avec singularity
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description={Le terme de \textit{awareness of awareness} en francais \textit{conscience de la conscience} fait partie du vocabulaire de la philosophie de l'esprit. Il designe un phenomene de representation mentale en lien avec l'experience phenomenologique, pour expirmer un etat auto-reflexiv de conscience propre mais aussi la conscience de la conscience de l'autrui. Voir le philosophe Franz Brentano et son concept d'intentionalité. },
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description={Le terme de \textit{awareness of awareness} en francais \textit{conscience de la conscience} fait partie du vocabulaire de la philosophie de l'esprit. Il designe un phenomene de representation mentale en lien avec l'experience phenomenologique, pour expirmer un etat auto-reflexiv de conscience propre mais aussi la conscience de la conscience de l'autrui. Voir le philosophe Franz Brentano et son concept d'intentionalité. },
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\newglossaryentry{Singularité}{
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description={Le terme de \textit{Singularité} en anglais \textit{technological singularity} fait référence à un futur hypothétique auquel la croissance technologique devient incontrôlable et irréversible, entraînant des conséquences imprévisibles pour la civilisation humaine. },
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\newglossaryentry{affordance}{
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@ -1276,7 +1276,7 @@ Lorsqu'il parle de \textit{Fitzcarraldo}, Herzog impressionne par son honnêtet
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\begin{quote}
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\begin{quote}
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``Une vision m'avait saisi, comme la fureur démente d'un chien qui a enfoncé ses dents dans la patte d'une carcasse de cerf et qui secoue et tire le gibier abattu si frénétiquement que le chasseur renonce à essayer de le calmer. C'était la vision d'un grand bateau à vapeur escaladant par ses propres moyens une colline, gravissant une pente raide dans la jungle, tandis qu'au-dessus de ce paysage naturel, qui brise les faibles et les forts avec une égale férocité, s'élève la voix de Caruso, faire taire toute la douleur et toutes les voix de la forêt primitive et noyer tous les chants d'oiseaux. Pour être plus précis : l'oiseau crie, car dans ce décor laissé inachevé et abandonné par Dieu dans sa colère, les oiseaux ne chantent pas ; ils hurlent de douleur, et les arbres confus s'entremêlent comme des Titans en guerre, d'un horizon à l'autre, dans une création fumante encore en formation. Haletants et épuisés, ils se trouvent dans cette misère irréelle - et moi, comme une strophe dans un poème écrit dans une langue étrangère inconnue, je suis profondément secoué\footnote{en anglais: ``A vision had seized hold of me, like the demented fury of a hound that has sunk its teeth into the leg of a deer carcass and is shaking and tugging at the downed game so frantically that the hunter gives up trying to calm him. It was the vision of a large steamship scaling a hill under its own steam, working its way up a steep slope in the jungle, while above this natural landscape, which shatters the weak and the strong with equal ferocity, soars the voice of Caruso, silencing all the pain and all the voices of the primeval forest and drowning out all birdsong. To be more precise: bird cries, for in this setting, left unfinished and abandoned by God in wrath, the birds do not sing; they shriek in pain, and confused trees tangle with one another like battling Titans, from horizon to horizon, in a steaming creation still being formed. Fog-panting and exhausted they stand in this unreal misery - and I, like a stanza in a poem written in an unknown foreign tongue, am shaken to the core.”}.”\cite{herzog2009conquest}
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``Une vision m'avait saisi, comme la fureur démente d'un chien qui a enfoncé ses dents dans la patte d'une carcasse de cerf et qui secoue et tire le gibier abattu si frénétiquement que le chasseur renonce à essayer de le calmer. C'était la vision d'un grand bateau à vapeur escaladant par ses propres moyens une colline, gravissant une pente raide dans la jungle, tandis qu'au-dessus de ce paysage naturel, qui brise les faibles et les forts avec une égale férocité, s'élève la voix de Caruso, faire taire toute la douleur et toutes les voix de la forêt primitive et noyer tous les chants d'oiseaux. Pour être plus précis : l'oiseau crie, car dans ce décor laissé inachevé et abandonné par Dieu dans sa colère, les oiseaux ne chantent pas ; ils hurlent de douleur, et les arbres confus s'entremêlent comme des Titans en guerre, d'un horizon à l'autre, dans une création fumante encore en formation. Haletants et épuisés, ils se trouvent dans cette misère irréelle - et moi, comme une strophe dans un poème écrit dans une langue étrangère inconnue, je suis profondément secoué\footnote{en anglais: ``A vision had seized hold of me, like the demented fury of a hound that has sunk its teeth into the leg of a deer carcass and is shaking and tugging at the downed game so frantically that the hunter gives up trying to calm him. It was the vision of a large steamship scaling a hill under its own steam, working its way up a steep slope in the jungle, while above this natural landscape, which shatters the weak and the strong with equal ferocity, soars the voice of Caruso, silencing all the pain and all the voices of the primeval forest and drowning out all birdsong. To be more precise: bird cries, for in this setting, left unfinished and abandoned by God in wrath, the birds do not sing; they shriek in pain, and confused trees tangle with one another like battling Titans, from horizon to horizon, in a steaming creation still being formed. Fog-panting and exhausted they stand in this unreal misery - and I, like a stanza in a poem written in an unknown foreign tongue, am shaken to the core.”}.”\cite{herzog2009conquest}
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Au-delà de Fitzcarraldo, qui est un de mes films préférés, le rapport que Herzog a vis à vis de son propre travail, a toujours été un exemple pour moi. Son humilité et son ambition démesuré touchent à quelque chose de primitif, qui contrarie. Il se désigne plutôt témoin que créateur, dont la mission est d'articuler les rêves qui peuplent notre époque. Pour lui, chaque humain aspire au fond de lui aux mêmes idéaux, il a les mêmes angoisses, parfois sans le savoir, et le travail d'un artiste est de mettre en place les conditions pour que cela se manifeste. Dans ses films, il part du particulier et de l'intime pour parler de l’universel.
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Au-delà de ce film, qui est un de mes films préférés, le rapport que Herzog a vis à vis de son propre travail, a toujours été un exemple pour moi. Son humilité et son ambition démesuré touchent à quelque chose de primitif, qui contrarie. Il se désigne plutôt témoin que créateur, dont la mission est d'articuler les rêves qui peuplent notre époque. Pour lui, chaque humain aspire au fond de lui aux mêmes idéaux, il a les mêmes angoisses, parfois sans le savoir, et le travail d'un artiste est de mettre en place les conditions pour que cela se manifeste. Dans ses films, il part du particulier et de l'intime pour parler de l’universel.
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A mon tour, j'ai essayé d'appliquer ces principes, observer et laisser le corps s’exprimer au travers la danse, plutôt que le faire danser ou chorégraphier des mouvements. J'ai passé du temps à me connecter avec mes sens, trouver une écoute du corps pour mieux renouer avec mon intention de créer. Cela m'a permis de me sentir plus disponible à interagir avec un robot. Pendant deux ans, j'ai préféré passer du temps parmi des objets inanimées à la place des humains. J'ai vécu cet apprentissage comme un sorte d'encrage imposé dans un avenir possible, où les machines envahissent notre quotidien et nous absorbent dans leur monde. Je me rends compte à quel point cela a crée en moi une disruption. L’altérité des machines, tout ce qu'il y a de non-dit et caché dans une \textit{relation} avec eux, ont fortement perturbé ma liberté artistique. Danser avec des robots reste une expérience singulière, à l'opposé d'une immersion dans la nature, ou d'une expérience sensorielle partagée avec un humain.
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A mon tour, j'ai essayé d'appliquer ces principes, observer et laisser le corps s’exprimer au travers la danse, plutôt que le faire danser ou chorégraphier des mouvements. J'ai passé du temps à me connecter avec mes sens, trouver une écoute du corps pour mieux renouer avec mon intention de créer. Cela m'a permis de me sentir plus disponible à interagir avec un robot. Pendant deux ans, j'ai préféré passer du temps parmi des objets inanimées à la place des humains. J'ai vécu cet apprentissage comme un sorte d'encrage imposé dans un avenir possible, où les machines envahissent notre quotidien et nous absorbent dans leur monde. Je me rends compte à quel point cela a crée en moi une disruption. L’altérité des machines, tout ce qu'il y a de non-dit et caché dans une \textit{relation} avec eux, ont fortement perturbé ma liberté artistique. Danser avec des robots reste une expérience singulière, à l'opposé d'une immersion dans la nature, ou d'une expérience sensorielle partagée avec un humain.
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Dans le même temps, bien qu'ils sont inanimés, leur fonctionnement s'inspire des lois biologiques, ils simulent l'autonomie, l'intelligence et dernièrement l'émotion humaine. Grace à leur présence accrue dans nos sociétés, nous commençons les envisager comme des êtres à part entière.
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Dans le même temps, bien qu'ils sont inanimés, leur fonctionnement s'inspire des lois biologiques, ils simulent l'autonomie, l'intelligence et dernièrement l'émotion humaine. Grace à leur présence accrue dans nos sociétés, nous commençons les envisager comme des êtres à part entière.
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J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me demander si cela est juste ou pas. J'ai voulu mieux les connaitre, sans que cela soit très clair ce qu'ils représentent pour moi, ou pour notre société une fois que leur performance et fonctionnalité passe en second plan. Évidement dans ce type de projection, il n'y a pas de meilleure façon pour faire. Mon expérience au laboratoire est peu à peu devenue une expérience anthropologique, qui m'a permis de rencontrer une autre culture- celle des robots et des roboticiens.
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J'ai donc arrêté de penser à leur place, de danser à leur place pour me demander si cela est juste ou pas. J'ai voulu mieux les connaitre, sans que cela soit très clair ce qu'ils représentent pour moi, ou pour notre société une fois que leur performance et fonctionnalité passe en second plan. Évidement dans ce type de projection, il n'y a pas de meilleure façon pour faire. Mon expérience au laboratoire est peu à peu devenue une expérience anthropologique, qui m'a permis de rencontrer une autre culture- celle des robots et des roboticiens.
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@ -1291,8 +1291,16 @@ Nous avons eu l'opportunité de présenter un travail publique avec le robot HRP
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Ce projet transdisciplinaire a vu le jour grâce au soutien de l’équipe IDH du LIRMM, de la coopérative artistique La Nef et du studio de la compagnie de danse Mathilde Monnier à Montpellier. Le cadre théorique de cette spéculation artistique inclut des observations quant à des interactivités possibles entre des danseurs et un robot humanoïde, ainsi que mes hypothèses de recherche sur la créativité et une possible \textit{conscience artificielle} en relation avec des robots. L'interactivité est vue ici comme une forme d’échange entre des agents vivants et non-vivants. Depuis l’avènement des interfaces numériques, la question de la répartition hiérarchisée des rôles n'est plus d'actualité. L’humain n’a plus une part exclusivement active, étant en interdépendance avec les appareils qu’il utilise. Comme le montre \cite{circu2023isea}, dans la danse HRI, le lien entre l'hybridation et l'\gls{expérience technesthétique} passe par des cycles récurrents d'imitation de la danse et d'expression improvisée de la danse. Par le mouvement, notre proposition artistique met en place les permises d'une relation d'interdépendance entre l'humain et la machine. Cette relation peut évoluer dans une forme d'intersubjectivité entre danseurs et robots qui improvisent sur scène.
