\part{Contexte thèorique: La danse pour raconter le corps} \chapter*{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle} \addcontentsline{toc}{chapter}{Introduction} Les critiques et philosophes spécialistes en danse ont longuement analysé l’émergence du geste dansé, selon le contexte socio-culturel et l’époque quand cela a eu lieu. Pour ce qu’il y a de la danse contemporaine, la pratique de l’improvisation, vue comme geste libre et libérée du dogmatisme de la technique du danseur, a suscité une révolution longuement attendue. Comme le remarque Anne Boissiére dans son livre “Approche philosophique du geste dansé”, ce geste semble “s’inventer par lui-même, sans aucune origine ni intention immédiate autre que celle de se manifester”. Un geste qui n’a pas eu besoin des explications pour s'auto suffire: La danse dans sa nouveauté et sa vie propre, confronte la pensée esthétique à ses propres limites; elle n’est pas seulement un art du geste mais un art qui fait geste, contre les risques d’enlisement d’une pensée esthétique trop sure d’elle meme. L'émancipation de la danse vis-à-vis des autres arts oblige à reconsidérer la définition de l’art dans sa dimension multiple, c'est-à dire le rapport moderne qui lie l’art à ses genres.(...) La question de l’improvisation apparaît centrale pour penser le geste dansé, dans la mesure où celui-ci, dans sa liberté, semble ne plus devoir emprunter à un quelconque modèle mais procéder de soi, dans une impulsion et un dynamisme internes affranchis de tout point d’appui, de toute extériorité. L’improvisation n’est plus une variation sur des schémas préexistants, elle a une valeur constituante. Elle tisse une forme en acte à laquelle rien ne préexiste, une forme s’inventant à partir d’elle-même, dans une sorte de point zéro ou de commencement absolu qui lui donne son évidence et sa pureté. Il y a, à l’origine du mouvement libre, une opération de réduction qui n’est pas sans relation avec ce qu’il faut bien appeler le miracle de la danse que nous voyons opérer sous nos yeux. Quel est ce néant, ce vide, qui est au travail de façon invisible et manifeste dans la danse ? \chapter{Pratiques somatiques et quête de l’intelligence sensorielle } \label{chap:tire-chapitre} \section*{Les multiples facettes des pratiques somatiques} Selon Jeremy Damian, cette discipline est née en 1976, lorsque Hanna fonde la revue “Somatics Magazine -Journal of the Bodily Arts and Sciences” dont le thématique s’oriente autour des études sur le corps expérientiel et ses expériences personnels -(ie. the study of the body through the personnel experiential perspective): ``D’une manière générale, les recherches sur le corps sont souvent prisonnières d’une alternative infernale entre une tentation d’inspiration phénoménologique et une tentation sémiotique : le corps comme expérience et le corps comme signe. L’anthropologue Thomas J. Csordas déclare vouloir établir une synthèse de ces deux approches. Il réalise bien plus que cela en portant son attention sur ce qu’il nomme les``modes somatiques d’attention” (somatic modes of attention), qu’il définit comme des``manières culturellement élaborées d’être présent à et avec son corps (ways of attending to and with one’s body) dans des environnements qui incluent la présence``embodied” d’autres”. Son originalité vient de son insistance à rendre compte de l’élaboration culturelle d’engagements sensoriels portant à la fois sur une personne, un corps et son environnement, ou un``milieu intersubjectif”, en ajoutant à ces descriptions une perspective somatique qui ouvre une autre``image” du corps que celle que renvoie le miroir.” Dans sa thèse, Violetta Salvatierra rappelle le contexte d’apparition de l’éducation somatique en France:``Elle arrive ainsi en France des États-Unis, en passant par le Québec, importée par des praticien·nes de la méthode Feldenkrais. Hanna essaye de forger à travers celle-ci une définition du corps, opérante dans ces pratiques, qui serait en rupture épistémologique avec la conception dualiste du corps/esprit et distincte ainsi du corps objectivable de la médecine (body) ; appréhendé dans sa dimension holistique et systémique, et attaché au corps vécu à la première personne, le terme``soma”, dans la définition de Thomas Hanna, fait référence au ``corps perçu de l'intérieur” et ``la somatique” est définie comme ``l'art et la science des processus d'intéraction synergétique entre la conscience, le fonctionnement biologique et l'environnement”. Par la suite, d'autres théoricien·nes ont proposé d'autres termes et notions pour désigner le champ d'expériences mobilisé par ces pratiques, tels que la ``soma-esthétique”,proposé par le philosophe Richard Shusterman, dont les travaux dans le domaine se révèlent fort normatifs”. Selon la chercheuse Laurence JAY, il y a une certaine écologie dans les pratiques somatiques. S’adressent au corps sujet dans une approche psycho-phénoménologique, elles conviennent au contexte spécifique d’une personne, en encourageant une forte affirmation de sa subjectivité. Le corps est identifié par des caractéristiques communes avec le domaine du vivant, donc en homéostasie, pour assurer une survie permanente: “Il est pensé comme un tout. Il ne s’agit pas d’un amas de parties disjointes, mais d’un système organisé de façon dynamique et en équilibre complexe, interdépendant dans chaque mouvement, chaque fonction, chaque échange d’énergie et d’information. Il ne s’agit pas d’une vision mécaniste qui sépare le haut et le bas, la matière et le processus, le soi et les autres, le soi et l’environnement, la pensée et les émotions. C’est une pensée systémique, un point de vue corps-sujet-monde. Ce point de vue rejoint les théories écologiques et systémiques et permet d’imaginer une écologie corporelle, en actes.” Pour mieux expliquer la dynamique qui opère entre la danse et les pratiques somatiques, nous nous interrogeons sur la façon dont ces techniques structurent la corporéité lorsqu’elles sont employés comme exercices d'échauffement et entraînement. Lorsqu’un danseur apprend une technique de danse, son corps est capable de reproduire les mouvements et de se mouvoir selon les contraintes de cette technique. Lorsqu'il s’approprie une pratique somatique, cela est plus difficile à prouver, le danseur n’ayant pas d’autre preuve à son appui que les traces de cette expérience à l’intérieur de son propre corps. Ainsi l’intériorité et l'expérience sensible du danseur deviennent un outil dans l'expérience kinesthésique: Si toute technique de danse5 est affaire d’un programme systématique d’instructions, venant façonner le corps perçu à l’image d’un corps idéal, via la médiation d’un corps démonstratif (Foster, 1992) ; si les injonctions à faire et à sentir, et corrélativement, les actions et les perceptions produites (Cazemajou, 2013), relatent implicitement un modèle déterminé de corporéité ; peut-on dire la même chose pour les somatiques ? Lors des stages et ateliers de professionnalisation, j’ai eu l'occasion de me former et d'acquérir des compétences orientées autour de ma propre intériorité. Mais l'expérience de mon corps et son vécu est difficilement traduisible pour les autres. Pour mieux témoigner de cet état le philosophe Bruno Latour explicite dans son essai “How to talk about the body” ce qu’il entend par le fait d'avoir un corps: “To have a body is to learn to be affected, meaning ‘effectuated’, moved, put into motion by other entities, humans or non-humans. If you are not engaged in this learning you become insensitive, dumb, you drop dead. Equipped with such a ‘patho-logical’ definition of the body, one is not obliged to define an essence, a substance (what the body is by nature), but rather, I will argue, an interface that becomes more and more describable as it learns to be affected by more and more elements. The body is thus not a provisional residence of something superior – an immortal soul, the universal or thought – but what leaves a dynamic trajectory by which we learn to register and become sensitive to what the world is made of. Such is the great virtue of this definition: there is no sense in defining the body directly, but only in rendering the body sensitive to what these other elements are. By focusing on the body, one is immediately – or rather, mediately – directed to what the body has become aware of.” Pour revenir au terme de somatique, du grec “soma” (corps ressenti, vécu de l'intérieur) et faire la distinction entre ses différentes approches, je m’appuie également sur les observations d’Isabelle Ginot qui dans son livre “Penser les somatiques avec Feldenkrais” mentionne la motivation du chercheur Thomas Hanna de réunir sous le terme générique de somatiques une panoplie de pratiques afin de souligner leurs principes communs: “une conception holistique du sujet (où corps, pensée, affects, émotions sont indissociables), un instrumentarium savant de techniques gestuelles, manuelles et tactiles, une place centrale accordée à l’expérience subjective via un travail approfondi sur la perception en général, et en particulier sur le sens kinesthésique (celui qui nous permet de savoir dans quelle position nous sommes, si nous sommes stables ou en train de bouger, quelle est la position de nos membres même si nous ne les voyons pas…). Au-delà de ces principes communs, ces techniques sont multiples, elles puisent dans des croyances et des savoirs divers selon leur époque, et surtout, elles inventent et diffusent des imaginaires du corps et des gestes bien différents les uns des autres.” Plus loin, Ginot propose une classification selon les critères de l’analyste du mouvement Hubert Godard orientés autour de l'expérience collective ou individuelle. Souvent dans les séances collectives, le praticien propose des explorations sans illustrer le mouvement, afin que chacun puisse explorer sa propre sensibilité esthétique et contraintes physiologiques. Lors des séances individuelles, le praticien propose un guidage à partir du toucher, parfois guidant par la parole une prise de conscience de son sujet. Celui-ci observe les effets du relâchement des blocages musculaires sur ses gestes, les variations de son propre poids selon les changements de posture et découvre grâce à des représentations internes, des parties auparavant méconnues de lui-même appelés par Godard ``des zones organiques profondes”: ``Certaines travaillent à partir d’une cartographie des tissus et de leurs caractéristiques biologiques — fascias, muscles, peau, os, viscères — et pensent le changement du geste et de la posture primordialement à partir des changements conduits dans ces tissus ; d’autres, telle la méthode Feldenkrais qui nous intéressera ici, s’appuient avant tout sur la construction des coordinations, soit la façon dont chacun de nous a appris (et peut réapprendre) à composer ses gestes dans l’espace et le temps jusqu’à ce que ce répertoire de nouvelles habitudes gestuelles compose la texture même de sa vie, et garde la plasticité nécessaire pour des changements ultérieurs. D’autres encore privilégient le travail sur la perception… Elles se pratiquent en séances collectives ou individuelles, passent très souvent par un travail sur le toucher (un des nombreux tabous concernant le corps en Occident), se définissent soit comme ``éducatives” soit comme ``thérapeutiques”, ou encore les deux à la fois.” Depuis 2014, j’ai pratiqué plusieurs disciplines en lien avec la pensée du corps et l’intelligence du mouvement. Nous définissons ici l’intelligence du mouvement selon Jay pour laquelle il s’agit principalement de “la faculté qu’a le corps à sentir, ressentir, réguler, équilibrer, décider, agir pour exprimer la vie qui l’anime c’est-à-dire le sujet. L’intelligence du mouvement habite le corps tout entier, pas seulement le cerveau. Le cerveau est informé et informe et l’intelligence du mouvement dialogue avec la pensée. Nous avons appris à considérer notre corps comme une machine, à faire en sorte de le contrôler le plus efficacement possible, à le gérer comme un lieu d’entrée sortie, à l’espérer plus silencieux qu’expressif, pour finalement somatiser lorsque notre corps exprime l’inexprimé.” Concernant mes propres expériences kinesthésiques et le travail de ``prise de conscience” du corps, ma motivation principale est le lâcher prise lors des moments d'improvisation. Les outils que j’ai retenus lors des sessions d'apprentissage servent principalement à affiner ma concentration et ma facilité de mouvement. La plupart des méthodes que j’ai pu expérimenter, visent l'utilisation d’une quantité d'effort appropriée pour une activité particulière, libérant les tensions de mon corps pour avoir plus d'énergie à utiliser ailleurs. Bien que la communauté des pratiquants puisse parler des effets thérapeutiques de ces pratiques, il ne s'agit pas des traitements proprement parler, mais plutôt d'une volonté de rééducation de l'esprit et du corps en libérant des tensions et blocages. \clearpage \subsection{B.M.C}\label{sec:elements-basiques} En me rapprochant des pédagogies du corps orientés vers la recherche d’un équilibre entre le système nerveux sympathique et le système nerveux parasympathique, j'ai découvert entre outre la méthode Body Mind Centering lors de sessions de training physique pour le théâtre du Soleil en tant qu’assistante décor pour leur spectacle MacBeth à la Cartoucherie de Vincennes. Avec d'autres stagiaires nous nous réunissons le matin pour pratiquer des exercices d’éveil corporel. La Body-Mind Centering a été créée à la fin des années 70 par Bonnie Bainbridge Cohen, danseuse, ergothérapeute et ancienne choréologue en notation Laban. Cette pratique oriente la perception vers un étude expérientielle de l'anatomie et de la physiologie du corps classés dans des systèmes. C’est à la fois une expérience cognitive de compréhension et une expérience phénoménologique de vécu et d'intégration expérientielle qui interroge les dynamiques psychophysique de la perception. Le développement du mouvement est étudié de point de vue ontogenetic ( du stade d'embryon au stade adulte) mais aussi de point de vue (en tant qu' évolution progressive des espèces dans le règne animal- la marche des amphibiens évolue en marche bipède des mammifères par exemple). Cette pratique corporelle largement utilisée est appliqué non seulement dans la danse mais aussi dans de nombreux types de travail corporel, psychothérapie, yoga ou musique. Avant tout, BMC est ``une étude expérientielle basée sur l'incarnation et l'application de principes anatomiques, physiologiques, psychophysiques et développementaux multiples, utilisant le mouvement, le toucher, la voix et l'esprit” (Cohen 1993 : s.p.). Cette étude explore une prise de conscience dans les divers systèmes du corps- liquides, tissus, organes, squelette, sens, le système neuroendocrinien- pour orienter une action basée sur la perception. Cohen exprime l'intérêt qu’elle porte au développement en tant que processus de travail mais aussi devenir du corps: ``Development is not a linear process but occurs in overlapping waves with each stage containing elements of all the others. Because each previous stage underlies and supports each successive stage, any skipping, interrupting, or failing to complete a stage of development can lead to alignment/ movement problems, imbalances within the body systems, and problems in perception, sequencing, organization, memory, creativity and communication.“ Dans son livre ``Sensing, feeling and acting”, elle explique son intention de faciliter l'accès à “une connaissance nouvelle en provenance de soi” et ainsi résoudre la dichotomie corps-esprit. Cela est structuré autour de trois concepts-clé qu’elle appelle l’alphabet de mouvement: ``les réflexes primitifs en lien avec les mouvements spontanés et leur relation avec les mouvements intégrés, les réactions de redressement par rapport à la gravité et les réponses d'équilibration pour garder notre centre de masse en équilibre et rester débout”. Un quatrième concept intitulé Basic Neuro Cellular Patterns synthétise ces derniers, en organisant une classification de modèles en lien avec le développement phylogenetic et ontogenetic du mouvement. Il faut également préciser qu’en BMC le terme ``somatique” est pensé en opposition avec celui de psychique, avec un fort intérêt pour les mouvements réflexes et la façon dont le système nerveux périphérique s'organise. Pour clarifier la distinction entre mouvement réflexe et mouvement réflexive, Cohen affirme: ``When a movement becomes reflexive, would you say that the experience goes from sensing to feeling? Yes it gets into the blood. I feel the reflexes have a lot to do with the blood, with emotional expressions”. De plus, la qualité de mouvement de chaque individu est influencée par la manière dont le mental se manifeste dans le corps lorsqu’il bouge. Un alignement harmonieux entre différents systèmes se fait par un ajustement perpétuel entre action et cognition. Les supports d'exploration en BMC sont constitués de nos sens mais aussi de notre imagination: mouvement, toucher, voix et état d'esprit, nouvelles organisations du corps dans sa dynamique et dans sa posture, tissus, cellules et organes du corps. Parmi ces systèmes, nous mentionnons le système squelettique- structure de soutien qui répartit notre poids sur la terre, en lien avec la gravité. Le système des organes est pour la communauté BMC plutôt connecté à nos émotions et à notre façon de les exprimer. Le système endocrinien est vu comme métaphore de notre intuition et s'exprime dans nos moments forts tandis que le système de muscles exprime notre vitalité et notre puissance. Le système nerveux à son tour est un support de la mémoire de nos expériences et perceptions. Lorsque le mental incorpore cette structure, il facilite l'apprentissage de nouvelles expériences basées sur l’intuition et la créativité. Pour les praticiens BMC, lorsqu'un système est sur-stimulé ou déséquilibré, il peut devenir la source de blessures, de maladies ou de détresse émotionnelle et psychologique. Pour équilibrer cela, l'imaginaire biologique du BMC stimule une prise en conscience du fonctionnement du corps pour les personnes qui se font guidées durant ces sessions. Cependant, comme le décrit l’anthropologue