diff --git a/sections/partie_1.tex b/sections/partie_1.tex index 91d6fa4..76234eb 100644 --- a/sections/partie_1.tex +++ b/sections/partie_1.tex @@ -35,7 +35,7 @@ Toujours pour Bertoz, les modèles internes de la réalité physique ne sont pas \end{quote} Le plus que cette connaissance du corps humain s’élargit grâce à des disciplines comme les neurosciences, le plus c’est compliqué d’adapter ces principes à des nouvelles technologies. Par exemple en robotique le problème de degrés de liberté (ie le nombre d’articulations dont un corps organique dispose) reste un défi pour les ingénieurs en mécatronique. Pour Berthoz, les centaines de degrés de liberté qui caractérisent l’organisation anatomique et dynamique du squelette de la plupart des animaux et de l’homme, rend possible le contrôle du mouvement grâce aux mécaniques d’organisation géométriques du squelette. Ces mécanismes se sont développés au cours de l’évolution, adaptant constamment le nombre de degrés de liberté que le cerveau doit contrôler. Comme le chercheur le souligne, les roboticiens rencontrent des vrais défis mécaniques lors qu'ils tentent de réaliser des machines de la complexité d'un moindre insecte. Bien qu'il y a eu des progrès dans les algorithmes utilisés ces derniers années\cite{bouyarmane2018quadratic}, la capacité de calcul des ordinateurs est vite saturée\cite{berthoz}, une fois que le nombre de dégrées de liberté augmente. -Bertoz va plus loin quant à la complexité des systèmes vivants et à l’intégration de ces principes dans des systèmes technologiques, en faisant référence au terme de \textbf{synérgie}: +Bertoz va plus loin quant à la complexité des systèmes vivants et à l’intégration de ces principes dans des systèmes technologiques, en faisant référence au terme de \textit{synérgie}: \begin{quote} ``Le mot synergie vient de syn (ensemble) et ergos (travail). Ce concept a été proposé par Bernstein pour appuyer l’idée que, le système nerveux ne peuvent contrôler toutes les degrés de liberté, l’évolution a sélectionné un répertoire de mouvements simples ou complexes, que nous pouvons appeler ``mouvements naturels”, et qui impliquent des groupes de muscles et de membres travaillant (ergos) ensemble (syn). Nous avons d’ailleurs mentionné plus haut les contraintes qu’exerce le squelette sur le nombre de mouvements possibles à chaque articulation. Ce répertoire n’est d’ailleurs pas très large. Il suffit de contempler une danseuse pour constater l’extraordinaire pauvreté du répertoire moteur dont elle dispose. C’est la combinaison dans le temps et l’espace de ces éléments et les jeux de partenaires qui font à la fois le génie du chorégraphe et la richesse expressive de la danse.” \end{quote} @@ -956,6 +956,7 @@ D’une façon avant-gardiste et engagée, Meyerhold a dédié son travail à la totalitaire stalinien ont fait que son théâtre soit fermé en 1938 et le metteur en scène exécuté en 1940, malgré le fait qu’il soutenait pleinement les idées communiste. Presque un siècle après sa mort, ses écrits inspirent des metteurs en scène et chorégraphes contemporains. Entre temps, les robots défient les performances physiques des humains dans le travail industriel. Il nous reste à comprendre leur potentiel dans les domaines artistiques, notamment le spectacle vivant. + \section{Faire danser les robots} @@ -966,17 +967,17 @@ Pour comprendre comment mettre en scène les robots, je commence cette analyse a Une certaine partie de la communauté artistique en danse, semble œuvrer à une compréhension phénoménologique de l’expérience de l’incarnation. Les danseurs et chorégraphes proches de ce mouvement, s’intéressent à la conscience du corps ainsi qu’à l’évolution des formes de corporéité avec l’émergence des principes neuroscientifiques et somatiques. Le livre \textit{Disjunctive Captures of the Body and - Movement}\cite{cvejic2015disjunctive} interroge les formes de corporéité qui donnent une façon propre d’habiter le corps. Pour cela, Bojana +Movement}\cite{cvejic2015disjunctive} interroge les formes de corporéité qui donnent une façon propre d’habiter le corps. Pour cela, Bojana cite des choreographs tels Ingvartsen et Jefta VanDinther ou Eszter Salamon pour qui la danse est, avant tout, un lieu d’expérimentation. Elle questionne l’expérience subjective du mouvement, tout comme le fait la chercheuse Stamatia Portanova dont Bojana revendique l'appartenance. A son tour, Portanova travaille sur les nouvelles technologies et leur impact sur la danse\cite{portanova2013moving}. Dans le chapitre \textit{Can objects be processes?