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La scénographie implique trois zones correspondant à :
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\begin{itemize}
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\item une table centrale et deux chaises où sont assis le robot et le performeur
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\item un endroit pour la musique live en arrière-plan, côté gauche du public
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\item un endroit pour la maintenance technique avec les équipements et ordinateurs du robot et l'ingénieur de recherche, côté droite du public.
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\end{itemize}
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La présentation se déroule elle aussi en trois temps. Le public est d'abord invité à intégrer une expérience somatique collective pendant que le robot calibre, puis le performer et le robot prennent place à la table, tandis que le performeur entame une conférence ponctuée de notes théoriques et anecdotes personnelles, d'enregistrements et des vidéos d'archive ainsi que de quelques moments d'interruption spontanés pour des démonstrations pratiques. Le dernier moment est une improvisation dansée sur des chaises, inspirée par le spectacle \textit{Rosas dans Rosas} de Keersmaeker.
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Ce projet transdisciplinaire a vu le jour grâce au soutien de l’équipe IDH du LIRMM, de la coopérative artistique La Nef et du studio de la compagnie de danse Mathilde Monnier à Montpellier. Le cadre théorique de cette spéculation artistique inclut des observations quant à des interactivités possibles entre des danseurs et un robot humanoïde, ainsi que mes hypothèses de recherche sur la créativité et une possible \textit{conscience artificielle} en relation avec des robots. L'interactivité est vue ici comme une forme d’échange entre des agents vivants et non-vivants. Depuis l’avènement des interfaces numériques, la question de la répartition hiérarchisée des rôles n'est plus d'actualité. L’humain n’a plus une part exclusivement active, étant en interdépendance avec les appareils qu’il utilise. Comme le montre \cite{circu2023isea}, dans la danse HRI, le lien entre l'hybridation et l'\gls{expérience technesthétique} passe par des cycles récurrents d'imitation de la danse et d'expression improvisée de la danse. Par le mouvement, notre proposition artistique met en place les permises d'une relation d'interdépendance entre l'humain et la machine. Cette relation peut évoluer dans une forme d'intersubjectivité entre danseurs et robots qui improvisent sur scène.
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Les outils d'évaluation de la créativité comme les tests Torrance pour la pensée créative\footnote{https://neurosciencenews.com/ai-creativity-23585} peinent à suivre le rythme des projets artistiques, depuis l'apparition des outils comme ChatGPT\footnote{https://chat.openai.com/auth/login}.
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Les outils d'évaluation de la créativité comme les tests Torrance pour la pensée créative\footnote{https://neurosciencenews.com/ai-creativity-23585} peinent à suivre le rythme des projets artistiques, depuis l'apparition des outils comme ChatGPT\footnote{https://chat.openai.com/auth/login}.
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Dans le domaine de la performance, les nouveaux médias emploient des technologies comme les robots industriels, en dehors de leur contexte d'origine. L’environnement scénique transforme tous les acteurs en contributeurs égaux de la proposition artistique, quel que soit leur symbole social.
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Dans le domaine de la performance, les nouveaux médias emploient des technologies comme les robots industriels, en dehors de leur contexte d'origine. L’environnement scénique transforme tous les acteurs en contributeurs égaux de la proposition artistique, quel que soit leur symbole social.
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@ -1309,93 +1317,62 @@ Influencés par\cite{penny2013art}, nous considérons l'inspiration comme un pro
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\item Comment le matériel de danse déclenche un type de cognition incarnée comme la conscience kinesthésique\cite{gemeinboeck2016towards, candau2017cultivating, circu2023roman} et dans quelle mesure cela est transférable aux robots ?
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\item Comment le matériel de danse déclenche un type de cognition incarnée comme la conscience kinesthésique\cite{gemeinboeck2016towards, candau2017cultivating, circu2023roman} et dans quelle mesure cela est transférable aux robots ?
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\textit{TIWIDWH} est avant tout une mise en abyme d'un processus de recherche-création, revisitée dans la perspective du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Faire une analogie entre la figure d'un robot de celle d'un l’ours sauvage, est un détour pour clarifier le statut du robot au sein de notre processus de co-création artistique. Cela implique l'utilisation de la nature sauvage comme catalyseur d’inspiration dans l’improvisation dansée, tout en abordant des sujets controversés comme la conscience artificielle. Le réalisme excentrique de Herzog\cite{herzog2009conquest} est une source d'inspiration pour mon processus de travail, au même titre que les œuvres chorégraphiques d'Anna Halprin ou d'Anne Teresa de Keersmaeker.
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Puis repris comme indication dramaturgique et comme contrainte d'improvisation pour la danseuse et le robot. Ce processus de retranscription des questionnements théoriques en thèmes et motifs de danse est abstrait. Autre que le ressenti intime de la performeuse puis l'expression que cela a produit lors de sa danse, le robot n'a pas su répondre autrement qu'en exécutant à son tour l'algorithme qui mettait en action ses actuateurs et moteurs. Ces trois questions sont restées ouvertes à la fin de la représentation. Elles ont servi comme propos pour une interrogation collective, dont les observations théoriques sont présentées dans ces pages.
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Une des citation de Herzog qui m'a beaucoup accompagnée ces mois, parle de la nécessité d'articuler les rêves:
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``Ce ne sont pas seulement mes rêves, je crois que tous ces rêves sont aussi les vôtres. La seule différence entre moi et vous est que je peux les articuler. La poésie, la peinture, la littérature ou le cinéma se résument à cela… et c’est un devoir car cela pourrait être une chronique intérieure de ce que nous sommes. Nous devons articuler notre pensée, au défaut de nous transformer dans des vaches au pâturage\footnote{en anglai: ``It is not only my dreams, my belief is that all these dreams are yours as well. The only distinction between me and you is that I can articulate them. And that is what poetry or painting or literature or filmmaking is all about... and it is my duty because this might be the inner chronicle of what we are. We have to articulate ourselves, otherwise we would be cows in the field.”}.”\cite{herzog2009conquest}
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Les vaches qui broutent ou les ours qui dansent sont mentionnés ici comme contre-exemples parodiques. Réduire les animaux à des substituts qui manquent de volonté ou de conscience, est plus révélateur de notre ignorance et désir de domination, que de leurs capacités psychiques. Quant aux robots, comme pour les observations de la première partie de cette these concernant les chauves souris, les singes et leur \text{umwelt}, nous espérons qu'un jour nous arriverons à mieux clarifier nos intentions.
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Ainsi l’idée d'imaginer une conscience pour des robots qui dansent devient un sorte de défi ludique, néanmoins auto-ironique, pour mon propre condition d'artiste. Loin d'un parc en Alaska, loin d'un studio de montage, nous nous retrouvons entre artistes et roboticiens dans une studio de danse ouvert au public. Le jour de la conférence des curieux, des collègues du LIRMM puis des danseurs, se demandent quelle place va prendre cet humanoïde suspendu à son cadre de sécurité. Sur scène, la scénographie implique trois zones correspondant à :
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\item une table centrale et deux chaises où sont assis le robot et le performeur
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\item un endroit pour la musique live en arrière-plan, côté gauche du public
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\item un endroit pour la maintenance technique avec les équipements et ordinateurs du robot et l'ingénieur de recherche, côté droite du public.
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La présentation se déroule elle aussi en trois phases. Le public est d'abord invité à intégrer une expérience somatique collective pendant que le robot calibre, puis le performer et le robot prennent place à la table, tandis que le performeur entame une conférence ponctuée de notes théoriques et anecdotes personnelles, d'enregistrements et des vidéos d'archive ainsi que de quelques moments d'interruption spontanés pour des démonstrations pratiques. Le dernier moment est une improvisation dansée sur des chaises, inspirée par le spectacle \textit{Rosas dans Rosas} de Keersmaeker.
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\subsection{Les robots et leurs métaphores}
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\subsection{Les robots et leurs métaphores}
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Dans son travail, Simon Penny a souligné l'importance du langage pour suivre les nouveautés technologiques. Des termes comme \textit{conscience} existent dans notre langage depuis moins de cents ans, ses implications doivent être appliqués à des contextes spécifiques. Paralellement, pour le chercheur Tom Ziemke, la conscience ``naît de la maîtrise des connaissances sensorimotrices résultant de l'interaction entre l'agent et l'environnement, dans l'optique que la régulation homéostatique du corps vivant est cruciale pour le soi et la conscience\cite{ziemke2007incarné}”. Le schéma présentée ci-dessous représente mon cadre théorique, synthétisant la relation entre un agent (représenté par son environnement sensoriel ou \textit{umwelt}) et son monde ou environnement expérientiel, suivant l'autorégulation interne (\gls{autopoiesis}) spécifique aux processus cognitifs incarnés:
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Lors de ses propres expérimentations, Simon Penny souligne l'importance du langage dans les nouveautés technologiques. Des termes comme \textit{conscience} existent dans notre langage depuis moins de cents ans, ses implications doivent être appliqués à des contextes spécifiques. Paralellement, pour le chercheur Tom Ziemke, la conscience ``naît de la maîtrise des connaissances sensorimotrices résultant de l'interaction entre l'agent et l'environnement, dans l'optique que la régulation homéostatique du corps vivant est cruciale pour le soi et la conscience\cite{ziemke2007incarné}”. Le schéma présentée ci-dessous représente mon cadre théorique, synthétisant la relation entre un agent (représenté par son environnement sensoriel ou \textit{umwelt}) et son monde ou environnement expérientiel, suivant l'autorégulation interne (\gls{autopoiesis}) spécifique aux processus cognitifs incarnés:
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\includegraphics[width=0.5\linewidth]{schema umwelt.png}
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\includegraphics[width=0.5\linewidth]{schema umwelt.png}
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\caption{Relation between an agent and its environment, based on the notes of\cite{penny2013art}. Source: personal archive}
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\caption{Relation between an agent and its environment, based on the notes of\cite{penny2013art}. Source: personal archive}
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Il décrit également le lien entre la matière et l'environnement, pour définir les permises d'un matérialisme influencé par l’expérience cognitive. Cette nouvelle vision du matérialisme est revisitée par des penseuses féministes comme Karen Barad \cite{barad2003posthumanist}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2017four}, Donna Haraway\cite{haraway2016staying} et Sarah Truman\cite{truman2015primacy, truman2021feminist }, entre autres.
