diff --git a/bibliography.bib b/bibliography.bib index dde5067..5c5d8f1 100644 --- a/bibliography.bib +++ b/bibliography.bib @@ -1,3 +1,45 @@ +@misc{ginot2014penser, + title={Penser les somatiques avec Feldenkrais}, + author={Ginot, Isabelle and Isabelle, Ginot}, + year={2014}, + publisher={L'Entretemps} +} + +@phdthesis{salvatierra2020atelier, + title={L'atelier de danse et d’{\'e}ducation somatique comme espace d'exp{\'e}rimentations micropolitiques}, + author={Salvatierra, Violeta}, + year={2020}, + school={Paris 8} +} + +@book{boissiere2020approche, + title={Approche philosophique du geste dans{\'e}: de l’improvisation {\`a} la performance}, + author={Boissi{\`e}re, Anne and Kintzler, Catherine and others}, + year={2020}, + publisher={Presses universitaires du Septentrion} +} + +@book{berthoz1997sens, + title={Le sens du mouvement}, + author={Berthoz, Alain}, + year={1997}, + publisher={Odile Jacob} +} + +@book{todd2012corps, + title={Le corps pensant}, + author={Todd, Mabel Elsworth}, + year={2012}, + publisher={Contredanse} +} + + +@book{hay2000my, + title={My body, the Buddhist}, + author={Hay, Deborah}, + year={2000}, + publisher={Wesleyan University Press} +} @incollection{ishiguro2018gs, author = {Ishiguro, Hiroshi and Nishio, Shuichi}, editor = {Hiroshi Ishiguro and Fabio Dalla Libera}, diff --git a/sections/glossaire.tex b/sections/glossaire.tex index 9e3dfb9..8b4995e 100644 --- a/sections/glossaire.tex +++ b/sections/glossaire.tex @@ -19,6 +19,43 @@ enablef={true}, } + + +\newglossaryentry{mouvements naturels}{ + name={\textit{mouvements naturels}}, + description={Le terme \textit{mouvements naturels}, conscience des machines ou conscience synthétique - (en anglais : artificial consciousness)- est un domaine de recherche visant à comprendre, modéliser et tester la potentielle conscience liée aux intelligences artificielles.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{mouvements spontanés}{ + name={\textit{mouvements naturels}}, + description={Le terme \textit{mouvements spontanés}, conscience des machines ou conscience synthétique - (en anglais : artificial consciousness)- est un domaine de recherche visant à comprendre, modéliser et tester la potentielle conscience liée aux intelligences artificielles.}, + enablef={true}, +} +\newglossaryentry{expérience kinesthésique}{ + name={\textit{expérience kinesthésique}}, + description={Le terme \textit{expérience kinesthésique}, conscience des machines ou conscience synthétique - (en anglais : artificial consciousness)- est un domaine de recherche visant à comprendre, modéliser et tester la potentielle conscience liée aux intelligences artificielles.}, + enablef={true}, +} + +\newglossaryentry{intelligence sensorielle}{ + name={\textit{intelligence sensorielle}}, + description={Le terme \textit{intelligence sensorielle}, conscience des machines ou conscience synthétique - 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Définition du Larousse}]{bdd}{BDD}{Base De Données} \newglossaryentry{conscience artificielle}{ diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex index bd8810a..3942faa 100644 --- a/sections/partie_1.tex +++ b/sections/partie_1.tex @@ -1,7 +1,10 @@ \part{Faire danser les robots- une approche pluridisciplinaire} -´´There are the movements, occurrences, tasks, tricks, and traps that constitute each dance. These actions take place in the experiential realm. Then there is a substructure, an exercise not unlike a meditation, that is applied uninterruptedly throughout a dance. The substructure is a set of conditions that exists in the imaginative realm. It unifies, through practice, the sequence and performance of the -dance material. Without the substructure there is no dance.” -Deborah Hay, My body the buddhist, p. 48 +\begin{quote} +´´Il y a les mouvements, les imprévus, les découvertes, les astuces et les pièges qui représentent +chaque danse. Ces actions se déroulent dans un domaine expérientiel. Ensuite, il y a une sous-structure, un exercice proche d'une méditation, appliqué sans interruption tout au long de la +danse. Cette sous-structure est un ensemble de conditions qui existent dans l'imaginaire de chaque danseur. Le plus elle est pratiquée, le plus elle unifie la séquence et l’interprétation du matériel de danse. Sans cette sous-structure, il n'y a pas de danse\footnote{en original:´´There are the movements, occurrences, tasks, tricks, and traps that constitute each dance. These actions take place in the experiential realm. Then there is a substructure, an exercise not unlike a meditation, that is applied uninterruptedly throughout a dance. The substructure is a set of conditions that exists in the imaginative realm. It unifies, through practice, the sequence and performance of the dance material. Without the substructure there is no dance.”}.” +\cite{hay2000my} +\end{quote} \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_blind_robot} @@ -9,89 +12,107 @@ Deborah Hay, My body the buddhist, p. 48 \label{fig:abderblindrobot} \end{figure} + + \chapter*{Introduction} \addcontentsline{toc}{chapter}{Introduction} -Résume de trois chapitres en cours. Blabla bloublou bloublou bloublou bloublou bloublou bla bla +Cette première partie explique les concepts théoriques des trois disciplines dont je me +suis appuyée pour tester le potentiel scénique des robots: la danse - avec les +pratiques somatiques, la robotique et les sciences cognitives. +Le premier chapitre intitulé \textit{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle} +est une introduction aux pratiques somatiques que j’ai pu expérimenter depuis 2013, dont \textit{le shaking} +intégré comme outil de recherche-création dans ma pratique de danse. Il présente aussi des chorégraphes qui m’inspirent et des systèmes de notation, pour revendiquer une identité plurielle dans mon approche de la danse. +Le deuxième chapitre intitulé \textit{Conscience du corps dans la robotique} liste le contexte historique et les dernières tendances dans l’étude de la conscience, avec un focus sur l’approche cognitiviste. Il met en parallèle des principes de robotique et de cognition incarnée. +Le troisième chapitre \textit{Robots sur scène} présente différentes manières d’appréhender le corps sur scène, ainsi que des défis dans les approches chorégraphiques contemporaines. Cela est confronté avec un état d’art d’œuvres d’interaction robotique afin d'identifier des potentiels défis concernant la danse avec les robots. \chapter{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle } -Je commence ce chapitre par une contextualisation des pratiques somatiques, en retraçant de loin leur histoire en lien avec la danse. Mon analyse commence au début du 20é siècle, avec des précurseurs de ce que nous connaissons aujourd'hui comme \textit{de l'éducation somatique ou de l'intelligence sensorielle}. -Dans son livre \textit{The Thinking Body}(1937) l'américaine Mabel Todd met les bases d’une pédagogie corporelle qui intègre des principes de la physique, de la mécanique et de l’anatomie humaine. En prenant appui sur les travaux scientifiques de son époque, Todd souligne l'importance de l'équilibre des forces du mouvement pour privilégier une économie de l'effort. Elle note également le fonctionnement autonome du corps humain, en faisant référence à la proprioception et au équilibre postural, aux émotions et à une forme de ``conscience kinesthesique” (qu'elle décrit en relation avec les muscles que la rétine engage pour approximer des distances). En réfléchissant à la structure anatomique humaine, à la disposition des os, des nerfs et des muscles, elle cherche à déterminer un lien entre la forme et la fonction comme ´´loi d'un développement organique”. Son approche est révolutionnaire pour son époque, puisqu'elle relie des principes mécaniques et biologiques avec les lois de la physique. Intuitivement elle désigne la forme comme résultat de la fonction, par exemple en expliquant la structure du squelette en lien avec les forces de la gravité. Sa méthodologie est fondée sur des procédures de visualisation des images mentales, en amont de toute exécution du mouvement. Son objectif est d’intervenir sur les mécanismes inconscients qui régissent la motricité, en travaillant sur la représentation la plus précise du mouvement pendant que celui-ci soit accompli: -\begin{quote} -``L’imagination libère de la puissance. Lorsqu’on apprend