Jeremy Damien dans sa thèse, lors de son expérience BMC en danse amateur avec le collectif les Zélées, les danseurs ont du mal à se représenter et entrer en relation avec certains systèmes. Le système lymphatique avec les attributs désignés par les praticiens tels la clarté et la finesse induit en erreur les danseurs, au point où l’auteur se demande si cela relève d’une réalité du corps ou plutôt d’une métaphore à intégrer de façon subjective. Nous remarquons ici encore une fois des ambiguïtés en lien avec des concepts pluridisciplinaires. La signification du mot ``lymphe” dans le domaine de la médecine n’est pas la même lors d’un atelier de danse. Au-delà de la pré-supposée dimension thérapeutique de certaines pratiques, que Damien rapproche, en tant qu’anthropologue, à des rituels et formes d’auto-suggestion collectives, nous nous intéressons aux effets de ces pratiques sur l’imagination des danseurs et leur capacité de produire des mouvements nouveaux. Pour citer Cohen : ``when we are talking about blood or lymph or any physical substances, we are not only talking about substances but about states of consciousness and processes inherent within them. We are relating our experiences to these maps, but the maps are not the experience”. Pour porter cette réflexion plus loin, Carla Bottiglieri cite à son tour la philosophe et chorégraphe allemande Petra Sabisch pour qui: ``le mouvement est porté par une sorte de conjecture : il est l’expression exacte de l’indétermination de la relation entre sensation et imagination. Sans cette inspiration spéculative dans le jeu co-immanent entre le fond kinesthésique et les procédures imaginatives de production de l’image, il n’y aurait pas de spécifications par rapport aux qualités du mouvement. La relation indéterminée entre sensation et imagination devient un rapport singulier : elle produit une différence dans la qualité du mouvement, sans pour autant épuiser la virtualité de leur relation.” Entrer dans cette dimension imaginaire implique la sollicitation de notre sens de la proprioception. Cela part de l'hypothèse que chaque tissu de notre corps a sa propre vibration et résonance. La qualité du toucher dans BMC est ainsi basée sur la compréhension expérientielle de ces données. En parallèle, les praticiens peuvent prendre conscience d'une partie du corps en étudiant des images, des textes ou des livres d'anatomie pour mieux la visualiser. Ainsi la manière d’exploration la plus directe en BMC est un mélange entre le toucher et la visualisation des parties du corps pour arriver à un état de somatisation. Cet état est défini ici comme une prise de conscience directe des sensations, ressentis et perceptions qui se dégagent de la partie du corps sur laquelle nous nous focalisons. Lors de cette étape de somatisation en BMC, un échange d'informations bidirectionnel a lieu entre les cellules du corps et le cerveau. Comme le toucher et le mouvement sont parmi les premiers sens que nous expérimentons lors de notre naissance cela renvoie à des sensations plus anciennes de notre corps et aussi des processus de re-mémorisation. Un autre concept employé par cette méthode est le centrage, décrit la Carla Bottiglieri de la façon suivante: ``D’autre part, l’opération de centrage renvoie métaphoriquement aux gestes manuels du potier, qui tourne l’argile autour du vide, pour donner forme à un vase. Moulage ou modulation 17 ? Le centrage, écrit Cohen, n’est ni la recherche d’aboutissement d’une forme, ni un lieu d’arrivée, mais un ``équilibre dynamique qui fluctue autour d’un point en déplacement constant” 18. Il peut ainsi s’initier en n’importe quel point, se propager vers n’importe quelle direction : plusieurs centres, donc, comme autant de foyers possibles d’amorce et d’amplification. J’ajouterai que ce mouvement est le processus continu d’une relation où les termes s’échangent, ou se permutent : body et mind ne relèvent pas de deux ontologies distinctes, bien plutôt, ils instancient deux bordures, ou deux faces d’une limite topologique où formes et forces s’affectent mutuellement, se répètent et se différent, adviennent les unes aux autres, deviennent.” Comme cette technique est en constant renouvellement et amélioration, dernièrement un autre concept-clé a été développé, qui est celui de la conscience et de l’embodiment cellulaire - ``a state in which all cells have equal opportunity for expression, receptivity and cooperation. Attuning ourselves to our cellular consciousness brings us to a state in which we can find the ground from which flows the intricate manifestations of our physical, physiological and spiritual being.” Cependant Cohen ne mentionne pas ses applications en danse et la filiation avec le travail de la chorégraphe américaine Deborah Hay que nous allons mentionner plus loin. Si pour Cohen ``cellular consciousness is awakening the cells to themselves, which the brain cannot do.” pour Hay cela relève d’un état méditatif pour convoquer des états de présence que nous allons discuter plus tard dans notre étude. Faire l'expérience de ma propre anatomie et de son propre fonctionnement psychologique, a augmenté mon sentiment d’identité artistique. Dans mon propre laboratoire expérimental sur la conscience corporelle j’ai eu l’occasion d’améliorer ma pratique et choisir ce qui mieux correspond à mes intentions, en interprétant à ma façon cette discipline kinesthésique de l'anatomie et aspects physiologiques de l'incarnation. Ainsi j’ai utilisé le BMC comme point de départ afin de développer une meilleure compréhension des sensations de mon corps et de l'action exprimée dans le mouvement et le toucher, pour activer une forme de conscience propre à chaque endroit et ainsi faire émerger une danse spontanée, propre à son vécu. \subsection{Feldenkreis}\label{sec:elements-basiques} De cette manière, j’ai découvert la méthode Feldenkrais lors des cours hebdomadaires à l’université Sorbonne Nouvelle. Cette méthode mise en place par Moshé Feldenkrais revisite le mouvement des articulations de chaque corps, laissant à chacun la possibilité d’être plus autonome et confiant lorsqu’il bouge à sa façon. Elle permet de se focaliser sur les sensations internes pour voir comment exécuter des mouvements plus facilement, en comprenant la quantité d'efforts nécessaires pour exécuter un mouvement de façon efficace. Elle visa à restaurer la capacité à bouger lors des accidents et à reprendre des habitudes de mouvement naturelles. En remarquant son propre mouvement, chaque participant a la possibilité d'être plus autonome et en confiance lors de ses déplacements dans l’espace. Les cours Feldenkrais sont connus sous le nom de cours de prise de conscience par le mouvement. Semblables aux pratiques corporelles type Tai Chi, elles utilisent des mouvements lents pour faciliter la concentration du pratiquant sur des effets de maîtrise de sa force ou sa flexibilité. La chercheuse Sylvie Frotin mentionne comment cette pratique contribue au processus de subjectivation en valorisant le corps-sujet plutôt que le corps-objet. En invitant, par exemple, une personne ``à déterminer la position optimale pour exécuter un mouvement en s’appuyant sur son ressenti plutôt que sur des standards esthétiques arbitraires” 3. Différents exercices basés sur la perception du corps en mouvement (et la conscience de la respiration 4 ) permettent aux participant.e.s de prendre conscience de leurs habitudes corporelles. ``L’apprentissage consiste à éveiller les zones d’anesthésie sensorielle et à élargir les types de sensation possible”. Ainsi la méthode Feldenkrais aide à coordonner différentes parties du corps ensemble, encourageant l'expression des ressentis et des émotions pour une intégration holistique du corps et de l'esprit. Conscience du mouvement et conscience de la respiration vont ensemble, dans l’approche défendue par cette pratique somatique : ``L’éducateur somatique adhère à l’idée qu’une fonction sensori-motrice entravée affecte l’ensemble de la personne. Réciproquement, toute amélioration d’une fonction améliorera éventuellement l’entièreté de la personne. Par exemple, face à une personne présentant une respiration déficiente, le professeur pourra donc proposer diverses activités de mouvements pour que la personne chemine vers un mouvement diaphragmatique ample et pleinement fonctionnel, puisqu’il sait qu’un diaphragme apaisé est accompagné de cognitions moins anxiogènes. (…) Ressentir sa solidité osseuse, ressentir une expansion de sa respiration, sentir son regard s’ouvrir, pour ne citer que ces quelques exemples, sont la manifestation physique d’une confiance en soi ou, inversement pourrions-nous dire, la confiance en soi est la manifestation psychologique d’une solidité osseuse, d’une expansion de sa respiration ou d’un regard ouvert.” Les positions utilisées dans Feldenkrais telles que la pose au sol, visent à réduire l’effet de la gravité sur le corps. Cela encourage la hanche à s'ouvrir pour faciliter des actions comme la marche et la course et améliore la mobilité des mouvements et aide à soulager les tensions et les tensions sur les articulations. Ce sont des exercices collectifs structurés autour d’un thème, dont l’objectif est d’avoir une prise de conscience sur son propre mouvement. Autre que les instructions de position et de mouvement, le praticien donne des indications perceptives ( sur quoi concentrer son attention) et conceptuelles (pourquoi cette méthode ne s’illustre pas, pourquoi on cherche le moindre effort). Les exercices du recueil ``Awareness Through Movement (PCM)” peuvent etre liés aux travaux de F. Varela sur l'autopoïèse. Dans son article ``Que faisons nous et à quoi ça sert” Isabelle Ginot témoigne des changements qui opèrent dans le corps et la manière de les évaluer. Plus loin nous allons discuter le lien de ces pratiques au concept émergeant ``d’image de son corps” et schéma corporel: À la fin d’une séance de ``”Prise de conscience par le mouvement”, l’expérience la plus courante est celle d’un changement très sensible dans la perception de la posture debout (des appuis, de l’alignement, de la hauteur, de l’espace autour…)et de la marche ou de divers mouvements quotidiens proposés à l’exploration en guise de conclusion de la séance. Ce changement peut être ressenti plus ou moins durablement, et sa perception peut être en partie consciente et spécifique (par exemple ``mon poids est plus égal entre les deux pieds”) et en partie confuse (``je me sens différent/e”)(...)Si ce changement persiste dans la durée, il deviendra ``plus habituel” ou, selon l’expression de Feldenkrais, intégré. Ce qui signifiera que mon poids sera désormais plus au centre de mes deux pieds qu’auparavant, mais que je ne le remarquerai plus. La nouvelle organisation gravitaire sera devenue ``pré-noétique”, elle aura intégré le schéma corporel. \subsection{Viewpoints}\label{sec:elements-basiques} Une autre méthode que j’ai intégrée dans mon approche expérimentale d'entraînement est la technique ViewPoints. Approche structurelle du processus de composition et de mise en scène, Viewpoints est issue d’une méthode inventée par l’artiste de théâtre Mary Overlie dans les années 70. Son objectif est de stimuler la créativité et l’inspiration en utilisant des points de vue pour focaliser la concentration et ordonner la façon de travailler. Cette méthode a été ensuite adaptée par les metteuses en scène Anne Bogart et Tina Landau autour de neuf points de vue ``physiques” et de 5 points de vue ``vocaux”. L'apprentissage de cette méthode s’est fait à travers des sessions d'expérimentations pratiques avec le collectif de metteurs en scène Open Source. En tant qu’outil de mise en scène, le ViewPoints revisite la hiérarchie traditionnelle entre metteur en scène et acteurs. Les acteurs sont considérés comme des participants actifs dans la création globale du spectacle. Leur attention est focalisée sur différents éléments de la performance (tempo, durée, geste, relation spatiale). Cela part de la supposition que s’ils sont ouverts à leur environnement scénique, cherchant à convoquer leur instinct sur le plateau, ils peuvent créer un mouvement et une composition scéniques dynamique. Dans une intervention lors d’une conférence sur cette technique, une de ses fondatrices, Anne Bogart affirme : ``Dans le travail de Viewpoints, rien n'est inventé – tout est une réponse.” Pour aller plus loin, ce qui m'intéresse dans cette technique est son rapport à la danse, définie au sens large de mouvement : “What is dance? they asked. If an elephant swings its trunk, is it dance? If a person walks across the stage, is that dance?” Parmi les principes employés, la réponse kinesthésique est un type de mouvement selon lequel un geste spontané surgit en réponse à l’environnement extérieur- par exemple, parfois nous nous levons instantanément quand quelqu’un ouvre une porte ou nous grattons la tête si quelqu’un nous pose une question difficile. Ce principe permet d’analyser le geste selon deux critères : - gestes comportementaux (ceux que nous employons dans notre vie quotidienne, qui font écho à des situations de vie) et gestes expressifs (ceux qui expriment une émotion et répondent à des besoins d’abstractisation). Appliquer ces observations au fonctionnement d’une machine, m’a permis de voir si des gestes expressifs peuvent lui être propres ou pas. Entre philosophie pratique du travail, approche d'entraînement ou technique d’improvisation, Viewpoints propose une discipline du corps dans l'espace et le temps. Les éléments tangibles - points de vue- selon lesquels les participants concentrent leur attention fournissent un ensemble de tâches pour libérer l'imagination. Souvent la logique systématique de cette approche aide les praticiens à remettre en question leur perception et s' investir dans une pratique créative qui exige action et exploration, et à déconstruire, réorganiser et reconstruire des partitions et des séquences dans la poursuite d'un théâtre viscéral et visuel. L’article (citer Dennis) rend compte des expériences des étudiants en danse qui utilisent cette méthode. L'auteur interroge les exigences de l'apprentissage incarné du mouvement à partir de multiples positions d’un sujet - observateur / participant / créateur / réflecteur / acteur. \subsection{Buto}\label{sec:elements-basiques} Une autre type d’exploration sensorielle que j’ai eu l’occasion de découvrir est la danse Buto, lors de mes stages avec Atsushi Takenouchi entre 2013 et 2015. Cette pratique vue comme un style de danse japonaise d'avant-garde mais aussi comme un mode de vie, diffère à la fois de la danse traditionnelle japonaise et de la danse occidentale moderne. Créé par Tatsumi Hijikata et Kazuo Ohno probablement en réaction aux événements de la Seconde Guerre mondiale, afin d’explorer des thèmes tabous, cette danse convoque des images grotesques avec des mouvements corporels parfois lents, parfois compulsifs toujours en lien avec le soi. Katsugen Undo, une pratique développée par Haruchika Noguchi (1911 - 1976) - inventeur du concept thérapeutique Seitai- est une pratique complémentaire au butô. Katsugen Undo part du postulat que nous avons tendance à nous concentrer sur des énergies excessives qui inhibent nos systèmes d'autorégulation, altérant ainsi nos fonctions physiques, mentales et émotionnelles. Cette pratique est un exercice dynamique destiné à soulager le stress, à détoxifier le système et à amener les énergies du corps à un équilibre naturel et sain. Elle vise à y parvenir en laissant libre cours aux mouvements involontaires du système nerveux autonome, en soulageant le stress et en améliorant l'endurance et la flexibilité de l'organisme. Ensuite début 2020 je suis allée en Israël pour expérimenter le Gaga Movement- dont la pédagogie encourage le lâcher prise et le bien être des danseurs. Mouvement de danse non-conventionnelle, cette pratique a été développée par le directeur artistique de la Batsheva Dance Company, Ohad Naharin qui lors d’un accident au dos dans les années 90, s'est lancé dans un processus de recherche corporelle avec des personnes sans expérience en danse. Ces expérimentations ont donné place au laboratoire Gaga/people étant ensuite demandés comme training régulier par les danseurs de sa compagnie, donnant suite aux cycles Gaga/dancers. Selon le context, cette technique a plusieurs déclinaisons: training pour renforcer le corps et le préparer physiquement en termes de souplesse et d'endurance, échauffement avant des répétitions et outil d’exploration pour cultiver sa créativité. Dans son article, The Phenomenology of the Body Schema and Contemporary Dance Practice: The Example of “Gaga”, la chercheuse Anna Foultier décrit les modalités de travail des danseurs du 21e siècle, devenus entrepreneurs de leur propre corps et technicité: En raison des tendances chorégraphiques et artistiques ainsi que de la difficulté croissante pour les danseurs d'obtenir des contrats plus longs, la danseuse est devenue une ``entrepreneure” censée façonner sa formation, s'adapter à divers styles et pratiques chorégraphiques et souvent fournir du matériel de mouvement aux pièces avec lesquelles elle travaille. Que cela soit perçu comme libérant l'agence et l'autorité de la danseuse sur son travail ou comme un accommodement à un contexte sociétal marqué par le néolibéralisme où La qualité marchande est un impératif, le danseur contemporain a une approche éclectique où l'entraînement peut varier du ballet, moderne, jazz, capoeira, pilates ou yoga à la natation ou à la course. Dans le monde de la danse post-postmoderne, l'accent n'est plus mis sur le moulage du corps dans une certaine forme, comme dans le ballet classique, ou sur le démantèlement des habitudes afin de découvrir des modèles de mouvement naturels, comme dans la danse moderne, mais plutôt sur la déconstruction et le remodelage continus du corps. Dans les cours de Gaga que j’ai pris, l'enseignant et les participants sont en constant mouvement. Les participants reçoivent plusieurs types d’ instructions: lever ses bras comme s'il y a un poids lourd sur le dos, les soulever et les laisser tomber en étant recouvert par du miel, sentir ses bras légers comme une plume, tomber au sol avec la même vitesse que les bras qui tombent, etc. L'objectif