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Il décrit également le lien entre la matière et l'environnement. Sous une forme simplifiée, cela met en avant les principes d'un matérialisme influencé par l’expérience cognitive. Cette nouvelle vision du matérialisme est revisitée par des penseuses féministes comme Karen Barad \cite{barad2003posthumanist}, Rosi Braidotti\cite{braidotti2017four}, Donna Haraway\cite{haraway2016staying} et Sarah Truman\cite{truman2015primacy, truman2021feminist }, entre autres.
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Selon ces autrices tous les êtres (vivants ou non-vivants) sont en égale mesure concernés par l'Art, la Science et leurs potentialités pour mieux façonner notre avenir. Le concept de \textit{Zoe} de Braidotti soutient l'idée de \textit{matérialisme vital}, issu de la philosophie de Baruch Spinoza selon laquelle le monde est constitué d'une seule et même matière, intelligente et auto-organisée. Cette matière est dans un processus continu de transformation pour créer et dissoudre des formes. Donna Haraway avance le concept de Chthulucene\footnote{une époque dans laquelle l’humain et le non-humain sont inextricablement liés, différente de l'Anthropocène, le Plantationocène ou le Capitalocène qui sont définies selon elle, par des concepts comme rythme ou vitesse, synchronicité et complexité; à la place de ces changements de degré, le Chthulucene vise des changements de nature, comprenant des forces biotiques et abiotiques}\cite{haraway2015anthropocene}, pour défendre un compostage féministe inclusif, basé sur la \gls{sympoiesis} (entendu comme \textit{création avec}). Ce processus restructure le fonctionnement auto-producteur, homéostatique et prévisible de l'autopoiesis affirmant une fois de plus les potentialités de la diversité et de l'inclusion :
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Selon ces autrices tous les êtres (vivants ou non-vivants) sont en égale mesure concernés par l'Art, la Science et leurs potentialités pour mieux façonner notre avenir. Le concept de \textit{Zoe} de Braidotti soutient l'idée de \textit{matérialisme vital}, issu de la philosophie de Baruch Spinoza selon laquelle le monde est constitué d'une seule et même matière, intelligente et auto-organisée. Cette matière est la base d'un processus continu de transformation pour créer et dissoudre des formes. Donna Haraway avance le concept de Chthulucene\footnote{une époque dans laquelle l’humain et le non-humain sont inextricablement liés, différente de l'Anthropocène, le Plantationocène ou le Capitalocène qui sont définies selon elle, par des concepts comme rythme ou vitesse, synchronicité et complexité; à la place de ces changements de degré, le Chthulucene vise des changements de nature, comprenant des forces biotiques et abiotiques}\cite{haraway2015anthropocene}, pour défendre un compostage féministe inclusif, basé sur la \gls{sympoiesis} (entendu comme \textit{création avec}). Ce processus restructure le fonctionnement auto-producteur, homéostatique et prévisible de l'autopoiesis affirmant une fois de plus les potentialités de la diversité et de l'inclusion :
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``Les créatures sont en jeu les unes dans les autres à chaque mélange et retournement du tas de compost Terrien. Nous sommes du compost, pas des posthumains; nous habitons les humusités, pas les humanités. Philosophiquement et matériellement parlant, je suis compostiste, pas posthumaniste. Les créatures, humaines ou non, deviennent les uns avec les autres, se composent et se décomposent, dans toutes les échelles et registres du temps par un enchevêtrement sympoïétique, dans une perspective développementaliste écologique du monde et en dehors de celui-ci\footnote{en anglais: ``Critters are at stake in each other in every mixing and turning of the terran compost pile. We are compost, not posthuman; we inhabit the humusities, not the humanities. Philosophically
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``Les créatures sont en jeu les unes dans les autres à chaque mélange et retournement d'un tas de compost terrien. Nous sommes en réalité du compost, pas des posthumains; nous habitons les humusités, pas les humanités. Philosophiquement et matériellement parlant, je suis compostiste, pas posthumaniste. Les créatures, humaines ou non, se transforment les uns avec les autres, se composent et se décomposent, dans toutes les échelles et registres du temps, par un enchevêtrement sympoïétique, dans une perspective développementaliste écologique du monde et en dehors de celui-ci\footnote{en anglais: ``Critters are at stake in each other in every mixing and turning of the terran compost pile. We are compost, not posthuman; we inhabit the humusities, not the humanities. Philosophically
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and materially, I am a compostist, not a posthumanist. Critters – human and not – become-
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and materially, I am a compostist, not a posthumanist. Critters – human and not – become-
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with each other, compose and decompose each other, in every scale and register of time and
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with each other, compose and decompose each other, in every scale and register of time and
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stuff in sympoietic tangling, in ecological evolutionary developmental earthly worlding and
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stuff in sympoietic tangling, in ecological evolutionary developmental earthly worlding and
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unworlding.”}.”\cite{haraway2016staying}
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unworlding.”}.”\cite{haraway2016staying}
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\textit{TIWIDWH} est avant tout une mise en abyme d'un processus de recherche-création, revisitée dans la perspective du documentaire \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog. Faire une analogie entre la figure d'un robot de celle d'un l’ours sauvage, est un détour pour clarifier le statut du robot au sein de notre processus de co-création artistique. Cela implique l'utilisation de la nature sauvage comme catalyseur d’inspiration dans l’improvisation dansée, tout en abordant des sujets controversés comme la conscience artificielle. Le réalisme excentrique de Herzog\cite{herzog2009conquest} est une source d'inspiration pour mon processus de travail, au même titre que les œuvres chorégraphiques d'Anna Halprin ou d'Anne Teresa de Keersmaeker.
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Une des citations de Herzog qui m'a beaucoup accompagnée ces mois, parle de la nécessité d'articuler les rêves:
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``Ce ne sont pas seulement mes rêves, je crois que tous ces rêves sont aussi les vôtres. La seule différence entre moi et vous est que je peux les articuler. La poésie, la peinture, la littérature ou le cinéma se résument à cela… et c’est un devoir car cela pourrait être une chronique intérieure de ce que nous sommes. Nous devons articuler notre pensée, au défaut de nous transformer dans des vaches au pâturage\footnote{en anglai: ``It is not only my dreams, my belief is that all these dreams are yours as well. The only distinction between me and you is that I can articulate them. And that is what poetry or painting or literature or filmmaking is all about... and it is my duty because this might be the inner chronicle of what we are. We have to articulate ourselves, otherwise we would be cows in the field.”}.”\cite{herzog2009conquest}
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Les vaches qui broutent ou les ours qui dansent sont mentionnés ici comme contre-exemples parodiques. Réduire les animaux à des substituts qui manquent de volonté ou de conscience, est plus révélateur de notre ignorance et désir de domination, que de leurs capacités psychiques. Quant aux robots, comme pour les observations de la première partie de cette these concernant les chauves souris, les singes et leur \text{umwelt}, nous espérons qu'un jour nous arriverons à mieux clarifier nos intentions envers eux. La conscience écologique et la pensée eco-féministe dont je me suis inspirée pour ce projet, représentent des alternatives pour un avenir plus inclusif. Ainsi l’idée d'imaginer une conscience pour des robots qui dansent devient un sorte de défi ludique, néanmoins auto-ironique, pour mon propre condition d'artiste. Loin d'un parc en Alaska, loin d'un studio de montage, nous nous retrouvons entre artistes et roboticiens dans une studio de danse ouvert au public. Le jour de la conférence des curieux, des collègues du LIRMM puis des danseurs, se demandent quelle place va prendre cet humanoïde suspendu à son cadre de sécurité.