consciemment à se servir d’images motivantes pour conditionner les réactions motrices adéquates, il faut connaître précisément trois choses : où cela se passe, dans quelle direction et selon quel désir. Quand les conditions sont réunies, le mouvement peut avoir lieu. ``Ça bouge”, alors, exactement comme ``il neige”, ``il pleut” ou ``il grêle”. Les muscles obéissant instantanément à la pensée, l’action adaptée survient. Le degré de précision et d’aisance sera fonction de la netteté de la réponse imaginée ou de son importance vitale ou non. Autrement dit, la pulsion émotionnelle ou l’adhésion à une idée conditionne un type précis de mouvement, tout comme la condensation est l’un des préalables importants à la pluie ou à la neige.” -\end{quote} -Toujours sur les muscles, en lien avec ses observations sur la forme, elle identifie le mouvement comme sensation globale analogue à la fonction des muscles. Pour expliquer la compréhension qu’elle a de cette partie du corps, elle note l'inexistence d'une expérience phénoménale de nos muscles.En général, nous sommes conscients d'une sensation globale de mouvement, sans comprendre individuellement comment chaque muscle active une partie de notre squelette. Le sens de la perception, que je vais traiter dans les prochaines pages, vient compléter cette appréhension que nous avons de notre propre corps et sa motricité. Cependant son fonctionnement est autonome, indépendamment de notre concentration et attention sur une partie du corps. +Je commence ce chapitre par une contextualisation des pratiques somatiques, en retraçant de loin leur histoire en lien avec la danse. Mon analyse commence au début du 20é siècle, avec des précurseurs de ce que nous connaissons aujourd'hui comme de l'\gls{éducation somatique} et de l'\gls{intelligence sensorielle}. La plupart des termes que j'emploie sont définis dans le glossaire à la fin du manuscrit. Cependant je précise dés le début de notre enquête, le contexte par lequel je désigne l'intelligence sensorielle et les pratiques somatiques comme notions clés de ce travail en recherche-création. D'abord l'intelligence sensorielle représente notre capacité d'agir au travers non sens. Elle est notre faculté de sentir, de comprendre et d’organiser les informations sensorielles provenant de notre corps et de notre environnement. Ensuite les pratiques somatique regroupent plusieurs approches corporelles dont l'objectif est la réappropriation de son corps en mouvement afin de mieux comprendre son propre mode de fonctionnement et créer de nouvelles possibilités d’expression. Ces approches sont d'abord expérientielles, basées sur une expérience subjective de chacun, en contrepoids des connaissances empiriques observées chez les autres. -A l’époque où Todd écrivait son livre, les médecins pensaient que les muscles étaient commandés instantanément par la pensée. Les dernières découvertes en neurosciences\cite{art} confirment que la plupart des opérations impliquées dans le contrôle des mouvements corporelles, comme la plupart des stimuli qui initient un mouvement réflexe en particulier, sont de nature inconsciente. D’où vient alors cette pensée et comment des sens comme la proprioception sont en charge, autant des sensations de nos organes, que des fonctions régulatrices en lien avec les muscles. Par exemple, lorsque nous nous penchons en avant, nous faisons presque instantanément un mouvement en arrière afin de préserver notre équilibre. Comment comprendre cette vitesse avec laquelle opère notre corps pendant qu’il utilise des mouvements anticipateurs? Tout cela sans que notre pensée le détermine. Que dire alors des processus d’apprentissage comme celui de la conduite auto ou d’un nouveau type de danse? Je rejoins Todd pour qui une nouvelle capacité motrice devient automatique une fois apprise et exécutée un nombre suffisamment des fois. C'est intéressant de réfléchir à pourquoi cela n'est pas (encore) le cas pour des robots. +Dans son livre \textit{The Thinking Body}(1937) l'américaine Mabel Todd (1907-1977) met les bases d’une pédagogie corporelle qui intègre des principes de la physique, de la mécanique et de l’anatomie humaine. En prenant appui sur les travaux scientifiques de son époque, Todd souligne l'importance de l'équilibre des forces du mouvement pour privilégier une économie de l'effort. Elle note également le fonctionnement autonome du corps humain, en faisant référence à la proprioception et au équilibre postural, aux émotions et à une forme de ``conscience kinesthesique” (qu'elle décrit en relation avec les muscles que la rétine engage pour approximer des distances). En réfléchissant à la structure anatomique humaine, à la disposition des os, des nerfs et des muscles, elle cherche à déterminer un lien entre la forme et la fonction comme ´´loi d'un développement organique”. Son approche est révolutionnaire pour son époque, puisqu'elle relie des principes mécaniques et biologiques avec les lois de la physique. Intuitivement elle désigne la forme comme résultat de la fonction, par exemple en expliquant la structure du squelette en lien avec les forces de la gravité. Sa méthodologie est fondée sur des procédures de visualisation des images mentales, en amont de toute exécution du mouvement. Son objectif est d’intervenir sur les mécanismes inconscients qui régissent la motricité, en travaillant sur la représentation la plus précise du mouvement pendant que celui-ci soit accompli: +\begin{quote} +``L’imagination libère de la puissance. Lorsqu’on apprend consciemment à se servir d’images motivantes pour conditionner les réactions motrices adéquates, il faut connaître précisément trois choses : où cela se passe, dans quelle direction et selon quel désir. Quand les conditions sont réunies, le mouvement peut avoir lieu. ``Ça bouge”, alors, exactement comme ``il neige”, ``il pleut” ou ``il grêle”. Les muscles obéissant instantanément à la pensée, l’action adaptée survient.” +\cite{todd2012corps} +\end{quote} +Toujours sur les muscles, en lien avec ses observations sur la forme, elle identifie le mouvement comme sensation globale analogue à la fonction des muscles. Pour expliquer la compréhension qu’elle a de cette partie du corps, elle note l'inexistence d'une expérience phénoménale de nos muscles.En général, nous sommes conscients d'une sensation globale de mouvement, sans comprendre individuellement comment chaque muscle active une partie de notre squelette. Le sens de la perception, que je vais traiter dans les prochaines pages, viendra compléter cette appréhension que nous avons de notre propre corps et sa motricité. Cependant son fonctionnement est autonome, indépendamment de notre concentration et attention sur une partie du corps. + +A l’époque où Todd écrivait son livre, les médecins pensaient que les muscles étaient commandés instantanément par la pensée. Les dernières découvertes en neurosciences\cite{art} confirment que la plupart des opérations impliquées dans le contrôle des mouvements corporelles, comme la plupart des stimuli qui initient un mouvement réflexe en particulier, sont de nature inconsciente. D’où vient alors cette pensée et comment des sens comme la proprioception sont en charge, autant des sensations de nos organes, que des fonctions régulatrices en lien avec les muscles. Par exemple, lorsque nous nous penchons en avant, nous faisons presque instantanément un mouvement en arrière afin de préserver notre équilibre. +Comment comprendre cette vitesse avec laquelle opère notre corps pendant qu’il utilise des mouvements anticipateurs? Tout cela sans que notre pensée le détermine. Que dire alors des processus d’apprentissage comme celui de la conduite auto ou d’un nouveau type de danse? + +Je rejoins Todd pour qui une nouvelle capacité motrice devient automatique une fois apprise et exécutée un nombre suffisamment des fois. C'est intéressant de réfléchir à pourquoi cela n'est pas (encore) le cas pour des robots. Si la plupart d’entre nous, ne sommes pas capables d’identifier l’instance de notre cerveau qui s’occupe de ce type d’apprentissage et auto-réglage, celui-ci a lieu dans notre corps, étant un processus organique constitutif de notre identité. Presque un siècle après les observations de Todd, le neurophysiologiste Alain Bertoz décrit la perception comme une action simulée, bien plus qu'une interprétation des messages sensoriels: \begin{quote} -``elle est contrainte par l’action, elle est simulation interne de l’action, elle est jugement et prise de décision, elle est anticipation des conséquences de l’action.” +``elle est contrainte par l’action, elle est simulation interne de l’action, elle est jugement et prise de décision, elle est anticipation des conséquences de l’action.”