de Gaga est d'ouvrir de nouvelles possibilités d'exploration dans le corps et ainsi confronter les anciennes habitudes afin de développer la conscience du corps et l'écoute intérieure. \subsection{Le Shaking comme outil de travail}\label{sec:elements-basiques} Le Shaking vu ici comme tremblement volontaire du corps est une pratique somatique que nous pouvons observer dans les animaux lorsqu’ils secouent leur corps après un événement dangereux qui a sollicité leur instinct de survie. Les éthologues ont identifié trois mécanismes de défense comme formes de réaction immédiate chez les animaux: s’en fuir, se battre ou se figer (fight, flee or freeze). La réponse “se figer” (freeze) est un mécanisme de survie qui protège l’animal en danger en inhibant et immobilisant son corps face à la douleur. C’est l’exemple avec le bison entouré par des lions qui dévient tout d’un coup mou et arrête de se débattre dans la bouche du crocodile, pour s’enfouir deux secondes après que les lions commencent à leur tour attaquer le crocodile pour disputer leur proie. Une fois inhibés, les mécanismes de défense produites par le corps, comme l'adrénaline, restent stockés à l’intérieur et une fois le danger passé, les animaux vont secouer leur corps pour les libérer. J’ai décidé d’utiliser et ensuite adapter cette technique lors de mes échauffements de danse car cette méthode n’a pas spécifiquement pour but de se concentrer sur soi et de ralentir le fil des pensées, mais plutôt de ``libérer” le corps de ses tensions et privilégier le sentiment de lâcher-prise. Cette technique peut fonctionner particulièrement bien pour tous ceux et celles qui ont beaucoup de mal à rester sans bouger et à mettre leurs pensées en pause. Actuellement des thérapeutes utilisent des techniques de shaking pour réduire les effets du stress traumatique -PTSD. Les exercices de libération des tensions aident le corps à accéder à des schémas musculaires profonds de stress et de tension, voire de traumatismes pour certains chercheurs (citer). Elles activent un mécanisme réflexe naturel de tremblement ou de vibration qui libère la tension musculaire, calmant le système nerveux. Lorsque ce mécanisme de secousses musculaires et vibrations est activé de façon volontaire, le corps est encouragé à revenir à un état d'équilibre \subsection{Contexte}\label{sec:elements-basiques} David Berceli, Ph.D. est auteur et praticien dans les domaines de la réduction du stress suite à des traumatismes. Psychologue et activiste humanitaire américain, il a travaillé en Extrême-Orient et en Afrique dans des zones de conflit à la fin des années 1990 et a remarqué à quel point les secousses étaient une réponse universelle au traumatisme. Ces expériences l’ont mené à la création d'un ensemble d'exercices de libération de tension et de traumatisme appelés Tension and Trauma Releasing Exercises(TRE). Il est l'auteur de trois livres qui ont depuis été traduits en 15 langues. Sa carrière universitaire comprend un diplôme en travail social (PhD), en travail social clinique (MA), en théologie (MA), en études du Moyen-Orient (MA). L’objectif de sa thérapie est de calmer le système nerveux avec l’aide de ce qu'il défine comme Self Induced Therapeutic Tremors (SUTT) pour un état de détente et repos parasympathiques profond. Sa méthode est basée sur une approche neurophysiologique intégrative qui utilise l' homéostasie pour décharger de façon mécanique la tension physique du corps. Selon des études (citer), pratiquer le ``shaking” en tant que protocole de mouvement au moins entre 5 et 15 minutes à la fois, permettrait d’activer le système nerveux parasympathique, ce qu’indique au corps de se détendre. Cette communication directe entre nos muscles, nos membres et notre système nerveux central permet de relâcher certaines tensions, tout en activant un sens de présence dans le corps. Un autre outil que Berceli combine avec sa technique est la méditation de la pleine conscience pour réguler les émotions en augmentant le lien avec le corps et sa sensorialité. La pleine conscience encourage l'acceptation plutôt que l'évitement des expériences traumatiques et diminue la rumination sur des événements passés ou futurs qui peuvent épuiser notre énergie. Une première étude pilote qui mesure le stress chez 21 professionnels de la santé en Afrique du Sud, avant et après une utilisation de la méthode TRE pendant 8 semaines, montre les effets de cette méthode citer. \subsection{Exemple d’exploration sensorielle avec du shaking inspiré par la technique TRE}\label{sec:elements-basiques} Tout d'abord, je me familiarise avec la pièce où je suis et la surface sur laquelle mon corps s’appuie, afin que mon système nerveux soit détendu et loin d’un état d’alerte. Je ferme les yeux et écoute les bruits autour de moi, du plus lointain au plus proche. Une fois ce type d’exercice sensorial fini, je commence par faire quelques exercices préparatoires tels que des étirements type pilates pour fatiguer les muscles. L’objectif est d'être moins en contrôle pour que les tremblements puissent venir plus facilement. Ensuite je m'allonge sur le dos dans une pose papillon, la plante des pieds jointe, les genoux pliés sur le côté. Chaque deux minutes, je ramène mes genoux l'un vers l'autre et je maintiens. Bientôt, je sens l'intérieur des muscles de ma cuisse s'engager et il y a un léger tremblement- pour Berceli ce sont les shakes qui sortent. Au fur et à mesure que mes genoux s’approchent, les tremblements deviennent plus forts et je peux les sentir remonter le long de ma colonne vertébrale. Après dix minutes, alors que mes genoux sont maintenant presque collés l'un à l’autre, les tremblements sont difficiles à ignorer- je vacille et me saccade presque comiquement. Pour intégrer l'expérience je m'allonge sur le dos et prends quelques minutes pour me détendre avant de m'asseoir sur mes talons. Je prends quelques respirations, puis je réfléchis à mon ressenti et à comment intégrer cette expérimentation dans mes recherches corporelles. \subsection{Renouvellement des approches chorégraphiques dans l’histoire de la danse }\label{sec:elements-basiques} Dans son livre “Histoire de la danse” (1933) Curt Sachs parle de la danse comme le premier-né des arts: ``La musique et la poésie s'écoulent dans le temps ; les arts plastiques et l'architecture modèlent l'espace. Mais la danse vit à la fois dans l'espace et le temps. Avant de confier ses émotions à la pierre, au verbe, au son, l'homme se sert de son propre corps pour organiser l'espace et pour rythmer le temps”. Pour prouver que la danse apporte une dimension sotériologique partout dans le monde et depuis toujours, il liste les danses à contre coups et les danses extatiques des peuples primitifs. Un siècle après ces observations, la dimension thérapeutique des danses reste toujours d’actualité. Des méthodes d’éducation somatique développent autant de moyens pour dépasser nos dissonances cognitives et comprendre l’intelligence du corps. Cependant il est important de souligner que dans notre contexte, ce qui nous intéresse est la façon dont ces méthodes ont pu accompagner les danseurs et praticiens en danse dans leur l’intention de renouveler les formes d’expression de cet art. L’histoire de la danse moderne et son renouvellement de formes à partir du début du 20e siècle, commence avec l'américaine Loïe Fuller et sa ``Danse serpentine”, faite de spirales et de volutes de voiles. Égérie de l'avant-garde artistique de la Belle Epoque, elle libère le corps et met en place les bases de l’abstraction en danse. Complémentaire à cette approche est la démarche mise en place par François Delsarte (1811-1871) professeur de chant qui développe entre 1840 et 1870 une théorie de l’expression fondée sur des correspondances entre geste et émotion. Par le biais du dramaturge américain Steele Mackaye, inscrit à ses cours à Paris, les danseurs des Etats Unis vont prendre connaissance du système mis en place par Delsarte, donnant place à un mouvement appelé “delsartisme” d'après le nom de son inventeur. L’influence de Delsartre va marquer tout une génération de danseurs modernes en Amérique tels Ruth Saint Denis (1879-1968) et Ted Shawn (1891-1972). Quelques années plus tard c’est le tour de l’allemande Mary Wigmann de promouvoir la danse libre et de présenter sa ``Danse de la Sorcière” ou ``Hexentanz” en 1914. Selon Hubert Godard, il y avait dans sa démarche deux conceptions “une travaillant l’imaginaire, l’autre le contraignant par une idéologie (le nazi), infléchissant l’organisation tonico-gravitaire qui anticipe et accompagne tout geste, toute attitude corporelle” Ce courant international, initié entre autres par Isadora Duncan (1877-1927) influença de nombreux chorégraphes et marqua les débuts de la danse moderne. Le solo de danse de Wigman rompt avec la tradition classique par des gestes brusques, une posture au sol et des bras tendus. Avec l'accompagnement de percussions, son apparence de possédée convoque une dimension sensorielle de la danse, centrée sur une expérience de l'intimité et de connexion à soi. Tandis qu' à la même époque a Paris, l‘ukrainien Vaslav Nijinski va plus loin dans le rapport a la sensorialité en simulant une masturbation pendant ``L'après-midi d’un faune”. Quelque décennies plus tard, Martha Graham développe une pédagogie basée sur l'opposition entre contraction et libération, avec l’aide des cycles de respiration. Considérée comme fondatrice de la danse contemporaine, son travail a inspiré les générations de chorégraphes de fin de XXéme siècle. Toujours dans les années 1940, Merce Cunningham et John Cage ont développé un concept radicalement nouveau en préparant la musique et la danse indépendamment, au sein d'une même performance. Ainsi les mouvements des danseurs ne sont plus liés aux rythmes, à l'humeur et à la structure de la musique. Chaque forme d'art existe de façon autonome dans un espace et un temps partagés. Dans une autre partie du monde, cette fois le Japon, Tatsumi Hijikata (1928-1986) et Kazuo Ōno (1906-2010) development la danse de butō nourris par les avant-gardes artistiques européennes comme l'expressionnisme allemand et le surréalisme. Née dans les années 1960, cette danse marque une rupture avec les arts vivants traditionnels du nô et du kabuki, en s’inspirant de bouddhisme et de croyances shintô. Les remous socio-politiques qui secouèrent le Japon à cette époque, notamment les événements tragiques d'Hiroshima et de Nagasaki de 1945, donnent forme à cette danse sensorielle basée sur l’introspection de ses protagonistes. Une autre figure incontournable de l'expression corporelle est Pina Bausch(1940-2009) danseuse et chorégraphe allemande. Fondatrice de la compagnie Tanztheater Wuppertal, elle rompt définitivement avec les formes de danse conventionnelles en introduisant le concept de danse-théâtre ou Tanztheater sur la scène allemande et internationale. Au début, des spectacles tel ``Le Sacre du printemps” (1975) ont suscité de nombreuses critiques, avant de devenir une référence dans l'histoire de la danse postmoderne. Sur un sol recouvert de terre, danseurs et danseuses s’opposent en se livrant à une lutte sauvage et poétique couverts de boue et de sueur. Cette lutte marque le sacrifice de l’Élue, comme dans le rituel paien du chef-d’œuvre de Stravinsky. En allant jusqu'à l'épuisement, la danse se libère ainsi de son rapport à la représentation en développant de nouvelles normes esthétiques. Presque à la même époque, Carolyn Carlson, née le 7 mars 1943 à Oakland en Californie, danse pieds nus à l'Opéra Garnier à Paris et ouvre un laboratoire de recherche sur le mouvement en invitant des danseurs amateurs à rejoindre sa recherche. Tandis qu’Anne Teresa De Keersmaeker crée ``Rosas danst Rosas” en 1983, pièce pour quatre danseuses et quatre mouvements, dont le titre donne le nom de sa compagnie. L’utilisation presque radicale de la musique de Steve Reich et Thierry De Mey, comme support premier de sa composition chorégraphique, ainsi que le recours aux motifs géométriques (cercles, courtes spirales, diagonales impeccables) comme base pour les mouvements, distinguent le travail de Keersmaeker des autres chorégraphes de sa génération. Le travail sur une chaise, la répétition et l'épuisement du corps sont également des éléments clés de sa démarche. Quelques années plus tard, au contrepoids entre l'Amérique et l’Israël, Ohad Naharin renouvelle avec les traditions et les chants traditionnels juifs. Dans ``Echad Mi Yodea” (1990), des danseurs assis sur des chaises, en train de trembler de façon répétitive évoquent des moments de dévotion à la synagogue. Des piles de vêtements jetés par terre peuvent renvoyer a des photographies de l'Holocauste. Les danseurs peinent à travers la chorégraphie et leur lutte pourrait être interprétée comme un hommage à la construction d'Israël mais aussi comme un dépassement de soi. Le début du 21ème siècle continue cette tradition de la danse libérée de formes, de croisement de disciplines et des pratiques que cela soit chant, art martiaux, arts plastiques ou nouvelles technologies. Souvent lors des spectacles avec plusieurs danseurs sur le plateau, nous nous habituons à voir pousser les limites de la physicalité, sans oublier l’histoire de la danse et ses traditions, auxquelles la plupart des chorégraphes que je cite rendent hommage. Dans le chef d'œuvre ``In Spite of Wishing and Wanting” (1999) Wim Vandekeybus a imaginé une performance sur le désir primordial et la tension entre le familier et l'étrange. Sur scène que des hommes. Leurs mouvements frôlent la férocité, la sauvagerie et la naïveté. Des séquences de danse envoûtantes sur la bande sonore sensuelle de David Byrne, donnent l’impression que les danseurs sont possédés par quelque chose ou quelqu'un. La peur et le désir de se transformer en quelque chose d’autre représentent un thème central dans le travail de Vandekeybus. Un projet qui traite du rapport que nous avons à la composition de la danse et la façon de la représenter est ``Synchronous Objects for One Flat Thing” (2010). La collaboration entre William Forsythe et l'Ohio State University est basée sur le traitement des informations numériques, spatiales ou temporelles à partir de vidéos de l'œuvre de danse ``One Flat Thing” de Forsythe ou des performeurs dansent sur et avec des tables. Leurs mouvements se synchronisent selon une série d’ indices internes. Une fois la danse enregistrée sous différentes perspectives, les données ont servi pour créer d'autres médias, événements et objets. Par exemple, un objet synchrone développé par Ola Ahlqvist dans le département de géographie de l'Ohio State montre la densité du mouvement des danseurs - sous la forme d’un paysage topographique avec des montagnes colorées représentant les endroits ou chacun passait la plupart de son temps lors de la danse. Dans la même lignée, le spectacle ``The Great Tammer” (2017) du chorégraphe grec Dimitris Papaioannou traite du rapport que les danseurs ont au corps, en s’inspirant de la sculpture et la peinture classique. Son travail a une forte composante plastique et repose sur une dilatation du temps. L'expérience qu’il propose aux spectateurs est sensorielle- des corps qui se démembrent pour se reconstituer en nouvelles images sur le plateau. Ce questionnement du corps est partagé, mais traité dans une approche différente par la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues. Ses créations transgressent plusieurs formes dont celle du rituel performée. Son spectacle ``Furia” (2018) met en scène des moments extatiques en danse et corps démembrés. Similaire au travail de Vandekeybus, nous pouvons croire les danseurs possédés. Leur présence convoque de l'émotion brute et transmet au spectateur une envie de partager la danse qui s'opère devant ses yeux. \subsection{ La danse postmoderne de Anna Halprin et Deborah Hay }\label{sec:elements-basiques} Anna Halprin- The Taking part process Anna Halprin est une danseuse et chorégraphe américaine qui a beaucoup influencé la danse contemporaine. Dans sa pratique elle intègre des principes somatiques, en se focalisant sur des impulsions internes et un état de grounding (connexion) avec soi-même. Pour elle, il existe un phénomène d'interdépendance entre mouvement, sentiment et association interne du mouvement (vu comme représentation mentale). Son travail influencé par sa propre expérience du cancer l’a amenée à travailler avec des victimes de préjugés raciales, des personnes atteintes de maladies incurables comme le Sida et le cancer. Elle a intégré les principes de sa pédagogie lors des ateliers de danse en grande communauté. Son travail des dernières années de sa vie, atteste d’un lien entre la danse et la spiritualité. Dans un entretien avec Ilene A. Serlin(citer), elle évoque sa première professeure de danse et l'impacte que cela a eu sur sa carrière: ``Margareth 'Doubler was my true mentor, and she provided the best dance education I possibly could have had. She was a biologist by training, which gave her the foundation to approach dance from a different perspective than what was being taught by others as dance. She taught me to view dance from a scientific as well as philosophical and aesthetic point of view. She used to say,``Teach the objective principles of dance and this will enable your students to subjectify their experience.`` What she gave me was a great gift. She taught me to cultivate my own creative expression rather than imitate someone else's style.” Pour Halprin il y a une équivalence entre le fait d'être incorporé (embodied) et la spiritualité. Une des danses qu’elle avait mis en place c’est ce cycle de danses planétaires, ou plusieurs milliers de personnes dansent ensemble sur plusieurs continents: ``I created``Circle the Earth” with a different approach because I want to make dance as accessible as possible to everyone. I want to create dances that anybody can do, and I want to return people to an awareness of movement that I believe is one of our most essential birthrights.(...)I think dance happens to be my particular language; it always has been. Any medium can be anybody’s language; dance just happens to be mine. It’s been a way that has pointed me to directions that I could not preconceive, and that's been the adventure. It was a risk- taking for me. You know, I didn’t know I was going to be doing a dance about reclaiming a mountain.