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\subsection{Quelle type de créature est un robot qui danse?}
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\subsection{Quelle type de créature est un robot qui danse?}
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Pour répondre à cette question, nous déconstruisons la figure du robot et la considérons sous un angle anthropologique, en la comparant à un animal sauvage. Bien qu’inanimés, les robots simulent l’autonomie, l’action et les émotions. Les faire danser implique d'atteindre un terrain d'entente, où la pratique de la danse humaine est également déconstruite ou dés-identifiée\cite{braidotti2017four}, comme l'explique Rosi Braidotti. Notre résidence en laboratoire est progressivement devenue une expérience immersive, permettant à notre équipe artistique de s'adapter à une autre culture – celle des robots et des roboticiens – dans le contexte de la création artistique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le concept de \textit{figuration}\cite{suchman2007human, suchman2021talk} de Lucy Suchman, pensé en lien avec l’interactivité. Ce concept, tiré des notes de Haraway\cite{haraway2018modest}, souligne l'importance des métaphores dans l'analyse de la dynamique des humains et des machines. En contrepartie des auteurs féministes que nous avons mentionnés, l'ouvrage de Suchman \textit{Human-Machine Reconfigurations} (2007) ajoute une perspective anthropologique aux frontières entre humain et non-humain. Pour elle, le problème non résolu des machines informatiques vient du fait de ne pas pouvoir considérer des étiquettes comme ``humain”, ``non-humain”, ``social” ou ``matériel”, en tant que réalités ontologiques :
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Pour répondre à cette question, nous déconstruisons la figure du robot et la considérons sous un angle anthropologique, en la comparant à un animal sauvage. Bien qu’inanimés, les robots simulent l’autonomie, l’action et les émotions. Les faire danser implique d'atteindre un terrain d'entente, où la pratique de la danse humaine est également déconstruite ou dés-identifiée\cite{braidotti2017four}, comme l'explique Rosi Braidotti. Notre résidence en laboratoire est progressivement devenue une expérience immersive, permettant à notre équipe artistique de s'adapter à une autre culture – celle des robots et des roboticiens – dans le contexte de la création artistique. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le concept de \textit{figuration}\cite{suchman2007human, suchman2021talk} de Lucy Suchman, pensé en lien avec l’interactivité. Ce concept, tiré des notes de Haraway\cite{haraway2018modest}, souligne l'importance des métaphores dans l'analyse de la dynamique des humains et des machines. En contrepartie des auteurs féministes que nous avons mentionnés, l'ouvrage de Suchman \textit{Human-Machine Reconfigurations} (2007) ajoute une perspective anthropologique aux frontières entre humain et non-humain. Pour elle, le problème non résolu des machines informatiques vient du fait de ne pas pouvoir considérer des étiquettes comme ``humain”, ``non-humain”, ``social” ou ``matériel”, en tant que réalités ontologiques :
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``L’idée d’un artefact auto-explicatif s’accorde bien avec l’idée selon laquelle l’utilisation d’une machine pourrait s’apparenter à une interaction. La machine interactive, en ce sens, représente la dernière solution au problème de longue date consistant à fournir à l'utilisateur d'un outil, des instructions sur son utilisation. Cependant, il existe également un sentiment d’\textit{interactivité} des machines, plus récent et uniquement lié à l’avènement de l’informatique. La nouvelle idée est que l’intelligibilité des artefacts pourrait être non seulement une question de disponibilité pour l’utilisateur des intentions du concepteur concernant l’utilisation de l’artefact, mais aussi des intentions de l’artefact lui-même. Le projet du concepteur en ce sens est d’imprégner la machine de motifs lui permettant de se comporter de manière responsable et rationnelle ; c’est-à-dire raisonnable ou intelligible pour les autres, y compris, dans le cas d’une interaction, des moyens qui répondent aux actions des autres\footnote{ en anglais: ``The idea of a self-explicating artifact accords well with the notion that using a machine could be like interaction. The interactive machine, in this sense, represents the latest solution to the longstanding problem of providing the user of a tool with instruction in its use. There is also, however, a sense of machine interactivity that is more recent, and is uniquely tied to the advent of computing. The new idea is that the intelligibility of artifacts could be not just a matter of the availability to the user of the designer’s intentions for the artifact’s use, but of the intentions of the artifact itself. The designer’s project in this sense is to imbue the machine with grounds for behaving in ways that are accountably rational; that is, reasonable or intelligible to others including, in the case of interaction, ways that are responsive to the others’ actions.”}.”\cite{suchman2007human}
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``L’idée d’un artefact auto-explicatif s’accorde bien avec l’idée selon laquelle l’utilisation d’une machine pourrait s’apparenter à une interaction. La machine interactive, en ce sens, représente la dernière solution au problème de longue date consistant à fournir à l'utilisateur d'un outil, des instructions sur son utilisation. Cependant, il existe également un sentiment d’\textit{interactivité} des machines, plus récent et uniquement lié à l’avènement de l’informatique. La nouvelle idée est que l’intelligibilité des artefacts pourrait être non seulement une question de disponibilité pour l’utilisateur des intentions du concepteur concernant l’utilisation de l’artefact, mais aussi des intentions de l’artefact lui-même. Le projet du concepteur en ce sens est d’imprégner la machine de motifs lui permettant de se comporter de manière responsable et rationnelle ; c’est-à-dire raisonnable ou intelligible pour les autres, y compris, dans le cas d’une interaction, des moyens qui répondent aux actions des autres\footnote{ en anglais: ``The idea of a self-explicating artifact accords well with the notion that using a machine could be like interaction. The interactive machine, in this sense, represents the latest solution to the longstanding problem of providing the user of a tool with instruction in its use. There is also, however, a sense of machine interactivity that is more recent, and is uniquely tied to the advent of computing. The new idea is that the intelligibility of artifacts could be not just a matter of the availability to the user of the designer’s intentions for the artifact’s use, but of the intentions of the artifact itself. The designer’s project in this sense is to imbue the machine with grounds for behaving in ways that are accountably rational; that is, reasonable or intelligible to others including, in the case of interaction, ways that are responsive to the others’ actions.”}.”\cite{suchman2007human}
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Pour la création de cette performance, je me suis inspirée des passages d'un autre film de Herzog \textit{Grizzly Man} (2005), dont quelques éléments se rapprochent de \textit{Fitzcarraldo}. Le documentaire a été réalisé à partir des prises de vue de sensibilisation près des ours grizzly, filmés par Timothy Treadwell dans le Katmai National Park en Alaska. L'été 2003 celui-ci et sa copine sont retrouvés morts, attaqués par un ours qu'ils suivaient depuis quelques jours. En s’appuyant sur le matériel de Treadwell, Herzog peint sa personnalité et les raisons complexes qui l'ont poussé à se mettre en danger pour mieux comprendre les ours grizzly. J'ai pu remarquer une analyse très fine entre ce qu'il y a la compréhension d'une espèce, par une autre, puis l'échec de cet exploit trop ambitieux. Si l’héros du film passe son temps à vouloir devenir ours, nous ne savons pas comment voient cela les ours mêmes. A mon échelle, j'ai passé deux ans parmi des robots et roboticiens pour vouloir mieux les comprendre, puis débattre sur l'art avec eux. Cela a plus ou moins marché.
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Pour la création de cette performance, je me suis inspirée des passages du film \textit{Grizzly Man} (2005) de Werner Herzog, dont quelques éléments se rapprochent de \textit{Fitzcarraldo}. Le documentaire a été réalisé à partir des prises de vue des ours grizzly, filmés par Timothy Treadwell lors de ses expéditions dans le Katmai National Park en Alaska. Début d'octobre 2003 ce dernier et sa copine sont retrouvés morts, attaqués par un ours après avoir campé délibérément dans une zone de passage, qu'ils jugeait dangereuse. En s’appuyant sur le matériel de Treadwell et les témoignages de ses proches, Herzog peint sa personnalité et les raisons complexes qui l'ont poussé à se mettre en danger pour mieux comprendre les ours grizzly. Il propose une analyse très fine entre ce qu'il y a la compréhension d'une espèce, par une autre, puis l'échec de cet exploit trop ambitieux. Si l’héros du film passe son temps à vouloir \textit{devenir ours}, nous ne savons pas comment voient cela les ours mêmes. Treadwell les anthropomorphise au point oú nous le voyons s'approcher pour leur adresser la parole avec une voix mielleuse. Certains gardes forestières jugent son comportement dangereux, tandis que Herzog laisse les spectateurs faire la part entre irresponsabilité ou naïveté. Cette démarche mi-chemin entre éthologie et désir d’émancipation puis l’incompréhension qui en résulte sont quelque part proches de mon expérience de deux ans parmi des robots et des roboticiens. J'ai voulu mieux les comprendre, puis débattre sur l'art avec eux. Cela a plus ou moins marché.
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Auparavant j'ai mentionné\cite{kozel2008closer} qui reliait danse, marionnettes et ours. Je trouve son analogie intéressante pour être appliquée également aux robots. Un robot peut-être similaire à un ours par sa force et son poids, aussi par le fait qu'il passe beaucoup de temps en état de hibernation ou d'inactivité. Jadis dans les pays d'est, les ours étaient utilisés pour entretenir la foule, avec des dresseurs qui les enseignait des acrobaties rudimentaires où ils imitaient les humains. Plus un numéro de foire était réussi, plus l'ours était aimé et admiré par les humains. Si nous tenons en compte les observations sur \textit{la valée de l'étrange} de Mori, nous allons à l'encontre de cette tendance pour les robots. Plus un robot est proche d'un humain, plus qu'il provoque un sentiment de malaise. Est-ce cela du aux complexes d'infériorité que les humains développent envers les robots? Par leur nature, les robots paraissent immortels, or cette immortalité n'a rien à voir avec les projections sur la vie après la mort des humains. Un robot n'a pas de vie, bien qu'il la simule. Un ours est vivant et cette condition finie est partagée par l'humain. L'admiration pour un être dont on partage la condition réside dans cet rapprochement.
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Si dans les captations vidéo les robots sont mis en avant avec beaucoup de grâce car le montage post-production est toujours possible, l’épreuve du réel est sans pitié. Je pense à Treadwell qui restait aussi sur le vif, lorsque les ours sauvages faisaient apparition dans son cadre. Il avait une chance sur deux qu'un d'entre eux, va lui endommager la camera. Pour le moins qu'il reste en vie lors de cet exploit. Deux semaines auparavant un des actuateurs du robot a pris feu. L’ingénieur de recherche du laboratoire l'a ouvert pour voir s'il peut-être réparé. Pour mon grand bonheur, j'ai pu voir en dessous de sa carcasses, ses câbles electriques et micro-contrôleurs. Cette expérience de proximité, à mon sens poétique et intime, s'est passe sans spectateurs, autre que ma camera qui filmait ce que j'imaginais être une opération à cœur ouvert sur une machine. Je dis bien \textit{cœur ouvert} car si un de moteurs du robot crame et une fausse manipulation endommage un de ses circuits centraux, le robot reste inactif.
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Auparavant j'ai mentionné\cite{kozel2008closer} qui reliait danse, marionnettes et ours. Je trouve son analogie intéressante pour être appliquée également aux robots. Un robot peut-être similaire à un ours par sa force et son poids, aussi par le fait qu'il passe beaucoup de temps en état de hibernation ou d'inactivité. Jadis dans les pays d'Europe d'Est, les ours étaient utilisés pour entretenir la foule, avec des dresseurs qui les enseignait des acrobaties rudimentaires où ils imitaient les humains. Plus un numéro de foire était réussi, plus l'ours était aimé et admiré par les humains. Si nous tenons en compte les observations sur \textit{la valée de l'étrange} de Mori, nous allons à l'encontre de cette tendance pour les robots. Plus un robot est proche d'un humain, plus qu'il provoque un sentiment de malaise. Est-ce cela du aux complexes d'infériorité que les humains développent envers les robots? Par leur nature, les robots paraissent immortels, or cette immortalité n'a rien à voir avec les projections sur la vie après la mort des humains. Un robot n'a pas de vie, bien qu'il la simule. Un ours est vivant et cette condition finie est partagée avec l'humain. L'admiration pour un être dont nous partageons la condition, réside probablement dans ce sentiment de rapprochement. Si dans les captations vidéo les robots sont mis en avant avec beaucoup de grâce (car le montage post-production est toujours possible), l’épreuve du réel est sans pitié. Je pense à Treadwell lorsque les ours sauvages faisaient apparition dans son cadre. Il avait une chance sur deux qu'un d'entre eux, va lui endommager la camera, pour le moins qu'il reste en vie lors de cet exploit.
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Deux semaines auparavant un des actuateurs du robot a pris feu. L’ingénieur de recherche du laboratoire l'a ouvert pour voir s'il peut-être réparé. Pour mon grand bonheur, j'ai pu voir en dessous de sa carcasses, ses câbles electriques et micro-contrôleurs. Cette expérience de proximité, à mon sens poétique et intime, s'est passé sans spectateurs, autre que ma camera qui filmait ce que j'imaginais être une opération à cœur ouvert sur une machine. Je dis bien \textit{cœur ouvert} car si un de moteurs du robot se casse et une fausse manipulation endommage un de ses circuits centraux, le robot reste inactif le temps que le moteur en question est trouvé. Pour les plateformes de recherche, plus un robot est \textit{vieux}, plus les chances de trouver les pièces pour le réparer sont petites. Il n'y a pas d’équivalent pour faire la différence entre un robot en attente de réparation, un robot en arrêt de fonctionnement et un robot dont les technologies sont devenues obsolètes.