\cite{berthoz1997sens} \end{quote} Toujours pour Bertoz, les modèles internes de la réalité physique ne sont pas seulement d'opérateurs mathématiques abstraits mais des vrais neurones avec des propriétés en lien avec le monde physique. Analyser le mouvement du point de vue neurologique, nous permet de mieux comprendre notre spécificité et les processus physiologiques ayant lieu à l’intérieur de nous: \begin{quote} -``L’analyse du mouvement permet donc de découvrir les solutions trouvées au cours de l’évolution pour anticiper les conséquences de l’action et simplifier le contrôle des gestes.” +``L’analyse du mouvement permet donc de découvrir les solutions trouvées au cours de l’évolution pour anticiper les conséquences de l’action et simplifier le contrôle des gestes.”\cite{berthoz1997sens} \end{quote} -Le plus que cette connaissance du corps humain s’élargit grâce à des disciplines comme les neurosciences, le plus c’est compliqué d’adapter ces principes à des nouvelles technologies. Par exemple en robotique le problème de degrés de liberté (ie le nombre d’articulations dont un corps organique dispose) reste un défi pour les ingénieurs en mécatronique. Pour Berthoz, les centaines de degrés de liberté qui caractérisent l’organisation anatomique et dynamique du squelette de la plupart des animaux et de l’homme, rend possible le contrôle du mouvement grâce aux mécaniques d’organisation géométriques du squelette. Ces mécanismes se sont développés au cours de l’évolution, adaptant constamment le nombre de degrés de liberté que le cerveau doit contrôler. Comme le chercheur le souligne, les roboticiens rencontrent des vrais défis mécaniques lors qu'ils tentent de réaliser des machines de la complexité d'un moindre insecte. Bien qu'il y a eu des progrès dans les algorithmes utilisés ces derniers années\cite{bouyarmane2018quadratic}, la capacité de calcul des ordinateurs est vite saturée\cite{berthoz}, une fois que le nombre de dégrées de liberté augmente. -Bertoz va plus loin quant à la complexité des systèmes vivants et à l’intégration de ces principes dans des systèmes technologiques, en faisant référence au terme de \textit{synérgie}: +Plus cette connaissance du corps humain s’élargit grâce à des disciplines comme les neurosciences, plus c’est compliqué d’adapter ces principes à des nouvelles technologies. Par exemple en robotique le problème de degrés de liberté (ie le nombre d’articulations dont un corps organique dispose) reste un défi pour les ingénieurs en mécatronique. Pour Berthoz, les centaines de degrés de liberté qui caractérisent l’organisation anatomique et dynamique du squelette de la plupart des animaux et de l’homme, rend possible le contrôle du mouvement grâce aux mécaniques d’organisation géométriques du squelette. Ces mécanismes se sont développés au cours de l’évolution, adaptant constamment le nombre de degrés de liberté que le cerveau doit contrôler. Comme le chercheur le souligne, les roboticiens rencontrent des vrais défis mécaniques lors qu'ils tentent de réaliser des machines de la complexité d'un moindre insecte. Bien qu'il y a eu des progrès dans les algorithmes utilisés ces derniers années\cite{bouyarmane2018quadratic}, la capacité de calcul des ordinateurs est vite saturée\cite{berthoz}, une fois que le nombre de dégrées de liberté augmente. +Bertoz va plus loin quant à la complexité des systèmes vivants et à l’intégration de ces principes dans des systèmes technologiques, en faisant référence au terme de \textit{synérgie}, du grec ``syn (ensemble)” et ``ergos” (travail) pour définir la manière dont le système nerveux s'organise pour exécuter des \gls{mouvements naturels}: \begin{quote} -``Le mot synergie vient de syn (ensemble) et ergos (travail). Ce concept a été proposé par Bernstein pour appuyer l’idée que, le système nerveux ne peuvent contrôler toutes les degrés de liberté, l’évolution a sélectionné un répertoire de mouvements simples ou complexes, que nous pouvons appeler ``mouvements naturels”, et qui impliquent des groupes de muscles et de membres travaillant (ergos) ensemble (syn). Nous avons d’ailleurs mentionné plus haut les contraintes qu’exerce le squelette sur le nombre de mouvements possibles à chaque articulation. Ce répertoire n’est d’ailleurs pas très large. Il suffit de contempler une danseuse pour constater l’extraordinaire pauvreté du répertoire moteur dont elle dispose. C’est la combinaison dans le temps et l’espace de ces éléments et les jeux de partenaires qui font à la fois le génie du chorégraphe et la richesse expressive de la danse.” +`` le système nerveux ne peuvent contrôler toutes les degrés de liberté, l’évolution a sélectionné un répertoire de mouvements simples ou complexes, que nous pouvons appeler ``mouvements naturels”, et qui impliquent des groupes de muscles et de membres travaillant (ergos) ensemble (syn). Nous avons d’ailleurs mentionné plus haut les contraintes qu’exerce le squelette sur le nombre de mouvements possibles à chaque articulation. Ce répertoire n’est d’ailleurs pas très large. Il suffit de contempler une danseuse pour constater l’extraordinaire pauvreté du répertoire moteur dont elle dispose.” \end{quote} -Il me semble pertinent d’appliquer ce processus de synergie à des exercices de recherche-création dans ma façon de travailler. Cela m'aide à mieux comprendre les incompatibilités des langages et des pratiques entre les différentes disciplines que j'adresse et leurs enjeux. +Pour le chercheur français, la richesse d'une danse réside dans les quelques éléments du répertoire et les permutations entre le temps, l'espace et les différents partenaires face à ces éléments. Il me semble pertinent d’appliquer ce processus de synergie à des exercices de recherche-création, dans ma façon de travailler une chorographie. En limitant les mouvements naturels par exemple, je peux mieux me concentrer sur les variations qu'il peut avoir entre ceux-ci est les autres éléments scéniques. D'ailleurs ces mouvements naturels ont leur propre définition, dans notre contexte. Par mouvements naturels j’entends des mouvements qui procurent une sensation d’accomplissement artistique, des gestes à caractère esthétisant- donnés s voir. En contrepoids, j'utilise le terme \gls{mouvements spontanés} pour définir des gestes réflexes ou des mouvements à caractère spontanée qui surgissent lors des improvisations et des exercices somatiques. Cela m'aide à mieux comprendre les défis de langage et des pratiques entre les différentes disciplines que j'adresse. -Les critiques et philosophes spécialistes en danse ont longuement analysé l’émergence du geste dansé, selon le contexte socio-culturel et l’époque dont il se réclame. Pour ce qu’il y a de la danse contemporaine, \textbf{la pratique de l’improvisation}, vue comme geste libre et libérée du dogmatisme de la technique du danseur, a suscité une révolution longuement attendue. Comme le remarque Anne Boissiére dans son livre ``Approche philosophique du geste dansé”\cite{boissiere}, ce geste semble s’inventer par lui-même dans l'intention de se produire sans objectif immédiat ou point de départ. Un geste qui n’a pas besoin des explications pour s'auto suffire: +Les critiques et philosophes spécialistes en danse ont longuement analysé l’émergence du geste dansé, selon le contexte socio-culturel et l’époque dont il se réclame. Pour ce qu’il y a de la danse contemporaine, la pratique de l’improvisation, vue comme geste libre et libérée du dogmatisme de la technique du danseur, a suscité une révolution longuement attendue. Comme le remarque Anne Boissiére dans son livre ``Approche philosophique du geste dansé”\cite{boissiere2020approche}, ce geste semble s’inventer par lui-même dans l'intention de se produire sans objectif immédiat ou point de départ. Un geste qui n’a pas besoin des explications pour s'auto-suffire: \begin{quote} -La danse dans sa nouveauté et sa vie propre, confronte la pensée esthétique à ses propres limites; elle n’est pas seulement un art du geste mais un art qui fait geste, contre les risques d’enlisement d’une pensée esthétique trop sure d’elle même. L'émancipation de la danse vis-à-vis d'autres arts, oblige à reconsidérer la définition de l’art dans sa dimension multiple, c'est-à dire le rapport moderne qui lie l’art à ses genres.