(...)This way of working is now called the expressive arts approach, although it wasn’t called expressive art in those days. I was able to envision a kind of dance that had a purpose, a healing purpose, a societal purpose, an environmental purpose. I never considered myself a therapist, although I might be referred to as a therapist. I consider myself simply a dancer. I began to think of these dances I was making as rituals. I found that the word ritual enabled me to move more consciously into the realm of dancing for the people, dancing for change.“ Cette danse a été d’abord performée un dimanche de Pâques, en pleine nature, sur une montagne où elle avait déjà l’habitude de danser. Avec son groupe de participants, ils sont descendus du sommet de la montagne, après avoir accueilli le lever du soleil. Ils ont ensuite formé un cercle en dansant juste en dessous du sommet, pour pouvoir regarder dans les quatre directions. Chaque direction avait sa propre symbolique: le Sud est l'endroit d'où vient la vie, le Nord est l'endroit d'où vient la mort, et l'Ouest est l'endroit où va la lumière et l'Est est l'endroit d'où vient la lumière. Après avoir fait cela, les danseurs partagent leur expérience, par petits groupes. En remémorant une de ses expériences de Danse Planétaire, Halprin évoque le souvenir d’un participant qu’elle connaissait qui était en larmes, profondément ému par quelque chose. En écoutant son récit, elle a compris que son ami a eu une prise de conscience soudaine des aspects spirituels de sa vie. Comme souvent parmi les participants, la recherche de la spiritualité peut donner l’impression de quelque chose de spécial, d'inatteignable. Cependant son ami a trouvé un moment d’illumination en lien avec son travail. Il a pris conscience de la relation qu’il avait avec ses employés au restaurant, de la façon dont il traitait ses collègues, de la façon dont ils avaient l'habitude d’ interagir et de coopérer. Pour lui, cette expérience d’appartenir à un groupe relevait de la spiritualité. L'élément principal dans l'approche de la danse d’Anna Halprin est son usage du mouvement naturel, intrinsèque au vécu quotidien du danseur. Ce type de mouvement structure l’expression et l'expérience de chaque corps. Dans son ’approche``Taking Part” Halprin parle de deux étapes. La première a lieu pour apprendre un langage commun à partir du corps, par l’usage des mouvements naturels. Les archétypes du corps reflètent et influencent les archétypes de la vie de chaque personne. Pour elle, le corps humain a des multiples dimensions: énergétique, physique, émotionnelle, mentale et spirituelle. La deuxième étape est un outil pour libérer la créativité collectivement pensée en lien avec les Cycles RSVP. Cette méthode de Cycles RSVP a été développée par son mari Lawrence Halprin dans les années 70 pour le projet Circle the Earth afin que chaque participant amène son vécu et histoire de vie dans le projet. Les Cycles RSVP se basent sur quatre principes: R parle de ressources (matériaux à disposition), S en anglais Scores représente les partitions comme celles de musique, V parle de de la valeur des actions (plus spécifiquement l'appréciation, le feedback et la valeur qui accompagne le processus de création), alors que P vient de Performance ou l'implémentation des partitions. Deborah Hay ``What my body can do is limited. This is not a bad thing because how I choreograph frees me from those limitations. Writing is then how I reframe and understand the body through my choreography.” — Deborah Hay Deborah Hay est danseuse, chorégraphe, écrivaine et enseignante. Son travail se concentre sur des projets de danse postmodernes impliquant des danseurs non formés, un accompagnement musical fragmenté sur des mouvements ordinaires exécutés sous la forme des partitions. Elle est l'une des fondatrices du Judson Dance Theater- collectif de danseurs, compositeurs et artistes visuels qui se sont produits entre 1962 et 1964, à la Judson Memorial Church à Greenwich Village en Manhattan. Les artistes impliqués dans ce collectif sont reconnus pour avoir déconstruit la pratique et la théorie de la danse moderne. Sur son site, Hay décrit l’influence de ses débuts dans la compagnie de Merce Cunningham. Lors d’une tournée au Japon en 1964, elle rencontre le théâtre Noh et incorpore dans sa pratique l'extrême lenteur, le minimalisme et la suspension des mouvements dans sa chorégraphie post-Cunningham. En 1966, Hay et d'autres artistes travaillent avec les experts en informatique des Bell Labs, dans des performances collaboratives intitulées ``Evenings: Theatre and Engineering”. Lors de cette collaboration, elle participe à la performance : ``Studies in Perception 1” de Ken Knowlton et Leon Harmon. Une image de Hay, nue allongée avec l’un de premiers ordinateurs de Bell, est alors imprimée dans le New York Times puis exposée lors de l'une des premières expositions d'art informatique - ``The Machine as Seen at the End of the Mechanical Age” au Museum of Modern Art de New York à la fin de l’année 1968. Après ces expériences, elle quitte New York pour s’installer à Vermont en 1970. Éloignée du monde de l'avant-garde artistique new-yorkaise, elle crée``Ten Circle Dances”- une pièce jouée dix soirs consécutifs sans public. Son premier livre,``Moving Through the Universe in Bare Feet (1975)”, contient ses observations tirées de cette expérience. Puis en 1976, Hay déménage du Vermont à Austin, au Texas, où elle commence à développer un ensemble de pratiques chorégraphiques autour du concept intitulé``playing awake” ( jouant éveillée) qui engageaient l'interprète à plusieurs niveaux de perception à la fois. Cette méthode chorégraphique a été d’abord enseignée lors des ateliers pour des interprètes et danseurs non formés, donnant suite à des performances publiques par la suite. Son deuxième livre, “Lamb at the Altar: The Story of a Dance” (1994), documente le processus créatif utilisé lors de cette période. Dans les années 1990, Deborah Hay se concentre presque exclusivement sur des danses solo, développées avec des principes de``playing awake”- sa méthode chorégraphique expérimentale. Ces œuvres comprennent``The Man Who Grew Common in Wisdom” (1989),``Voilà” (1995),``The Other Side of O” (1998), transmises ensuite à des interprètes renommés aux États-Unis, en Europe et en Australie.``My Body, The Buddhist”, son troisième livre, est publié par la suite à Wesleyan University Press en 2000. Ce livre contient ses réflexions sur le bouddhisme et les leçons qu'elle a apprises en portant une attention particulière à son corps pendant qu'elle dansait. Le concept de``mémoire cellulaire” est également décrit dans son livre. Dans sa thèse``Dance in the light of neuroscience : sharing the experience of Deborah Hay's performance : her work and reflections”, Gabriela Karolczak par du postulat que la danse est une expérience partagée entre un danseur et un spectateur, enracinée dans le mécanisme neurologique des neurones miroirs. Pour elle, les problèmes liés aux neurosciences de la danse visent la validité écologique des expériences vécues. Le travail de Hay, la façon dont elle témoigne de ses observations empiriques à travers les décennies de sa pratique, nous rendent des participants actifs de ses questionnements et du soulagement offert par cette pratique. D’ailleurs le credo artistique de Hay est défini de façon suivante: ``Without it being my intention, dance has become a medium for the study and application of detachment. Actually, I prefer the term dis-attachment because it implies a more active role in letting go. The balance between loyalty and dis-attachment to that loyalty, sensually and choreographically, is how the practice of dance remains alive for me.”- December 2010 \subsection{Notations de danse}\label{sec:elements-basiques} Comme l'affirme Violeta Salvatierra dans sa thèse, outre les pratiques somatiques et l'improvisation dansée, un troisième champ de ressources pour les savoirs gestuels de cette thèse, est celui de l'analyse du geste: ``Également nommée``approche qualitative de l'analyse du mouvement” (j'utiliserai ces deux expressions indistinctement), l'analyse du geste a été développée par Hubert Godard, Odile Rouquet et d'autres danseur·ses en France depuis les années 1980, et partage des racines communes avec les techniques somatiques, dont elle se nourrit. Elle regroupe également des savoirs en biomécanique et en anatomie du mouvement humain, en relation avec des savoirs pédagogiques. Elle est historiquement reliée à la constitution de la discipline de l’analyse fonctionnelle du mouvement du corps dansé (dérivée de celle antérieurement connue sous l’appellation de``kinésiologie de la danse”), et travaille, comme les méthodes somatiques, avec lesquelles elle partage de nombreux enjeux, sur la plasticité sensorimotrice et sur la capacité de moduler les différents paramètres qui colorent la qualité expressive du geste.” Avant l’apparition du numérique, archiver la danse par écrit a été une manière de garder intacte le patrimoine culturel de chaque époque. Si le mouvement humain partage avec la musique les caractéristiques propres à cette dernière - hauteur, force, durée, rythme- l’expression corporelle comporte en plus un aspect tridimensionnel particulièrement difficile à rendre en deux dimensions. Bien que la danse s’écrit et se lit sur des partitions depuis le Moyen ge, le XXe siècle a apporté de l’innovation dans ce domaine. Pour décrire la fluidité du mouvement, déterminer sa durée et sa dynamique dans l'espace, ainsi que les singularités de l'interprète, les chorégraphes et chercheurs ont recours à des systèmes de notation plus complexes. Ainsi les plus connus outils d'analyse et de transcription de la danse traduisent les mouvements de manière spécifique en utilisant des notations musicales et des silhouettes, des symboles abstraits, des lettres ou des abréviations. Leur objectif est d’améliorer et répertorier les performances dansées dans la culture occidentale. \subsection{La notation Laban }\label{sec:elements-basiques} Le système de notation Laban, appelé aussi la cinétographie Laban, est un système d’écriture et d’analyse du mouvement du corps humain publié en 1928 par le chorégraphe et pédagogue hongrois Rudolf Laban. Selon Goddard, “l’impuissance à saisir par notre organisation linguistique le sens profond du mouvement “ a amenée laban vers la mise au point de son système de notation. Sous le nom de Laban Movement Analysis, il développera ultérieurement la choreutique (harmonie du corps dans l'espace) et l'eukinétique (étude de la dynamique du mouvement)- opposant “pensée motrice et pensée en mots”. Les principaux symboles de ce système sont les signes de direction avec leur durée et orientation, classifiés en formes et motifs pour déterminer la partie du corps concernée par le mouvement. Le placement des signes sur la portée donne la simultanéité des mouvements (lecture horizontale) et leur succession (lecture verticale). Les distances, les relations avec des partenaires ou avec des objets, les micro-mouvements ou encore le dessin des déplacements au sol sont indiqués par des signes spécifiques. Laban définit également la kinésphère comme un espace imaginaire personnel placé autour de la personne et accessible directement par ses membres, jusqu'au bout des doigts et des pieds tendus dans toutes les directions. Ainsi les changements de forme peuvent être statiques (changements de postures) ou dynamiques- ce qui définit ensuite la notion de qualité de la forme, comme la manière dont le corps évolue activement d'un point à un autre de l'espace. Ce concept est étroitement lié à la qualité perçue du mouvement, concept clé dans les analyses de mouvement. \subsection{La notation Benesh}\label{sec:elements-basiques} Apparu à Londres en 1955 sous le nom de Benesh Movement Notation, ce système de notation a été créé par Rudolf Benesh, musicien et mathématicien. Ainsi l’objectif de la notation Benesh est de codifier de façon concise par l'écriture tous les mouvements possibles du corps humain - à la manière d'une partition de musique. Autre que l’analyse de mouvement chorégraphique, cette notation sera utilisée conjointement dans le domaine de l’ergonomie, de la médecine et de l’anthropologie de la danse. Parmi autres un projet pilote, réalisé avec le Centro di Educazione Motoria de Florence en 1967 où la notation Benesh permet d’analyser les déficiences musculaires, contribue au traitement des enfants souffrant de paralysie cérébrale. Ensuite des physiothérapeutes basés en Suède et au Japon étudieront et exploiteront le potentiel de la notation comme outil d’observation clinique et d’analyse pour le suivi des patients. Cependant la notation Benesh est principalement utilisée comme outil d 'enregistrement des créations chorégraphiques. La maîtrise de la grammaire pour l’analyse du mouvement est claire et simple: lu de haut en bas, les cinq lignes du cadre de notation coïncident avec les positions de la tête, des épaules, de la taille, des genoux et des pieds. \subsection{La notation Eshkol-Wachman}\label{sec:elements-basiques} La notation de mouvement Eshkol-Wachman est un système d'enregistrement de mouvement développé en Israël par la chorégraphe Noa Eshkol et l'architecte Abraham Wachman. Apparu en 1958, ce système a été créé pour la danse, afin de permettre aux chorégraphes et aux danseurs de reconstituer tout type de mouvement de danse contemporaine dans son intégralité. En comparaison avec la plupart des systèmes de notation et analyse de mouvement, Eshkol-Wachman est destinée à noter n'importe quel type de mouvement, sur papier ainsi que sur l’ordinateur. Grâce à cela, il est utilisé dans de nombreux domaines, notamment la danse, la médecine ou l’éthologie. Des observations psychomotrices, cognitives et socio-émotionnelles en lien avec l'apprentissage de ce système, ont encouragé les chercheurs à mettre en place des études pilote quant à leur impact sur des phénomènes de coordination de mouvement (citer art EShkol) qui pourraient servir comme moyen de détection des formes d’autisme.(citer art EShkol) Selon son fondateur, Noa Eshkol ce système est également un outil d'apprentissage qui peut aider les gens à regarder differement le mouvement: “Eshkol-Wachman Movement Notation is a thinking tool that can teach people the art of observation, i.e. encourage them to aspire for the ultimate level of seeing. It does so by organizing the ‘material’ known as movements of the human body in relatively simple categories, thereby allowing us an insight (in-sight) into the complexity of this phenomenon as a whole.” Ainsi, dans la notation Eshkol-Wachman le corps est divisé en articulations où chaque paire d'articulations définit un segment de ligne. Chaque système articulé des axes tient compte des relations spatiales et des changements de relations entre les parties du corps. Le résultat est un processus analytique, entre le corps, l’espace et le temps dans un référentiel sphérique où les directions et les trajectoires de chaque partie du corps sont répertoriées. Quand une extrémité d'un segment de ligne est maintenue dans une position fixe, ce point est le centre de la sphère dont le rayon est la longueur du segment de ligne. Les positions de l'extrémité libre sont définies comme deux valeurs de coordonnées sur la surface de cette sphère, analogues à la latitude et à la longitude d’un globe mais écrites sous la forme des fractions avec le nombre vertical écrit au-dessus du nombre horizontal. \subsection{Tableaux} \label{sec:sous-sec-1} \begin{table}[h!] \centering \footnotesize \begin{tabular}{|l|l|l|} \hline Type & Entete de colonne & Entete de colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline toto & une colonne & une colonne \\ \hline \end{tabular} \caption{Un tableau basique.} \label{table:implementation-list} \end{table} \begin{table}[h!] \centering \footnotesize \arrayrulecolor{tablerulecolor} \rowcolors{2}{}{tablerowcolor} \begin{tabular}{|l|l|l|} \arrayrulecolor{black} \btrule{1pt} Type & Entete de colonne & Entete de colonne \\ \btrule{0.7pt} toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ toto & une colonne & une colonne \\ \btrule{1pt} \end{tabular} \caption{Un tableau avec des couleurs (couleurs predefinies dans preambule.tex).} \label{table:implementation-list} \end{table} \subsection{Paragraphes} \paragraph*{Un paragraph d'example} Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. 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Une réference affichant seulement l'indice de l'élément ciblé~: \ref{sec:elements-basiques} ou encore vers \ref{chap:tire-chapitre}. \subsection{Citations} Un site web \cite{3DAnimationPipeline2019}, un live \cite[12]{adamsGameMechanicsAdvanced2012}, un papier \cite{allyFrameworkUnderstandingFactors2005}, une thèse \cite[10]{george-mollandCollaborationAuCoeur2007}, un film \cite{blomkampAdamMirror2017} \subsection{Glossaires} Voici un exemple d'acronyme \gls{bdd} et de glossaire \gls{dataflow} définis dans \verb|glossaire.tex|. Au deuxieme appel, les acronymes gardent leur formes courte, par exemple : \gls{bdd}. La définition des termes du glossaires apparait en footnote à leur première utilisation. Pour désactiver ce comportement, mettre la propriété \verb|enablef| à \verb|true|. Exemple avec \gls{mastering}. \subsection{Figures} \begin{figure}[h!] \centering \includegraphics[width=3cm]{example-image-a} \caption{Une figure simple.} \end{figure} \begin{figure}[h!] \centering \begin{subfigure}[b]{0.40\columnwidth} \centering \includegraphics[width=3cm]{example-image-a} \caption{Sous figure 1} \label{subfig:sr-iteration-1} \end{subfigure} \hspace{1mm} \begin{subfigure}[b]{0.40\columnwidth} \centering \includegraphics[width=3cm]{example-image-a} \caption{Sous figure 2} \label{subfig:sr-iteration-2} \end{subfigure} \vspace{2mm} \caption{Une figure contenant plusieurs sous-figures.} \end{figure} %\begin{figure}[h!] % \centering % \includesvg[inkscapelatex=false, width=5cm]{svg_sample.svg} % \caption{Une figure basé directement sur un fichier SVG.