}, elle se demande comment le geste dansé peut s’échapper à la linéarité du temps et faire émerger un contenu original, atemporel. Dans le contexte d’une monde dominé par les ordinateurs et les sciences computationnelles, elle désigne -le \gls{glitch} comme facteur perturbateur, capable de transgresser les lois physiques et de provoquer une faille anachronique dans des représentations scéniques: +le \gls{glitch} comme facteur perturbateur\cite{Portanova}, capable de transgresser les lois physiques et de provoquer une faille anachronique dans des représentations scéniques: \begin{quote} - ``the appearance of the new takes the form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are selected in an occasion of experience, in order to determine what the future occasion will be.” +``the appearance of the new takes the form of a glitch, an interruption of the continuous relational chain between past and future, the moment when past data are valued and particular ideas are selected in an occasion of experience, in order to determine what the future occasion will be.” \end{quote} Cette hypothèse se construit autour du travail de William Forsythe. Le spectacle \textit{One Flat Thing, reproduced}(2000) a comme contrepoids numérique \textit{Synchronous Objects for One Flat Thing reproduced} - un objet numérique porche d'un site vidéo créé par la compagnie de danse Forsythe en collaboration l’Université d’Ohio comme outil de visualisation des paramètres chorégraphiques. Les paramètres captés lors du mouvement des danseurs sont transposés en données statistiques en lien avec la musique, l’architecture, ou la géographie - pour explorer sous un autre ongle, les possibilités de composition entre le mouvement et l’espace. Le site \textit{Synchronous Objects} ne peut pas reproduire la chorégraphie à posteriori, malgré la multitude des données capturées et l’infinité des possibilités de représentation- puisque le temps de la performance est unique dans sa temporalité. Pour Stamatia, l’analogie avec le glitch trouve son correspondant dans l’instantanéité du présent quand chaque mouvement répétée en dehors de la représentation, donne suite à une œuvre inédite et éphémère. -Mettre en scène des robots est souvent sujet à des contingences et erreurs de dernière minute. Nous l'avons aussi constaté lors des expérimentations en improvisation présentées dans la deuxième partie de cette thèse. Le caractère imprévisible des robots est aussi catalyseur d'une inspiration artistique, une les partenaires humains des machines développent une forte capacité d'adaptation. Dans ce sens, souvent un spectacle avec des robots n'est pas le même d'un soir à l'autre. +Mettre en scène des robots est souvent sujet à des contingences et erreurs de dernière minute. Nous l'avons aussi constaté lors des expérimentations en improvisation présentées dans la deuxième partie de cette thèse. Le caractère imprévisible des robots est aussi catalyseur d'une inspiration artistique, une les partenaires humains des machines développent une forte capacité d'adaptation. Dans ce sens, souvent un spectacle avec des robots n'est pas le même d'une représentation à l'autre. @@ -996,11 +997,11 @@ réfléchis au corps et au mouvement, en symbiose avec la machine. Lorsque les d Dans l'optique de Cvejic, les philosophes Deleuze et Guattari voient ce résultat hybride des objets détachées et des corps réorganisés, comme un processus perpétuel: \begin{quote} - ``Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; - they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a - nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves - to other partial objects.” \cite{cvejic2015disjunctive} - +``Partial objects are only apparently derived from (prélevés sur) global persons; +they are really produced by being drawn from (prélevés sur) a flow or a +nonpersonal hyle, with which they re-establish contact by connecting themselves +to other partial objects.” \cite{cvejic2015disjunctive} + \end{quote} @@ -1010,8 +1011,8 @@ de perception. Pour parler de sa démarche, Salomon cite à son tour la critique d'art Peggy Phelan\cite{phelan2003unmarked} pour qui toute performance à sa propre réalité. Cette réalité existe seulement pendant le temps de la représentation: \begin{quote} - ``Performance's only life is in the present. Performance cannot be saved, recorded, documented, or otherwise participate in the circulation of representations of representations: once it does so, it becomes something other than performance. - .” +``Performance's only life is in the present. Performance cannot be saved, recorded, documented, or otherwise participate in the circulation of representations