(...) La question de l’improvisation apparaît centrale pour penser le geste dansé, dans la mesure où celui-ci, dans sa liberté, semble ne plus devoir emprunter à un quelconque modèle mais procéder de soi, dans une impulsion et un dynamisme internes affranchis de tout point d’appui, de toute extériorité. L’improvisation n’est plus une variation sur des schémas préexistants, elle a une valeur constituante. Elle tisse une forme en acte à laquelle rien ne préexiste, une forme s’inventant à partir d’elle-même, dans une sorte de point zéro ou de commencement absolu qui lui donne son évidence et sa pureté. Il y a, à l’origine du mouvement libre, une opération de réduction qui n’est pas sans relation avec ce qu’il faut bien appeler le miracle de la danse que nous voyons opérer sous nos yeux. Quel est ce néant, ce vide, qui est au travail de façon invisible et manifeste dans la danse ? + La question de l’improvisation apparaît centrale pour penser le geste dansé, dans la mesure où celui-ci, dans sa liberté, semble ne plus devoir emprunter à un quelconque modèle mais procéder de soi, dans une impulsion et un dynamisme internes affranchis de tout point d’appui, de toute extériorité. L’improvisation n’est plus une variation sur des schémas préexistants, elle a une valeur constituante. Elle tisse une forme en acte à laquelle rien ne préexiste, une forme s’inventant à partir d’elle-même, dans une sorte de point zéro ou de commencement absolu qui lui donne son évidence et sa pureté. \end{quote} -Cette question d'improvisation, proche d'une démarche expérimentale du mouvement est aussi ce qui a permis l'émergence d'une sous-discipline au croisement entre esthétique, perception, physiologie et mécanique corporelle. Selon Jeremy Damian\cite{Damian}, les pratiques somatiques sont nées en 1976, lorsque Hanna fonde la revue \textit{Somatics Magazine -Journal of the Bodily Arts and Sciences} dont le thématique s’oriente autour des études sur le corps expérientiel et ses expériences personnels -(ie. the study of the body through the personnel experiential perspective). Pour lui, les recherches sur le corps sont souvent limités à un débat entre une interprétation d’inspiration phénoménologique et une interprétation tirée de la sémiotique ou dans les autres mots \textit{le corps comme expérience versus le corps comme signe}. -Pour mieux appuyer cela, l'anthropologue Thomas J. Csordas établit une synthèse de ces deux approches. Il focalise son attention sur ce qu’il nomme les``modes somatiques d’attention” (\textit{somatic modes of attention}), définis comme des``manières culturellement élaborées d’être présent à et avec son corps (\textit{ways of attending to and with one’s body)}. Csordas souligne également l'importance des environnements qui incluent la présence``incorporée” des autres. L'originalité de son approche provient de l'attention qu'il porte à des retours sensoriels impliquant à la fois une personne, un corps et son environnement. Cela produit un ``milieu intersubjectif”, médiée par une perspective somatique qui ouvre une autre ``image et idée du corps que celle que renvoie le miroir.” Nous remarquons toujours cette idée d'image de corps, mentionné plus haut dans un contexte social et anthropologique. +Cette question d'improvisation, proche d'une démarche expérimentale du mouvement est aussi ce qui a permis l'émergence d'une sous-discipline au croisement entre esthétique, perception, physiologie et mécanique corporelle. Selon Jeremy Damian\cite{Damian}, les pratiques somatiques sont nées en 1976, lorsque Thomas Hanna (1928 – 1990) fonde la revue \textit{Somatics Magazine -Journal of the Bodily Arts and Sciences} dont le thématique s’oriente autour des études sur le corps expérientiel et ses expériences personnels -(ie. the study of the body through the personnel experiential perspective). Pour lui, les recherches sur le corps sont souvent limités à un débat entre une interprétation d’inspiration phénoménologique et une interprétation tirée de la sémiotique ou dans les autres mots \textit{le corps comme expérience versus le corps comme signe}. +Pour mieux appuyer cela, l'anthropologue Thomas J. Csordas établit une synthèse de ces deux approches. Il focalise son attention sur ce qu’il nomme les``modes somatiques d’attention” (\textit{somatic modes of attention}), définis comme des``manières culturellement élaborées d’être présent à et avec son corps (\textit{ways of attending to and with one’s body)}. Csordas souligne également l'importance des environnements qui incluent la présence``incorporée” des autres. L'originalité de son approche provient de l'attention qu'il porte à des retours sensoriels impliquant à la fois une personne, un corps et son environnement. Cela produit un ``milieu intersubjectif”, médiée par une perspective somatique qui ouvre une autre ``image et idée du corps que celle que renvoie le miroir.” Nous remarquons toujours cette idée d'image de corps, cette fois dans un contexte social et anthropologique. -A son tour, Violetta Salvatierra évoque dans sa thèse\cite{salvatierra}, le contexte d’apparition de l’éducation somatique en France: +A son tour, la chercheuse en danse Violetta Salvatierra évoque dans sa thèse\cite{salvatierra2020atelier}, le contexte d’apparition de l’éducation somatique en France: \begin{quote} -``Elle arrive ainsi en France des États-Unis, en passant par le Québec, importée par des praticien·nes de la méthode Feldenkrais. Hanna essaye de forger à travers celle-ci une définition du corps, opérante dans ces pratiques, qui serait en rupture épistémologique avec la conception dualiste du corps/esprit et distincte ainsi du corps objectivable de la médecine (body) ; appréhendé dans sa dimension holistique et systémique, et attaché au corps vécu à la première personne, le terme``soma”, dans la définition de Thomas Hanna, fait référence au ``corps perçu de l'intérieur” et ``la somatique” est définie comme ``l'art et la science des processus d'intéraction synergétique entre la conscience, le fonctionnement biologique et l'environnement”. Par la suite, d'autres théoricien·nes ont proposé d'autres termes et notions pour désigner le champ d'expériences mobilisé par ces pratiques, tels que la ``soma-esthétique”,proposé par le philosophe Richard Shusterman, dont les travaux dans le domaine se révèlent fort normatifs”. +``(...) appréhendé dans sa dimension holistique et systémique, et attaché au corps vécu à la première personne, le terme``soma”, dans la définition de Thomas Hanna, fait référence au ``corps perçu de l'intérieur” et ``la somatique” est définie comme ``l'art et la science des processus d'intéraction synergétique entre la conscience, le fonctionnement biologique et l'environnement”. Par la suite, d'autres théoricien·nes ont proposé d'autres termes et notions pour désigner le champ d'expériences mobilisé par ces pratiques, tels que la ``soma-esthétique”,proposé par le philosophe Richard Shusterman, dont les travaux dans le domaine se révèlent fort normatifs”. \end{quote} -Une préoccupation actuelle rapproche les pratiques somatiques d'une certaine forme d'écologie. Ce point de vue est défendu par la chercheuse Laurence Jay, selon qui cela renvoie au chaque contexte spécifique d’une personne, pour encourager une forte affirmation de sa subjectivité. S’adressent au corps-sujet dans une approche psycho-phénoménologique, le corps est identifié par des caractéristiques communes avec le domaine du vivant. Pour paraphraser Jay il est en homéostasie, pour assurer une survie permanente: +Dans une autre optique, une préoccupation actuelle rapproche les pratiques somatiques d'une certaine forme d'écologie. Ce point de vue est défendu par la chercheuse Laurence Jay, selon qui cela renvoie au chaque contexte spécifique d’une personne, pour encourager une forte affirmation de sa subjectivité. S’adressent au corps-sujet dans une approche psycho-phénoménologique, le corps est identifié par des caractéristiques communes avec le domaine du vivant. Pour paraphraser Jay il est en homéostasie, pour assurer une survie permanente: \begin{quote} ``Il est pensé comme un tout. Il ne s’agit pas d’un amas de parties disjointes, mais d’un système