} %\end{figure} \chapter{Perception du corps et du mouvement dans la robotique} \textit{Affective schemas remain unconscious when not matched with accommodation.} J. Piaget 2.1 Approche cognitiviste pour la compréhension du corps 2.1.1a Types de cognition Pour témoigner de la difficulté de nommer les termes qui concernent ce chapitre, et les appartenances que chaque auteur réclame, nous introduisons la définition de l’artiste Simon Penny qui dans son anthologie Making sense: cognition, computing, art and embodiment, énumère les quelques définitions en lien avec la cognition : “Confusion arises when discussing cognition, because several schools of thought have quite different interpretations. As noted in part I, the autopoietic conception of cognition is incompatible with the cognitivist conception (which is derived from Anglo-American analytic philosophy, though ana­lytic philosophers have accused cognitivists of being a bit sloppy). Continen­tal philosophers (phenomenologists) draw distinctions differently. When Lakoff and Johnson talk about the cognitive unconscious, their conceptions of the conscious and unconscious diverge from Freudian ideas. One reason for this confusion of terminology is precisely the condition of the paradigm shift itself. Neologisms (some of them clunky) and borrowings from other languages abound because existing language is built around dualist concepts. New language is needed. Maturana and Varela coine autopoiesis. Gibson invented affordance. Likewise umwelt and enactivim and other terms are now part of a new vocabulary.”(Penny Making sense P. 195) Au début du XXe siècle, entre un vision matérialiste et son contrepoids marqué par le dualisme corps-esprit, des chercheurs tels Raymond Ruyer (citer papier Ruyer) ou Bergson (citer matière et mémoire) expliquent l’activité cognitive par la réalité physiologique du cerveau et son lien avec le corps. Ainsi Ruyer affirmait que “c’est du cerveau réel, de sa subjectivité, que naissent les sensations”, alors que pour Bergson le cerveau est un instrument en relation avec le corps (citer Andrieu) dont le mouvement est compris par la mécanique. Toujours pour Ruyer: “Le cerveau n’est pas un instrument, une machine à fabriquer la conscience, la subjectivité. Comment une machine le pourrait-elle? Tout l’organisme est, en soi, subjectivité. Le cerveau est un instrument à transporter, appliquer la conscience primaire de l’organisme à la tâche d’organisation du monde extérieur…le cerveau est le lieu de l’organisme par où passent les circuits externes, la fabrication des outils et des machines, la création des oeuvres d’art, des institutions sociales, l’organisation et l’entretien de tous les produits de la culture. Le cerveau est en nous comme une partie embryonnaire conservée. (...) Le “je” psychologique et cortical est le résultat d’un devenir mais second car il côtoie l’organique de sa mémoire corporelle. Cette coexistence est une intégration plutot qu’un emboîtement, car l’activité de la conscience ne peut être séparée de son tissu vivant, se définissant ainsi comme une conscience sensorielle” (citer Andrieu p.10) Dans notre contexte spécifique, cette conscience du corps, de son vécu immanent continent un savoir non-réfléchi et involontaire qui peut se cultiver par des pratiques somatiques et d’éveil corporel. Notre démarche est d’attribuer au mouvement une place primordiale dans la constitution de la conscience et de l’être en général. La theorie 4E de la cognition (The 4E cognition theory) %https://www.researchgate.net/publication/280447321_Introduction_to_the_Special_Issue_on_4E_Cognition Nous présentons le concept de cognition sous l’angle de la théorie 4E dont les débats actuels se concentrent sur le lieu où se trouve la cognition et son lien avec la perception et l’action.Une des prémisses de cette théorie est que l’activité perceptive-motrice est constitutive pour la cognition (citer). La théorie 4E de la cognition défend l’hypothèse selon laquelle la cognition est plus qu’un modèle cartésien d’opération dans le cerveau. L’idée que le cerveau est similaire à un ordinateur, promeut les phénomènes cognitifs entièrement déterminés par leur rôle fonctionnel. Cependant dans la théorie 4E de la cognition, les phénomènes cognitifs sont étudiés en lien avec leur environnement. Des processus comme les détails biologiques et physiologiques du corps d’un agent, définies comme des processus extra-crâniens, sont analysés dans son environnement naturel actif. Cela donne suite à deux hypothèses d’analyse: selon l’hypothèse forte, les processus cognitifs sont essentiellement produites lors des processus extra-crâniens ; alors que pour l’hypothèse faible, ils y sont seulement à moitié résultats des processus extra-crâniens. Ces processus extra-crâniens sont à leur tour corporels (selon la dichotomie cerveau-corps) ou extracorporels (impliquant un couplage cerveau-corps-environnement). Le livre offre des précisions concernant les caractéristiques centrales de la théorie 4E, basée sur: la cognition incarnée ou incorporée (embodied), la cognition ancrée (embedded),la cognition énactée (enacted) et la cognition étendue (extended). Dans les prochaines pages, un sub-chapitre de notre étude porte sur la cognition incarnée, dont les désaccords entre les comportementalistes et les cognitivistes, la situent au cœur des débats en neurosciences. Dans notre contexte, cette propriété de la cognition d’être incorporée signifie être causalement dépendante de processus extracorporels qui ont lieu dans l’environnement proche du corps. Un autre sous-chapitre traite de l’enaction, vue par le neurologue Francesco Varela comme thèse sur la continuité entre la vie et l’esprit. L’approche traditionnelle de la cognition se concentre sur les processus neuronaux, alors que la théorie de la cognition 4E vise plutôt l’action incarnée dans le corps. Cette théorie amène des nouvelles façons d’intégrer la complexité des phénomènes cognitifs. Ces phénomènes sont étudiés sous un angle physiologique, suivant les avancements dans plusieurs domaines connexes. Dans son introduction au livre dédié à cette théorie (cite Menary), la position intégrationniste du philosophe Richard Menary offre une nouvelle contribution à l’approche incarnée et intégrée. Pour lui, les systèmes cognitifs fonctionnent grâce à l’intégration des fonctions neuronales et corporelles avec les fonctions de représentation. Cognitivisme La théorie 4E de la cognition marque également une rupture avec la vision traditionnelle du cognitivisme- centrée autour de représentations et calculs mentaux. Ce courant apparu dans les années 1950 a été promu entre outre par les recherches de Jean Piaget sur la biologie du développement et sur les découvertes en cybernétique, établie comme alternative à une science de l’esprit selon Varela: “The central intuition behind cognitivism is that intelligence—human intelligence included—so resembles computation in its essential characteristics that cognition can actually be defined as computations of symbolic representations. Clearly this orientation could not have emerged without the basis laid during the previous decade. The main difference was that one of the many original, tentative ideas was now promoted to a full-blown hypothesis, with a strong desire to set its boundaries apart from its broader, exploratory, and interdisciplinary roots, where the social and biological sciences figured preeminently with all their multifarious complexity.” (Varela P. 40) Les modèles théoriques et pratiques inspirés par cognitivisme, comme le constructivisme, placent les mécanismes de construction active des savoirs et l’apprentissage au centre de leur préoccupation. A son tour, le cognitivisme hérite des approchés précédentes la préoccupation pour le comportement, à la place des processus internes de cerveau, comme processus d’acquisition de savoirs. Un des questionnements du cognitivisme est de démontrer comment les états intentionnels qui ont des propriétés causales (désirs, intentions), sont physiquement possibles et capables de provoquer un comportement. Pour expliquer cela, Valera utilise la notion de calcul symbolique où les calculs sont définis comme opérations sur des symboles qui respectent ou sont contraints par ces valeurs sémantiques. Cependant il souligne qu’un ordinateur ne fonctionne que sur la forme physique des symboles qu’il calcule; il n’a pas accès à leur valeur sémantique. Avec le temps, l’idée que la logique ne suffit pas pour simuler et comprendre le fonctionnement du cerveau, dont le fonctionnement est distributif, a fait émerger de points de vue contradictoires sur le cognitivisme. Dans le livre “4E Cognition: Historical Roots, Key Concepts, and Central Issues”, Albert Newen, Shaun Gallagher, and Leon De Bruin offrent une perspective globale de la théorie 4E de la cognition. Leur chapitre “Brain–Body–Environment Coupling and Basic Sensory” explore le concept d’intentionnalité propre à cette approche. Ainsi, l’hypothèse selon laquelle la perception est orientée vers l’action, conduit à considérer l’intentionnalité motrice comme facteur qui la facilité : “The notion that perception is action-oriented leads to a consideration of a very basic motor intentionality —a concept that derives from phenomenology (e.g., Merleau-Ponty 2012), but that can also be found in pragmatists such as John Dewey. As Robert Brandom notes, citing Dewey, the “most fundamental kind of intentionality (in the sense of directedness toward objects) is the practical involvement with objects exhibited by a sentient creature dealing skillfully with its world” (2008, p. 178). This captures a form of intentionality that is built into skillful bodily movement in tandem with environmental demands.” Pour nous, ce genre d’intentionnalité qui ne part pas le résultat d’un processus mental, est représentatif pour l’état d’intentionnalité de geste dansé, mais aussi des robots. Alternativement, la notion d’incarnation, telle qu’elle est définie dans la théorie 4E, nécessite un couplage complexe entre le cerveau, le corps et l’environnement. Ce couplage est la base de tout système robotique où les processus internes sont en lien direct avec l’environnement. Le role de l’affecte Le concept d’affecte est également au cœur des études sur la cognition dans la théorie 4E où l’émotion est vue comme une affectivité située. Dans cette acceptation, la cognition n’est pas un processus quantifiable, similaire à un modèle informatique. L’affect nécessite une conception incarnée et située de la cognition. Les processus empathiques de la petite enfance ou les situations sociales sophistiquées qui caractérisent l’âge adulte, donnent une dimension plus complexe à ce phénomène. Ainsi nous remarquons que ce n’est pas seulement le sentiment conscient d’émotion qui est important. Les processus affectifs inconscients comme la faim ou la fatigue, la douleur ou le plaisir jouent un rôle tout aussi important, et peuvent biaiser la perception. De façon similaire, la chercheuse Branka Zei Pollermann introduit “le modèle unifié de cognition” basé sur les théories de Jean Piaget, Ludwig von Bertalanffy et Louis J. Prieto . Ce modèle stipule que les espaces affectives (affected spaces) facilitent des comportements adaptatifs lors des processus cognitifs. La théorie générale des systèmes trouve aujourd’hui de multiples applications. La modélisation des organismes humains, appelés comme “systèmes ouverts” par Ludwig von Bertalanffy , intéresse les roboticiens également et nous allons détailler cela dans les prochaines pages. L.J Prieto (1975) base sa théorie autour du concept de praxis (vu comme action intentionnelle) et la façon dont cela structure la cognition. Il identifie “une caractéristique qui semble apparaître toujours dans la connaissance scientifique et qui ne se retrouve pas, en revanche, dans la connaissance non scientifique, à savoir l’explicitation des concepts avec lesquels la connaissance en question opère.” Alors que Jean Piaget identifie deux concepts-clé pour caractériser l’interaction des systèmes dites intelligentes avec l’environnement. Le premier est le concept d’ assimilation des schémas de comportement préexistant et l’autre le concept d’adaptation- considéré comme moment d’équilibre entre deux états, évoquant un sentiment de plaisir si cet équilibre atteint. Selon la théorie de Piaget, l’intelligence humaine se développe avec l’âge passant par plusieurs étapes parmi lesquelles: l’intelligence logico-mathématique, musicale, spatiale, corporelle-kinesthésique, interpersonnelle et ainsi de suite. Le chercheur Olivier Houdé, specialiste en developpement cognitif, complète cette théorie (citer Houdé), en situant trois phases de l’intelligence humaine modélisés dans des algorithmes: l’intelligence sensori-motrice (avant 6 ans), l’intelligence opérationnelle concrète tel comme définie par Jean Piaget (entre 7 et 12 ans) et l’intelligence propre à la résistance cognitive, nommé intelligence opérationnelle formelle (de l’adolescence à l’âge adulte) permettant le raisonnement scientifique et l’ apprentissage des valeurs et normes sociales. Dans son analyse “A unified model of cognition, emotion and action”, Pollermann montre comment le comportement adaptatif d’un système est défini par sa capacité de correspondre aux cinq critères suivants: “A.sentir l’environnement externe et interne, interpréter puis stocker l’information B. utiliser la mémoire et les signaux perceptives pour décider C. réguler les ressources internes( pour les humains il s’agit d’ ajustements au niveau somatique et neuroendocrin) D. transformer les actions choisies en modèles de comportement E. evaluer le rendu (perception, procession de l’information et mémoire)” De façon analogique, ces critères correspondent à des propriétés des émotions, caractérisées par des attributs comme la valence (critère A et E via des stimuli extérieurs), la capacité d’activation (critère C et D, selon les feedback de sous-systèmes) et la potence (correspondant au critère B). Plus loin en parlant des émotions, Pollermann cite le neuropsychologist Douglas Watt pour qui lorsque les paramètres de base dépassent les variations connues, l’état est ressenti et interprété comme émotionnel: “When internal physiological states are outside a desirable range, both visceral sensations and action dispositions are activated.” Les auteurs se questionnent également sur le rôle des représentations mentales concernant cette théorie. Dans les années 1990, Varela, Thompson et Rosch écrivent “The Embodied Mind- Cognitive Science and Human Experience” pour faire un état de lieu des caractéristiques des sciences cognitives, plus précisément la façon dont le cerveau, le corps et l’environnement sont intégrés dans la cognition. Ils lient l’avènement de cette discipline à celle de la cybernétique, en lui associant plusieurs découvertes qui ont influencé à leur tour d’autre domaines parmi lesquelles nous mentionnons: l’utilisation de la logique mathématique pour modéliser le système nerveux en neuroscience, l’invention des machines et algorithmes pour traiter de l’information et définir une intelligence artificielle, des mises en pratique de la théorie des systèmes en ingénierie par la théorie du contrôle en robotique, les premiers exemples de systèmes auto-organisés, etc. Concernant les prochaines étapes dans les sciences cognitives, les approches et directions sont différentes selon le modèle théorique qu’elles réclament comme point d’origine. Lors des dernières décennies, ces disciplines ont suscité beaucoup de débats entre les prises de position fonctionnelles des neurobiologistes qui ignorent le rôle du corps et les phénoménologues et philosophes qui visent le vécu expérientiel. La théorie de 4E est vue par la communauté scientifique comme la plus récente tentative de structurer ces approches et renouveler les avancées théoriques du début de XXe siècle. C’est également important de remarquer le fait que ces nouveaux paradigmes et concepts ont également engendré l’apparition des nouvelles disciplines comme la philosophie de l’esprit (de l’anglais : philosophy of mind) dont la question centrale est la relation entre corps et esprit et leur ancrage dans l’environnement, ou la philosophie des sciences (de l’anglais : philosophy of mind) qui étudie la nature même de l’activité scientifique et ses spécificités et l’épistémologie (du grec épistemos-”science” et logos “ discours”), dont l’objet est l’analyse critique d’une science en particulier, du point de vue de son évolution, sa valeur, et sa portée scientifique et philosophique. C’est également important de mentionner leur impact sur des disciplines connexes, tels les études sur la conscience, dont les débats et arguments ont suivi de pret ceux sur la cognition. 