacité d’adaptation et +des multiples négociations entre les calculs internes et des actions directes: +“the real importance of embodiment comes from the interaction between physical +processes and what we might want to call information processes. In biological +agents, this concerns the relation between physical actions and neural +processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The +equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its +control program.” (Rolf Pfeifer et Josh Bongard p.18) + + +Pour illustrer cela, ils font une comparaison entre l’action d’attraper un verre +par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts +s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en +conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas +cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force +appliquée n’est pas la bonne. Ainsi ils argumentent l’hypothèse que +l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas que dans le +cerveau. + + +Concernant la capacité de robots d’entreprendre des actions, traduit ici comme +détermination de l’anglais agency, Ziemke affirme: + + +“The idea behind this approach can be summarized by the slogan that ‘perceiving +is a way of acting’; or more precisely, “what we perceive is determined by what +we do (or what we know how to do)” . In other words, it is claimed that +perception is a skillful mode of exploration of the environment which draws on +an implicit understanding of sensorimotor regularities, that is, perception is +constituted by a kind of bodily know-how. In general, the sensorimotor account +emphasizes the importance of action in perception. The capacity for action is +not only needed in order to make use of sensorimotor skills, it is also a +necessary condition for the acquisition of such skills since “only through self +-movement can one test and so learn the relevant patterns of sensorimotor +dependence” . Accordingly, for perception to be constituted it is not sufficient +for a system to simply undergo an interaction with its environment, since the +exercise of a skill requires an intention and an agent (not necessarily a +‘homunculus’) that does the intending. In other words, the dynamic sensorimotor +approach needs a notion of selfhood or agency which is the locus of intentional +action in the world.” (Ziemke IA p. 473) + + +Pour continuer cette idée, le chercheur se demande si les boucles +sensorimotrices disposent des moyens conceptuels pour distinguer les actions +intentionnelles d’un agent autonome des mouvements accidentels . + + +2.2 L’Effet du mouvement et du toucher sur l’acceptation des robots + + + + + + +Qu’il s’agisse d’un objet mobile avec une source d’énergie, programmé pour « +sentir » et « interagir » avec son environnement (cite A. Mayor, Gods and +robots: myths, machines) ou d’un agent capable de percevoir son environnement +par des capteurs et agissant sur cet environnement par l’intermédiaire +d’effecteurs (selon la définition de Russell et Norvig dans leur sur papier +l’intelligence artificielle citée par Pfeifer et Bongard), les robots ont fait +immersion dans notre réalité depuis quelques décennies déjà. Indépendamment du +fait qu’ils exécutent du travail utile pour les humains comme imaginé +initialement par l’écrivain tcheque qui a donné leur nom (cite kopek), leur +place dans notre société est désormais acquise. Cependant, nous attendons de ces +robots qu’ils fassent précisément ce que nous voulons qu’ils fassent, avec +l’espoir qu’un jour ils seront capables de nous surprendre en proposant des +idées ou des comportements inattendus par eux-mêmes. + + + + + + +2.2.1 La robotique basée sur le comportement. Behavior-based robotics (BBR) + + + + + + +La robotique basée sur le comportement s’inspire des systèmes biologiques et +souvent du monde animal (comportement des insectes) pour construire des +dispositifs réactifs à l’environnement. Un des caractéristiques les plus +importantes de cette discipline est l’adaptabilité des systèmes qui en font +partie. Ainsi, les robots basés sur le comportement (BBR) sont moins dotés avec +de la puissance de calcul pour réaliser des des actions et leur comportement +émerge des interactions qu’ils ont avec l’environnement. Le type d’intelligence +artificielle qui opère dans ces systèmes est inspiré par la branche faible de +l’AI. Leur programmation contient un set de base de comportements spécifiques, +selon l’environnement où ils opèrent et les problèmes qu’ils doivent