organisé de façon dynamique et en équilibre complexe, interdépendant dans chaque mouvement, chaque fonction, chaque échange d’énergie et d’information. Il ne s’agit pas d’une vision mécaniste qui sépare le haut et le bas, la matière et le processus, le soi et les autres, le soi et l’environnement, la pensée et les émotions. C’est une pensée systémique, un point de vue corps-sujet-monde. Ce point de vue rejoint les théories écologiques et systémiques et permet d’imaginer une écologie corporelle, en actes.” \end{quote} +Des artistes visionnaires, puis des chercheurs en neurosciences, nous aident à mieux comprendre notre rapport au corps. En danse, l'improvisation interroge le mouvement dans sa potentialité artistique pour générer des nouvelles formes d'expressivité. A mon tour, je me concentre sur les mouvements spontanées pour comprendre leur impacte sur une danse avec des robots. Ces mouvements sont issus d'un laboratoire d’expérimentations en lien avec des pratiques somatiques, bien que la définition exacte de cette somatique est sujet à des débats selon la discipline où elle opère. \section{Les multiples facettes des pratiques somatiques} -Pour mieux expliquer la dynamique qui opère entre la danse et les pratiques somatiques, je m'interroge sur la façon dont ces techniques structurent la corporéité ainsi que l'expérience phénoménologique du cors et ses sensations. Lorsqu’elles sont employés comme exercices d'échauffement et d'entraînement régulier, elles facilitent une nouvelle appréhension du corps et de son mouvement. Lorsqu’un danseur apprend une technique de danse, son corps est capable de reproduire les mouvements et de se mouvoir presque de façon automatique, selon les caractéristiques de cette technique. Lorsqu'il s’approprie une pratique somatique, le danseur n’a de preuve à son appui autre que les traces que laissent cette expérience à l’intérieur de son propre corps. Ainsi l’intériorité et l'expérience sensible du danseur sont cultivés grâce à l'expérience kinesthésique: +Pour mieux expliquer la dynamique qui opère entre la danse et les pratiques somatiques, je m'interroge sur la façon dont ces techniques structurent la corporéité ainsi que l'expérience phénoménologique du cors et ses sensations. Lorsqu’elles sont employés comme exercices d'échauffement et d'entraînement régulier, elles facilitent une nouvelle appréhension du corps et de son mouvement. Lorsqu’un danseur apprend une technique de danse, son corps est capable de reproduire les mouvements et de se mouvoir presque de façon automatique, selon les caractéristiques de cette technique. Lorsqu'il s’approprie une pratique somatique, le danseur n’a de preuve à son appui autre que les traces que laissent cette expérience à l’intérieur de son propre corps. Ainsi l’intériorité et l'expérience sensible du danseur sont cultivés grâce à l'\gls{expérience kinesthésique}: \begin{quote} ``Si toute technique de danse est affaire d’un programme systématique d’instructions, venant façonner le corps perçu à l’image d’un corps idéal, via la médiation d’un corps démonstratif (Foster, 1992) ; si les injonctions à faire et à sentir, et corrélativement, les actions et les perceptions produites (Cazemajou, 2013), relatent implicitement un modèle déterminé de corporéité ; peut-on dire la même chose pour les somatiques?” \end{quote} -Lors des stages et ateliers de danse, j’ai eu l'occasion de me former et d'acquérir des compétences orientées autour de ma propre intériorité. Bien que chaque expérience du corps et son vécu est difficilement traduisible et quantifiable, je tente d'évoquer ce que chacun de ces pratiques a retenu mon attention. Pour mieux témoigner de cette démarche, je m'appuie sur les écrits du philosophe Bruno Latour qui explicite dans son essai ``How to talk about the body” ce qu’il entend par le fait d'avoir un corps: +Depuis 2013, lors des stages et des ateliers de danse partout en Europe, j’ai eu l'occasion de me former et d'acquérir des compétences orientées autour de ma propre intériorité. Bien que chaque expérience du corps et son vécu est difficilement traduisible et quantifiable, je tente d'évoquer ce que chacun de ces pratiques a retenu mon attention. Pour mieux témoigner de cette démarche, je m'appuie sur les écrits du philosophe Bruno Latour(1947-2022) qui explicite dans son essai ``How to talk about the body” ce qu’il entend par le fait d'avoir un corps: \begin{quote} -``To have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead. Equipped with such a ‘patho-logical’ definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be affected by more and more elements. The body is thus not a provisional residence of something superior – an immortal soul, the universal or thought – but what leaves a dynamic trajectory by which we learn to register and become sensitive to what the world is made of. Such is the great virtue of this definition: there is no sense in defining the body directly, but only in rendering the body sensitive to what these other elements are. By focusing on the body, one is immediately – or rather, mediately – directed to what the body has become aware of.” +`` +Avoir un corps, signifie apprendre à être affecté, c’est-à-dire ‘effectué’, déplacé, mis en mouvement par d’autres entités, humaines ou non-humaines. Si vous ne vous engagez pas dans cet apprentissage, vous risquez de devenir insensible, stupide, vous tombez mort. Doté d’une telle définition ‘pathologique’du corps, personne n’est obligé de définir une essence, une substance (ce qu’est le corps par nature), mais plutôt, à mon sens, de le considérer comme une interface qui devient de plus en plus descriptible, lorsqu'elle apprend à être affecté par de plus en plus d'éléments(...)En se concentrant sur le corps, on est immédiatement – ou plutôt médiatement – dirigé vers ce dont le corps a pris conscience +\footnote{en version originelle: +``To have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead. Equipped with such a ‘patho-logical’ definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be affected by more and more elements(...)By focusing +on the body, one is immediately – or rather, mediately – directed to what +the body has become aware of.}.”\cite{latour2004talk} \end{quote} -Pour revenir au terme de somatique et faire la distinction entre ses différentes approches, je fais également appel aux les observations d’Isabelle Ginot. Dans l'ouvrage collectif ``Penser les somatiques avec Feldenkrais” elle mentionne la motivation du chercheur Thomas Hanna de réunir sous le terme générique de \textit{somatiques} une panoplie de pratiques dont les principes sont communs: +Ainsi pour Latour il n'existe pas de hiérarchie entre corps et esprit. Plutôt chaque corps opère une trajectoire dynamique par laquelle il apprend à connaitre et à interagir avec les autres éléments ou la matière dont est faite le monde. Plus précisément, pour le philosophe français, cela n’a aucun sens de définir le corps directement, mais plutôt de le rendre sensible aux autres éléments qui constituent le monde. + +Pour revenir au terme de somatique et faire la distinction entre ses différentes approches, je fais également appel aux observations d’Isabelle Ginot. Dans l'ouvrage collectif ``Penser les somatiques avec Feldenkrais” elle montre comment sont réunis sous le terme générique de \textit{somatiques}, une panoplie de pratiques dont les principes sont communs. Elle définit \textit{le sujet} par un ensemble de pensées, affects et émotions en lien avec le corps en lien avec ``un instrumentarium savant de techniques gestuelles, manuelles et tactiles”\cite{ginot2014penser}, dont l'attention se porte sur la proprioception. Ginot note comment ces techniques puisent à leur tour dans des croyances et des savoirs divers selon leur époque, pour inventer ``des imaginaires du corps et des gestes bien différents les uns des autres”\cite{ginot2014penser}. Plus loin dans ce livre, la chercheuse propose une classification selon les critères de l’analyste du mouvement Hubert Godard. Ses observations font la distinction entre les expériences collectives et les expériences individuelles. Lors d'une expérience collective le praticien propose des explorations sans illustrer le mouvement, afin que chacun puisse explorer sa propre sensibilité esthétique et contraintes physiologiques. Lors des séances individuelles, le praticien propose une exploration