2.1.1b Types de conscience Souvent nous disons qu’un organisme vivant est conscient lorsqu’il est éveillé. Quelle sera alors le qualificatif pour les robots ou d’autres types d’organismes artificiels? Nous partons de l’hypothèse que pour les organismes vivants, chacun a son propre ressenti concernant la conscience. Si pour l’intelligence, des propriétés tels : calcul mental, apprentissage et mémoire arrivent à mieux définir ses propriétés, nous avons vu plus haut que pour la conscience ce qui est important c’est l’expérience subjective immédiate- le qualia. En parallèle avec l’intelligence, des processus comme la perception et la motricité sensorielle, la capacité de prédire l’environnement ou de témoigner des comportements complexes, structurent notre imaginaire autour de cette notion. Étant donné l’imprécision des concepts et la multiplicité des points de vue selon les disciplines, il semble peu probable que nous nous mettions d’accord sur une seule définition de la conscience dans notre étude. Ce qui nous intéresse cependant est de comprendre dans quelle mesure le dualisme corps-esprit et le matérialisme trouvent un écho dans l’exercice artistique que nous imaginons Cet exercice prend appui sur plusieurs concepts propres à chaque vision (dualiste ou moniste) dans une tentative de les homogénéiser. Puisque les débats sur la conscience, comme ceux sur la cognition se heurtent toujours à des questions de définition, nous allons tenter définir ce terme selon différentes disciplines. La plus importante est la vision neuroscientifique et neurobiologique du terme. Pour cela nous nous appuyons sur la littérature (citer livre Firston et art Anil Seth). Selon les critères que les chercheurs emploient, il existent différentes propriétés de la conscience. Un premier critère est celui du niveau de conscience, propre aux créatures vivantes- ce niveau varie entre plusieurs étapes parmi lesquelles les états végétatifs, les états de sommeil sans rêve et l’état d’éveil conscient vif)/. Le deuxième est de se concentrer sur le contenu de la conscience et ainsi avoir une connaissance réflexive de son propre état mental. Si pour les créatures vivantes, il existe des sortes de “stimuli autoréférentiels” (citer paper vanhaudenhuyse) (comme le fait de suivre son reflet dans le miroir) pour détecter son propre niveau de conscience, pour les machines ce phénomène n’a pas encore pu être implémenté. L’article (citer paper vanhaudenhuyse) propose un schéma qui détaille la corrélation entre le niveau d’éveil et la conscience de soi et de l’environnement. Ainsi nous apprenons qu’il existe des variations entre l’état végetatif (propre aux patients réveillés d’une coma sans état de conscience détectée)caractérisé par des mouvements réflexes, et l’état de conscience minimale ou le patient est capable de comportements incohérents mais reproductibles et soutenus, montrant de signes clairs de conscience de leur environnement et d’eux mêmes. Plus loin les auteurs font la distinction entre la conscience et la conscience de soi, en listant les propriétés de la conscience de soi: “ la conscience qu’il existe d’autres consciences que la nôtre; notre capacité de répondre adéquatement à des stimuli de l’environnement; notre aptitude à reconnaître notre corps comme étant lenôtre; la métaconscience nous permet de comprendre nos comportements et ceux des autres en terme de désirs etcroyances; la connaissance que nous avons de nous-mêmes comme le narrateur de notre propre vie” (paper vanhaudenhuyse p.529) Cependant lorsque identifiés grâce à la neuro-imagerie fonctionnelle, les processus autoréférentiels semblent présents seulement lors des états d’éveil actif. Dans la même mesure, lors des états de conscience altérés dont l’évolution n’est pas linéaire, le rapport à l’environnement est déterminant. Nous nous demandons alors quelle analogie appliquer sur notre étude de cas ? Il existe ensuite un autre type de classification selon la nature phénoménologique de la conscience et son accessibilité, suivant les recherches du philosophe Ned Block qui différencie la conscience phénoménologique (comment une certaine expérience est perçue par le sujet) de celle définie comme conscience d’accès (disponible pour des processus cognitifs comme le langage). Block décrit les deux de la façon suivante: "Phenomenal consciousness is experience; the phenomenally conscious aspect of a state is what it is like to be in that state. The mark of access-consciousness, by contrast, is availability for use in reasoning and rationally guiding speech and action." (citer Block) Ainsi la conscience phénoménale résulte d’expériences sensorielles et de notre perception mélangeant de sensations comme l’ouïe ou l’odorat, des sensations type douleur ou perceptions type proprioception, ainsi que des émotions tel la peur, parmi autres. A l’opposée, la conscience d’accès est disponible pour une utilisation dans le raisonnement et pour le contrôle conscient direct de l’action et de la parole. Pour Block, la « rapportabilité » de la conscience d’accès est d’une grande importance pratique. Selon lui, la conscience d’accès doit être « représentative » car seul le contenu représentatif peut figurer dans le raisonnement. Des exemples de conscience d’accès sont les pensées, les croyances et les désirs. Une conséquence directe de cette classification de Block qui divise la conscience en deux types, est le fait de considérer l’esprit comme résultant de processus fondamentalement logiques et ainsi modélisable d’un point de vue algorithmique. Cette vision computationnelle de l’esprit implique également que la conscience peut être modélisée par un programme informatique. Pour détailler, sa tentative de décrire une certaine conscience comme une conscience phénoménale ne peut pas réussir à identifier une catégorie distincte d’états conscients. Comme mentionné ci-dessus, Block estime que la conscience phénoménale et la conscience d’accès interagissent normalement, mais il est possible d’avoir une conscience d’accès sans conscience phénoménale. En particulier, Block croit comme Dennet que les zombies (entendu ici comme des androïdes) sont possibles et qu’un robot qui est de point de vue informatique identique à une personne, pourrait exister tout en n’ayant aucune conscience phénoménale. Cependant à la différence de Dannet, Block affirme qu’il existe des expériences conscientes difficilement traduisibles par des algorithmes. Pour lui, l’existence de ces expériences relève « du problème difficile » de la conscience. Parmi les théories des sciences cognitives qui identifient les états psychologiques à des processus neurophysiologiques, la théorie de l’identité esprit-cerveau est apparue dans les années 1960. Pour les partisans de cette hypothèse, les états mentaux et les états du cerveau sont numériquement identiques. L’idée que les pensées et notre esprit résident exclusivement dans des processus neurophysiologiques étant une perspective naturaliste, les neurosciences nous permettent de comprendre en quoi certaines structures et certains processus neurophysiologiques du cerveau sont prédictibles par des machines. Cependant, les phénomènes mentaux sont multiples et chaque individu les traduit différemment dans sa personnalité. Nos perceptions, sensations, désirs, et croyances sont influencés par notre contexte socio-culturel. Pour les anticiper par des prédictions, les scientifiques doivent faire appel à d’ autres méthodes et théories. Un courant dérivé de cette théorie de l’identité esprit-cerveau est l’instrumentalisme, mis en place par le philosophe et penseur Daniel Dannett. Cette théorie considère les modèles scientifiques comme des instruments, nous permettant d’analyser et modéliser les phénomènes pour ensuite les devancer par des prédictions. Ses positions concernant le libre arbitre et la conscience ont suscité beaucoup de controverses. Ainsi dans son livre “Consciousness Explained” (1991) il explique comment la conscience est le résultat des processus cognitives et physiologiques dans le cerveau. Son analogie de la conscience vue comme un article académique coécrit par une poignée de scientifiques explique comment plusieurs processus mentaux peuvent exister simultanément dans le cerveau, sans forcément se connaître l’ un l’autre. Ce principe correspond à un état où plusieurs brouillons coexistent simultanément et indépendamment de chaque contribution- attestant l’existence du papier principal. En extrapolant ces principes au terme de conscience, il nie cependant l’existence de qualia, vu comme expérience subjective directe et personnelle. Des philosophes tels John Searle ont suggéré qu’il y a quelque chose de fondamental dans l’expérience subjective qui ne peut pas être capturé par les programmes informatiques conventionnels. Dans une de leurs correspondances, Searle réponds à ses arguments de la façon suivante: “To make explicit the differences between conscious events and, for example, mountains and molecules, I said consciousness has a first-person or subjective ontology. By that I mean that conscious states only exist when experienced by a subject and they exist only from the first-person point of view of that subject. Such events are the data which a theory of consciousness is supposed to explain. In my account of consciousness I start with the data; Dennett denies the existence of the data. To put it as clearly as I can: in his book, Consciousness Explained, Dennett denies the existence of consciousness. He continues to use the word, but he means something different by it. For him, it refers only to third-person phenomena, not to the first-person conscious feelings and experiences we all have. For Dennett there is no difference between us humans and complex zombies who lack any inner feelings, because we are all just complex zombies.” Un des arguments le plus fameux que Searle avance dans leur débat est celui appelé the ‘Chinese Room Argument’, où une personne enfermée dans une chambre communique avec l’extérieur en chinois, sans comprendre les symboles chinois. Ce fonctionnement est similaire aux algorithmes de traduction qui exécutent des équivalences entre des mots, sans saisir leur sens. The hard problem of consciousnes Dans son article, “Facing Up to the Problem of Consciousness” le philosophe David J. Chalmers affirme qu’il n’y a pas qu’un seul problème lorsque nous essayons de définir la conscience. Pour lui il s’agit d’un terme ambigu en référence à des phénomènes différents, et propose de diviser les objectifs en deux catégories- le problème facile de la conscience et le problème difficile de la conscience. Le problème facile de la conscience continent les hypothèses qui pourront trouver leurs solutions dans l’avenir immédiat- notamment les processus neurophysiologiques dans le cerveau et l’intelligence sensorielle du corps qui donnent accès à des explications des capacités et des fonctions cognitives. Chalmers illustre les phénomènes qui correspondent à cet état. Pour lui un état mental est conscient lorsqu’il est décrit par des mots, ou lorsqu’il est accessible comme ressenti interne. Un système est conscient de certaines informations lorsqu’il traite et intègre cette information, puis modifie son comportement en conséquence. De la même façon, une action est consciente quand elle est délibérée. Alors que le problème difficile de la conscience atteste de l’incapacité de modéliser certaines expériences subjectives et leur vécu. Pour citer Chalmers: “Is undeniable that some organisms are subjects of experience. But the question of how it is that these systems are subjects of experience is perplexing. Why is it that when our cognitive systems engage in visual and auditory information-processing, we have visual or auditory experience: the quality of deep blue, the sensation of middle C? How can we explain why there is something it is like to entertain a mental image, or to experience an emotion? It is widely agreed that experience arises from a physical basis, but we have no good explanation of why and how it arises. Why should physical processing give rise to a rich inner life at all? It seems objectively unreasonable that it should, and yet it does.”(Chalmers p.3) Son argumentation va plus loin, en donnant l’exemple de la perception visuelle. Il décrit comment les formes d’ondes électromagnétiques empiétant sur la rétine, sont discriminées et catégorisées par un système visuel pour que cette catégorisation est vécue comme la sensation de vif rouge. Ensuite, il montre comment l’expérience consciente qui survient lorsque ces fonctions sont exécutées, est difficile à expliquer et vérifier - correspondant à ce que la communauté philosophique a défini comme une sorte de “lacune explicative entre les fonctions et l’expérience”. Il propose que les théories sur la conscience traitent l’expérience comme partie intégrante: “I suggest that a theory of consciousness should take experience as fundamental. We know that a theory of consciousness requires the addition of something fundamental to our ontology, as everything in physical theory is compatible with the absence of consciousness. We might add some entirely new nonphysical feature, from which experience can be derived, but it is hard to see what such a feature would be like. More likely, we will take experience itself as a fundamental feature of the world, alongside mass, charge, and space-time.”(Chalmers p.14) En anglais le terme de conscience permet une déclinaison en deux instances, celle de conscience comme vécu expérientiel et celui d’awareness ou forme de réceptivité caractérisé par le principe de la cohérence: “Various specific hypotheses have been put forward. For example, Crick and Koch (1990) suggest that 40-Hz oscillations may be the neural correlate of consciousness, whereas Libet (1993) suggests that temporally-extended neural activity is central.If we accept the principle of coherence, the most direct physical correlate of consciousness is awareness: the process whereby information is made directly available for global control. The different specific hypotheses can be interpreted as empirical suggestions about how awareness might be achieved. For example, Crick and Koch suggest that 40-Hz oscillations are the gateway by which information is integrated into working memory and thereby made available to later processes. Similarly, it is natural to suppose that Libet’s temporally extended activity is relevant precisely because only that sort of activity achieves global availability.” Pareil au Chalmers, Block croit que nous pouvons avoir des expériences conscientes qui ne sont pas traduisibles par des algorithmes de calcul. Un exemple de conscience phénoménale discuté par Block est un bruit fort que nous ne remarquons pas consciemment parce que nous faisons attention à autre chose. Dans sa classification, le fait d’entendre le bruit (puisque nous ne pouvons pas couvrir notre oreille comme la paupière) relève de la conscience phénoménale alors que le fait de ne pas s’en rendre compte relève de la conscience d’accès. Cela suggère que ce type de conscience phénoménale décrite par Block, est basée sur une activité cérébrale classifiée comme inconsciente donc difficilement modélisable par des algorithmes de calcul. Le rôle de l’introspection L’introspection peut nous permettre d’être conscients des processus mentaux qui semblent avoir une séquence linéaire comme la production de la parole ou des lignes de raisonnement. Elle agit également lors des actes artistiques. Pendant la phase de création, un artiste sonde son imaginaire pour clarifier ses intuitions. Lorsque nous faisons référence à l’exemple de Block, c’est intéressant de mentionner un possible scénario où la personne aurait prêté attention au bruit auparavant ignoré, comme un type d’expérience subjective, à la limite de la conscience d’accès, pour ensuite déterminer à partir de quand le bruit est devenu conscient. Cette introspection liée à un stimulus extérieur, trouve son équivalent dans l’acte d’introspection de l’artiste qui veut mieux comprendre sa démarche. La distinction de Block entre conscience phénoménale et conscience d’accès a des implications importantes pour les neuroscientifiques et les informaticiens qui cherchent à modéliser une conscience artificielle dans des dispositifs tels les robots. Mais une fois cette intention exprimée, comment pouvons-nous savoir si l’algorithme a produit une conscience semblable à celle de l’homme? Dans la même mesure, produire ces expériences subjectives de la conscience phénoménale dans des robots implique des considérations éthiques. Heureusement le moyen pour doter rationnellement les machines de nos expériences personnelles, parfois irrationnelles, n’est pas encore à notre portée. Selon les avancées des sciences cela pourra se faire par des mécanismes non informatiques. Même si la communauté scientifique est divisée et de nombreux neuro-biologistes et informaticiens estiment que les philosophes sont trop pessimistes quant aux capacités des algorithmes à modéliser la conscience humaine, il est important de comprendre nos motivations et intentions face à cela. Peu importe ce que nous identifions comme processus physiques qui génèrent la conscience, tant que nous ne pouvons pas comprendre comment ils se manifestent dans chaque individualité nous ne comprendrons pas leur impacte une fois réalisée. Mais une fois cela fait, il reste toujours un problème de vérification car en construisant des machines qui fonctionnent comme nous, nous n’avons aucun moyen de savoir si le rendu biologique suffit pour une expérience intérieure interne. En d’autre termes, comment pouvons-nous savoir si un robot a une conscience phénoménale alors que notre moyen actuel pour déterminer cela dans les humains passe par le vécu expérientiel? D’autres philosophes tels Thomas Nagel affirment qu’il est impossible de déterminer les points communs entre une expérience directe, évoquée à la première personne et les descriptions à la troisième personne des expériences passées qui forment à leur tour des modèles. Dans son article "What Is It Like to Be a Bat?" (1974) traduit en français par “ Qu’est-ce que cela veut dire d’être un chauve-souri?”, le philosophe décrit la conscience comme un phénomène partagé par beaucoup des organismes vivants (notamment les mammifères dont le chauve-souris), dans le même temps faisant une distinction entre conscience et perception sensorielle. Pour lui, ce que tous les organismes partagent, c’est ce qu’il appelle le « caractère subjectif de l’expérience ». Cette nature subjective bloque toute tentative d’expliquer la conscience par des moyens objectifs comme les neurosciences ou la robotique. L’auteur a choisi la métaphore des chauves-souris en raison de leur appareil sensoriel originel. En effet, les chauves-souris utilisent l’écholocalisation pour naviguer et percevoir des objets, cette méthode de perception étant similaire à la vision des humains. L’auteur affirme que les humains dotés de sens similaires ne peuvent pas cependant expérimenter l’état d’esprit d’une chauve-souris, puisque leur cerveau ne s’est pas développé comme celui d’une chauve-souris dès sa naissance. En échange des comportements de type voler, naviguer en sonar ou se suspendre à l’envers comme une chauve-souris, faciliteront des expériences similaires à ce qu’une chauve-souris peut vivre. Cette hypothèse est évoqué avec des autres mots par Penny qui mentionne l’origine du concept de spécificité des capacités sensorielles, dans son chapitre “The biology of cognition”. Ainsi Penny mentionne le travail du biologiste Jacob Von Uexkull, au début du XXe siècle : “Von Uexkull argued that the experiential world of a creature is specific to that species, given to it by virtue of its particular