of representations: once it does so, it becomes something other than performance. +.” \end{quote} Pour la création du \textit{Nvsbl}, la chorégraphe hongroise s’est inspirée des techniques somatiques comme le Body Mind Centering, mentionné dans le chapitre @@ -1024,11 +1025,11 @@ Un autre travail mentionné dans\cite{cvejic2015disjunctive} fait référence à plusieurs rencontres mouvement-machine. Le mouvement reste partagée entre le corps et le trampoline, entre le volontarisme de l’action et le lâcher-prise de la personne qui subisse le rebond: \begin{quote} - ``We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a - trampoline can do for us. By introducing the trampolines as a resistance - to the movement production we force ourselves to reconsider everything we know - about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm - and phrasing.” \cite{cvejic2015disjunctive} +``We are not looking for what we can do on a trampoline but rather for what a +trampoline can do for us. By introducing the trampolines as a resistance +to the movement production we force ourselves to reconsider everything we know +about the dancing body, in relation to weight, shape, gravity, direction, rhythm +and phrasing.” \cite{cvejic2015disjunctive} \end{quote} Les deux performeurs multiplient les possibilités d’expression, alternant entre le lâcher prise et la maîtrise totale du geste, un corps tonique et un corps mou, un saut haut et un saut très bas. Le rythme de leurs sauts donne l’impression d’un visionnage des images cinématographiques à la façon d'un étude de mouvement de Muybridge. Le corps apparaît comme une figure, à la fois humaine, animale et @@ -1072,11 +1073,11 @@ Hubert Godard fait appel au concept de pré-mouvement comme langage non conscien \textbf{Le libre arbitre vs ``the readiness potential”} Pour aller plus loin et illustrer mon point de vue sur la dualité corps-esprit, je mentionne l’expérience du neurologue Benjamin Libet\cite{libet1993brain} qui, avec ses collègues, s'intéressent aux phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu. Plus spécifiquement, l’expérience demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, -ils regardent une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter un mouvement de doigt. Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \textit{readiness potential} (potentiel de préparation) - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale pertinente. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons par \textit{décisions consciente} et influe sur les débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser le facteur de \textit{readiness potential} , rendre des -robots capables de prendre des décisions \textit{conscientes} doit encore atteindre. +ils regardent une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter un mouvement de doigt. +Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de \gls{readiness potential} (potentiel de préparation) - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale pertinente. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons par \textit{décisions consciente} et influe sur les débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser le facteur de readiness potential doit encore atteindre.\smallskip Cependant cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. -Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Ainsi cela pose de nouveaux défis pour ce qu’il y a de capacité d’adaptation et des multiples négociations entre les calculs internes et des actions directes: +Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système a un corps physique (en anglais \textit{is embedded}, il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Ainsi cela pose de nouveaux défis pour ce qu’il y a de capacité d’adaptation et des multiples négociations entre les calculs internes et des actions directes: \begin{quote} ``the real importance of embodiment comes from the interaction between physical processes and what we might want to call information processes. In biological @@ -1086,12 +1087,13 @@ Comme nous avons montré dans les chapitres précédents, une de ces pistes rés control program.”