à partir du toucher, parfois guidant par la parole une prise de conscience du sujet. Celui-ci observe les effets du relâchement des blocages musculaires sur ses gestes, les variations de son propre poids selon les changements de posture. Il découvre grâce à des représentations internes, des parties auparavant méconnues de lui-même, appelés par Godard ``des zones organiques profondes”: \begin{quote} -``une conception holistique du sujet (où corps, pensée, affects, émotions sont indissociables), un instrumentarium savant de techniques gestuelles, manuelles et tactiles, une place centrale accordée à l’expérience subjective via un travail approfondi sur la perception en général, et en particulier sur le sens kinesthésique (celui qui nous permet de savoir dans quelle position nous sommes, si nous sommes stables ou en train de bouger, quelle est la position de nos membres même si nous ne les voyons pas…). Au-delà de ces principes communs, ces techniques sont multiples, elles puisent dans des croyances et des savoirs divers selon leur époque, et surtout, elles inventent et diffusent des imaginaires du corps et des gestes bien différents les uns des autres.” -\end{quote} -Ginot propose une classification qui tient compte des critères de l’analyste du mouvement Hubert Godard. Ces critères sont orientée autour d'une expérience collective en contrepoids de celle individuelle. Souvent dans les séances collectives, le praticien propose des explorations sans illustrer le mouvement, afin que chacun puisse explorer sa propre sensibilité esthétique et contraintes physiologiques. Lors des séances individuelles, le praticien propose une exploration à partir du toucher, parfois guidant par la parole une prise de conscience du sujet. Celui-ci observe les effets du relâchement des blocages musculaires sur ses gestes, les variations de son propre poids selon les changements de posture et découvre grâce à des représentations internes, des parties auparavant méconnues de lui-même, appelés par Godard ``des zones organiques profondes”: -\begin{quote} -``Certaines travaillent à partir d’une cartographie des tissus et de leurs caractéristiques biologiques — fascias, muscles, peau, os, viscères — et pensent le changement du geste et de la posture primordialement à partir des changements conduits dans ces tissus ; d’autres, telle la méthode Feldenkrais qui nous intéressera ici, s’appuient avant tout sur la construction des coordinations, soit la façon dont chacun de nous a appris (et peut réapprendre) à composer ses gestes dans l’espace et le temps jusqu’à ce que ce répertoire de nouvelles habitudes gestuelles compose la texture même de sa vie, et garde la plasticité nécessaire pour des changements ultérieurs. D’autres encore privilégient le travail sur la perception… Elles se pratiquent en séances collectives ou individuelles, passent très souvent par un travail sur le toucher (un des nombreux tabous concernant le corps en Occident), se définissent soit comme ``éducatives” soit comme ``thérapeutiques”, ou encore les deux à la fois.” +``Certaines travaillent à partir d’une cartographie des tissus et de leurs caractéristiques biologiques — fascias, muscles, peau, os, viscères — et pensent le changement du geste et de la posture primordialement à partir des changements conduits dans ces tissus ; d’autres, telle la méthode Feldenkrais qui nous intéressera ici, s’appuient avant tout sur la construction des coordinations, soit la façon dont chacun de nous a appris (et peut réapprendre) à composer ses gestes dans l’espace et le temps jusqu’à ce que ce répertoire de nouvelles habitudes gestuelles compose la texture même de sa vie, et garde la plasticité nécessaire pour des changements ultérieurs. D’autres encore privilégient le travail sur la perception… Elles se pratiquent en séances collectives ou individuelles, passent très souvent par un travail sur le toucher (un des nombreux tabous concernant le corps en Occident), se définissent soit comme ``éducatives” soit comme ``thérapeutiques”, ou encore les deux à la fois.” \cite{ginot2014penser} \end{quote} -Depuis 2013, j’ai commencé à pratiquer des disciplines en lien avec la pensée du corps et l’intelligence du mouvement. Je définis ici \textit{intelligence du mouvement} selon le point de vue de Jay, pour laquelle il s’agit principalement de: +Lorsque j’ai les pratiques somatiques en 2013, cette idée de vocabulaire et définitions est restée une question ouverte. Lesquelles des écoles revendiquer, laquelle des techniques approfondir? Je m'appuie sur les observations concernant l'\gls{intelligence du mouvement} de Jay, proche de ce que je comprends par \gls{intelligence sensorielle}: \begin{quote} -``la faculté qu’a le corps à sentir, ressentir, réguler, équilibrer, décider, agir pour exprimer la vie qui l’anime c’est-à-dire le sujet. L’intelligence du mouvement habite le corps tout entier, pas seulement le cerveau. Le cerveau est informé et informe et l’intelligence du mouvement dialogue avec la pensée. Nous avons appris à considérer notre corps comme une machine, à faire en sorte de le contrôler le plus efficacement possible, à le gérer comme un lieu d’entrée sortie, à l’espérer plus silencieux qu’expressif, pour finalement somatiser lorsque notre corps exprime l’inexprimé.” +``L’intelligence du mouvement habite le corps tout entier, pas seulement le cerveau. Le cerveau est informé et informe et l’intelligence du mouvement dialogue avec la pensée. Nous avons appris à considérer notre corps comme une machine, à faire en sorte de le contrôler le plus efficacement possible, à le gérer comme un lieu d’entrée sortie, à l’espérer plus silencieux qu’expressif, pour finalement somatiser lorsque notre corps exprime l’inexprimé.”\cite{jay2014pratiques} \end{quote} -Concernant mes propres expériences kinesthésiques et le travail de ``prise de conscience” de mon corps, j'ai remarqué que cela est plus facilement traduisible en mots, lors des moments de lâcher prise en improvisation. Les outils que j’ai retenus lors des sessions d'apprentissage servent principalement à affiner ma concentration et la facilité de mouvement. La plupart des méthodes que j’ai pu expérimenter, visent l'utilisation d’une quantité d'effort appropriée pour une activité particulière, libérant les tensions du corps pour avoir plus d'énergie à utiliser ailleurs. Bien que la communauté des pratiquants puisse parler des effets thérapeutiques de ces pratiques, j'aimerais clarifier cet aspect. +Concernant mes propres expériences kinesthésiques et le travail de ``prise de conscience” de mon corps, j'ai remarqué que cela est plus facilement traduisible en mots, lors des moments de lâcher prise en improvisation. Les outils que j’ai retenus lors des sessions d'apprentissage que je vais détailler plus bas, servent principalement à affiner ma concentration et la facilité de mouvement. La plupart des méthodes que j’ai pu expérimenter, visent l'utilisation d’une quantité d'effort appropriée pour une activité particulière, libérant les tensions du corps pour avoir plus d'énergie à utiliser ailleurs. Bien que la communauté des pratiquants puisse parler des effets thérapeutiques de ces pratiques, j'aimerais clarifier cet aspect. Pour moi et probablement pour des autres danseurs, il ne s'agit pas des traitements proprement parler, mais plutôt d'une volonté de rééducation du corps en libérant des tensions, des blocages émotionnelles et la pensée. \subsection{B.M.C}\label{sec:elements-basiques} -En me rapprochant des ces pratiques, j'ai découvert entre outre la méthode Body Mind Centering ou BMC lors de sessions d'entraînement physique au théâtre du Soleil. En 2014, j'ai été en stage à la Cartoucherie de Vincennes en tant qu’assistante décor pour le spectacle MacBeth. Avec d'autres stagiaires, nous nous réunissons le matin pour pratiquer des exercices d’éveil corporel. Parmi les participants, quelqu'un a mentionné cette pratique, puis proposé un exercice et cela m'a bien intrigué. Mon cheminement a été ensuite plutôt autodidacte, en m'appuyant sur des matériaux et témoignages. Lors des cours de danse à Micadanses puis à la Ménagerie de Verre à Paris, j'ai souvent rencontré des danseurs plus ou moins familiers avec cette technique. Leur qualité de mouvement était souvent impressionnante. Plus tard j'ai eu l'occasion d'approfondir et mieux me renseigner sur ces observations intuitives. +En me