suite of sensorimotor capabilities. He called this the creature’s umwelt, which we might translate as life-world or experience-world. Put simply, in sensory experience, there is no objective world "out there." By this logic, mind and world are simultaneously cocreated. (...)Different species do not share umwelts, even if they happen to be physi­cally colocated. Umwelts may intersect, like Venn diagrams, in which case different species can identify similar things. Creatures may cohabit the same "place" and be unaware of each other because their umwelts do not inter­sect, due to differences of scale, sensory capability, and so on. Some animals construct their umwelts via senses others do not have—such as the infra­red sensing of some snakes, the echolocation of bats, the electro-sensing of platypus and some weakly electric fish, and the magneto-sensing of the hammerhead shark.” (penny making sense p. 17 Ainsi selon les capacités sensorielles de chacun, il est possible d’avoir une conscience phénoménale et d’accéder à la conscience d’accès indépendamment, bien qu’en général, les deux interagissent. Le papier (citer friston p. 195) liste également les propriétés de la conscience: avoir un contenu phénoménal spécifique, être en contact direct avec la réalité et pas ses représentations, être instantanée. La conscience dévient alors un aspect direct et privé de la vie mentale de chacun, puisque cela nous est impossible de faire l’expérience d’une autre conscience que la nôtre. Nous pouvons faire cependant l’expérience d’une subjectivité, en écoutant le ressenti d’une autre personne. Dans son article, “Consciousness: The last 50 years.” le neuroscientifique Anil K. Seth souligne le caractère interdisciplinaire des études sur la conscience et la volonté de tisser des ponts entre les expériences phénoménologiques et le fonctionnement neuronal. Pour lui, l’expérience phénoménologique ne peut pas exister sans l’ancrage du corps dans son environnement - en anglais “ an environment embedded embodiment processes”. Seth trace l’histoire des études sur la conscience , en tant que phénomène neurologique identifiant une première étape entre 1960 et 1990. Ainsi, après un intérêt particulier pour des études comportementales, les scientifiques mettent les bases d’une nouvelle science cognitive. Cette science atteste l’existence d’un état mental interne qui fait la médiation entre réponse et stimulation et qui fait beaucoup de polémique à son époque. Seth cite entre autres le psychologue Stuart Sutherland qui affirmait en 1989 : “Consciousness is a fascinating but elusive phenomenon. It is impossible to specify what it is, what it does, or why it evolved. Nothing worth reading has been written on it. “ Tandis que des autres chercheurs qu’il cite, se heurtent aux limites de leurs recherches respectives quant à l’unité de la conscience. Il note la contribution de Michael Gazzaniga sur le fait que possiblement la conscience se manifeste à travers plusieurs processus selon les hémisphères cérébraux (alternant des processus cognitifs entre l’hémisphère droit et gauche). Aussi celle de Benjamin Libert qui fait des expériences en lien avec le libre arbitre et les mouvements volontaires. La deuxième étape dans l’évolution des études sur la conscience commence dans les années 1990 jusqu’au moment présent. Cette période est marqué par les études de Christoph Koch dont le papier “Towards a neurobiological theory of consciousness” inspirent la voie de ce qu’aujourd’hui s’appelle “the hard problem of consciousness” ou la simulation neurobiologique de la conscience comme processus purement physiologique. Seth mentionne également Karl Friston dont le principe d’énergie libre (Free Energy Principle- FEP) renforce l’hypothèse que la perception est influencée par l’action, au niveau neuronal. Devenu entre-temps principe normatif qui décrit les systèmes adaptatifs capables d’auto-organisation, le FEP est sujet à des nombreux débats dans la communauté scientifique, notamment en lien avec le concept de représentation ou modification interne propre aux organismes vivants (cite pezzulo et sims) . Relation conscience-action Dans le chapitre “What’s the use of consciousness” du livre The Pragmatic Turn Toward Action-Oriented Views in Cognitive Science, résultat d’une semaine de débats entre neurologues, psychologues et philosophes, Anil Seth décrit une nouvelle approche dans les sciences cognitives qui vise le rôle de l’action dans les processus cognitives et implicitement la conscience. A l’opposé des représentations internes suite au calcul mental, l’action favorise une vision énactée (enacted), ancrée (embedded) et incorporée (embodied) de systèmes cognitifs. Pour Seth, cela marque une tournure pragmatique dans l’évolution de ces sciences et leur vécu expérientiel associé. Avec ses collègues, ils établissent quatre approche théoriques clé, pour mieux définir leur cadre: 1/ le cerveau Baesyian (Baesyian brain) - cette approche définit la perception comme un processus d’inférence des signaux sensorielles; elle définit aussi le rôle des erreurs comme moyen d’affiner cette inférence 2/ la contingence sensori-motrice (sensorimotor contingency- SMC)- pour cette approche, la perception est une capacité d’engagement dans l’environnement qui s’améliore avec le temps 3/ le système de control adaptatif-distributif(distributed adaptive control- DAC)- envisage le cerveau comme outil incorporé en relation avec l’environnement 4/ l’autonomie énactée est un principe qui stipule l’importance de l’autonomie et de l’auto-organisation pour la cognition, en lien avec le travail du neurologue Francesco Varela. Une de leurs questions principales est “Comment l’action structure la conscience et qu’est ce que détermine la cognition de l’action?”(cite page 262) Schema of theoretical frameworks qui ont servi comme discussions pour la relation action-conscience. P 266 Frist La boucle perception-action-cognition Toujours dans le même chapitre, les chercheurs Chris D. Frith et Thomas Metzinger partent de l’idée que la conscience en tant qu’expérience subjective, influence certains comportements. Ainsi ils abordent la question de la conscience du point de vue de la théorie de l’évolution, en précisant que sa présence, détectée chez certains animaux et humains, implique un “certain avantage évolutif”. Ils identifient la relation perception-action-cognition comme cadre d’exploration pour les expériences subjectives: “conscious experience could then be a single, generative model of reality including a mode of the self as currently acting, perceiving, and thinking.” (friston, p.194) Dans le monde des machines, les résultats les plus concluants pour illustrer des processus mentaux sont dans le domaine de l’intelligence artificielle. Avant de comprendre ce qu’est la conscience artificielle, nous nous appuyons sur les résultats et les problématiques propres à ce domaine. Homéostasie physiologique, IA et autopoièse Le philosophe et psychologue Zoltan Torey, décrit dans son livre “The crucible of consciousness” la difficulté des scientifiques d’argumenter l’existence de la conscience, au-delà du formalisme mathématico-logique. Pour lui le formalisme est seulement une spécification des opérations et transactions neuronales dans le cerveau. Ces opérations deviennent des instances de protocoles pour des machines. Mais, comme le remarque Roger Penrose, que Torey cite: “Algorithms themselves never ascertain truths. It would be as easy to make an algorithm produce nothing but falsehood as it would be to make it produce truths. One needs external insights to decide the validity or otherwise of an algorithm.” Ces “discriminants externes” sont pour Torey, la preuve même que les systèmes gouvernés par ce formalisme sont incomplets. De plus, il extrapole sa démonstration à tout système formel- mathématique, logique ou philosophie analytique, en précisant que le cerveau qui a généré ces formalismes par des opérations mentales ne peut pas être modélisé par un ordinateur- puisque que cet ordinateur ne génère pas des autres systemes à son tour. Cela rejoint, au moins en partie, la visions de Michel Bitbol pour qui l’expérience phénoménologique de la conscience ne peut pas être vérifié par des critères: “ nous n’avons rigoureusement aucun critère nous permettant de savoir, ni même de deviner, qu’un artéfact fabriqué par nous est ou n’est pas doté de conscience phénoménale. Il est vrai que nous pourrions tomber dessus par hasard, et mettre en place les conditions d’une conscience phénoménale sans le faire exprès; mais dans ce cas, nul signe, pas le plus petit indice, ne nous permettrait de savoir que nous avons réussi (ou de savoir le contraire). C’est ce que signale à juste titre le neurobiologiste Jesse Prinz : « À quel degré de proximité avec le cerveau humain un ordinateur doit-il parvenir, avant que nous puissions dire qu’il est probablement conscient ? Il n’y a aucune manière de répondre à cette question. »” La conscience artificielle : Une critique pensée et vécue. Michel Bitbol Archives Husserl, France Chroniques Phénoménologiques, 2018 Pour aller plus loin, des chercheurs (citer art multitudes) sintérrogent sur la façon dont notre société s’est emparé du phénomène de l’intelligence artificielle, notamment sa branche connexionniste avec ses prédictions calculées et des ouvriers à la tâche qui nourrissent des algorithmes de machine learning. Puisque cela se répercute dans toutes les domaines de nos vies, ils prônent une culture critique de l’IA, et les biais statistiques que cela engendre, en prenant conscience du fait que “nous sommes les sens et la conscience des machines”. Ainsi la perspective d’une “weak AI” (où les programmes simulent et modélisent la pensée humaine), prédomine celle de “strong AI”(où les programmes “pensent” par elles-mêmes). De la même manière, le neurologue Stanislas Dehaene considère que les processus inconscients, sont la preuve que la conscience ne peut-pas être modélisée: “We cannot be conscious of what we are not conscious of”. This truism has deep consequences. Because we are blind to our unconscious processes, we tend to underestimate their role in our mental life. However, cognitive neuroscientists developed various means of presenting images or sounds without inducing any conscious experience and then used behavioral and brain imaging to probe their processing depth(...) Subliminal digits, words, faces, or objects can be invariantly recognized and influence motor, semantic, and decision levels of processing. Neuroimaging methods reveal that the vast majority of brain areas can be activated nonconsciously.” What is consciousness, and could machines have it? Stanislas Dehaene, Lau H, Kouider S, revue Science, 2017 Pour mieux illustrer le concept d’intelligence artificielle, nous faisons référence aux raisonnements de la philosophe Catherine Malabou. Pour elle, il s’agit d’une relation de coopération entre humain et machine: “J’ai refusé dès le début de me placer dans l’optique d’une compétition entre homme et machine. C’est la façon de voir la plus courante, je la laisse à d’autres et préfère tenter d’ouvrir une autre voie. En effet, choisir la compétition, c’est perdre à tous les coups. Car la mise en concurrence homme/machine est un faux problème. Pour de multiples raisons. J’en évoquerai une seule ici. Croire qu’il existe une réalité humaine intacte de toute aliénation technologique est une illusion qui s’effondre facilement dès que l’on prend en compte le fait que le cerveau humain – parlons de lui puisque c’est bien de lui qu’il s’agit – s’est développé épigénétiquement dans son interaction avec les artefacts. Leroi-Gourhan l’explique magnifiquement. Du silex à la cybernétique, le mécanisme de l’interaction est le même. Notre cerveau ne peut fonctionner qu’à se mettre au dehors, à prolonger son système par des prothèses (cf. « l’exorganologie » de Bernard Stiegler), au point qu’il est impossible de faire la part, dans l’évolution cérébrale des hommes depuis la préhistoire, entre nature et technique. Un cerveau qui ne serait pas prolongé par des artifices serait un cerveau mort.” Malabou souligne la distinction entre le concept philosophique d’intellect et celui d’intelligence, dont l’apparition est plutôt liée au Bergson et au développement de la psychologie expérimentale en fin de XIXe siècle. Elle défend un point de vue matérialiste selon lequel: “l’esprit, l’entendement, disons toutes les fonctions intellectuelles, comme on voudra les appeler, sont étroitement dépendantes des bases matérielles et organiques sur lesquelles elles reposent. Ayant beaucoup travaillé sur le cerveau, je suis convaincue qu’il n’existe pas de lieu séparé qui abriterait les opérations mentales et cognitives, elles dérivent toutes de processus neuronaux. Il est donc impossible de ne pas associer intelligence et cerveau.” Cependant, réduire l’intelligence humaine a du calcul mathématique et des termes quantitatifs, n’a pas de sens pour elle, sauf si ce calcul invente les concepts sur lesquels il résonne. Plus spécifiquement, elle propose comme définition minima de l’intelligence “l’invention de son objet”. Dans un entretien avec Catherine Malabou, le cinéaste Ariel Kyrou cite le livre “Cerveau augmenté, homme diminué” du philosophe Miguel Benasayag pour qui « la pensée n’est pas déposée dans les réseaux de neurones comme un software figé installé dans le hardware. Elle est distribuée dans le corps et dans le milieu, dans l’échange entre l’un et l’autre, ainsi que dans l’histoire – s’inscrivant ainsi dans une évolution complexe qui n’a aucun rapport avec celle des versions successives de logiciels enrichis de nouvelles lignes de code informatique (2.0, 2.1, 2.12, etc.). » Pour Kyrou l’aboutissement de tout cela sera une IA qui arrive par elle-même à définir son sujet de recherche. Puis il évoque ce qu’il identifie comme différences entre sa pensée et celle de Malabou, notamment du point de vue des conséquences que les avancées de la recherche en IA apporteront. Il évoque également ce qu’ils partagent comme opinions autour de trois axes: “la façon dont les « techniques », du silex à l’écriture et dorénavant au monde numérique, contribuent à fabriquer et à faire évoluer notre cerveau, comme l’ont montré l’archéologue et ethnologue André Leroi-Gourhan et sur un registre philosophique selon moi déterminant Bernard Stiegler ; la nécessité d’éviter tout réductionnisme, d’où qu’il vienne, qu’il se veuille scientifique, psychologique ou philosophique ; et enfin l’importance cruciale de laisser grandes ouvertes les portes du futur, c’est-à-dire de ne jamais réduire l’avenir à une voie unique, qui serait connue d’avance des « sachant » de toutes obédiences.”(citer Kyrou) La perspective théorique que dans un futur plus ou moins lointain, un autre type d’intelligence- plurielle, imprévisible et complémentaire à l’intelligence humaine- verra le jour. Ainsi l’intelligence artificielle connexionniste transpose le modèle des réseaux de neurones et leur façon de traiter l’information basée sur des calculs à des machines, tandis que l’intelligence artificielle symbolique traite cette information par la manipulation de symboles en explorant des données massives sur le comportement humain. Hémisphère droite comme symbole de la créativité Hémisphère gauche comme symbole de la pensée analytique 2.1.2 Embodiment. Body schema vs. Body image Le début des années 1990 est marqué par la publication de plusieurs ouvrages comme celles de Brooks, Dreyfus et Varela, Thompson \& Rosch. Plusieurs de ces ouvrages mentionnent le terme de cognition incarnée- Embodied Cognition qui englobe des notions en sciences cognitives, informatique et phénoménologie mais aussi linguistique et mysticisme oriental parmi autres. TRente ans plus tard, l’artiste et chercheur Simon Penny va plus loin dans l’appréhension du phénomène de la conscience en le liant à celui de la cognition: “Cognition is held not to occur (exclusively) in the head or necessarily in some immaterial space of logical manipulation of symbolic tokens. These approaches propose, in different ways, that cognition is embodied; integrated with non-neural bodily tissues; or extends into artifacts, the designed environment,social systems, and cultural networks (...) We cannot meaningfully speak of intelligence as occurring exclusively inside the skull, connecting to the body and the world via mechanistic sensors and effectors. On the contrary, cognition is biologically material and embodied, and discussing it outside such contexts is of dubious value. Furthermore, cognition is dynamic; it occurs as a temporally ongoing relational engagement with architectures, artifacts, tools, language, human (and interspecies) relationships, and social systems. (...) The computer is a machine for manipulating symbols. The world is not symbols; we turn the world into symbols for the computer. Humans are the analog to digital interface between the world and the internet. The world remains outside the computer and outside the symbolic, but under the hegemony of the digital, the conflation of the products of computing with the world, bizarrely, goes unremarked.” Simon Penny in Making Sense: Cognition, Computing, Art, and Embodiment (2019) How the body shapes the mind Dans son livre, Gallagher présente le rôle du schéma corporel dans une gamme de fonctions cognitives perceptives, parmi lesquelles la différenciation de soi et des autres. “In the beginning, that is, at the time of our birth, our human capacities for perception and behavior have already been shaped by our movement. Prenatal bodily movement has already been organized along the lines of our own human shape, in proprioceptive and cross-modal registrations, in ways that provide a capacity for experiencing a basic distinction between our own embodied existence and everything else. As a result, when we first open our eyes, not only can we see but also our vision, imperfect as it is, is already attuned to those shapes that resemble our own shape. More precisely and quite literally, we can see our own possibilities in the faces of others. The infant, minutes after birth, is capable of imitating the gesture that it sees on the face of another person. It is thus capable of a