résoudre. +Quand un comportement n’est pas adapté à un contexte particulier, ils +s’appuient sur des erreurs pour améliorer leur modèle interne. + + +Le fondateur de cette discipline est Rodney Brooks, qui par ses expérimentations +au Massachusetts Institute of Technology, dans les années 1980, a mis les bases +de la robotique basée sur le comportement. Ses premiers robots, construits à +roues et à pattes, ont été construits suite à ses observations des +comportements anthropomorphiques - éviter un obstacle, s’approcher d’une source +de lumière, chercher à économiser sa batterie lors de longs trajets etc. + + +Une des influences de Brooks est le travail de neurophysiologiste et pionnier de +la robotique W. Gray Walter. Fin des années 1940, Gray Walter a développé un +certain nombre de robots simples basés sur des comportements ressemblant à des +animaux. Ces prototypes de robots ont aidé Gray Walter à mieux comprendre le +fonctionnement du cerveau des animaux, par des modèles simples de leurs +opérations de base. Les plus connus sont Elmer et Elsie (abréviation de ELectro +MEchanical Robots, Light Sensitive), recouverts d’une coque en plastique +transparent similaire aux tortues. Enfant, Brooks a lu son livre- The Living +Brain, pour ensuite construire ses propres prototypes. + + +Connu pour sa critique de l’IA symbolique, Brooks voit la logique et le +raisonnement comme des processus mentaux propres aux humains. Au lieu de se +focaliser sur le traitement des symboles, les représentations internes et la +cognition, il propose de construire des modèles basés sur l’interaction avec le +monde réel. Ces modèles ont inspiré les théories sur l’incorporation +(embodiment) et l ’intelligence incarnée. +Schema distributed intelligence Brooks; À leur tour, ces théories ont donné +suite à des innovations dans le domaine de l’intelligence artificielle au cours +des trois dernières décennies. Selon (cite Ziemke), l’approche de l’intelligence +incarnée (embodied AI) s’est imposée comme une méthodologie fiable pour +comprendre la cognition et ainsi résoudre les problèmes fondamentaux et +paradoxes de l’IA traditionnelle tels The Chinese Room Argument mentionné plus +haut. + + + + + + + + + + + + +2.2.2 Cognitive developmental robotics + + +“Ce processus de reconnaissance de soi est de plus en plus étudié en robotique +pour mimer le développement des capacités motrices et d’interaction sociale chez +l’enfant. Mais de telles corrélations statistiques entre ce qui est perçu par +les caméras du robot et ses ordres moteurs peuvent être calculées sans une +quelconque notion de conscience de soi. Ici, la mesure du degré d’information +intégrée dans le programme informatique du robot apporterait une réponse +quantitative et précise sur le degré de conscience attendu en lien avec un tel +processus.” prof. Raja Chatila, ISIR et le test du miroir, 2016 + + +Prof. Asada supervise également des études sur le développement de l’empathie +artificielle et le rôle de la “contagion émotionnelle” dans la mimique motrice. +Il implémente des processus de cognition que les bébés développent dans leurs +premiers mois, à des robots artificiels. L’évolution corporelle et la croissance +des humains est pour lui un des concepts clé de la robotique cognitive. + + +“Cognitive Developmental Robotics aims at understanding human cognitive +developmental process by synthetic or constructive approaches. Its core ideas +are "physical embodiment" and "social interaction" that enable information +structuring through interactions with the environment, including other agents.” +prof. Minoru Asada, SISReCPost-cognitivisme + + + + + + + + + + + + +2.2.3 Artificial emotions and sociable robots 2.2.4 Symmetry and synchrony Le +rôle du mouvement sur la conscience de soi Le chercheur Tom Ziemke, professeur +en cognitive system spécialiste dans la recherche de formes incarnées de +conscience ou embodied cognition parle de la relation entre l’IA incarnée dans +des dispositifs physiques et la biologie synthétique. Selon lui, un programme +qui assure une relation entre le robot et son environnement via des capteurs et +actionneurs, représente une forme d’IA incarnée. Son travail, inspiré par F.J. +Varela, lie l’intelligence à l’état d’ autopoiese comme façon d’organiser la +vie. Ziemke se demande si la conscience est essentiellement liée au domaine du +vivant, ou si tout système autonome auto-référentiel est capable d’une forme de +conscience. \clearpage \section*{Conclusion}