rapprochant des ces pratiques, j'ai découvert entre outre la méthode Body Mind Centering ou BMC lors de sessions d'entraînement physique au théâtre du Soleil. En 2014, j'ai été en stage à la Cartoucherie de Vincennes en tant qu’assistante décor pour le spectacle MacBeth. Avec d'autres stagiaires, nous nous réunissons le matin pour pratiquer des exercices d’éveil corporel. Parmi les participants, quelqu'un a mentionné cette pratique, puis a proposé un exercice et cela m'a bien intrigué. Mon cheminement a été ensuite plutôt autodidacte, en m'appuyant sur des matériaux et témoignages. Lors des cours de danse à Micadanses puis à la Ménagerie de Verre à Paris, j'ai souvent rencontré des danseurs plus ou moins familiers avec cette technique. Leur qualité de mouvement était souvent impressionnante. Plus tard j'ai eu l'occasion d'approfondir et mieux me renseigner sur ces observations intuitives. Le Body-Mind Centering a été créée à la fin des années 70 par Bonnie Bainbridge Cohen, danseuse, ergothérapeute et ancienne choréologue en notation Laban. Son approche se focalise sur la perception individuelle, lors des études expérientielles de l'anatomie et de la physiologie du corps. Elle utilise des systèmes pour définir plusieurs niveaux d'exploration sensorielle. Cela donne suite à un mélange d'expérience cognitive de compréhension et expérience phénoménologique d'intégration des sensations du corps. Selon Cohen, un des objectifs de cette pratique est d'agrandir les dynamiques psycho-physiques de la perception. Plus important, BMC est une étude expérientielle basée sur des techniques d'incarnation (ie. emboddiment). Cela soulève des questions sur le développement en tant que processus de travail mais aussi comme devenir du corps: \begin{quote} @@ -336,6 +357,9 @@ Son troisième livre \textit{My Body, The Buddhist}, est publié par la suite à Plus que des repères, ces œuvres et chorégraphes que j'ai mentionné ont apporté leur contribution à l'histoire de la danse tout au long du XXéme siècle. Par leur existence, elles ont ouvert le chemin de l’expérimentation en transformant la danse en moyen d’écriture corporelle. Reste à voir comment l'usage des nouvelles technologies va influencer les formes d'expression de cet art. +À travers une approche sensorielle du mouvement et de la performance, la chorégraphe Deborah Hay partage les ressorts intimes de sa création artistique. Son livre \textit{My body, the Buddhist} met en avant le corps et son vécu. + + \section{Notations de danse} Comme l'affirme Violeta Salvatierra dans sa thèse, outre les pratiques somatiques et l'improvisation dansée, un troisième champ de ressources pour mieux redéfinir et comprendre la danse, est celui de l'analyse du geste: \begin{quote} @@ -1048,37 +1072,38 @@ Hubert Godard fait appel au concept de pré-mouvement comme langage non conscien \begin{quote} ``Tout un système de muscles dit gravitaires, dont l’action échappe pour un grande part à la conscience vigile et à la volonté, est chargé d’assurer notre posture; ce sont eux qui maintiennent notre équilibre et qui nous permettent de nous tenir debout sans avoir à y penser. Il se trouve que ces muscles sont aussi ceux qui enregistrent nos changements d’état affectif et émotionnel. Ainsi, toute modification de notre posture aura une incidence sur notre état émotionnel, et réciproquement tout changement affectif entraînera une modification, même imperceptible, de notre posture.”\cite{ginot1998danse} \end{quote} -\smallskip +A partir de ces postulats théoriques(task space, équations de mouvement, pré-mouvement), j'ai voulu commencer mes propres explorations. Les bras sont la partie de mon corps que je connais le mieux, alors une chorégraphie inspirée par cette partie de mon corps, a peu à peu fait son chemin dans mon imaginaire. Cependant les ressentis acquis à travers des pratiques somatiques sont difficilement traduisibles en robotique. C'est en cela que trouver les notions équivalentes entre neurosciences et pratiques somatiques, représente une clé pour transposer ces concepts dans la robotique. -\textbf{Le libre arbitre vs ``the readiness potential”} - -Pour aller plus loin et illustrer mon point de vue sur la dualité corps-esprit, je mentionne l’expérience du neurologue Benjamin Libet\cite{libet1993brain} qui, avec ses collègues, s'intéressent aux phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu. Plus spécifiquement, l’expérience demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, -ils regardent une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter un mouvement de doigt. -Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \gls{readiness potential} (potentiel de préparation) - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale pertinente. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons par \textit{décisions consciente} et influe sur les débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser le facteur de readiness potential doit encore atteindre.\smallskip -Cependant cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. - -Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Ainsi cela pose de nouveaux défis pour ce qu’il y a de capacité d’adaptation et des multiples négociations entre les calculs internes et des actions directes: +Pour illustrer, je mentionne l’expérience du neurologue américain Benjamin Libet (1916-2007) qui a étudié les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu\cite{libet1993brain}. Plus spécifiquement, il a organisé une expérience où il demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, +ils doivent regarder une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter leur mouvement de doigt. +Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \gls{readiness potential} ou potentiel de préparation - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale correspondante au mouvement. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons. Les travaux de Liebt sont au cœur des débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser ce potentiel de préparation, modéliser ce que c'est la conscience reste encore un projet en cours. +Évidement cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Tout cela engage des multiples scenarios de négociation entre les processus et calculs internes et les actions directes: \begin{quote} - ``the real importance of embodiment comes from the interaction between physical - processes and what we might want to call information processes. In biological - agents, this concerns the relation between physical actions and neural - processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The - equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its - control program.”\cite{pfeifer2006mit} + `` + la véritable clé pour comprendre l'incorporation réside dans l'interaction entre les + processus physiques et ce que nous pourrions appeler des processus informationnelles ou d’information. + Pour les agents biologiques, cela représente le lien entre les actions physiques et les processus neuronales – ou, d'une façon plus informelle, entre le corps et le cerveau. Le + équivalent dans un robot serait la relation entre les actions du robot et ses + programmes de contrôle.\footnote{version originelle: ``the real importance of embodiment comes from the interaction between physical + processes and what we might want to call information processes. In biological + agents, this concerns the relation between physical actions and neural + processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The + equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its + control program.”