certain kind of movement that foreshadows intentional action, and that propels it into a human world. “ (p.1) Dans son livre “How the body shapes the mind”, le philosophe Shaun Gallagher avance l’idée que la compréhension scientifique et phénoménologique du corps est essentielle pour comprendre des phénomènes tels que la conscience ou la cognition. Son approche vise à développer un vocabulaire commun inspiré par “les processus cérébraux en neurosciences, les expressions comportementales en psychologie, les préoccupations de conception en intelligence artificielle et en robotique, et les débats sur l’expérience incarnée dans la phénoménologie et la philosophie de l’esprit”. Entre outre, son livre traite des phénomènes tels l’apprentissage de nouveau-nés par l’imitation, la conscience de soi, le libre arbitre, la cognition sociale et l’intersubjectivité, la perception intermodale pour en citer quelques-unes des thématiques abordées. Gallagher aborde ces sujets au travers des concepts comme l’’image corporelle et le schéma corporel, la proprioception et la théorie de l’enactivisme. Une de ses hypothèses est la théorie de l’ancrage physique ou the physical grounding hypothesis (PGH) en anglais. Cette théorie stipule que le contenu et le fonctionnement de l’esprit sont fondés sur les propriétés physiques et l’expérience incarnée de l’agent. Loin de promouvoir l’influence du physique sur le mental, Gallagher souligne la complexité des facteurs impliquées dans toute explication adéquate de la cognition. Plus loin, le chercheur décrit le concept de schéma corporel et sa différence par rapport à l’image corporelle. Ainsi dans son acceptation le schéma corporel est un système de capacités sensori-motrices, englobant tous les aspects non-conscients du contrôle moteur, y compris les processus sous-corticaux, pré-moteurs et moteurs dans le cerveau. Il mentionne également les systèmes d’information nécessaires au bon fonctionnement de ces processus. Il distingue le concept de schéma corporel de celui d’’image corporelle vu comme résultat des expériences perceptives du corps. Gallagher distingue les différences entre les deux termes au niveau conceptuel, mais aussi au niveau empirique donnant l’exemple d’un patient qui dans un état de négligence ne se préoccupe de son image de soi pour se laver ou s’habiller. Cependant ses capacités motrices telles que la marche ou les tâches bimanuelles telles restent intactes et il les exerce. Cela montre que même si l’image corporelle est altérée ou endommagée, le schéma corporel reste intact. De même, les sujets qui ont perdu un membre ont la capacité de le ressentir (citer the limb phanom theory). Plus loin, Gallagher illustre le cas des malformations congénitales, où le membre fantôme est signalé quelques années après la naissance, d’habitude après une intervention chirurgicale, un accident ou un autre événement corporel important. Ainsi la probabilité qu’un schéma corporel ou une image corporelles soient innés, est très réduite. Dans les cas de membres fantômes, des informations contradictoires entre la proprioception (qui pourrait indiquer la présence d’un membre) et la vision (qui l’infirme) se basent sur la vision. 2.1.3 Théories sur l’enaction Les paradigmes sur l’énaction (enactive theory) ont émergé avec la publication du livre The Embodied Mind que nous avons déjà mentionné plus haut. Cette théorie stipule que les expériences perceptives ne sont pas des événements internes dans notre tête, mais plutôt des actions que nous produisons à travers notre exploration sensorimotrice de l’ environnement. Dernièrement les sciences cognitives se sont orientées vers l’autonomie biologique et la subjectivité comme concepts clés de la cognition incarnée (cite Ziemke AI). 2.1.4 Anthropomorphism. Animacy and animacy Pourquoi l’intelligence a besoin d’un corps ? Dans leur livre “How the body shapes the way we think, Rolf Pfeifer et Josh Bongard soulignent l’importance de la morphologie du corps et ainsi de l’embodiment sur l’intelligence d’un système. Leur point de départ est le fonctionnement humain qu’ils extrapolent aux machines, avec l’idée que pour être intelligent, nous avons besoin d’un corps physiques: “One of the most elementary capacities of any creature is categorization: the ability to make distinctions in the real world. If we cannot distinguish food from nonfood, dangerous from safe objects and situations, our parents from other people, or our home from the rest of the world, we are not going to survive for very long. Likewise, robots incapable of making basic distinctions, e.g., a household robot that cannot distinguish garbage from antiques, a vacuum cleaner from a dishwasher, or pets from babies will not be very useful. We will attempt to demonstrate that the formation of such categories is very directly determined by our embodiment, i.e., our morphology and the material properties of our body. Morphology includes the shape of the body, the kinds of limbs and where they are attached, the kinds of sensors (eyes, ears, nose, skin for touch and temperature, mouth for taste) and where on the body they are found. By material properties we mean, for example, the deformability of the fingertips and of the skin, or the elasticity of the muscle-tendon system. When interacting with the real world, the body is stimulated in very particular ways, and this stimulation provides, in a sense, the raw material for the brain to work with. As we will see later, this raw material can be used to create categories—cups, apples, pets, people—that describe the environment in a natural way.” (How the body, p.2) Indépendamment des multiples perspectives et définitions impliquées dans le concept d’ intelligence, ce que Pfeifer et Bongard considèrent intuitivement comme intelligent est investi par deux caractéristiques: la capacité d’adaptation et la diversité. Plus concrètement, les agents intelligents se conforment toujours aux exigences physiques et les règles sociales de leur environnement, et exploiter ces règles pour produire différents comportements selon le contexte: “All animals, humans, and robots have to comply with the fact that there is gravity and friction, and that locomotion requires energy: there is simply no way out of it. But adapting to these constraints and exploiting them in particular ways opens up the possibility of walking, running, drinking from a cup, putting dishes on a table, playing soccer, or riding a bicycle. Diversity means that the agent can perform many different types of behavior so that he—or she or it—can react appropriately to a given situation. An agent that only walks, or only plays chess, or only runs is intuitively considered less intelligent than one that can also build toy cars out of a Lego kit, pour beer into a glass, and give a lecture in front of a critical audience. Learning, which is mentioned in many definitions of intelligence, is a powerful means for increasing behavioral diversity over time.” (Rolf Pfeifer et Josh Bongard p.16) Le libre arbitre vs “the readiness potential” Pour aller plus loin et illustrer leur point de vue sur la dualité corps-esprit, ils citent l’expérience du neurologue Benjamin Libet qui, avec ses collègues, investigue les phénomènes qui opérant dans le cerveau au moment où une action intentionnelle a lieu. Plus spécifiquement, l’expérience demande aux participants de bouger leur doigt spontanément, quand ils veulent. En parallèle, ils regardent une horloge avec un point de lumière tournant, afin d’indiquer l’endroit où est le point sur l’horloge lorsqu’ils prennent leur décision consciente de vouloir exécuter un mouvement de doigt. Pendant ces instructions, Liebt et son équipe analysent l’activité cérébrale avec des capteurs d’électroencéphalographie (EEG) et mesurent le mouvement réel des doigts avec des capteurs électromyographiques (EMG). Leurs résultats prouvent que le début de l’activité cérébrale commence plus d’une demi-seconde avant le mouvement réel des doigts et plus de 300 ms avant que les sujets ne prennent conscience qu’ils veulent bouger leur doigt. Ils définissent alors le facteur de “readiness potential” (potentiel de préparation) - pour illustrer le fait que la volonté consciente de bouger le doigt se produit un intervalle significatif après le début de l’activité cérébrale pertinente. Cette expérience démontre que le concept de libre arbitre est plus complexe à définir que ce que nous entendons par “décisions consciente” et influe sur les débats actuels concernant l’intelligence artificielle. Si 40 ans après cette expérience, il nous est toujours difficile de modéliser le facteur de “readiness potential” , rendre des robots capables de prendre des décisions “conscientes” reste un défi. Cependant cela n’empêche pas la communauté scientifique d’imaginer d’ autres pistes d’exploration et hypothèses de recherche. Une de ces pistes réside dans l’importance de l’interaction avec l’environnement. Si un agent ou un système à un corps physique (is embedded), il est soumis aux lois de la physique qui impliquent de s’habituer à la gravité et aux forces de friction, ainsi qu’à l’approvisionnement en énergie pour survivre. Ainsi cela pose de nouveaux défis pour ce qu’il y a de capacité d’adaptation et des multiples négociations entre les calculs internes et des actions directes: “the real importance of embodiment comes from the interaction between physical processes and what we might want to call information processes. In biological agents, this concerns the relation between physical actions and neural processing—or, to put it somewhat casually, between the body and the brain. The equivalent in a robot would be the relation between the robot’s actions and its control program.” (Rolf Pfeifer et Josh Bongard p.18) Pour illustrer cela, ils font une comparaison entre l’action d’attraper un verre par un humain et par un robot. Si pour l’humain, le tissu de ses bout des doigts s’adapte à la forme du verre, le calcul de forces à appliquer se fait en conséquence. Cependant pour une main de robot le tissu est rigide, il n’y a pas cette possibilité d’adaptation et plus souvent le verre se casse car la force appliquée n’est pas la bonne. Ainsi ils argumentent l’hypothèse que l’intelligence humaine est distribuée dans tout le corps, et pas que dans le cerveau. Concernant la capacité de robots d’entreprendre des actions, traduit ici comme détermination de l’anglais agency, Ziemke affirme: “The idea behind this approach can be summarized by the slogan that ‘perceiving is a way of acting’; or more precisely, “what we perceive is determined by what we do (or what we know how to do)” . In other words, it is claimed that perception is a skillful mode of exploration of the environment which draws on an implicit understanding of sensorimotor regularities, that is, perception is constituted by a kind of bodily know-how. In general, the sensorimotor account emphasizes the importance of action in perception. The capacity for action is not only needed in order to make use of sensorimotor skills, it is also a necessary condition for the acquisition of such skills since “only through self -movement can one test and so learn the relevant patterns of sensorimotor dependence” . Accordingly, for perception to be constituted it is not sufficient for a system to simply undergo an interaction with its environment, since the exercise of a skill requires an intention and an agent (not necessarily a ‘homunculus’) that does the intending. In other words, the dynamic sensorimotor approach needs a notion of selfhood or agency which is the locus of intentional action in the world.” (Ziemke IA p. 473) Pour continuer cette idée, le chercheur se demande si les boucles sensorimotrices disposent des moyens conceptuels pour distinguer les actions intentionnelles d’un agent autonome des mouvements accidentels . 2.2 L’Effet du mouvement et du toucher sur l’acceptation des robots Qu’il s’agisse d’un objet mobile avec une source d’énergie, programmé pour « sentir » et « interagir » avec son environnement (cite A. Mayor, Gods and robots: myths, machines) ou d’un agent capable de percevoir son environnement par des capteurs et agissant sur cet environnement par l’intermédiaire d’effecteurs (selon la définition de Russell et Norvig dans leur sur papier l’intelligence artificielle citée par Pfeifer et Bongard), les robots ont fait immersion dans notre réalité depuis quelques décennies déjà. Indépendamment du fait qu’ils exécutent du travail utile pour les humains comme imaginé initialement par l’écrivain tcheque qui a donné leur nom (cite kopek), leur place dans notre société est désormais acquise. Cependant, nous attendons de ces robots qu’ils fassent précisément ce que nous voulons qu’ils fassent, avec l’espoir qu’un jour ils seront capables de nous surprendre en proposant des idées ou des comportements inattendus par eux-mêmes. 2.2.1 La robotique basée sur le comportement. Behavior-based robotics (BBR) La robotique basée sur le comportement s’inspire des systèmes biologiques et souvent du monde animal (comportement des insectes) pour construire des dispositifs réactifs à l’environnement. Un des caractéristiques les plus importantes de cette discipline est l’adaptabilité des systèmes qui en font partie. Ainsi, les robots basés sur le comportement (BBR) sont moins dotés avec de la puissance de calcul pour réaliser des des actions et leur comportement émerge des interactions qu’ils ont avec l’environnement. Le type d’intelligence artificielle qui opère dans ces systèmes est inspiré par la branche faible de l’AI. Leur programmation contient un set de base de comportements spécifiques, selon l’environnement où ils opèrent et les problèmes qu’ils doivent résoudre. Quand un comportement n’est pas adapté à un contexte particulier, ils s’appuient sur des erreurs pour améliorer leur modèle interne. Le fondateur de cette discipline est Rodney Brooks, qui par ses expérimentations au Massachusetts Institute of Technology, dans les années 1980, a mis les bases de la robotique basée sur le comportement. Ses premiers robots, construits à roues et à pattes, ont été construits suite à ses observations des comportements anthropomorphiques - éviter un obstacle, s’approcher d’une source de lumière, chercher à économiser sa batterie lors de longs trajets etc. Une des influences de Brooks est le travail de neurophysiologiste et pionnier de la robotique W. Gray Walter. Fin des années 1940, Gray Walter a développé un certain nombre de robots simples basés sur des comportements ressemblant à des animaux. Ces prototypes de robots ont aidé Gray Walter à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau des animaux, par des modèles simples de leurs opérations de base. Les plus connus sont Elmer et Elsie (abréviation de ELectro MEchanical Robots, Light Sensitive), recouverts d’une coque en plastique transparent similaire aux tortues. Enfant, Brooks a lu son livre- The Living Brain, pour ensuite construire ses propres prototypes. Connu pour sa critique de l’IA symbolique, Brooks voit la logique et le raisonnement comme des processus mentaux propres aux humains. Au lieu de se focaliser sur le traitement des symboles, les représentations internes et la cognition, il propose de construire des modèles basés sur l’interaction avec le monde réel. Ces modèles ont inspiré les théories sur l’incorporation (embodiment) et l ’intelligence incarnée. Schema distributed intelligence Brooks; À leur tour, ces théories ont donné suite à des innovations dans le domaine de l’intelligence artificielle au cours des trois dernières décennies. Selon (cite Ziemke), l’approche de l’intelligence incarnée (embodied AI) s’est imposée comme une méthodologie fiable pour comprendre la cognition et ainsi résoudre les problèmes fondamentaux et paradoxes de l’IA traditionnelle tels The Chinese Room Argument mentionné plus haut. 2.2.2 Cognitive developmental robotics “Ce processus de reconnaissance de soi est de plus en plus étudié en robotique pour mimer le développement des capacités motrices et d’interaction sociale chez l’enfant. Mais de telles corrélations statistiques entre ce qui est perçu par les caméras du robot et ses ordres moteurs peuvent être calculées sans une quelconque notion de conscience de soi. Ici, la mesure du degré d’information intégrée dans le programme informatique du robot apporterait une réponse quantitative et précise sur le degré de conscience attendu en lien avec un tel processus.” prof. Raja Chatila, ISIR et le test du miroir, 2016 Prof. Asada supervise également des études sur le développement de l’empathie artificielle et le rôle de la “contagion émotionnelle” dans la mimique motrice. Il implémente des processus de cognition que les bébés développent dans leurs premiers mois, à des robots artificiels. L’évolution corporelle et la croissance des humains est pour lui un des concepts clé de la robotique cognitive. “Cognitive Developmental Robotics aims at understanding human cognitive developmental process by synthetic or constructive approaches. Its core ideas are "physical embodiment" and "social interaction" that enable information structuring through interactions with the environment, including other agents.” prof. Minoru Asada, SISReCPost-cognitivisme 2.2.3 Artificial emotions and sociable robots 2.2.4 Symmetry and synchrony Le rôle du mouvement sur la conscience de soi Le chercheur Tom Ziemke, professeur en cognitive system spécialiste dans la recherche de formes incarnées de conscience ou embodied cognition parle de la relation entre l’IA incarnée dans des dispositifs physiques et la biologie synthétique. Selon lui, un programme qui assure une relation entre le robot et son environnement via des capteurs et actionneurs, représente une forme d’IA incarnée. Son travail, inspiré par F.J. Varela, lie l’intelligence à l’état d’ autopoiese comme façon d’organiser la vie. Ziemke se demande si la conscience est essentiellement liée au domaine du vivant, ou si tout système autonome auto-référentiel est capable d’une forme de conscience. \clearpage \section*{Conclusion} Lorem ipsum dolor sit amet, consectetur adipiscing elit. Sed eget erat tortor. Mauris iaculis congue nibh ac sollicitudin. 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