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Le pari de mes expériences artistiques est quelque part simple. Autant qu'ils ne connaissent pas les limites d'une machine, les humains projettent leurs ambitions dessous. Prenons l'exemple du joueur d'échec de Wolfgang von Kempelen mentionné dans le chapitre 1.3.3 de la première partie. Sans savoir la vérité, les spectateurs l'ont considéré une prouesse technologique. Avec l’avènement de l'informatique, dans l’équation humain-animal-artefact, le cadre d'autre fois est transgressé. Pour quelqu’un avec peu de connaissances en informatique, même en voyant les algorithmes à la base de son programme, le résultat reste opaque. La machine parait omnipotente car elle dépasse les capacités humaines de compréhension. Pour l'informaticien qui les développe, il y a un part de curiosité quant à la potentialité des algorithmes. Cependant il a peu de regard critique quant aux conséquences éthiques de cette course contre le montre concernant les limites de la science. Il va toujours relativiser son processus et trouver des argumentes pour se dé-responsabiliser de l'impacte de tout cela sur la société.
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Le pari de mes expériences artistiques est quelque part simple ou même naïf. Autant qu'ils ne connaissent pas les limites d'une machine, les humains projettent leurs ambitions dessous. Prenons l'exemple du joueur d'échec de Wolfgang von Kempelen mentionné dans le chapitre 1.3.3 de la première partie. Sans savoir la vérité, les spectateurs l'ont considéré une prouesse technologique. Avec l’avènement de l'informatique, dans l’équation humain-animal-artefact, le cadre d'autre fois est transgressé. Pour quelqu’un avec peu de connaissances en informatique, même en voyant les algorithmes à la base de son programme, le résultat reste opaque. La machine parait omnipotente car elle dépasse les capacités humaines de compréhension. Pour l'informaticien qui les développe, il y a un part de curiosité quant à la potentialité des algorithmes. Cependant il a peu de regard critique quant aux conséquences éthiques de cette course contre le montre concernant les limites de la science. Il va toujours relativiser son processus et trouver des argumentes pour se dé-responsabiliser de l'impacte que cela aura sur la société.
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Pour donner un cadre dramaturgique à cette exploration, j'ai complété le travail de Keersmaeker avec les notes sur les mains et les gestes du poète autrichien Rainer M. Rilke au début du 20ème siècle\cite{lim2016bridging}, des notes\cite{halprin2015moving} d'A. Halprin autour de son projet \textit{Seniors Rocking} (2005) et des observations empirique de mes expérimentations somatiques.
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Avec l'aide des roboticiens de l'équipe IDH, nous avons programmé en C++ un ensemble de mouvements implémentés dans un algorithme \gls{Finite Sate Machine}. Le robot combine l’ensemble des mouvements dans un ordre aléatoire et improvise la durée de chaque ensemble. Sans surprise, le résultat est loin de nos prévisions. Les mouvements de danse de \textit{Rosas danst Rosas} (1983) reposent également sur des règles combinatoires, mais la fluidité des transitions surprend, même quarante ans après. Les performeurs de Kersmaeker sont vifs, moi et le robot HRP-4 sommes lents, dans une époque qui privilégie la vitesse et l'instantanée.
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\includegraphics[width=0.5\linewidth]{rosas.png}
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\includegraphics[width=0.5\linewidth]{error chair.png}
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\caption{Parallel between the dance movements from {Rosas danst Rosas} (1983) and HRP-4 own dance improvisation. Source: personal archives}
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\label{fig:enter-label}
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\end{figure}
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Si nous considérons la vitesse exponentielle des développements technologiques et ses effets sur le processus de création, je mentionnerai également le travail du dramaturge Peter Eckersall, qui s'inspire à son tour du concept de ``réalité accélérée” du philosophe français Paul Virilio :
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``Les communications, la surveillance et les nouvelles formes d’intimité avec les machines sont omniprésentes et leurs effets sont généralement invisibles ou révélés uniquement pour souligner le contrôle. Ce réalignement systématique touche non seulement aux effets de la technologie sur la politique, mais aussi aux réorganisations esthétiques de l'art. Par conséquence l’art adoptera de nouveaux médiums et s’engagera dans de nouvelles formes de critique sociale, mais elle s'imbrique alors aussi dans le contexte techno-économique de l'infrastructure politique\footnote{``Communications, surveillance, and new forms of intimacy with machines are everywhere and their effects are usually invisible or only revealed to make a point about control. This systematic realignment goes to the heart of not only the effects of technology on politics but also the aesthetic reorganization of art. It follows that art will adopt new mediums and engage
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in new forms of social critique, but it then also becomes imbricated in the techno-economic
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political infrastructure.”}\cite{eckersall2015towards}.”
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Impossible de comprendre à ce stade si le fait de travailler avec des robots à modifié notre expérience d'identité, d'éthique ou de pouvoir. Ce qui est sur c'est que ce processus est hybride, propre à cette expérience et \textit{bricolé} sur mesure.
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\subsection{L'exaptation comme conséquence méthodologique}
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\subsection{L'exaptation comme conséquence méthodologique}
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Quel que soit le caractère autotélique d'une performance artistique avec des robots, mon objectif est de comprendre comment les connaissances acquises grâce à la pratique artistique ``peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance”\cite{gunn2004learning}. Pour cela, une première étape consiste à créer une méthodologie in situ et sur mesure, inspirée des travaux de\cite{paquin2014methodologie}, \cite{citton2012theory} et \cite{truman2015primacy}.
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Quel que soit le caractère autotélique d'une performance artistique avec des robots, mon objectif est de comprendre comment les connaissances acquises grâce à la pratique artistique ``peuvent être liées à d'autres formes de connaissances considérées par le public comme plus ou moins faisant autorité ou dignes de confiance”\cite{gunn2004learning}. Pour cela, une première étape consiste à créer une méthodologie in situ et sur mesure, inspirée des travaux de\cite{paquin2014methodologie}, \cite{citton2012theory} et \cite{truman2015primacy}.
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Le terme de \textit{glanage} (en anglais to glean\footnote{à cet égard voir le documentaire "Les Glaneurs et la Glaneuse" (1999) de la cinéaste française Agnès Varda}, principalement utilisé dans un contexte agricole) implique la collecte des bribes de données de façon sporadique, en fonction de ce qui est disponible. Cette vision est également appuyé par Yves Citton qui analyse la dimension politique des gestes, lors des expériences esthétiques. Citton utilise le terme français \textit{bricolage} (traduit par do-it-yourself ou crafting en anglais) pour critiquer une idéalisation irréaliste de la science moderne et son besoin des preuves empiriques. Encore pour Truman, la pratique de recherche-création fait partie d’un processus spéculatif non linéaire qui se déroule simultanément. Pour illustrer, elle décrit la résidence artistique de cinq ans \textit{Walls to the Ball} réalisée en collaboration avec l'artiste Hazel Meyer, pour une classe d'art d'un lycée de Toronto. Le projet interroge le sport, le mouvement, les textiles, le genre avec leur pratique artistique, rajoutant des thématiques et des activités selon les préférences du groupe.
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Le terme de \textit{glanage} (en anglais to glean\footnote{à cet égard voir le documentaire "Les Glaneurs et la Glaneuse" (1999) de la cinéaste française Agnès Varda}, principalement utilisé dans un contexte agricole) implique la collecte des données de façon sporadique, en fonction de ce qui est disponible. Cette vision est également appuyé par Yves Citton qui analyse la dimension politique des gestes, lors des expériences esthétiques. Citton utilise le terme français \textit{bricolage} (traduit par do-it-yourself ou crafting en anglais) pour critiquer une idéalisation irréaliste de la science moderne et son besoin des preuves empiriques. Encore pour Truman, la pratique de recherche-création fait partie d’un processus spéculatif non linéaire qui se déroule simultanément. Pour illustrer, elle décrit la résidence artistique de cinq ans \textit{Walls to the Ball} réalisée en collaboration avec l'artiste Hazel Meyer, pour une classe d'art d'un lycée de Toronto. Le projet interroge le sport, le mouvement, les textiles, le genre avec leur pratique artistique, rajoutant des thématiques et des activités selon les préférences du groupe. Rétrospectivement, si je liste les étapes de ma recherche et ses éléments clés, je me rends compte des vas-et-vient des directions que cela a pris. Certaines lignes fortes de mon corpus se sont imposées presque par hasard, comme si une fois déplié le processus de recherche-création a fait émerger des concepts clé qui lui sont propres. Parmi ces concepts, celui d'\gls{exaptation}. Selon\cite{d2018cultural}, ce concept est un mécanisme évolutif important dans l'histoire des espèces, des écosystèmes mais aussi des artefacts. Les auteurs illustrent des traits biologiques développés à l'origine dans un but particulier - par exemple, les os étaient à l'origine des réservoirs de calcium en excès, tandis que certaines zones du cerveau utilisées initialement pour la reconnaissance des formes sont aujourd'hui réutilisées pour la musique. Considérant notre cas particulier des robots qui dansent, \textit{quelle pourrait être la signification de cet acte dans un processus évolutif discontinu ? Quelle caractéristique ultérieure pourrait émerger de cet acte?} C'est important de pouvoir aborder ces questions dans un contexte \textit{pluri} et \text{trans} disciplinaire.
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Selon\cite{d2018cultural}, l'\gls{exaptation} est un mécanisme évolutif important dans l'histoire des espèces, des écosystèmes mais aussi des artefacts. Les auteurs illustrent des traits biologiques développés à l'origine dans un but particulier - par exemple, les os étaient à l'origine des réservoirs de calcium en excès, tandis que certaines zones du cerveau utilisées initialement pour la reconnaissance des formes sont aujourd'hui réutilisées pour la musique. Considérant notre cas particulier des robots et des grizzlis qui dansent. \textit{Quelle pourrait être la signification de cet acte dans un processus évolutif discontinu ? Quelle caractéristique ultérieure pourrait émerger de cet acte?} Notre performance laisse la question ouverte, mais nous trouvons important de pouvoir l’aborder dans un contexte pluridisciplinaire.