\cite{pfeifer2006mit} \end{quote} + Pour illustrer cela, ils font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Ainsi ils argumentent l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas que dans le cerveau. Pour simplifier les choses, une approche plus pratique est celle où les robots humanoïdes imitent des mouvements de danse capturés lors des démonstrations humaines. La simulation numérique du système musculo-squelettique humain permet de travailler avec un grand nombre de données expérimentales. La capacité de traiter ces données de façon itérative en temps réel dépend de la fréquence d’enregistrement. Les roboticiens utilisent des techniques de \gls{motion capture} ou MoCap, combinées à des technologies comme le \textit{Learning from observation paradigme\cite{nakaoka2007learning}} qui propose des modèles pour faciliter la danse- tels la cinématique inverse ou les modèles de contrôle prédictif- ainsi que de la dynamique inversée de l’espace opérationnel\cite{ramos2015dancing} ou OSID. -L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui ne lui laisse que très peu de possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement -inspirer la communauté artistique.\smallskip +L’objectif de ces technologies est d’enregistrer et générer des mouvements avec un coût de calcul optimal. Une grande majorité des projets artistiques actuels font appel à des robots préprogrammés par des humains pour répondre à des signaux spécifiques et se comporter d’une certaine manière. Sur scène, le fardeau des mouvements synchrones qui garantissent l’interaction repose sur la réactivité et l’adaptabilité de l’artiste. En danse par exemple, le performeur doit garder le tempo, ce qui ne lui laisse que très peu de possibilités d’improvisation. De plus, il n’a pas le droit à des erreurs, car le robot continuerait alors à exécuter son programme quels que soient les événements imprévus qui se déroulent en parallèle. Cette situation est généralement évitée grâce à un opérateur humain disponible pour prendre le contrôle du robot à distance. En utilisant les technologies de suivi existantes comme des capteurs XSENS que nous allons présenter dans la partie pratique de notre recherche-création, l’artiste peut se connecter directement au robot, pendant que ses mouvements sont analysés en temps réel. Alternativement, ses mouvements peuvent être utilisés pour contrôler le mouvement du robot ou déclencher des changements de rôle. D’autres techniques basées sur la reconnaissance thermique ou la vision et le suivi haptique du mouvement humain, font l’objet des études en cours qui pourront éventuellement inspirer la communauté artistique.\smallskip + En 2012, lors d’un spectacle de danse de 10 minutes avec un robot HRP-2 et un danseur de hip-hop, l’humain a embrassé l’humanoïde sur scène. Les mouvements ont été calculés grâce au modèle OSID développé par LAAS. Le geste du danseur- ouvrant ses bras devant l’humanoïde- peut être interprété rétrospectivement comme une réaction empathique d’abandon devant la machine, une invitation pour devenir amis, ou bien l’acte de reconnaître un ami de longue date. \begin{figure} \centering @@ -1112,37 +1114,31 @@ Le domaine de Human-Robot-Interaction ou HRI a beaucoup évolué au cours des de œuvre des émotions artificielles dans les robots, grâce aux modèles de classification hybrides multimodaux et de l’apprentissage robotique interactif\cite{yu2021robot}. Il est probable qu’au fur et à mesure que la compréhension de nous-mêmes s’élargisse, ces machines deviendront plus complexes également. Par l’utilisation de telles technologies, l’artiste n’est plus astreint à un choix binaire de suivre ou pas les cues des robots pré-programmés. Au lieu d’exécuter des mouvements préprogrammés, les robots peuvent être contrôlés en ligne par les mouvements de l’artiste et même par les émotions de celui-ci, en temps réel. Des nouveaux espaces centralisés de contrôle multi-robot et multi-objet\cite{bouyarmane2018quadratic} pourraient également offrir la possibilité de manipuler plusieurs robots à la fois par un seul artiste ou combiner le contrôle de plusieurs robots par plusieurs artistes. Grâce aux techniques récentes de ML, les robots pourraient apprendre directement des mouvements artistiques en observant l’humain, puis proposer des améliorations en temps réel sur scène. D’autres modèles qui utilisent des techniques de \gls{reinforcement learning} sont actuellement en cours de développement, apprenant aux robots à créer leur propre carte de réseaux sociaux et comportements afférents, tout en interagissant avec les humains. \section{Différents formats de présentation} -Les projets artistiques avec des robots visent des interactions multimodales. Sur scène, ces interactions privilégient un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition -sur la scène artistique: l’Art Robotique. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à -leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. Pour -cette synthèse, je vais donc mentionner quelques dispositifs maladroits des -années 1980, suivis par des expériences bioniques avec des exosquelettes une -décennie plus tard, puis des bras robotiques industriels et des -humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près + +Sur scène, les interactions avec les robots s'orientent rarement vers un contact physique avec des humains, facilité par des gestes ou du toucher. Généralement le message transmis par ces œuvres est la nécessité de rapprocher les robots et les humains. Cette idée émerge à la fin des années 1960, quand un nouveau genre alliant l’art et les machines fait son apparition sur la scène artistique: l’Art Robotique. Motivés par les défis scientifiques, les premiers projets artistiques impliquent des robots construits sur mesure, inspirés par les automates. Au fur au mesure que la technologie avance, ces robots vont devenir à +leur tour plus complexes, capables de nous émouvoir et nous surprendre. +Pour cette synthèse, je vais donc mentionner quelques dispositifs maladroits des années 1980, suivis par des expériences bioniques avec des exosquelettes une décennie plus tard, puis des bras robotiques industriels et des humanoïdes sophistiqués des dernières décennies. Cette progression suit de près l’évolution des développements technologiques dans la recherche en robotique, qui s’est souvent prêtée à des collaborations avec d’ autres disciplines pour élargir et questionner ses directions. +\vfill -A ce stade de l'état d’art sur les projets artistiques avec des robots, nous pouvons pressentir le rôle de l’art robotique dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation avec les machines. Il est intéressant d’investiguer dans quelle mesure cet art peut devenir un miroir pour refléter des spéculations transhumanistes, selon sa réception dans l’espace publique et les médias. -Actuellement des roboticiens, des artistes et des neuroscientifiques travaillent pour établir les prémisses d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres que nous avons sélectionnées informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences -traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une -meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. Si -la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots, +A ce stade de l'état d’art sur les projets artistiques avec des robots, nous pouvons pressentir le rôle de l’art robotique dans la réconciliation des projections fatalistes concernant notre cohabitation avec les machines. Il est intéressant d’investiguer dans quelle mesure cet art peut devenir un miroir qui reflète des spéculations transhumanistes, ou une forme d'opposition à celles-ci. + +Actuellement des roboticiens, des artistes et des neuroscientifiques travaillent pour établir les prémisses d’une nouvelle éthique pour les robots et les développements technologiques, afin d’empêcher les éventuelles dérives sur le sujet. Les œuvres que nous avons sélectionnées informent la robotique sociale des possibilités d’interaction originales, tout en témoignant d’une relation complexe avec les machines, qui date déjà depuis presque un siècle. Quelque part l’art robotique, à l’instar des sciences traditionnelles comme la biologie ou la psychologie, peut faciliter une meilleure compréhension de nous-mêmes et nos attentes vis-à-vis des robots. + +Si la robotique sociale développe actuellement des machines incroyables, les robots sous diverses formes et fonctionnalités, sont de plus en plus présents dans notre vie quotidienne et nos cultures. La technologie est essentielle pour définir ce que les humains sont, du moins dans notre tradition occidentale, où la convergence entre l’homme et la machine est à la fois séduisante et repoussante. En contrepartie, la culture japonaise entretient une certaine distance avec la technologie, expliquant pourquoi les robots sont moins -problématiques \textit{là-bas, et comment ils ont été apprivoisés}\cite{kaplan2004afraid} avant d’être intégrés dans la société. En observant différents -formats et expériences artistiques, ce qui m’intéresse est de comprendre comment les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée, avant leur -industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. -Ainsi c'est important de noter que cette sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien avec la scène. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. Puisqu'il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la manière dont l’Art Robotique doit être évaluée, cette synthèse s’appuie donc sur des méthodes quantitatives d'analyse étant complétée par les retours artistiques des auteurs ou les archives des processus de création et de réception. Le format des œuvres peut aller des sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé rajouter également les -apparitions dans le média où des robots se présentent en tant que maîtres -spirituels ou artistes \footnote{https://www.youtube.com/watch?v=RH3Yk1spxtk}, afin de voir comment le rapport à la scène est influencé par ce statut publique que certains robots ont. +problématiques là-bas, et comment ils ont été apprivoisés\cite{kaplan2004afraid} avant d’être intégrés dans la société. En observant différents formats et expériences artistiques, ce qui m’intéresse est de comprendre comment les robots pourraient trouver à travers l’art, une condition indomptée, avant leur +industrialisation et en dehors leur commercialisation à grande échelle. Ainsi c'est important de noter que cette sélection représente seulement un échantillon des œuvres d’art robotique en lien avec la scène et la danse. Lorsqu’elles sont mentionnées par les artistes eux-mêmes ou la littérature, les spécifications techniques offrent un aperçu important sur les défis et les limites de ce type de processus de recherche-création. Puisqu'il n’y a pas actuellement une méthodologie officielle sur la manière dont l’art robotique doit être évaluée, cette synthèse est parfois complétée par les retours artistiques des auteurs ou les archives des processus de création et de réception. Le format des œuvres va des sculptures et installations cinématiques, aux spectacles, performances et improvisations en direct. Pour mieux comprendre leur évolution, elles sont mentionnées en ordre chronologique. À cela, j’ai pensé inclure également les +apparitions dans le média où des robots se présentent comme maîtres spirituels\footnote{https://www.youtube.com/watch?v=RH3Yk1spxtk} ou artistes pour voir comment le rapport à la scène est influencé par ce statut publique. De cette manière une caractéristique importante de cet étude, repose sur -l’hypothèse que les interactions homme-robot dans un contact rapproché ou \gls{close-contact}, au travers l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques\cite{dahiya2009tactile}, \cite{silvera2015artificial}, peut améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs qui ont influencé le développement de l’art robotique. Pour argumenter ce processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la -façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres +l’hypothèse que les interactions homme-robot dans un contact rapproché ou \gls{close-contact}, au travers l’utilisation de gestes et d’interfaces haptiques\cite{dahiya2009tactile}, \cite{silvera2015artificial}, peut améliorer la façon dont les robots sociaux sont acceptés par les utilisateurs non expérimentés. Mon objectif est donc de voir comment ce processus d’apprivoisement opère dans des contextes artistiques et culturelles et qu’est ce que pourrait être son opposé - défini ici comme une condition indomptée ou sauvage des robots. Dans les prochaines pages, j’analyse la spécificité des robots présentés dans les œuvres sélectionnées, puis j’appréhende les facteurs qui ont influencé le développement de l’art robotique. Pour argumenter ce processus, je m’appuie sur une première partie qui précise le contexte dans lequel la robotique et l’art aurait pu se rencontrer, leur lien commun et la façon dont elles se sont inspirées réciproquement. Souvent, l’impact des œuvres sélectionnées a facilité des découvertes en robotique sociale. Puisque les projets artistiques impliquant les robots ont été soumis à des contraintes technologiques (i.e. choix de matériaux influençant le message de l’œuvre @@ -1217,9 +1213,9 @@ ingénierie - a décidé de construire de toutes pièces une créature autonome équivalente, qu’il a nommée Gakutensoku ” . Ce terme traduit par apprendre des règles de nature ” vient en réponse aux médias de l’époque où les machines sont dépeintes comme des "serviteurs" des humains. Ainsi naît le premier robot -fabriqué au Japon, selon son créateur "le premier membre d’une nouvelle espèce, +fabriqué au Japon, selon son créateur "le premier membre d’une nouvelle espèce, dont le but est d’inspirer les humains et de faciliter l’évolution humaine en -élargissant nos horizons intellectuels" [37]. A partir de ce premier exemple, +élargissant nos horizons intellectuels ” [37]. A partir de ce premier exemple, c’est intéressant d’imaginer comment les robots pourraient devenir un jour une race à part entière, capables d’autonomie et d’une forme de conscience artificielle”. Cette thèse traite des exemples qui apportent les pour” et les