}”\cite{pfeifer2006mit} \end{quote} -Pour illustrer cela, ils font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Ainsi ils argumentent l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas que dans le cerveau. +Pour illustrer cela, \cite{pfeifer2006mit} font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Cela avance l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas seulement dans le cerveau. -Pour simplifier les choses, une approche plus pratique est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps réel dépend de la fréquence d’enregistrement. Les roboticiens utilisent des techniques de \gls{motion capture} ou MoCap, combinées à des technologies comme le \textit{Learning from observation paradigme\cite{nakaoka2007learning}} qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la cinématique inverse ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la dynamique inversée de l’espace opérationnel\cite{ramos2015dancing} ou OSID. +Dans notre contexte, une approche moins compliquée est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps réel dépend de la fréquence d’enregistrement des données. Les roboticiens utilisent des techniques de \gls{motion capture} ou MoCap, combinées à des technologies comme le \textit{Learning from observation paradigme\cite{nakaoka2007learning}} qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la cinématique inversée ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la dynamique inversée de l’espace opérationnel\cite{ramos2015dancing} ou OSID. L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. -L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui ne lui laisse que très peu de possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS que nous allons présenter dans la partie pratique de notre recherche-création, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement inspirer la communauté artistique.\smallskip +Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui lui limite les possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS que nous allons présenter dans la partie pratique de notre recherche-création, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement inspirer la communauté artistique.\smallskip -En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain a embrassé l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID développé par LAAS. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de reconnaître un ami de longue date. +En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain rencontre l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID développé par le Laboratoire de recherche spécialisé dans l’analyse et l’architecture des systèmes (LAAS) à Toulouse. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de reconnaître un ami de longue date. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_laas} - \caption{Captation de la performance au LAAS. Source photo:} + \caption{Captation de la performance au LAAS. Source photo: https://www.dailymotion.com/video/xvl4lo} \label{fig:abderlaas} \end{figure} @@ -1095,17 +1120,14 @@ Le domaine de Human-Robot-Interaction ou HRI a beaucoup évolué au cours des de \section{Différents formats de présentation} -Sur scène, les interactions avec les robots s'orientent rarement vers un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition sur la scène artistique: l’Art Robotique. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à -leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. -Pour cette synthèse, je vais donc mentionner quelques dispositifs maladroits des années 1980, suivis par des expériences bioniques avec des exosquelettes une décennie plus tard, puis des bras robotiques industriels et des humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près +Sur scène, les interactions avec les robots s'orientent rarement vers un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition sur la scène artistique: l’\gls{art robotique}. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à +leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Je clôture donc cette partie des principes théoriques interdisciplinaires avec une synthèse d'art robotique. +Pour cela, je vais d'abord mentionner quelques dispositifs maladroits des années 1980, suivis par des expériences bioniques avec des exosquelettes une décennie plus tard, puis des bras robotiques industriels et des humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique, qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour -élargir et questionner ses directions. -\vfill +élargir et réinventer ses directions. -A ce stade de l'état d’art sur les projets artistiques avec des robots, nous pouvons pressentir le rôle de l’art robotique dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation avec les machines. Il est intéressant d’investiguer dans quelle mesure cet art peut devenir un miroir qui reflète des spéculations transhumanistes, ou une forme d'opposition à celles-ci. - -Actuellement des roboticiens, des artistes et des neuroscientifiques travaillent pour établir les prémisses d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres que nous avons sélectionnées informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. +A ce stade de notre enquête sur les projets artistiques avec des robots, nous pouvons pressentir le rôle de l’art robotique dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation avec les machines. Il est intéressant d’investiguer dans quelle mesure cela peut devenir un miroir qui reflète des spéculations transhumanistes, ou une forme d'opposition à celles-ci. Actuellement des roboticiens, des artistes et des neuroscientifiques travaillent pour établir les prémisses d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres que nous avons sélectionnées informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. Si la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans @@ -1187,16 +1209,14 @@ dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine élargissant nos horizons intellectuels”\cite{frumer2020short}. Gakutensoku devient notre premier exemple sur la façon dont les robots pourraient devenir un jour une espèce à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de \textit{conscience artificielle}. Comme déjà mentionne dans les pages antérieures, cette thèse analyse les ``pour” et les ``contre” d’une telle projection, avec la scène comme terrain idéal pour des expérimentations. -\subsection{L’invention de l'Art Robotique} +\subsection{La fascination pour l'art robotique} Au début du 20ème siècle, les artistes s'intéressent à la cinétique et les -sculptures en mouvement. Après que le public s'habitue aux machines de Jean Tinguely\cite{stephens2016we} et de Marcel Duchamps\footnote{https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/dS9Z3Wr}, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’œuvre \textit{Robot K-456} (1964) - désigné aujourd'hui comme le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique. - -Son nom vient de l’œuvre de Mozart \textit{Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si bémol majeur}, témoignant des point d'accroche entre la musique et la robotique. Ce prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par Shuya Abe\cite{vidal2012robots} pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New York. +sculptures en mouvement. Après que le public s'habitue aux machines de Jean Tinguely\cite{stephens2016we} et de Marcel Duchamps\footnote{https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/dS9Z3Wr}, l’artiste coréen Nam June Paik crée l’œuvre \textit{Robot K-456} (1964) - désigné aujourd'hui comme le 1er robot humanoïde à être utilisé dans un projet artistique. Son nom vient de l’œuvre de Mozart \textit{Concerto numéro 456 pour piano n° 18 en Si bémol majeur}, témoignant des point d'accroche entre la musique et la robotique. Ce prototype de robot télécommandé sur 20 canaux, a été construit au Japon par Shuya Abe\cite{vidal2012robots} pour être présenté lors d’un festival annuel d’avant-garde à New York. \begin{figure} \centering \includegraphics[width=0.7\linewidth]{images/abder_K-456} - \caption{Robot K-456. Source photo:} + \caption{Robot K-456. Source photo: Friedrich Christian Flick Collection in Hamburger Bahnhof, Berlin} \label{fig:abderk-456} \end{figure} @@ -1569,7 +1589,7 @@ interagissait avec nous? Le craindrons-nous, comme nous continuons à craindre les animaux sauvages que nous n’avons pas réussi à apprivoiser ? Nous nous sommes attachés à ces questions lors de nos expérimentations pratiques en deuxième partie de cette thèse. Par la suite, je présente quelques projets plus récents qui traitent la question des robots sous un angle post-contemporain afin d'identifier des problématiques et enjeux communes à ma démarche. -\subsection{Les tendances ces derniers décennies} +\subsection{Nouvelles directions ces derniers décennies?} L’histoire est cyclique et nous avons vu par le passé que des archétypes et des leitmotivs se recyclent dans l’imaginaire collectif. Igor Stravinsky a composé diff --git a/thesis.pdf b/thesis.pdf index 792209a..2740998 100644 Binary files a/thesis.pdf and b/thesis.pdf differ