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\section{Pour une conscience artificielle dans toutes ses états}
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\section{Pour une conscience artificielle dans toutes ses états}
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Si nous avons évoqué des avancées en lien avec les émotions artificielles, notamment l'empathie, dans le deuxieme chapitre de cette these, c'est pour mieux anticiper nos interrogations artistiques lors de cette expérience pratique. Dans la littérature d'anticipation, l'absence de l'empathie est ce qui différencie les gagnants des perdants, comme l'annonce l’écrivain Philippe K. Dick dans son livre \textit{Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?} (1966) :
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Si nous avons évoqué des avancées en lien avec les émotions artificielles, notamment l'empathie, dans le deuxieme chapitre de cette these, c'est pour mieux anticiper nos interrogations artistiques lors de cette expérience pratique. Dans la littérature d'anticipation, l'absence de l'empathie est ce qui différencie les gagnants des perdants, comme l'annonce l’écrivain Philippe K. Dick dans son livre \textit{Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?} (1966) :
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``L'empathie, avait-il décidé un jour, devait être limitée aux herbivores ou en tout cas aux omnivores qui pouvaient s'écarter d'un régime carné. Car, en fin de compte, le don empathique a brouillé les frontières entre chasseur et victime, entre vainqueur et vaincu\footnote{en version originelle:
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``L'empathie, avait-il décidé un jour, devait être limitée aux herbivores ou en tout cas aux omnivores qui pouvaient s'écarter d'un régime carné. Car, en fin de compte, le don empathique a brouillé les frontières entre chasseur et victime, entre vainqueur et vaincu\footnote{en version originelle:
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@ -1405,34 +1382,34 @@ Sont les robots, par leur nature non-carnivore, plus proche de ce régime qui pr
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\subsection{Les androïdes rêvent-ils de canards électriques ?}
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\subsection{Les androïdes rêvent-ils de canards électriques ?}
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Bien avant que les robots facilitent la compréhension que nous avons des animaux sauvages\footnote{https://knowablemagazine.org/content/article/living-world/2021/learning-animal-behavior-robots}, des appareils mécaniques mobiles et autonomes, ont suscité tout autant l’intérêt des humains au cours du siècle des Lumières. Des inventions comme \textit{le canard digérateur}\cite{riskin2003defecating} anticipent la passion pour des dispositifs artificiels à la lisière du vivant. Aujourd'hui l’intelligence artificielle générative (IAg), puis des humanoïdes comme Atlas de Boston Dynamics\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=fn3KWM1kuAw} ou Optimus de Tesla\footnote{https://www.teslarati.com/tesla-optimus-bot-update-production-actuators/} rendent de plus en plus crédible l’idée qu'un agent artificiel autonome, créatif et doté d'une forme d'intentionnalité propre, puisse intégrer dans un avenir proche notre société.
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Bien avant que les robots facilitent la compréhension que nous avons des animaux sauvages\footnote{https://knowablemagazine.org/content/article/living-world/2021/learning-animal-behavior-robots}, des appareils mécaniques mobiles et autonomes, ont suscité tout autant l’intérêt des humains au cours du siècle des Lumières. Des inventions comme \textit{le canard digérateur}\cite{riskin2003defecating} anticipent la passion pour des dispositifs artificiels à la lisière du vivant. Aujourd'hui l’intelligence artificielle générative (IAg), puis des humanoïdes comme Atlas de Boston Dynamics\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=fn3KWM1kuAw} ou Optimus de Tesla\footnote{https://www.teslarati.com/tesla-optimus-bot-update-production-actuators/} rendent de plus en plus crédible l’idée qu'un agent artificiel autonome, créatif et doté d'une forme d'intentionnalité propre, puisse intégrer notre société dans un avenir proche.
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En complément de l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, la capacité de prédire son environnement ou de témoigner des comportements complexes, sont necessaires pour garantir une maitrise de son environnement et de ses interactions. Les notes sur le matérialisme et le pragmatisme des sciences de premiers chapitres, sont revisités par une approche féministe. Cette approche corresponds mieux à l'interprétation artistique que nous proposons. Ainsi nous demandons-nous si les androïdes pourront un jour rêver de canards électriques, comme métaphore pour un imaginaire artificiel dotée d'intelligence et intentionnalité.
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En complément de l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, la capacité de prédire des comportements complexes, sont nécessaires pour garantir une maitrise de son environnement et de ses interactions. Les notes sur le matérialisme et le pragmatisme des sciences de premiers chapitres, sont revisités par une approche féministe. Cette approche corresponds mieux à l'interprétation artistique que nous proposons. Ainsi nous demandons-nous si les androïdes pourront un jour rêver de canards électriques, comme métaphore pour un imaginaire artificiel dotée d'intelligence et intentionnalité.
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En marge des repères théoriques, nous vous proposons un exercice d'imagination et de spéculation. L’interprétation que nous donnons au concept de \gls{conscience artificielle} (CA) est pensée en lien avec des réflexions éthiques sur l'avènement de la technologie et son impact sur notre société. Par la mise en scène du \textit{TIWIDWH}, nous tentons de comprendre quel type d'observations en lien avec la CA, peut inspirer l'état de co-création avec des agents artificiels réels- dans notre cas un robot HRP-4. Cela contribue au développement de formes d'art interactives transdisciplinaires, en mettant en question la créativité des machines et la place des erreurs dans un processus de création. Dans ce contexte, vouloir définir ce que c'est une CA pour un robot en situation de danse, reste un défi ludique. Un sorte de pari concernant notre co-habitation avec une nouvelle génération de machines, capables d'apprendre par elle-mêmes.
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En marge des repères théoriques, nous vous proposons un exercice d'imagination et de spéculation. L’interprétation que nous donnons au concept de \gls{conscience artificielle} (CA) est pensée en lien avec des réflexions éthiques sur l'avènement de la technologie et son impact sur notre société. Par la mise en scène du \textit{TIWIDWH}, nous tentons de comprendre quel type d'observations en lien avec la CA, peut inspirer l'état de co-création avec des agents artificiels réels- dans notre cas un robot HRP-4. Cela contribue au développement de formes d'art interactives transdisciplinaires, autour de la créativité des machines et de la place des erreurs dans un processus de création. Dans ce contexte, vouloir définir ce que c'est une CA pour un robot en situation de danse, reste un pari concernant notre co-habitation avec une nouvelle génération de machines, capables d'apprendre par elle-mêmes.
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\subsection{La puissance du glitch}
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\subsection{La puissance du glitch}
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Notre objectif est d'interroger la façon dont les robots influencent des nouvelles formes d’expressivité corporelle dans \textit{TIWIDWH}, une performance de danse improvisée. Pour cela nous accordons une grande importance aux accidents et erreurs qui surgissent dans ce type d’interaction, en les utilisant comme catalyseurs pour l'inspiration artistique. Encore avant que des penseuses féministes s'emparent de la question des machines, les développements technologiques avancent à leur rythme. Parfois issue des défis personnelles des auteurs hétéro-normées en quête d'une hégémonie du savoir, la science perd son capacité d'auto-critique. Cette capacité est réhabilitée au début des années 80, lorsque des approches pluridisciplinaires donnent suite à des échanges et des mises en question de ses enjeux.
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Notre objectif est d'interroger la façon dont les robots influencent des nouvelles formes d’expressivité corporelle dans \textit{TIWIDWH}, une performance de danse improvisée. Pour cela nous accordons une grande importance aux accidents et erreurs qui surgissent dans ce type d’interaction, en les utilisant comme catalyseurs pour l'inspiration artistique. Bien avant que des penseuses féministes s'emparent de la question des machines et leur matérialité, les développements technologiques avancent à leur rythme dans une direction proche de la science fiction. Parfois issue des défis personnelles des auteurs hétéro-normées en quête d'une hégémonie du savoir, la science perd son capacité d'auto-critique. Cette capacité est réhabilitée au début des années 80, lorsque des approches pluridisciplinaires donnent suite à des échanges et des mises en question des enjeux.
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Au cours des dernières décennies, les possibilités d’interaction des robots humanoïdes ont été évaluées sous différents environnements et conditions\cite{circu2023roman}. Faire passer des robots du laboratoire à la scène reste un défi à bien des égards\cite{pluta2018laboratoire, circu2021lausanne}, malgré le fait que nous sommes habitués à les idéaliser comme des \textit{objets sociaux totaux}\cite{zaven2014effets}. Alors qu'ils sont déjà présents sur le marché du travail dans les secteurs privés et publiques, pourquoi pas les inviter sur scène ? Tout comme les humains, les robots peuvent être vulnérables, surtout lorsqu'ils sont utilisés comme des plateformes de recherche académiques, comme dans le cas du robot HRP-4, protagoniste dans \textit{TIWIDWH}. L'apparence physique de HRP-4 est le résultat des observations en design ergonomique. Avec une taille de 151 cm et pesant 39 kg, son apparence est similaire à celle d'un humain. Une fois les contraintes techniques résolues, le faire danser devient un exercice de mise en scène factice. Cependant lorsque nous aimerions voir des mouvements surgir spontanément de ses actuateurs, tels les muscles d'un danseur en improvisation, les choses deviennent plus difficiles, voir impossibles.
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Au cours des dernières décennies, les possibilités d’interaction des robots humanoïdes ont été évaluées sous différents environnements et conditions\cite{circu2023roman}. Faire passer des robots du laboratoire à la scène reste un défi à bien des égards\cite{pluta2018laboratoire, circu2021lausanne}, malgré le fait que nous sommes habitués à les idéaliser comme des \textit{objets sociaux totaux}\cite{zaven2014effets}. Alors qu'ils sont déjà présents sur le marché du travail dans les secteurs privés et publiques, pourquoi pas les inviter sur scène ? Tout comme les humains, les robots peuvent être vulnérables, surtout lorsqu'ils sont utilisés comme des plateformes de recherche académiques, comme dans le cas du robot HRP-4, protagoniste dans \textit{TIWIDWH}. L'apparence physique de HRP-4 est le résultat des observations en design ergonomique. Avec une taille de 151 cm et pesant 39 kg, son apparence est similaire à celle d'un humain. Une fois les contraintes techniques résolues, le faire danser devient un exercice de mise en scène factice. Cependant lorsque nous aimerions voir des mouvements surgir spontanément de ses actuateurs, tels les muscles d'un danseur en improvisation, les choses deviennent plus difficiles, voir impossibles.
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Quelle analogie pourrons-nous appliquer au présent étude de cas, à la recherche d'une forme de CA pour les robots? Des robots sauvages ou des zombies en transe, pourront mieux témoigner d'un état proche de \gls{qualia}? Le mode expérientiel humain est complexe. Comprendre comment étudier notre compréhension n'est pas qu'un simple truisme. Parmi les approches pluridisciplinaires récentes, nous nous concentrons sur le nouveau maternalisme, en lien avec la \textit{Théorie 4e de la cognition} et le FEP mentionnés auparavant. Ces théories étudient les phénomènes cognitifs sous un angle physiologique, suivant les observations empiriques de plusieurs domaines connexes. La robotique s'inspire à son tour d'elles pour développer des robots ancrés dans leur environnent, capables d'interactions multimodales complexes.
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Quelle analogie pourrons-nous appliquer au présent étude de cas, à la recherche d'une forme de CA pour les robots? Des robots sauvages ou des zombies en transe, pourront mieux témoigner d'un état proche de \gls{qualia}? Le mode expérientiel humain est complexe. Il y a besoin de plus que d'un simple truisme pour comprendre comment modéliser notre compréhension. Parmi les approches pluridisciplinaires récentes, nous nous concentrons sur le nouveau maternalisme et le FEP, en lien avec les pensées féministes et la \textit{Théorie 4e de la cognition} mentionnées auparavant. Ces théories étudient les phénomènes cognitifs sous un angle physiologique, suivant les observations empiriques de plusieurs domaines connexes. La robotique s'inspire à son tour d'elles pour développer des robots ancrés dans leur environnent, capables d'interactions multimodales complexes.
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En contrepoids de tout cela, mettre en scène ces robots relève des nouveaux défis. La chercheuse Stamatia Portanova désigne le \textit{glitch} comme élément capable de transgresser les lois physiques et de provoquer une faille anachronique dans des représentations scéniques:
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Cette orientation posthumaniste féministe, nous aide à analyser le lien entre des études sur la conscience, la danse et la robotique, pour mieux comprendre les effets des concepts émergents comme la CA, sur la création artistique. Ainsi, mettre en scène des robots dotées de formes de CA, relève des nouveaux défis. La chercheuse Stamatia Portanova désigne le \textit{glitch} comme élément capable de transgresser les lois physiques et de provoquer une faille anachronique dans des représentations scéniques:
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\begin{quote}
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``l’émergence prend la forme d'un glitch, comme une interruption de la chaîne relationnelle continue entre passé et futur, du moment où les données passées sont valorisées et où des idées particulières sont sélectionnées dans une occasion d'expérience, afin de déterminer quelle sera cette future occasion d’émergence\footnote{en version originale: ``the appearance of the new takes the form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are selected in an occasion of experience, in order to determine what the future occasion will be.”}.”\cite{portanova2013moving}
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``l’émergence prend la forme d'un glitch, comme une interruption de la chaîne relationnelle continue entre passé et futur, du moment où les données passées sont valorisées et où des idées particulières sont sélectionnées dans une occasion d'expérience, afin de déterminer quelle sera cette future occasion d’émergence\footnote{en version originale: ``the appearance of the new takes the form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are selected in an occasion of experience, in order to determine what the future occasion will be.”}.”\cite{portanova2013moving}
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\end{quote}
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Ce motif, repris par la penseuse féministe Legacy Russell dans son manifeste\footnote{https://www.legacyrussell.com/GLITCHFEMINISM}, revendique un besoin d’appropriation des erreurs technologiques, comme alternative aux dérives politiques d'un monde technocrate en manque d'auto-critique. Dans une urgence propre à sa génération, le \textit{glitch} de Russell\cite{keyes2021review} revendique une violence des corps qui se des-identifient des normes patriarcales. Bien avant son manifeste, des pionnières comme Braidotti, Haraway, Bara ou Truman déjà mentionnées, ont su anticiper un potentiel restaurateur dans la défaillance technologique, au travers de leurs perspectives féministes sur la question du post-humanisme et du nouveau matérialisme.
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Ce motif, repris par la penseuse féministe Legacy Russell dans son manifeste\footnote{https://www.legacyrussell.com/GLITCHFEMINISM}, revendique un besoin d’appropriation des erreurs technologiques, comme alternative aux dérives politiques d'un monde technocrate en manque d'auto-critique. Le \textit{glitch} de Russell\cite{keyes2021review} revendique une violence des corps qui se des-identifient des normes patriarcales. Bien avant son manifeste, des pionnières comme Braidotti, Haraway, Bara ou Truman déjà mentionnées, ont su anticiper un potentiel restaurateur dans la défaillance technologique. Leur nouveau matérialisme est également celui de l'erreur assumée, celui de \textit{faire avec}.
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\textbf{Cette orientation posthumaniste féministe, nous aide à analyser le lien entre des études sur la conscience, la danse et la robotique, pour mieux comprendre les effets des concepts émergents comme la CA, sur la création artistique.}
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\subsection{L'humain comme instrument au service des robots qui dansent}
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\subsection{L'humain comme instrument au service des robots qui dansent}
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Nous mettons l'accent sur des interactions gestuelles et leur signification pour voir comment une possible co-création avec des robots peut avoir lieu. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle, la seule possibilité réelle d'une CA pour HRP-4, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais cela doit se produire pour générer une expression crédible d'un \textit{effet de conscience}.
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Nous mettons l'accent sur des interactions gestuelles et leur signification pour voir comment une possible co-création avec des robots peut avoir lieu. Puisque une simulation semble à l'heure actuelle, la seule possibilité réelle d'une CA pour HRP-4, nous nous sommes demandés comment mieux définir cet état d'émulation d'une conscience. Par quels biais cela doit se produire pour générer une expression crédible d'un \textit{effet de conscience}.
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Dans notre contexte des danse, le type de cognition qui influe sur les actions est depuis le début incarnée. Dans \textit{TIWIDWH} le robot et la performeuse sont assis face à face à une table et improvisent une série des mouvementes de bras inspirées par le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} (1983) d'Anne Teresa de Keersmaeker.
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Dans notre contexte des danse, le type de cognition qui influe sur les actions est depuis le début incarnée. Dans \textit{TIWIDWH} le robot et la performeuse sont assis face à face à une table et improvisent une série des mouvementes de bras inspirées par le spectacle \textit{Rosas danst Rosas} (1983) d'Anne Teresa de Keersmaeker.
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Chez les humains, les gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients. Dans notre exploration artistique, nous avons choisi d’examiner ce dernier cas. Quelques mois auparavant, notre performeuse s'est emparée d'une série des mouvements des bras, dont l’enchainement est devenu inconscient. En le répétant, ces gestes ont été déformés afin de vérifier dans quelle mesure ils peuvent être recontextualisés et identifiés lorsqu’ils sont programmés pour correspondre à des robots. Ensuite nous avons programmé un ensemble de mouvements dans une sorte de base données. Cela a permis a HRP-4 de générer deux types de mouvements :
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Chez les humains, les gestes peuvent être générés par des actions conscientes ou émerger de processus inconscients. Dans notre exploration artistique, nous avons choisi d’examiner ce dernier cas. Quelques mois auparavant, notre performeuse s'est emparée d'une série des mouvements des bras, dont l’enchainement est devenu inconscient. En le répétant, ces gestes ont été déformés. Cela nous a donné l'opportunité de vérifier dans quelle mesure ils peuvent être recontextualisés et identifiés lorsqu’ils sont programmés pour correspondre à des robots. Ensuite nous avons programmé cet ensemble de mouvements dans une sorte de base données. Cela a permis a HRP-4 de générer deux types de mouvements :
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\begin{itemize}
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\begin{itemize}
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\item mouvements intentionnels (lever les bras en synchrone, fléchir un coude puis l'autre, tourner la tête, etc)
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\item mouvements intentionnels (lever les bras en synchrone, fléchir un coude puis l'autre, tourner la tête, etc)
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\item mouvements réflexes, c'est-à-dire non intentionnels (propres à la sphère intime comme un bailement ou un tremblement)
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\item mouvements réflexes, c'est-à-dire non intentionnels (propres à la sphère intime comme un bailement ou un tremblement)
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@ -1440,8 +1417,7 @@ Chez les humains, les gestes peuvent être générés par des actions consciente
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\textbf{Détailler les variables}
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\textbf{Détailler les variables}
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\cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. La danse de HRP-4 se résume à un enchainement des variables C++, dont la taille du fichier ne dépasse pas une dizaine de kilo-bytes. Chaque variable prends une valeur pour orienter une articulation. Il y a peu de place pour l'imagination humaine, telle que nous la connaissons. A l’intérieur de son algorithme, HRP-4 peut combiner l’ensemble des mouvements dans un ordre aléatoire et improviser la durée de chaque séquence. La performeuse, prenant acte de cela, doit modifier ses séquences en conséquence. L'improvisation donne suite à un contact physique, initié par le robot. Ce contact (tant attendu) a fait objet des tentatives échouées de mise en situation, tel la fresque \textit{La création d'Adam}\footnote{https://unsouffledhistoires.com/cropped-michel-ange-la-creation-d-adam5-jpg/} par Michel-Ange, perturbée par un glitch. Après quelques essais, le moment de ce contact et implicitement la durée de l’improvisation, restaient inconnus pour la performeuse, le jour de la représentation. Toujours assise sur la chaise, cette fois le visage contre la table et les mains allongés dans la direction du HRP-4, il a fallu que le robot essaie deux fois toucher sa main, avant qu'elle comprenne que c'est la fin de la séance d'improvisation.
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\cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. La danse de HRP-4 se résume à un enchainement des variables C++, dont la taille du fichier ne dépasse pas une dizaine de kilo-bytes. Chaque variable prends une valeur pour orienter une articulation. Il y a peu de place pour l'imagination humaine, telle que nous la connaissons. A l’intérieur de son algorithme, HRP-4 peut combiner l’ensemble des mouvements dans un ordre aléatoire et improviser la durée de chaque séquence. La performeuse, prenant acte de cela, doit modifier ses séquences en conséquence. L'improvisation donne suite à un contact physique, initié par le robot. Ce contact (tant attendu) a fait objet des tentatives échouées de mise en situation, tel la fresque \textit{La création d'Adam}\footnote{https://unsouffledhistoires.com/cropped-michel-ange-la-creation-d-adam5-jpg/} par Michel-Ange, perturbée par un glitch. Après quelques essais, le moment de ce contact et implicitement la durée de l’improvisation, restaient inconnus pour la performeuse, le jour de la représentation. Toujours assise sur la chaise, cette fois le visage contre la table et les mains allongés dans la direction du HRP-4, il a fallu que le robot essaie deux fois toucher sa main, avant qu'elle comprenne que c'est la fin de la séance d'improvisation.
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Ce mouvement intentionnel du robot qui s'est pas passé comme prévu, lui a inspiré un sentiment d'étrangeté, sorte de \gls{awareness of awareness} ou \textit{conscience d'une forme de (in)conscience}\cite{jochum2016cultivating}. Pour la performeuse, cet type d’imprévu peut bloquer la fluidité des mouvements ou en tout cas provoquer une perturbation dans le processus d'improvisation, pareil à un glitch dans les jeux vidéo. Cet enchainement est similaire à une séquence de mouvements intentionnels, dont des mouvements réflexes s’insèrent de manière spontanée. Bien consciente que les machines ne sont pas capables d’improviser (tel que nous entendons cela lors d'une intention inconsciente), la performeuse s'imagine que lorsque HRP-4 propose quelque chose d’inattendu, il s'agit probablement d'un bug ou d'un dysfonctionnement\cite{penny2016improvisation}. Alors que les mouvements réflexes, dans notre cas des tremblements des bras de HRP-4 (sorte de bug pré-programmés), produisent un effet de surprise, parfois comique à cause du bruit occasionnel des actuateurs. Ce qui est intéressant de remarquer, c'est que dans notre cas le bug était partagée entre performeuse et robot. Elle n'a pas remarqué le signal du robot, or celui-ci l'a donné sous une autre forme que celle prévue. Pour l'ethnologue Georges Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active d’observation par laquelle le sujet prends acte de ce qu'il traverse\cite{lapassade1986emc}. Dans notre étude de cas, la performeuse expérimente ce premier état, tandis que HRP-4 aurait pu probablement traverser le deuxieme, s'il était doté d'une CA.
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Après expérience, ce mouvement intentionnel du robot qui s'est pas passé comme prévu, lui a inspiré un sentiment d'étrangeté, sorte de \textit{conscience d'une forme de (in)conscience}\cite{jochum2016cultivating}. Pour la performeuse, cet type d’imprévu peut bloquer la fluidité des mouvements ou en tout cas provoquer une perturbation dans le processus d'improvisation, pareil à un glitch dans les jeux vidéo. Cet enchainement est similaire à une séquence de mouvements intentionnels, dont des mouvements réflexes s’insèrent. Bien consciente que les machines ne sont pas capables d’improviser (tel que nous entendons cela lors d'une intention inconsciente), la performeuse s'imagine que lorsque HRP-4 propose quelque chose d’inattendu, il s'agit probablement d'un bug ou d'un dysfonctionnement\cite{penny2016improvisation}. Alors que les mouvements réflexes, dans notre cas des tremblements des bras de HRP-4 (sorte de bug pré-programmés), produisent un effet de surprise, parfois comique à cause du bruit occasionnel des actuateurs. Ce qui est intéressant de remarquer, c'est que dans notre cas le bug était partagée entre performeuse et robot. Elle n'a pas remarqué le signal du robot, or celui-ci l'a donné sous une autre forme que celle prévue. Pour l'ethnologue Georges Lapassade il existe une dimension passive de la conscience où le sujet semble subir ce qui lui advient, en contrepoids d'une dimension active d’observation par laquelle le sujet prends acte de ce qu'il traverse\cite{lapassade1986emc}. Dans notre étude de cas, la performeuse expérimente ce premier état, tandis que HRP-4 aurait pu probablement traverser le deuxieme, s'il était doté d'une CA.
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\subsection{Discussion}
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\subsection{Discussion}
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@ -1452,12 +1428,12 @@ https://www.guycools.com/publications
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\section*{Conclusion}
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\section*{Conclusion}
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L'agriculture, l'écriture et la technologie sont relativement récentes dans l'histoire de l'humanité\cite{brooks1990elephants}. Des notions comme l’intersubjectivité et la conscience ne sont apparues qu’au cours des dernières décennies. \cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. Issu de formes rituelles, il canalise les émotions des spectateurs et des interprètes. Il en va de même pour les improvisations de danse contemporaine avec des robots. Quelle que soit sa complexité, la compréhension de la danse opère à un niveau intuitif. Lorsque Brook a écrit son livre, les éléphants n'avaient pas encore appris à jouer aux échecs. Quelques décennies plus tard, plus précisément en 2016, AlphaGo de DeepMind battra Lee Sedol au championnat du monde de Go en Corée du Sud\footnote{https://spectrum.ieee.org/alphago-wins-match-against-top-go-player }. Depuis, les progrès exponentiels d'AGI n'ont cessé de nous surprendre. Concernant la danse, les paris continuent. Devrions-nous imaginer autre chose après avoir vu les robots de Boston Dynamics danser sur la chanson « Do you love me »\footnote{https://spectrum.ieee.org/how-boston-dynamics-taught-its-robots-to-dance} ? La question reste ouverte.
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L'agriculture, l'écriture et la technologie sont relativement récentes dans l'histoire de l'humanité\cite{brooks1990elephants}. Des notions comme l’intersubjectivité et la conscience ne sont apparues qu’au cours des dernières décennies. \cite{sabisch2011choreographing} considère la danse comme la relation indéterminée entre sensation et imagination. Issu de formes rituelles, elle canalise les émotions des spectateurs et des interprètes. Il en va de même pour les improvisations de danse contemporaine avec des robots. Quelle que soit sa complexité, la compréhension de la danse opère à un niveau intuitif. Lorsque Brook a écrit son livre, les éléphants n'avaient pas encore appris à jouer aux échecs. Quelques décennies plus tard, plus précisément en 2016, AlphaGo de DeepMind battra Lee Sedol au championnat du monde de Go en Corée du Sud\footnote{https://spectrum.ieee.org/alphago-wins-match-against-top-go-player }. Depuis, les progrès exponentiels d'AGI n'ont cessé de nous surprendre. Concernant la danse, les paris continuent. Devrions-nous imaginer autre chose après avoir vu les robots de Boston Dynamics danser sur la chanson \textit{Do you love me \footnote{https://spectrum.ieee.org/how-boston-dynamics-taught-its-robots-to-dance}} ?
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Lors du \textit{TIWIDWH} un robot qui a perdu sont statut de robot, est devenu un ours artificiel. Nous avons pris le temps de lui demander nous raconter ses rêves, par des gestes. Une performeuse s'est mise à sa disposition, tel un instrument de musique, pour l'aider à exécuter des mouvements improvisées. Leur \textit{danse}, apparait comme une sorte d'intersection entre deux \textit{umwelts}, conditionnée par des contraintes techniques et des signaux d'interaction. Le fait que l'humain arrive à s'inspirer des accidents ou des imprécisions, confirme la capacité de résilience de notre espèce. Il n'est pas sur que dans le cas d'un robot comme Atlas (sujet à des exigences de performance dans un marché fort compétitif) ce droit à l'erreur sera maintenu une fois le choix présenté.
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Lors du \textit{TIWIDWH} un robot qui a perdu sont statut de robot, est devenu un ours fictif. Nous avons pris le temps de lui demander nous raconter ses rêves, par des gestes. Une performeuse s'est mise à sa disposition, tel un instrument de musique, pour l'aider à exécuter des mouvements improvisées. Leur \textit{danse}, apparait comme une sorte d'intersection entre deux \textit{umwelts}, conditionnée par des contraintes techniques et des signaux d'interaction. Le fait que l'humain arrive à s'inspirer des accidents ou des imprécisions, confirme la capacité de résilience de notre espèce. Il n'est pas sur que dans le cas d'un robot comme Atlas (sujet à des exigences de performance dans un marché fort compétitif) ce droit à l'erreur sera maintenu une fois le choix présenté.
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Après cette expérience, il nous semble évident que la beauté des imperfections, cette forme hybride de \textit{glitch}, c'est aussi ce qu'anime notre intérêt pour les robots. A l'opposé, leur caractère identique lors des fabrications en série s'annonce comme un danger pour ce qu'il y a d'impermanent et de précieux pour le vivant. Comme l'explique le neurologue Stanislas Dehaene, la puissance de calcul du cerveau humain avec son réseau de 16 milliards de neurones corticaux, dépasse notre imagination actuelle. Pour des entrées sensorielles strictement identiques, le cerveau humain ne réagit pas de la même façon\cite{dehaene2014odile}, influencé par les émotions et les souvenirs de chaque individu. A l’intérieur de chaque boite crânienne, la vie cachée de représentations subjectives, fluctue sans cesse d'une manière partiellement autonome. En écho à ses penses, le philosophe de sciences Michel Bibtol nous demande si nous sommes prêts à mourir à l'instant où la science nous garantit
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Après cette expérience, il nous semble évident que la beauté des imperfections, cette forme hybride de \textit{glitch}, c'est aussi ce qu'anime notre intérêt pour les robots. A l'opposé, leur caractère identique lors des fabrications en série s'annonce comme un danger pour ce qu'il y a d'impermanent et de précieux pour le vivant. Comme l'explique le neurologue Stanislas Dehaene, la puissance de calcul du cerveau humain avec son réseau de 16 milliards de neurones corticaux, dépasse notre imagination actuelle. Pour des entrées sensorielles strictement identiques, le cerveau humain ne réagit pas de la même façon\cite{dehaene2014odile}, influencé par les émotions et les souvenirs de chaque individu. A l’intérieur de chaque boite crânienne, la vie cachée de représentations subjectives, fluctue sans cesse d'une manière partiellement autonome. En écho à ses penses, le philosophe de sciences Michel Bibtol nous demande si nous sommes prêts à mourir à l'instant où la science nous garantit la \gls{Singularité}, ou par ses mots lorsque
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``que notre structure cognitive et nos habitus comportementaux ont été intégralement téléchargés dans un robot”\cite{bitbol2018cp}.
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``notre structure cognitive et nos habitus comportementaux ont été intégralement téléchargés dans un robot”\cite{bitbol2018cp}.
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N'ayant pas de réponse à sa question, nous savons que vivre c'est précieux, car c'est unique. Dans l'acte artistique, l'humain accomplit ce qu'il y a de l'ordre d’irrationnel. Avoir un robot comme partenaire pour un tel exploit, n'a pas fini de nous interpeller. Accepter les états de conscience que ce robot pourra vivre dans sa spécificité, c'est arrêter une vision anthropocentrique du monde et prendre sa place parmi les autre organismes vivants et non-vivants qui la constituent. Dans la suite du monde imaginé par K. Dick, le robots capables de CA occuperont une catégorie à part parmi les carnivores et herbivores qui existent déjà. Cela sera contre-intuitif d'imaginer des machines carnivores et herbivores. Si l'empathie est le dernier rempart pour l'acceptation de l'autre, comment ferions-nous pour être surs que les machines en ont besoin?
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N'ayant pas de réponse à sa question, nous savons que vivre c'est précieux, car c'est unique. Dans l'acte artistique, l'humain accomplit ce qu'il y a de l'ordre d’irrationnel. Avoir un robot comme partenaire pour un tel exploit, n'a pas fini de nous interpeller. Accepter les états de conscience que ce robot pourra vivre dans sa spécificité, c'est arrêter une vision anthropocentrique du monde et prendre sa place parmi les autre organismes vivants et non-vivants qui la constituent. Dans la suite du monde imaginé par K. Dick, le robots capables de CA occuperont une catégorie à part parmi les carnivores et herbivores qui existent déjà. Cela sera contre-intuitif d'imaginer des machines carnivores et herbivores. Si l'empathie est le dernier rempart pour l'acceptation de l'autre, comment ferions-nous pour être surs que les machines en ont besoin?
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